[attachment=0]Gif_4.gif[/attachment]
J'aimerais être en plein cauchemar. Ça serait une véritable bénédiction. Certes, mes cauchemars sont parfois bien pire que la réalité, mais là... là, la réalité est une horreur qui me paralyse de l'intérieur et me fait oublier qui je suis. Qui j'étais. Mon frère est mort. Me répéter cette phrase ne me donne pas plus l'impression qu'elle est vraie, mais je n'arrive pas à ne pas y croire. Pas avec les images qui continue de défiler sous mes yeux. Peut-être aurais-je dû tuer mon père? J'en aurais eu le pouvoir pendant qu'il s'acharnait sur Kie'. Son attention était détournée, il ne m'aurait fallu qu'une petite seconde... qu'une petite seconde pour saisir ma baguette et en finir une bonne fois pour toute avec notre cauchemar ambulant.
Mais j'ai été lâche.
J'ai été pétrifié par une peur lâche et immonde.
Il était mon frère, mon petit frère. J'aurais dû le protéger. Le protéger bien mieux que ça... Cette nuit quand je fermerai les yeux ce ne sera pas seulement lui qui hantera mes rêves, mais aussi le visage barbouillé de larmes d'Ethan. Il n'avait pas besoin de ça, tellement pas besoin de ça. Je voulais le préserver des horreurs, mais j'ai failli. J'ai failli à cette tâche simple qu'est la protection de mes frères. Qu'importe ce qui m'arrive s'ils survivent et que j'emporte notre stupide bourreau avec moi? Sauf que je n'ai pas réussi. Je n'ai pas réussi à être brillante. J'ai échoué et ça me restera à jamais en travers de la gorge.
Je l'affirme avec une voix cassée à ma meilleure amie. Je sais qu'elle me comprendra. Je la connais. Je sais comment elle agit avec son jeune frère et sa soeur. Comme moi, elle est l'aînée de la famille. Comme moi, elle veut les protéger. Mais notre grande différence, c'est qu'elle... elle, elle réussit. Moi j'ai échoué. Elle tente bien de me réconforter et me faire croire que je ne suis pas responsable, mais elle ne sait pas tout. Non, elle ne sait pas tout. Ce n'était pas qu'un simple meurtre. Non... non, ce n'était pas simplement un meurtre. C'était pire. Bien, bien pire. Je souffle entre mes lèvres serrer:
-
C'est faux... J'aurais pu faire quelque chose, j'aurais pu... (Un sanglot étouffe mes propos avant que je ne réussisse à me reprendre)
Ce n'était pas seulement un meurtre, Vic.
C'était un infanticide. Y a-t-il quelque chose de pire que cela? Je n'en ai pas l'impression. Comment cela se pourrait-il? Peut-être ai-je la vision altérée par mes propres expériences. À mes yeux, un parricide ne serait pas si mal. Ce serait une libération pure et simple. Combien de personne me trouverait horrible de le penser? D'y croire entièrement sans même avoir à repenser à ce je dis? Sans doute beaucoup, mais pourquoi m'en préoccuperais-je lorsque le père que j'ai toujours eu n'est ni plus ni moins qu'un monstre? Dans toute l'histoire, il a toujours été question de tuer les monstres. Pas vrai?
Je lève la tête vers Victoire lorsqu'elle reprend. Une soeur en or? Moi? Elle ne dirait pas ça si elle savait tout. Chose qui, bien entendu elle ignore. Elle m'a déjà affirmé être au courant de certaines choses, un peu plus tôt. Et si je lui disais tout? Me regarderait-elle toujours comme elle le fait? Je n'en ai pas l'impression, qui pourrait le faire? Je ne veux pas de la pitié des gens. Je ne veux pas de leur « je suis désolé ». Tout ce que je veux, c'est la paix que je n'ai jamais eue. Sauf que je ne l'aurai pas de sitôt. Pas avec ce qui se passe à Poudlard. Pas tant que mon père respire encore. Ou mon oncle et ma tante. Je ne pense pas qu'ils soient vraiment mieux. Étant l'une des meilleures pour refouler mes émotions et faire croire que tout va bien, je sais reconnaître un sourire teinté d'une certaine fausseté. J'en affiche régulièrement. Le sourire qui dit « tout va bien, je vais bien, ça va toujours bien ». Joshua affichait le même ces dernières années. Malgré tout, il m'a semblé qu'il ne souriait plus autant, cette année et je me doute bien pourquoi. Je me frotte le visage pour en chasser les larmes et je plonge mon regard dans celui de Vic quand je dis:
-
Je mérite ma douleur. Je la mérite. Je ne peux pas... je ne peux pas me soulager. Pas après tout ce qui s'est passé. Pas après tout ce que je n'ai pas fait. J'aurais dû les sortir tous les deux de là bien plus tôt. Tu ne sais vraiment pas tout, Vic. Vraiment pas tout. Si je les avais fait partir bien avant, et avec un meilleur plan... ça ne serait pas arrivé. (J'hésite une seconde, ne sachant pas si je dois poursuivre, mais c'est ma meilleure amie, et le fardeau de se savoir pèse trop lourd.)
