C1 (Partie 2)
- Asseyez-vous, Mademoiselle Mayor, me dit le principal en me désignant un fauteuil.
J’obéis et m’assis sur le siège indiqué.
- Alors que les choses soient clair, reprend-t-il après un moment de silence. Vous avez de la chance d’être acceptée dans ce prestigieux établissement. Nous n’acceptons que très rarement des élèves en cours d’année. Et vu votre palmarès scolaire, je vous préviens je vous aurai à l’œil. (Il fit une pause et je restai silencieuse peu étonnée par son discours) Il faut que vous compreniez qu’ici il y a des règles qui sont obligatoires, il n’y a aucune exception, aucunes alternatives et en cas de non-respect des règles, des sanctions seront prises. Avez- vous compris ?
- Oui monsieur…
- En ce qui concerne le règlement le voici : vous ne devez….
Il a commencé à me lister un nombre impressionnant de règles que j’en avais la tête qui tournait. Je me perdis dans mes pensées. Je me revoyais entrer pour la première fois dans l’internat où j’avais passé toute ma scolarité. Mes parents m’avaient emmenée après que je me sois battu avec une élève en cm1. J’avais pleuré suppliant mes parents de me ramener à la maison mais ils m’avaient laissée dans cet immense bâtiment. Une femme était venue à ma rencontre et m’avait amenée jusqu’à ma chambre. On avait traversé de longs couloirs et mes yeux s’étaient écarquillés d’étonnement. On était passé devant des grandes classes. C’était incroyable… Mes pensées furent interrompues par la voix du directeur.
- Mademoiselle Mayor vous m’écoutez ?
Je hochai la tête.
- Donc je disais, les tatouages sont interdits et les colorations de cheveux également, ajoute-il en lançant un regard à un bout de ma mèche blonde qui dépassait. Et bien entendu l’uniforme est obligatoire, vous allez vous rendre à l’infirmerie tout à l’heure pour récupérer votre uniforme et vous changer. C’est bon, avez-vous tout compris ?
- Oui, monsieur…
- Tenez voici votre emploi du temps, ajoute-t-il en me tendant un papier que je récupérai.
- Merci.
On resta un moment silencieux jusqu’à ce qu’il se lève et se dirige vers la porte.
- Bon je vais vous accompagner jusqu’à votre classe.
Sur ce il ouvrit la porte et sortit. Je le suivis dans le long couloir puis on s’arrêta devant une porte. On entra.
Il n’y avait pas cours. Tous les élèves avaient le regard braqué sur moi. J’avais l’impression d’être une bête de foire. Le proviseur me présenta et me montra ma place. Au moment où j’allais m’assoir, un élève entra dans la classe.
- Tiens Monsieur Buner, j’avais prévu d’attendre mais puisque vous n’avez pas cours et que vous êtes debout, accompagnez la nouvelle à l’infirmerie pour qu’elle prenne son uniforme.
Je me retournai et tombai nez à nez avec un jeune homme de mon âge, aux cheveux bruns très clairs, assez grand. Son t-shirt moulait ses épaules. Mais ce sont ses yeux qui m’étonnaient le plus, du même brun que ses cheveux. J’étais tellement occupé à le regarder que je ne remarquai même pas le départ du proviseur ni que tous les élèves me regardaient toujours, enfin à part si c’est le garçon en face de moi qui les passionnaient.
- Tu viens, me lance-t-il en se dirigeant vers la porte.
Je le suivis sans un mot à travers le couloir. Je sursautais même quand il m’adressa la parole alors qu’on arrivait devant une porte où était inscrit « infirmerie » :
- Tu vas bien ? Pourquoi tu n’arrêtes pas de te gratter le poignet ?
Je n’avais même pas remarqué que je le faisais et quand j’arrêtai, j’avais dû me retenir pour ne pas recommencer.
- Ça doit être le stress… mentis-je.
- Mouais, tu devrais peut-être arrêter, c’est très agaçant, dit-il avec le plus grand sourire. Puis il toqua.
Je le regardai bouche bée. Il venait de passer de beau mec à imbécile. La porte s’ouvrit. Je me repris et regardai vers elle. Une femme brune se trouvait dans l’encadrement de la porte et m’observait. Elle devait avoir la trentaine pourtant avec ses longs cheveux, son visage rond, ses lèvres pulpeuses et ses yeux amandes bleus, je lui donnerais dix ans de moins. Elle continua de me scruter un long moment puis regarda Buner, les lèvres pincées puis elle se tourna à nouveau vers moi un grand sourire aux lèvres.
- Tu dois être la nouvelle, Julie ? Julie Mayor ?
- C’est ça, répondis-je la plus souriante que possible.
- Viens je vais te donner ton uniforme.
