The Debt (terminé) [Contemporain / Ado-YA]

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louji

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The Debt (terminé) [Contemporain / Ado-YA]

Message par louji »

Bonjour à toutes et à tous, je viens ici poster pour la première fois une histoire sur Booknode :roll:

The Debt - BN.png
The Debt - BN.png (243.29 Kio) Consulté 407 fois


Du blabla
Spoiler
C'est la première fois que je montre cette histoire à un public qui m'est inconnu (on ne peut pas dire que j'ai eu des lecteurs sur Wattpad et les deux seules personnes que je connais qui ont lu cette histoire n'ont pas dépassé la première partie). Il n'y a eu donc aucun béta-lecteur, aucun correcteur et c'est donc "brut" que je vous présente mon texte (edit : ça a été un peu remanié, mais je ne compte plus changer beaucoup cette histoire, elle est terminée pour moi !)

J'écris pour le plaisir personnel, mais j'aimerais quand même savoir ce que peuvent penser les gens de mon écrit car j'y mets du cœur, des mots, des émotions et pas mal de moi-même (même si j'essaie de me détacher pour ne pas en faire un récit trop personnel !). Je suis donc ici pour recevoir avis et critiques dans la mesure où ils peuvent m'aider à peu près.
Je ne pense pas être susceptible au point de démoraliser et de laisser tomber ce projet si je reçois beaucoup de retours négatifs. Je n'arrêterais pas d'écrire pour ça, The Debt (et l'écriture en général) me tient trop à cœur. :D

Bref, passionnés d'amour, avides de surnaturel ou chercheurs d'histoires palpitantes, passez votre chemin car je ne pense pas que The Debt vous plaira :?

Petit plus : un des romans qui m'a beaucoup inspirée est Boys don't cry de M. Blackman que j'ai adoré et que j'ai trouvé très touchant. Je voulais remettre un peu de ces relations tendues et pleines d'affection que partagent les personnages.

J'ai aussi posté d'autres histoires sur Booknode, une duologie de fantasy médiévale, Oneiris, et un récit d'action / young adult, S.U.I.

© Tous droits réservés
Tout plagiat est évidemment interdit. Merci pour votre compréhension.


Résumé :
Zach n'a que douze ans lorsqu'il provoque un accident mortel qui coûte la vie de son meilleur ami et d'une famille. Bouleversé, il se pense condamné à jamais. Sans avenir.
Néanmoins, Mark, le père de la famille qu'il a détruite, décide de l'adopter. Par condamnation ou rédemption, Zach finit sous l'aile de cet homme au bord du gouffre.
S'ensuivent alors des années de pardon et d'acceptation, entre amour et haine.

Se souvenir de ses péchés.
Réparer les erreurs commises.
Payer la Dette.



[TW]
- Racisme
- Homophobie
- Violences physiques & psychologiques
- Dépression
- Violences familiales
- Harcèlement physique & moral
- Mort
- Accident de la route


Sommaire :

Première partie : How I became a debtor.
Prologue, chapitres 1 et 1.5 : voir ci-dessous
Chapitres 2 et 2.5
Chapitres 3 et 3.5
Chapitres 4 et 4.5
Chapitres 5 et 5.5
Chapitres 6 et 6.5
Chapitres 7 et 7.5
Chapitres 8 et 8.5
Chapitres 9 et 9.5
Chapitres 10 et 10.5
Deuxième partie : How I started paying my debt.
Chapitres 11 et 11.5
Chapitres 12 et 12.5
Chapitres 13 et 13.5
Chapitres 14 et 14.5
Chapitres 15 et 15.5
Chapitres 16 et 16.5
Chapitres 17 et 17.5
Chapitres 18 et 18.5
Chapitres 19 et 19.5
Chapitres 20 et 20.5
Chapitres 21 et 21.5
Chapitres 22 et 22.5
Chapitres 23 et 23.5
Chapitres 24 et 24.5
Chapitres 25 et 25.5
Chapitres 26 et 26.5
Chapitres 27 et 27.5
Troisième partie : The end.
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
Chapitre 48
Chapitre 49
Chapitre 50
Chapitre 51
Chapitre 52
Chapitre 53
Chapitre 54
Chapitre 55
Chapitre 56
Chapitre 57
Chapitre 58
Chapitres 59 et 60
Chapitres 61 et 62
Chapitres 63 et 64
Chapitres 65 et 66
Chapitres 67 et 68
Chapitres 69 et 70
Chapitres 71 et 72
Chapitres 73 et 74
Chapitres 75 et 76
Chapitres 77 et 78
Chapitres 79, 80 et 81
Quatrième partie : The beginning.
Chapitres 82 et 83
Chapitres 84 et 85
Chapitres 86 et 87
Chapitres 88 et 89
Chapitres 90 et 91
Chapitres 92 et 93
Chapitres 94 et 95
Chapitre 96

Épilogue

Bonus
Annonce & remerciements
Casting




Prologue



Ils sont comme un coup de poignard. Comme un éclair dans le ciel. Une douleur fulgurante.
Les souvenirs. Mes souvenirs.

J'essaie. Je le jure. J'essaie de les empêcher de m'embrouiller. De venir se loger sous mon crâne, pareils à une migraine. De se glisser derrières mes paupières comme l'image du soleil après qu'on l'ait regardé trop longtemps.
Mais ils sont plus forts. Sournois, spontanés ou provoqués, complets ou coupés.

Parfois, j'arrive à les ignorer, à faire d'eux un élément du quotidien ; un objet du décor. Parfois.
Plus souvent, ils gagnent. Je ne suis pas spécialement doué pour les faire partir. Ils s'accrochent à mon esprit et me délivrent leur contenu acide.
Acide au point de me donner envie de vomir et de pleurer.

Quand je sens qu'ils sont là, tout proches, je cherche un moyen de me divertir, d'occuper mon esprit à autre chose.
Et quand ils arrivent et qu'ils trop violents... je perds. Je laisse l’amertume, les regrets et la culpabilité m’ensevelir. Je m’isole, broie du noir, pense au pire. Je déteste ça. Je me déteste pour ça.

Mais quel est leur but exactement ? Il s'est déjà chargé de me faire ravaler ma fierté et mon orgueil. Il s'est déjà assuré que plus jamais je ne dévierais du bon chemin. Il m'a déjà brisé pour faire de moi quelqu'un de nouveau.
Alors, pourquoi les souvenirs sont-ils toujours là ?
Alors que je la paie. Que je paie la Dette.




Première partie : How I became a debtor.


Février 2015,
Colorado, États-Unis d’Amérique,
Daree, à une cinquantaine de kilomètres de Denver




1
Cinq ans



Le calme. Relatif, puisque mon cœur bat en sourdine. Le silence. Amoindri par ma respiration anxieuse. L’attente... les pas lourds dans les escaliers s’apprêtent à y mettre fin.
Ma porte s’ouvre, mon cœur se recroqueville.
– Zach, si on est en retard, tu sais ce qui arrivera, n'est-ce pas ?
La voix bourrue et grave de Mark n’est pas le plus agréable des réveils. Mais son ton exaspéré et l’aura menaçante qu’il dégage font de lui le plus efficace.
Mes yeux peinent à s'ouvrir ; la honte, les remords, l’angoisse, la peur me supplient de les garder fermés. Mais ce serait désobéir à Mark et… c’est pas franchement une bonne idée.
J'arrive finalement à les entrouvrir, ces fichues paupières. Pour découvrir le papier peint jaune poussin du plafond. Première vision exaltante de cette journée funeste. Mon lit émet un grincement glauque lorsque je me redresse en position assise. Je ne porte qu’un t-shirt blanc et un boxer noir ; je n’aime pas trop les couleurs et il vaut mieux pour moi ne pas attirer l’attention.
Après avoir baillé à m'en décrocher la mâchoire, je tourne la tête vers l'entrée de la chambre. Mark s’y tient debout, aussi droit qu’un I, le port fier. Cet homme me fascine autant qu'il m'effraie. Ses yeux chocolat noir me toisent durement. Ses cheveux bruns sont coupés très courts. Il porte une chemise à motif à carreaux ainsi qu'un pantalon beige. Même dans ces vêtements simples, il a autant de prestance qu'un type en costard. Mark a la quarantaine et une allure qui donne envie de s'écarter de son chemin. Il est grand, mais n'a pas non plus la carrure d'un videur. Disons qu'il s'entretient pour ne pas avoir de brioche – pardonne-moi l'expression.
Sa peau noire n'est pour moi plus une source de railleries. Qui suis-je pour le critiquer là-dessus ?
« Un p'tit con de Blanc de douze ans qui fait pas trente centimètres se permet de parler de la couleur de ma peau ? »
Un sourire dépité étire mes lèvres lorsque je songe à ce que m'a dit Mark la première fois que j'ai eu les testicules – le mot « couilles » a disparu de mon vocabulaire, normalement – de lui faire une remarque sur sa peau chocolat.
Aujourd'hui, je suis toujours un p'tit con de Blanc. À la différence que j'ai maintenant dix-sept ans et que je fais un bon mètre quatre-vingts cinq.

Je me frotte les yeux en basculant mes longues jambes par-dessus la couette. De fines cicatrices pâles zèbrent mon mollet droit. J’ai l’audace de bailler encore une fois – ma nuit d’insomnie n’aide pas. Puis, sentant le regard glacial de Mark peser sur moi, je lève les yeux.
Et le regrette aussitôt. Mark a les lèvres pincées, comme lorsqu'il s'apprête à me gifler, son regard me fusille, ses narines frémissent.
– Arrête, de la fumée va sortir par tes oreilles, lâché-je d'un air désinvolte, tout aussi de mauvais poil que lui.
Mark ne dit rien. Il se contente de venir vers moi, me prend le menton et m'observe. Je m'attends à une remarque du genre « Ta tête a le même effet qu'une flaque de vomi : elle me donne envie de gerber. » ou « T'es encore plus affreux qu'hier. » ou encore « Sale petit con arrogant, pour qui tu te prends ? ». Mais pas un mot ne passe ses lèvres. Rien que le silence gelé de sa colère muette. Mes muscles se contractent.
D'un geste méthodique et expert – il a pu s'entraîner souvent – il me gifle.
Je ne dis rien. Il n'y a rien à dire.
– Je n'ai pas besoin de te rappeler quel jour nous sommes.
Non, en effet. J’y pense tous les matins depuis deux mois.
– Je te prierais de te dépêcher. Nous avons rendez-vous avec les Daniels à neuf heures et demie.
Super. Eux non plus ne me considèrent pas vraiment comme un être humain.
Comme je ne réponds rien, la tête baissée au point que mon menton touche presque ma poitrine, Mark grogne en se dirigeant vers la fenêtre pour ouvrir les volets.
– Tu as perdu ta langue, Zachary ?
Une fois les volets ouverts, il me fixe intensément.
Bordel, sa voix résonne en moi comme un coup de massue.
– Zachary ?
Mais qu’est-ce qu’il me veut ? Il sait très bien que je déteste mon prén…
Zach ! Reprends-toi. Il te teste.
– Non, Mark. (Il hausse un sourcil.) Non, Mark, je n'ai pas perdu ma langue.
– Bien.
Il s'éloigne dans le couloir et je déglutis péniblement. Longue journée en perspective.

Je ne sens même plus la chaleur de sa claque sur ma joue. Mais je sens le chaume. Va falloir que je me rase, Mark ne me le pardonnera pas si je vais au rendez-vous comme ça.
Une fois debout, je m'apprête à prendre des vêtements dans la commode lorsque Mark déboule dans la chambre et jette des habits sur le lit.
– Mets-ça, lance-t-il d’un ton impérieux.
Silencieux, je me retourne. Une chemise blanche à manches longues, un pantalon de coton noir, une veste de costume de la même couleur. Je n'ai jamais eu des habits aussi beaux et en aussi bon état.
J'écarquille les yeux puis me rue dans le couloir.
– Mark ! crié-je d'une voix stupéfaite.
– Qu'est-ce qu'il y a ?
– Ces-ces vêtements, ils...
Bon sang, je déteste bafouiller.
– Je ne peux pas.
– Pourquoi ?
– Tu sais pourquoi, je réponds d'un ton faible.
J'ai honte. J'ai envie de me terrer. De disparaître.
– T'ai-je demandé ton avis ? réplique-il d'une voix rauque en posant sur moi un regard irrité.
– Non, Mark. Je n'ai pas d'avis à émettre, grommelé-je dans ma barbe.
– Bien, Zach, alors tu sais quoi faire.
– Mais Mark, je... je ne...
Mes jambes flageolent. Ma tête tourne, mon bras gauche m'élance.
Ils reviennent.
Les souvenirs.

– Zach.
Je suis par terre contre le mur. Mark est penché vers moi et claque des doigts pour attirer mon attention. Je ne me rappelle pas m’être affalé.
– Zach, debout.
Non, j'ai pas envie. Même après cinq ans, je ne peux pas assumer. Je peux pas…
– Mets ces foutus vêtements et accompagne-moi, râle Mark en me saisissant par le bras pour me redresser. Et arrête de geindre comme un gosse.
Mark.... je t'en supplie. J'aimerais tellement retourner dans mon lit. M'enfouir sous la couette. Oublier ce que j'ai fait. Je ne veux pas y aller... Je ne veux pas leur faire face. Pas à elles.
Mais il ne me laissera pas faire. Il me dit quoi faire depuis des années maintenant. Il s'occupe chaque jour de moi pour que je devienne une meilleure personne.
Il... Mark.
Mark, dont j'ai brisé la vie il y a cinq ans.
J'entends les sirènes, les voix affolées, les cris. Je vois le sang, les larmes, l'huile du moteur.

Mark.
Pardonne-moi.
Pardonne-moi d'avoir tué ta femme et tes filles il y a cinq ans.