Ce n'est pas un inconnu qui a tué mon frère. Ce n'est pas un inconnu qui a tué Kie'. Personne ne s'est infiltré à la maison. Ce n'est pas un simple meurtre qui a eu lieu... (Les larmes inondent mes joues quand je prononce un dernier mot:)
Infanticide.
Je m'essuie rageusement les yeux. Je ne peux pas. Je ne peux pas me permettre de pleurer. Pas ici, pas alors que n'importe qui peut me voir. Non, pas ici. Je ravale mes émotions autant que possible pour ajouter d'un ton froid:
-
N'en parle à personne Vic. Roxy si tu veux, mais personne d'autre. Personne d'autre ne doit savoir. Personne.
Si je décide de le dire un jour aux autorités, ce sera quand je serai sûre et certaine de pouvoir obtenir la garde de mon petit frère. Petit Ethan qui ne mérite absolument pas tout ce qui lui arrive en ce moment. Il devrait avoir eu une vie meilleure. Je me masse le front quelques secondes, tentant encore de me battre contre mes sentiments. Contre ma douleur qui fait palpiter mon coeur malade. Je dois continuer d'avancer. Pour Ethan. Pour Kieran. Pour mon cousin et mes cousines. Eux aussi auront besoin de moi. Je le sais pour avoir vu la frayeur dans les yeux de mon cousin. Cette frayeur qui ne prouve qu'une chose. Il a peur pour lui aussi. Pour nos cousines. Si jeunes... Ils ont sans doute vécu des horreurs aussi. C'est de mon devoir de les protéger et de rassembler cette famille. Nous n'aurions jamais dû nous éviter. C'est l'union qui fait la force.
[attachment=1]Gif_3.gif[/attachment]
Je hoche de la tête vigoureusement quand elle affirme qu'on ferait mieux d'y aller avant qu'il n'y ait plus rien. C'est bien mon avis aussi, après tout... il y a vraiment beaucoup de personnes ce soir! Certes, pas vraiment plus que lors des repas habituels, mais normalement tout le monde est assis et non pas éparpillé comme un troupeau de moutons perdus! Ça m'inquiète bien plus de voir tous ces gens ainsi rassemblés que lors des repas traditionnels. Mais il faut que j'évite d'y penser, sinon je n'avancerai pas. Je me mets donc en route en essayant de me convaincre que je suis courageux.
Mais bien sûr, c'est faux. Je bloque à quelques mètres du buffet et en demandant à mon amie de me pousser, elle se méprend sur ce que je voulais dire et pousse brusquement un Serdaigle qui était face à nous et... beaucoup plus grand. Elle le bouscule encore, lui marche sur le pied (volontairement, certainement), puis elle me tire par le bras. J'ai tout de même l'occasion de causer une bonne frayeur à notre interlocuteur avant d'être trop loin. Quand on arrive au buffet, je n'ai presque pas prêté attention à la force employée par Nymeria pour me traîner jusque-là, le sourire étampé au visage, je ne fais que penser à l'air légèrement effrayé de cet élève plus vieux, plus grand... mais pas moins stupide que d'autres. Quand je partage cette information, comme quoi ma soeur fait peur à l'autre Serdaigle, elle semble un peu perdu. Peut-être ne m'avait-elle pas entendue? C'est possible... Elle finit toutefois par faire le lien et elle rit un peu avant de hocher la tête en disant que c'est vrai que ma soeur peut faire peur parfois, quand elle le veut. Surtout quand... Elle bute sur le mot « petit frère », le mettant au pluriel. Bien malgré moi, je me fige un peu. Je m'efforce toutefois de conserver mon sourire quand j'annonce:
-
Oui, ma soeur peut faire peur quand elle le veut. Je suis sans doute le mieux placé pour le savoir...
