Bon cette lettre ne va pas être très drôle donc :
"TRIGGER WARNING"
si vous êtes sensible le mieux est de passer votre chemin!
Ce message n'a pas vraiment tourné comme je m'y attendais mais pourquoi ne pas le poster ici quand même?
C'est parti.
"Salut.
Tu es moi, tu as dix-huit ans. Si tu lis cette lettre, c’est sûrement que tu es revenue sur ce compte que tu tenais quand tu étais gamine, à coup sûr pour te replonger dans le passé et tes souvenirs. Aujourd’hui, j’ai seize ans, et toi tu en as dix huit, je suis ton passé et tu es mon futur.
Comme tu t’en souviens probablement, j’ai peur de toi. Si, si peur de qui tu es, de ce que tu représentes, de ce que tu as fait, ou pas fait. J’ai peur. Et je n’arrive absolument pas à t’imaginer, ou à me projeter dans ce qui est ton présent. Pour tout te dire, je sais bien que je suis plus proche d’une adulte que d’un enfant, mais il est impossible pour moi de me dire que dans deux ans j’ai dix huit ans.
Dix huit ans, dix huit ans sur cette terre, majeure, adulte… C’est quoi cette blague?! Non mais sérieusement, t’y crois toi? Quand est-ce que tout est allé si vite?
J’ai du mal à accepter l’idée de grandir, comme beaucoup de gens je pense. Je suis en train de me battre pour devenir la personne que j’ai toujours rêvé d’être, je me bats pour ne pas décevoir mon moi du passé, pour ne pas gâcher mon existence, et toi, tu es mon résultat. Seule toi sais si j’ai réussi.
Beaucoup des choses que je traverse actuellement doivent te sembler lointaines donc laisse moi te rafraichir la mémoire. Après avoir traversé toute cette période noire (qui a, rappelons le, occupé une bonne partie de ton existence) tu as enfin une vie stable. Je veux dire, tu te réveilles le matin sans vouloir sauter par la fenêtre, tu n’es plus dans ce tourbillon infernal, tu peux discuter avec quelqu’un sans vouloir pleurer, crier à t’en arracher les poumons, en finir, tu ris, pour de vrai, tu souris, le monde parait plus calme.
Il y a, bien évidemment, encore des choses à régler mais tu guéris.
Oh, et tu veux toujours changer le monde. Pas qu’un peu. Beaucoup de rêves, de projets pour un humain si petit. Tu sais, tout va mieux. Parfois, je me demande comment tout aurait été, si on avait jamais déménagé. Si j’avais jamais changé d’école. Si j’avais jamais rencontré L. S’il te plait, je comprends que tout doit etre très stressant pour toi aussi, je veux dire, tu rentres dans ta vie active.
Je suis en train de lire ce livre, pas un roman pour une fois, tu sais, “libérez votre cerveau!”. Et il est dit que les compétences et la réussite d’un élève dépendent en partie de l’attitude de son professeur. Si le professeur attend plus de cet élève que des autres, est persuadé de ses capacités et de sa réussite élevée, alors les résulats de l’élève, même s’il était “médiocre” (tu sais bien que je crois pas en ce mot), sont spectaculaires. Au contraire, si l’attitude du professeur est l’opposé, les résultats de l’élèves baissent beaucoup : il va se sentir inférieur et il ne va pas réussir meme s’il en a les capacités. L’école produit aussi l’impuissance apprise : se sentir inférieur, ne pas croire en ses capacités à cause de l’échec.
Et il est dit que c’est applicable à la psychologie d’une personne. Voilà. Alors maintenant, moi, ma question, c’est qui est-ce qui nous a rabaissé, qui est-ce qui a pas cru en nous, en toi, mon moi du futur, en moi, et en notre nous du passé, cette gamine insouciante.
Tu sais toutes ces pensées que j’ai dans ma tete à chaque fois que j’entreprends quelque chose, à chaque fois que je parle à quelqu’un, toutes ces pensées qui viennent comme si c’était naturel, une évidence.
S’il te plait, dis moi que tu sais ce qui est arrivé, dans notre passé, pour engendrer une telle violence envers nous meme, un tel mépris, un tel dégout. C’est vraiment un mystère. Non mais vraiment, je ne comprends pas, je sais que certaines choses ont été dures mais mes pensées sont si méchantes, et elle proviennent forcément de quelque part.