Elle entra et ferma la porte derrière moi.
- Tu fais du 34 ? (Sans me laisser le temps de répondre elle me tendit une jupe et un polo) Essaye ça dans les toilettes.
J’allai dedans et fermai à clé. Depuis mon accident, j’avais très souvent des douleurs à ma cicatrice et me changer restait souvent une épreuve. Je mis délicatement la jupe enlevai mon jean et enfilai les collants que je gardais dans mon sac. Pour le polo je dus aller plus lentement. J’avais rentré mon polo dans ma jupe comme j’avais vu les autres filles le faire puis remis mon sweet et sortit.
- C’est bon ça me va !
- Laisse-moi voir…
Je grimaçai légèrement de douleur en soulevant mon pull.
- Ok c’est bon, voilà cinq polos en plus. Ton père a déjà tout payé. Tu peux y aller.
- Merci, dis¬¬-je en prenant la pile de ses mains et mon sac à dos, au revoir.
- Au revoir.
Je sortis le plus vite possible et me cognai contre quelque chose de dur. Tous mes polos tombèrent par terre. Le quelque chose de dur n’était autre que le torse de Buner. Je me baissai rapidement et commençai à mettre mes polos dans mon sac. Buner en tout cas ne bougea pas d’un pouce.
- Merci c’est très gentil de ta part de m’aider, ironisai-je, en me relevant. Tu n’étais pas obligé de m’attendre, tu sais, j’aurais retrouvé mon chemin.
- Oh mais je ne t’attends pas, je dois parler à l’infirmière, me fit-il remarquer avec un grand sourire. Le rouge me monta aux joue -je ne m'étais jamais sentie aussi stupide.
- Ben la prochaine ne te mets pas au milieu du chemin, dis-je avec le peu de dignité qu’il me restait en le contournant.
- Et toi la prochaine fois regarde où tu vas, lança-t-il.
Je lui fis un doigt d’honneur tout en continuant de marcher.
Voilà que j’étais énervée, le jour de ma rentrée. Je continuai tout droit et cette fois-ci je pris le temps de regarder autour de moi. Il y avait des portes à ma droite tous les cinq six mètres à peu près. Sur mon côté gauche des fenêtres donnaient sur la cour intérieure, un assez grand jardin. Des chemins de dalle menaient au centre du jardin où se trouvait une fontaine. Mes chaussures faisaient grincer le parquet. Malgré les fenêtres le couloir restait sombre et me donnait un peu la chair de poule. Je repérai finalement la porte de la classe. La main sur la poignée, je pris une grande bouffée d’air puis rentrai. La plupart des élèves étaient retournée à leur activité. Certains parlaient, d’autres travaillaient. Quand ils me remarquèrent un grand silence s’installa et comme je n’étais pas du genre à briser les silences je m’assis à la place désignée par le directeur sans un mot. Quelques minutes plus tard, les élèves ne se préoccupaient plus de moi, enfin c’était ce que j’avais cru.
- Salut ! Moi c’est Aïcha ! Toi c’est bien Julie ? me dit la fille sur la table d’à côté.
Elle était assez foncée de peau et devait mesurer à peu près la même taille que moi, c’est-à-dire, 1m 70. Elle avait les cheveux noirs et des yeux de couleur marron.
- Oui c’est bien ça… répondis-je en jouant avec ma manche.
- Tu viens d’où ?
- Paris mais mes parents sont d’Irlande.
- Vraiment ! Mais c’est génial ! s’exclama-t-elle. J’avoue que c’est un peu paumé mais on s'y fait à force.
- C’est un peu paumé… dis-je en accentuant sur le « peu », tu veux dire que c’est paumé tout court.
- Bon ok, j’avoue…dit-elle en riant un peu. Alors c’est quoi ton histoire ? Pourquoi tu as quitté Paris ?
- J’ai eu des… petits…heu…soucis familiaux, mentis-je à moitié.
- Oh, rien de grave j’espère ?
- Si on veut…murmurai-je en haussant les épaules.
- Je t’aime bien tu sais ! T’es timide mais gentille…
Je me retournais vers elle. Elle avait le sourire aux lèvres et je lui rendis son sourire.
- Waouh ! Tes yeux sont… ! s’exclama-t-elle quand nos regards se croisèrent.
- Je sais...
- Bon maintenant dis-moi comment c’était avec Matthew ? fit-elle penchée pour que personne n’entende.
- Qui ça ?
- Buner, dit-elle incrédule comme-ci c’était évident. Alors ? Comment tu le trouves ?
- Ben…c’est un sale con…
- Quoi ? Pourquoi ? Tu ne le trouve pas canon ?
- Oui, mais c’est un con.
