« Le feu est l’ultra-vivant. Le feu est intime et il est universel. Il vit dans notre cœur. Il vit dans le ciel. Il monte des profondeurs de la substance et s’offre comme un amour. Il redescend dans la matière et se cache, latent, contenu comme la haine et la vengeance. » Gaston Bachelard
Iron
Vi, dite « la Maîtresse du Feu Violet »« Le Feu est l’élément de la destruction. »
«
Le Feu est l’élément de l’énergie » ; c’est ainsi qu’il a été défini, mais plus encore que l’élément de l’énergie, le Feu est destructeur, en témoignent les conflits meurtriers sévissant entre les quatre Clans. Peu importe l’usage que l’on en fait, le Feu est prédateur, et consume et anéantit : il brûle à la croisée des chemins de la violence et de la haine, engendrée par les préjugés et elle-même accouchant de la violence. Le Feu dévore et ravage, il est dévastateur. Les seules choses dont il est capable sans porter atteinte à autrui de quelque manière que ce soit, dépendamment d’une volonté humaine, sont lorsqu’il les réchauffe, lui et ses pitances, cautérise ses plaies et l’aide à façonner, modeler et forger. Autrement, il lui fait du mal, il le fait souffrir, lui qui le subit, et je l’ai vécu. Il entraîne sa mort, et je l’ai vu, ayant tenté de l’empêcher à maintes reprises, sans succès.
Cela fait cinquante-neuf aoûts que je foule la terre ocre d’Aphesas de mes pieds boucanés et éraflés, et ce que ces cinquante-neuf longues années d’existence m’ont appris est que l’Homme est inéluctablement condamné, car il ne changera pas. Sa plus profonde nature ne le lui permet pas et parce qu’il est viscéralement égoïste, l’espèce humaine s’éteindra sous peu. La Mère des Visages enfanta les Hommes, elle les a créés, mais cette douce étincelle qu’elle a gracieusement allumée et nourrie avec amour et dévotion, éclairant les organismes vivants se métamorphosant en membres de l’humanité, n’aurait jamais dû voir le jour. Comment, pourquoi, dans ce cas ? Il est vain que de chercher à répondre à des questions qui demeureront sans réponse pour l’éternité, alors il est préférable de s’interroger au sujet de ce dont l’Homme est à l’origine et ce que nous connaissons, élargissant le spectre des zones d’ombre que notre savoir dévoile, révélant notre ignorance, qui n’en est que plus grande. Ce que je sais est que la vie de l’Homme est vouée à l’échec : il est né de la bienveillance et mourra dans le sang, car la Guerre est proche, inévitable, et lui sera fatale.
Il fut un temps, je croyais sincèrement dur comme fer que le monde serait un jour en paix, que l’Homme était bon et qu’il aurait rétrospectivement corrigé ses erreurs afin de ne plus jamais les reproduire, s’attelant et s’échinant à la fondation d’un monde meilleur, sa plus belle construction, élaborée, mais il n’en fut rien, hormis une immense désillusion.
Je me souviens des massacres qui ont eu lieu de mon vivant sur notre territoire ; je me souviens de tous ces nombreux et terribles affrontements auxquels j’ai pris part, des carnages, de ces horribles combats où je pensais que l’on m’y ferait sauvagement la peau par mégarde, par mon manque d’attention ou de vigilance. J’en suis miraculeusement ressortie vivante, blessée, mais vivante. Je n’avais pas vaincu, n’en étais pas victorieuse : comment aurais-je pu l’être après avoir tué ? Après avoir annihilé la vie, l’avoir piétinée, écrasée, réduite en cendres et renvoyée à la Terre, au Feu qu’elle alimente ? Je n’ai pas même durant une fraction de seconde ressenti la moindre sensation de soulagement ou de jubilation, de satisfaction, mais plutôt une défaite aiguë se diffusant dans mon corps endolori à chaque fois que je me remettais lentement debout, agitée de convulsions, au beau milieu du champ de bataille jonché de cadavres carbonisés, empalés, tranchés, noyés. J’ai vu ce dont les Hommes sont coupables par désir : par envie, convoitise, cupidité, sadisme et cruauté aveugles. Ils ne sont plus des hommes ambitieux, mais des monstres, car ils ne sont plus humains. Ils deviennent autre chose, et cette déshumanisation s’est opérée en eux dès l’instant où les oppositions, rivalités et hostilités se sont engagées.
Si je suis encore en vie aujourd’hui, c’est parce que je ne vaux pas mieux que ces monstres que je désigne comme tels : j’en suis moi-même un, car j’ai sacrifié la vie de mon amant et préservé celle de notre fille, Fe, unique fruit de notre union. Si je suis encore en vie, c’est parce que j’ai su occire par les flammes quand il le fallait, quand je devais choisir entre vivre ou mourir, avec ensuite un meurtre de plus sur la conscience, déjà pesante et alourdie par le futur pressenti du déroulement du fil de ma relation filiale. L’on aurait pu se montrer compréhensif à mon égard et soutenir que je m’étais défendue, mais j’avais aussi achevé par prévention : la menace étant trop importante, je l’étouffais dans l’œuf.
Si je me souviens de ces abominations sans nom, atroces, je ne me souviens plus de son visage, si ce n’est qu’il était beau. Je me rappelle sa malice bouillonnante débordant de ses yeux insondables dont la couleur m’est maintenant insaisissable, ses baisers chauds, sa langue fiévreuse jouant avec la mienne cuisante, son toucher ardent, sa conquête flambante de mon corps, sa possession torride de mon cœur incandescent, son rire chaleureux. Nous surchauffions au contact de l’autre, sur le point de fondre. Mais, s’il m’embrasait, je l’ai froidement abandonné à son triste sort pour sauver Fe, que nous avions eue à vingt-deux ans, peu de temps après avoir obtenu nos postes de sentinelle.