1.5
Cinq ans... qu'elles sont mortes



C'est le crépuscule. Une froide journée de février.
Je me sens pas bien, j'ai la nausée. Sûrement à cause des bières que j'ai bues et de ce que j'ai fumé.
La radio est branchée et la musique hip-hop me claque aux oreilles. J'ai les mains moites, le volant glisse sous mes doigts.
La voix de Ray perce par-dessus la musique. Ses paroles sont confuses, ses mots pâteux. Il n'est pas en meilleure forme que moi.

Ray n'arrête pas de rire. Et moi non plus. Qu'est-ce qui nous rend hilares, au juste ? J'avoue que je l'ignore. Mais la sensation est grisante. Le paysage défile à toute vitesse derrière les vitres. L'adrénaline coule dans mes veines. Ça fait longtemps que je ne me suis pas senti aussi heureux.
Je suis libre.
Plus pour très longtemps.

Je ne sais pas combien de temps il s'est écoulé, mais il fait déjà plus sombre. Il n'est pas très tard, Karen ne s'inquiète pas encore.
Ray a une cigarette coincée entre les lèvres. Une simple cigarette. Avec du tabac. Beaucoup moins fort que ce qu'on a fumé tout à l'heure.
– Ray, marmonné-je d'une voix rauque. Ray, faut que j'te dise un truc.
Mon ami regarde devant lui, les yeux voilés. Un sourire niais étire ses lèvres.
– Zach, regarde la route, dit-il en me tapotant le bras. Je voudrais pas qu'on ait un accident.
– Ray... Tu m'écoutes ? (Il se marre tout seul et se laisse aller dans le siège.) Ray ? Raylen !
Il sursaute en entendant son prénom. Je fais de mon mieux pour regarder devant moi, mais je me sens de moins en moins bien. Ma tête tourne, mes bras tremblent et mes jambes sont comme du coton.
– Faut qu'on s'arrête, je gémis en agrippant le volant plus fort comme pour m'assurer que je ne le lâche pas. J'ai envie de...
Je dois cesser de parler pour réprimer un haut-le-cœur. Raylen me jette un regard en coin puis pousse un grognement.
– Zach... Tu devais conduire une heure. Ça doit faire quarante-cinq minutes.
Je ne suis pas rassuré d’apprendre qu’il ne sait pas non plus depuis combien de temps nous sommes dans la voiture.

Quelques minutes se sont écoulées – peut-être plus, peut-être moins, j'en sais fichtrement rien ! – lorsque Ray plisse les yeux en observant la route. Je fais de mon mieux, mais la fatigue plombe mes paupières, la nausée me remonte dans la gorge, des tremblements agitent mes membres.
Je sursaute violemment quand Ray pousse un cri de détresse. Par réflexe, je tourne la tête vers lui. Grossière erreur.
Il aurait fallu que je regarde devant moi.

– ZACH ! beugle Raylen d'une voix cassée.
Mais c'est trop tard.
Il y a un brusque choc qui fait claquer mes dents sur ma langue, la coupant un peu au passage. Je lâche le volant, mon corps part en avant, mais j'ai eu la sagesse – sagesse... non, pas vraiment en fait – de mettre ma ceinture, ce qui me retient d'aller m'emplâtrer dans le pare-brise. Au bruit de verre cassé que j'entends, je comprends vite que Ray n'a pas mis sa ceinture.
Moi qui croyais que c'était fini, je me trompe lourdement. Un violent soubresaut agite la voiture, cognant ma nuque contre le cale-tête et me faisant perdre totalement le contrôle du véhicule.
Malheureusement, mon pied ne s'est pas décollé de la pédale. Je vois le mur arriver à toute allure.
J'ai l'impression de crier, à moins que ce ne soit un rêve.

Un bruit infernal, une douleur atroce, puis... le noir total.




Voilà pour aujourd'hui, mon roman est construit de manière un peu étrange mais que j'apprécie ^^' La première partie fonctionne de manière suivante : un chapitre dans le présent, un autre dans le passé, puis à nouveau dans le présent... Les chapitres couplés (comme le 1 et 1.5 que j'ai postés aujourd'hui) sont normalement plus ou moins liés.
Pardonnez-moi s'il y a des fautes d'orthographe, j'essaie normalement de faire très attention mais il est possible que certaines coquilles m'échappent...

Merci à ceux qui s'arrêteront, à ceux qui liront, à ceux qui commenteront. :D
Dernière modification par louji le dim. 06 août, 2023 1:50 pm, modifié 93 fois.
titia1311

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par titia1311 »

Wahou ! Pas mal !
L'écriture est super fluide, du coup ça se lit vraiment tout seul. J'aime bien.
Ce n'est que le 1er chapitre, mais tu as mis ce qu'il fallait pour accrocher le lecteur. Bon en tout cas, moi, tu m'as accrochée. Et l'alternance entre le présent et le passé, c'est vraiment une bonne idée.
Pour les fautes, j'en ai vus 1 ou 2 peut-être... mais elles ne m'ont pas sauté aux yeux.
Par contre, il y a peut-être 2 petites erreurs involontaires :
Il s'est déjà assuré que plus jamais je ne dévirerais du bon chemin.
Je pense que tu ne voulais pas utiliser le verbe dévirer mais dévier, non?
Mais c'est quoi son problème ? Il sait très bien que je déteste mon pré- Zach ! Reprends-toi, bordel ! Il te teste.
J'ai hâte de lire la suite :)


P.S. : Sans vouloir en profiter pour faire de la pub (non non je n'oserai pas :lol: ), mon amie Sarah B. Lila, qui publie ici sous le nom de Kyoko2485 a publié une nouvelle Perdue dans les limbes, si jamais ça pouvait t'intéresser ;)
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

titia1311 a écrit :Wahou ! Pas mal !
L'écriture est super fluide, du coup ça se lit vraiment tout seul. J'aime bien.
Ce n'est que le 1er chapitre, mais tu as mis ce qu'il fallait pour accrocher le lecteur. Bon en tout cas, moi, tu m'as accrochée. Et l'alternance entre le présent et le passé, c'est vraiment une bonne idée.
Pour les fautes, j'en ai vus 1 ou 2 peut-être... mais elles ne m'ont pas sauté aux yeux.
Par contre, il y a peut-être 2 petites erreurs involontaires :
Il s'est déjà assuré que plus jamais je ne dévirerais du bon chemin.
Je pense que tu ne voulais pas utiliser le verbe dévirer mais dévier, non?
Mais c'est quoi son problème ? Il sait très bien que je déteste mon pré- Zach ! Reprends-toi, bordel ! Il te teste.
J'ai hâte de lire la suite :)


P.S. : Sans vouloir en profiter pour faire de la pub (non non je n'oserai pas :lol: ), mon amie Sarah B. Lila, qui publie ici sous le nom de Kyoko2485 a publié une nouvelle Perdue dans les limbes, si jamais ça pouvait t'intéresser ;)

Woh, merci beaucoup pour la rapidité de la réponse ! :shock: Je ne pensais pas trouver aussi vite une âme pour me conseiller :lol:
En tout cas, j'apprécie énormément que vous ayez eu la patience et l'envie de vous arrêter sur mon écrit, ça me fait très plaisir :D
Je suis ravie de voir que ce début vous a plu ^-^ Je ne suis pas super fière de mon chapitre 1 car il ne présente pas les deux personnages principaux de manière flatteuse :lol: (c'est l'effet recherché après tout). Je comptais plus sur le chapitre dans le passé (et la fin du chapitre 1) pour essayer de raviver l'intérêt du lecteur et, apparemment, cela a plutôt fonctionné =)
Merci beaucoup pour les fautes! En effet, c'est bien le verbe dévier et non dévirer que je voulais utiliser :oops: Pour l'autre, je voulais couper le mot "prénom" pour montrer que Zach s'arrête lui-même dans sa colère (colère justifiée dans un prochain chapitre et non un simple caprice d'adolescent...).

J'irai jeter un coup d’œil à la nouvelle, pas de problème ;) Je ne suis pas contre la pub car c'est un des meilleurs moyens pour se faire connaître :) (Bien que je n'ose pas l'utiliser moi-même...)

Bref, merci encore d'avoir pris le temps de poster un commentaire, ça me fait vraiment plaisir!
DanielPagés

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par DanielPagés »

Je passais en inspection des nouveautés... et c'est ton blablabla qui m'a arrêté.
J'ai une sainte horreur des accidents de voiture, mais bon, niveau écriture, là, il y a du talent...
Je ne sais pas trop où tu nous emmènes, mais faut continuer !! :D
Il n'y a pas de fautes (ou elles sont bien cachées et ne m'ont pas sauté aux yeux) et c'est agréable à lire.
Alors, continue ! ;)

juste un petit truc en passant, à la ligne 2 je crois : tu utilises l'expression 'C'est jouissant' et on dirait plutôt 'C'est jouissif'
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

DanielPagés a écrit :Je passais en inspection des nouveautés... et c'est ton blablabla qui m'a arrêté.
J'ai une sainte horreur des accidents de voiture, mais bon, niveau écriture, là, il y a du talent...
Je ne sais pas trop où tu nous emmènes, mais faut continuer !! :D
Il n'y a pas de fautes (ou elles sont bien cachées et ne m'ont pas sauté aux yeux) et c'est agréable à lire.
Alors, continue ! ;)

juste un petit truc en passant, à la ligne 2 je crois : tu utilises l'expression 'C'est jouissant' et on dirait plutôt 'C'est jouissif'

Oh, c'est un honneur d'avoir un commentaire de votre part! :o (Je vous aperçois souvent sur cette partie du forum et vos commentaires sont toujours constructifs et bienvenus! :D )

Ah, si mon blabla peut attirer du monde, tant mieux :roll: :lol:

Désolée pour l'accident de voiture, promis, il n'y aura pas d'autres descriptions de l'accident en lui-même!

Merci pour votre avis, ça me fait énormément plaisir :D

Merci pour la petite erreur, je vais la corriger de ce pas.
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

Bonjour, bonsoir, à tous ceux qui passeront par là, merci beaucoup pour votre intérêt! :D ;) :oops:
J'ai décidé de poster deux petits chapitres de plus.




2
Le rituel



Une fois lavé, rasé et habillé, je sors de la salle de bains, un peu moins bouleversé, mais toujours tendu.
Mark et moi habitons dans une maison de banlieue. Ni grande, ni petite, il y a un étage, un grenier fourre-tout ainsi qu'un garage et un jardin à l'arrière. La maison idéale pour un couple qui vient de fonder une famille. Mais c'est un professeur d'université qui a passé la quarantaine et un ado qui y vivent.
L'étage accueille une salle de bains et trois chambres. Mark a la plus grande et, moi, j'ai eu le choix entre les deux restantes. La dernière reste toujours fermée. La trappe donnant sur le grenier se trouve juste avant l'escalier en bois qui mène au rez-de-chaussée. D’ailleurs, je l'emprunte pour descendre.
En bas, il y a la cuisine, le salon et une salle à manger que Mark a reconvertie en bureau après... après ce qui s'est passé il y a cinq ans. Il n'en avait plus besoin. Mark était seul.

Il m'attend dans la cuisine. Elle donne sur le jardin grâce à une porte-fenêtre. J’aperçois une balançoire rouillée. Il y a quelques années, cette vision aurait suffi à me faire monter les larmes aux yeux. Aujourd'hui, mon cœur se contente de se serrer – ce qui est déjà assez douloureux en soi. Mais ce qui m'attend va faire encore plus mal.
Une odeur de café et de pain grillé emplit l'air, faisant gargouiller mon estomac.
Mark est déjà installé à table, une tasse fumante et une tartine beurrée devant lui. Il lit un journal. Lorsque je m'approche pour me faire un café, il lève les yeux de sa lecture.
– Bien dormi ? demandé-je en détournant le regard.
Peut-être un peu tard pour prétendre à une conversation banale, mais bon.
– Comme toutes les fois la veille de cet anniversaire, répond-il d'un air vague. Et toi ?
– Comme d'hab', murmuré-je en soupirant.
– Ces vêtements te vont bien, Zach, souffle-t-il en me dévisageant.
J'attrape une tasse dans le placard pour lui cacher ma gêne. J'ai un problème avec les compliments. Encore plus quand ces-dits compliments viennent de Mark.
– Mais dès ce soir, tu devras me les rendre, reprend-t-il d'une voix cassante.
C'était trop beau pour être vrai.

Alors que je mâche le dernier morceau de ma tartine, je songe au rituel. Mark a fini de petit-déjeuner, il lit toujours. Il est assis en face de moi, dos à la fenêtre. C'est fait exprès. Pour me cacher le soleil qui se lève.
« Tant que tu n'auras pas accompli le rituel, le soleil n'illuminera pas ta journée. »
Je finis le fond de ma tasse puis soupire.
– Elle s'appelait Alison Grace, commencé-je, faisant lever les yeux de Mark. Elle avait trente-deux ans quand elle est partie. Elle travaillait à l'hôpital de Lake Town en tant qu'infirmière. Sa famille a approuvé son mariage avec Mark Grace, malgré les conflits que cela a engendré du côté de la famille Grace.
Je marque une pause pour reprendre mon souffle. Et pour voir si Mark est satisfait. Je comprends à son regard qu'il l'est.
– Alison et Mark Grace se sont mariés à vingt-quatre et vingt-sept ans, alors que cela faisait cinq ans qu'ils se fréquentaient, continué-je de la voix la plus assurée que je peux donner en ce moment. Un an plus tard, quand ils ont appris la grossesse d'Alison, ils ont décidé d'acheter une maison, ici à Daree.
Je jette un coup d’œil à Mark ; que je parle de lui à la troisième personne ne semble pas le déranger. Tant mieux, je n'oserais pas faire le rituel en disant « tu ».
– Leurs deux filles jumelles sont nées à l'hôpital de Lake Town le trois février 2004, quand leurs parents avaient vingt-six et vingt-neuf ans. L'aînée s'appelait Holly et sa petite sœur, Jade. (J'inspire un bon coup avant de reprendre d'une voix que moi-même je perçois tremblante.) Elles avaient six ans quand elles ont perdu la vie.
– Comment se comportaient ces deux petites filles ? demande Mark d'un ton distant.
– Holly était un peu un garçon manqué.
J’ai peur de subir des représailles en la comparant ainsi, mais Mark ne bronche pas.
– Elle passait la plupart de son temps à tenter l'impossible, à grimper aux arbres, à courir le long des murs... Holly était une petite fille pleine de courage et de vie. On disait qu'elle tenait de son père.
À ces mots, un tressaillement minuscule – il faut bien le connaître pour le percevoir – agite Mark.
– Jade, elle, tenait plus de sa mère. Discrète, timide, douce comme la rosée, elle adorait le dessin et passait le plus clair de son temps à la pratique de cette activité. Sa sœur l’exaspérait parfois, mais les deux petites filles ne se boudaient jamais plus d'une heure. Elles étaient trop innocentes et gentilles pour cela.
Je m’arrête sur cette dernière phrase amère. Ces informations, Mark me les a enfoncées dans le crâne dès mon arrivée ici. Pour lui, il est essentiel que je connaisse sa femme et ses filles défuntes jusque dans leur caractère. Même si je ne pourrais jamais les côtoyer.