Toutes ces fois où j'ai « accidentellement » oublié de faire un devoir... J'en ai encore des frissons. Enfin, c'est de bons frissons. Des frissons normaux. Pas comme ceux qui me font trembler de tous mes membres quand je songe à la réaction de Papa si je devais ramener des notes terribles à la Maison. Ou si je devais lui dire que j'adore les moldus, les nés-moldus et les sangs-mêlés. Non... non, ça il ne me le pardonnerait jamais... Je frissonne rien qu'à l'idée de ce qu'il pourrait me faire. Je baisse les yeux l'espace d'une seconde, perdant le peu de force qui me permettait de sourire jusqu'ici.
Mais je ne peux pas.
Je ne peux pas abandonner maintenant, si?
Penses à autre chose. Penses à autre chose.
Non... Non, pas Kie'!
Je relève la tête en souriant aussi authentiquement que possible, mais je suis certain que le résultat n'est pas terrible. J'arrive à peine à relever la commissure de mes lèvres. J'oriente assez rapidement mes pensées vers quelqu'un, pour une fois, de plus petit que moi, dans la personne de Flocon. J'espère pouvoir lui ramener quelques morceaux de pain, ou de nourriture quelconque qu'il peut manger. Je sais qu'il ne peut pas manger beaucoup de pain, mais il semble toujours apprécier les petites miettes et il n'a jamais eu de problèmes. Mon sourire se fait un peu plus sincère quand je dis:
-
Super, alors! Je vais prendre de touts petits morceaux que je vais garder pour lui et je mangerai le reste!
Je n'attends pas une seconde et je chaparde immédiatement deux petits pains, avec des gestes rapides et précis. J'ai un peu trop l'habitude de prendre de la nourriture en douce. J'y arrive un peu trop facilement. En même temps, c'était souvent moi qui y allais. Surveiller de près par Elee et Kie' pour m'éviter les ennuis si on nous surprenait. Malgré tout, c'est moi qui allait voler un peu de nourriture certains jours. J'étais le plus petit. Le plus négligeable. On ne me prêtait pas autant attention. Enfin, sauf quand j'étais seul à la maison...
Un long frisson me traverse et je serre un peu trop les petits pains entre mes mains, tellement qu'ils s'écrasent en s'émiettant un peu. Je relâche un peu ma prise quand Nymeria me propose un fondant au chaudron. Un petit sourire gourmand s'étale sur mes lèvres et je tends la main que j'arrive à libérer. Quand mes doigts se referme sur le fondant je lance:
-
Avec joie, merci!
Je mords dedans avec un plaisir évident et une partie de mes soucis semblent s'envoler. Le poids sur mes épaules paraît un peu moins lourd, même s'il n'a pas disparu. Mes pensées divaguent quelques instants se tournant vers les cours et une certaine inquiétude commence à m'envelopper. J'ai manqué une semaine complète plus une journée supplémentaire... À quel point est-ce que j'ai raté des notions importantes? Je baisse les yeux sur mon fondant, perdant légèrement l'appétit. J'ai réussi à suivre pour la matière de la semaine... mais j'ignore tout de celle d'avant! Je m'enquiers donc, le regard toujours baissé et les sourcils froncés:
-
Dis-moi... Est-ce que j'ai raté beaucoup de matières importantes? Tu sais, pendant... pendant mon absence.
Je déglutis avec difficulté. Si je ramène de mauvaises notes dès le premier bulletin, ça ira mal. Très, très mal. Comme ce n'est que ma deuxième année à Poudlard, je ne peux pas me fier à mon année d'avant... Là, j'avais tout à apprendre... Peut-être que ce n'était que de la révision de l'année d'avant. Elee semblait croire que ce serait le cas, apparemment, c'est toujours comme ça. Mais si elle n'avait dit ça que pour me rassurer? J'aime aussi bien en avoir le coeur net!