A ce même instant Buner entra dans la classe. Je levai les yeux et croisai les siens. J’ai eu soudain envie de me gratter. Il me fit un grand sourire plein de sarcasme. Je le lui rendis. En tournant la tête je remarquai que presque tous les élèves de la classe le regardaient. Il devait être très populaire.
- Mais c’est qui ? demandai-je à Aïcha.
- Eh bien, il traine toujours avec les inséparables …
- Les qui ça ? la coupai-je.
- Les inséparables, enfin c’est comme ça que nous les appelons, que des canons dans ce groupe et ils font partis des plus beaux du lycée. Et pour finir c’est le neveu du directeur. Alors je ne te dis pas…
- Ah merde…
- Quoi ?
- Je lui ai juste, sans faire exprès, fait un doigt d’honneur, expliquai-je.
- Quoi ? Tu as fait quoi ?
Ah ce moment précis, Buner s’arrêta devant ma table et chuchota en faisant en sorte que personne ne l’entende :
- Alors, la nouvelle, on est susceptible…
- Je ne…, commençai-je mais il était déjà allé s’assoir.
Je devais rêver, il venait de me parler pour me dire que je n’avais pas été sympa…Il se moquait de moi ! Je me retournai vers Aïcha qui faisait maintenant les gros yeux.
- Il…il vient de te parler ! s’étonna-t-elle.
- Et ?
- Non c’est juste que d’habitude il s’en fou un peu des nouveaux.
- Mais je ne suis pas n’importe quelle nouvelle ! m’exclamai-je faisant semblant de m’offusquer un grand sourire aux lèvres.
Elle me rendit un grand sourire et on éclata de rire. Je discutai avec elle jusqu’à la fin de l’heure. Le cours de biologie commença.
A midi, je restai avec Aïcha. Dans le couloir, certains élèves me regardaient avec étonnement. Ça me faisait bizarre de parler avec une autre élève. Depuis mon premier jour à l’internat, j’avais trainé avec les mêmes filles jusqu’à mon renvoi. On était tout le temps ensemble, on se disait tout. Alors parler avec Aïcha, comme si c’était mon amie, était une première pour moi. Alors que je discutais avec elle quelqu’un nous attrapa par le cou, nous faisant reculer de quelque pas.
- Arrête ! cria Aïcha en se libérant de la prise de la personne.
Elle enleva son bras autour de mon cou et je me retournai. Je tombai sur un garçon de mon âge, assez grand et quand même bien musclé. Il était blond et portait des lunettes. Il avait un petit charme et était assez beau. Il me détailla de la tête au pied puis se tourna vers Aïcha :
- Tu ne nous présentes pas ?
- Antony, je te présente Julie, fit-elle en me pointant du doigt-puis se tournant vers moi, Julie, je te présente Antony.
- Salut, me dit ce dernier. Alors c’est toi la fameuse nouvelle !
- Je vois que les nouvelles vont vite ici… grommelai-je.
Nous allâmes jusqu’à la cafétéria. J’appris qu’Antony vivait dans ce village depuis tout petit. Il faisait partie des meilleurs élèves de ce lycée. C’était une tête, comme le reste de sa famille qui était en possession d’une des rares entreprises rentables du village. Je trouvais que Antony et Aïcha faisait une bonne paire, elle un peu fofolle et lui le petit intello.
On s’assit avec Amande et Miranda, deux meilleures amies qui faisaient tout ensemble, m’avait expliquée Aïcha. Elles étaient toutes les deux en terminales mais trainaient avec eux le midi. Elles étaient toutes les deux brunes, aux yeux marron. Miranda était plus en forme qu’Amande et plus petite. Amande devait mesurer 5cm de moins que moi et était bien foutue : sa poitrine, comparée à la mienne, était très généreuse.
- Alors tu viens d’où ? me demanda-t-elle une fois qu’on avait fini de se présenter.
- De Paris, répondit à ma place Aïcha.
- Waouh ! La capitale de la mode ! s’étonna Antony, ça doit changer, le village.
- Mouais bof…c’est normal.
- Mais pourquoi t’es partie ? me demanda-t-il.
- Quelques problèmes… murmurai-je.
- Quels genres de problèmes ? me questionna-t-il.
- J’ai l’impression d’être dans un interrogatoire, fis-je sans trop sourire.
- Non, c’est juste que c’est tellement rare qu’un élève soit accepté comme ça au milieu de l’année que je me pose des questions.
- Je comprends…heu…eh bien…moi-même je ne comprends pas pourquoi j’ai été acceptée. J’ai eu tellement de problèmes que ce soit au niveau scolaire ou personnel.
- Mais quels problèmes ? s’enquit Amande.
- Euh ma mère est morte y a deux mois environ…
- Oh mon dieu ! Je suis désolée…fit Aïcha en déposant sa main sur mon bras.