Je ne m’en suis pas pardonnée, ne m’en pardonnerai pas et y songe lorsque je suis seule, nostalgique, le regard dans le vague, se perdant dans l’horizon chevauchant la mer. La ligne d’horizon marque l’endroit où il fait l’amour à la mer, cette mer près de laquelle j’habite. Je survivais dans l’intérieur des terres avec mon premier et dernier compagnon, y emménageant avant de laisser notre foyer bâti par nos quatre mains vigoureuses derrière moi, sans plus y jeter le moindre coup d’œil, et vis à Pers en tant que « Maîtresse du Feu Violet », surnom que l’on m’a donné, car je maîtrise à merveille les flammes bleues, tant et si bien qu’elles en paraissent violettes. L’on m’a proposé de reprendre le flambeau et de me présenter à l’élection du Chef d’Aphesas suite au décès de notre précédent Chef, mais je l’ai promptement refusé, catégorique : mon actuelle puissance, je l’ai injustement gagnée ; ma force, j’en ai honte et la dissimule, la refoule et la renferme, la retenant et la comprimant en moi comme se compriment constamment mes entrailles. Il ne me reste plus que mes sens et ma raison, mes membres s’atrophiant. Je ne suis pas sage, simplement lasse, fatiguée de cette perpétuelle violence, éreintée par ces incessantes effusions de sang, dans lequel je me suis pourtant baignée sans vergogne, indécente.
Nous, les Hommes, ne valons rien, parce que nous ne nous respectons pas ; parce que nous n’avançons pas, ne progressons pas. Au nom de quelle valeur ? De quel principe ? La loi du Talion qui gouverne ? L’ethnicité ? C’est pourquoi j’ai décidé de ne plus jamais me servir de mon élément, excepté si la Guerre se déclenche, mais la probabilité que je meure avant celle-ci est élevée, car mon corps flétri ne supporte plus la sècheresse de cette terre qui m’a vue naître, et m’a accueillie à bras ouverts et embrassée. A présent que j’ai vieilli, elle me rejette, mais je ne peux me résoudre à lui rendre la pareille. Aphesas est fière, mais Aphesas est pauvre, aride, creusée de cratères, semblable à un enfer. Aphesas est faible, parce que revancharde, guidée par la vengeance. Aphesas est rongée, gangrénée, et la mort frappe à sa porte, se trouvant sur son seuil. Je vais bientôt mourir, mais ai légué à Fe mon esprit sain, critique, ma lucidité et mon intransigeance, Fe étant impitoyable, ce que je voulais qu’elle soit. Je lui ai sciemment mené la vie dure, âpre, pénible, sans rien lui avouer à propos de son défunt père et sans en démordre, et elle me hait pour cela, ce que je comprends très bien. Nous sommes identiques, toutes deux loyales à ceux qui nous sont chers, mais implacables ; nous ne nous racontons pas d’histoire, ne nous cachons pas, faisons face et assumons nos actes. Le Feu est mon élément, mais il m’a glacée ; peut-être que Zara est en train d’y remédier : mon état n’est pas irréversible.
Caliawen, dite « Calia, la Lumineuse »« Fais-moi confiance ! »
Je suis récemment passée voir Vi chez elle, qui se meurt à petits feux. J’essaie tant bien que mal de lui rendre visite une fois toutes les deux semaines, deux voire trois fois dès que j’en ai le temps, à la différence de Fe, qui garde férocement rancœur à sa mère. Combien de fois suis-je revenue à la charge et ai-je tenté de lui en parler et de la faire changer d’avis au détour d’une discussion ? Impossible de les compter, mes essais infructueux sont incalculables. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir insisté, encore et encore, obligeant Fe à m’écouter avant qu’elle ne se rebiffe de manière virulente, comme d’habitude, alors que les jours de Vi sont comptés. Fe ne l’ignore pas, elle le sait tout autant que moi, mais s’obstine à l’occulter volontairement et n’en faire qu’à sa tête, bornée, repoussant d’un geste sec du menton ou de la main mes demandes de m’accompagner à Pers pour y retrouver Vi, même s’il s’agit de sa mère, même s’il s’agit de moi, sa femme, les deux personnes les plus proches d’elle à ce jour, ce dont je ne me vante pas ; c’est un fait.
Après y avoir beaucoup réfléchi, la situation étant complexe et extrêmement délicate, je crois que Fe en veut toujours à sa mère concernant ce qui est arrivé à son père, qu’elle n’a pas connu et dont elle ne connaît pas le nom encore aujourd’hui, ce qu’elle m’a douloureusement confié il y a presque dix ans, et qui n’a pas changé. C’est comme si Vi l’avait conçue seule. Fe en tient farouchement rigueur à sa mère et lui en veut aussi de l’avoir strictement éduquée de la sorte et laissée livrer à elle-même pendant toutes ces années où elle a dû se débrouiller sans elle, parce que Vi avait pris la lourde décision de protéger plus efficacement le Clan en tant que sentinelle, la forçant à renoncer à élever Fe comme n’importe quelle mère attentionnée et par conséquent, faisant d’elle une grande guerrière marchant dans ses pas, impressionnante. Je peux envisager la compréhension du dilemme de Vi, qui a tranché en faveur du Clan et non de son enfant, car il était impératif de défendre l’intégralité du Clan tout en sachant que sa fille serait vivante et les autres membres protégés, plutôt que d’épargner sa fille sans se préoccuper du reste. On ne doit pas en vouloir à Vi, sauf Fe, qui en a le droit, parce qu’elle a agi dans le sens qui lui semblait le plus juste, mais Fe ne le considère pas du tout, voire pire, elle ne le conçoit pas, ne le projette pas et ne se l’imagine pas. Fe est rancunière, à l’inverse de sa mère, qui ne l’est qu’envers elle-même. Tout ça est rudement entrelacé, il est compliqué de le démêler, car il y a des torts des deux côtés, et je ne prends pas parti, bien que j’aimerais que Fe fasse un effort, parce que tant que la mère et la fille sont vivantes, rien n’est perdu : elles peuvent rattraper ce temps gâché à s’ignorer froidement et se réconcilier, mais Fe se braque dès que j’ose aborder le sujet avec elle, les disputes s’enchaînant et Fe s’exilant durant quelques jours dans le volcan, me laissant mariner et en train de culpabiliser tandis qu’elle déverse sa rage dans la lave, avant de revenir à la maison en faisant comme si de rien n’était, jusqu’à la prochaine explosion due à nos caractères respectifs flamboyants. Parfois, Fe me rend folle et je crains que ça ne finisse par se retourner contre elle, non pas moi, mais ce qu’elle impose à Vi, qui est sa mère en dépit de leur discorde et leurs différends. Ce sont les mêmes, elles se ressemblent énormément, et ça me chagrine et me peine, cette distance qui s’accentue entre elles, cet éloignement qui s’exacerbe à cause des erreurs de la mère, que la fille n’accepte pas, puisqu’elle les attaque continuellement de front.
