J'verrai plus tard.

Postez ici tous vos écrits qui se découpent en plusieurs parties !
DocMoule-Frite

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Re: J'verrai plus tard.

Message par DocMoule-Frite »

Alors.
Je me suis peut-être un peu enflammée. Je plaide coupable.
Le truc, c'est que je suis pas sûre du tout de ces textes, du coup, j'osais pas les poster, et je restais juste là, sans savoir trop quoi faire. Mais ce matin, je sais pas, j'étais de bonne humeur, et je me suis dit:" Et si je faisais, une co..." Restons polis. "Et si je faisais une grosse bêtise?" Et du coup, vu que je suis très maligne et talentueuse, je l'ai fait. Je l'ai fait et je m'en excuse.
Sinon, autre "grosse bêtise", j'ai parlé de cette histoire à une amie. C'est très bizarre, ça fait même un peu peur, quand je me dis qu'elle va lire "ça". Brr. Je raconte ma vie, c'est génial et merveilleusement intéressant, non?
Non, en vérité, je vais pas repartir dans un long et grand message sur moi, moi, moi.
Mais il reste juste un truc que j'avais envie de vous dire, à tous, parce que je trouve ça quand même vachement important:
Merci.
Allez, salut!
Mimori

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Re: J'verrai plus tard.

Message par Mimori »

Bonjour ! Je reviens de l'au-delà pour te faire don de ma présence...
Plus sérieusement, je ne suis pas passée depuis des lustres et je m'en excuse.
Surtout que maintenant que je relis mon commentaire, j'ai comme l'impression d'être une mémé acariâtre.

Bon, allons-y ! Ta publication juste après mon dernier commentaire m'a surprise non seulement de par sa longueur mais aussi... par ses pavés. Dur, dur de s'y retrouver ! Les paragraphes ne te veulent pas de mal, tu sais... Juste une poignée de main et un verre de l'amitié. Tu verras, c'est plus simple qu'il n'y paraît. ;) Autrement, on voit que Léanor est recluse sur elle-même et que les groupes lui font peur. Bon passage pour cerner une fois de plus le personnage et les craintes qui l'habitent. Un peu long, peut-être, mais bon ; je ne retire pas cet adjectif.
J'ai malgré tout encore du mal à passer d'une scène à l'autre et à voir le chemin que l'histoire va emprunter. La suite m'a parue très confuse et encore une fois, comme je te l'ai déjà dit, ça ne concerne sûrement que moi, j'ai eu du mal à suivre. Du coup j'ai plus survolé la fin qu'autre chose. Dommage, réellement dommage.
Je suis vraiment dégoûtée parce que j'adore la façon dont tu fais penser tes personnages, toutes ces anecdotes, ces détours avant d'en venir au sujet central ; c'est comme si on pouvait observer leur cerveau en train de fonctionner, et à la loupe en plus... Mais je suis un peu perdue.

Ne va pas t'imaginer que tout est de ta faute, j'avais déjà parlé de relecture il y a quelques temps mais je n'ai toujours pas trouvé l'occasion de m'y mettre. En plus, j'ai toujours trouvé la lecture sur écran plus compliquée, car j'ai du mal à me concentrer contrairement à un livre format papier.
Ne panique pas,
surtout.
L'auteur donne les clés et c'est au lecteur de s'en servir pour compléter l'aventure.
Je suppose qu'il me faudra juste un peu plus de temps que les autres.

"Ne panique pas" pourrait d'ailleurs tout aussi bien servir de conseil concernant ton choix de faire lire ton histoire à une amie. J'ai sauté ce pas là une seule et unique fois quand j'étais au lycée (un roman de fantasy pas top-top (je m'en rends compte maintenant avec le recul) mais potable quand même), et on m'a dit que c'était incompréhensible et que je tournais mes phrases à l'envers.
Pour ma défense, ce n'était pas une grande lectrice du tout.
Quoi que ton amie en pense, le plus important, c'est de voir ce que toi tu peux tirer de ce partage ! Des conseils, un tremplin, du courage, une dose supplémentaire de motivation... Ne te laisse pas gagner par l'inquiétude.
vampiredelivres

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Re: J'verrai plus tard.

Message par vampiredelivres »

J'arrive. Promis. Mais là, c'est bac-blanc-galère-&-co, donc pas tout de suite.
Normalement, d'ici ce week-end, je répondrai et corrigerai tout ce que tu viens de poster.
DocMoule-Frite

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Re: J'verrai plus tard.

Message par DocMoule-Frite »

Alors. Ca faisait longtemps que j'avais pas répondu à tout le monde. Mais me revoilà! Gnyahaha!

vampiredelivres: ne te presse pas, tout va bien. C'est déjà assez sympa que tu sois là à repasser derrière moi, je vais pas faire mon dictateur et te hurler de te mettre au boulot. (si tu es/connais un dictateur, je m'excuse, je n'ai rien contre ces personnes que je trouve, par ailleurs, très sympathiques) (je rigole) (ou pas) (qu'est-ce qu'elles m'avaient manqué, ces parenthèses) (et je rigolais)
Donc, bon bac-blanc-galère-&-co, amuse-toi bien (non, c'était méchant), et on se revoit dans deux mois, ô grande correctrice!

Mimori: Alléluia!
It's alive! (Frankenstein, blague, humour, je m'excuse)
J'ai entendu tes prières! Je vais essayer de faire des textes plus aérés, qui ne te brûlent pas les pupilles à la lecture. Et merci pour tout ce que tu as dis, que se soit critique ou conseil. En fait, merci, merci, triple merci!
DocMoule-Frite

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Re: J'verrai plus tard.

Message par DocMoule-Frite »

Cela faisait trois mois que Noa était à l’EFFS, l’ École de Formation des Faux à la Surface.
Trois mois.
Elle le savait grâce aux journaux qu’on laissait lire aux pensionnaires, « pour la documentation ». Trois mois c’est long, surtout quand la porte nous reste close, et qu’on ne peut sortir.
Elle sourit.
Une cage.
Ce n’était rien qu’une cage.
Elle renversa la tête en arrière.
On lui avait appris à lire, à écrire, à se battre. Et puis, on lui avait appris l’histoire. L’Histoire.
Elle sourit. C’était intéressant, les mots. Avec les mots, on pouvait changer le monde. Une prison devienait une école, un enlèvement un sauvetage. Un génocide une réduction des effectifs.
À l’EFFS, il n’y avait pas d’êtres humains. Juste des numéros. Un numéro, ce n’est rien, juste une suite de chiffres sur un bout de papier. Un numéro, c’est jetable. Et « on » en profitait. Une faux n’a pas le droit d’être inutile. Alors « on » taillait dans le tas, éliminant artistes, hommes moyens, ou trop gentils.
Elle sourit amèrement.
Oui, c’était drôle, les mots.
Tout ce qui était inutile n’avait pas sa place ici. Cela se ressentait, c’était palpable dans l’air. Des petits bâtiments, gris. De hautes barrières de barbelés, une autour de la cour, l’autre autour de la butte sur laquelle se trouvait leur prison, électrifiés.
Des gardes partout. En haut, dans les miradors. Sur les toits. Dans la cour.
Les pensionnaires dormaient ensembles dans des dortoirs, sur des lits de camp, mangeaient ensemble à la cantine, travaillaient ensemble. Il n’y avait guère qu’au temps libre qu’on avait droit à un peu d’intimité, et encore, c’était sans compter ces gardes, partout, tout le temps.
Appuyée contre un mur, elle laissait son regard se perdre dans ce qui était son univers depuis trois mois. Trois mois.
Le seul moyen de sortir, c’était de finir la formation.
« Formation » un mot bien pompeux. Elle pouvait presque le voir, là-haut, sur son estrade, loin devant les autres mots.
Les mots. Elle commençait vraiment à les détester.
Elle s’accroupit, la tête dans les bras. Elle releva la tête et se força à sourire. Au moins ils n’auraient pas ça. Elle se sentait mal, à l’étroit, elle avait l’impression de prendre la poussière. Elle avait été démolie, pendant son séjour en prison « on » avait voulu tout savoir, qui, quoi, où. « On » avait voulu savoir quel honnête citoyen avait été assez perverti pour aider une faux traquée, qui pouvait donner du travail à une ordure, qui, qui ?
« On » lui avait tout pris. « On » lui avait pris toutes ses possessions, ses vêtements, son sac.
« On » lui avait pris son nom.
Ils lui avaient tout pris, mais ils n’avaient pas eut ça. Au fond du numéro 13866, tout au fond, cachée derrière ce masque de mots, il y avait toujours Noa.
Alors il fallait sourire, pour le montrer, pour leur montrer qu’au fond, ils avaient perdu. Pour qu’en la voyant ils enragent, car non, ils ne l’avaient pas eue.
Car tout ça était un jeu. Elle l’avait vite appris dans les Entrailles, un jeu, oui.
Elle et ses petits camarades portaient tous le même uniforme gris : un pantalon de toile et un tee-shirt, que venait égayer un vêtement de couleur, marquant leur niveau.
Tous arboraient les cheveux blancs caractéristiques de ceux de « cette espèce », comme les nommaient les autres.
« Appelle ça comme tu veux, mais pour moi, ça restera toujours un pénitencier. » dit-elle à voix haute en remontant son écharpe jaune clair sur son nez.
« Arrête. ». Claudius. « On nous apprends à être utiles à la société ! Plutôt que de moisir dans les limbes, on va…
-Mais qu’elle me foute la paix la société ! J’ai rien demandé ! Et oui, c’est un pénitencier. » Elle reprit plus doucement : « C’est à toi d’arrêter de te voiler la face.
-Quoi ! C’est à cause de ce genre de comportements que… »
À côté d’eux, Gonzales les interrompit en prenant sa voix de présentateur.
« Laaadies and gentlemen ! Here is, and just for you, le combat du siècle, que dis-je, du millénaire ! À ma gauche, pour quarante combats et que des victoires, en jaune, Noooa ! À ma droite, un nouveau challenger plein de promesses, qui risque fort de vous étonner, en violet, Claauudius ! Connu aussi, mesdames et messieurs, comme l’utopiste ! »
Noa secoua la tête en souriant.
Dans la cour, ses joyeux camarades gambadaient. Elle les observa. Celle-ci ? Moyen-Âge, elle en était sûre. Lui ? D’après les rumeurs, un ancien rônin. Assez costaud avec ça. Il pourrait servir. Elle ? Mystère. Elle ne semblait convenir à aucune époque qu’elle connaissait. Ah ! Si, peut-être…
Lily donna un coup de coude à Gonzales.
« Le boxeur ! Matte un peu par ici, y’a du grabuge. »
Une bagarre, quelle surprise ! Il n’en fallut pas plus à Gonzales pour repartir :
« Bienvenue, mesdaames et messieuurs à la finale des grands champions ! … »
Gonzales était persuadé d’avoir été boxeur. Pour lui faire plaisir, tous l’appelaient donc ainsi.
Il s’était fait attraper peu après elle. Ils avaient l’habitude de travailler ensembles, et, si Gonzales pouvait se montrer jovial, bruyant, il respectait les silences de son amie.
Quand à Lily, la première chose que l’on remarquait chez elle était ses yeux ils étaient entièrement blancs, d’un blanc laiteux tirant sur le bleu. Quand elle était « née » dans les limbes, Lily avait perdu la vue. Néanmoins, elle s’était vue pourvue d’une ouïe surhumaine, qui compensait son handicap.
Elle qui vivait dans le noir, elle l’aveugle, semblait par moments mieux voir et comprendre que les autres ce monde qui l’entourait. Quelques fois, sans même que Noa ait prononcé un mot, elle devinait ses pensées, son humeur avec une précision effarante.
Elle était l’une des seules du groupe à connaître son octroi.
Ses origines cependant restaient un mystère. Comme toutes les faux, elle n’avait aucun souvenir de sa vie passée, si vie passée il y avait eu. Et si, habituellement, l’époque d’origine des faux était estimable par leurs vêtements, personne, personne ne savait d’où celle-ci sortait.
Tu me demandera, Kalaan, qu’est-ce que l’octroi. Je te répondrait ceci : Toutes les faux, quand elles s’éveillent, ont gagné quelque chose, l’octroi, comme une ouïe surpuissante, de la télépathie ou, moins utile, le pouvoir de voir à travers la matière.
Après cela, Kalaan, tu me remercieras à genou. Que veux - tu, je n’aime pas les histoires tristes, et cet endroit me terrifie
au plus haut point. Alors accorde-moi au moins le droit de m’arrêter, de sourire, de radoter un peu comme la vieille femme que je suis sait si bien le faire, pour reprendre mon souffle, je t’en supplie, Kalaan. Ce n’est pas une tâche facile qu’est la mienne, tu ne le sais que trop bien, puisqu’elle est aussi la tienne.
Il y avait aussi Claudius, Claudius l’ « l’utopiste », Claudius aux yeux de veau, Claudius le légionnaire, Claudius le positif. Il n’allait pas tarder, selon les informations de Noa, à passer de sa classe actuelle, violette, à bleu foncé. Claudius était le dernier de leur petit groupe à arriver à l’EFFS.
Il s’entendait avec tout le monde, sauf avec Noa. Ils ne s’accordaient sur rien, discutaient de tout.
Elle se demanda pourquoi il restait avec elle. Peut-être voyait-il cela comme un défi ?
Enfin, il y avait Björn. Björn, le géant blond et silencieux, sans qui ce petit groupe n’était pas complet. Il ne parlait pas, jamais, mais sa seule présence lui suffisait.
Noa eut un sourire plus large en les regardant. Une fine équipe.
Elle revînt au combat se déroulant plus loin. Vert contre orange.
« Pour moi, orange » dit Gonzales
Elle secoua la tête.
« Vert.
-T’es pas sérieuse. Un orange ! Tu as un petit souvenir de ce qu’est l’ordre ici ?
-L’autre fait deux têtes de plus. Et je le connais, ton orange n’a été admis que sur ses connaissances.
-Un orange ! On monte pas orange rien qu’en connaissant ses leçons !
-Si tu le dis. » fit-elle avec un geste de la main.
Elle observa le combat un instant, puis croisa les bras derrière la tête en soupirant. De toute façon, le vert allait gagner.
En contrebas, Un mouvement attira son attention. On ouvrait la grille du premier rempart. Un petit groupe d’hommes à pied entra. Elle plissa les yeux, et inconsciemment sans doute, ferma son œil gauche. Elle reconnu le directeur de l’EFFS, sa secrétaire, une jeune femme au cheveux blonds platines, Un autre homme, qui ne lui disait rien. Petit. Gros. Moustache blanche. Chauve. Lunettes. Elle l’enregistra dans un coin de sa tête. Un dernier, qui lui tournait le dos. Tourne-toi, allez… Son visage d’un coup lui apparut.
Clastes.
« Non ! Vas - y, défend-toi un peu nom de Dieu ! Mais défend-toi bon sang ! » Elle se retourna vers Gonzales, qui hurlait au orange, qui se faisait écraser, comme prévu, par le vert. Elle sourit.
« Ta garde ! Mais ta garde abruti ! Non ! Esquive ! Mais là ! Fallait frapper bon sang ! Mais regardez-moi ça ! Ce type est aussi mou qu’une limace ! » Il s’était levé à présent, et frappait dans le vide, le visage rougit, une veine gonflant sur son cou.
« Tu me dois un dessert, le boxeur. » le taquina-t-elle.
C’était un jeu entre eux. Tout était prétexte à compétiter, et le prix du gagnant était déjà connu : ils n’avaient rien, à par les vêtements qu’ils portaient. On jouait donc pour remplir un peu plus son assiette aux repas, une fois par semaine environ.
Une fois par semaine, oui. Que veux - tu, les faux se contentent de peu.
Le groupe d’hommes avait disparu. Noa resta un moment à fixer le portail.
Clastes, hein ?
Elle aurait sa vengeance.
Après tout, ce n’était qu’un jeu. Un jeu. Et elle resterait debout jusqu’à la fin, jusqu’à ce qu’il soit temps d’aller s’allonger au bord du chemin et de faire ses adieux. Et elle resterait debout, quoi qu’il en coûte.
Car après tout, ce n’était qu’un jeu.
Et le premier qui pleurait avait perdu.
Dernière modification par DocMoule-Frite le mer. 15 mars, 2017 4:54 pm, modifié 1 fois.
vampiredelivres

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Re: J'verrai plus tard.

Message par vampiredelivres »

Hellow hellow !

Totalement à la bourre, exactement. No comment, hein. On va juste se contenter de se mettre au boulot.

Ah, et, juste avant. Tu t'es enflammée. C'est cool. Laisser aller le talent artistique, ça ne fait jamais de mal. Surtout dans ces cas-là. Nous ne sommes pas là pour te juger, mais pour t'aider à t'améliorer.
Et, en parler à ton amie, c'est un grand pas en avant. Dans le bon sens du terme. Parce que, même si ce n'est pas une grande lectrice, elle pourra ouvertement te dire si ça lui plaît ou pas. Personnellement, en général, j'évite de faire lire à des personnes trop proches comme mes parents ou mon copain, sauf s'ils le demandent - ou alors si j'en ai vraiment besoin. Parce que d'un côté, ils sont proches, oui... mais d'un autre, ils ont souvent tendance à m'influencer en me disant "oui, mais ce personnage-là, je le préfèrerais comme ça... et celui-ci me paraît un peu trop..." et je les écoute parce que ce sont mes proches. Une amie qui te lit, c'est plus ou moins la même chose. Il faut que tu prennes en compte son avis, mais que tu gardes tes distance squand même vis-à-vis de la critique, parce que sinon, ça deviendra "ton" histoire avec "son" inspiration du moment.
La même chose vaut d'ailleurs pour nous lecteurs anonymes. Ne t'occupe pas de nos avis. Fais évoluer les personnages comme tu le souhaites, et pas comme on voudrait qu'ils évoluent.
Vala, c'était pour l'instant speech. Mais que tu en aies parlé est une très bonne chose ^^
DocMoule-Frite a écrit :Léanor, toujours assise au bureau, dans la grande, grande salle sous les toits, sourit. Un sourire, un sourire pour remplacer les mots, car que dire, oui, que dire ? « Oui, enchantée, c’est moi » ? Et puis après quoi ? À côté d’elle, l’autre souriait aussi, d’un grand sourire qui dévoilait toutes ses dents. Ses yeux clairs, seulement à moitié ouverts, étaient fixés sur elle. Ils lui semblaient devenir de plus en plus grands, jusqu’à ce qu’elle s’y noie, qu’elle commence à suffoquer dans ses iris. Elle détourna les yeux, mal à l’aise.
« Je… Je suis pas la seule, non ? »
Il sourit, secoua la tête.
« Il y a voir et voir. »
Sa voix était douce, comme du miel, très basse, comme un chuchotement.
Voir et voir ? Elle ne comprenait pas. Elle ouvrit la bouche pour lui demander des précisions, puis la referma. Non. Elle n’avait pas besoin d’avouer encore une fois toute son ignorance, son impuissance à gravir la grande montagne noire qui la surplombait, et dont l’ombre immense recouvrait tous son être.
Sa vie avait changée, oui, mais elle était bien incapable de l’expliquer.
Sa vie avait changée, oui, mais elle continuait comme avant, mêmes peurs, même routine… Avait-elle vraiment changée?
Le sourire de l’autre s’agrandit. Il lui tapota l’épaule et lui lança :
« Tu passeras le bonjour à Noa de ma part ! De la part de Valentin Fideico ! » avant de traverser le mur, et, en une seconde, s’était fini. Fini. Juste fini. Elle se retrouvait, une fois de plus, seule.
Elle alla manger, puis en cours, où elle travailla, comme une gentille petite fille.
Elle partit, rentra chez elle, fit ses devoirs, comme une gentille petite fille.
Elle sortit son carnet bleu de dessous son lit et entama l’esquisse d’un dragon, de son dragon.

Et la vie, la vie continuait, comme un long fleuve s’écoulant à l’infini, malgré les rochers pouvant lui barrer la route. Elle mangea, seule à la table de la cuisine.
Puis, elle alla, lentement, sans prendre la peine d’allumer la lumière, s’effondrer sur son lit, et ferma les yeux. Et elle resta ainsi. Une lumière jaune, venue de la rue, seule éclairait la petite chambre. NdC : Là, je n'aime pas trop la formulation. Le "seule" fait trop tache au milieu de la phrase. J'aurais plutôt écrit "Seule une lumière jaune, venue de la rue, éclairait la petite chambre." C'est plus fluide... Elle resta ainsi, les yeux fermés dans le noir, pendant quelques secondes, pendant une éternité. Elle resta ainsi, avec l’impression de n’être pas vraiment là. Et c’est ainsi qu’elle s’endormit. NdC : J'aime beaucoup ce passage. Pas juste les parties en vert, mais dans sa globalité. L'impression de routine, mais en même temps de tristesse et de lassitude, qui s'en dégage, est très jolie.