- Désolé, dit Antony.
- Oh c’est rien, on s’y fait…
Un silence gêné s’installa sur la table. Antony relança finalement la conversation et on recommença à parler. A un moment, un groupe d’élèves entra dans la cafétéria. Je repérai tout de suite Buner. Avec lui trainaient deux blonds de la même taille qui se ressemblaient comme deux gouttes d’eau. Devant eux une fille aux cheveux blonds platines presque blancs tenait la main d’un garçon aux cheveux noir corbeau. Derrières eux deux filles, une rousse très foncée et une brune. La rousse était un peu plus petite que la brune. Tous étaient beaux, grands, élancés et minces. Je n’en croyais pas mes yeux.
- C’est la fameuse bande de Buner ? lançai-je à l’intention d'Aïcha mais c’est Antony qui me répondit.
- Oui, le couple, c’est Colombe et Andrew. J’ai toujours eu peur d’elle, ses yeux me font penser aux yeux des chats.
A cet instant précis, je croisai son regard. Ils étaient d’un bleu si clair qu’on n’aurait cru rêver.
- Hum et ceux qui trainent avec Matthew ?
- Heu…ce sont les jumeaux, Mattis et Hunter, me répondit Miranda. Les deux dernières sont les plus jeunes et elles sont sœurs Mei et Shurley. La brune s’est Shurley, elle est en première et Mei est en seconde.
- Les autres sont tous en terminale ? demandai-je.
- Ouaip, répondit Antony.
- Et tous les mecs sont dans l’équipe de rugby de l’école… ajouta Aïcha d’un air rêveur.
- Comme moi d’ailleurs, précisa Antony.
On parla un moment de l’équipe et des beaux mecs et on dériva sur des sujets divers.
- Tu as dit que tu avais eu des problèmes scolaires, se rappela Amanda, mais lesquels ?
- Tu tiens vraiment à savoir ? dis-je souriante en repensant à toutes mes conneries.
- Ah ben oui ! répondit Antony à sa place.
- J’ai été viré de mon lycée, enfin, mon internat…commençai-je.
- Quoi ? Mais ils t’ont acceptée ici ? s’étonna Aïcha.
- Je me suis moi-même demandée comment mon père avait fait, je dois dire qu’il a bien négocié, dis-je en jetant des coups d’œil autour de moi.
- Mais pourquoi tu as été virée ? me questionna Miranda. Tu étais si mauvaise élève ?
- Je vais plutôt dire que j’étais plutôt rebelle…
- Oh c’est bon, je t’aime bien toi ! s’exclama Antony en me donnant un coup de coude.
On continua de parler de mes problèmes disciplinaires et ils me racontèrent quelques anecdotes des rares délinquants du lycée. Et personne ne me fit de remarque sur mes yeux. Le reste de la journée s’était plutôt bien passé. J’avais trainé avec Aïcha et Antony. Ils m’avaient montrée les différents lieux.
A la fin de la journée, je pris le bus et refis le même chemin qu'a l’allée, à l’envers.
Quand je rentrai vers dix-huit heures, mon père n’était pas là. Il m’avait envoyée un message disant qu’il rentrerait pour le diner. Je préparai des pâtes en attendant son retour. Mais bientôt deux heures passèrent puis trois et quatre. Je mangeai finalement et me mis à regarder la télé jetant de temps à autres des coups d’œil à mon téléphone.
Je dû m’endormir car bientôt je me retrouvai dans un noir total. Puis j’étais assise dans la voiture cinq secondes avant l’accident. Une lumière blanche m’éblouit. Il y eut un gros choc puis ce fut le trou noir. Je me réveillai plus tard la tête à l’envers. Je voyais flou et j’avais un mal de tête atroce. Ma salive avait un goût cuivré, de sang. Je retrouvai enfin mes esprits quelques instants plus tard en me souvenant de ma mère. J’essayai de la toucher, de l’appeler mais ma lèvre était lourde et j’avais mal aux articulations. Je ressenti une vive douleur au niveau du ventre quand je me tournai vers ma mère. Elle était pâle. Du sang recouvrait son visage, je la secouai plusieurs fois mais elle ne réagit pas. Puis j’entendis des bruits de pas. Et des bottes noires crasseuses apparurent près de la porte conductrice. Cette personne parlait avec quelqu’un mais je ne distinguai pas ce qu’elle disait. Avec le bout de la botte, elle poussa le bras de ma mère étendu à terre. Et j’entendis un rire grave, qui me faisait penser à ceux des méchants dans les films. Le rire résonna dans ma tête, se rapprochant dangereusement de moi.
Je me réveillai en sursaut, trempée de sueur, sur le canapé du salon et décidai d’aller me coucher.
Chapitre 2(partie 1)