Fe se figurait sa mère comme une héroïne, mais Vi est une femme qui a beaucoup de secrets, qui n’en a pas, et Fe l’a réalisé en grandissant : elle a compris qui était réellement sa mère et ne lui a pas pardonné ce désenchantement, fêlant puis brisant cette surface lisse et polie lui reflétant une parfaite image de Vi, aux imperceptibles reliefs acérés. Le Feu de Vi est si intense, qu’il en deviendrait presque solide. Ce n’est évidemment pas le cas dans les faits, mais il est altéré par les épreuves, et je sais que si ce Feu s’amoindrit, c’est avant tout car leur relation se détériore. J’en souffre silencieusement, parce que Vi est une seconde mère pour moi, et que sa propre fille s’est détournée d’elle sans qu’elle n’ait un maigre espoir de la récupérer qui subsiste. Ma mère est morte il y a longtemps, ayant atteint la quarantaine, et comme Fe, je n’ai jamais connu mon père, ce qui fait de moi une orpheline, à l’image de Zara, et ça me fend le cœur de constater que malgré le fait que Fe ait encore sa mère, elle se contente de la dédaigner, la mépriser. Je souhaite lui ouvrir les yeux, lui démontrer qu’elle se trompe, qu’elle le regrettera lorsque Vi ne sera plus là, mais telle mère telle fille, elles sont aussi butées l’une que l’autre : deux vraies têtes dures.
Pendant longtemps, je n’ai su où me positionner par rapport à ce passif houleux. Quand j’ai rencontré Fe, nous étions en première classe, Fe demeurant esseulée, dans son coin, les autres enfants refusant de l’approcher, car elle leur faisait peur avec son air revêche, sa forte personnalité couplée à son caractère volcanique les faisant fuir, mais pas moi, cette « sauvage » ayant capté mon attention. J’étais une petite fille joyeuse, enthousiaste et curieuse, et j’épiais Fe avec de gros yeux, l’admirant et étant fascinée par sa réussite dans tous les exercices qu’on nous imposait. Mais, dans l’ombre de cette attitude abrupte et hargneuse ostensiblement affichée, se tapissait une enfant qui avait peur de quelque chose, qui m’a immédiatement plu. Plus tard, je suis parvenue à déceler ce qu’elle éclipsait aux yeux du reste du monde, principalement une jeune femme dont les rêves qui la faisaient rayonner avaient éclaté telles des bulles de savon, implosant.
Je n’ai jamais eu pitié d’elle, comme je n’ai pas de pitié pour Vi ni pour personne, mais ai ressenti de la compassion pour cette femme de quatre ans ma cadette qui avait dû franchir des obstacles et non des moindres pour ne plus sourire ainsi, sombre façade, le regard terne rivé sur le sol à la recherche d’eau et de nourriture. Je m’étais faite à l’idée que je ne pourrai pas me rapprocher de Fe, mais avec force de patience, je me suis courageusement mise à la fréquenter. Contrairement à elle, je ne suis pas aussi douée et sais que je peux succomber d’un instant à l’autre, mon Feu n’étant pas un rempart suffisant garantissant ma survie à tout moment, parce que je ne le maîtrise pas, même à quarante-et-un ans. Mon élément n’est qu’accessoire, une décoration et rien de plus. Il éclaire mon monde, mon entourage, il l’illumine et le réconforte, c’est grâce à lui si j’ai réconforté Fe, mais je suis incapable de correctement le manier. Selon les critères des niveaux de l’école d’Aphesas, j’en suis seulement au niveau 2, mais je n’en ai pas grand-chose à faire, alors que ça désespère Fe, qui, entêtée, croit encore qu’elle peut tirer quelque chose de ma médiocre maîtrise de mon élément si elle m’entraîne, mais je la distrais au lieu de bénéficier de son enseignement, qui me serait, j’en suis sûre et certaine, très utile. Il n’y a pas de raison à ça, je ne désire pas m’améliorer lorsque ça touche à mon Feu, car Fe est de niveau 3 et qu’elle est ma protectrice. Elle saura parfaitement me défendre en cas d’attaque ennemie, et j’aurais plus que tout voulu pouvoir la défendre en retour, mais je n’ai pas assez de puissance, ne suis pas bien épaisse, malingre, et si Fe est aussi résistante, c’est parce que Vi y a veillé, et de très près. La seule chose dont je peux me vanter est que je n’ai peur de rien, ni même de la vie ni de la mort, Fe craignant que Vi ne trépasse sans en avoir conscience.
Fe a donc été en première classe avec moi, mais je ne l’ai pas retrouvée en deuxième classe, car Vi a pris son entraînement en main. Elle l’a délaissée dans l’intérieur des terres dans le but de la stimuler, l’a forcée à répéter les mêmes gestes à l’infini, jusqu’à ce qu’elle les exécute parfaitement les yeux fermés, souvent jusque tard dans la nuit, avant de se réveiller au petit matin et de recommencer toute la journée, des premières lueurs du jour aux étoiles au firmament. C’est en raison de ces séances acharnées que Fe est devenue celle qu’elle est aujourd’hui, une combattante aguerrie, comme sa mère, qui ne se plie jamais devant personne : jamais Fe ou Vi ne s’est abaissée face à quelqu’un, peu importe son rang, jamais. Elles ne courbent pas l’échine, confrontant les yeux dans les yeux, dignes et prêtes à faire face, déterminées. Ce sont des lionnes, et moi, un lionceau. Ma mère n’étais pas aussi chevronnée que Vi avec moi, elle prenait soin de moi d’une manière totalement différente et ne m’a jamais poussée à l’excellence, souhaitant simplement que je sois disciplinée, son vœu s’étant réalisé.