Nouvelle scène. Une semaine, deux, après les événements que je t’ai précédemment contés.
Dans la petite cuisine de son appartement, Léanor, et, à ses côtés, penché sur le plan de travail, Claudius. Léanor et Claudius. Claudius et Léanor. Claudius, toujours souriant et agréable, Léanor qui s’autorisait à l’être et à sourire à ses côtés. Claudius. Léanor. Deux amis, oui. Mais deux amis, c’est au moins une solitude brisée, et quelques heures de rigolades, quelques heures de silences, quelques heures de réconfort.
Léanor entama :
« Et donc, c’est Noa qui t’as demandé de venir ?
- Effectivement. Je rajoute du sel ou pas ? »
Léanor s’approcha de la casserole, armée de sa petite cuillère, et goûta la sauce.
« Non, c’est bon. »
Sans la regarder, il poursuivit :
« Tu sais, elle t’aime bien. Passe moi la louche.
- Wow, c’est bizarre, j’avais pas trop remarqué. Attend, je vais te sortir l’huile.
- Merci. »
Ils se turent. La louche en fer-blanc, que tenait Claudius, brillait à la lumière de la lampe posée à côté d’eux sur le plan de travail. Elle fendait les flots de cet océan rouge, de ce lac casserole. Elle la fixait, hypnotisée par ces mouvements calmes et circulaires. Claudius brisa le silence.
« Noa… C’est Noa… Elle parle pas beaucoup.
- J’avais remarqué. »
Puis après un autre silence.
« Au fait, tu connaîtrais pas un Valentin ? Valentin Fideioco, quelque chose comme ça.
- Non.
- En fait, c’est que je… Bon, je l’ai vu, et il m’a dit de passer le bonjour à Noa. »
Claudius fit la moue et secoua la tête.
« Non, vraiment, cela ne me dit rien.
- Ah. Bon »
Et ils se renfoncèrent dans le silence.

L’homme s’étira, et posa sa main, sur l’épaule de sa femme assise à côté de lui. Ils étaient assis tout au fond du cinéma. Il se retourna NdC : Ici, je chipote, mais l'emploi du verbe n'est pas très approprié. Se retourner, c'est employé quand on regarde derrière soi. Alors que là, sa femme est à côté de lui. Donc "se tourna" serait plus proche de ce que tu recherches, ou alors "tourna la tête" pour sourire à sa compagne. Il allait enfin pouvoir profiter de son week-end.

Le Don était un homme massif, solide comme un roc. Ses larges épaules étaient enfermées dans son costume violet et sa chemise noire.
Dans son ancienne vie, il avait été surfeur. Maintenant, c’était un enfoiré. NdC : Ah, mon dieu, le changement de langage ! :lol: Bon, en théorie, ça ne devrait pas passer, dans un texte. Mais là, j'approuve. Juste pour la magnifique baffe que se prend le lecteur en lisant ça, et la barre de rire qui va avec.
Il était tel qu’il lui suffisait de se tenir, comme à ce moment-là, simplement assis à une table, pour qu’on ait l’impression qu’elle lui appartenait. Il avait des cheveux blonds, décolorés, qui paraissaient presque blancs à côté de sa peau bronzée par une vie sous le soleil.
Il se gratta la barbe. Coupa le bout de son cigare d’un coup de dent et l’alluma, cachant la flamme de son briquet au creux de sa main.
Noa regarda, cachée derrière la table de billard, où quelques hommes s’étaient réunis, la petite flamme, vacillante sur ce briquet de métal froid, fragile, vacillante.
Rebbie l’avait conduite dans l’arrière salle, d’ambiance radicalement différente. Dans le coin, un bar, et un barman désœuvré.
Au billard, un groupe d’amis, et des masques sur tous les visages, des couteaux, des derringer dans les poches, attendant, dans l’ombre, le moment propice pour frapper, rapides, efficaces, meurtriers.
Assis à une table, un ange blond, l’air perdu, fixait son verre. Un ange blond, et des poches désormais vides. Une hôtesse en costume de lapin, et un décolleté plein, plein des billets de l’ange blond.
A une table plus loin, des conspirateurs, et une future victime.
Elle reporta son attention sur le Don. Il était seul, à l’exception d’un homme, blouson de cuir, petit, râblé, cheveux noirs plaqués en arrière par du gel. Noa s’avança et s’assis à table. L’homme lui sourit, son cigare entre les dents.
« Donc c’est toi, le corbac’ ? Il paraît qu’on aime bien se trimballer sur les toits ? Hein ? »
Elle se contenta d’un signe de tête. Elle avait l’impression de s’être assise dans la gueule d’un loup, qui pourrait la refermer à tout moment.
L’autre rit.
« T’es pas causante, hein ? Bon, je te présente Gonzales » fit-il en montrant son voisin, qui n’avait pas ouvert la bouche. Il posa ses coudes sur la table.
« Vous allez bosser ensemble » Il les regarda tour à tour, le sourire aux lèvres. Une seconde s'écoula, puis deux. Il eut une grimace.
« Bon » dit-il en passant ses bras autour de leurs épaules. « Mes cocos. Va falloir que vous fassiez un effort. »
Il reprit d’un air enjoué.
« Tiens, au fait, vous êtes tous les deux des faux. Ça vous fait un point commun. Sympa, non ? »
Il reprit, plus bas.
« Vous allez montrer un peu plus de volonté, ou je m’en vais. J’ai rendez-vous avec un bon ami, et je voudrai pas le faire attendre. Il est commissaire aux Archives.»
L’atmosphère se fit plus pesante. Le Don continuait de sourire.
Noa se contentait de le fixer.
Elle aurait pu le tuer, là, maintenant. Elle regarda autour d’elle sous le regard amusé de l’ancien surfeur. Non. Elle ne sortirait pas d’ici en un seul morceau si elle le faisait.
Elle soupira et croisa le regard de Gonzales. Cela ne dura qu’une seconde, juste une seule petite seconde, mais, sans un mot, ils se comprirent. Kalaan, Kalaan, il y a des mots qu'on dit mieux avec les yeux. Ensemble, ensemble, ils se tournèrent vers l’homme. Celui-ci sourit. Puis pointa son cigare vers elle.
« Et toi, si tu avais été plus maligne, tu aurais appris l’utilité des teintures. » Il se frotta les mains. « Bon. Maintenant que ceci est réglé, si on parlait affaires ? »
J'aime beaucoup ce texte. On a Léanor - faut savoir que je l'aime beaucoup - et Noa - que j'adore - et une ambiance très particulière, mais en même temps très agréable. Donc un chapitre très sympathique et agréable à lire, et très peu de fautes à part quelques formulations un peu bizarres.
DocMoule-Frite a écrit :Le vieil homme retourna dans sa rue. Ce n’était pas pour longtemps, mais il voulait faire ses adieux. Adieu aux voitures s’élançant sur le bitume, adieu à la petite école primaire, adieu aux grands cubes de verre, qu’un enfant trop pressé oublia là un jour. Il retrouva son mur, et l’observa un moment. Il leva les yeux au ciel et sourit. L’histoire avait commencé. Elle s’était mise en marche, de son pas tranquille, celui d’une personne qui sait que rien ne pourra l’arrêter, et bien fou qui se placerait sur son chemin. Un chat vint se frotter contre ses jambes. Sans la regarder, il dit :
« Salut, petit corbeau. »
Elle s’accroupit à ses côtés, et entoura ses genoux de ses bras.
« Le vieux. »
Il se contenta de sourire. Elle leva les yeux vers lui, debout à ses côté.
« Rentrons à la maison. »
NdC : J'aime beaucoup ce passage... même si je n'ai plus ou moins rien capté ^^

« T’es sûr que ça va marcher ?
- Fais moi confiance » fit Claudius en l’attrapant par les épaules. « Je suis une faux, il y a au moins quelques petits avantages à cela.
- Elle ne te voyait pas les autres jours, je vois pas pourquoi elle te verrait aujourd’hui.
- Léanor, Léanor, Léanor » répondit-il en secouant la tête « je suis le grand Claudius, rien ne m’est impossible ! »
Elle renifla.
« On verra. »
Abigail arriva vers eux, le sourire aux lèvres.
« Salut ! Ça va ? dit-elle en lui faisant la bise. Et toi, tu es… Non, ne dis rien, avec mes pouvoirs psy, je vais trouver… Paul, le cousin. J’ai pas raison ? »
Claudius s’esclaffa avec un regard pour Léanor.
« Tu as tout bon.
- Bon, on y va ? La film va commencer.
- Après toi » fit Claudius en laissant passer son amie.
Léanor lui tira la langue en se retournant vers lui.

L’homme démarra sa voiture, alla au travail, mais quitta tôt, à 16 heures. Il resta discuter un peu avec ses collègues dans un café, puis rentra chez lui.

Alan se tenait droit comme une colonne, Alan était figé comme une statue.
Alan se tenait avec les autres, et ils étaient dans un grand musée, un musée dans le passage sous les toits.
Entre deux immeubles, sous de grandes arches, Clastes leur avait demandé d’attendre.
De la rue, plus loin, ELLE allait surgir.
Mais déjà il n’y avait plus d’Alan. Il n’y avait plus « d’autres ».
Il n’y avait que la meute. Un être unique, indivisible. Un seul homme, tout entier dévoué à Clastes. Ils sentait l’excitation de la traque, l’adrénaline courir dans leurs veines, comme de l’eau. Ils étaient tendus, silencieux.
Ils jeta un regard à leur indicateur, un petit homme sec et nerveux, un certain Naggles. Ou Niggles. Niggles. Ils sourit. Clastes lui fit signe d’aller se cacher.
Ils se séparèrent. Certains allèrent, rapides comme des rats, dans la cordonnerie, de l’autre côté de la rue. C’était un vieux magasin de bois, qui sentait le cuir et le renfermé, un de ces endroits où tout est immobile, immuable, tout, jusqu’au soleil qui entrait par la vitrine de verre. Le magasin sentait le cuir et le cirage. Ils renifla, et s’accroupit derrière la vitrine, derrière les présentoirs.
Certains allèrent, discrets comme des ombres, dans le magasin de jouets en face. C’était un magasin vert, plein de couleurs et de pantins souriant à leurs visiteurs impromptus. Un monde coloré. Le pays des merveilles, mais envahi par des silhouettes noires, qui détonnaient au milieu des jouets d’un rouge brûlant, d’un vert brillant, de toutes ces couleurs qui agressaient leur vue.
Dans l’allée, seul le petit homme demeurait, appuyé contre un mur. Il souriait nerveusement, se tordait les mains, jetait des coups d’œil rapides autour de lui, comme une bête traquée.
Il sortit de sa poche, de ses mains tremblantes, un flacon de verre brun, qu’il secoua au-dessus de sa main, pour en faire sortir deux pilules blanches, d’un blanc pur, éclatant, qu’il enfourna brusquement. Il respira profondément, puis un air détendu se glissa sur son visage.
Il ferma à demi les yeux, et resta immobile. Plus rien ne bougeait. Plus rien ne respirait, comme dans l’attente du dernier invité de cette fête, de ce grand évènement.
Il arriva bientôt, les mains dans les poches, le sourire aux lèvres, un chaton blanc et gris perché sur son épaule. La fille aux cheveux blancs, après avoir regardé autour d’elle, fronça les sourcils. Dans la cordonnerie, dans la boutique de jouets, ils retînt son souffle.
Prudemment, elle s’avança vers Niggles. Son regard parcourut de nouveau l’allée vide. Les lèvres de Niggles bougèrent, et elle eut un sourire crispé.
Elle avança finalement vers l’homme, et sortit de son sac une boîte de bois lisse, qu’elle lui tendit, après avoir de nouveau scruté l’allée de ses yeux gris.
Il sourit, et passa sa main libre dessus. Ils échangèrent quelques mots, puis les doigts du petit homme rencontrèrent les fermoirs dorés de la boîte.
Un grand bruit retentit plus loin dans l’allée La fille au sweat rouge tourna la tête vivement. Tandis qu’elle se penchait pour discerner la source de ce fracas, le couvercle bascula, et Niggles sortit, doucement, une seringue pleine d’un liquide vert fluo.
Il la fit tourner entre ses doigts, puis, rapidement, sa main jailli, attrapa le bras de la jeune fille tandis que de son autre main, il relevait sa manche. Celle-ci se retourna vers lui tandis qu’il plantait violemment l’aiguille dans sa chair.
Il y eut deux cris. Celui de la fille, qui tentait déjà de s’enfuir, et celui, strident, du sifflet de Clastes. Il s’élancèrent. Le combat fut rude. Ils perdit beaucoup d’entre eux, mais le produit commençait déjà à faire effet, et les mouvements de la fille se faisaient moins vifs, moins précis. Et c’est là, à cet instant, Kalaan, que Noa s’écroula sur les pavés. Que ces hommes partirent tous ensembles d’un même cri, profond, guttural. C’est là, Kalaan, que le corbeau fut attrapé par les Archives.


Encore un autre décor. Que veux-tu, Kalaan, l’histoire n’est pas un être à rester assis sans rien faire.
Deux protagonistes. Léanor. Claudius. Oh, peut-être que cela t’ennuie, peut-être que tu préférerai du sang et des larmes. Que veut tu, Kalaan, j’aime, moi, les histoires douces et tranquille comme des pétales, qui se poseraient - imagine ! - délicatement sur ta joue.
« Claudius ?
- Oui ? »
Assise sur le banc, la jeune fille fixait les enfants qui jouaient près du toboggan en forme de dauphin. En forme de baleine. En forme d’animal marin souriant.
« Imagine… » reprit-elle « imagine ce qu’il se serait passé si les arbres avaient pu parler ? »
Il la fixa un instant sans rien dire, puis sourit. Il secoua la tête.
« Pourquoi ? Pourquoi ? Si j’avais su, quand Noa m’a demandé de m’occuper de toi, j’aurais fui, loin, très loin... »
Elle le poussa.
« T’es pas sympa. »
Elle rejeta sa tête en arrière, vers le ciel, vers les nuages de coton blancs. Sans le regarder, elle reprit :
« Non, vraiment, imagine… Qu’est-ce qu’ils pourraient bien raconter ? »
Il se contenta de sourire.
« Mais imagine !!
- Oh, bien, bien, si madame le prend comme ça… Si les arbres pouvaient parler, ils ronfleraient. Ils passeraient leurs temps à dormir. »
Elle renifla.
« Sérieusement ? Vous avez vraiment pas d’imagination, vous autres… Béotiens !
- Et qui est-ce, ce vous ?
- Les mooorts ! » dit-elle avec une voix caverneuse.
A côté d’elle, Claudius ne disait rien. Léanor se retourna vers lui. Que se passait-il ? Les yeux dans le vague, son compagnon restait inexpressif. Avait-elle gaffé ? Ou alors y avait-il un problème ? Elle regarda autour d’elle.
Les enfants jouaient toujours. Hormis leurs parents, assis sur les bancs près du bac à sable, il n’y avait personne.
Ah si, un coureur. Il passa rapidement devant eux, sans s’arrêter.
Bon, elle avait gaffé. Était-ce impoli de rappeler à son ami sa condition ? Ou était-ce autre chose ? Qu’avait-elle dit, qu’avait-elle bien pu faire ? Elle tenta désespérément de se souvenir, et à mesure qu’elle essayait de les rattraper, c’était comme si sa mémoire se dérobait à ses doigts. Des bribes seulement revenaient, et…
« Je dois y aller. » dit Claudius, interrompant ses pensées.
Il se leva, et, avant qu’elle ait pu faire un geste, s’envola vers le ciel. Elle se releva, main tendue, comme pour le retenir, tandis qu’il survolait les toits.

Elle était nulle, nulle, nulle. Nulle. Elle répéta ce mot, encore et encore.
Elle avait tout gâché.
Comme d’habitude, alors que tout allait bien, il avait fallu qu’elle lâche une bombe.
Elle se remémora tous les instants passés avec le légionnaire. Nulle. Elle faisait tournoyer ce mot dans sa tête, Kalaan, non pas rageusement, comme on pourrait le croire. Non, plus… Plus comme une simple constatation. Elle était nulle, voilà tout. Un boulet, un boulet nul. Elle sentit une boule monter dans sa gorge.
Elle la chassa, et leva la tête vers le ciel. Elle se sentait comme… Comme si elle se tenait debout sous une cascade. Elle sentait l’eau fraîche couler sur son crâne, à l’intérieur d’elle, dans sa poitrine. Elle était une cascade. Léanor se leva pour rentrer chez elle.
Elle marchait à pas lents, dévisageant tous ceux qui croisaient sa route. C’était drôle, au fond. Tout les jours, des millions de personnes devait se sentir comme ça, et même, tous les jours, des millions de personnes mouraient, des millions de personnes pleuraient, étaient tristes. Et le monde s’en foutait. D’autres millions de personnes riaient, la vie continuait. Elle arriva devant son immeuble sans même se souvenir de comment elle était arrivée là. Elle grimpa les marches de bois, glissa sa clé dans la serrure, entra, et alla se laisser tomber sur son lit.
Encore une semaine. Une semaine de vacances qu’elle allait devoir passer seule. Elle en était certaine, elle le sentait, comme gravé sur ses os, ancré à jamais sous sa peau. Elle le sentait, elle ne reverrait plus Claudius.
Mais elle le méritait, pensa-t-elle en fermant les yeux.
Note à part, oui, elle a gaffé, mais quand même ! Sadique auteure, tu ne vas pas la laisser seule pendant une semaine, quand même ! Elle est gentille, au fond, Léanor...
Aussi, j'ai adoré le passage avec Noa. Très beau, très bien écrit.
Me demande juste ce que le type vient faire en plein milieu... celui du cinéma, qui va au boulot... Bref.
Et, d'ailleurs, « le vieux », c'est celui du début de l'histoire ? Celui qui s'est fait poignarder dans la rue ?

DocMoule-Frite a écrit :L’homme se tenait assis devant son bureau. Il regarda un instant la pile de lettres, papiers et enveloppes devant lui. Il soupira puis tendit la main vers le dessus de la pile.

Léanor se tenait debout devant un autre bureau. Celui de Céline Lerdier, psychologue. Elle respira un grand coup. Inspire. Expire. Elle sentait son souffle caresser doucement se lèvres en s’en échappant, comme pour dire adieu. Inspire. Expire. Elle se composa son masque habituel. Celui d’une fille de dix-sept ans mal dans sa peau, angoissée, traumatisée. Cacher, cacher à tout prix son visage derrière ce masque de semi-vérités. Elle tendit la main vers la poignée, et l’abaissa lentement. Elle entra. NdC : Tip top, rien à redire !

Noa était assise sur un banc dans ce qui semblait être un vestiaire. Murs gris. Vieux graffitis. Pas de fenêtres.
Et des gens. Des gens partout, entassés les uns sur les autres, debout, assis sur les bancs ou par terre.
Des hommes et des femmes de tout âges et origines. Certains portaient des vêtements bizarres, qu’elle n’avait jamais vus chez Franch ou dans les Entrailles.
Elle porta son regard sur la porte, à l’autre bout de la pièce, quand un homme entra. Il saisit une personne par le bras et s'en alla comme il était venu. Elle fixa la porte, la seule sortie de cet endroit.
Mais que faisait-elle là ? Et qui étaient-ils tous ?
L’homme revint. Elle commença à égrener les secondes dans sa tête. Il était de retour dix minutes plus tard.
Dix minutes encore et il revenait.
Autour d’elle, le silence régnait, juste brisé par, près d'elle, ces deux voisins, visiblement un couple, qui discutaient à voix basse.
Elle tenta d'en entendre plus, par l'intermédiaire de ces charmants voisins. Mais leurs paroles restaient floues, à la limite du compréhensible. Elle n'entendait qu'un léger bourdonnement.
Elle tenta de parler, mais n’entendit pas un son sortir de sa bouche.
Elle fronça les sourcils, se concentra, se tendit, de tout son être vers le bruit… Sans parvenir à saisir un mot.
Bon. Elle ne pouvait pas entendre. Elle renifla.
Cinq minutes.
Une légère odeur de… de craie ? Le vestiaire sentait la craie. Cela ne lui indiquait rien.
Les souvenirs commencèrent à affluer, au compte gouttes, comme si quelqu’un avait ouvert pardonne-moi l’image Kalaan, mais je n’en trouve pas de plus appropriée, comme si quelqu’un avait ouvert un robinet dans sa tête.
Niggles. Elle avait rendez-vous avec lui. Pour… Pour une livraison. Niggles servait d’intermédiaire.
Dix minutes. L’homme n’arrivait pas. Onze. D’un coup, comme si le barrage qui enfermait sa mémoire avait cédé, elle se souvînt. Elle s’était fait attraper.
La porte se rouvrit sur l’homme, qui fit signe à un autre, assis dans un coin.
Quand il passa la porte elle aperçut son drôle de chapeau. Un bonnet de métal, avec des cornes sur les côtés ?
La douleur commença à irradier son crane. Elle savait. Elle savait, bon sang, ce que c’était !
Elle se retourna vers la pièce. Et le regretta aussitôt.
Pourquoi cette dame avait-elle une coiffure si bizarre, haute comme une tour, et qui semblait pouvoir à tout moment glisser sur son front?
Et pourquoi celui-ci portait-il une chemise en ferraille ? Et pourquoi ? Pourquoi ?
Sa vision se brouilla.
Elle fixa à nouveau la porte, pour ne pas voir, non, surtout pas. Trois minutes.
Sa tête tournait, elle avait l’impression qu’un grand feu s’était allumé dans sa tête. Pourquoi ? Elle serra les dents.
Elle devait sortir, vite, fuir loin de tout ça, vite, vite !
Elle se redressa, tenta de se relever.
Son pied droit était relié au banc par une chaîne grise, froide, cruelle. Ses mains. Menottées.
Coincée, elle était coincée. Elle tâtât fébrilement ses poches.
Vides.
Coincée.
Elle porta ses mains à son cou. Elle rencontrèrent le lien de cuir familier, réconfortant. On ne lui avait donc pas tout pris. Mais cela ne l’aiderait pas. Sept minutes. Elle avait l’impression d’entendre mille voix crier dans son crâne. Elle hurla. Elle hurla de rage, de désespoir, un peu de peur aussi. Et elle s’évanouit.


