Losefiana : Haha, tu verras. Où serait l'intérêt sans suspense ?
Promis, je vais faire attention ! Merci d'être passée !
Voilà donc la troisième et dernière partie de ce deuxième chapitre (que de nombres ! ^^). Promis, l'action va un peu décoller au prochain chapitre, mais l'intrigue ne démarre vraiment qu'à partir du 6° chapitre. Désolée, il me faut le temps de tout mettre en place, c'est très important pour la suite... :/
Bonne lecture !!!!
* * *
Ce simple prénom lui fit l’effet d’une douche froide, car elle se redressa instantanément, abandonnant sans aucuns remords apparents sa paresse. Ou peut-être était-ce l’effet d’une décharge électrique vu la teinte rouge de ses pomettes et ses yeux, ravies et brillants. Eric était un vieux coup de cœur, et voilà deux longues années qu’elle attendait pour lui mettre le grappin dessus.
Elle arrangea d’un geste expert ses boucles rousses et mordit ses lèvres pour les rendre plus rouges. Je me moquais intérieurement d’elle.
Il brandit son portable en arrivant à portée de voix, en maillot de bain, et un sac de sport sur l’épaule.
- Merci, Aby ! s’exclama-t-il, la gratifiant d’un sourire enjôleur. C’est gentil de m’avoir proposé de venir vous rejoindre !
Aby me lança un regard désolé auquel je répondis en levant les yeux au ciel, faisant tout mon possible pour ne pas éclater de rire. Elle était si prévisible.
- Tu comptais sur mon soutien ? soufflai-je.
- Il m’a dit qu’il ne faisait rien jusqu’à midi, je n’ai pas pu résister, avoua-t-elle, la mine désolée, se mordillant les lèvres. Tu ne m’en veux pas trop, hein ?
Je secouai la tête pour lui assurer que non, si cette visite lui faisait plaisir, ça me convenait parfaitement. Nous nous levâmes pour lui faire la bise et Aby endossa son rôle de séductrice, un sourire radieux illuminant son visage parfait.
- Vous avez vu le temps d’aujourd’hui ? lança Eric pour entamer la conversation.
- Oui, qui a dit que le nord était un coin pourri, s’enthousiasma mon amie.
- Pas un souffle de vent …
- Ouais, j’espère que ça ne sera pas comme ça trop longtemps, pour la planche à voile, n’est-ce pas, Nolwenn ? On a des compét’ à préparer !
La Normandie bénéficiait d’un climat plutôt venteux, ce dont nous profitions bien, Eric et moi, puisque nous appartenions au même club de planche à voile. Mais aujourd’hui, il n’y avait pas le moindre souffle de vent, un phénomène relativement rare et désarmant.
Aby riait à quelque chose que lui racontait le jeune homme quant je sortis de mes pensées, et n’ayant pas la moindre idée de leur sujet de conversation, je décidai que c’était le bon moment pour m’éclipser. Mieux valait laisser Abygaëlle mener seule ses tentatives d’approches.
- Excusez-moi, déclarai-je.
Puis je leur tournai le dos pour ramener le crabe, toujours dans ma main, à son milieu naturel. Aucun des deux ne remarqua mon départ. Les deux bords de la plage s’achevaient brutalement contre les falaises, les galets lisses cèdaient alors la place à un amoncellement de rochers et de morceaux de falaise, rongés par l’érosion. Je dépassai un groupe d’enfants armés de seaux et d’épuisettes, prenant d’assaut les grottes de craies.
Une fois le petit crustacé déposé dans une mare, un peu à l’écart, je fis tranquillement demi-tour vers nos serviettes, prenant tout mon temps pour profiter de ma solitude. Les vagues s’écrasaient contre les galets avec un craquement répétitif et apaisant. Je me laissai emporter par cette rythmique océanique, savourant les tons de bleu et de vert de ses notes.
Quand je fus en mesure de distinguer Aby et Éric, quelques minutes plus tard, celui-ci lui adressait un petit signe de main avant de repartir vers la route côtière, plus haut.
- Eric te salue, me lança-t-elle quand j’arrivai à sa hauteur, rayonnante, il vient de partir, un appel urgent.
- Oh, fis-je, tu dois être bouleversée ! me moquai-je, la main sur le cœur.
Elle me tira la langue avant de soupirer.
- Bon, d’accord, admit-elle, j’aurais dû te prévenir qu’il viendrait. Désolée, Nolwenn. C’est bon, tu es contente ?
J’éclatai de rire.
- En tout cas, ajouta-t-elle le sourire aux lèvres, il a fini par me proposer un ciné’. Je commençais à croire qu’il était gay !
- C’est génial ! m’exclamai-je. Quand y allez-vous ?
- Samedi après-midi. Mais je ne sais pas quel film il veut aller voir.
- Ne me fais pas croire que tu y vas pour le film, lui fis-je remarquer en riant.
Elle piqua un fard et se laissa retomber sur sa serviette, les bras écartés.
- La rentrée ne commence pas si mal finalement, lâcha-t-elle, un sourire niais fiché sur le visage. Tu vois que ce n’était pas une mauvaise idée d’aller à la plage. Que ferais-tu sans moi, franchement ?
- La grasse mat’ !
- Ingrate !
Nous passâmes le reste de l’après-midi étendues sur le sable, avalant nos sandwichs en papotant. La journée avait fini aussi belle qu’elle avait commencé : un ciel bleu parsemé de quelques nuages. Mais lorsque l’église sonna sept heures du soir, la pluie se mit à tomber et nous délogea.
- “Qui a dit que le Nord était un coin pourri ?“ N’est-ce pas ? raillai-je avant de nous séparer.