– De quelle couleur était leur peau ? souffle soudainement Mark d'un air inquisiteur.
J'hésite un instant. C'est la première fois qu'il me pose cette question.
– Leur mère étant blanche et leur père noir, Jade et Holly étaient métisses.
– Cela te pose-t-il un problème ?
– Bien sûr que no…
La gifle claque si fort que je dois me retenir à la table pour ne pas tomber. Mark s'est levé et me toise d'un regard mélangeant mépris et colère.
– Tu es un menteur, Zachary Gibson, crache-t-il en jetant dans un geste furieux son journal sur la table de la cuisine. Une saleté de menteur !
– Mark... murmuré-je, stupéfait. Je te jure que…
– Peut-être qu'aujourd'hui tu les accepterais telles qu'elles sont, mais, à l'époque, tu n'étais qu'un sale merdeux raciste. Tu les aurais martyrisées et lynchées à cause de la couleur de leur peau.
Je me tais, interdit. Je n'ai jamais nié qui j'étais auparavant. Mais j'ai changé. Mark m'a changé.
– Mark, je ne suis plus le même.
– Tu n'es pas encore guéri, mon garçon. Tu manques encore de beaucoup de valeurs. Les choses pressent pourtant ! Tu vas fêter ton dix-huitième anniversaire l'année prochaine et, à partir de ce moment-là, je n'aurais plus aucune autorité sur toi.
Silencieux, la tête baissée, j'écoute Mark. Il a raison. Il a toujours raison.
Vu comme les choses ont tourné, j’en déduis que le rituel est terminé. Pas de la meilleure manière possible.

Mark quitte la cuisine sans un mot ni un regard pour moi.
Je l'ai déçu. Et ça me fout les nerfs. Décevoir Mark, c'est l’une des choses les plus accablantes qui puissent m'arriver. Je dois payer ma dette, bon sang !
La Dette.
Celle que j'ai contractée après avoir tué Alison, Jade et Holly Grace.




2.5
Le rituel, pour ne pas les oublier



C'est une odeur qui me ramène à la réalité.
Tout est noir, gris et blanc.
Les sons sont indistincts ; j'en perçois un vaguement plus fort que les autres.
Mon corps entier me fait souffrir. Plus à certains endroits. L'air rentre difficilement dans mes poumons. Je ne sens plus mes jambes. Le reste est brouillé par la douleur. J'aurais perdu une main que je ne le saurais même pas.
Mais le pire, c'est l'odeur. C'est un mélange de roussi et de fer.
Autrement dit, de chair brûlée et de sang.

Je suis un peu plus lucide. J'aperçois l'habitacle de la voiture volée, que je conduisais, autour de moi. Dans un mouvement qui m'arrache un cri, je tourne la tête vers ma droite.
Qu'est-ce que je dois ressentir ? Qu'est-ce que je dois ressentir en voyant mon meilleur ami la tête enfoncée dans le pare-brise, le corps pendant comme s'il était mort ? Non, il
est mort. Il y a du sang partout.
Partout, partout, partout.
Sur les fenêtres, sur le volant, sur le tableau de bord, sur le frein à main, sur les sièges, sur Raylen, sur les commandes, sur le toit, sur le sol, sur... sur moi.

Je n'arrive pas à déterminer dans quel sens je suis. J'ai l'impression d'être allongé. Mes jambes sont coincées sous le tableau de bord qui s'est affaissé.
Ma respiration est toujours aussi laborieuse. Elle fait un bruit de soupirail. Et chaque bouffée d'air m'arrache une grimace de douleur.
Mon bras gauche est coincé entre mon flanc et la portière. Le droit semble intact. Lorsque j'essaie de décoincer le gauche, une explosion de douleur me fait tourner de l’œil.

Pourquoi la mort ne vient-elle pas ?
Je suis pourtant fracassé. Mon bras gauche bat douloureusement au rythme de mon cœur, qui me paraît anormalement lent pour une situation pareille. Je dois avoir perdu mes jambes. J'ai un mal de tête pas possible et ma poitrine palpite de douleur.
Soudain, j'entends très clairement une voix. Un homme. Il appelle à l'aide. La même voix pousse un hurlement à glacer le sang. Il y a ensuite des bruits peu ragoûtants qui évoquent une tuyauterie bouchée.
L'homme piétine près de moi. Je l'entends gémir. Pleurer ?
Je sursaute quand la portière s'ouvre brusquement. L'homme me dévisage, abasourdi. Ses yeux sont comme des soucoupes, sa bouche reste ouverte, son front est couvert de sueur malgré le froid. Son regard médusé passe du corps inanimé de Raylen au mien, pas vraiment plus loquace.
Il cligne des yeux et semble se remettre de sa découverte.
– Tu vas bien, petit ? murmure-t-il en se penchant dans l'habitacle.
Bien ? Je ne veux pas faire mon difficile, mais ça paraît évident que non ! L'homme détache ma ceinture en évitant de regarder le cadavre de Raylen. Il toussote et écarquille les yeux en voyant le sang qui tache à présent ses mains.
– Je-je vais te sortir de là, t'inquiète pas.
Avec des gestes précautionneux, il glisse un bras derrière mon dos et un autre sous mes genoux. Je reste malheureusement bloqué à cause du tableau de bord.
L'homme grimace et essaie de le soulever. Inutile, il n'a pas assez de force.

L'homme s'est assis, le visage enfoui dans les mains. Il a appelé les secours.
À présent, il marmonne trop bas pour que j'entende distinctement : « Bon Dieu, qu'est-ce qui s'est passé ? », « … pauvre Mark... », « ... pourquoi elles ? », « les petites sont... », « et... Ali... Alison aussi ».

Quand l'homme se rappelle qu'il n'est pas seul, il lève des yeux larmoyants vers moi.
– Au fait, je m’appelle Philip Daniels.
Je veux lui répondre, lui dire que c'est gentil de se préoccuper de moi, mais seul un son rocailleux sort de ma bouche. Bon sang, je viens de me rendre compte à quel point j'ai soif.
– Chut, fait-il en posant une main sur mon bras. Économise tes forces.
J'obéis et ferme les yeux.
Quand je les rouvre, des lumières rouge et bleu dansent dans l'habitacle. Philip a disparu. Je reconnais sa voix, il est en train de discuter un peu plus loin.
Soudain une personne qui porte un masque chirurgical se penche au-dessus de moi. Je dois avoir une sale tête parce qu'elle grimace. La personne se relève et crie :
– Y'a un survivant ici ! Sur les cinq victimes, quatre morts ! conclut-elle avant de s'éloigner.
Et moi ?
Attends, qu'est-ce qu'elle a dit ? Quatre morts pour...
Je vomis. Brutalement. Je le fais sur moi en plus à cause de ma position. Je ne sais pas si c'est à cause du choc de cette nouvelle ou les conséquences des blessures de mon corps. Ou un mélange des deux.
Raylen n'est donc pas le seul. Trois autres personnes sont mortes. Il me semble avoir vu des silhouettes devant moi... Une grande et deux plus petites. On fonçait droit sur elles.
Je me sens immédiatement seul, terriblement seul.
Un trou s'ouvre dans ma poitrine et une vague d'angoisse pure s'y réfugie.

J'ai peur. Je suis effrayé. Totalement terrorisé.


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Bonjour, voilà la suite. Merci encore à tous ceux qui s'arrêtent par ici :D



3
Daree



Mark est en train de mettre un manteau en faux cuir sombre quand je sors enfin de la cuisine.
Ses mots résonnent encore sous mon crâne. Ma joue doit être rouge. Moi qui croyais que le rituel se passerait bien... Il ne m'a jamais posé cette question « De quelle couleur était leur peau ? » Pourquoi ? Pourquoi aujourd'hui ? Parce que cela fait cinq ans jour pour jour qu'elles sont mortes ?
Je sais quel genre de personne j'étais lorsque l'accident a eu lieu. Et ce que je sais aussi, c'est que j'ai beaucoup changé depuis. Alors j'ai trouvé la réaction de Mark excessive et injuste.
Et je compte bien lui faire comprendre.

J'ai un don pour faire la trogne et des regards pas bien sympas. Faire le type taciturne qui n'a pas envie d'être embêté ? un jeu d'enfant. Sourire et se montrer joyeux, c'est autre chose. Mais ce ne sont pas des sourires qui paieront ma dette.
Mark remarque tout de suite que ça ne va pas lorsque je me cale sur une marche d'escalier pour chausser mes baskets.
– Si tu m'en veux pour tout à l'heure, commence-t-il en me jetant un regard appuyé, je comprends tout à fait, mais je te conseille de ne pas faire cette tête face aux Daniels.
– Pourquoi viennent-ils, d'ailleurs ? rétorqué-je en soupirant.
– Parce qu'ils sont nos amis.
Tes amis.
Mark pousse un soupir agacé. Eh oui, tu m'as vexé, vieux, et je compte bien te le montrer !
– Ça me fout déjà assez mal d'aller au cimetière, alors si en plus on doit se coltiner les voisins, je le sens vraiment pas.
– Qu'est-ce que tu as, aujourd'hui, Zachary ?
– J'en ai marre, Mark ! crié-je en plongeant les yeux dans les siens. Tu-tu me frappes sans raison apparente avant de t'en prendre à nouveau à moi avec comme motif un mensonge !
– Un « mensonge » ? répète Mark d'une voix irritée.
– Oui, approuvé-je en grognant. Tu m'as traité de menteur quand j'ai dit que la couleur de la peau de Jade et Holly ne me dérangeait pas. (Avant qu'il ne puisse reprendre, je me redresse et me plante devant lui. On fait la même taille.) Ce qui est vrai. Si les métisses et les Blacks étaient un problème pour moi, ça ferait longtemps que je me serais barré d'ici !
J'étais vexé, énervé et indigné. Que Mark me gifle quand je faisais le con, quand je lui désobéissais, ou quand je me montrais trop irrespectueux, d'accord. Qu'il le fasse parce qu'il en a envie sans raison valable ? Non.
Je me réjouis de l'expression confuse sur le visage de Mark.
– Toi... siffle-t-il comme si le « toi » était une insulte. Il faudra qu'on parle à notre retour.
– Les Daniels ne sont pas encore là, dis-je avec un sourire espiègle, on peut discuter maintenant.
– Ne pousse pas le bouchon trop loin, Zach, me menace-t-il avec une lueur d'animosité dans le regard.
D’accord, j'arrête. N'empêche, ma technique semble avoir marché. Il a compris que je n'avais pas apprécié la façon dont il m'a traité tout à l'heure. Je n'aurais pas bronché quelques temps plus tôt, mais, à présent, j'ai plus de dignité.

On sort de la maison ; une brise froide nous accueille. Je frissonne.
Nous sommes le samedi 7 février. En 2015. En 2010, c'était un dimanche. Un dimanche durant lequel Alison Grace et ses deux filles étaient parties au cinéma.
Je cligne des yeux pour chasser les images sanglantes qui s'impriment sur mes rétines.

Daree est la ville où habite Mark – et moi, par l'occasion. « Ville » est un grand mot, car il y a une centaine d'habitants à tout casser et qu'une boulangerie-épicerie sert de seul magasin. La ville la plus proche est Lake Town, où les enfants de Daree sont obligés de se rendre pour suivre leur scolarité.
J'habitais à Lake Town avant l'accident survenu cinq ans plus tôt. Je dois avouer que Daree est plus agréable à vivre. Tout le monde se connaît – bon, ça a aussi des inconvénients –, l'ambiance est plus chaleureuse et il n’y a pas vraiment de personnes pour vous chercher des poux. Sauf pour moi. Mais c’est normal, mes actes passés ne sont pas restés cachés longtemps.
La maison de Mark se trouve dans une longue rue à deux voies. Cette rue mène... euh, à un cul-de-sac. Il n'y a que des habitations. Des maisons, toutes ou presque possédant un – petit – jardin.
Autrement dit, le genre de quartier idéal pour une famille ; ce que Mark et moi ne sommes pas, je préfère mettre les choses au clair.

Je me cale contre la Jeep de Mark en attendant que les Daniels arrivent. Ce sont des voisins qui habitent une villa – beaucoup plus luxueuse que la maison de Mark mais, rassure-toi, je ne me plains pas ! – à une dizaine de mètres. Ce sont aussi de vieux amis de la famille Grace.
J'enfonce les mains dans ma veste au motif camouflage, qui doit jurer avec mon costume, quand je vois arriver la famille au grand complet dans leur 4x4 de marque.
Pas que j'ai un problème contre les Daniels mais... ils me rappellent de mauvais souvenirs.
Et les souvenirs... c'est pas ma tasse de thé.