Alan se tenait au milieu de la chambre vide de Léanor. Il sourit. Les choses allaient bouger. Un développement intéressant, pensa-t-il en soulevant la couverture d’un livre sur son petit bureau. Excitant. Fascinant. Il n’allait pas, oh non, manquer cela. Non, pour rien au monde. Tu parles, elle n’en vaut pas la peine !
Si !
Non ! Arrête !
Tais-toi, tais-toi. En sueur, il reprit ses esprits. Il eut un sourire.

Léanor aperçut Alan au milieu de la cour. A travers la fenêtre pleine de buée, il n’était qu’une petite tache noire, petite, presque insignifiante. Tandis que son professeur déclamait sur les merveilles de la gravitation, dans la cour, l’autre releva la tête. Elle lui fit un signe de la main. Il sourit puis disparut.
Elle reporta son attention sur la salle de classe.
La tête dans ses bras, elle s’imagina tout ce beau monde se transformer. Ce type là-bas à qui elle n’avait jamais adressé la parole, mais qui passait son temps à taquiner sa voisine, il serait une grande mouette. Elle dessina les ailes, qui s’élancèrent au-dessus de sa tête.
Le prof, qui regardait tous les élèves avec cet air triste, serait une tortue, lente et calme, qui regarderait la vie de ses grands yeux noirs.
Kalaan, cette fille… Comment te dire cela… Elle vivait par procuration. Seule, elle se régalait des amitiés des autres. Abandonnée, elle souriait à leurs histoires. Vivante, mais invisible. Silencieuse comme la mort, qui vient, doucement, presque tendrement, nous cueillir et nous porter en son sein. Elle vivait mille vie dans sa tête, faisait le tour du monde, sans bouger d’un pouce.
Cette fille… Kalaan, j’aurai tellement voulu... Entrer, et lui crier de vivre, de vivre parce qu’on ne sait jamais, non, quand tout cela sera fini.
Je pense que si son cœur s’était arrêté de battre, cela ne lui aurait rien fait.

Elle aurait peur, d’accord, elle n'aurait pas compris, d’accord, mais elle n'aurait pas lutté. Et de voir ça, Kalaan, ça me… Ce n’était pas triste, non, juste empreint d’un goût aigre-doux. Mais arrêtons là, l’histoire n’attend pas.
Alan donc. Elle le retrouva dans la cour. Il s’élança vers elle.
« Enfin ! Je t’a cherchée partout !
- Ah.
- « Ah » ? C’est tout ? Dis donc, tu m’as l’air heureuse de me voir » dit-il, l’air sincèrement déçu.
« Excuse-moi, je suis fatiguée. »
Après le départ de Claudius, il avait fallu continuer à vivre. À se lever le matin. À aller à l’école. À écouter en cours. À aller chez son psy. À mentir à son psy. Ses discussions avec Abigail lui faisaient oublier, mais son amie ne pouvait pas toujours être là. Elle avait l’impression d’avoir touché au bonheur complet du bout des doigts et d’y avoir mis le feu.
Elle avait pu, pendant quelques semaines, parler, de tout, et surtout de n’importe quoi. De pouvoir dire tout ce qui lui passait par la tête sans se soucier des conséquences. Et elle avait tout gâché. Nulle.
Alan agita sa main devant ses yeux.
« Pupuce ?
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Ton cher tonton Alan vient t’apporter une bonne nouvelle ! » fit-il, sa voix s’élançant vers les aigus. « Noa va revenir.
- C’est-à-dire ? »
Un groupe de fille s’interposa. Léanor jura en silence. Mais qu’on la laisse tranquille ! Elle imagina un super héros, avec des cheveux blonds, un menton carré, et un costume rouge moulant ses muscles. Il arriva en courant et se jeta sur les filles, les plaquant au sol, sur le béton. Et puis Alan aussi tiens. Mais qu’on lui fiche la paix !
« Ça va ? » l’une des filles du groupe se penchait vers elle.
« Oui, oui, je… » Elle inspira. « Qu’est-ce qui se passe ?
- Abigail est tombée dans les escaliers !
- Une amie à toi je suppose ? » reprit Alan avec un sourire. « C’est mignon. »
« Je dois y aller » dit-elle, tant pour les filles que pour « tonton Alan ».
Noa attendrait.
Abigail était une des rares personnes qu’elle pouvait considérer comme son amie. Elles se connaissaient depuis quatre ans déjà et étaient inséparables. Jamais, jamais Abigail ne l’avait laissée tomber. Même quand elles se voyaient moins à cause de leurs emplois du temps chargés. Jamais. Alors oui, Noa attendrait.
J'aime bien, parce qu'on découvre Abigail, même si on ne la connaît pas vraiment. Et c'est cool de voir que Léanor a d'autres priorités que peut-être seulement un monde d'esprits.
Par contre, je plains Noa...

DocMoule-Frite a écrit :Cela faisait trois mois que Noa était à l’EFFS, l'École de Formation des Faux à la Surface.
Trois mois.
Elle le savait grâce aux journaux qu’on laissait lire aux pensionnaires « pour la documentation ». Trois mois c’est long, surtout quand la porte nous reste close, et qu’on ne peut sortir.
Elle sourit.
Une cage.
Ce n’était rien qu’une cage.
Elle renversa la tête en arrière.
On lui avait appris à lire, à écrire, à se battre. Et puis, on lui avait appris l’histoire. L’Histoire.
Elle sourit. C’était intéressant, les mots. Avec les mots, on pouvait changer le monde. Une prison devienait une école, un enlèvement un sauvetage. Un génocide une réduction des effectifs.

À l’EFFS, il n’y avait pas d’êtres humains. Juste des numéros. Un numéro, ce n’est rien, juste une suite de chiffres sur un bout de papier. Un numéro, c’est jetable. Et « on » en profitait. Une faux n’a pas le droit d’être inutile. Alors « on » taillait dans le tas, éliminant artistes, hommes moyens, ou trop gentils.
Elle sourit amèrement.
Oui, c’était drôle, les mots.
Tout ce qui était inutile n’avait pas sa place ici. Cela se ressentait, c’était palpable dans l’air. Des petits bâtiments, gris. De hautes barrières de barbelés, une autour de la cour, l’autre autour de la butte sur laquelle se trouvait leur prison, électrifiés.
Des gardes partout. En haut, dans les miradors. Sur les toits. Dans la cour.
Les pensionnaires dormaient ensembles dans des dortoirs, sur des lits de camp, mangeaient ensemble à la cantine, travaillaient ensemble. Il n’y avait guère qu’au temps libre qu’on avait droit à un peu d’intimité, et encore, c’était sans compter ces gardes, partout, tout le temps.
Appuyée contre un mur, elle laissait son regard se perdre dans ce qui était son univers depuis trois mois. Trois mois.
Le seul moyen de sortir, c’était de finir la formation.
« Formation » un mot bien pompeux. Elle pouvait presque le voir, là-haut, sur son estrade, loin devant les autres mots.
Les mots. Elle commençait vraiment à les détester.
Elle s’accroupit, la tête dans les bras. Elle releva la tête et se força à sourire. Au moins ils n’auraient pas ça. Elle se sentait mal, à l’étroit, elle avait l’impression de prendre la poussière. Elle avait été démolie, pendant son séjour en prison « on » avait voulu tout savoir, qui, quoi, où. « On » avait voulu savoir quel honnête citoyen avait été assez perverti pour aider une faux traquée, qui pouvait donner du travail à une ordure, qui, qui ?
« On » lui avait tout pris. « On » lui avait pris toutes ses possessions, ses vêtements, son sac.
« On » lui avait pris son nom.
Ils lui avaient tout pris, mais ils n’avaient pas eut ça. Au fond du numéro 13866, tout au fond, cachée derrière ce masque de mots, il y avait toujours Noa.
Alors il fallait sourire, pour le montrer, pour leur montrer qu’au fond, ils avaient perdu. Pour qu’en la voyant ils enragent, car non, ils ne l’avaient pas eue.
Car tout ça était un jeu. Elle l’avait vite appris dans les Entrailles, un jeu, oui.
Elle et ses petits camarades portaient tous le même uniforme gris : un pantalon de toile et un tee-shirt, que venait égayer un vêtement de couleur, marquant leur niveau.
Tous arboraient les cheveux blancs caractéristiques de ceux de « cette espèce » comme les nommaient les autres.
« Appelle ça comme tu veux, mais pour moi, ça restera toujours un pénitencier » dit-elle à voix haute en remontant son écharpe jaune clair sur son nez.
« Arrête. » Claudius. « On nous apprends à être utiles à la société ! Plutôt que de moisir dans les limbes, on va…
- Mais qu’elle me foute la paix la société ! J’ai rien demandé ! Et oui, c’est un pénitencier. »
Elle reprit plus doucement :
« C’est à toi d’arrêter de te voiler la face.
- Quoi ! C’est à cause de ce genre de comportements que… »
À côté d’eux, Gonzales les interrompit en prenant sa voix de présentateur.
« Laaadies and gentlemen ! Here is, and just for you, le combat du siècle, que dis-je, du millénaire ! À ma gauche, pour quarante combats et que des victoires, en jaune, Noooa ! À ma droite, un nouveau challenger plein de promesses, qui risque fort de vous étonner, en violet, Claauudius ! Connu aussi, mesdames et messieurs, comme l’utopiste ! »
Noa secoua la tête en souriant.
Dans la cour, ses joyeux camarades gambadaient. Elle les observa. Celle-ci ? Moyen-Âge, elle en était sûre. Lui ? D’après les rumeurs, un ancien rônin. Assez costaud avec ça. Il pourrait servir. Elle ? Mystère. Elle ne semblait convenir à aucune époque qu’elle connaissait. Ah ! Si, peut-être…
Lily donna un coup de coude à Gonzales.
« Le boxeur ! Matte un peu par ici, y’a du grabuge. »
Une bagarre, quelle surprise ! Il n’en fallut pas plus à Gonzales pour repartir :
« Bienvenue, mesdaames et messieuurs à la finale des grands champions ! … »
Gonzales était persuadé d’avoir été boxeur. Pour lui faire plaisir, tous l’appelaient donc ainsi.
Il s’était fait attraper peu après elle. Ils avaient l’habitude de travailler ensemble, et, si Gonzales pouvait se montrer jovial, bruyant, il respectait les silences de son amie.
Quand à Lily, la première chose que l’on remarquait chez elle était ses yeux ils étaient entièrement blancs, d’un blanc laiteux tirant sur le bleu. Quand elle était « née » dans les limbes, Lily avait perdu la vue. Néanmoins, elle s’était vue pourvue d’une ouïe surhumaine, qui compensait son handicap.
Elle qui vivait dans le noir, elle l’aveugle, semblait par moments mieux voir et comprendre que les autres ce monde qui l’entourait. Quelques fois, sans même que Noa ait prononcé un mot, elle devinait ses pensées, son humeur avec une précision effarante.
Elle était l’une des seules du groupe à connaître son octroi.
Ses origines cependant restaient un mystère. Comme toutes les faux, elle n’avait aucun souvenir de sa vie passée, si vie passée il y avait eu. Et si, habituellement, l’époque d’origine des faux était estimable par leurs vêtements, personne, personne ne savait d’où celle-ci sortait.
Tu me demandera, Kalaan, qu’est-ce que l’octroi. Je te répondrait ceci : toutes les faux, quand elles s’éveillent, ont gagné quelque chose, l’octroi, comme une ouïe surpuissante, de la télépathie ou, moins utile, le pouvoir de voir à travers la matière.
Après cela, Kalaan, tu me remercieras à genoux. Que veux - tu, je n’aime pas les histoires tristes, et cet endroit me terrifie au plus haut point. Alors accorde-moi au moins le droit de m’arrêter, de sourire, de radoter un peu comme la vieille femme que je suis sait si bien le faire, pour reprendre mon souffle, je t’en supplie, Kalaan. Ce n’est pas une tâche facile qu’est la mienne, tu ne le sais que trop bien, puisqu’elle est aussi la tienne.
Il y avait aussi Claudius, Claudius « l’utopiste », Claudius aux yeux de veau, Claudius le légionnaire, Claudius le positif. Il n’allait pas tarder, selon les informations de Noa, à passer de sa classe actuelle, violette, à bleu foncé. Claudius était le dernier de leur petit groupe à arriver à l’EFFS.
Il s’entendait avec tout le monde, sauf avec Noa. Ils ne s’accordaient sur rien, discutaient de tout.
Elle se demanda pourquoi il restait avec elle. Peut-être voyait-il cela comme un défi ?
Enfin, il y avait Björn. Björn, le géant blond et silencieux, sans qui ce petit groupe n’était pas complet. Il ne parlait pas, jamais, mais sa seule présence lui suffisait.
Noa eut un sourire plus large en les regardant. Une fine équipe.
Elle revînt au combat se déroulant plus loin. Vert contre orange.
« Pour moi, orange » dit Gonzales
Elle secoua la tête.
« Vert.
- T’es pas sérieuse. Un orange ! Tu as un petit souvenir de ce qu’est l’ordre ici ?
- L’autre fait deux têtes de plus. Et je le connais, ton orange n’a été admis que sur ses connaissances.
- Un orange ! On monte pas orange rien qu’en connaissant ses leçons !
- Si tu le dis » fit-elle avec un geste de la main.
Elle observa le combat un instant, puis croisa les bras derrière la tête en soupirant. De toute façon, le vert allait gagner.
En contrebas, Un mouvement attira son attention. On ouvrait la grille du premier rempart. Un petit groupe d’hommes à pied entra. Elle plissa les yeux, et inconsciemment sans doute, ferma son œil gauche. Elle reconnu le directeur de l’EFFS, sa secrétaire, une jeune femme au cheveux blonds platines, un autre homme, qui ne lui disait rien. Petit. Gros. Moustache blanche. Chauve. Lunettes. Elle l’enregistra dans un coin de sa tête. Un dernier, qui lui tournait le dos. Tourne-toi, allez… Son visage d’un coup lui apparut.
Clastes.
« Non ! Vas-y, défends-toi un peu nom de Dieu ! Mais défends-toi, bon sang ! »
Elle se retourna vers Gonzales, qui hurlait au orange, qui se faisait écraser, comme prévu, par le vert. Elle sourit.
« Ta garde ! Mais ta garde abruti ! Non ! Esquive ! Mais là ! Fallait frapper bon sang ! Mais regardez-moi ça ! Ce type est aussi mou qu’une limace ! »
Il s’était levé à présent, et frappait dans le vide, le visage rougi, une veine gonflant sur son cou.
« Tu me dois un dessert, le boxeur » le taquina-t-elle.
C’était un jeu entre eux. Tout était prétexte à compéter NdC : Euh, j'ai j'ai des doutes sur ce verbe... D'après le Larousse : Compéter : 1) Être de la compétence ; 2) Appartenir, revenir à quelqu'un en vertu d'un droit. Je te laisse juger., et le prix du gagnant était déjà connu : ils n’avaient rien, à par les vêtements qu’ils portaient. On jouait donc pour remplir un peu plus son assiette aux repas, une fois par semaine environ.
Une fois par semaine, oui. Que veux-tu, les faux se contentent de peu.
Le groupe d’hommes avait disparu. Noa resta un moment à fixer le portail.
Clastes, hein ?
Elle aurait sa vengeance.
Après tout, ce n’était qu’un jeu. Un jeu. Et elle resterait debout jusqu’à la fin, jusqu’à ce qu’il soit temps d’aller s’allonger au bord du chemin et de faire ses adieux. Et elle resterait debout, quoi qu’il en coûte.
Car après tout, ce n’était qu’un jeu.
Et le premier qui pleurait avait perdu.
Whaou !
Sérieusement, j'adore l'univers que tu nous dévoiles progressivement. Tu t'améliores, tes descriptions sont magnifiques, et on découvre facilement à la fois les pensées des personnages et un univers étrange, mais très beau. Et j'adoore Noa.
Voilààà, je file !

Bonne continuation, et encore félicitations !
vamp'
DocMoule-Frite

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Re: J'verrai plus tard.

Message par DocMoule-Frite »

