Je sais immédiatement que je n'aurais pas dû du tout m'énerver. Sauf que c'est plus fort que moi. Je déteste le « Mme Montgomery » ou le « professeur Montgomery ». Je n'ai que vingt-quatre ans, par Merlin! Laissez-moi viiiiiivre! Cela dit, je ne suis pas mariée, donc le madame ne fonctionne pas avec moi. En temps normal ne disons-nous pas « mademoiselle » ? Humm... Ça mérite quelques recherches...
En la voyant rentrer la tête dans son cou, je reprends immédiatement mon calme. Il ne faut pas la faire fuir, Gaby! Ni la faire se dégonfler! Enfin, pour ça faudrait déjà qu'elle ait de quoi être dégonfler, elle a à peine plus que la peau sur les os! Gaby, tais-toi.
Au moment d'entendre ses excuses, mon indignation prend le goût de la cendre et quand je déglutis j'ai l'impression d'avaler de la poussière. Merlin, je suis vraiment maladroite, parfois. Ou trop émotive. Ou trop excentrique. Peu importe. Je me mords la lèvre et baisse les yeux honteusement. Bravo, Gaby, tu l'as effrayé. C'est raté pour le « on ne l'a fait pas fuir ». Je réponds rapidement:
- Non... Non, c'est moi. Je n'aurais pas dû m'emporter. C'est seulement que je déteste qu'on m'appelle « professeur Montgomery » ou « Mme Montgomery ». Mais vous ne pouviez pas le savoir... Alors... Je n'aurais vraiment pas dû m'emporter. C'est à moi de vous demander pardon, alors je suis désolée. Sincèrement.
Je pousse un léger soupir. C'est quand même franchement dur à avaler, tout ça. C'est tellement ancré en moi, cette aversion pour le titre... que j'ai l'impression d'avoir la peau et les nerfs à vif. Et là elle vient m'annoncer qu'elle a changé d'idée! Ma mâchoire se décroche et je sens mes bras retomber le long de mon corps, l'assiette tombant au sol et éparpillant tout mon petit-déjeuner. Et moi qui croyais que j'avais réussi à l'atteindre... un peu.
Alors que je me penche pour ramasser ma catastrophe. Du moins seulement une des deux, je l'entends me demander de partir. Je lâche immédiatement avec brusquerie le croissant à moitié dévoré qui reposait dans ma main gauche et de la droite qui tient une pomme je pointe rageusement Gwenaëlle et sans m'émouvoir extérieurement de ses larmes je m'écrie:
- Alors ça, c'est hors de question! Vous allez venir avec moi! Je m'entends bien avec tout le monde. Et vous ne ferez pas exception. J'ai bien l'intention qu'on finisse par s'entendre vous et moi. Je ne m'imposerai pas comme amie, mais...
Je prends une grande inspiration pour me calmer et ramène le bras le long de mon corps (celui qui tient cette pomme d'un beau rouge brillant). Je continue ensuite sur un ton triste:
- On n'a pas besoin de parler. Je veux juste qu'on prenne un peu l'air et qu'on relaxe un peu à l'air libre. À un endroit calme où il n'y a personne. Je peux aussi vous y conduire et vous resterez là-bas toute seule. Je vous assure que c'est tranquille et que ça vaut la peine d'y aller.
Je baisse de nouveau les yeux une seconde et soupire lentement. J'ai toujours l'intention de la forcer à me suivre... mais ce n'est peut-être pas la bonne méthode? Je la regarde à nouveau et en lui tendant la pomme je dis:
- Allez, venez... Ça me ferait vraiment plaisir que vous m'accompagniez.
Je n'ai pas envie de vivre un échec aussi cuisant aujourd'hui. Ni jamais. Et j'ai horreur de voir les gens aussi... mal en point. Du moins, presque tout le monde. Il y en a certain que ça ne me ferait ni chaud ni froid. Par exemple, un certain individu qui c'en est pris à la mauvaise personne il y a de cela quatre ans déjà...