Si je ne suis pas talentueuse, en revanche, je suis dotée d’une mémoire incomparable et connais par cœur chaque minerai dont regorgent le volcan et les alentours, et les reconnais au premier coup d’œil. Fe jure que les minerais sont futiles, elle ne le pense pas vraiment, mais le prône par esprit de contradiction, et elle a tort, parce qu’ils nous permettent de commercer équitablement avec Velia, le seul Clan qui nous estime, néanmoins, si elle le profère sans sourciller, c’est parce qu’elle a hérité ce positionnement de sa mère, qui n’a aucune confiance dans aucun autre Clan. Fe soutient inconsciemment sa thèse, comme quoi les autres Clans ne sont pas fiables, et elles ont raison concernant les Clans de la Terre et de l’Air, mais que font-elles du Clan de l’Eau ? Non pas que ce Clan soit blanc comme neige et ne nous ait pas fait du mal par le passé, mais grâce à lui, des médecins s’aventurent dans la région afin de nous aider, et nous pouvons négocier avec eux, enrichissant ainsi Pers et redistribuant dans les terres les ressources échangées. Je ne suis pas stratège, mais tolérante et responsable : Vi et Fe ne le sont pas et je ne peux décemment pas le leur reprocher, pas après ce qu’elles ont vécu. Elle et Vi ne m’en ont jamais touché deux mots, bien qu’elles m’aient déjà laissé sous-entendre ce qu’elles ont traversé, et je n’ai pas persisté, ne m’appesantissant pas dessus tant qu’elles ne me l’auraient pas évoqué d’elles-mêmes, ce qu’elles n’ont jamais fait pour d’évidentes raisons, et je serais bien mal placée pour leur faire la leçon.
Non pas que je sois naïve, loin de là, mais je pense que les générations actuelles n’ont pas à endurer ce que les anciennes leur ont légué, un legs non des plus honorifiques et qui éprouve cette jeunesse, qui n’a rien demandé à personne. Je pense notamment à Zara et sa ravissante compagne, Moana, qui survivent, Zara empruntant le même chemin que ses parents, qui étaient des sentinelles, poste qu’il exerce par intermittence en fonction du besoin des troupes de sentinelles et de ses disponibilités, puisqu’il est rudement entraîné par son mentor. Je ne me résous pas à ce que mon fils adoptif, mais qui est mon fils malgré tout, soit embarrassé par nos fardeaux, mais c’est déjà le cas et je sais que je ne l’en détournerai pas. Il n’empêche que ce que l’Homme a fait, l’Homme peut le défaire, j’en suis persuadée. Fe dénonce mon optimisme, elle tient le même discours que sa mère, mais je ne me laisse pas démonter par ses remarques acerbes, teintées d’amertume. Je connais Fe, nous sommes mariées depuis dix-sept ans et la susceptibilité ne fait pas partie de mes nombreux défauts.
Fe, dite « la Colère du Feu »« C’est le Feu sous la glace. »
Vi n’est plus ma mère depuis longtemps. Biologiquement, elle l’est et le demeurera, mais je ne la considère plus comme ma mère. Elle a failli à son devoir, celui de n’importe quelle mère, qui était d’être honnête à mon égard et de me protéger, car si elle m’a protégée, elle m’a menti durant toute sa vie, ce que je ne peux lui concéder à la légère. Mais j’ai appris grâce aux membres du Clan que ma mère avait abandonné derrière elle mon père sur le champ de bataille sous prétexte qu’il fallait me sauver avant tout. A cause d’elle, je n’ai plus de père. L’a-t-elle vraiment aimé un jour ? J’en viens à en douter lorsque j’y repense, à cette froideur qui caractérise Vi alors que son élément est le mien. Face à moi, en dépit de nos continuelles altercations et de mes infatigables cris, Vi est toujours restée calme, maîtresse d’elle-même, sans broncher ni même ciller. Elle était sûre de ce qu’elle avançait, sûre d’avoir fait les bons choix, mais la vérité est qu’elle n’en a fait aucun de bon ; ni celui de me garder et de me donner naissance quand on voit ce que c’est devenu entre nous, un lien effiloché, qui ne tient plus qu’à un fil, le biologique, ni celui de tuer mon père, parce qu’elle s’est rendue complice de l’ennemi en n’hésitant pas à le sacrifier. Vi est intraitable, et m’a endurcie.
Lorsqu’elle a rencontré Calia pour la première fois, elle a eu la même réaction que moi, car nous sommes pareilles : une réaction de rejet. Bien évidemment, je refusais systématiquement que Vi rencontre Calia à chaque fois que cette dernière me le requérait, jusqu’à presque me supplier, et finalement, j’ai craqué, n’en pouvant plus, et l’ai présentée à Vi, qui habitait encore dans l’intérieur des terres à cette époque-là, seule, jaugeant de l’air et de l’énergie autour de nous, communiant avec son élément plutôt qu’avec les hommes, mais elle était respectée par les autres membres du Clan et sa liberté était totale. Elle a tenu un discours aux propos extrêmement durs à notre encontre. Vi était conservatrice, non pas qu’elle soit contre le fait que je sois avec une femme, ce qui la dérangeait étant que je n’étais pas avec un homme et ne pourrai pas perpétuer le nom de Siltiama, ce qui la rendait folle de colère, déchaînant son courroux sur nous, Calia s’attirant injustement ses foudres. Peut-être ai-je compris ce dont ma mère rêvait, que notre famille demeure une famille apheséenne de grande lignée. Nous ne descendions d’aucune grande lignée, si ce n’était des Maîtres du Feu, de potentiels ancêtres qui un jour avaient appartenu à notre famille, mais qui n’étaient pas des Sages, et Vi désirait qu’on entretienne la noblesse imaginaire d’un nom.