« Non, Charlene, pas comme ça ! On la voit arriver à dix mètres, ta frappe ! Attends…
Instructeur Davis, ou Dr No pour Noa et Gonzales.
Cet homme commençait chacune de ses phrases par non.
C’en devenait fascinant. Noa se demanda s’il agissait ainsi avec sa femme.
Car oui, par je ne sais quel miracle, Kalaan, cet homme, cet homme là s’était marié.
« Chéri, je t’aime.
-Non, mais… »
Elle sourit.
Davis était un homme de petite taille, au nez fin et droit.
Il était à l’image de l’EFFS., sans rien de superflu.
Pas une once de graisse, un crâne rasé, tout en lui respirait la rigueur.
Il se plaça en face de Charlene, et son direct l’atteint en plein dans les cottes.
Noa regardait la scène sans rien dire, quand un choc derrière les genoux la fit basculer vers le sol. Elle se rétablit sur les mains, et resta quelques secondes en équilibre.
Elle déplia doucement ses jambes comme une danseuse en plein spectacle, légère, tranquille.
Elle soupira. Il était pénible.
Il ne voulait pas attendre qu’elle aie fini ?
Du coin de l’œil, elle aperçut Björn, qui combattait un homme court sur patte, dont la longue chevelure rousse descendait jusqu’aux épaules.
Elle sourit.
D’une torsion, elle se remit debout.
Elle se redressa, soupira à nouveau et se retourna vers son adversaire.
Celui-ci était un homme de taille moyenne, le visage mangée par une épaisse barbe noire. Il portait une ceinture de tissu jaune.
Il se mit en garde, sans un mot, le regard concentré, la tête légèrement penchée en avant. Elle l’observa un instant. Visage, mains, pieds vissés au sol, mains.
Elle releva la tête.
« T’es si pressé que ça ? »
Il grogna.
« D’accord, je m’en voudrais de te faire attendre. »
Pendant un instant, rien ne se passa.
D’un côté, l’homme silencieux, contracté, près à bondir.
D’un côté, une fille qui tranquillement, enleva son écharpe et la laissa tomber à terre, s’étira, puis les mains dans les poches de son jogging, sourit à l’autre.
D’un côté un chêne droit, imperturbable.
D’un côté un roseau tranquille et souple.
D’un côté le faucon, fier et concentré.
D’un côté le corbeau, moqueur et provocant.
Noa et… Et…
D’un coup, il se jeta sur elle, parcourant en une demi-seconde l’espace qui le séparait. Elle se baissa pour esquiver son poing droit, qui lui sembla passer au ralenti. Ce type était lent. Mais qui était-il ?
Michel ?
Non, il était là-bas.
Apercevant du coin de l’œil un mouvement de la part de son opposant mystère, elle roula sur le côté. Daniil peut-être.
Non, il était passé orange la semaine dernière.
L’autre, déséquilibré après son coup manqué, tituba vers l’avant.
Elle le frappa au ventre.
Non par cruauté, plus comme un automatisme.
13866 ne se posait pas de questions. Il frappait quand on lui demandait, et il frappait fort, pour achever l’ennemi en un coup. Il ne se posait pas de questions. Quelque part, il était reposant. Quand elle était 13866, Noa n’avait pas à penser. C’était pratique.
Son adversaire tomba à terre.
Elle grimpa sur lui, emprisonnant ses mains, le clouant au sol.
Mais qui était-il ?
Un nouveau peut-être ? Il fit mine de se relever. Elle appuya son genoux contre son dos. Non, tu ne partiras pas comme ça. Mais qui, qui était-il donc ?
Il ne disait toujours rien. Cela n’allait pas l’arranger.
Elle soupira.
Tant pis, elle allait juste devoir le brusquer un peu.
Elle n’aimait pas le fait de ne pas connaître ce type.
À son arrivée, plus par ennui que par réel besoin, elle avait appris à connaître tous les occupants de l’EFFS.
Elle connaissait leurs histoires, leurs faiblesses, les moyens de les faire chanter, de les manipuler, les amourettes des uns, les rivalités des autres, leurs peurs… Elle était curieuse de voir quelle petite souris avait pu lui passer sous le nez. Mais Dr No les appela, remettant à plus tard son petit interrogatoire.
« Non, mais venez quand je vous appelle !!! Vous viendrez me voir à la fin, d’accord ? Non, pas la peine de répondre. Pour ne pas vous mentir, je me fous de ce que vous pensez. Si vous êtes capables de l’immense prouesse qu’est cela, la pensée. Non, n’essayez pas, vous allez surchauffer. Non, là, vous allez vous asseoir, d’accord ? Non, je sais que c’est très dur pour vous, mais je crois en vos capacités, allez, vous pouvez poser vos petits culs par terre. Quoi, Charlene ? Non, ne me dis pas que tu n’es pas contente ? Tu n’apprécies pas ton sort ? Nooon !»
Noa sourit.
« Tiens, puisque cela vous amuse, contre moi, allez, relevez-vous, Noa.»
Dr No n’aimait pas Noa.
C’était dommage, puisqu’elle aurait pu l’adorer. C’était un des seuls à les appeler par leurs prénom, et il avait un semblant d’humour.
Bon, il avait quelques petits défauts, il prenait un malin plaisir à rabaisser ses élèves, et à les frapper.
Mais bon. Personne n’est parfait.
C’était purement gratuit, et si cela ne choquait pas la jeune morte, je dois te dire, Kalaan, que moi si, que moi, toute cette violence ne me semble pas naturelle et bénéfique. Malheureusement nous ne sommes que de simples témoins.
Nous sommes condamnés à l’impuissance.
Mais revenons-en donc à l’instructeur Davis.
Noa aurait pu le mettre à terre, elle pouvait le vaincre.
Elle le savait.
Elle le tenait en son poing, et il lui suffirait de refermer les doigts pour l’écraser. Pour les écraser tous.
Ces trois mois de cavale, ces trois mois dans les Entrailles, elle ne les avait malheureusement pas passés qu’à fuir.
Et elle avait vite appris, appris à serrer les dents, à frapper là où ça fait mal, oui, elle aurait pu, elle aurait pu poser ses mains autour de son cou, et serrer très fort.
Où le frapper à la pomme d’Adam.
Lui donner coup de pied sur coup de pied, le détruire.
Elle aurait pu.
Mais cela lui aurait causé des problèmes.
Mais elle préférait continuer à être sous-estimée et pouvoir avoir un semblant de paix.
Elle aurait pu l’adorer. Non. Elle aurait pu l’apprécier, ne poussons pas trop.
Au lieu de quoi il la répugnait au plus au point.
Après chaque cours, c’était ça: un « élève » était appelé pour se faire défoncer par le gentil, sympathique instructeur Davis. Le concept en soi ne la dérangeait pas tant que ça. Par contre, la fâcheuse habitude qu’il avait de la choisir elle, ou une de ses connaissances l’importunait plus.
Ils se mirent en garde.
Davis attaqua le premier, envoyant son poing vers Noa.
Elle le bloqua, puis resta immobile durant une seconde, tituba, agitant ses bras autour d’elle, surjouant la douleur et l’étourdissement.
Elle se laissa tomber à terre.
Davis se retourna vers les autres, assis par terre sur des tatamis, qui tapissaient la salle, et l’habillaient de bleu foncé.
« Non, mais vous avez vu ça ? Sérieusement, vous avez vu ça ? Le prochain que je vois faire le con comme ça, je lui file une raclée, non mais ! »
Elle se releva, salua, s’inclinant profondément, un sourire aux lèvres.
Elle allait pour se rasseoir, mais s’arrêta soudainement, comme si elle avait heurté un mur invisible. Elle prit sa tête entre ses mains. La douleur irradiait dans son crâne, et autour d’elle le monde commençait à se flouter.
Elle savait ce que cela signifiait.
Sa tête brûlait, elle tremblait, volcan au bord de l’éruption.
Elle cligna des yeux plusieurs fois pour tenter de chasser la brume rouge qui revenait, fourbe, cruelle, insatiable, qui emplissait sa vision de pourpre.
Devant elle, Davis parlait, parlait…
Seul un léger bourdonnement parvenait à ses oreilles.
Non, non, pas ici, pas maintenant ! La douleur se fit plus forte, et elle cessa de lutter.
Elle se redressa, lentement, le sourire aux lèvres.
Sans faire de bruit elle s’approcha de l’instructeur, qui lui tournait toujours le dos.
Elle se haussa sur la pointe des pieds pour venir glisser à son oreille : « Coucou ! », avant de lui saisir le bras, de lui faucher les jambes d’un coup de pied et de le balancer par-dessus sa tête violemment.
Le dos de l’homme heurta le tatami, et il n’eût le temps de se redresser qu’elle était déjà au-dessus de lui.
Son poing partit, une fois, deux fois, trois fois…
Aucun de ces camarades ne bougeait. Ils regardaient la scène en silence, indifférents. Davis arrêta de se débattre . Noa, toujours le sourire aux lèvres, se releva, et s’avança doucement vers les autres.
« Ça va les enfants ? Vous profitez du spectacle ? » Son sourire s’agrandit. « Vous êtes mignons. Mignons à croquer » ajouta-t-elle en appuyant sur les derniers mots.
Au sol, sa victime, le visage en sang, gonflé, émit un gémissement.
Elle se retourna vers lui. Elle lui balança un grand coup de pied dans les côtes.
« T’es pénible. »
Un autre coup. Davis toussa, puis tourna la tête pour cracher du sang. Du sans rouge vif sur le tatami bleu. Encore un coup.
«T’es bruyant. Et en plus tu salis le tapis. » fit-elle en le frappant encore, avec toujours ce sourire, ce sourire. Le sourire d’un loup devant un troupeau de moutons biens gras, un sourire plein de sang et de violence, un sourire de dingue, de dégénérée.
Elle attrapa son visage ensanglanté et glissa dans un murmure : « C’est pas contre toi, mais je t’aime pas » Sa voix était doucereuse, glacial.
Elle revint vers les autres, toujours assis, figés, comme si la peur, plutôt que de leur donner des ailes, leur avait attaché des boulets, des chaînes aux pieds.
Elle se passa la langue sur les lèvres et son sourire s’agrandit.
La température de la pièce, déjà basse, semblait avoir chuté de quelques degrés de plus.
Ses yeux gris étaient réduits à une mince fente quand elle déclara : « Bon, tout ça m’a mise en appétit. Qui est le prochain ? Ou la prochaine ? » fit-elle en les regardant tour à tour.
Elle commença à tourner sur elle-même, les bras écartés, et rejeta sa tête en arrière en riant.
Et de sa gorge sortit un chant lent : « Am, stram, gram… »
Elle sourit, et s’avança vers les silhouettes vêtues de gris, ce ciel éteint où brillaient quelques étoiles jaunes.
Et non, Kalaan, je ne te raconterai pas cela, je ne te raconterait pas à quoi son esprit ressemblait à ce moment, ce moment-là. N’insiste pas, nous ne sommes que des témoins, et, même si pour raconter mes histoires, j’aime à me mêler des sentiments, je n’ai pas osé aller regarder cette haine, ce démon de brume rouge, et lui faire face. Kalaan, plus tôt, je t’avais parlé d’un ouragan. Là, c’était plus comme… Comme un énorme incendie. Des flammes intenses, gigantesques, des langues de feu qui vous sifflaient aux oreilles, vous susurraient des horreurs. Même si, même si je ne risquait rien, oh Kalaan, oh Kalaan. J’avais l’impression que si je m’approchais trop, elle poserait ses yeux sur moi et tendrait la main pour me déchirer. J’ai eu, j’ai eu peur, si tu savais ! Moi qui pensais que jamais cela ne pourrait m’arriver.
C’est à ce moment que finalement, il y eut un mouvement dans le ciel morne. Björn se leva, se détacha du groupe et s’avança vers elle.
Il s’approcha d’elle comme on s’approche d’un animal, doucement, paumes tournées vers le sol. Elle lui sourit. Tu dois penser, Kalaan, que cette fille devait être très souriante.
C’est vrai, mais de nos jours, être souriant signifie bien plus que de sourire. C’est quelque chose de positif, c’est être avenant, plein d’énergie.
Comme si l’humanité avait voulu oublier qu’il existait d’autres sourires.
Tu soupires. Tu es pressé, ce doit être cela, être jeune.
La vieille femme que je suis t’embête avec ses spéculations inutiles, ses pauses, ses commentaires incessants. Oh oui, en vérité, Kalaan, tu es bien pressé. Eh bien alors, poursuivons !
Björn donc. Noa se retourna vivement vers lui.
« Ah ! C’est que j’ai failli attendre ! » Elle se frotta les mains l’une contre l’autre en riant.
« Bon ! On s’y met ? Autrement j’vais finir par m’endormir. »
Sans un mot,le géant continuait d’avancer, doucement, lentement, et chaque seconde qui passait faisait monter la pression dans la pièce, dans l’attente du combat, qui semblait inévitable.
Enfin, elle s’élança vers lui, avec un sourire de triomphe aux lèvres.
Le grand blond ne bougeait pas, il se dressait là, comme une montagne au milieu d’une plaine, comme une oasis au milieu du désert, solide, inébranlable.
Et soudain, aussi surprenant que cela puisse paraître, la jeune fille stoppa sa course.
Elle se prit la tête entre les mains, et hurla : « Non ! Non ! Pas maintenant ! Non ! Laisse-moi ! J’ai plus de droits sur ce corps que toi ! Dégage ! »
Björn parcourut alors les quelques mètres qui le séparaient encore d’elle. Et, sans un mot, sans aucun préambule, il lui administra une claque magistrale.
Elle valsa sur plusieurs mètres avant de relever la tête.
Lentement, elle porta la main à sa joue, le regard plein de surprise, le regard perdu, comme flottant encore entre deux eaux. Courbée en deux, elle entrouvrit la bouche.
« Björn ? » Elle se redressa, et parcourut la pièce des yeux. Apercevant l’homme à terre, au visage en sang, elle porta sa main à sa bouche.
Elle fit quelques pas vers le corps, les jambes tremblantes, les yeux écarquillés, la bouche ouverte derrière sa main. Elle s’arrêta et se retourna vers Björn, et son regard s’accrocha à lui comme un naufragé à une bouée.
« Björn ! »
Elle avait l’air perdue tu sais, comme un enfant, un enfant seul, tout seul au milieu d’un champ de bataille.
« Je… J’étais…. J’étais pas là, je… » Le géant sourit doucement et lui ouvrit les bras. Elle vint s’y blottir.
« C’était pas moi… C’était pas moi… Désolée... » répétait-elle, le regard fixe, tandis qu’il la berçait. Sa voix s’était faite toute petite tout à coup, minuscule, fragile, sur le point de se briser, comme « une porcelaine,dans un magasin d’éléphants », comme la chanson. Tu les aurais vus, serrés l’un contre l’autre, elle toute petite et lui gigantesque, elle affolée, lui calme et doux.
« C’était pas moi… Je jure... »
Et à cet instant, la rumeur dit, Kalaan, que Björn, le géant muet, le roc, serra l’enfant perdu contre son cœur et fredonna à son oreille, de sa voix grave, rugueuse, une voix d’ours, il fredonna doucement une chanson, une chanson pour Noa.
Ce n’est qu’une rumeur, Kalaan, mais il me plaît d’y croire. Ce qui est sûr, c’est que ces deux là, ces cinq là, s’étaient trouvés.
Après, l’histoire, on la modifie, on l’embellit, on en fait ce qu’on veut. Ce ne sont que des mots après tout.
Dernière modification par DocMoule-Frite le mer. 29 mars, 2017 3:41 pm, modifié 2 fois.
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Re: J'verrai plus tard.

Message par DocMoule-Frite »

Bon, j'ai hésité énormément avant de poster ça.
En fait, pour tout dire, ça fait une semaine que je l'avais écrit et que je me demandais si je le posterait ou pas.
Mais bon. Du coup, je me sens un peu mieux.
En fait, je me sens assez bien pour inonder ce forum de tout ce qui suit.
(Même si je pense que je vais me restreindre un peu, quand même.)
DocMoule-Frite

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Re: J'verrai plus tard.

Message par DocMoule-Frite »

Et maintenant, Kalaan, si nous revenions au présent ? Laissons donc là le passé, qu’il se repose sur ses mensonges, ses vérités, ses semi-réalités, ses rumeurs ! Oui, revenons, revenons au présent. Je parle bien sûr du présent de l’histoire, du présent de Léanor, qui, bien qu’elle t’ennuie, te réserve quelques surprises. Le présent de l’histoire donc. Il est vrai que pour nous autres, ce mot, « présent », n’a plus beaucoup de sens, n’est-ce pas ?

C’est le week-end. L’homme a décidé d’emmener sa femme au théâtre, laissant la petite aux bons soins de sa baby-sitter.

Le vieillard était assis, dos au mur, face au Bureau, un bar des Entrailles. Il sourit en repensant à l’étrangeté de ce nom, car les gens là-bas font tout, tout et surtout n’importe quoi, sauf travailler. Il était donc assis, dos contre le mur de briques dures et glacées. Son regard attentif explorait l’intérieur. Dans la lumière jaune des lampes, on pouvait voir la poussière virevolter, comme un millions de petits papillons, des papillons de poussière.

Dans le Bureau, Noa fixe le bar, un vieux bar de bois poli qui reflétait la lumière. Elle était fatiguée. Fatiguée de tout ça, de tous ces gens, ces bruits, ces lumières qui l’agressaient, fatiguée de ce monde qui n’en finissait pas de tourner, tourner…

Alan se tenait debout sous la neige, qui tombait à gros flocons autour de lui, lui solitaire dans son vieux costume noir. Les yeux levés, il regardait les étoiles. Alors comme ça, il neige aussi dans l’espace ? C’est idiot. Tais-toi, tais-toi. Il baisse les yeux. Devant lui, une ville en flammes. Quelque part dans cet enfer, il est en train de mourir. Il regarde les flammes s’élever vers le ciel, se tordre, fasciné. Il rit. Et, écartant les bras, il entama un pas de danse.

Léanor sortit du lycée, et ne repensa pas une seule fois aux mots d’Alan. Elle s’arrêta un instant devant les portes, sans raison particulière, peut-être, peut-être pour se donner l’illusion que quelqu’un pourrait arriver, la saluer et partir avec elle. Mais il n'y avait personne. Abigail était rentrée chez elle. Claudius aussi était rentré chez lui. Il n'y avait personne. Elle soupira et se mit en marche. Elle n’avait pas envie de rentrer chez elle, pas envie de se répéter encore une fois combien elle était inutile, pas envie de s’asseoir et de réaliser que, encore une fois, elle n’avait rien à faire, personne à qui parler. Elle décida de marcher un peu, et alla se poster contre un arbre dans une grande avenue près du lycée et elle regarda. Elle regarda tous ces gens, ces « autres » qui semblait savoir parfaitement où ils allaient, quelle était leur place.

L’inspecteur Clastes, devant son miroir, redressa sa cravate, lissa son col et ferma les yeux. Ce soir, il allait faire semblant d’être un homme à femmes, d’être séduisant, joueur, et sa secrétaire allait sans doute faire semblant de l’apprécier, des crédits dans les yeux, eux-mêmes rivés sur son portefeuille. Il soupira. Cela faisait trois ans que sa femme l’avait quitté. Elle ne voulait pas passer l’éternité avec lui. Il s’en fichait. Ce n’était pas comme s’il l’aimait. Elle était brouillonne, toujours mal fagotée… A la réflexion, il était même plutôt heureux de s’en être débarrassé. S’il l’avait pu, il aurait passé la soirée chez lui, à se repasser ses vieux disques de jazz. Mais il fallait sauvegarder les apparences. Alors ce soir, il allait sortir, boire du mauvais vin et écouter une greluche le bassiner avec sa vie, puisque c’était palpitant, la vie d’une secrétaire. Il se passa un peu d’eau sur le visage et se regarda dans la glace. Des yeux bleus acier, perçants, qui avait toujours fait se pâmer les femmes, des cheveux blonds cendrés. Il reconnaissait qu’il était un bel homme. Il lui restait cependant à trouver une belle femme, une qui soit de son niveau. Il soupira encore. Enfin… Tant et si bien qu’une telle femme existe… Il sortit. Ce n’était qu’un mauvais moment à passer. Un mauvais moment très long, pénible.

Dans les abysses, aux frontières des limbes, les sang’s s’agitaient, s’arrachaient du sol. L’une d’entre elle, gigantesque, une ombre noire, mouvante, sans forme ni taille définie, comme toute les autres, avec deux trous oranges à la place des yeux, comme toutes les autres, l’une d’entre elles s’avança et à chacun de ses pas la terre paraissait trembler. Elle s’arrêta et leva sa tête noire vers le ciel. Non. Pas tout de suite. Ce n’était pas encore son moment. Mais bientôt, oh oui, bientôt.

Claudius se tenait debout, appuyé contre la rambarde, la rambarde du grand tribunal de la ville Haute.
Il sourit.
Au moins, il avait pu apercevoir ce lieu qui leur était interdit, à eux les faux, ce pigeonnier ou se prenait toutes les grandes décision.
Derrière lui, dans l’uniforme noir qui caractérisait la police des limbes, se tenait, sombre et silencieux, sourd à tout ce qu’il aurait pu faire ou dire, un homme. Claudius secoua la tête.
Tout allait bien se passer.
Il regarda le public entrer, et les gens, seuls ou par petit groupes, s’installer face à la tribune. Aucun de ses amis n’était venu. Il ferma les yeux. Après tout, il n’avait pas lieu de le regretter. Ils n’auraient pas pu pénétrer la ville Haute de toute façon.
Car après tout, c’était ça, être une faux, c’était courber l’échine et obéir, car il leur manquait une case, car ils étaient incomplets.
C’était protéger ceux qui vous crachaient au visage, c’était rester dans l’ombre.
Il n’avait pas compris cela, alors il était là, debout au banc des accusé, attendant que vienne l’homme qui allait le condamner, et l’envoyer sous les verrous.
Le visage de Noa surgit des ombres, souriant. « Je te l’avais dit » fit - elle en secouant la tête.
Il sentit les larmes couler sur ses joues.
Il les vit tous, Noa, Gonzales, Björn, les yeux blancs de Lily. Ils se tenaient debout, devant lui, et le fixaient sans un mot. Les larmes coulaient toujours plus nombreuses, toujours plus douloureuses.
Il avait voulu y croire. Il y avait cru. Il avait cru qu’il allait faire le bien des autres, et que tout irait bien. Il avait voulu y croire, pour lui, pour les autres qui avaient abandonné, qui paraissaient s’enfoncer toujours plus loin dans le noir : Noa et ses trafics, Gonzales et ses combats clandestins. Pour Björn et Lily, qu’il n’avait jamais vraiment compris.
S’était-il trompé ?
Il entendit un croassement.
Il leva les yeux, le visage strié de larmes. Le plafond du tribunal était une gigantesque coupole de verre. Il la parcourut des yeux frénétiquement. Un autre croassement se fit entendre. Et enfin il le trouva. L’un des carreaux de sa grande, grande cage de verre était ouvert. Et, depuis le rebord, un corbeau pencha la tête et darda sur lui son œil noir. Le temps s’arrêta, suspendu, tandis, qu’ils se fixaient. Un battement d’aile et il était parti. Il sourit. Il détailla la verrière et aperçut, toute petite contre le verre, une mésange, les plumes ébouriffées par le vent Non, tout allait bien se passer. Après tout, il était innocent.

Dans le monde, deux personnes meurent, quatre naissent, tout ça en l'espace d'une seconde, d'une toute petite, minuscule seconde. Et à chaque flamme qui s’éteint, deux autres se rallument. Et des milliers de personnes se lèvent le matin, mangent, et travaillent dans leur petit bureau, sourient, crient pleurent, vivent.
Dernière modification par DocMoule-Frite le lun. 27 mars, 2017 6:33 pm, modifié 1 fois.
DocMoule-Frite

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Re: J'verrai plus tard.

Message par DocMoule-Frite »

Oui, non, je vais m'arrêter là.
A cette sorte de moment "charnière".
Ouuuuh, on va s'amuser.
Du moins, moi, oui.
Aller, ce coup-ci je n'oublierai pas de prévenir.
vampiredelivres

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Re: J'verrai plus tard.

Message par vampiredelivres »

Coucou !

Miraculeusement, pour une fois, je suis à l'heure, et pas totalement à la bourre... Ce qui m'autorise un minimum de blabla supplémentaire par rapport à d'habitude.
Tout d'abord, je voudrais souligner le fait qu'on commence à voir clairement les améliorations par rapport au début. Tes premiers textes n'étaient pas brouillons, non, mais il leur manquait - je trouve - un petit quelque chose qui permettait vraiment d'accrocher le lecteur. Là, on sent vraiment que tes descriptions sont plus détaillées, plus claires, idem pour les dialogues, on a réellement la personnalité de chaque personnage qui transparaît. En plus, tu commences à oser te faire connaître, du moins chez tes amis, donc c'est vraiment un grand pas en avant.
Aussi, en termes de fautes d'orthographe/conjugaison/grammaire, on voit aussi un net progrès. Il suffit de voir entre les remarques que je te faisais au début et celles de maintenant (je précise que je n'ai pas encore lu le texte qui suit, évite de me démontrer le contraire de ce que je viens de dire, please :lol: ).
Du coup, forcément, je risque d'être plus intransigeante, plus embêtante, tant sur les formulations que sur le fond. Parce que, d'un côté, ça me fait bosser mes analyses, et de l'autre... j'ai envie de t'embêter, voilà tout. :mrgreen:
Mais bref. Au fond, il ne reste qu'une seule chose à dire, continue comme ça, et...
Image


Maintenant que la partie speech est finie, accrochez vos ceintures mesdames et messieurs, on est partis ! Et en musique, s'il vous plaît !
DocMoule-Frite a écrit :« Non, Charlene, pas comme ça ! On la voit arriver à dix mètres, ta frappe ! Attends… »
Instructeur Davis, ou Dr No pour Noa et Gonzales.
Cet homme commençait chacune de ses phrases par non. NdC : Il n'a pas quelques problèmes dans sa vie quotidienne, lui ? :lol:
C’en
était NdC : Là, j'aurais plus dit "devenait", pour le coup. fascinant. Noa se demanda s’il agissait ainsi avec sa femme.
Car oui, par je ne sais quel miracle, Kalaan, cet homme, cet homme
-là s’était marié.
« Chéri, je t’aime.
- Non, mais… » NdC : Ça n'a pas posé un petit problème, à l'autel, quand on lui a demandé s'il acceptait d'épouser la future Madame Davis... ? « Non, mais en fait, je le veux vraiment ! » :mrgreen:

Elle sourit.
Davis était un homme de petite taille, au nez fin et droit.
Il était à l’image de l’EFFS., sans rien de superflu.
Pas une once de graisse, un crâne rasé, tout en lui respirait la rigueur.
Il se plaça en face de Charlene, et son direct l’atteint en plein dans les côtes.
Noa regardait la scène sans rien dire, quand un choc derrière les genoux la fit basculer vers le sol. Elle se rétablit sur les mains, et resta quelques secondes en équilibre.
Elle déplia doucement ses jambes comme une danseuse en plein spectacle, légère, tranquille.
Elle soupira. Il était pénible.
Il ne voulait pas attendre qu’elle aie fini ?