3.5
Daree... lieu du drame



Lorsque je rouvre les yeux, je ne suis plus dans la voiture.
Il fait nuit, mais il y a tant de couleurs et de bruits dus aux sirènes que le silence et le calme habituels ne sont plus qu'un lointain souvenir.
Des dizaines de voix murmurent, parlent, crient. Une femme en blouse blanche se tient au-dessus de moi en agrippant ma main droite. Il y a quelque chose dans ma bouche qui me force à respirer, réveillant une douloureuse palpitation dans ma poitrine. J'essaie de lever les bras pour retirer ce truc, mais le gauche refuse de bouger et le droit est retenu par la main de la femme. Je prends alors conscience de la souffrance qui me scie le corps.
Mes yeux se remplissent de larmes. La femme pose son autre main sur mon front.
– Ne bouge pas, mon garçon, on y est presque.
Je me rends compte qu'on avance ; je suis allongé sur un brancard. La femme et l’un de ses collègues replient les roues du brancard et le hissent à l'arrière d'une ambulance aux sirènes encore allumées.
– Les autres ont vérifié qu'on ne pouvait plus rien pour le reste des victimes ? demande la femme en fermant les portes derrière elle.
– Oui, malheureusement. Trois sont mortes sur le coup, une autre s'est éteinte une vingtaine de minutes plus tard, répond son collègue.
Si le ton est détaché et froid, les yeux des deux urgentistes sont brillants, leurs traits, crispés.
– Où on est ? je parviens à bredouiller d'une voix rocailleuse.
Ces trois mots m'ont vidé des misérables forces qui me restaient.
L'homme plisse les yeux en posant une main sur mon bras valide.
– Évite de parler, on pense que tu as des côtes cassées. Nous nous trouvons à Daree. On va t'emmener à l'hôpital de Lake Town, d'accord ?
Je hoche la tête. De toute façon, je ne suis pas vraiment en mesure de désapprouver quoi que ce soit.

La femme a fini par se présenter. Elle s'appelle Sofia Daniels. J'ai vite compris que c'est l’épouse de Philip Daniels, l'homme qui a été le premier sur les lieux. Son collègue se nomme Henry. Je ne sais pas pourquoi ils m'ont appris leurs noms... Pour que je me sente plus près d'eux, plus en sécurité ? Toutes tentatives seraient vaines ; une seule chose tourne en rond dans ma tête : j'ai tué quatre personnes.

Sofia m'a fait différentes piqûres et planté des aiguilles dans les bras sans les enlever, les laissant reliées à des poches au contenu inconnu. Il y a toujours cette chose dans ma bouche qui envoie de l'air dans mes poumons. Depuis un moment, la douleur s'est atténuée, sans disparaître complètement. Les sons me reviennent étouffés, ma vision n'est pas claire.
Alors comme ça, Raylen et moi avions atteint Daree ? À la pensée de mon ami, mon cœur se soulève. Je le revois la tête coincée dans le pare-brise fracassé. Et le sang... oh, le sa…
– Je vais vomir, gémis-je, saisi d'un haut-le-cœur.
Sans leur laisser le temps de m'aider, je me tourne sur le flanc au prix d'un effort terrible, arrache de ma bouche l'appareil qui me fournit de l'oxygène et vide tripes et boyaux sur le sol métallique de l'ambulance. Pantelant, je me laisse retomber sur le dos.
J'entends Henry pousser un couinement indigné. Il souhaite sûrement se plaindre, mais Sofia lui jette un regard noir puis baisse les yeux sur moi.
– C'est pas grave, ne t'inquiète pas.
Elle ramasse le tube qu'il y avait dans ma bouche et le rince au petit robinet collé au mur avant de le replacer au-dessus de mon visage. Mon expression doit trahir mon dégoût car elle soupire.
– Je sais que ça ne te plaît pas, mais tu ne peux pas respirer correctement tout seul à cause de tes côtes.
Dépité, je me laisse faire.

L'ambulance finit par s'arrêter. Sofia et Henry ouvrent les portes puis laissent la suite à leurs collègues.
Le brancard se remet en route. On entre dans l'hôpital de Lake Town. J'entends des bribes de conversation. « Accident de la route », « Quatre morts... », « ...un seul survivant, un jeune adolescent... », « Quelle tragédie... ! »
On me laisse patienter dans un couloir. J'en profite pour observer mon corps. Ma poitrine est tachée de sang et de vomissures. Mon bras droit est couvert de bleus et le gauche... Oh. Mon avant-bras n'est pas dans le même sens que le reste. Ma gorge se contracte et je déporte mon regard plus bas pour échapper à cette vision. Je tombe sur pire. Si ma jambe gauche est intacte, la droite semble être passée sous... un hachoir ? Il y a du sang, la peau est violette, quelque chose pointe sous ma peau, tant que j'ai peur que cette dernière ne se perce.
Un vertige me saisit quand je comprends qu'il s'agit d'un os. Je retombe lourdement sur le brancard, la tête tournante.
Quelques secondes plus tard, les ténèbres me happent de nouveau.


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Deux petits chapitres de plus aujourd'hui :)
Merci encore à ceux qui lisent, n'hésitez pas à me signaler des petites erreurs ou des choses qui font bizarre.




4
Les Daniels



J'ai du mal à être objectif quand il s'agit de la famille Daniels. Sans eux, je ne serais pas là. Sans Sofia, qui m’a sauvé la vie à la suite de l’accident, je serais six pieds sous terre. Sans Philip, qui a aidé Mark dans les procédures d’adoption, je serais un énième gamin brisé en centre de rééducation pour mineurs.
C'est la famille la plus riche de Daree ; leur villa est grande, ils ont une piscine – que je jalouse parfois en été – mais, pour des bourges, ils pourraient être franchement pires. Philip et Sofia, les parents, ont l'âge de Mark. Il est avocat et elle est urgentiste. Philip a des cheveux blonds cendrés et un visage doux. Il accuse un embonpoint et une calvitie naissante à cause de l'âge. Il sourit tout le temps. J'aime bien Philip. Sofia... elle m'a peut-être sauvé la vie, mais il n'empêche que lorsqu'elle ne travaille pas, c'est un vrai glaçon. Ses cheveux acajou sont attachés en chignon strict, elle a une silhouette élancée et ses yeux verts ont un éclat froid. Ses lèvres restent impassiblement pincées.
Ils se sont garés à côté de nous. Après eux, leur fille sort. Lily Rose est de la même année que moi. Ses cheveux blonds cascadent sur ses épaules, ses yeux verts brillent lorsqu'elle m'aperçoit. Je ne sais pas pourquoi, mais cette fille a décidé de m'inclure socialement dans le lycée – j'y reviendrai ; les problèmes de bahut ne sont actuellement pas ma priorité.
Je me tourne quand Philip et sa femme arrivent près de nous.
– Salut Phil, lance Mark en échangeant une vigoureuse poignée de main et un sourire avec l'homme.
Mark n'est pas le genre d'homme à faire la bise à un autre – même à son meilleur ami. Il colle deux bises rapides sur les joues de Sofia et fait pareil avec Lily Rose.
Je m’apprête à faire pareil que lui lorsqu'une voix s'élève dans mon dos :
– Zachary Gibson ! Ça faisait longtemps !
Longtemps ? Longtemps, mon cul ! Bordel, j'aurais payé cher pour ne pas revoir la sale tête de Maximilian Daniels durant des années. Comme sa sœur, il est blond et élancé. Son sourire carnassier s'étire lorsque je le fusille du regard.
– Zach, mon pote, souffle-t-il en enlaçant mes épaules avec son bras. Comment tu vas ?
– Max, laisse-le tranquille, rouspète Lily Rose en jetant un regard agacé à son frère aîné.
Je ne savais pas que Maximilian serait là. Si j'avais été au courant, Mark n'aurait pas pu compter sur moi pour venir. De deux ans l'aîné de Lily Rose, il fait des études de droit à Denver. Il a un appartement là-bas ; c'est exceptionnel s'il est ici à Daree. Et je me doute qu'il n'est pas juste venu suite à la demande de Mark.
Je dépasse Lily Rose en la saluant d'un signe de tête pour m'approcher de ses parents.
– Bonjour Zach, dit Phil en serrant ma main. Ce costume te va bien.
– M-Merci, bredouillé-je avant de me tourner vers Sofia. Bonjour Mme Daniels.
– Bonjour, répond-t-elle froidement sans me regarder.
Je suis reconnaissant envers eux. Sofia m'a sauvé la vie et Phil m'a permis d'habiter avec Mark. Il n'empêche que, parfois, je suis toujours la bête noire à leurs yeux.
Est-ce que je peux vraiment leur en vouloir ?

Après quelques échanges rapides, les Daniels remontent dans leur 4x4, Mark et moi dans la Jeep.
– Tu ne m'avais pas dit que Maximilian venait, lâché-je brusquement, le front collé à la vitre.
– Phil ne m'avait pas tenu au courant, se justifie Mark en tournant la clef pour démarrer le moteur.
Je sens un soupçon de culpabilité dans sa voix et cela me suffit. Il sait qu'entre le frère de Lily Rose et moi, ce n’est pas le grand amour. Les Daniels nous dépassent et nous nous engageons derrière eux.
Bien vite, mon moral décroît. Je ferme ma veste et enfouis le menton dedans. J'ai l'impression de me diriger vers une salle de torture. Je sais que c'est important de contribuer à la sauvegarde de la mémoire d'Alison, Jade et Holly, mais ça reste toujours un moment délicat et douloureux pour moi.

Nous nous dirigeons vers le cimetière de Lake Town, où est enterrée la famille de Mark.
– Une fois là-bas, je ne te demande pas de tenir un discours ou quoi que ce soit, reprend Mark après quelques minutes d'un silence pesant. Ta présence suffira.
– Même de loin ?
– Ne va pas au fond du cimetière, quoi, soupire-t-il sans quitter la route des yeux.
Mark n'a jamais voulu que j'apprenne à conduire et je ne suis pas certain d'avoir la volonté nécessaire pour reprendre un jour le volant. Mon accident me rappelle trop bien les risques de la conduite.
Quelques minutes plus tard, nous nous garons sur le parking du cimetière, à côté des Daniels.
Je sors de la Jeep, le moral dans les chaussettes et la confiance en moi-même proche de zéro. Mark va ouvrir le coffre et en sort deux pots de fleurs colorées. Elles détonnent par rapport à mon humeur maussade et au ciel gris de février. Mark me les tend. Je les prends sans broncher et le suis vers le portail du cimetière.
C'est parti pour la séance de torture.




4.5
Les Daniels... mes sauveurs ?



Lorsque je reviens à une semi-conscience, je suis alité en blouse d'hôpital.
On doit m'avoir injecté des produits bizarres car je vois flou et me sens étrangement léger. Je suis dans un endroit calme, où seules quelques voix murmurent trop bas pour que je les entende.
– On attend qu'un bloc soit disponible, me dit soudain une voix que je reconnais.
Je sais déjà que c'est Sofia, l'urgentiste qui m'a secouru, quand elle apparaît dans mon champ de vision. Elle pose une main sur mon front. Je ne sais pas si c'est pour prendre ma température ou pour me réconforter. La deuxième option me réchauffe la poitrine – c'est pas Karen qui aurait ce geste maternel envers moi...
– Mon mari, Philip, l'homme qui t'a découvert, n'a pas pensé à te demander ton nom.
– Zachary, murmuré-je sans attendre qu'elle me pose la question. Gibson.
– Bien, écoute-moi, Zachary, souffle Sofia en se penchant. Il va falloir qu'on t'opère.
– Ça va faire mal ? je m’enquiers aussitôt avec la naïveté d'un enfant de cinq ans.
Évidemment que tu vas avoir mal, abruti.
– Eh bien, reprend l'urgentiste d'une voix faible. Ton corps a beaucoup souffert de l'accident. Une seule opération ne suffira pas, je le crains.
Quand Sofia remarque que ma main droite tremble, elle la prend gentiment entre les siennes. Ce geste me fait monter les larmes aux yeux.
– Tout va bien se passer, d'accord ? souffle-t-elle en me souriant.
Je hoche la tête du mieux que je peux.
– Sofia, un bloc s'est libéré, annonce un infirmer en débarquant à l'embouchure du couloir.
– D'accord, je te le laisse.
Sofia lâche ma main délicatement, me murmure « Ça va aller » et s'en va. L'infirmier s'approche à son tour, déverrouille les roues et se place derrière moi pour pousser le lit.
– Comment tu t'appelles mon garçon ?
Je lui réponds d'une voix de plus en plus faible.
– D'accord. Tu vas subir une opération un peu compliquée pour qu'on dégage tes voies respiratoires, m'explique-t-il en me menant dans une zone sûrement réservée aux opérations urgentes. Le chirurgien va aussi essayer de remettre tes côtes cassées en place.
À ces paroles, je pousse un petit gémissement. L'infirmier pose une main sur mon épaule.
– Ça va ?
– Pas trop, avoué-je avant de tousser.
J'ai l'impression qu'on me broie la poitrine. J'aperçois du sang sur ma blouse.
– Bon, on va se dépêcher, d'accord.
Il m'emmène dans une salle où l’on me prépare pour l'opération. Je suis tellement angoissé qu'une envie d'uriner me prend subitement.
– Faut que j'aille aux toilettes, gémis-je en levant les yeux vers l'infirmier qui m'a amené.
Il grimace d'un air gêné.
– On ne peut pas, je suis désolé. Mais on te posera une sonde car tu risques de faire des aller-retours entre ta chambre et le bloc opératoire dans les jours qui arrivent.
Une sonde... ? Oh... non... pas ça. Plusieurs opérations ? Beaucoup ?
Je voudrais lui demander, mais mes yeux se ferment malgré moi.
– Aller, tout va bien se passer.
Un gars va m'ouvrir la poitrine pour dégager mes côtes de mes poumons et « tout va bien se passer » ? Non, je ne crois pas.