Calia en a été très affectée, mais comme toujours, elle ne perdit pas espoir et retenta le coup, avec cette gentillesse, cette ténacité et ce cœur bon qu’elle détient. Elle est d’une bonté sans borne, et son but était de plaire à Vi. Elle en avait légèrement ri, plaisantant qu’elle était certaine d’y parvenir puisqu’elle m’avait enflammé le cœur. Et Calia adopta un autre point de vue concernant la situation, un point de vue qui devait correspondre à celui de Vi, et me l’expliqua : j’étais son enfant et celui de mon père, ce que Calia ne manqua pas de me souligner, le relevant pertinemment. En ayant des enfants, j’aurais pu effectivement perpétuer notre lignée et faire en sorte que le souvenir de mon père lui soit transmis de génération en génération. Le souvenir de mon père s’efface. Quelques fois, je me demande si Vi en a conscience, si elle est encore capable de visualiser les traits de mon père dans leurs moindres détails, et j’en suis suspicieuse, mais ne sous-estime pas la lucidité de l’esprit de Vi, qui est si sain, qu’il en apparaît clair de manière malsaine. Vi voit au-delà de ce que nous pouvons voir et je lui envie cette extra-lucidité propre aux personnes du troisième âge ; je lui envie sa mesure, tandis que je suis bien trop dans l’excès, mais ai appris à me canaliser grâce à Calia, qui est mon catalyseur, et mon fils, Zara.
Nous n’avons pas eu Zara, mais, quand j’avais quatorze ans et Calia dix-huit, et que nous jouions insouciamment non loin de la frontière d’Aphesas et de Calpe, un jeune couple qui nous était inconnu ayant été assigné au poste de sentinelles avec tout un groupe d’Aphesiens, qui nous avaient interdit d’empiéter sur l’espace qu’ils surveillaient, une attaque de Calpiens nous a surpris, des pilleurs qui cherchaient à franchir la frontière afin de gagner nos montagnes et de s’emparer de nos ressources. Un affrontement sanglant s’en est suivi, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que nous deux vivantes, qui nous étions cachées à l’abri dans un cratère, et quelques sentinelles, les Calpiens ayant tous été décimés. Plus de la moitié des sentinelles avaient été tuées, et notamment ce jeune couple. Nous nous sommes rendues chez eux en compagnie de Vi après l’avoir alertée de ce qui s’était malheureusement produit, qui a récupéré le nourrisson et l’a élevé jusque ses six ans puisqu’il n’avait pas d’autre famille, avant qu’il ne rentre en première classe et que nous décidions de l’élever avec Calia par la suite, sachant que nous nous sommes respectivement mariées à vingt et vingt-quatre ans la même année, Calia m’ayant fait sa demande, que j’ai immédiatement acceptée. Calia en fut bouleversée, cette attaque un traumatisme pour notre Clan, mais ça n’a pas été la seule, il y en a eu d’autres depuis, menaçant l’équilibre et l’intégrité du Clan du Feu, et c’est ainsi que, ignorant le nom de l’enfant, nous l’avons prénommé Zarastro, le raccourcissant au profit de Zara, Vi l’approuvant.
Zara a très vite grandi, trop vite, au point que nous n’avons pas vu le temps passer, et était un enfant turbulent, non pas méchant, simplement plus éveillé, plus vif que la norme, et qui ne cessait de courir partout. Mais plus il grandissait, plus il n’a eu de cesse de s’assagir et devint sérieux, surtout à l’école. Tôt, à ses onze ans, Calia et moi lui avons avoué que nous n’étions pas ses véritables parents, et, lui étant futé, il l’avait déjà deviné en voyant les enfants arriver sur les lieux des classes accompagnés d’un homme et d’une femme et non de deux hommes ou de deux femmes pour la majorité, et nous avons révélé à Zara que ses parents avaient été lâchement assassinés par des personnes d’un autre Clan, du Clan de Calpe. Zara en fut bousculé et c’est pourquoi il est devenu extrêmement studieux à l’école. Il n’avait pas forcément de prédisposition, mais était excellent et apprenait aussi facilement qu’il enregistrait tout, faisant de son mieux, tant et si bien qu’il rentrait épuisé de ses journées, se dépensant à l’école. Il est devenu un as de la survie, connaissant les minerais par cœur, comme Calia, qui l’aidait à leur mémorisation, et très bon dans la manipulation de son Chi et de son Feu. Il est entré avec succès en deuxième classe, pour la quitter à ses quinze ans, parce qu’il trouvait qu’elle ne satisfaisait pas son ambition en termes d’apprentissages, et il s’est retranché avec le mentor qu’il a déniché, et l’entraîne, les progrès de Zara étant prodigieux.
Je sais que mon fils fait tout ça car il désire protéger son Clan, que son objectif est de pouvoir créer puis contrôler la Foudre, afin de nous défendre des éventuelles prochaines attaques en provenance de Calpe, et il s’y attelle vaillamment, surpassant Calia en terme de puissance et rivalisant avec la mienne, bien que je maîtrise une technique que lui ne maîtrise pas encore. Ca contenta Vi, qui voyait en Zara celui qui perpétuera notre lignée, parce qu’il avait adopté notre nom de famille, Siltiama, tout en sachant qu’il n’était pas un des nôtres par les liens du sang, ce qui l’a quand même accommodée, mais s’il avait imploré Vi de l’entraîner avant de partir à la recherche d’un mentor, qu’elle ne fut pas son étonnement de découvrir qu’elle ne maîtrisait pas la création de la Foudre. Vi peut la dévier, non la créer, mais de toute manière, Vi a éteint ses flammes et vit sans maintenant. Elle dispense des cours çà et là, mais Vi ne compte pas entraîner aussi intensément Zara, et il a pu décharger sa frustration chez son mentor, qui l’est depuis huit ans. Calia et moi sommes absolument fières de lui et le poussons dans cette dangereuse, mais brave direction, même si Calia s’inquiète pour sa sécurité. Je le masque, mes émotions ne transparaissant pas, n’étant pas friande de démonstration affective, mais cela m’inquiète au même titre qu’elle.
