Ame: Oh ça je l'ai bien compris, mais il risque de le regretter amèrement... enfin, s'il est toujours en vie à la fin de cet événement
Autour de moi, des protestations s'élèvent à cause du désagrément engendré par le nouvel agencement du réfectoire, maintenant que notre table se retrouve affaissée contre la fontaine à eau, que celle de nos voisins est à moitié renversée sur le sol, voulant certainement suivre le même exemple que leur repas étalé à leurs pieds, et que ma chaise s'est fracassée contre je ne sais quel malheureux se trouvant derrière moi. Amusé par le chaos qui a envahi notre self en un laps de temps aussi court, je souris de plus belle, sans pour autant prendre la peine de pivoter en direction des exclamations et des cris de désapprobation que je ne connais que trop bien. Au lieu de me préoccuper de ces imbéciles qui réagissent toujours de la même façon, comme s'ils n'avaient pas encore compris que leurs piaillements seraient loin d'être suffisants pour me stopper dans mon élan, je me contente de fixer le suceur de sang qui, contrairement à ce à quoi je m'attendais, préfère endosser le rôle de la victime surprise et presque apeurée plutôt que de riposter. Je me doute bien qu'il agit de cette manière pour conserver la réputation qu'il s'est établie auprès des filles et à laquelle il semble tenir plus que tout, mais il n'empêche que cet air soumis qu'il se donne le rend carrément pitoyable. À sa place, je me serais déjà débarrassé de la nourriture s'étant renversée sur mes vêtements et, après m'être redressé, je me serais probablement servi du tee-shirt de mon rival pour m'essuyer les mains avant de lui démolir le portrait, histoire de lui faire regretter son acte jusqu'à la fin de ses jours. Quelque part, je dois avouer que je suis étonné que la sangsue ne veuille pas contre-attaquer. Au Nouvel-An, il n'avait pas hésité une seule seconde à répondre au premier coup que je lui avais asséné, et lorsqu'il s'était nourri auprès de l'un de nos camarades, sa réputation semblait lui passer complètement au-dessus de la tête. Je ne sais pas ce qui a pu se passer depuis cette soirée pour qu'il puisse désormais se contrôler à ce point, mais j'admets être déçu de ne pas retrouver cet adversaire de taille qui était même parvenu à me vaincre lors de notre premier affrontement. S'il ne réplique pas une seule fois, je n'éprouverai aucun plaisir à le battre. Si les faibles ne m'intéressent pas, ce sont les crétins qui se retiennent qui m'exaspèrent encore davantage. Une victoire contre ce type d'élèves ne m'apporte aucune satisfaction, aucune fierté, et ce genre de bastons finit d'ailleurs bien souvent par m'ennuyer.
Le poing en suspension au-dessus du visage de la sangsue, je m'apprête à le frapper une deuxième fois afin de l'aider à se réveiller lorsqu'une espèce de vision envahit brusquement tout mon champ visuel. Alors que j'étais en train de fixer la mâchoire de mon ennemi, prêt à la briser une bonne fois pour toutes, je me retrouve projeté dans une chambre luxueuse à l'éclairage tamisé et aux meubles datant certainement de l'époque victorienne. Toutefois, ce n'est ni l'ameublement ni la décoration de la pièce qui m'interpelle. Au lieu de parcourir la salle du regard, mes yeux restent rivés sur le couple affairé sur l'énorme lit se trouvant juste face à moi. Rebekah et Shawn, à moitié dévêtus, en train de s'embrasser et d'échanger leur sang, comme tout vampire passionné et désireux de s'unir avec son compagnon. Au fil des secondes, la vision devient plus érotique, et moi, je reste planté là, incapable de bouger et de détourner le regard alors que je n'ai qu'une seule envie : aller massacrer ce c*nnard jusqu'à ce que son corps entier disparaisse sous son propre sang. J'ignore pourquoi cette simple vision me donne des envies de meurtre, mais ce dont je suis certain, c'est qu'à cet instant précis, je désire plus que tout me défouler sur cet abruti.
Alors, quand je finis par rouvrir les yeux sur le réfectoire, je ne prends même pas la peine d'écouter les remarques innocentes et pathétiques que me lance mon adversaire alors qu'un fin sourire étire ses lèvres, et, sans perdre de temps, je fracasse mon poing contre sa mâchoire, comme je prévoyais de le faire avant d'être interrompu par l'illusion qu'il a fait naître dans mon esprit. Cette fois, aucun sourire, pas même un rictus haineux, ne vient se dessiner sur les commissures de ma bouche. La moindre parcelle de mon visage exprime toute la haine qu'il m'inspire, et même si je reste silencieux, mon esprit est encombré d'insultes à son égard et d'interrogations à propos de la scène à laquelle j'ai assisté. S'agit-il seulement d'une vision créée de toutes pièces par cet imbécile, ou bien d'un réel souvenir ? Puisque Rebekah et Shawn sont tous les deux des suceurs de sang, ils ont très bien pu se connaître à une autre époque, il y a quelques siècles ou décennies de cela. Et si jamais cet instant a vraiment eu lieu...
Ma mâchoire se crispe si fort que je me mords l'intérieur de la joue sans le vouloir, mais je ne ressens même pas la douleur occasionnée par ce manque d'attention. Toutes mes pensées restent focalisées sur cette même et unique scène, qui tourne en boucle dans ma tête alors qu'y assister une seule fois m'a amplement suffit. Cet idiot a bien réussi son coup ; sans même me frapper, il est parvenu à me déstabiliser en se contentant de s'infiltrer dans mon cerveau. Mes yeux croisent les siens et je me mets soudain à ricaner, comme pris d'un soudain fou rire. Bien évidemment, rien ne m'amuse dans cette situation, et si j'agis de cette manière, c'est uniquement parce que je n'ai désormais plus aucun contrôle sur mes actes. Une lueur de folie et d'excitation brille dans mes iris alors que j'assène un énième coup à la sangsue, sans vraiment prêter attention à la partie de son visage que je vise. De toute façon, puisque je compte le défigurer, peu m'importe l'endroit où ira atterrir mon poing, tant qu'il me permet de voir son sang couler et d'entendre ses os craquer.