Du coin de l’œil, elle aperçut Björn, qui combattait un homme court sur pattes, dont la longue chevelure rousse descendait jusqu’aux épaules.
Elle sourit.
D’une torsion, elle se remit debout.
Elle se redressa, soupira à nouveau et se retourna vers son adversaire.
Celui-ci était un homme de taille moyenne, le visage mangée par une épaisse barbe noire. Il portait une ceinture de tissu jaune.
Il se mit en garde, sans un mot, le regard concentré, la tête légèrement penchée en avant. Elle l’observa un instant. Visage, mains, pieds vissés au sol, mains.
Elle releva la tête.
« T’es si pressé que ça ? »
Il grogna.
« D’accord, je m’en voudrais de te faire attendre. »
Pendant un instant, rien ne se passa.
D’un côté, l’homme silencieux, contracté, près à bondir.
D’un côté, une fille qui tranquillement, enleva son écharpe et la laissa tomber à terre, s’étira, puis les mains dans les poches de son jogging, sourit à l’autre.
D’un côté un chêne droit, imperturbable.
D’un côté un roseau tranquille et souple.
D’un côté le faucon, fier et concentré.
D’un côté le corbeau, moqueur et provocant.

Noa et… Et…
D’un coup, il se jeta sur elle, parcourant en une demi-seconde l’espace qui le séparait. Elle se baissa pour esquiver son poing droit, qui lui sembla passer au ralenti. Ce type était lent. Mais qui était-il ?
Michel ?
Non, il était là-bas.
Apercevant du coin de l’œil un mouvement de la part de son équipier NdC : Je ne suis pas sûre que ce soit son équipier si c'est son adversaire... :? On voit ce que tu veux dire, mais c'est maladroit. "Opposant" serait peut-être plus juste ? mystère, elle roula sur le côté. Daniil peut-être.
Non, il était passé orange la semaine dernière.
L’autre, déséquilibré après son coup manqué, tituba vers l’avant.
Elle le frappa au ventre.
Non par cruauté, plus comme un automatisme.
13866 ne se posait pas de questions. Il frappait quand on lui demandait, et il frappait fort, pour achever l’ennemi en un coup. Il ne se posait pas de questions. Quelque part, il était reposant. Quand elle était 13866, Noa n’avait pas à penser. C’était pratique. NdC : C'est paradoxal de mettre une NdC rouge après un texte en vert, mais... la tournure est superbe, c'est juste la formulation qui me pose problème. Vu que c'est une fille, même si elle a un numéro qui lui est attribué, elle devrait quand même être appelée "elle" et pas "il", non ? Mais sinon, c'est top !
Son adversaire tomba à terre.
Elle grimpa sur lui, emprisonnant ses mains, le clouant au sol.
Mais qui était-il ?
Un nouveau peut-être ? Il fit mine de se relever. Elle appuya son genoux contre son dos. Non, tu ne partiras pas comme ça. Mais qui, qui était-il donc ?
Il ne disait toujours rien. Cela n’allait pas l’arranger.
Elle soupira.
Tant pis, elle allait juste devoir le brusquer un peu.
Elle n’aimait pas le fait de ne pas connaître ce type.
À son arrivée, plus par ennui que par réel besoin, elle avait appris à connaître tous les occupants de l’EFFS.
Elle connaissait leurs histoires, leurs faiblesses, les moyens de les faire chanter, de les manipuler, les amourettes des uns, les rivalités des autres, leurs peurs… Elle était curieuse de voir quelle petite souris avait pu lui passer sous le nez. Mais Dr No les appela, remettant à plus tard son petit interrogatoire.
« Non, mais venez quand je vous appelle !!! Vous viendrez me voir à la fin, d’accord ? Non, pas la peine de répondre. Pour ne pas vous mentir, je me fous de ce que vous pensez. Si vous êtes capables de l’immense prouesse qu’est cela, la pensée. Non, n’essayez pas, vous allez surchauffer. Non, là, vous allez vous asseoir, d’accord ? Non, je sais que c’est très dur pour vous, mais je crois en vos capacités, allez, vous pouvez poser vos petits culs par terre. Quoi, Charlene ? Non, ne me dis pas que tu n’es pas contente ? Tu n’apprécies pas ton sort ? Nooon ! » NdC : J'aime bien ce personnage... Il est totalement ridicule, ça le rend génial !
Noa sourit.
« Tiens, puisque cela vous amuse, contre moi, allez, relevez-vous, Noa.»
Dr No n’aimait pas Noa.
C’était dommage, puisqu’elle aurait pu l’adorer. C’était un des seuls à les appeler par leurs prénom, et il avait un semblant d’humour.
Bon, il avait quelques petits défauts, il prenait un malin plaisir à rabaisser ses élèves, et à les frapper.
Mais bon. Personne n’est parfait.
C’était purement gratuit, et si cela ne choquait pas la jeune morte, je dois te dire, Kalaan, que moi si, que moi, toute cette violence ne me semble pas naturelle et bénéfique. Malheuresement nous ne sommes que de simples témoins.
Nous sommes condamnés à l’impuissance.
Mais revenons-en donc à l’instructeur Davis.
Noa aurait pu le mettre à terre, elle pouvait le vaincre.
Elle le savait.
Elle le tenait en son poing, et il lui suffirait de refermer les doigts pour l’écraser. Pour les écraser tous.
Ces trois mois de cavale, ces trois mois dans les Entrailles, elle ne les avait malheureusement pas passés qu’à fuir.
Et elle avait vite appris, appris à serrer les dents, à frapper là où ça fait mal, oui, elle aurait pu, elle aurait pu poser ses mains autour de son cou, et serrer très fort.
Où le frapper à la pomme d’Adam.
Lui donner coup de pied sur coup de pied, le détruire.
Elle aurait pu.
Mais cela lui aurait causé des problèmes.
Mais elle préférait continuer à être sous-estimée et pouvoir avoir un semblant de paix.
Elle aurait pu l’adorer. Non. Elle aurait pu l’apprécier, ne poussons pas trop.
Au lieu de quoi il la répugnait au plus au point.
Après chaque cours, c’était ça : un « élève » était appelé pour se faire défoncer par le gentil, sympathique instructeur Davis. Le concept en soi ne la dérangeait pas tant que ça. Par contre, la fâcheuse habitude qu’il avait de la choisir elle, ou une de ses connaissances, l’importunait plus.
Ils se mirent en garde.
Davis attaqua le premier, envoyant son poing vers Noa.
Elle le bloqua, puis resta immobile durant une seconde, tituba, agitant ses bras autour d’elle, surjouant la douleur et l’étourdissement.
Elle se laissa tomber à terre.
Davis se retourna vers les autres, assis par terre sur des tatamis, qui tapissaient la salle, et l’habillaient de bleu foncé.
« Le prochain que je vois faire le con comme ça, je lui file une raclée, non mais ! » NdC : Je chipote... mais il n'a pas commencé par "non".
Elle se releva, salua, s’inclinant profondément, un sourire aux lèvres.
Elle allait pour se rasseoir, mais s’arrêta soudainement, comme si elle avait heurté un mur invisible. Elle prit sa tête entre ses mains. La douleur irradiait dans son crâne, et autour d’elle le monde commençait à se flouter.
Elle savait ce que cela signifiait.
Sa tête brûlait, elle tremblait, volcan au bord de l’éruption.
Elle cligna des yeux plusieurs fois pour tenter de chasser la brume rouge qui revenait, fourbe, cruelle, insatiable, qui emplissait sa vision de pourpre.
Devant elle, Davis parlait, parlait…
Seul un léger bourdonnement parvenait à ses oreilles.
Non, non, pas ici, pas maintenant ! La douleur se fit plus forte, et elle cessa de lutter.

Elle se redressa, lentement, le sourire aux lèvres.
Sans faire de bruit elle s’approcha de l’instructeur, qui lui tournait toujours le dos.
Elle se haussa sur la pointe des pieds pour venir glisser à son oreille : « Coucou ! », avant de lui saisir le bras, de lui faucher les jambes d’un coup de pied et de le balancer par-dessus sa tête violemment.
Le dos de l’homme heurta le tatami, et il n’eût le temps de se redresser qu’elle était déjà au-dessus de lui.
Son poing partit, une fois, deux fois, trois fois…
Aucun de ces camarades ne bougeait. Ils regardaient la scène en silence, indifférents. Davis arrêta de se débattre. Noa, toujours le sourire aux lèvres, se releva, et s’avança doucement vers les autres.
« Ça va les enfants ? Vous profitez du spectacle ? » Son sourire s’agrandit. « Vous êtes mignons. Mignons à croquer » ajouta-t-elle en appuyant sur les derniers mots.
Au sol, sa victime, le visage en sang, gonflé, émit un gémissement.
Elle se retourna vers lui. Elle lui balança un grand coup de pied dans les côtes.
« T’es pénible. »
Un autre coup. Davis toussa, puis tourna la tête pour cracher du sang. Du sans rouge vif sur le tatami bleu. Encore un coup.
«T’es bruyant. Et en plus tu salis le tapis » fit-elle en le frappant encore, avec toujours ce sourire, ce sourire. Le sourire d’un loup devant un troupeau de moutons biens gras, un sourire plein de sang et de violence, un sourire de dingue, de dégénérée.
Elle attrapa son visage ensanglanté et glissa dans un murmure : « C’est pas contre toi, mais je t’aime pas. » Sa voix était doucereuse, glacial.
Elle revint vers les autres, toujours assis, figés, comme si la peur, plutôt que de leur donner des ailes, leur avait attaché aux pieds des boulets, des chaînes. NdC : Je t'embête encore. Je trouve ça mal tourné. "[...]leur avait attaché des boulets, des chaînes, aux pieds."
Elle se passa la langue sur les lèvres et son sourire s’agrandit.
La température de la pièce, déjà basse, semblait avoir encore NdC : Si tu mets "déjà", il faut que tu établisses ensuite qu'il y a un changement de plus. chuté de quelques degrés.
Ses yeux gris étaient réduits à une mince fente quand elle déclara : « Bon, tout ça m’a mise en appétit. Qui est le prochain ? Ou la prochaine ? » fit-elle en les regardant tour à tour.
Elle commença à tourner sur elle-même, les bras écartés, et rejeta sa tête en arrière en riant.
Et de sa gorge sortit un chant lent : « Am, stram, gram… »
Elle sourit, et s’avança vers les silhouettes vêtues de gris, ce ciel éteint où brillaient quelques étoiles jaunes.
Et non, Kalaan, je ne te raconterai pas cela, je ne te raconterait pas à quoi son esprit ressemblait à ce moment, ce moment-là. N’insiste pas, nous ne sommes que des témoins, et, même si pour raconter mes histoires, j’aime à me mêler des sentiments, je n’ai pas osé aller regarder cette haine, ce démon de brume rouge, et lui faire face. Kalaan, plus tôt, je t’avais parlé d’un ouragan. Là, c’était plus comme… Comme un énorme incendie. Des flammes intenses, gigantesques, des langues de feu qui vous sifflaient aux oreilles, vous susurraient des horreurs. Même si, même si je ne risquait rien, oh Kalaan, oh Kalaan. J’avais l’impression que si je m’approchais trop, elle poserait ses yeux sur moi et tendrait la main pour me déchirer. J’ai eu, j’ai eu peur, si tu savais ! Moi qui pensais que jamais cela ne pourrait m’arriver.
C’est à ce moment que finalement, il y eut un mouvement dans le ciel morne. Björn se leva, se détacha du groupe et s’avança vers elle.
Il s’approcha d’elle comme on s’approche d’un animal, doucement, paumes tournées vers le sol. Elle lui sourit. Tu dois penser, Kalaan, que cette fille devait être très souriante.
C’est vrai, mais de nos jours, être souriant signifie bien plus que de sourire. C’est quelque chose de positif, c’est être avenant, plein d’énergie.
Comme si l’humanité avait voulu oublier qu’il existait d’autres sourires.
Tu soupires. Tu es pressé, ce doit être cela, être jeune.
La vieille femme que je suis t’embête avec ses spéculations inutiles, ses pauses, ses commentaires incessants. Oh oui, en vérité, Kalaan, tu es bien pressé. Eh bien alors, poursuivons !
Björn donc. Noa se retourna vivement vers lui.
« Ah ! C’est que j’ai failli attendre ! » Elle se frotta les mains l’une contre l’autre en riant.
« Bon ! On s’y met ? Autrement j’vais finir par m’endormir. »
Sans un mot,le géant continuait d’avancer, doucement, lentement, et chaque seconde qui passait faisait monter la pression dans la pièce, dans l’attente du combat, qui semblait inévitable.
Enfin, elle s’élança vers lui, avec un sourire de triomphe aux lèvres.
Le grand blond ne bougeait pas, il se dressait là, comme une montagne au milieu d’une plaine, comme une oasis au milieu du désert, solide, inébranlable.
Et soudain, aussi surprenant que cela puisse paraître, la jeune fille stoppa sa course.
Elle se prit la tête entre les mains, et hurla : « Non ! Non ! Pas maintenant ! Non ! Laisse-moi ! J’ai plus de droits sur ce corps que toi ! Dégage ! »
Björn parcourut alors les quelques mètres qui le séparaient encore d’elle. Et, sans un mot, sans aucun préambule, il lui administra une claque magistrale.
Elle valsa sur plusieurs mètres avant de relever la tête.
Lentement, elle porta la main à sa joue, le regard plein de surprise, le regard perdu, comme flottant encore entre deux eaux. Courbée en deux, elle entrouvrit la bouche.

« Björn ? »
Elle se redressa, et parcourut la pièce des yeux. Apercevant l’homme à terre, au visage en sang, elle porta sa main à sa bouche. Elle fit quelques pas vers le corps, les jambes tremblantes, les yeux écarquillés, la bouche ouverte derrière sa main. Elle s’arrêta et se retourna vers Björn, et son regard s’accrocha à lui comme un naufragé à une bouée.
« Björn ! »
Elle avait l’air perdue tu sais, comme un enfant, un enfant seul, tout seul au milieu d’un champ de bataille.
« Je… J’étais…. J’étais pas là, je… »
Le géant sourit doucement et lui ouvrit les bras. Elle vint s’y blottir.
« C’était pas moi… C’était pas moi… Désolée... » répétait-elle, le regard fixe, tandis qu’il la berçait.
Sa voix s’était faite toute petite tout à coup, minuscule, fragile, sur le point de se briser, comme « une porcelaine,dans un magasin d’éléphants », comme la chanson. Tu les aurais vus, serrés l’un contre l’autre, elle toute petite et lui gigantesque, elle affolée, lui calme et doux.
« C’était pas moi… Je jure... »
Et à cet instant, la rumeur dit, Kalaan, que Björn, le géant muet, le roc, serra l’enfant perdu contre son cœur et fredonna à son oreille, de sa voix grave, rugueuse, une voix d’ours, il fredonna doucement une chanson, une chanson pour Noa.
Ce n’est qu’une rumeur, Kalaan, mais il me plaît d’y croire. Ce qui est sûr, c’est que ces deux là, ces cinq là, s’étaient trouvés.
Après, l’histoire, on la modifie, on l’embellit, on en fait ce qu’on veut. Ce ne sont que des mots après tout.
Je ne vais pas te le cacher, j'adore ce passage sur Noa. Il est juste magnifique. Et effrayant, d'une certaine manière, mais en tout cas, il chamboule facilement le lecteur. On peut découvrir la partie sombre, cruelle, de Noa, une sorte de trouble de la personnalité, ce qui soulève énormément de questions, tant sur Noa que sur la suite. Et c'est très, très bien amené, et je pèse mes mots. Donc félicitations !
DocMoule-Frite a écrit :Et maintenant, Kalaan, si nous revenions au présent ? Laissons donc là le passé, qu’il se repose sur ses mensonges, ses vérités, ses semi-réalités, ses rumeurs ! Oui, revenons, revenons au présent. Je parle bien sûr du présent de l’histoire, du présent de Léanor, qui, bien qu’elle t’ennuie, te réserve quelques surprises. Le présent de l’histoire donc. Il est vrai que pour nous autres, ce mot, « présent », n’a plus beaucoup de sens, n’est-ce pas ? NdC : Cette phrase, cette minuscule petite phrase en plein milieu du récit, soulève à elle seule tellement de questions que ça en devient magique.

C’est le week-end. L’homme a décidé d’emmener sa femme au théâtre, laissant la petite aux bons soins de sa baby-sitter.

Le vieillard est assis, dos au mur, face au Bureau, un bar des Entrailles. Il sourit en repensant à l’étrangeté de ce nom, car les gens là-bas font tout, tout et surtout n’importe quoi, sauf travailler. Il est donc assis, dos contre le mur de briques dures et glacées. Son regard attentif explore l’intérieur. Dans la lumière jaune des lampes, on peut voir la poussière virevolter, comme un millions de petits papillons, des papillons de poussière.

Dans le Bureau, Noa fixe le bar, un vieux bar de bois poli qui reflète la lumière. Elle est fatiguée. Fatiguée de tout ça, de tous ces gens, ces bruits, ces lumières qui l’agressent, fatiguée de ce monde qui n’en finit pas de tourner, tourner…

Alan se tient debout sous la neige, qui tombe à gros flocons autour de lui, lui solitaire dans son vieux costume noir. Les yeux levés, il regardes les étoiles. Alors comme ça, il neige aussi dans l’espace ? C’est idiot. Tais-toi, tais-toi. Il baisse les yeux. Devant lui, une ville en flammes. Quelque part dans cet enfer, il est en train de mourir. Il regarde les flammes s’élever vers le ciel, se tordre, fasciné. Il rit. Et, écartant les bras, il entame un pas de danse.

Léanor sortit du lycée, et ne repensa pas une seule fois aux mots d’Alan. Elle s’arrêta un instant devant les portes, sans raison particulière, peut-être, peut-être pour se donner l’illusion que quelqu’un pourrait arriver, la saluer et partir avec elle. Elle soupira et se mit en marche. Elle n’avait pas envie de rentrer chez elle, pas envie de se répéter encore une fois combien elle était inutile, pas envie de s’asseoir et de réaliser que, encore une fois, elle n’avait rien à faire, personne à qui parler. Elle décida de marcher un peu, et alla se poster contre un arbre dans une grande avenue près du lycée et elle regarda. Elle regarda tous ces gens, ces « autres » qui semblait savoir parfaitement où ils allaient, quelle était leur place. NdC : Je t'embête encore (décidément !) mais elle n'était pas censée aller voir Abigaïl, qui était tombée ?

L’inspecteur Clastes, devant son miroir, redressa sa cravate, lissa son col et ferma les yeux. Ce soir, il allait faire semblant d’être un homme à femmes, d’être séduisant, joueur, et sa secrétaire allait sans doute faire semblant de l’apprécier, des crédits dans les yeux, eux-mêmes rivés sur son portefeuille. Il soupira. Cela faisait trois ans que sa femme l’avait quitté. Elle ne voulait pas passer l’éternité avec lui. Il s’en fichait. Ce n’était pas comme s’il l’aimait. Elle était brouillonne, toujours mal fagotée… A la réflexion, il était même plutôt heureux de s’en être débarrassé. S’il l’avait pu, il aurait passé la soirée chez lui, à se repasser ses vieux disques de jazz. Mais il fallait sauvegarder les apparences. Alors ce soir, il allait sortir, boire du mauvais vin et écouter une greluche le bassiner avec sa vie, puisque c’était palpitant, la vie d’une secrétaire. Il se passa un peu d’eau sur le visage et se regarda dans la glace. Des yeux bleus acier, perçants, qui avait toujours fait se pâmer les femmes, des cheveux blonds cendrés. Il reconnaissait qu’il était un bel homme. Il lui restait cependant à trouver une belle femme, une qui soit de son niveau. Il soupira encore. Enfin… Tant et si bien qu’une telle femme existe… Il sortit. Ce n’était qu’un mauvais moment à passer. Un mauvais moment très long, pénible.

Dans les abysses, aux frontières des limbes, les sang’s s’agitaient, s’arrachaient du sol. L’une d’entre elle, gigantesque, une ombre noire, mouvante, sans forme ni taille définie, comme toute les autres, avec deux trous oranges à la place des yeux, comme toutes les autres, l’une d’entre elles s’avança et à chacun de ses pas la terre paraissait trembler. Elle s’arrêta et leva sa tête noire vers le ciel. Non. Pas tout de suite. Ce n’était pas encore son moment. Mais bientôt, oh oui, bientôt.


Claudius se tenait debout, appuyé contre la rambarde, la rambarde du grand tribunal de la ville Haute.
Il sourit.
Au moins, il avait pu apercevoir ce lieu qui leur était interdit, à eux les faux, ce pigeonnier ou se prenait toutes les grandes décision.
Derrière lui, dans l’uniforme noir qui caractérisait la police des limbes, se tenait, sombre et silencieux, sourd à tout ce qu’il aurait pu faire ou dire, un homme. Claudius secoua la tête.
Tout allait bien se passer.
Il regarda le public entrer, et les gens, seuls ou par petit groupes, s’installer face à la tribune. Aucun de ses amis n’était venu. Il ferma les yeux. Après tout, il n’avait pas lieu de le regretter. Ils n’auraient pas pu pénétrer la ville Haute de toute façon.
Car après tout, c’était ça, être une faux, c’était courber l’échine et obéir, car il leur manquait une case, car ils étaient incomplets.
C’était protéger ceux qui vous crachaient au visage, c’était rester dans l’ombre.
Il n’avait pas compris cela, alors il était là, debout au banc des accusé, attendant que vienne l’homme qui allait le condamner, et l’envoyer sous les verrous.
Le visage de Noa surgit des ombres, souriant. « Je te l’avais dit » fit-elle en secouant la tête.
Il sentit les larmes couler sur ses joues.
Il les vit tous, Noa, Gonzales, Björn, les yeux blancs de Lily. Ils se tenaient debout, devant lui, et le fixaient sans un mot. Les larmes coulaient toujours plus nombreuses, toujours plus douloureuses.