Zarastro, dit « Zara, Z, le Protecteur »« Merci. »
Je vadrouillais dans tout Aphesas, exhumant des minerais dans des sites ailleurs que le volcan d’où on en extrait des quantités astronomiques déjà, prêtant de temps à autre ma force à cette activité prenante tandis que Calia, qui est une responsable du commerce avec Velia, en fait le tri, s’occupant de les faire acheminer à bon port ; il m’est déjà arrivé de l’y accompagner ou d’effectuer des commissions jusque Velia, et je marchais, me promenant, parce que c’était mon jour de repos, lorsque, entre les roches, j’entraperçus quelqu’un gisant sur le sol, inerte. Y était allongé un corps d’une pâleur qui me sidéra. Fronçant les sourcils, demeurant composé, je n’y crus pas tout de suite, mais quelques secondes plus tard, je m’étais déjà précipité auprès de cette personne étendue par terre, maculée de rouge, on aurait dit du liquide écarlate, mais heureusement, ce n’était que de la terre, et mon premier réflexe fut de vérifier si la jeune fille était vivante en appuyant doucement deux doigts sur son pouls, dans son cou. Certes, je manque de délicatesse au quotidien, non pas de douceur cependant ni d’efficacité, et sentis avec soulagement qu’elle était bel et bien vivante, mais cruellement affaiblie.
Je l’ai méticuleusement inspectée, vérifiant aussi qu’elle n’était blessée nulle part, qu’elle ne souffrait pas de séquelle physique externe, puis l’ai redressée, la maintenant contre moi, et décroché d’une main ma gourde pendue à ma taille, l’ouvrant et en glissant le goulot entre les lèvres de l’inconnue, qui m’avait tout l’air d’être une Velienne, ce qui m’a franchement surpris, n’ayant jamais vu de jeunes Veliens pénétrer Aphesas. Les derniers Veliens que j’avais croisés étaient des médecins, mais autrement, à ma connaissance, aucun Velien ne s’était un jour retrouvé en pareille posture, si loin de la terre de son Clan, mais plus grave encore, si loin de la mer. Nous étions déjà bien en avant à l’intérieur des terres, de l’autre côté du volcan, et la jeune fille à la peau éclatante de blancheur, aux cheveux blonds, très clairs, et fine, de haute taille, s’est réveillée à l’instant où l’eau a mouillé sa bouche. Elle s’agitait avant même d’avoir rouvert les yeux, et je la détaillais du regard, attentif à ses moindres gestes et mouvements, sans cesser de m’assurer qu’elle n’avait rien et ne courait pas de danger dans l’immédiat. J’étais silencieux, attendant qu’elle boive de tout son soûl et soit de nouveau hydratée, pendant que je me demandais depuis combien de temps se trouvait-elle en Aphesas, parce qu’un Velien éloigné de l’eau ne peut pas y survivre, mais visiblement, c’était ce qu’elle avait fait, frêle qu’elle est : elle y avait survécu contre toute attente et la voilà dans mes bras, en train de se réhydrater.
Finalement, quand elle a réalisé qu’il y avait quelqu’un d’autre en sa présence, elle m’a fixé de ses yeux bleus, tels des saphirs, écarquillés de peur avant de se reculer loin de moi, les roches faisant barrage. Il est vrai que lorsque je suis concentré, les traits de mon visage se ferment et je parais peu avenant, et je ne devais pas me montrer terrifiant malgré ça, mais c’est pourtant ce que j’ai lu dans son regard, de la terreur. Elle était en détresse. Néanmoins, ça ne m’a pas atteint et, sans lui adresser la parole, je lui ai tendu ma main, dont elle s’est saisie après un petit moment durant lequel elle a sans doute tergiversé, avant de l’emmener avec moi. Il était strictement exclu que je la laisse dépérir ainsi sur notre terre, ma conscience m’en empêchant : je ne pouvais pas être complice d’une telle chose inhumaine, bien qu’elle soit une Velienne, mais même si elle est extérieure au Clan et par conséquent une étrangère, ce n’était certainement pas une raison pour ne pas venir à son secours, et il me fallait au moins la ramener dans un endroit où elle pourrait se requinquer. Elle est un être humain et quelque part, mon esprit m’assène régulièrement qu’on est tous humains ; je n’ai pas hésité.
Je ne suis pas bavard, alors je n’ai pas engagé la conversation, mais lui parlais pour lui préciser vers où je la guidais, c’est-à-dire Pers, notre capitale, au bord de la mer. La seule question que je lui avais posée était de savoir comment elle avait échoué ici, et elle m’avait brièvement répondu qu’elle s’était perdue. Je n’y crus pas, car c’était hautement improbable, mais ne cherchais pas plus loin que ce qu’elle m’avait répliqué ; elle m’avait menti, mais peu m’importait ses raisons, ça ne regardait qu’elle et je ne suis pas poussif. Nous nous sommes rendus à Pers où elle s’est sentie bien mieux, ce qui était prévisible, et elle m’a avoué son nom : Moana Sapphire. Un joli nom. Elle a ajouté qu’elle avait seize ans, j’en avais vingt-et-un, et je lui ai proposé de la reconduire à Velia, Moana secouant négativement de la tête, craintive. Je n’ai pas insisté, et, naturellement, elle est restée avec moi. Je ne l’ai pas tout de suite présentée à mes mères, parce que je ne savais pas comment elles y réagiraient, si elles le prendraient comme je l’espérais, mais je me suis fait la réflexion que ce n’était pas la peine de redouter leur réaction, car elles sont mes mères et qu’elles ont confiance en moi, approuvent mes choix et me soutiennent. Je leur ai déjà prouvé qui j’étais, et je savais pertinemment que si Fe sera réticente à l’intrusion de Moana, Calia l’accueillera à bras ouverts.
Avant de retourner chez elles, j’ai fait faire le tour de la région à Moana, lui apprenant tout ce que je savais, à quel endroit nous nous trouvions, comment nous repérer grâce à la position du soleil en termes de localisation spatiale ou temporelle, le nom de chaque minerai, comment éviter les cratères, et si Moana se fatiguait très vite en raison du fait qu’elle fût épuisée à cause de l’absence de son élément, elle était de bonne volonté et recevait et assimilait mes instructions avec facilité, s’imprégnant de son nouvel environnement. Je gage que si Moana est esseulée en Aphesas, elle pourra s’y repérer sans grande difficulté aujourd’hui, ce qui me rassure, parce qu’il se peut que je meure, mais je n’ai pas révélé à Moana pourquoi je fais tout ça pour elle, car je veux qu’elle survive, et sans moi s’il le faut. Par ailleurs, en même temps que je m’entraîne, ayant d’abord présenté Moana à mon mentor, j’essaie de l’aider à mieux maîtriser son élément quand on est du côté de Pers, mais si les résultats ne sont pas concluants, Moana a indéniablement gagné en force sans s’en rendre compte. L’ayant cernée, elle doit toujours croire qu’elle est faible et inutile, mais c’est faux, et si je ne la complimente pas de vive voix, je n’en pense pas moins en l’orientant, la conseillant et la protégeant.