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Message par louji »

Bonjour! Avant tout, merci à tous ceux qui s'arrêteront, merci beaucoup à ceux qui liront et un ENORME merci à ceux qui commenteront... :D



5
Mauvaise surprise



À peine ai-je fait un pas dans le cimetière, les deux pots de fleurs dans les mains, qu'une silhouette apparaît dans mon champ de vision sur la droite. Je t'ai dit que je détestais Maximilian Daniels, le frère de Lily Rose ? Eh bien, il y a une personne que je hais encore plus.
Je me fige, les mâchoires serrées, tandis que la silhouette s'approche de nous. Lily Rose lâche un petit bruit – de surprise ou de joie, je ne saurais dire – et s'avance vers le nouveau-venu. Le nouveau-venu en question, c'est Anthony Greenlight. Il attrape Lily Rose par la taille et colle un baiser sur ses lèvres. Ha ! je te vois venir : tu me penses jaloux de lui ? Pas vraiment. Tu comprendras la raison de mon inimitié envers lui quelques temps plus tard.
Mark pose sur moi un regard appuyé, l'air de dire « Oublie pas la règle ». Non, je l'ai pas oubliée... Phil me toise d'un air désolé. Il sait qu'en plus de ne pas apprécier son fils, j'ai un problème avec le petit-ami de sa fille. Sofia remet le groupe en mouvement d'un geste de la main agacé. Son mari la suit de près. Mark et moi sommes juste derrière. Je sens les regards d'Anthony et de Maximilian dans mon dos, ce qui fait courir des frissons glacés sur ma nuque.

Après deux minutes de marche, nous arrivons vers la partie du cimetière où est enterrée la famille de Mark. Mes mains tremblent alors je me débarrasse le plus rapidement possible des fleurs. Je les pose devant les tombes d'Alison, Jade et Holly. Puis me recule derrière tous les autres en gardant la tête baissée. Personne ici ignore qui est leur meurtrier.
Mes yeux se relèvent néanmoins à hauteur des tombes. Celle d'Alison, la plus grande, est au milieu. Les deux autres se trouvent à côté. On peut lire, de gauche à droite :

Jade Kelly Grace
3 février 2004 – 7 février 2010
Repose en paix parmi les étoiles


Alison Louisa Grace
12 janvier 1978 – 7 février 2010
Tu seras toujours dans nos cœurs

Holly Willow Grace
3 février 2004 – 7 février 2010
Ton sourire étincellera à jamais


Jade était réputée pour adorer le ciel et notamment les étoiles. Elle adorait dormir dehors et dessiner le ciel étoilé. Alison, elle, était connue non seulement à Daree pour sa gentillesse, mais aussi à Lake Town, où elle travaillait. Quant à Holly, son sourire suffisait à vous donner la joie de vivre.
Je ne vais pas te mentir, de nombreuses fois j'ai espéré que ma tombe rejoigne ce cimetière.

Zachary Gibson
1er janvier 1998 – 7 février 2010
Pauvre gars mort


À mon humble avis, personne ne serait venu me pleurer. Personne ne se serait souvenu de moi. Et ça aurait été très bien comme cela.

Je reste en retrait tandis que Mark tient un discours personnel et chargé d'émotions pour sa femme et ses filles décédées. Il a une main posée sur le cœur et, vu les pauses courantes qu'il prend, je le suspecte de pleurer. Il doit avoir les yeux larmoyants, mais aucune larme qui coule. Mark est comme ça ; il est digne. Il montre son chagrin tout en restant maître de lui-même.
Sofia et Phil parlent à leur tour d'une femme qu'ils ont aimée comme une très bonne amie et de deux petites filles pleines de vies qui les faisaient rire. Lily Rose pose les fleurs qu'ont amenées les Daniels en déclarant « Je ne vous oublierai jamais » avant de se retirer. Maximilian et Anthony se contentent de fixer les tombes d'un air solennel.
– Tu ne veux pas leur parler un peu ? souffle Mark en se tournant légèrement vers moi.
Aussitôt, ma poitrine se contracte et mon souffle devient rauque. Mon corps se met à trembler comme une feuille. Sofia, qui a senti que quelque chose n'allait pas, me lance un regard inquiet.
– Zachary ?
J'ai l'impression d'être redevenu le garçon de douze ans à qui on a appris qu'il venait de tuer quatre personnes, dont son meilleur ami et deux fillettes. Les larmes me piquent les yeux et la nausée me brûle la gorge.
Incapable de faire face à tous ces regards posés sur moi, je tourne les talons et m'enfuis en courant.

Dans ma fuite, je suis sorti du cimetière. Je me trouve derrière celui-ci à présent, de l'autre côté des voitures. J'entends Mark et les Daniels m'appeler. Je me sens cependant incapable de les rejoindre. Je renifle et me mouche pour la énième fois.
Alors j'entends des éclats de rire et des pas lourds. Je sais aussitôt qui c'est.
Je me suis levé de la pierre où je m'étais installé quand Maximilian et Anthony font leur apparition à l'angle du mur du cimetière. Ils arborent des sourires amusés.
– Bah alors, Zach ? fait Max d'une voix douce et étonnée, comme s'il s'adressait à enfant de trois ans qui vient de se perdre dans un magasin.
Je me contente de le fusiller du regard. Son complice vient en rajouter une couche :
– Oh ! Mais c'est qu'il pleure, le p'tit Zach... Tu veux qu'on appelle tes parents ?
– Ferme-la, grogné-je d'une voix rauque.
– Il s'énerve, le p'tit Zach ? raille Anthony en tapotant ses genoux comme s'il s'adressait à un chien – je ne dois pas avoir plus de valeur à ses yeux. Ohhh, pardon, c'est vrai... t'as pas de parents.
Si ses remarques m'ont blessé des années auparavant, aujourd'hui ça ne me fait plus d’effet. Il a toujours usé de ces discours ; ils n'ont plus d'efficacité.
Maximilian, dont le visage est fendu d'un sourire carnassier, s'approche de moi.
– Ah, le pauvre petit, fait-il d'un air faussement désolé. Il a craqué et a pris la fuite comme un môme. Mark va le gronder !
– Max, soupiré-je d'un air accablé. Retourne picorer dans la paume de tes vieux.
J'ai fait tilt. Maximilian ouvre de grands yeux et serre les poings. Tout le monde sait qu'il s'est fait bichonner et surprotéger pendant son enfance par ses parents. Aujourd'hui encore, il doit rappeler à Philip et à Sofia qu'il est majeur et peut se débrouiller tout seul – quoique, j'ai des doutes parfois.

Avant que je puisse esquiver, Max me colle une droite. Aie. Je titube en arrière et m'affale sur la pierre sur laquelle j'étais assis un peu plus tôt.
Anthony éclate de rire et vient vers moi. À son tour, il me rue de coups de pieds dans les côtes et dans le ventre. La douleur m'arrache des grognements. Il s'arrête, le temps que je reprenne mon souffle, puis repart de plus belle en se laissant tomber à califourchon sur moi.
– Anthony, haleté-je, la poitrine douloureuse à cause de ses coups et de son poids, arrête.
– Autrement quoi ? murmure-t-il en se penchant à quelques centimètres de mon visage. T'as jamais eu les couilles de me rendre mes coups, Zach. T'es qu'une mauviette, une p'tite loque. T'as trop peur de la réaction de Mark quand il apprendra que tu t'es battu.
Je dois enfoncer mes ongles dans mes paumes jusqu'au sang pour ne pas le frapper. Ma colère doit être palpable, car il grimace un sourire un peu angoissé.
– C''est ça, roucoule Anthony avant d'abattre son poing sur mon visage.
J'étouffe un cri de douleur et le foudroie du regard.
– J'aime ce regard, Zach.
Du sang coule de mon nez et passe à travers mes lèvres, si bien que je sens son goût métallique dans ma bouche. Anthony agrippe mon col pour me redresser à hauteur de son visage. Il plonge ses yeux dans les miens.
– C'est ton regard de tueur.
Il esquisse un sourire qui découvre ses dents.
– Réveille-donc la bête qui dort en toi, Zach, siffle-t-il d'un ton suave. Je veux voir le tueur !
Je fais ce qu'il me demande : je laisse ma colère – ma bête ? – exploser.




5.5
Mauvaises surprises



L'infirmier qui m'a amené pour la première fois au bloc opératoire ne m'a pas menti : j'ai fait des aller-retours entre ma chambre et ce dernier durant toute la semaine.
Je ne sais même plus quel jour on est. Juste qu'il fait froid et qu'il pleut quasiment toute la journée. Enfin, je crois... j'ai passé plus de temps à dormir ou dans les vapes qu'éveillé ces derniers jours.

On m'a attribué une chambre individuelle. Je me demande pourquoi. Je ne sais pas qui va payer les frais d'hôpitaux, mais sûrement pas Karen car elle n'en a pas les moyens. Alors, pourquoi ne m'a-t-on pas mis avec d'autres personnes ?

Peu de gens m'ont rendu visite. Les chirurgiens qui m'ont ouvert, trituré, recousu – rouvert, qui sait ? – et les infirmiers. Ils ont un air grave à chaque fois qu'ils entrent dans ma chambre. Ils évitent mon regard et me parlent le moins possible. Le personnel d'hôpital est toujours comme ça ou c'est moi qui les rends si froids ? J'opte malheureusement pour la deuxième option.
Après tout, j'ai tué quatre personnes.

Quand j'y repense, c'est-à-dire la plupart du temps, une terrible nausée m'envahit. J'ai vomi au minimum deux fois par jour cette semaine. Les infirmiers affirment que les médicaments en sont la principale cause. J'ai une autre idée. Je revois parfaitement les trois silhouettes qui se tenaient sur le passage piéton, je ressens comme si j'y étais les secousses de la voiture quand on les a percutées. Je me rappelle très bien le sang de Raylen – et le mien – qui a éclaboussé de partout après qu'il soit rentré dans le pare-brise.

J'ai dormi durant dix-huit heures après ma première opération. On a dégagé mes voies respiratoires et remis à peu près en place mes trois côtes cassées. On m'a aussi annoncé qu'un de mes poumons avait été perforé, m'obligeant à porter tout un appareil respiratoire qui est extrêmement désagréable. Je suis obligé de l'enlever pour pouvoir parler. Quoique, personne ne m'adresse vraiment la parole alors...
J'ai eu une commotion cérébrale qui m'a rendu H.S pendant deux jours. Je voyais des points lumineux dès que j'ouvrais les yeux et une terrible migraine me harcelait dès que j'osais faire un mouvement.
Puis il y a ma jambe droite et mon bras gauche. Ce dernier est dans un plâtre, lui-même en écharpe autour de mon cou. On m'a dit que mon coude avait été pulvérisé, obligeant les chirurgiens à mettre en place un dispositif pour permettre à mon bras et à mon avant-bras d'être à nouveau reliés ensemble. Il semblerait que je doive le porter à vie. Quant à ma jambe... j'ignore si je pourrais remarcher un jour. Double-cassure du tibia et une fracture au genou. Les chirurgiens ont dû ressouder mes os avec des vis, broches et autres horreurs que je ne préfère pas imaginer. Ils l'ont aussi plâtré. Mon pied est suspendu au-dessus du lit. Une perfusion me rentre dans chaque bras. Une autre au niveau de la main. Des électrodes suivent mon rythme cardiaque.
Et mon poignet droit est menotté au montant du lit.

J'ai essayé de mettre fin à ce cauchemar dès le deuxième jour. À peine ai-je ouvert les yeux que des images sanglantes se sont mises à danser devant moi. J'ai hurlé comme un possédé, me suis jeté hors du lit pour tenter de fuir ces souvenirs qui me hantaient, ai arraché les perfusions et les électrodes, me suis levé, puis suis retombé à cause de ma jambe blessée. La douleur m'a arraché un nouveau hurlement qui m'a paru effroyable à mes propres oreilles. C'est alors que des infirmiers sont entrés en trombe dans ma chambre. Il y en avait trois. Deux m'ont relevé et m'ont maintenu en place tandis que le dernier sortait une seringue d'on-ne-sait-où. Les larmes jaillissaient de mes yeux, je me débattais comme un diable et je criais de toutes mes forces. J'avais plus peur qu'autre chose. L'aiguille s'est plantée dans mon bras valide et, quelques secondes plus tard, je tombais dans un profond sommeil.