Il avait voulu y croire. Il y avait cru. Il avait cru qu’il allait faire le bien des autres, et que tout irait bien. Il avait voulu y croire, pour lui, pour les autres qui avaient abandonné, qui paraissaient s’enfoncer toujours plus loin dans le noir : Noa et ses trafics, Gonzales et ses combats clandestins. Pour Björn et Lily, qu’il n’avait jamais vraiment compris.
S’était-il trompé ?
Il entendit un croassement.
Il leva les yeux, le visage strié de larmes. Le plafond du tribunal était une gigantesque coupole de verre. Il la parcourut des yeux frénétiquement. Un autre croassement se fit entendre. Et enfin il le trouva. L’un des carreaux de sa grande, grande cage de verre était ouvert. Et, depuis le rebord, un corbeau pencha la tête et darda sur lui son œil noir. Le temps s’arrêta, suspendu, tandis, qu’ils se fixaient. Un battement d’aile et il était parti. Il sourit. Il détailla la verrière et aperçut, toute petite contre le verre, une mésange, les plumes ébouriffées par le vent. Non, tout allait bien se passer. Après tout, il était innocent.

Dans le monde, deux personnes meurent, quatre naissent, tout ça en l'espace d'une seconde, d'une toute petite, minuscule seconde. Et à chaque flamme qui s’éteint, deux autres se rallument. Et des milliers de personnes se lèvent le matin, mangent, et travaillent dans leur petit bureau, sourient, crient pleurent, vivent.
Je dois l'admettre, tu m'intrigues beaucoup. La tension monte progressivement, et, même si nous lecteurs ne comprenons pas tout, nous nous doutons - je pense - qu'il y a quelque chose d'important qui arrive.
J'ai hâte de lire la suite !

À bientôt,
vamp'
DocMoule-Frite

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Re: J'verrai plus tard.

Message par DocMoule-Frite »

Alors.
Jusque là, c'était à peu près tranquille.
Mais maintenant, on approche de quelque chose que je ne maîtrise pas du tout.
Disons que cette histoire est un avion.
Là, on roulait tranquillement sur la piste, les consignes de sécurité, tout ça, tranquille, ça va.
Mais maintenant on va décoller et je peux m'écraser en beauté.
En fait, depuis... Un mois maintenant, j'écris. J'écris la suite, et je continue, encore et encore.
J'ai le fil conducteur de l'histoire, je sais ce qui va se passer, ou du moins jusqu'à un certain point.
Mais je ne contrôle plus du tout mes personnages, j'essaie de naviguer entre les clichés et/ou les trucs déjà fait cent fois.
Si j'étais à peu près sûre de ce que je postais jusque là, maintenant, je me jette dans le vide, et, franchement, j'ai un peu la pression.
Donc je vais y aller doucement, tout doucement, donc oui, il y aura des moment où je vais poster des trucs bizarres, très courts, je vais faire des expérience, tordre tout ça dans tous les sens.
Et je m'excuse d'avance.
DocMoule-Frite

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Re: J'verrai plus tard.

Message par DocMoule-Frite »

Léanor rentra chez elle, seule. Elle posa son sac dans l’entrée, seule. Elle alla dans la cuisine, la petite cuisine de son appartement, et elle se prépara une tartine, seule. Elle se dirigea vers sa chambre. Elle traversa le salon, ce qui lui rappela cette image, qui l’avait toujours fait sourire, de Claudius, droit et sérieux comme un prince, avec son armure rutilante sur le vieux canapé défoncé. Elle sourit doucement. Elle pénétra dans le couloir, seule encore. Devant la porte de la chambre de sa mère. Elle leva la main au-dessus de la poignée, hésitante. Mais derrière la porte, elle savait déjà ce qu’elle trouverait. Un lit bien fait, bien vide, une petite chambre sans personne dedans. Comme d’habitude. Comme si sa mère n’était qu’un autre fantôme, qu’une personne invisible, une ombre protectrice et rassurante, mais une ombre, une ombre ! Une ombre, on ne peut pas la toucher ; une ombre, ce n’est jamais qu’une chose qui disparaît à la lumière.
Léanor avait l’impression d’avoir un trou dans la poitrine, par lequel s’échapperait toute sa chaleur. Et elle avait froid, si froid !
Elle soupira et se dirigea vers sa propre chambre, seule toujours, toujours.
Elle entra.
Assise près de la porte, sur son lit, Noa releva la tête, un maigre sourire aux lèvres, les yeux cernés de noir.
Elle portait toujours ce même sweat rouge, les manches remontées sur ses bras, dévoilant son bras droit entouré de bandages, et le serpent, s’enroulant sur son bras gauche, et qui, la gueule ouverte, semblait vouloir lui mordre la main.
Peut-être était-ce lui, lui-même, qui avait fait disparaître les deux derniers doigts de la faux.
Elle imagina l’encre glisser le long de son bras, le reptile descendre à terre en sifflant, se tordant vers elle avant de se redresser vers elle et de plonger ses yeux noirs dans les siens.
Elle frissonna, et le serpent disparut.
Leurs regards se croisèrent. Les yeux de Noa semblèrent clignoter comme la lumière d’une vieille ampoule, passant rapidement du gris au doré.
Leurs regards se croisèrent, leurs solitudes se rencontrèrent.
Tu sais comme j’aime ces moments, quand deux âmes perdues se trouvent, se reconnaissent, et que, même si elles ne le savent pas encore, on sent qu’elles pourront se reposer l’une sur l’autre, quand deux fils, deux couleurs complémentaires se croisent sur l’écheveau. Leurs regards se croisèrent donc, un instant, un petit instant d’éternité, un instant suspendu. Noa, qui, à son entrée, jouait avec un vieux rubik’s cube, rayé, dont les couleurs se détachaient, ne bougeait plus. Léanor non plus, plantée à la porte, ne sachant que dire, que faire. Noa eut un demi-sourire.
« Salut. » dit-elle d’une voix éraillée.
Dernière modification par DocMoule-Frite le mer. 10 mai, 2017 4:54 pm, modifié 1 fois.
Mimori

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Re: J'verrai plus tard.

Message par Mimori »

Eh bien, eh bien ! Ça fait bien longtemps que je ne t'avais pas lue.
Les choses se sont un peu plus éclaircies, et j'ai dévoré tes derniers textes d'un seul grand coup de langue (d'ailleurs, ayons une petite pensée attristée pour mon pauvre écran d'ordinateur couvert de salive) :lol: ;) Du coup, s'il y a bien une remarque qui doit sortir du lot, c'est que j'ai perçu un changement, et ça me plaît beaucoup. Le deuxième truc, c'est ce tout petit passage sur les retrouvailles Léanor/Noa, avec des mots bien choisis, comme je les aime. La suite s'annonce palpitante... alors n'oublie pas de prévenir !!
vampiredelivres

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Re: J'verrai plus tard.

Message par vampiredelivres »

Oh b... hum. On va rester polis. Hein vamp ? Ouais, c'est ça. On se calme, on oublie totalement que...
Je suis vraiment déééééésolééé. J'étais sûre et certaine de l'avoir fait. Vraiment.
(« Et en fait pas du tout » me dira la gentille petite voix de la raison. Merci petite voix de la raison.)
Breeef.
DocMoule-Frite a écrit :Léanor rentra chez elle, seule. Elle posa son sac dans l’entrée, seule. Elle alla dans la cuisine, la petite cuisine de son appartement, et elle se prépara une tartine, seule. Elle se dirigea vers sa chambre. Elle traversa le salon, ce qui lui rappela cette image, qui l’avait toujours fait sourire, de Claudius, droit et sérieux comme un prince, avec son armure rutilante sur le vieux canapé défoncé. Elle sourit doucement. Elle pénétra dans le couloir, seule encore. Devant la porte de la chambre de sa mère. Elle leva la main au-dessus de la poignée, hésitante. Mais derrière la porte, elle savait déjà ce qu’elle trouverait. Un lit bien fait, bien vide, une petite chambre sans personne dedans. Comme d’habitude. Comme si sa mère n’était qu’un autre fantôme, qu’une personne invisible, une ombre protectrice et rassurante, mais une ombre, une ombre ! Une ombre, on ne peut pas la toucher ; une ombre, ce n’est jamais qu’une chose qui disparaît à la lumière.
Léanor avait l’impression d’avoir un trou dans la poitrine, par lequel s’échapperait toute sa chaleur. Et elle avait froid, si froid !
Elle soupira et se dirigea vers sa propre chambre, seule toujours, toujours.
Elle entra.
Assise près de la porte, sur son lit, Noa releva la tête, un maigre sourire aux lèvres, les yeux cernés de noir.
Elle portait toujours ce même sweat rouge, les manches remontées sur ses bras, dévoilant son bras droit entouré de bandages, et le serpent, s’enroulant sur son bras gauche, et qui, la gueule ouverte, semblait vouloir lui mordre la main.
Peut-être était-ce lui, lui-même, qui avait fait disparaître les deux derniers doigts de la faux.
Elle imagina l’encre glisser le long de son bras, le reptile descendre à terre en sifflant, se tordant vers elle avant de se redresser vers elle et de plonger ses yeux noirs dans les siens.
Elle frissonna, et le serpent disparut.
Leurs regards se croisèrent. Les yeux de Noa semblèrent clignoter comme la lumière d’une vieille ampoule, passant rapidement du gris au doré.
Leurs regards se croisèrent, leurs solitudes se rencontrèrent.
Tu sais comme j’aime ces moments, quand deux âmes perdues se trouvent, se reconnaissent, et que, même si elles ne le savent pas encore, on sent qu’elles pourront se reposer l’une sur l’autre, quand deux fils, deux couleurs complémentaires se croisent sur l’écheveau. Leurs regards se croisèrent donc, un instant, un petit instant d’éternité, un instant suspendu. Noa, qui, à son entrée, jouait avec un vieux rubik’s cube, rayé, dont les couleurs se détachaient, ne bougeait plus. Léanor non plus, plantée à la porte, ne sachant que dire, que faire. Noa eut un demi-sourire.
« Salut » dit-elle d’une voix éraillée.
Bon, j'abuse. Il y a une seule minuscule faute dans ce passage. Et sinon, je n'ai absolument rien à dire. Mais il fallait que je le fasse, rien que pour souligner les quelques passages vraiment top.

Instant pronostics : essayons de deviner où est-ce que tu nous emmènes !
Eh bien honnêtement, je n'en ai absolument aucune fichtre idée. Parce que tu as laissé si peu d'indices (félicitations au passage), que je en sais pas du tout dans quoi je m'embarque en ce moment. Mais je te fais totalement confiance. Donc je vais continuer à lire à l'aveuglette, en attendant de savoir où tu nous entraînes.

Félicitations, encore une fois :)
vamp'
DocMoule-Frite

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Re: J'verrai plus tard.

Message par DocMoule-Frite »

Merci.
Juste. Merci.
Vous m'avez regonflée à bloc, au moins assez pour continuer tout ça encore un peu.
Alors, juste, merci.
Je vous fais un gros câlin virtuel.
Et bonne soirée/journée.
Dernière modification par DocMoule-Frite le sam. 13 mai, 2017 4:54 pm, modifié 1 fois.
DocMoule-Frite

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Re: J'verrai plus tard.

Message par DocMoule-Frite »

C'est pas bon, pas bon du tout, je vais me mettre à publier ce... cette chose.
Oh, et puis...
J'ai reçu un peu trop de compliments, il est temps d'équilibrer tout ça avec un "passage à problème"!
Allez tout le monde: Ouaiiis!
Ah, et, juste, vu que les personnages se réunissent, il fallait, et surtout, j'avais envie, de les faire parler.
Sauf que.
Vous vous souvenez du message "perte de contrôle" dans lequel j'avouais mon incompétence sur certains sujets?
Et bien on y est!
Allez, on repart: Ouaiiiis! (oui, il y a toute une foule qui écrit sur ce clavier pour ces phrases de haute volée (Ouaiiis!)(merci de rajouter quelques applaudissements à l'ensemble.)(cordialement, la direction))
Des dialogues!
Ouaiiis!
Non, donc, plus sérieusement, là, pour le coup, il pourrait vraiment avoir des choses à refaire, ou à améliorer.
Alors...
A l'aide!
Bon, c'est pas tout ça, mais je devrais être en train de travailler, là...
Allez, juste un petit dernier...
Ouaiiiiiis!



Quelques minutes plus tard, elles étaient assises face-à-face, à la table de la cuisine. Chacune jaugeait l’autre du regard, sans rien dire. Léanor toussota.
« Ça va ? » L’autre se contenta de hocher la tête brièvement. Et le silence revînt, et, à chaque minute qui passait, le malaise de Léanor s’accentuait. Et le silence, le silence ! Ce silence qui en devenait pesant. Il était comme un être discret, malicieux, qui, sans qu’on s’y attende, s’enroulait autour de vos épaules, comme un ami, avant de, petit à petit, vous écraser sous son poids grandissant. Léanor se sentit rougir. Les joues en feu, elle baissa la tête. Il fallait qu’elle parle, qu’elle brise ce blanc interminable ! Car si auparavant le silence ne la dérangeait pas, et qu’elle l’appréciait, elle avait fini par apprendre, à ses dépends, qu’en société il était mal vu. Et qu’on se retrouvait vite enfermée derrière des mots. « fille sympa », « bizarre »… Il fallait qu’elle dise quelque chose, n’importe quoi, vite ! Elle ouvrit la bouche. Noa prit la parole :
« Tes parents ne sont pas là ? Enfin, il me semble qu’à ton âge, et à cette époque, les enfants vivent toujours avec eux. »
Léanor avala sa salive. Ça y était, ça allait arriver. Elle allait lui répondre, bien sûr, car que faire d’autre ? Et ensuite viendrait la gêne, et le silence, définitif cette fois.
« Ma mère travaille.
-Et ton père ? »
Léanor ferma les yeux une demi-seconde. On avait fini par y arriver. Mais vite, bien trop rapidement, elle aurait voulu, oui, elle aurait voulu plus de temps, plus d’illusions encore. Elle regarda la jeune fille qui lui faisait face. De nouveau, elle eut cette sensation, comme si l’autre pouvait l’attendre pour l’éternité, et qu’elle serait là, toujours là. Une lumière plus forte que les autre atteint son royaume sous-marin.
« En prison. » lâcha-t-elle, attendant de voir sa bombe exploser. Mais Noa se contenta de hocher la tête.
«  Ça arrive à des tas de gens très bien. » La faux lui sourit et s’étira longuement en baillant comme un chat. Mais d’ailleurs…
« Il est où ?
-Mm ?
-Ton chat. » L’autre sourit.
« C’est pas vraiment le mien, c’est… Il est sûrement en vadrouille quelque part, il va revenir. »
Léanor sourit. Pas de silence, pas une once de gêne chez son interlocutrice. Et les mots franchirent ses lèvres, sans qu’elle ne s’en rende compte.
« Il a tué quelqu’un. » Elle observa le visage de la faux à la dérobée.
« Quoi, mon chat ? » demanda-t-elle.
Elle inspira. Et dit, très vite:
« Mon père. »
Elle attendit. Une seconde. Une seconde cruelle, assassine.
L’autre haussa les épaules.
« Ça arrive aussi à des tas de gens biens. »
Avec cette phrase toute simple, Noa l’avait délivrée de son angoisse.
Mais c’était trop tard, et, en une seconde le souvenir avait déjà rattrapé Léanor, et l’éloigna un instant de la cuisine.
Elle fixait la table. Elle fixait la table, et, dans sa tête, se rejouait toute la scène, le policier à la porte, elle assise dans le salon avec sa mère.
Elle devait avoir cinq ans. Ou six ?
Tout se brouillait dans sa mémoire, tout finissait par disparaître, comme de la buée sur un vitre.
Tout disparaissait, les chiffres, les mots.
Mais cet instant, cet instant là, il resterait toujours gravé là, comme si le souvenir, plutôt que d’être buée avait été un caillou, un caillou qui aurait frappé la vitre, la fissurant, la séparant en dizaines d’éclats de verre transparent.
Elle se souvenait que sa mère avait pleuré, qu’elle avait nié, nié de toutes ses forces, et frappé, encore et encore la poitrine de l’agent, chaque coup plus faible que le précédent tandis qu’elle s’effondrait contre lui, et que ses sanglots devenaient de plus en plus bruyants.
Léanor n’avait pas pleuré. Elle avait regardé la scène, depuis l’autre côté du couloir. Les pleurs de sa mère résonnaient dans sa tête, toujours plus forts. Elle se prit la tête entre les mains.
Et pour la première fois, elle s’ était évadée.
Elle s’évada hors du couloir, de la maison, loin des larmes, loin des cris, loin du sang que son père avait fait couler.
Elle s’était retrouvée dans un manège plein de lumière. Lors du procès, elle n’avait pas pleuré. Quand la sentence avait été annoncée, elle n’avait pas pleuré. Jamais. Autant de fois qu’elle le voulait, elle pouvait quitter ses soucis, elle pouvait s’enfuir où elle le souhaitait, sur un manège ou sur la Lune et, sans le savoir, elle s’enferma dans une bulle.
Noa croisa ses bras sur la table, et vint y poser sa tête.
« Bon» entama-t-elle « j’ai deux mauvaises nouvelles à t’annoncer. Je commence par laquelle ? » Léanor fixa la jeune fille, qui avait la tête cachée derrière ses bras, comme une muraille, un rempart contre les mots, contre le monde extérieur. Léanor sourit à cette vue. Elle regarda autour d’elle, la petite cuisine aux murs jaunes, avec cette table qui occupait tout l’espace. C’était petit, mais propre, à l’image du reste de l’appartement que sa mère et elle occupaient. Elle se demanda comment Noa le voyait, ce qu’elle en pensait.
« Attends, j’hésite. »
Noa redressa la tête. Ses yeux cernés de noir la convainquirent de se taire. L’autre commença :
« N°1. On va être coincées ensembles pour un bon moment » dit-elle en relevant sa manche gauche. Les yeux de Léanor glissèrent sur le serpent, ses écailles noires, ses crocs, un large bracelet de plastique noir sur le poignet, tiqua sur ses doigts manquants.
Elle releva la tête. La fille aux cheveux blancs sourit, et tapota le bracelet, où des chiffres verts lumineux s’affichèrent.
« Comment tourner ça… » Elle se passa la main dans les cheveux. « Tu vois… Rah, je suis pas douée pour tout ça… Tu vois, les… Les criminels, qui sont… heu… assignés à une zone et ne peuvent pas partir ?
-Donc tu es… « assignée » à ma maison ?
-Non.
-Ah. Et… Donc…
-À toi, je suis assignée à toi. Enfin… Techniquement, il y a une limite de un kilomètre autour de toi, mais c’est plus pratique si je crèche chez toi.
-Ah.
-Enfin, si tu veux bien. Et si tu me réponds encore une fois « Ah », je t’étrangle.
-Oh. » L’autre secoua la tête avec un sourire. Elle reprit.
« En fait, c’est plutôt une bonne nouvelle, non ? Tu vas avoir l’honneur de respirer le même air que mon honorable personne. »
Léanor la regarda. L’autre haussa les épaules avec un maigre sourire.
« J’essaye de positiver. »
De quel droit ? De quel droit pouvait-elle s’installer, comme ça, chez elle ? Puis elle repensa à sa réaction quand elle lui avait parlé de son père. Et à cette impression qui ne la lâchait pas. L’homme aux lunettes lui dit, depuis un coin de la pièce : « Au moins, ça te fera de la compagnie. » Elle soupira.
« Bon. Et n°2 ?
-Claudius a des petits soucis.
- Quel genre de « petit soucis » ?
-Le genre de soucis qui impliquent un juge et des barreaux »
Un blanc, une pause. Elle n’y fit même pas attention.
« Merde » lâcha-t-elle
« Ça résume bien, oui. »