Peu de temps après, je l’ai enfin présentée à mes mères, et si Fe s’emporta après nous et quitta la maison telle un ouragan de flammes, Calia fut chaleureuse avec Moana et lui expliqua pourquoi Fe s’était échauffée, plus que contrariée, ce dont je lui en ai voulu. En vérité, il y avait bien un jugement que je redoutais particulièrement, celui de ma grand-mère Vi, qui déteint sur Fe, la réaction de Vi étant indicible, et ce fut le cas lorsque j’amenai Moana voir Vi. Mais Moana fit de son mieux pour se faire tolérer par ma famille, Fe s’étant considérablement adoucie quand il s’agit de Moana, et à présent, Moana est la bienvenue chez nous et fait partie de la famille. Nous n’avons pas pu dissimuler bien longtemps l’existence de Moana aux autres membres du Clan dans la région, mais quand ils ont su qu’elle logeait chez les Siltiama, ils n’ont pas fait de vague. Moana a Vi derrière elle, une Vi sceptique, mais Vi quand même, et ça fait deux ans que Moana et moi vivons ensemble et que nous vagabondons aux quatre coins d’Aphesas.
Par rapport à Moana, mon mentor m’a rétorqué dès le début que c’est une perte de temps de l’aider car ça empiète sur mon propre apprentissage, que je devrais me concentrer sur ma maîtrise et que ce n’est définitivement pas comme ça que je réussirai à maîtriser la Foudre, mais, si je suis invariablement ses instructions à la lettre, je ne lui ai pas obéi pour cette fois et passe tout le reste de mon temps libre avec Moana, que je pousse parfois à bout afin qu’elle progresse, et s’il m’est déjà arrivé de m’énerver après elle, jamais je n’ai levé la main sur elle ni sur aucune autre fille ou femme, jamais. Je ne suis pas violent, bien au contraire, je prône la défense et non l’attaque. Moana est sous ma protection et devenue ma partenaire depuis qu’elle a accepté de me suivre. Récemment, j’ai compris que ce que je ressentais pour elle avait permuté en amour, ce que je me mécontente amèrement d’étouffer : la protection des miens prime, et du moment que tout le monde demeure en vie, je saurais m’accommoder de cet entre-deux qui ne m’enchante pas. Il y a un an, Moana m’a confié pourquoi est-ce qu’elle a fugué de chez elle, et sa marque de confiance m’a à la fois embarrassé et touché, me gardant de le lui montrer, mais j’honore sa confiance chaque jour, je l’espère, lui étant dévoué, et songe à lui conter mon histoire.
Caractère :
Mon caractère est un mélange détonnant de celui de mes mères, que je tiens d’elles. Je suis fougueux, sanguin, m’énerve très vite, mais me calme très vite, à l’image de Fe. Comme elle, je suis un travailleur consciencieux, acharné, humble, digne et fier, souvent dur, mais je ne me veux jamais désobligeant à l’égard d’autrui, que je respecte profondément. Si ma rudesse s’exprime soudainement, ne la bridant plus, c’est parce que je suis extrêmement exigeant envers moi-même et n’aie qu’un objectif en tête : celui de protéger mon Clan en apprenant la maîtrise de la Foudre, que je tente de dévier, et que je saurais contrôler puis créer grâce à mon mentor. Calia se retrouve en moi, car je suis assez optimiste, ai foi en l’humanité, ne suis pas rancunier et la vengeance n’a pas de prise sur moi, imperméable. Certes, mes parents m’ont été arrachés, ils sont tombés sous les rocs des Calpiens, mais il s’agissait de quelques Calpiens isolés, qui sont morts à leur tour, payant notre lourd tribut en périssant sous les représailles des Aphesiens, les Calpiens n’étant pas tous des criminels, et je me refuse à imiter Vi et Fe et considérer l’ensemble des Calpiens de la sorte. Enfin, je suis ouvert d’esprit, tolérant, attentionné, aussi passionné que mes deux mères, généreux, altruiste, ayant le cœur sur la main, les autres étant importants, trop précieux, et passant avant mes propres intérêts, et téméraire. Cependant, la méfiance est de mise et j’accorde difficilement ma confiance. Je suis farouche, mais n’use de la violence qu’en dernier recours, quand je n’ai plus le choix et que je suis acculé, ma vie ou celle de mes proches en danger, menacés de mort.
Caractéristiques physiques :
Je suis brun aux yeux noisette, très musclé, mesure un mètre quatre-vingt-deux, et suis tatoué.
Liens :
A l’école d’Aphesas, que ce soit en première ou en seconde classe, je n’avais pas beaucoup d’amis, pour ne pas dire aucun, étant donné que je n’étais focalisé que sur mon apprentissage de la maîtrise de mon Feu, cependant, ça ne m’empêchait pas de m’entendre parfaitement avec mes camarades, que je respectais et qui me respectaient en retour, jusqu’à ce que j’entre en seconde classe. Les premiers amours s’y sont dessinés, et
Prior Gamma m’a franchement demandé de sortir avec elle un jour, de but en blanc, sans passer par quatre chemins ou d’autres détours. Nous nous connaissions déjà auparavant, puisque je connaissais tous les élèves de chaque classe et de chaque génération, en revanche, nous n’évoluions pas dans le même cercle, étant donné que j’étais davantage un électron libre, et, lorsque j’eus quinze ans, elle m’a abordé, nous nous sommes côtoyés, fréquentés, et avons fini par nous mettre ensemble.