Je te jure, j’ai beau essayer de travailler sur moi, de faire des efforts, tellement, tellement d’efforts elle reviennent quoi qu’il arrive. Et je sais que je les mérite pas, qu’on les mérite pas.
Je sais aussi ce que tu vas me dire : “ continues à avancer, si c’était facile de faire un changement tout le monde le ferait, mais avec le temps et des efforts tout s’arrange. Continues, encore et toujours.”
Et c’est ce que je fais. Je veux juste comprendre. Je te jure. Pourquoi? Est ce que c’est à cause de N. ? De L. ? Des deux? Peut etre, oui. Je ne me souviens pas exactement de ce qu’elles me disaient. Enfin attends, je vais essayer. Ah si un peu.
“T’es nulle. T’es moche. T’y arriveras jamais. T’auras jamais d’autres amis que moi. Ils vont se moquer de toi. Sans moi, t’es rien. Tu mérites pas d’avoir ça, ou de faire ça, laisse les autres le faire avant. T’es bête. Mais comment tu peux faire ça, c’est dégoutant, et comment tu peux aimer ça?! Ouais c’est nul, comme toi. T’arrives jamais à rien faire. T’es moche. T’es nulle. Sans moi, ils t’aiment pas. Mais va pas voir les autres, reste avec moi. De toute façon ils voudraient pas jouer avec toi. Donne moi ça, c’est plus à toi, c’est à moi. De toute façon c’était trop beau pour toi. T’es bête. T’arriveras jamais à rien. Crois moi, je te dis que la vérité, c’est pour toi que je dis ça. Reste avec moi, au moins je t’accepte. Tu t’es fait mal? Bah c’est rien de toute façon tu le mérites. Tais toi. Tais toi. Tu dis n’importe quoi. Tu dis n’importe quoi. T’es moche. Tu devrais faire ça comme ça. T’es bizarre. T’es pas comme nous. Tu devrais faire ça comme ça. Tu fais tout toujours mal. Tu devrais etre comme ça. T’es bizarre. tu dis n’importe quoi. Tais toi. Parle pas. Tais toi.”
Ca c’était N… à seulement six ans. Tu te rends compte comment une gamine de six ans peut dire ça et faire ça?! Je veux dire, c’est tellement élaboré, c’est difficile à croire qu’une enfant de six ans ferait subir ça à une autre. Six ans bordel! Ca peut paraitre rien mais je te rappelle qu’à six ans on contruit sa personnalité, et que d’être rabaissée tous les jours, forcée de se taire, réprimée à un si jeune age ça laisse des traces.
Et puis sans parler des humiliations physiques bien sur.
Oh si parlons en. Ouvrir ma robe et la baisser pour me laisser en sous vêtements devant l’école complète pendant une réunion. Tous les yeux sur toi. Les rires des autres. Pas forcément méchants, juste innocents. Puis son rire, moqueur. Tu n’as plus jamais porté de robe dehors après ça. Tu as toujours détesté. Ou… Oh, tu sais j’ai honte de parler de ça… Ou quand elle te forcait et qu’elle s’enfermait avec toi dans les toilettes pour… Pour te regarder… Aller aux toilettes… Puis qu’elle sortait, racontait à tout le monde, et qu’elle se moquait. Meme dans ton intimité. Depuis ça te hante, t’as tellement de mal à aller aux toilettes en public.
Quand elle te poussait par terre, qu’elle te tapait. Pour rire bien sur. Et puis personne n’intervenait. Les autres, ils ne t’ont jamais fait du mal, mais ils ne t’ont jamais aidé non plus. Tu les voyais, les regards de pitié, mais tu te persuadais qu’ils ne t’étaient pas destinés. Tous les objets qu’elle a volé, qu’elle a cassé, juste pour te faire pleurer. Tous les mots qu’elle a prononcé, tous les gens dont elle t’a éloigné, tout, tout pour te briser. Est ce qu’elle savait ce qu’elle faisait? Peut être? J’en sais rien. Puis t’as déménagé. T’es arrivée ici.
Un an, ça s’est bien passé. Puis t’as changé d’école. CM1. La même chose, encore, mais en pire. Même paroles, humiliations quotidiennes.