Le soir venu, Noa vint dans sa chambre. Léanor entendit le bruit de ses pas sur le parquet avant de la voir apparaître dans l’encadrement de la porte, où elle s’arrêta. Car Noa, contrairement à Claudius, ne flottait pas à dix centimètres du sol. Non, elle marchait, et ses pieds nus frappaient le sol, comme s’ils avaient étés faits de chair. Léanor retourna à sa lecture.. Elle était assise sur son lit, dos au mur, face à la porte. Elle lut quelques lignes, puis fixa son regard sur Noa, toujours plantée à la porte. Pendant un instant, rien ne se passa. Personne ne dit rien, personne ne fit rien, mais ça allait. Puis, sous ses yeux, Noa se mit en mouvement. Elle regarda autour d’elle, l’air gênée, puis se passa la main dans les cheveux, l’accrochant à sa nuque. Elle finit par s’avancer vers elle, et, vînt se poster à côté d’elle, à la fenêtre. Là, elle prit la parole, sans quitter la rue des yeux.
« Ta mère n’est toujours pas là »
Léanor sourit. Bien sûr que ça mère n’était pas là. De toute façon, elle n’était jamais là, depuis le « départ » de son père, elle se donnait à corps et à cris dans son travail. Bien sûr qu’elle n’était pas là. Elle ne voulait pas voir sa fille, cet automate qui ne semblait rien ressentir, un robot, oui. Un robot cassé. Elle baissa la tête.
« Je sais, elle… Travaille. »
Elle se remémora le manège, le premier de ses rêves éveillés. Maintenant, sa peinture s’écaillait, et il semblait tourner plus lentement qu’avant, plus lentement que la première fois. Elle passa sa main sur le dos de bois lisse d’un des chevaux, et releva la tête vers les petites ampoules qui ornaient, sans prétention, le plafond. De petites ampoules rondes, qui émettaient une lumière jaune. Elle ferma les yeux.
La voix de Noa lui fit rouvrir les yeux. Elle se tourna vers elle, qui la fixait, avec toujours cette expression, indéchiffrable. Elle la fixait, et lui tendait la main, sans un mot, sans un sourire, juste ses yeux, dorés comme ceux d’un fauve, et sa main, tendue vers elle, ouverte, comme si pas une seconde elle n’admettait que Léanor puisse refuser de la prendre. Mais Léanor ne comprenait pas. Que se passait-il ? Les gens d’habitude ne faisaient pas ça. Personne ne lui avait jamais fait ça. Elle sourit « ça ». Cela sonnait comme une chose extraordinaire, indescriptible, alors que c’était si simple ! Un tout, tout petit « ça ». Elle regarda tour à tour la main, puis le visage de la fille-tornade. Je dis fille-tornade, oui, Kalaan. Je l’ai dit, et je le redirai. Fille-tornade. Je le redirai, car, et ce depuis leur toute première rencontre, jusqu’à la fin, le vent semblait souffler sans fin autour de la faux. Elle les regarda, donc. Puis, lentement, elle glissa sa main dans la paume de l’autre, qui la serra et la tira vers elle pour la relever.
Et ce soir là, ce soir là, Léanor avait, doucement, enfilé ses vieilles basket usées. Elle avait, lentement, comme si elles pesaient des tonnes, attrapé ses clés. Elle avait poussé en silence la poignée de la porte d’entrée, et alors, alors, Léanor était sortie, et la nuit l’avait accueillie, immense, bruyante, et pleine de lumières. Une nuit sombre et calme mais pleine de vie, noire et lumineuse, vide et pleine. Une nuit muette, mais cette absence de sons remplissait l’espace. Et alors, alors, Noa l’avait prise par la main, et Léanor, Léanor avait souri. Puis ri. Et, pour une fois, elle ne s’était pas posée de questions, et avait parlé, parlé, disant tout, tout ce qu’il lui passait par la tête. Le précipice était toujours là, c’était toujours la vie en équilibre, avec tous ces gens venus d’un autre âge qui la fixaient, qu’elles croisèrent sur leur chemin, leur chemin qui semblait voué au hasard. Du moins le semblait-il. Car elles marchaient avec le sourire, grand sourire et demi-lune, avec tant de confiance qu’elles semblaient suivre un fil rouge, tendu devant elles pour les guider au travers du labyrinthe, ce labyrinthe de béton et de fer, cette ville, ce monstre qui engloutissait, jour après jour, la vie de ses habitants. Elles marchaient entre ses dents, contournaient ses épines, comme l’eau d’une rivière enrobe un caillou saillant sa surface, doucement, l’air de rien. Le précipice était toujours là, c’était toujours la vie en équilibre. C’était toujours la vie en équilibre. Mais pour ce soir, ce n’était pas si mal.

Noa l’avait ramenée, tard dans la nuit, dans sa chambre. Elles n’avaient pas fait de bruit, sa mère étant rentrée entre temps. Léanor aurait voulu qu’elle soit là, l’attendant au milieu du salon, la grondant, criant, l’accablant de sa faute pour être sortie sans lui demander. Elle imagina la scène. Elle se vit, debout dans l’encadrement de la porte, et sa mère, qui serait assise sur le canapé, se lèverait et… Elle aurait voulu que sa mère soit là. Mais, quand Noa lui prit la main pour lui faire traverser la porte d’entrée, le couloir était noir, le salon vide, et sa mère, sa mère était sans doute couchée. Elle soupira. Après s’être changée, elle se glissa dans son lit. Là, elle ferma les yeux, et eut l’impression de sentir le lit bouger sous elle, comme un radeau, comme si elle dérivait sur l’océan. Elle sentit le matelas s’affaisser à côté d’elle, lui faisant rouvrir les yeux. Une lumière jaune, celle d’un lampadaire, filtrait au travers de ses rideaux, et, dans la pénombre, elle redessinait sa chambre. Là, un gros lézard, ou comment cela s’appelait-il… Une salamandre. Sur son bureau, de petites îles, un monde miniature. Près d’elle… Près d’elle des cheveux blancs, semblant briller dans le noir. Près d’elle une forme sombre, arrondie, la courbe d’un dos, le dos d’une fille penchée en avant vers le bord du lit. Pendant un instant, il ne se passa rien. Que veux-tu, Kalaan, je n’y peux rien, tu n’auras pas toujours droit à ces dialogues magnifiques, qui vous tirent des larmes. Cette histoire, cette histoire là, est aussi et surtout faite de silences. Il y en eut donc un. Un silence. Un silence chaud, doux, confortable. Le silence des gens qui n’ont pas besoin de parler. Puis la voix grave de l’ombre vint briser l’instant.
« C’est l’histoire… C’est l’histoire d’une fleuriste… »

Nouvelle scène, mais un décor familier. Un décor familier, une table, dans une cuisine, deux personnes face à face. Une petite cuisine, mais propre et souriante. Noa tapota son bracelet, et les chiffres lumineux réapparurent.
« Mais tu n’étais pas là, quand j’étais au lycée.
-Quelqu’un était là pour me surveiller.
-Bon », fit Léanor en croisant ses mains au dessus de la table. « Et qu’est-ce qui se passerait si tu t’éloignait de plus de… un kilomètre ? C’était bien ça, un kilomètre ?
-Ouais. Disons que j’irais faire un petit coucou à Claudius. »
Les événements lui avait fait oublier le jeune homme, mais son image se réimposa à son esprit.
« Je… Il va bien ? »
Noa sourit.
« Je suppose » dit-elle en haussant les épaules. « Mais ils ont la réputation d’être plus fondant que du caramel, en prison, alors il devrait aller bien. » Léanor resta une seconde interdite.
« C’était… C’était une tentative d’humour ?
-Qu’est-ce que tu aurais voulu que je dise ?
-La vérité.
-La vérité. Bon » Noa se tut.
« Et alors » demanda Léanor en se penchant vers elle. Noa soupira, et écarta les bras.
« Et alors… Et alors je sais pas. »
Bon. Elle ne savait pas.

Et la routine s’installa, encore une fois. Et le fleuve, le fleuve continuait de couler, et Noa, Noa aussi se noya dedans, dans la routine. Elle se levait avec Léanor, la suivait jusqu’au lycée, et partout où elle allait, parfois flottant près d’elle, mais la plupart du temps à distance, comme ange gardien, ou comme une bête. Une bête effrayée, prudente, sauvage. Elle n’avait pas besoin de manger ou de dormir beaucoup, et, la plupart du temps, quand elle était chez elle, Noa préférait explorer l’immeuble, et Léanor se retrouvait seule, seule dans sa
chambre, avec son grand cahier bleu, avec ses rêves. D’ailleurs, souvent, elles passaient plus d’une journée sans se voir, Noa profitant de son kilomètre de mobilité pour continuer à travailler. Même si Léanor n'avait aucune idée de ce que pouvait être son "travail"
Alors non, Kalaan, cela ne ressemble pas à une relation incroyable, à une de ses amitiés sans failles que l’on peut voir dans les livres, et qu’on peut croire connaître dans la vie. Non, Kalaan, elles n’étaient pas de ceux-là, ces deux enfants, si différents et pourtant si semblables. Mais pourtant…
Mais pourtant Léanor ne se sentait plus seule. Mais pourtant sa présence, la présence de la fille au sweat rouge, sa simple présence semblait remplir l’espace, rassurant son hôtesse, l’enveloppant dans un cocon chaud et doux. Et, Léanor, petit à petit, se prit à la chercher du regard dans la foule, quand elle marchait dans la rue, à guetter le moment où, peut-être, son amie, permets-moi de l’appeler ainsi, rentrerait. Elle avait l’impression d’avoir pénétré le cyclone, et, après s’être fait fouetter par les vents, d’avoir trouvé une oasis en son centre, .
Et Noa, petit à petit, se laissa approcher.
Et c’était ça, la routine. C’était se réveiller un matin et sourire en voyant Noa, allongée par terre à côté d’elle, endormie, et de se dire qu‘elle ressemblait à une enfant, et non à la fille dure et habituée à se battre, à cette figure qu’elle lui montrait d’ordinaire.
C’était marcher dans les rues, seule, en se demandant si elle n’était pas loin.
Ç’avait été, un jour de grande mélancolie, réclamer une une histoire.
Ç’avait été, à un moment, se jeter à l’eau, et sortir le grand carnet bleu, et de, elle aussi, commencer à raconter ses histoires, avec ses crayons et son carnet.
Mais c’était aussi, des fois, ce rendre compte qu’elle était seule, c’était aussi, parfois, se retrouver sans personne à qui parler.
C’était aussi se détourner, toujours mal à l’aise face à ces grands yeux dorés qui, s’ils pouvaient se montrer chauds et engageants, pouvaient aussi, parfois, la fixer, comme alors, comme au premier jour, et ses pupilles, ses
pupilles, semblaient percer sa peau comme une centaine de piques.
C’était un oasis chaud et rassurant. Une tempête noire, effrayante. C’était Noa.
C’était devenu ça, la routine. Léanor, assise à son bureau, croisa les bras au-dessus de sa tête. Elle soupira, et repensa au moment où, sur un coup de tête, elle avait soudainement parlé à son « invitée » de Valentin, Valentin Fideico. D’abord il ne s’était rien passé, puis… Elle ferma les yeux.
Elle se remémora le regard de Noa, ses yeux qui étaient passés au gris, ses poings serrés, son visage tordu en un rictus. Et son regard, ce regard ! La fille aux cheveux blancs avait disparu à travers son plancher, et n’était revenue que deux heures après, ses écouteurs enfoncés sur les oreilles, agissant comme si de rien n’était, comme si rien ne c’était passé, comme si Léanor n’avait rien vu.
Mais elle avait vu dans ces yeux, cette ombre, cette noirceur. Elle avait vu. Et ce qu’elle avait vu l’avait apeurée. Elle avait vu, oui. Elle avait vu un assassin, un monstre de violence.
Depuis, elle n’avait pas osé aborder le sujet, ni de Valentin, ni de se qu’il s’était passé.
Elle avait eut peur, un temps. Un temps, la gêne s’était installée entre elles.
Puis, comme Noa ne donnait plus aucun signe de colère et que le temps passait, elle oublia.
Dernière modification par DocMoule-Frite le ven. 09 juin, 2017 5:23 pm, modifié 1 fois.
DocMoule-Frite

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Re: J'verrai plus tard.

Message par DocMoule-Frite »

Oui, donc je devrais toujours être en train de travailler, mais...



Léanor laissa sa main glisser sur le dos du chat, du chat blanc et gris, de la petite boule de poil qui s’était installée chez elle en même temps que la fille aux cheveux de neige. Elle observait son dos onduler sous ses doigts, et ne pensait à rien. À rien. Pour une fois, elle se contentait d’exister. Elle était assise par terre dans sa chambre, le dos contre son lit. Et elle se contentait d’être là, juste là, de sentir sa main s’enfoncer dans la fourrure douce et chaude du petit animal, de sentir son cœur battre, vite, vite, tout près d’elle. Cela l’avait surprise, en effet, ce chat, Le Chat comme l’avait nommé Noa, était vivant. N’est-ce pas ironique, Kalaan ? D’avoir passé toute sa vie chez les morts ? Mais reprenons. Figure-toi donc une scène paisible, un dimanche matin, tranquille. Dans la petite chambre, la petite chambre de Léanor, le soleil entrait par la fenêtre ouverte, qui laissait passer un courant d’air frais, le soleil, le soleil illuminait la pièce, et tout semblait briller d’un halo doré. Le reflet de cette même lumière sur la vitre dessinait un arc en ciel sur le mur en face d’elle, au-dessus de son bureau. Par terre, à côté d’elle, reposaient, comme de vieux compagnons de voyage fatigués, crayons, gomme, feutres, pastel, créant un jardin de mille couleurs sublimé par les rayons du soleil, de ce grand astre qui semblait posséder tant de pouvoir sur son environnement, sur son, humeur, sur sa faon de voir les chose, de ce grand astre, qui, d’où elle était, paraissait minuscule. Jaune, vert, bleu, rouge, rose, et mille et une nuances, mille et une fleurs sur son parquet de bois brun ! Et au milieu du jardin, caché parmi toutes ces parures et ces beaux équipages, le grand carnet bleu, encore ouvert, comme si, à tout moment, la jeune fille allait reprendre ses crayons, comme si, à tout moment, ce grand oiseau de couleur allait s’affranchir du papier, pour s’envoler, pour fuir par la fenêtre grande ouverte. Mais pour l’instant rien ne se passait. Les crayons restaient à leur place, et Léanor, au milieu d’eux, se contentait de rester là, juste là, et de savourer. De savourer la chaleur du soleil sur sa peau, le doux vent qui jouait dans ses cheveux, le chat, le chat, et le silence. Oh, en vérité, Kalaan, c’est pourquoi je chéris ces petits moments, ces moments d’inaction, de paix. Mes vieux yeux ont vu trop de batailles, trop de sang, trop de pleurs. Oh ça non, ce n’est pas les histoires tragiques qui manquent. Peut-être même que celle-ci en est une, qui sait ? Quand tu seras aussi vieille que moi je le suis, tu comprendras, tu comprendras combien ils sont précieux, ces moments, ces moments là. Mais continuons.
Car Léanor n’était pas seule dans cette chambre. Dans cette chambre, assise en tailleur sur le lit, il y avait une jeune faux.
Enfin, quand on a vécut l’éternité, on n’est plus si jeune, et après tout qu’est-ce que l’âge, quand on est mort, quand le temps ne signifie plus rien pour nous, qu’on le manipule, oui, qu’est-ce ? Plus grand-chose, j’en ai peur.
Enfin. Assise en tailleur sur le lit, dos au mur, il y avait une faux. Une faux aux cheveux blancs comme neige. Une faux portant un vieux sweat rouge. Une faux, faisant tourner entre ses mains un rubik’s cube usé par le temps. Noa.
Son corps restait immobile, seuls ses doigts bougeaient, comme s’ils étaient animés d’une volonté propre, comme si sont corps et ses doigts formaient deux être différents, séparés. Kalaan, Kalaan, moi qui l’ai vue, je peut te dire qu’elle a toujours été ainsi. Un corps immobile, tendu comme un arc, silencieux, dont seuls les mains, toujours en action, ou les yeux scrutant toujours leur environnement profondément, seuls, ils parlaient pour elle.
Du dehors, parvenaient les bruits, les klaxons, le brouhaha constant de dizaines d’êtres humains, les bruits, les bruits, la vie !
Mais c’était comme si dehors n’existait pas, n’existait plus. Ne restait plus que cette petite chambre, et le silence.
Oui, vraiment, c’était une scène paisible.
Léanor renversa sa tête en arrière contre le lit et fixa le plafond.
« Noa ? » demanda-t-elle après un silence.
L’autre répondit par un grognement, et darda ses yeux gris sur elle.
« Je peux… Je peux te parler ? » continua Léanor. « Je veux dire, te parler vraiment ? »
Et elle se tut, dans l’attente d’une réponse, le cœur au bord des lèvres, attendant ce « oui », ce « ok », ce « d’accord »… Ce « oui » qui ne venait pas. Et elle attendait, dans le silence, en fixant des yeux ce plafond blanc, ce plafond qui n’avait rien de particulier, mais qu’elle ne parvenait pas à quitter du regard.
Et le silence s’éternisait.
Finalement, elle se retourna vers le corbeau, tandis que le chat quittait ses genoux, s’étirait longuement, et quitta la chambre.
Elle se retourna vers le corbeau, la fille-tornade, Noa. Leurs regards se rencontrèrent, yeux verts contre yeux gris. Yeux gris qui passèrent aux doré.
Noa avait le regard calme, attentif, plein de majesté, un regard de lion.
Léanor sourit doucement en se rendant compte qu’à chaque fois qu’elle la comparait à quelque chose, c’était à un animal. Et c’était sûr, il y avait quelque chose de ça. Quelque chose de sauvage, d’indompté, attirant et effrayant à la fois pensait-elle sans la quitter des yeux, se remémorant le visage crispé de haine qu’elle avait entraperçu, une seconde, une seconde à peine. Mais une seconde avait suffit pour semer les graines de l’inquiétude dans son esprit.
Ce fut Noa qui détourna le regard. Elle se passa la main dans les cheveux.
« Je t’écoute. » dit-elle.
« Je t’écoute. » Trois mots, trois mots seulement, mais une libération.
Car la jeune fille en avait besoin. Les mots avaient tournés dans sa tête pendant de longues minutes, mais il lui fallait les dire. Il lui fallait mettre des mots sur toutes ces peurs, et s’entendre les dire à haute voix pour passer outre, pour réduire l’ombre gigantesque qui lui faisait face en toutes petites miettes. Il lui fallait s’assurer qu’elle n’était pas seule, et qu’il y avait quelqu’un, au moins une personne qui entendrait sa voix, sa voix au milieu de la foule.
Alors elle parla. Noa la regardait, sans un mot, et elle se réchauffait auprès de ces grands yeux d’or.
Et elle parla, parla, encore et encore, s’attendant toujours à être interrompue, mais non. Rien. Et elle parlait.
Quand elle s’arrêta, la fille aux cheveux blancs s’approcha d’elle, et lui prit la main. C’est tout. Pas de mots, pas de grand discours. Juste sa main dans la sienne qui disait « Tout va bien. ».
Ensuite, elle la lâcha et sourit.
« T’es au courant que ta mère te paye un psy ? »
Léanor baissa les yeux et secoua la tête. Car, elle s’en rendait compte, Noa aurait très bien pu n’être que son psy. Une inconnue. Car, elle s’en rendait compte, depuis plusieurs semaines qu’elle cohabitaient, la faux avait fini par connaître tout d’elle. Elle l’écoutait, Léanor parlait, et c’était aussi simple que ça. La faux avait fini par connaître tout d’elle. Mais elle, elle, ne savait rien. Et cela la hantait chaque jour un peu plus. Elle ne savait rien, rien de cette personne à côté d’elle, en qui elle plaçait toute sa confiance, rien de cette fille-là, rien, elle ne savait rien.
Elle se retourna vers Noa qui s’étirait en baillant longuement.
« Noa ? » entama-t-elle doucement, presque dans un murmure.
À côté d’elle, toujours avec son vieux rubisk’cube, son interlocutrice ne broncha pas, mais Léanor savait qu’elle l’écoutait.
« Je… J’ai l’impression que je passe mon temps à te parler, et que toi… Toi tu dis pas grand-chose.
- Ça me dérange pas. » fit Noa en haussant les épaules.
« Moi ça me dérange. »
Sur le lit, une face du rubiks’cube était complétée, la rouge. Noa sourit.
« Mystère mystère ! » dit-elle d’un ton faux.
« Sérieusement. Je veux savoir… Je sais pas moi, tu viens d’où ? »
Les yeux gris de Noa se perdirent dans le ciel, le monde derrière la fenêtre.
« Des limbes. » lâcha-t-elle finalement.
« Avant ça. Quand tu étais vivante. Et redescends un peu quand je te parle. »
Léanor regardait son amie, qui avait commencé à flotter vers le plafond, toujours assise en tailleur. Celle-ci revînt su terre.
« Tu viens d’où ?
-De quelque part.
-D’où ?
-Du ventre de ma mère je suppose. »
Noa se passa la main dans les cheveux.
« C’est pas drôle, Noa.
-Pourquoi tu veux savoir ça, de toute façon ? »
Le ton montait.
« Tu me dis jamais rien ! Tout ce que je sais de toi, j’ai dû le deviner, et encore, pour ce que je sais !
Mais qu’est-ce que je sais ? Que tu as un chat, que tu aime écouter de la musique et faire des rubiks’cubes. Quoi d’autre ? Rien !
-C’est pas suffisant ?
-Noa. » fit Léanor en fixant ses yeux sur elle, tentant d’attraper son regard, de lui dire, qu’elle comprenne, comme elle le faisait toujours. Mais Noa l’évitait. Elle affichait un visage neutre, fermé. Finalement elle se leva, et se dirigea vers le mur opposé.
« Je vais chez le voisin. » dit-elle avec un grand sourire, un sourire de clown, un sourire trop grand, trop large pour être honnête, surtout après leur discussion. Et elle disparu dans le mur.
DocMoule-Frite

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Re: J'verrai plus tard.

Message par DocMoule-Frite »

Ah, tiens, même pas 24 heures après, j'assume pas.
Bizarre!
vampiredelivres

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Re: J'verrai plus tard.