Le suicide a été une véritable idée après mon opération de la jambe droite. Je geignais de douleur à mon réveil et même la morphine ne m'a apporté du soulagement que pour quelques temps. Les médecins ne pouvaient augmenter la dose à cause de mon jeune âge et j'ai été condamné à souffrir le martyre pendant des heures et des heures. J'avais si mal que je tremblais, quand j'ai vu le couteau laissé à côté de mon assiette remplie. Les premiers jours, on m'a nourri via les perfusions puis les infirmiers ont décidé de me laisser manger comme un grand. Malheureusement j'avais rarement faim. J'ai jamais été un grand gourmand, alors après tout ce qui m'est arrivé... Les haricots étaient froids quand je me suis emparé du couteau pour le porter à ma gorge.
Ma main droite tremblait fort, les larmes coulaient sur mes joues, des tics nerveux agitaient mon visage. Personne ne pleurerait ma mort. Karen ne m'aimait pas ; j'étais peut-être encore un enfant, mais un enfant qui avait commis quatre homicides ; et j'étais orphelin. Autant dire qu'il n'y aurait pas grand monde à mon enterrement – à condition qu'on ait un enterrement après s'être suicidé...
J'avais fait une entaille dans mon cou quand la porte de ma chambre s'est ouverte sur l'urgentiste qui m'avait emmené à l'hôpital après l'accident.
– Zachary ! a crié Sofia Daniels en courant vers moi.
Elle m'a arraché des mains le couteau et l'a jeté loin de mes idées noires. Je l'ai fusillée du regard. De quoi se mêlait-elle ? Je n'avais pas envie de vivre ! Je n'avais plus rien !
J'allais protester quand sa main a claqué ma joue. J'en suis resté muet de stupéfaction.
– Je ne te permets pas de t'ôter la vie alors qu'on fait tout pour que tu la gardes, a sifflé Sofia.
Alors elle s'est baissée et m'a serré dans ses bras. Ça m'a fait tout bizarre. Ses cheveux qui chatouillaient mes joues sentaient bons et étaient doux. Pareil pour sa peau. Elle était chaude, comme un rayon de soleil. Son étreinte était tendre et brusque en même temps. Comme si elle était en colère, mais extrêmement soulagée. C'était ça, une mère ?
– Oh, Zachary... a murmuré Sofia en se redressant.
Elle a chassé une mèche de cheveux de mon front avec douceur en me regardant droit dans les yeux. Les siens étaient verts. De jolis yeux verts.
Ses longs doigts fins ont caressé la joue qu'elle avait giflée quelques secondes plus tôt.
– Quelle cruauté, a soufflé Sofia en s'asseyant à mes côtes. Pourquoi a-t-il fallu que ce soit un être plein de tristesse et d’innocence comme toi qui les tues ?
Je l'ai regardée sans comprendre. J'avais l'impression d'être un petit garçon qui ne saisissait pas un traître mot d'une conversation entre adultes.
– Tu sais ce que tu as fait, n'est-ce pas ? m'a demandé Sofia.
– Oui, ai-je répondu aussitôt. J'ai tué quatre personnes.
Quelque chose a crispé les traits de l'urgentiste.
– Ton ami n'est pas vraiment mort par ta faute, Zachary, m'a-t-elle expliqué, une main sur mon épaule. Il n'avait pas mis sa ceinture.
– J'ai quand même tué trois personnes, ai-je répliqué d'une voix chevrotante.
Le visage de la femme s'est fermé.
– Alors pourquoi m'empêcher de mourir ? ai-je demandé, les yeux plein de larmes. Je ne mérite pas de vivre.
– Tout le monde n'est pas de cet avis, a-t-elle soupiré. À commencer par moi. Tu n'as que douze ans, tu as encore toute la vie devant toi. Je sais que tu es un mauvais garçon, Zachary. Mais je sais aussi ce qui t'a mené sur la voie de l'illégalité. Donc je sais que tu peux changer.
Après ça, elle s'est levée, m'a effleuré la joue et est sortie.
C'est à partir de ce moment-là qu'on m'a menotté. Pour pas que je refasse de bêtise, je suppose.

Je suis toujours en train de rêvasser quand la porte s'ouvre sur Sofia. Son visage est crispé, ses yeux sont ternes. Elle s'écarte pour laisser passer quelqu'un. Un grand homme à la peau sombre s'avance dans la pièce. Ses joues sont creusées, ses yeux sont bouffis et cernés. Il serre les poings, comme s'il contenait ses émotions. Il semble absorber le peu de lumière que contient la pièce.
– Zachary, cette personne aimerait passer un moment avec toi, m'annonce Sofia en refermant la porte derrière elle. Il s'agit de Mark Grace.
Je le dévisage fixement. Il fait pareil. Son regard est chargé de... de je-ne-sais-quoi.
– Bonjour, fait-il d'un ton rauque. Je voudrais te parler, Zachary. Parler au meurtrier de ma femme et de mes filles.


Dernière modification par louji le sam. 28 sept., 2019 11:24 am, modifié 3 fois.
titia1311

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par titia1311 »

Salut louji !

Bon et bien voilà, je viens de rattraper mon retour, et j'ai encore une fois été complètement transportée dans ton récit ! Je suis sérieuse, tu écris vraiment super bien. Et puis, cette alternance entre le présent et le passé, ça donne vraiment un bon rythme à ton histoire.

Hey ! Les gens ! faut lui dire que c'est très bien ! :D
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

titia1311 a écrit :Salut louji !

Bon et bien voilà, je viens de rattraper mon retour, et j'ai encore une fois été complètement transportée dans ton récit ! Je suis sérieuse, tu écris vraiment super bien. Et puis, cette alternance entre le présent et le passé, ça donne vraiment un bon rythme à ton histoire.

Hey ! Les gens ! faut lui dire que c'est très bien ! :D

Merci beaucoup de ton intérêt, ça me fait plaisir :D :oops:
Je suis contente que ça te plaise et que tu apprécies le rythme et l'écriture; j'ai des doutes par rapport à ça :? :oops:

En tout cas, merci encore :D
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

Voilà deux nouveaux chapitres... Si certaines personnes lisent, ça me ferait extrêmement plaisir qu'ils laissent un commentaire... :D Au moins pour savoir ce qui leur a plu, et donc ce que je peux garder, et ce qui ne leur a pas plu, histoire que je modifie ou améliore.



6
Déception



Voilà pourquoi je déteste Maximilian et Anthony : ils me mont enfreindre les règles. Les règles imposées par Mark, que je dois respecter à tout prix pour rembourser la Dette. Rembourser la Dette, pour me faire pardonner et expier mes crimes.
Anthony, qui est toujours penché sur moi, ouvre de grands yeux ébahis quand mon front rencontre brutalement son menton. Bon sang ! je n’aurais jamais cru qu'un coup de tête ferait si mal. En tout cas, Anthony a l'air d'avoir encore plus mal encaissé le choc : il bascule en arrière en poussant un cri rauque. Il se tient le visage à deux mains et je ne tarde pas à apercevoir le rouge écarlate de son sang. Œil pour œil, dent pour dent et... sang pour sang !
Max réagit enfin : il laisse échapper un son étrange, mélange de cri et de couinement, puis accoure vers moi. Je suis debout au moment où son poing frappe. Le coup m'atteint à la joue gauche. Ouch. Je titube en arrière, parviens à rester debout, puis envoie mon pied dans l'entrejambe de Maximilian. OK, je reconnais, c'est un coup bas, mais, contre des types comme lui, je n'ai aucune compassion. Il se plie en deux, les mains sur le bas-ventre, le visage rouge et pousse un couinement de douleur. Même si je ressens une certaine satisfaction à le voir ainsi, je grimace. Maximilian et Anthony sont à terre et je dois avoir une sale tête. Bref : il est évident qu'on s'est battus.
– Max, Anthony ! Vous êtes où ? crie la voix de Lily Rose à l'angle du mur.
Je n'ai pas eu le temps d'esquisser un geste qu'elle apparaît, les joues rougies par le froid. Ses cheveux blonds se soulèvent légèrement à cause de la brise. Au fur et à mesure qu'elle prend conscience des dégâts, ses yeux verts s'agrandissent.
Maximilian est le plus proche d'elle. Elle court vers son frère et se laisse tomber à ses côtés.
– Max !
Celui-ci pousse un grognement et lève des yeux furibonds dans ma direction. Le message est clair : « C'est la faute de cette enflure et il va le regretter ». Comprenant que son aîné souffre simplement d'une attaque directe à sa dignité masculine, Lily Rose se relève et se dirige vers son petit-ami, qui lui reste allongé à terre, les mains sur le visage.
– Anthony ? murmure-t-elle en posant une main sur sa poitrine. Ça va ?
Il pousse un râle et se redresse en position assise. Ses lèvres sont gonflées et tout le bas de son visage est couvert de sang. Il pose sur moi un regard meurtrier.
– Fais gaffe à toi, Gibson, crache-t-il en ignorant Lily Rose. T’as très peu d'amis dans le coin.
Sur ces paroles tout à fait réconfortantes, il se lève, prend sa copine par la main et s'en va, suivi de près par Max, qui grimace encore de douleur.
Je reste planté là, à ne rien faire. Je sais que j'ai merdé. Je m'en veux de m'être emporté ainsi. Pas parce que j'ai blessé deux gars. Ou parce que Lily Rose va m'en vouloir. Ou parce que leurs familles vont encore plus se méfier de moi. Mais parce que je sais que j'ai déçu Mark.

Je me suis rassieds sur la pierre et me tiens le visage quand une voix s'élève près de moi :
– Zachary.
– Mark.
Je relève la tête et le vois à l'embouchure par laquelle sont partis Maximilian, Lily Rose et Anthony tout à l'heure. Son visage est grave, ses yeux sombres.
– Arrête de bouder et viens là.
Quelque chose me remue les tripes. J'ai de nouveau la nausée. Mes jambes flageolent quand je me lève et mon chemin jusqu'à Mark est laborieux. Lorsque je trébuche, il s'approche de moi. Pendant une seconde, je crois que c'est pour m'aider. Pendant une seconde. Je sais déjà qu'il va me gifler quand il lève la main pour le faire. La claque passe moins bien que les autres étant donné qu'il frappe la joue que Maximilian et Anthony ont tapée avant.
– Nous rentrons, dépêche-toi.
– Mar…
– On parlera de tout ça après, me coupe-t-il en tournant les talons.
Je le suis avec quelques mètres de distance. Mes pas sont incertains à cause de la fatigue et de la douleur. Lorsque nous arrivons sur le parking, Max et Anthony se font inspecter par Sofia. Ils me foudroient du regard sans un mot et je fais de même. Phil m'observe du coin de l’œil d'un air désolé. Des trois, c'est sûrement moi le plus amoché, mais je sais que je n'aurai pas le droit à une inspection. Les adultes doivent estimer que c'est ma faute si on s'est battus. Ce qui n’est pas totalement faux.
Mark me fait signe de monter dans sa Jeep et je m'exécute. Nous ne disons pas un mot sur le chemin du retour. Quand j'observe Mark à la dérobée, je le vois en colère et... et déçu.
C'est sa déception et non son agacement qui me blesse.

J'accueille la tiédeur de la maison avec reconnaissance. Alors que j'ôte mes chaussures et ma veste, Mark lance d’un ton péremptoire :
– Va allumer un feu et rejoins-moi dans la cuisine après.
– OK.
Je fais ce que j'ai à faire et m'assieds dans la cuisine, en face de lui. Il est en train de lire le même journal que ce matin. Ses traits se sont durcis et ses lèvres restent immobiles.
– J'ai merdé tout à l'heure, commencé-je sans le regarder dans les yeux. Comme d'habitude, ce sont eux qui ont commencé et, comme d'habitude, j'aurais dû les laisser faire.
– Pourquoi as-tu donc enfreint la loi ? me demande Mark en reposant sa lecture. Puisque tu sais que tu ne dois pas répondre à leurs coups.
– Je... j'en avais marre de me laisser faire sans rien dire. Je passais pour un faible. Plus ils me frappaient, plus ils se croyaient au-dessus de moi !
– Ils sont au-dessus de toi, Zachary, réplique Mark d'une voix cassante. Contrairement à toi, ils n’ont pas un triple homicide sur le dos. Tu n'es qu'un garçon en quête de rédemption.
Tu veux casser quelqu'un et lui donner une confiance en soi en-dessous de zéro ? Va voir Mark Grace !
Je serre les poings et ferme les paupières. Et bien sûr, il a raison.
– J'ai enfreint l’une des premières et plus importantes règles, je reprends dans un souffle morne. Celle de ne pas se battre. Je sais que je dois être puni pour cela.
– Et tu le seras. (Il replie le journal et se lève.) Comme tu as dû le deviner, tu feras à manger pour midi et ce soir. Tu prépareras des repas pour la semaine, aussi. Je veux que tu révises tes cours toute la journée qui arrive et ce soir, vers vingt heures, tu iras te coucher. Si tu as le temps, j’aimerais que tu ramènes du bois dans le garage. Pas d’occupations ou de divertissements. On verra ensuite.
Dur dur... mais est-ce vraiment différent de d’habitude ? Est-ce que c’est si terrible que ça ?
– Très bien.

J'ai fait un gratin de courgettes pour midi. J'avais faim et, si j'apprécie les légumes, ce ne sont pas mes aliments préférés donc résister n'a pas été trop dur. Quand Mark a fini de déjeuner, il s'est levé et est allé s'enfermer dans son bureau. J'ai fait la vaisselle et ai réfléchi au repas de ce soir. Je n'ai trouvé dans le frigo qu'un reste de spaghettis pour une personne. Parfait. J'aurai juste à y faire réchauffer.
Quelques secondes plus tard, je me dirige vers le bureau de Mark et toque.
– Il y a plus rien dans le frigo alo…
– Va faire des courses. Il y a de l'argent dans la veste de mon manteau.
– Euh... d'accord.
Mark a parlé : je dois faire ce qu'il dit. Je préfère aller à l'épicerie faire des emplettes plutôt que de plonger dans mes cours le week-end.
Je me prépare à sortir quand le téléphone sonne. Je m'apprête à décrocher, mais Mark sort en trombe de son bureau et prend l’appel.
– Allô ?
Il se passe un court moment puis Mark soupire et pose sur moi des yeux qui me font frissonner.
– Oui, ça peut aller... grommelle-t-il à son interlocuteur. Si on oublie ce qu'a fait Zachary. Moi qui croyais qu'il faisait de son mieux pour se racheter... J'ai parfois l'impression du contraire.
Ces paroles me font l'effet d'un coup de pied d'Anthony dans les côtes. J'enfile ma veste, la gorge serrée. Les mains tremblantes, je prends des billets et les glisse dans une poche.
– Non, t'inquiète, Phil, reprend Mark, ça va aller. Zach m'a juste énormément déçu.
Dernière attaque pour terminer le travail. Je sors de la maison, meurtri.




6.5
Déception totale



Lorsque je comprends que c'est le mari de la femme que j'ai renversée et le père des filles que j'ai tuées, mon estomac se soulève douloureusement. Même si je suis encore sur mon lit d'hôpital, j'ai l'impression de tomber dans un gouffre sans fin.
Il est donc l’homme dont j'ai brisé la vie.