- C’est ça, grogna mon amie en m’assenant une tape sur la tête, à demain !
Je gravis en courant le chemin remontant vers chez moi, me protégeant de la pluie torrentielle avec mon sac. C’était un vrai déluge qui s’abattait à présent sur nous, faisant du soleil un bien lointain souvenir. Je dépassai la grille du Clos des Pendues, sans lui accorder un seul regard, et poussai celle de notre terrain. Le sol était couvert de flaques d’eau et les herbes du terrain me fouettaient les chevilles. Je courus vers la porte, sprintant sur les cinquante derniers mètres. De l’autre côté de la barrière blanche, l’imposante maison voisine jetait une ombre sinistre jusque dans notre jardin. Elle sortit de ma vue lorsque je me heurtai à notre lourde porte en bois, enfin au sec sous le perron.
Je pris une longue inspiration avant de peser de tout mon poids sur la poignée et de l’ouvrir.
Une demi-seconde suffit pour que la chape sinistre, qui s’était emparée de la maison depuis presque deux ans, me tombe sur les épaules.
Le cliquètement des touches de l’ordinateur attira mon attention. Je trouvais ma mère dans son bureau, penchée sur ses dossiers d’avocate et tapotant par intermittence sur le clavier. Elle se remettait enfin au travail, c’était une bonne chose. Depuis quelques jours déjà je la voyais plus souvent affairée dans ses papiers qu’avec son album photo et ses kleenex.
Etait-ce un signe qu’elle commençait à accepter le deuil ?
En tout cas, même si elle noyait son chagrin dans le travail, dû moment que ça l’empêchait de penser au passé …
Sans faire de bruit, j’allai à la cuisine chercher un verre d’eau et ses anti-dépresseurs quotidiens. Il fallait que je le lui rappelle, sans quoi, elle oubliait de les prendre. Et je n’osai pas me remémorrer dans quel état elle avait été, les rares fois où elle avait sauté le traitement.
Arrivée devant elle, je lui tendais le tout. Elle les prit et leva des yeux cernés - autant par le travail que par les insomnies - et éteints vers moi.
- Merci, mon ange. Mais qu’est ce que c’est ? demanda-t-elle d’un air absent.
- Tes médicaments, comme d’habitude.
Elle me les retendit, essayant de les fourrer de force dans mes mains, et m’adressa un sourire forcé.
- Ne t’inquiète pas, je vais parfaitement bien ; plus besoin de ces produits chimiques.
- Prends-les, insistai-je le ton un peu dur, tu te souviens ce qu’a dit le docteur, non ?
- Je n’en veux plus, je te dis, soupira-t-elle, le médecin peut dire ce qu’il veut.
- Très bien j’appelle l’hôpital pour leurs expliquer le problème, répondis-je en croisant les bras. Ils t’aideront à les avaler, de gré ou de force.
Elle soupira bruyamment et avala les deux cachets. Une larme perla au coin d’un de ses yeux et elle me caressa doucement les cheveux.
- Merci, Nolwenn. Tu es si gentille de t’occuper de moi … Je suis une mauvaise mère de me comporter comme si tu étais l’adulte de cette maison. Je suis désolée, vraiment. Mais je suis plus capable de rien sans eux …
Je voyais bien qu’elle retenait ses larmes, alors je la serrai dans mes bras. Je détestais la voir pleurer. J’enfouis mon visage dans son cou et inspirai l’odeur familière. J’avais beaucoup grandi pendant l’été et atteignait sans problème son mètre soixante-huit ; c’était une des nombreuses choses qui nous éloignait de ces deux années, nous avions autant changées l’une que l’autre. Ses traits s’étaient creusés et elle paraissait bien plus âgée que ses trente-sept ans, quand à moi, je n’étais plus la petite fille frêle qui avait pleuré toutes les larmes de son corps. Ces deux ans avaient laissé des marques indélébiles.
- C’est dur pour moi aussi, Maman. Il ne faut pas que l’on baisse les bras, ce n’est pas ce qu’ils auraient voulu.
Elle me sourit tristement, puis se leva.
- Je monte me coucher, je suis lessivée. Cette séance cet après-midi m’a achevée. Le repas est sur la table si tu as faim. Peux-tu mettre le lave-vaisselle en marche, s’il te plaît ?
Elle me posa un baiser sur le front.
- Bonne nuit.
- À demain.
Je me contentais d’un yaourt, puis remettais l’assiette et les couverts propres, qu’elle avait laissés à mon intention, dans le placard. La table nettoyée, j’éteignis les lumières et montai dans ma chambre. J’ouvris la fenêtre et m’assis sur le rebord de ma fenêtre. Ce soir, mon alto resterait sagement au chaud dans son étui.
Ce serait bien la première fois depuis une éternité que je ne jouerais pas, mais je n’avais plus la force de rien. Je crois que j’appréhendais demain pour une raison qui m’échappait totalement, mais qui se lovait en une boule au creux de mon ventre. Jugeant bon d’aller me coucher, je me levais et refermais ma fenêtre. Une fois mon pyjama enfilé et les draps rabattus sur mon corps, j’appuyais sur l’interrupteur, plongeant la pièce dans le noir.
Si j’étais restée plus longtemps à ma fenêtre, j’aurais sans doute vu le camion se garer devant le Clos des Pendues. J’aurais certainement reconnu la silhouette en déchargeant les cartons de déménagement.
Mais si j’étais restée à cette fenêtre, je ne sais pas comme les choses se seraient déroulées alors.
* * * * *
Chapitre 3 - Partie 1