Message par vampiredelivres »

DocMoule-Frite a écrit :C'est pas bon, pas bon du tout, je vais me mettre à publier ce... cette chose. Tu veux parler de ce très beau texte que tu nous partages depuis un moment ? :mrgreen:
Oh, et puis...
J'ai reçu un peu trop de compliments, il est temps d'équilibrer tout ça avec un "passage à problème"! Bah,
si ce n'est qu'un passage...

Allez tout le monde: Ouaiiis! Hum.
Ah, et, juste, vu que les personnages se réunissent, il fallait, et surtout, j'avais envie, de les faire parler.
Sauf que.
Vous vous souvenez du message "perte de contrôle" dans lequel j'avouais mon incompétence sur certains sujets? J'ai envie de te dire, si tout ce que tu faisais était parfait... désolée, mais tu serais un robot.
Et bien on y est!
Allez, on repart: Ouaiiiis! (oui, il y a toute une foule qui écrit sur ce clavier pour ces phrases de haute volée (Ouaiiis!)(merci de rajouter quelques applaudissements à l'ensemble.)(cordialement, la direction)) Hum hum.
Des dialogues!
Ouaiiis! Hum hum.
Non, donc, plus sérieusement, là, pour le coup, il pourrait vraiment avoir des choses à refaire, ou à améliorer.
Alors...
A l'aide!
Bon, c'est pas tout ça, mais je devrais être en train de travailler, là...
Allez, juste un petit dernier...
Ouaiiiiiis! Mouais. Tu ne m'as pas convaincue.



Quelques minutes plus tard, elles étaient assises face-à-face, à la table de la cuisine. Chacune jaugeait l’autre du regard, sans rien dire. Léanor toussota.
« Ça va ? »
L’autre se contenta de hocher la tête brièvement. Et le silence revint, et, à chaque minute qui passait, le malaise de Léanor s’accentuait. Et le silence, le silence ! Ce silence qui en devenait pesant. Il était comme un être discret, malicieux, qui, sans qu’on s’y attende, s’enroulait autour de vos épaules, comme un ami, avant de, petit à petit, vous écraser sous son poids grandissant. Léanor se sentit rougir. Les joues en feu, elle baissa la tête. Il fallait qu’elle parle, qu’elle brise ce blanc interminable ! Car si auparavant le silence ne la dérangeait pas, et qu’elle l’appréciait, elle avait fini par apprendre, à ses dépends, qu’en société il était mal vu. Et qu’on se retrouvait vite enfermée derrière des mots. « fille sympa », « bizarre »… Il fallait qu’elle dise quelque chose, n’importe quoi, vite ! Elle ouvrit la bouche. Noa prit la parole :
« Tes parents ne sont pas là ? Enfin, il me semble qu’à ton âge, et à cette époque, les enfants vivent toujours avec eux. »
Léanor avala sa salive. Ça y était, ça allait arriver. Elle allait lui répondre, bien sûr, car que faire d’autre ? Et ensuite viendrait la gêne, et le silence, définitif cette fois.
« Ma mère travaille.
- Et ton père ? »
Léanor ferma les yeux une demi-seconde. On avait fini par y arriver. Mais vite, bien trop rapidement, elle aurait voulu, oui, elle aurait voulu plus de temps, plus d’illusions encore. Elle regarda la jeune fille qui lui faisait face. De nouveau, elle eut cette sensation, comme si l’autre pouvait l’attendre pour l’éternité, et qu’elle serait là, toujours là. Une lumière plus forte que les autre atteint son royaume sous-marin.
« En prison » lâcha-t-elle, attendant de voir sa bombe exploser.
Mais Noa se contenta de hocher la tête.
«  Ça arrive à des tas de gens très bien. »
La faux lui sourit et s’étira longuement en baillant comme un chat. Mais d’ailleurs…
« Il est où ?
- Mm ?
-Ton chat. »
L’autre sourit.
« C’est pas vraiment le mien, c’est… Il est sûrement en vadrouille quelque part, il va revenir. »
Léanor sourit. Pas de silence, pas une once de gêne chez son interlocutrice. Et les mots franchirent ses lèvres, sans qu’elle ne s’en rende compte.
« Il a tué quelqu’un. »
Elle observa le visage de la faux à la dérobée.
« Quoi, mon chat ? » demanda-t-elle.
Elle inspira. Et dit, très vite :
« Mon père. »
Elle attendit. Une seconde. Une seconde cruelle, assassine.
L’autre haussa les épaules.
« Ça arrive aussi à des tas de gens biens. »
Avec cette phrase toute simple, Noa l’avait délivrée de son angoisse.

Mais c’était trop tard, et, en une seconde le souvenir avait déjà rattrapé Léanor, et l’éloigna un instant de la cuisine.
Elle fixait la table. Elle fixait la table, et, dans sa tête, se rejouait toute la scène, le policier à la porte, elle assise dans le salon avec sa mère.
Elle devait avoir cinq ans. Ou six ?
Tout se brouillait dans sa mémoire, tout finissait par disparaître, comme de la buée sur un vitre.
Tout disparaissait, les chiffres, les mots.
Mais cet instant, cet instant là, il resterait toujours gravé là, comme si le souvenir, plutôt que d’être buée avait été un caillou, un caillou qui aurait frappé la vitre, la fissurant, la séparant en dizaines d’éclats de verre transparent.
Elle se souvenait que sa mère avait pleuré, qu’elle avait nié, nié de toutes ses forces, et frappé, encore et encore la poitrine de l’agent, chaque coup plus faible que le précédent tandis qu’elle s’effondrait contre lui, et que ses sanglots devenaient de plus en plus bruyants.
Léanor n’avait pas pleuré. Elle avait regardé la scène, depuis l’autre côté du couloir. Les pleurs de sa mère résonnaient dans sa tête, toujours plus forts. Elle se prit la tête entre les mains.
Et pour la première fois, elle s’était évadée.
Elle s’évada hors du couloir, de la maison, loin des larmes, loin des cris, loin du sang que son père avait fait couler.
Elle s’était retrouvée dans un manège plein de lumière. Lors du procès, elle n’avait pas pleuré. Quand la sentence avait été annoncée, elle n’avait pas pleuré. Jamais. Autant de fois qu’elle le voulait, elle pouvait quitter ses soucis, elle pouvait s’enfuir où elle le souhaitait, sur un manège ou sur la Lune et, sans le savoir, elle s’enferma dans une bulle.
Noa croisa ses bras sur la table, et vint y poser sa tête.
« Bon» entama-t-elle « j’ai deux mauvaises nouvelles à t’annoncer. Je commence par laquelle ? » Léanor fixa la jeune fille, qui avait la tête cachée derrière ses bras, comme une muraille, un rempart contre les mots, contre le monde extérieur. Léanor sourit à cette vue. Elle regarda autour d’elle, la petite cuisine aux murs jaunes, avec cette table qui occupait tout l’espace. C’était petit, mais propre, à l’image du reste de l’appartement que sa mère et elle occupaient. Elle se demanda comment Noa le voyait, ce qu’elle en pensait.
« Attends, j’hésite. »
Noa redressa la tête. Ses yeux cernés de noir la convainquirent de se taire. L’autre commença :
« N°1. On va être coincées ensembles pour un bon moment » dit-elle en relevant sa manche gauche.
Les yeux de Léanor glissèrent sur le serpent, ses écailles noires, ses crocs, un large bracelet de plastique noir sur le poignet, tiqua sur ses doigts manquants.
Elle releva la tête. La fille aux cheveux blancs sourit, et tapota le bracelet, où des chiffres verts lumineux s’affichèrent.
« Comment tourner ça… » Elle se passa la main dans les cheveux. « Tu vois… Rah, je suis pas douée pour tout ça… Tu vois, les… Les criminels, qui sont… heu… assignés à une zone et ne peuvent pas partir ?
- Donc tu es… « assignée » à ma maison ?
- Non.
- Ah. Et… Donc…
- À toi, je suis assignée à toi. Enfin… Techniquement, il y a une limite de un kilomètre autour de toi, mais c’est plus pratique si je crèche chez toi.
- Ah.
- Enfin, si tu veux bien. Et si tu me réponds encore une fois « Ah », je t’étrangle.
- Oh. »
L’autre secoua la tête avec un sourire. Elle reprit.
« En fait, c’est plutôt une bonne nouvelle, non ? Tu vas avoir l’honneur de respirer le même air que mon honorable personne. »
Léanor la regarda. L’autre haussa les épaules avec un maigre sourire.
« J’essaye de positiver. »
De quel droit ? De quel droit pouvait-elle s’installer, comme ça, chez elle ? Puis elle repensa à sa réaction quand elle lui avait parlé de son père. Et à cette impression qui ne la lâchait pas. L’homme aux lunettes lui dit, depuis un coin de la pièce : « Au moins, ça te fera de la compagnie. » Elle soupira.
« Bon. Et n°2 ?
- Claudius a des petits soucis.
- Quel genre de « petit soucis » ?
- Le genre de soucis qui impliquent un juge et des barreaux »
Un blanc, une pause. Elle n’y fit même pas attention.
« Merde » lâcha-t-elle.
« Ça résume bien, oui. »

Le soir venu, Noa vint dans sa chambre. Léanor entendit le bruit de ses pas sur le parquet avant de la voir apparaître dans l’encadrement de la porte, où elle s’arrêta. Car Noa, contrairement à Claudius, ne flottait pas à dix centimètres du sol. Non, elle marchait, et ses pieds nus frappaient le sol, comme s’ils avaient étés faits de chair. Léanor retourna à sa lecture.. Elle était assise sur son lit, dos au mur, face à la porte. Elle lut quelques lignes, puis fixa son regard sur Noa, toujours plantée à la porte. Pendant un instant, rien ne se passa. Personne ne dit rien, personne ne fit rien, mais ça allait. Puis, sous ses yeux, Noa se mit en mouvement. Elle regarda autour d’elle, l’air gênée, puis se passa la main dans les cheveux, l’accrochant à sa nuque. Elle finit par s’avancer vers elle, et, vint se poster à côté d’elle, à la fenêtre. Là, elle prit la parole, sans quitter la rue des yeux.
« Ta mère n’est toujours pas là »
Léanor sourit. Bien sûr que ça mère n’était pas là. De toute façon, elle n’était jamais là, depuis le « départ » de son père, elle se donnait à corps et à cris dans son travail. Bien sûr qu’elle n’était pas là. Elle ne voulait pas voir sa fille, cet automate qui ne semblait rien ressentir, un robot, oui. Un robot cassé. Elle baissa la tête.
« Je sais, elle… Travaille. »
Elle se remémora le manège, le premier de ses rêves éveillés. Maintenant, sa peinture s’écaillait, et il semblait tourner plus lentement qu’avant, plus lentement que la première fois. Elle passa sa main sur le dos de bois lisse d’un des chevaux, et releva la tête vers les petites ampoules qui ornaient, sans prétention, le plafond. De petites ampoules rondes, qui émettaient une lumière jaune. Elle ferma les yeux.
La voix de Noa lui fit rouvrir les yeux. Elle se tourna vers elle, qui la fixait, avec toujours cette expression, indéchiffrable. Elle la fixait, et lui tendait la main, sans un mot, sans un sourire, juste ses yeux, dorés comme ceux d’un fauve, et sa main, tendue vers elle, ouverte, comme si pas une seconde elle n’admettait que Léanor puisse refuser de la prendre. Mais Léanor ne comprenait pas. Que se passait-il ? Les gens d’habitude ne faisaient pas ça. Personne ne lui avait jamais fait ça. Elle sourit « ça ». Cela sonnait comme une chose extraordinaire, indescriptible, alors que c’était si simple ! Un tout, tout petit « ça ». Elle regarda tour à tour la main, puis le visage de la fille-tornade. Je dis fille-tornade, oui, Kalaan. Je l’ai dit, et je le redirai. Fille-tornade. Je le redirai, car, et ce depuis leur toute première rencontre, jusqu’à la fin, le vent semblait souffler sans fin autour de la faux. Elle les regarda, donc. Puis, lentement, elle glissa sa main dans la paume de l’autre, qui la serra et la tira vers elle pour la relever.
Et ce soir là, ce soir là, Léanor avait, doucement, enfilé ses vieilles basket usées. Elle avait, lentement, comme si elles pesaient des tonnes, attrapé ses clés. Elle avait poussé en silence la poignée de la porte d’entrée, et alors, alors, Léanor était sortie, et la nuit l’avait accueillie, immense, bruyante, et pleine de lumières. Une nuit sombre et calme mais pleine de vie, noire et lumineuse, vide et pleine. Une nuit muette, mais cette absence de sons remplissait l’espace. Et alors, alors, Noa l’avait prise par la main, et Léanor, Léanor avait souri. Puis ri. Et, pour une fois, elle ne s’était pas posée de questions, et avait parlé, parlé, disant tout, tout ce qu’il lui passait par la tête. Le précipice était toujours là, c’était toujours la vie en équilibre, avec tous ces gens venus d’un autre âge qui la fixaient, qu’elles croisèrent sur leur chemin, leur chemin qui semblait voué au hasard. Du moins le semblait-il. Car elles marchaient avec le sourire, grand sourire et demi-lune, avec tant de confiance qu’elles semblaient suivre un fil rouge, tendu devant elles pour les guider au travers du labyrinthe, ce labyrinthe de béton et de fer, cette ville, ce monstre qui engloutissait, jour après jour, la vie de ses habitants. Elles marchaient entre ses dents, contournaient ses épines, comme l’eau d’une rivière enrobe un caillou saillant sa surface, doucement, l’air de rien. Le précipice était toujours là, c’était toujours la vie en équilibre. C’était toujours la vie en équilibre. Mais pour ce soir, ce n’était pas si mal.

Noa l’avait ramenée, tard dans la nuit, dans sa chambre. Elles n’avaient pas fait de bruit, sa mère étant rentrée entre temps. Léanor aurait voulu qu’elle soit là, l’attendant au milieu du salon, la grondant, criant, l’accablant de fautes pour être sortie sans lui demander. Elle imagina la scène. Elle se vit, debout dans l’encadrement de la porte, et sa mère, qui serait assise sur le canapé, se lèverait et… Elle aurait voulu que sa mère soit là. Mais, quand Noa lui prit la main pour lui faire traverser la porte d’entrée, le couloir était noir, le salon vide, et sa mère, sa mère était sans doute couchée. Elle soupira. Après s’être changée, elle se glissa dans son lit. Là, elle ferma les yeux, et eut l’impression de sentir le lit bouger sous elle, comme un radeau, comme si elle dérivait sur l’océan. Elle sentit le matelas s’affaisser à côté d’elle, lui faisant rouvrir les yeux. Une lumière jaune, celle d’un lampadaire, filtrait au travers de ses rideaux, et, dans la pénombre, elle redessinait sa chambre. Là, un gros lézard, ou comment cela s’appelait-il… Une salamandre. Sur son bureau, de petites îles, un monde miniature. Près d’elle… Près d’elle, des cheveux blancs, semblant briller dans le noir. Près d’elle une forme sombre, arrondie, la courbe d’un dos, le dos d’une fille penchée en avant vers le bord du lit. Pendant un instant, il ne se passa rien. Que veux-tu, Kalaan, je n’y peux rien, tu n’auras pas toujours droit à ces dialogues magnifiques, qui vous tirent des larmes. Cette histoire, cette histoire là, est aussi et surtout faite de silences. Il y en eut donc un. Un silence. Un silence chaud, doux, confortable. Le silence des gens qui n’ont pas besoin de parler. Puis la voix grave de l’ombre vint briser l’instant.
« C’est l’histoire… C’est l’histoire d’une fleuriste… »

Nouvelle scène, mais un décor familier. Un décor familier, une table, dans une cuisine, deux personnes face à face. Une petite cuisine, mais propre et souriante. Noa tapota son bracelet, et les chiffres lumineux réapparurent.
« Mais tu n’étais pas là, quand j’étais au lycée.
- Quelqu’un était là pour me surveiller.
- Bon », fit Léanor en croisant ses mains au dessus de la table. « Et qu’est-ce qui se passerait si tu t’éloignait de plus de… un kilomètre ? C’était bien ça, un kilomètre ?
- Ouais. Disons que j’irais faire un petit coucou à Claudius. »
Les événements lui avait fait oublier le jeune homme, mais son image se réimposa à son esprit.
« Je… Il va bien ? »
Noa sourit.
« Je suppose » dit-elle en haussant les épaules. « Mais ils ont la réputation d’être plus fondants que du caramel, en prison, alors il devrait aller bien. »
Léanor resta une seconde interdite.
« C’était… C’était une tentative d’humour ?
- Qu’est-ce que tu aurais voulu que je dise ?
- La vérité.
- La vérité. Bon. »
Noa se tut.
« Et alors » demanda Léanor en se penchant vers elle.
Noa soupira, et écarta les bras.
« Et alors… Et alors je sais pas. »
Bon. Elle ne savait pas.

Et la routine s’installa, encore une fois. Et le fleuve, le fleuve continuait de couler, et Noa, Noa aussi se noya dedans, dans la routine. Elle se levait avec Léanor, la suivait jusqu’au lycée, et partout où elle allait, parfois flottant près d’elle, mais la plupart du temps à distance, comme ange gardien, ou comme une bête. Une bête effrayée, prudente, sauvage. Elle n’avait pas besoin de manger ou de dormir beaucoup, et, la plupart du temps, quand elle était chez elle, Noa préférait explorer l’immeuble, et Léanor se retrouvait seule, seule dans sa chambre, avec son grand cahier bleu, avec ses rêves. D’ailleurs, souvent, elles passaient plus d’une journée sans se voir, Noa profitant de son kilomètre de mobilité pour continuer à travailler. Même si Léanor n'avait aucune idée de ce que pouvait être son "travail"
Alors non, Kalaan, cela ne ressemble pas à une relation incroyable, à une de ses amitiés sans failles que l’on peut voir dans les livres, et qu’on peut croire connaître dans la vie. Non, Kalaan, elles n’étaient pas de ceux-là, ces deux enfants, si différents et pourtant si semblables. Mais pourtant…
Mais pourtant Léanor ne se sentait plus seule. Mais pourtant sa présence, la présence de la fille au sweat rouge, sa simple présence semblait remplir l’espace, rassurant son hôtesse, l’enveloppant dans un cocon chaud et doux. Et, Léanor, petit à petit, se prit à la chercher du regard dans la foule, quand elle marchait dans la rue, à guetter le moment où, peut-être, son amie, permets-moi de l’appeler ainsi, rentrerait. Elle avait l’impression d’avoir pénétré le cyclone, et, après s’être fait fouetter par les vents, d’avoir trouvé une oasis en son centre.
Et Noa, petit à petit, se laissa approcher.
Et c’était ça, la routine. C’était se réveiller un matin et sourire en voyant Noa, allongée par terre à côté d’elle, endormie, et de se dire qu'elle ressemblait à une enfant, et non à la fille dure et habituée à se battre, à cette figure qu’elle lui montrait d’ordinaire.
C’était marcher dans les rues, seule, en se demandant si elle n’était pas loin.
Ç’avait été, un jour de grande mélancolie, réclamer une une histoire.
Ç’avait été, à un moment, se jeter à l’eau, et sortir le grand carnet bleu, et de, elle aussi, commencer à raconter ses histoires, avec ses crayons et son carnet.
Mais c’était aussi, des fois, ce rendre compte qu’elle était seule, c’était aussi, parfois, se retrouver sans personne à qui parler.
C’était aussi se détourner, toujours mal à l’aise face à ces grands yeux dorés qui, s’ils pouvaient se montrer chauds et engageants, pouvaient aussi, parfois, la fixer, comme alors, comme au premier jour, et ses pupilles, ses pupilles, semblaient percer sa peau comme une centaine de piques.
C’était un oasis chaud et rassurant. Une tempête noire, effrayante. C’était Noa.
C’était devenu ça, la routine. Léanor, assise à son bureau, croisa les bras au-dessus de sa tête. Elle soupira, et repensa au moment où, sur un coup de tête, elle avait soudainement parlé à son « invitée » de Valentin, Valentin Fideico. D’abord il ne s’était rien passé, puis… Elle ferma les yeux.
Elle se remémora le regard de Noa, ses yeux qui étaient passés au gris, ses poings serrés, son visage tordu en un rictus. Et son regard, ce regard ! La fille aux cheveux blancs avait disparu à travers son plancher, et n’était revenue que deux heures après, ses écouteurs enfoncés sur les oreilles, agissant comme si de rien n’était, comme si rien ne c’était passé, comme si Léanor n’avait rien vu.
Mais elle avait vu dans ces yeux, cette ombre, cette noirceur. Elle avait vu. Et ce qu’elle avait vu l’avait apeurée. Elle avait vu, oui. Elle avait vu un assassin, un monstre de violence.
Depuis, elle n’avait pas osé aborder le sujet, ni de Valentin, ni de se qu’il s’était passé.
Elle avait eut peur, un temps. Un temps, la gêne s’était installée entre elles.
Puis, comme Noa ne donnait plus aucun signe de colère et que le temps passait, elle oublia.
DocMoule-Frite

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Re: J'verrai plus tard.

Message par DocMoule-Frite »

Vous savez quoi? J'ai encore envie de faire un truc totalement irréfléchi et débile.
parce que j'ai écrit, beaucoup. Sans poster après.
Alors il y a parfois du bon, souvent du mauvais, mais je vais m'amuser un peu.
Bientôt, histoire de pas avoir le temps de trop y repenser, je vais poster tout ça.
Et je re-disparaîtrait pour un autre mois
Oh je vais rigoler.
Et me foutre des gifles.
Peut-être.
vampiredelivres

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Re: J'verrai plus tard.

Message par vampiredelivres »

Franchement... vas-y. Sans hésitation. ;)
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