J'entends quelque chose dans le lointain. Un BIP, BIP, BIP rapide. Sofia s'approche, sourcils froncés, et observe le moniteur qui se trouve à côté de moi. Il indique mon rythme cardiaque – ainsi que d'autres choses auxquelles je ne comprends rien.
En baissant les yeux vers moi, elle prend mon poignet d'une main douce.
– Zachary, continue à respirer.
Quoi ? Je relève la tête pour rencontrer son regard soucieux. Alors je sens que quelque chose comprime ma poitrine. J'inspire une grande bouffée d'air. Bon sang, j'avais arrêté de respirer...
– Mark, je crois qu'il est encore un peu tôt pour lui, souffle Sofia en se tournant vers l'homme.
– Je ne resterai pas longtemps, promis, rétorque-t-il d'une voix posée.
– D'accord... mais si quelque chose ne va pas, je... je serais obligée de te faire sortir.
– Pas de problème, je comprends.
Avec un hochement de tête entendu, Sofia s'éloigne et se place dans un coin de la pièce. L'homme s'avance de quelques pas pour me faire comprendre que c'est vers lui que je dois diriger mon attention.
– Je m'appelle Mark Grace, commence-t-il en parlant peu fort.
Pas parce qu'il se retient de pleurer ou quoi que ce soit. Il a l'air simplement d'un calme olympien et ne semble pas vouloir parler trop fort - comme s'il avait peur de réveiller un bébé qui dormait près de nous.
– Alison était ma femme. Lorsque la voiture l'a percutée, elle est morte sur le coup. Elle n’a pas souffert. C'est sûrement le seul élément qui me soulage. (Il vient de débiter ceci sans sourciller, me fixant droit dans les yeux.) Holly, ma fille aînée, a eu la même mort. Coup du lapin. (J'ignore ce que c'est, mais demander est impensable.) Jade, la cadette, est passée sous les roues du véhicule. Sa colonne vertébrale a été brisée. Elle était apparemment encore en vie quelques temps puis... (sa voix tressaute) puis elle est morte elle aussi.
Mark Grace, qui vient de dire cela d'une voix détachée, se laisse finalement aller. Ses épaules s'affaissent. Des larmes gonflent ses yeux. Quant à moi, mon envie d'en finir avec la vie est revenue à toute allure.
J'ai douze ans. Aucune expérience de la vie. Et pourtant, je comprends que l'homme qui se tient devant moi est brisé.
Brisé de l'intérieur en mille morceaux.

– Tu n'imagines même pas à quel point je suis déçu et enragé, reprend Mark d'une voix tremblante de chagrin.
Il pose ses yeux humides sur moi, me faisant frissonner de la tête aux pieds.
– Lorsque Phil m'a appelé pour me demander de venir à l'hôpital, je ne savais pas encore pour ma famille. Il a laissé la suite aux urgentistes qui sont intervenus sur le terrain. Les corps ont vite été identifiés. Tu imagines ? « Mr Grace, j'ai une terrible nouvelle à vous annoncer... Votre famille a eu un accident de voiture. » Un accident de voiture ? Le seul minuscule soulagement a été de savoir qu'elles n'avaient pas été assassinées. Quoique, quelqu'un les a quand même tuées. Et ce quelqu'un... (sa voix devient glaciale, froide et dure comme la banquise) c'est
toi.
Un gémissement incontrôlé s'échappe de mes lèvres. Ma poitrine se soulève à un rythme anormal et je serre nerveusement les draps entre mes doigts crispés de peur.
– Tu sais, quand on m'a dit que le conducteur était en état d'ivresse et qu'il avait de la drogue dans le corps, je m'attendais à voir un adulte, une sorte de junkie... je sais pas moi... UN FOUTU ADULTE !
Il a hurlé la dernière partie de la phrase. Je détourne les yeux et fixe le bout de mes pieds qui pointe sous la couette. Voilà l’une des raisons pour lesquelles je voulais mourir. La mort m'aurait évité cette confrontation. Devoir faire face au seul survivant de la famille que j'ai... assassinée, c'est... je n'ai pas les mots. La culpabilité fait glisser de l'acide dans ma poitrine, fait fondre du plomb dans mon estomac, fait gonfler un ballon dans ma gorge. J'ai l'impression d'être sur le point d'exploser et de me dissoudre en même temps.
– Mon épouse. Mes petites filles. Tuées par une saloperie de petite racaille dans ton genre. Le monde devrait se débarrasser des gens comme toi avant de le faire avec les femmes et les enfants. Pourquoi ? (sa voix se brise) P-Pourquoi tu me les as prises ? Elles étaient ma joie, mon bonheur, mon soleil, ma vie... Je ne suis plus rien sans elles.
J'aimerais lui dire « Je suis désolé ». Et, de toute ma vie, je n'aurais jamais été aussi sincère en prononçant ces mots. À présent, je comprends quel poids ils ont pour moi. Et à quel point ils n'ont en pas pour la personne qui les reçoit.
J'aimerais le lui dire. Mais je ne peux pas. Parce que ses paroles ont enfoncé un pieu dans mon cœur. Le pieu de mon crime. Le pieu de ma culpabilité.
Ce pieu, que seul cet homme peut enfoncer, bouger... enlever, c'est ma dette.
Ma dette envers lui.
Je lui dois trois vies.


Dernière modification par louji le sam. 28 sept., 2019 11:29 am, modifié 4 fois.
titia1311

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par titia1311 »

La suite, la suite, la suite ! :D :P
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

Ton enthousiasme me fait vraiment plaisir titia! :D :mrgreen: Merci beaucoup pour ton soutien! :oops: ;)
Voilà la suite comme tu l'attends =)




7
Nerfs à vif



J'ai troqué mon costume pour un simple jeans noir et un t-shirt blanc sous ma veste militaire. Je me sens bien mieux dans ces vêtements qui m’offrent la banalité et la discrétion.
Après avoir fermé derrière moi le petit portillon de la clôture qui délimite la maison, je prends la direction de l'épicerie – qui est aussi le seul magasin de Daree.
J'ai les nerfs en pelote. Pour éviter que mes mains abîmées – par les coups donnés à Max et Anthony – tremblent, je les plonge dans mes poches. Mes pas sont rapides et déterminés. Lorsque je croise de rares passants, je garde la tête baissée, car je ne suis pas très apprécié dans le coin.
J'ai envie de hurler. De courir comme un dératé jusqu'à m'effondrer de fatigue. De me perdre.
Mais je ne le fais pas.

Deux ou trois personnes sont déjà là quand j'arrive à l'épicerie. Le vendeur – un ado de mon lycée qui a pris un boulot à mi-temps – me jette un regard noir lorsque je prends un panier à l'entrée. Ses lèvres bougent en silence. Il détourne le regard quand il remarque que je l'ai observé depuis le début.
« Le monstre ». Des années que ce surnom me colle à la peau.
Et il me fait toujours aussi mal.
Je fais vite et efficace. Des légumes, des féculents, de la viande rouge et du poisson. Mark déteste la viande blanche et les œufs – tandis que je les apprécie bien plus.
Je suis à la recherche du paquet de pâtes le moins cher quand une personne s'approche de moi.
– Zach ?
Roulant des yeux, je baisse la tête vers Lily Rose, qui m'observe d'un air interdit. Pourquoi les gens ont cette manie d'appeler quelqu'un sur le ton de l'interrogation alors qu'ils savent pertinemment qui se trouve devant eux ?
– Lily Rose, soupiré-je sans vraiment masquer l'irritation qui perce dans ma voix.
Les jointures de ses mains fines blanchissent lorsqu'elle serre fort son sac de course.
– Je suis désolée pour ce matin.
– Non, tu ne l'es pas ! rétorqué-je en haussant plus le ton que je n'aurais dû.
Ses sourcils clairs se froncent et les traits délicats de son visage se crispent.
– Tu sais, Zachary, murmure-t-elle d'une petite voix, à part mes parents, Mark, et moi, personne ne se soucie de toi ici.
Je détourne les yeux. Merci, Lily, je suis au courant.
– Tu as vraiment sale mine.
Elle lève la main vers moi. Je bondis aussitôt hors de portée.
L'incompréhension de son visage laisse vite place à l'indignation puis à la colère.
– C'est comme ça que tu me rends la monnaie de ma pièce ? souffle Lily Rose. Moi qui m'efforce de te parler au lycée, de savoir comment tu vas !
– Je n'ai pas besoin de ta compassion, répliqué-je d'un ton aigre.
Mon mouvement de recul a dû être trop brusque, car je me sens soudain extrêmement épuisé. La tête me tourne et mes genoux flageolent.
– Zach ?
Je m'appuie contre une étagère pour reprendre mon souffle. Mon cœur bat comme un fou contre mes côtes – me faisant presque mal.
– Ça va, murmuré-je avant que Lily Rose ne me noie de questions.
Ses lèvres pincées m'indiquent qu'elle ne me croit guère. Tant pis, je n'ai pas l'intention de m'éterniser plus longtemps.
– Tu t'es vu dans un miroir ?
– Tu sais, Lily Rose, soufflé-je en posant les yeux sur elle, c'est difficile de se mater dans un miroir quand on a la mort de quatre personnes sur la conscience.
Sa bouche s'entrouvre, mais aucun son n'en sort. Tant mieux. Je l'apprécie bien mais, aujourd'hui, elle me tape franchement sur les nerfs.
J'ai envie de sortir d'ici. Les murs me semblent plus proches, plus grands, plus imposants. Faut que je prenne l'air, et vite.
– J'y vais, dis-je à Lily Rose sans attendre de réponse de sa part.

– Bonjour, lancé-je en posant mon panier sur le comptoir de la caisse. Vous pouvez mettre un sac, s'il vous plaît ?
Obnubilé par la réaction de Mark, j'ai oublié de prendre des sacs en quittant la maison.
L'ado-caissier me jette un regard mauvais rempli de mépris. Le message est clair « On va faire vite, j'ai pas envie de te voir plus longtemps ». Je règle en vitesse la note, range les courses dans le sac et sors de ce trou.
Enfin, je respire.




7.5
Nerfs à vif et insomnie



Je ne sais pas quoi dire. Je ne sais pas quoi faire. Autrement dit, je suis complètement perdu.
Un soupir fébrile s'échappe des lèvres de Mark Grace.
– Sofia, je vais y aller, annonce-t-il en se tournant vers l'urgentiste, qui est restée dans son coin durant la discussion.
Elle hoche la tête, me jette un rapide coup d’œil puis accompagne l'homme jusqu'à la sortie de ma chambre. Mes épaules s'affaissent. Je me sens tellement... vide. Le bout de ciel que j'aperçois à travers la fenêtre n'est plus bleu, mais pâle, fade ; mes draps ne sont plus d'un blanc immaculé, mais d'un écru jaunâtre ; les yeux verts que pose Sofia sur moi ont la couleur de l'herbe morte en été. Et mes mains dans lesquelles tombent de petites gouttes d'eau sont blafardes.
Je lève la tête au maximum, plisse très fort les paupières et ouvre la bouche.
Un hurlement bestial, guttural, désespéré, explose à mes oreilles. C'est le mien.

J'arrive pas à dormir.
Je sais pas quel jour on est.
La nuit ? le jour ?

J'arrive toujours pas à dormir.
Je sais pas quel mois on est.
Février, encore ? Mars ? Avril... ?

Tout s'enchaîne. Tout s’emboîte. Tout est fade.
Je suis un travailleur à la chaîne. Regarder le soleil percer, ou disparaître. Manger, ou grignoter. Se reposer, ou se dessécher. Prendre les médicaments, ou se droguer. Manger, ou faire semblant. Se reposer, ou souffrir. Mater ce fichu plafond jusqu'à s'exploser les yeux, se forcer à avaler jusqu'à vomir, essayer de dormir jusqu'à l'insomnie.
Je ne suis plus rien. Un nom sur un bout de papier. Des os cassés à réparer. Un truc qui bouge, qui commence à traîner depuis un peu trop longtemps et qui pourrait faire de la place pour d'autres patients. Une silhouette fade dans le paysage.

Parfois, je pleure.
Ça vient tout seul. En traître. Les premières fois ont été les plus faciles à gérer. Des larmes, le nez qui coule, la poitrine qui se comprime.
Après, j'ai eu plus de mal. Mes crises sont de moins en moins fréquentes. Mais de plus en plus violentes.
De terribles sanglots qui m'arrachent des hoquets de stupeur et de douleur, mon visage qui semble fondre littéralement, mon cœur qui se serre, se serre encore et toujours, mes mains agitées de convulsions. Oh, ça fait tellement mal.
Et tellement du bien.

Les médecins ont dit que je souffrais d'insomnie, sûrement due à un stress post-traumatique. Autrement dit « Je dors mal parce que j'ai tué des gens. » Pourquoi utilisent-ils des termes si complexes pour expliquer quelque chose de si simple, si évident ?
J'ai un cœur, une âme, une conscience. Du moins, je... je crois. Parfois, je préfère me voir comme un enfoiré sans remords. J'ai tué une femme, ses deux filles et mon meilleur ami ? Eh alors ! C'est pas comme si je pouvais pas me refaire des copains et qu'il n'y avait plus d'êtres vivants sur Terre.
C'est souvent à ces moments-là que j'éclate en sanglots. Ça me pèse. Et comme je n'arrive pas à avoir un sommeil profond, je rêve beaucoup plus qu'en temps normal. Ce qui permet aux souvenirs de venir me torturer bien plus souvent.