C’était L… Elle te plantait son compas dans la peau, fort, elle te faisait saigner puis elle te demandait si ça faisait mal. Si tu disais oui, elle le faisait encore plus en souriant. Si tu disais non elle le faisait encore plus fort aussi jusqu’à ce que tu dises oui. Tu vois, la perversité? Elle te faisait du mal avec ses mains, ses pieds, des fourchettes, des compas, des trucs tranchants. Plus tard, c’est toi qui te l’as fait à toi meme, pensant que tu le méritais aussi.
Quand tu l’invitais chez toi, elle te volait tes affaires préférées parce que tu les méritais pas puis faisait comme si c’était à elle, et toi, tu disais rien. Plus tard, tu t’es aussi privée des choses que tu aimais, tu les déchirais pour te faire du mal. Elle trouvait toujours une raison pour te crier dessus, te critiquer, critiquer ce que tu aimais.
Elle t’insultait tous les jours. Elle t’écrivait des insultes sur la peau au feutre indélébile. Et c’était toujours ta faute. Une fois, tu te sentais si mal que tu voulais mourir, tu avais pris une écharpe et tu voulais t’étouffer avec. Tu avais trop de problèmes d’un coup. Elle avait dit “non” pour la forme puis elle t’avait reserré l’écharpe autour du cou en voulant “t’aider”. Très très fort. Elle avait fait un noeud. Je pense qu’elle était sérieuse.
Elle torturait tes animaux de compagnie, tes lapins, ton chien, et quand tu l’arretais parce que tu ne supportais pas, elle le faisait encore plus. Elle savait qu’elle te faisait encore plus de mal en s’en prenant à eux qu’à toi.
Elle s’arrêtait uniquement quand tu pleurais, elle adorait te voir pleurer. Alors elle te poussait à bout, jusqu’à ce que tu pleures en public meme si tu détestais ça. Puis elle se moquait, disait que c’était une blague, que tu étais trop sensible et arrêtait. Combien de fois tu as essayé de retenir tes larmes par honte, pour que personne ne s’en rende compte, tu avais peur de fermer les yeux et de les laisser s’échapper par mégarde. Tu regardais le sol, les formes tremblotantes que formaient les gouttes d’eau perlant à tes cils, et tu suppliais de trouver un sauveur. Tu suppliais ton grand-père qui était parti au ciel, tu suppliais tes héros de roman préférés, tu suppliais meme Dieu, ou le Christ.
Mais, tu sais, dans la vie, on est seul à pouvoir s’aider. Personne ne vient. Enfin… Il y a bien cette fille qui est intervenue, elle t’a aidé et elle t’a éloignée de L…
Sans ça tu aurais vécu une autre année sous son emprise.
Il y a tellement plus dont je ne parle pas, parce que c’est trop violent et inutile. Tu sais, quoi que j’en pense, je t’aime mon moi du futur. S’il te plait prends soin de toi, pour moi. Les choses que tu vas faire dans le futur vont écrire notre avenir à toutes les deux, et je sais qu’on va changer le monde. Ne t’inquiète pas, je vais prendre soin de Mael et Kanel pour toi, je ne les lâcherais pas. Tu vois, ce message va voyager dans le temps
Je t’aime tellement fort.
Wow c’est long! Quand j’ai commencé cette lettre, je ne pensais pas écrire tout ça, je pensais simplement faire le point sur ma vie et te poser des questions, à toi, mon moi du futur. Mais je suppose que j’avais besoin de parler de ça. Finalement je sais pourquoi j’ai toutes ces pensées dans ma tête, ces accusations, elle viennent de L.. et de N… Pas étonnant que j’ai tant de mal avec les relations sociales ou moi en général.
Mais je te jure, mon moi du futur, je vais essayer de régler ça pour que toi, tu sois heureuse et libérée. Tu le mérites, on le mérite. Pour cette gamine pleine de rêves et d’espoirs qu’on a un jour été, cette gamine qui a été brisée mais qui continue de vivre, à l’intérieur de nous.
Cette gamine qui a passé sa vie à rêver, en grandissant, à imaginer, la tête dans les nuages à travers les vitres de l’école. Le visage toujours tourné vers le ciel. Tu verras, on y arrivera. J’ai confiance en toi, tu peux le faire. Je suis en route pour devenir toi, à bientot, moi du futur.
(Oulala qu’est ce que je suis censée signer?)
(Peut être :
Ton toi du passé?)
)
Est-ce que les gens à qui tu l'as fait lire l'aime? J'espère.