Prior est et a toujours été une jeune femme que j’admire, car elle a tout pour elle : elle est non seulement magnifique, ce qui est un détail négligeable, mais intelligente, très capable, dotée d’un bon potentiel concernant sa maîtrise, et déterminée et forte, son caractère volcanique. Sans mentir, je l’aimais, mais ne pouvais pas me laisser distraire et me détourner de mon apprentissage, et c’est pourquoi je n’étais pas démonstratif et ne lui donnais aucune affection, afin qu’elle ne s’attache pas. Ce qui s’est passé et devait arriver est que nous sommes restés ensemble deux ans, avant qu’elle ne rompe, parce que je la délaissais. Je ne l’ai pas retenue même si j’en avais furieusement envie, m’excusant platement de ne pas avoir été le petit ami idéal, et en ai souffert un temps, mais l’ai masqué et me suis recentré sur ma maîtrise.
J’ai rencontré pour la première fois celui qu’on appelle
Ranjan Fobos un jour, il y a quelques années, où j’avais été réquisitionné comme bon nombre d’Aphesiens pour l’extraction de masse de minerais du Volcan. Il faisait extrêmement chaud ce fameux jour, la canicule étant exacerbée puisque nous nous situions en altitude, au sommet du Volcan, exposés au Soleil sans aucun rempart entre lui et nous, et le travail était rude et intense. Je me souviens de ma corde, qui me glissait des mains tandis que je transpirais, suant à grosses gouttes, et faiblissais, et j’avais des difficultés à m’accommoder à l’ensemble en dépit de ma bonne volonté, lorsqu’un homme m’a poussé sur le côté et a saisi ma corde à deux mains, faisant ensuite remonter sans aucun effort, du moins visible, de ce qu’il en laissait paraître, mon seau débordant de minerais fumants. Aussitôt, je l’ai récupéré et l’ai vidé derrière moi, m’occupant des minerais chaudement sortis de l’intérieur du Volcan, et lui ai retendus le seau en cherchant son regard du mien, m’y accrochant et lui souriant, le remerciant sincèrement de m’avoir aidé, mais Ranjan n’a pas bronché ni pipé mot, et s’est contenté de rester avec moi, et de m’aider à remonter le seau et récupérer davantage de minerais. A la fin de la journée, il m’a brièvement salué en me donnant son nom, ce dont j’en fus très fier, parce qu’il m’avait adressé un signe, à la fois respectueux et cordial, qui montrait qu’il me considérait et m’estimait malgré mon échec, et il s’agit d’un sentiment réciproque, qui s’est mué en admiration. En effet, j’admire grandement Ranjan pour sa force, sa puissance, sa rigueur et sa ténacité, sa discipline. Quand il ne travaille pas, il s’entraîne, et il m’est déjà arrivé de m’entraîner avec lui. Nous ne nous parlons que peu, n’échangeons de vive voix que le strict nécessaire, car lorsque j’essaie de nouer un lien plus étroit avec lui, il m’ignore volontairement et se rétracte, alors je me contente de profiter de sa présence rassurante avec parcimonie, et nos entraînements communs se déroulent dans un silence absolu. Il est ce Feu d’un calme olympien auprès duquel j’aime me réfugier.
Le soir de notre premier contact, je suis rentré chez mes mères et leur ai évoqué Ranjan, Calia s’étant immédiatement exclamée, enthousiaste, me lançant qu’elle connaissait déjà Ranjan et qu’elle le trouvait « extraordinaire » selon son propre terme. Calia étant à la tête du commerce de minerais, elle se rend souvent à Pers ou au sommet du Volcan, et c’est là où elle y a croisé Ranjan avant moi. Calia était survoltée par le fait que j’aie rencontré Ranjan et établi un contact avec lui, et me demande régulièrement de ses nouvelles. Fe, quant à elle, n’en pense rien, si ce n’est qu’elle en lève les yeux au ciel et en soupire, exaspérée, mais je sais qu’elle a confiance en les capacités de Ranjan. Récemment, Ranjan m’a fait part de sa pensée concernant Moana, et même si je sais qu’il me croit faible en demeurant avec elle, je le fais et n’en blâme surtout pas Ranjan de m’avoir partagé son opinion, au contraire. Je ne suis pas en accord avec lui, mais ça ne m’empêche pas de préserver notre entente amicale, et je ne cesserai jamais de le répéter, mais j’admire profondément cet homme, dont j’ignore l’histoire, mais qui, j’en suis instinctivement sûr et certain, est tragique.
Récapitulatif :
PNJs
Nom : Siltiama.
Prénom : Vi.
Age : Cinquante-neuf ans.
Date de naissance : Le quinze août.
Clan : Membre du clan du Feu et vit actuellement à Pers.
Niveau de maîtrise : 4, mais ne maîtrise pas la génération de la Foudre.
Liens : Mère biologique de Fe et grand-mère adoptive de Zarastro.
Lucide, critique, autoritaire, intransigeante, implacable, froide.
Nom : Siltiama.
Prénom : Caliawen, dite « Calia ».
Age : Quarante-et-un ans.
Date de naissance : Le six septembre.
Clan : Membre du clan du Feu et vit avec Fe dans l’intérieur des terres.
Niveau de maîtrise : 2, mais ne maîtrise pas la réorientation du Feu.
Liens : Epouse de Fe et mère adoptive de Zarastro.
Optimiste, passionnée, aimante, responsable, hardie, joviale.
Nom : Siltiama.
Prénom : Fe.
Age : Trente-sept ans.
Date de naissance : Le trente-et-un janvier.
Clan : Membre du clan du Feu et vit avec Caliawen dans l’intérieur des terres.
Niveau de maîtrise : 3, mais ne maîtrise pas la lecture de l’énergie et la réorientation de la Foudre.
Liens : Fille biologique de Vi, épouse de Caliawen et mère adoptive de Zarastro.
Pareille à Vi.
PJ
Nom : Siltiama.
Prénom : Zarastro, dit « Zara » ou « Z ».
Age : Vingt-trois ans.
Date de naissance : Le dix-neuf juillet.
Clan : Membre du clan du Feu et nomade.
Niveau de maîtrise : 3, mais ne maîtrise pas les flammes bleues, la lecture de l’énergie et la réorientation de la Foudre.
Liens : Orphelin, fils adoptif de Caliawen et de Fe, petit-fils adoptif de Vi, protecteur de Moana Sapphire et disciple de Balrog Gutrie.
Voir son « caractère ».