Un jour, alors que la pluie s'abat violemment contre la vitre de ma chambre, Philip Daniels, l'homme qui m'a découvert après l'accident et le mari de Sofia, me rend visite. Son visage s'est émacié, ses tempes ont grisonné. Il a des valises sous les yeux.
– Bonjour, Zach, lance-t-il en fermant derrière lui.
– B-Bonjour, je réponds en me recroquevillant.
J'ai peur. Je ne sais pas pourquoi. Et, bon sang, ma voix est tellement éraillée...
– Je ne sais pas si je t'ai dit quel métier je faisais... (Je secoue la tête pour approuver ses propos.) Je suis avocat.
Je baisse aussitôt les yeux. Mon cœur rate un battement, puis deux, avant de reprendre à un rythme rapide.
– Vous allez m'envoyer en prison ? demandé-je d'une voix tremblante. Je... vais devoir aller dans un centre pour mineurs ?
– Zachary... murmure Philip en m'observant bizarrement.
– Je-je veux pas y aller, bredouillé-je. Je…
Ma voix se brise, les larmes me chatouillent les joues. Merde, merde, merde ! Les épaules secouées par les sanglots, je prends mon visage entre mes mains. J'entends des pas, quelqu'un s’assied près de moi et une main ferme, grande, chaude se pose dans mon dos.
– Chut, ne pleure pas, mon garçon, souffle Phil d'un ton réconfortant.
Mais je ne suis pas plus rassuré. Je suis encore trop petit pour une prison pour mineurs. Je n'ai pas fait ma poussée de croissance, je n'ai aucune masse musculaire... Ma voix n’a même pas encore mué ! Autant dire que je me ferai démolir par les plus grands dès le deuxième jour.
– Zachary, écoute-moi, s'il te plaît, chuchote Phil en frottant mon dos.
Je me fige. Oh, cette sensation... Bordel. Les larmes, que je croyais pourtant taries, jaillissent de mes yeux. Combien de fois ? Combien de fois ai-je espéré, rêvé, que quelqu'un cale sa main dans mon dos ? Pour me rassurer, me réconforter. Pour me pousser vers l'avant. Vers l'avenir.
– Zachary, répète Philip en me forçant à regarder dans sa direction.
À cause de mes larmes, son visage est déformé, mais je parviens quand même à voir le timide sourire qui s'épanouit sur ses lèvres. Ce type vient m'annoncer qu'on va m'envoyer en prison où je ne tiendrai pas une semaine et ça l'amuse ?
– J'ai une proposition à te faire.
Je le fixe d 'un air interdit. Quoi ?
– Mark, Sofia, les services sociaux et moi avons beaucoup, beaucoup, parlé, discuté, argumenté.
– Quoi ? lâché-je d'un air faussement enjoué. Vous voulez dire qu'ils vont attendre quelques mois avant de m'envoyer droit vers la mort ? M'enfin, c'est tout ce que je mérite...
L'expression de Phil devient horrifiée. Il agite les mains sous mon nez.
– Non, Zachary ! s'exclame-t-il en prenant mon bras. Tu m'as mal compris.
Ah ?
– Sofia et moi nous sommes renseignés auprès de l'orphelinat dans lequel tu as été abandonné. (Je ne peux m'empêcher de me raidir à ses propos. C'est plus fort que moi.) Nous avons aussi vu Karen Vohen, ta responsable légale actuelle. Mark l'a rencontrée. Et... après avoir eu un entretien avec elle, il nous a demandé quelque chose...
– Quoi ? lâché-je, incapable d'attendre la suite.
– Mark veut t'adopter, Zachary, me répond Phil en me regardant droit dans les yeux.
J'ai l'impression que les murs tanguent. Mes oreilles bourdonnent.
Abasourdi, je m'affaisse dans mon lit.
– Hein ?


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louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

Voilà la suite... :D
Si vous prenez le temps de lire, n'hésitez pas à commenter, même si c'est pour dire qu'une phrase ou deux! ;)




8
Vivre ou mourir



Le froid me fait claquer des dents sur le chemin du retour. Ma main qui porte le sac de course est gelée. Même mes genoux tremblotent. Lorsqu'un vertige me fait chanceler sur quelques mètres, je finis par me demander si c'est seulement le froid qui en est la cause.
J'ai l'impression d'avoir fait un marathon quand je passe enfin le petit portail de la maison. En suivant le chemin de pierre qui mène jusqu'à l'entrée, je ne peux m'empêcher de fixer la porte. Une angoisse aiguë me saisit à l’idée d’affronter Mark.
Les courses sont vite rangées dans le réfrigérateur et les placards. Je suis en train de jeter le sac en plastique dans la poubelle quand la voix de Mark s'élève derrière moi :
– Il restait de l'argent en plus ?
– Euh, quelques cents, pas plus, je réponds en me redressant.
– Tu peux les garder.
Il tourne les talons et retourne dans son bureau. Un soupir franchit mes lèvres. Il croit vraiment que je vais m'encombrer de petites pièces ? Des vrais billets, ça me ferait plus plaisir.
– Oh, Zach ? reprend Mark de son bureau.
– Oui ? fais-je en m'arrêtant à l'embrasure de ce dernier.
L'ancienne salle à manger est devenue une petite pièce seulement meublée d'énormes bibliothèques – dont la plupart sont remplies de bouquins sur le droit – d'un sofa en cuir marron accompagné d'un guéridon muni d'une lampe à pied vieillotte, et du bureau massif de Mark en je-ne-sais-quel bois, mais qui rend bien avec le large siège qui l'accompagne.
Mark est appuyé contre son bureau, le visage fermé. Des copies d'élèves pas encore corrigées traînent sur le meuble. C'est sa tanière ici ; j'y rentre rarement.
– Je pense que, comme moi, tu n'es pas de meilleure humeur que ce matin.
En effet, pensé-je en serrant les mâchoires. Je me sens beaucoup moins bien, même. Je garde ces réflexions pour moi et hoche la tête.
– Ce qui s'est passé entre Anthony, Maximilian et toi... J'aimerais que ça ne se reproduise plus à l'avenir.
– Oui, Mark.
– Comme convenu, tu réviseras tes cours, iras rentrer du bois et tu te coucheras tôt. J’aimerais aussi que tu passes la serpillère dans la cuisine et que tu nettoies la salle de bains et les toilettes.
Mark s'est tourné dos à moi et il m'annonce ceci d'un ton badin, comme s'il me disait d'aller me brosser les dents. Pour contenir la colère qui monte en moi, je serre les poings. J'ai de plus en plus l'impression d'être un chien pour lui, rien d'autre.
– T'attends que ça, hein ? lancé-je d'un ton cassant.
– De quoi ? demande Mark en se retournant, sourcils froncés.
– Que je me casse d'ici. Que je foute le camp. Que tu n'aies plus à me supporter !
Ses yeux deviennent sombres et brillants comme des obsidiennes. Les muscles de ses épaules se contractent ; je peux le voir à travers le tissu de sa chemise, ce qui me rassure peu.
– On peut savoir ce qui t'arrive, aujourd'hui ? grommelle-t-il d'une voix dure.
– Rien de spécial, rétorqué-je en le fusillant du regard. Mais tu... tu m'as giflé deux fois ce matin, juste parce que t'en avais envie ! (Mark ouvre la bouche pour répliquer, mais je ne lui en laisse pas le temps.) Tu m'interdis de me divertir, tu me tues à la tâche... Je ne suis rien de plus qu'un chien pour toi !
J'ai crié les derniers mots. Le sang m'est monté à la tête et je tremble de rage. Incapable de faire face au regard torve qu'il me jette, je me détourne pour fixer une nature morte accrochée au mur.
– Je vois pas à quoi ça sert que tu m'aies adopté si tu me considères comme un animal... Fallait te prendre un chat et me laisser pourrir en prison.
Ma colère a laissé place à autre chose. Ma voix s'est mise à trembler, ce qui n'a pas échappé à Mark. Il m'observe fixement, comme si j'étais un phénomène qu'il n'arrive pas encore à expliquer totalement. C'est sûrement le cas.
– N'oublie pas, Zachary, souffle-t-il calmement. Je t'ai adopté pour que tu rembourses la dette que tu as envers moi. Pour que tu me rendes les trois vies que tu m'as prises.
L'air qui rentre dans mes poumons devient piquant. Je cligne des yeux et baisse la tête.
– C'est grâce à moi que tu vis encore aujourd'hui. (Mark fait un pas dans ma direction. L’air semble devenir plus lourd.) Ça m'a coûté de te prendre sous mon aile. Beaucoup. Pas en argent. Ce n'est pas un problème. Mais en patience, en dignité, en amour propre. Adopter l'assassin de ma femme et de mes filles... Nombre de mes proches m'ont traité de fou. Ma famille s'est définitivement éloignée de moi.
Mark agrippe mon épaule pour que je le regarde en face. Sa poigne puissante me fait grimacer de douleur. Ses narines frémissent et une lueur dangereuse danse dans ses yeux sombres.
– Tu es en vie, là, maintenant, Zach. C'est grâce à moi. Si j'avais laissé faire la justice comme il se devait, tu aurais été envoyé en prison. (Il pousse un court soupir avant de reprendre, distant.) Et tu sais comme moi que tu serais « mort » dès la première année – ou, du moins, que les aînés t'auraient fait mener une vie infernale.
Je ne trouve rien à répondre. Je déteste quand il a raison. Et on sait tous les deux qu'il a raison.
– Parfois, je préférerais encore être mort que de subir cette vie de merde.
Incapable de retenir mes pensées, j'ai parlé. Et j'ai à peine fini ma phrase que la gifle est partie.
Et là, j'ai craqué.

Des larmes trop longtemps refoulées jaillissent de mes yeux. Avec un cri de rage, je me jette sur Mark, l'acculant contre son bureau. Il pousse un grognement de douleur et bloque mes bras qui s'accrochent désespérément au col de sa chemise. J'ai envie de taper, de me défouler.
– Je sais très bien que tu me détestes ! hurlé-je, la poitrine comprimée par un étau glacé. Je sais très bien que tu adorerais savoir que je suis mort. Alors, pourquoi, pourquoi, est-ce que tu me frappes à chaque fois que je dis que j'aurais aimé mourir, moi aussi ?
– ZACH !
D'un mouvement brusque, il se dégage de mon étreinte et échange nos places. Je me retrouve coincé entre le bureau et lui, à sa merci. Ses yeux furieux plongent dans les miens.
– Alison, Jade et Holly seraient mortes pour rien si tu l'étais toi aussi ! C'est pour sauvegarder leur mémoire et transmettre leur bonheur de vivre que je t'ai offert une seconde chance ! Tu es mon débiteur, Zachary Gibson, et je ne compte pas te laisser t'en sortir comme ça.
Un silence entrecoupé par nos respirations hachées s'installe tandis que Mark reprend son souffle.
– Je ne te considère pas comme un animal, mon garçon, reprend Mark d'une voix plus douce. Autrement, je t'aurais laissé croupir en prison au milieu des déchets humains. Tu es un enfant dont la vie a mal commencé, qui a fréquenté les mauvaises personnes et qui a fait une énorme connerie. Tu n'es pas un criminel.
Un sanglot m'arrache un hoquet. La poigne de Mark se fait moins dure.
– Je sais que tu as des remords. Que tu fais des cauchemars chaque nuit. Que tu fais de ton mieux pour rembourser ta dette. (Il me lâche, ce qui me permet de me laisser glisser contre son bureau.) Si t'en avais rien eu à faire de tout ça, tu te serais suicidé dans ta chambre d'hôpital.
– J'ai essayé, rétorqué-je en essuyant mes larmes d'un revers de manche.
– Une fois. Après, tu as découvert que tu voulais encore vivre. Et une partie de toi mérite de vivre, Zach. C'est à moi de faire de cette partie-là plus importante chez toi. Le reste de toi me doit trois vies.
– Mais comment je vais faire ? gémis-je en prenant mon visage entre mes mains. Je suis bon à rien. Je te déçois tout le temps et je n'arrive pas à la cheville d'Alison, Jade ou Holly.
– Zach... soupire Mark en s'accroupissant face à moi. Tu as toute ta vie pour me rembourser, je ne suis pas impatient.
– Mais…
– Écoute, je pense que tu as besoin de reprendre tes esprits, dans un premier temps.
Il m'observe d'un air soucieux. En se relevant, il ajoute en grommelant :
– J'aime pas te voir pleurer.
– Mark... ?
– Oui ?
– Merci.
Je le vois se renfrogner puis soupirer.
– Allez, debout, grogne-t-il en m'attrapant par le bras. T'as vraiment sale mine. Va donc faire un tour à la salle de bains.




8.5
Vivre ou mourir, quel choix ?



La première chose que je fais, après que Phil m'ait annoncé que Mark Grace voulait m'adopter, c'est de me pincer le bras. Aie.
– Qu'est-ce que tu fabriques ? souffle Philip en fronçant les sourcils.
– Je... j'ai cru que c'était un rêve, je réponds dans un souffle ahuri.
Je le crois pas. Où sont les caméras ? Le visage de Phil ne trahit aucun amusement, aucune trace d'espièglerie. Il m'aide à me redresser et me regarde en souriant.
– C'est incroyable, n'est-ce pas ?
– O-Oui, complètement, bredouillé-je, stupéfait. Mais... cet homme, Mr Grace, il... je veux dire j'ai... sa famille... c'est moi qui...
Je me tais parce que mes paroles n'ont plus aucun sens. Cependant, Phil semble avoir compris car il hoche lentement la tête en me regardant avec compassion. Compassion. Comment peut-il éprouver une telle chose envers moi ?
– Mais, Mr Daniels, je reprends d'une petite voix. Comment est-ce possible ?
– Que Mark veuille t'adopter ? C'est un miracle.
– Je ne crois pas aux miracles... murmuré-je en détournant la tête.
Un petit rire sec s'échappe de la bouche de Philip. Gentiment, il pose une main sur mon bras.
– Lorsqu'il a rencontré Mlle Vohen, qui s'occupait de toi avant l'accident, Mark s'est demandé comment on avait pu confier la garde d'un enfant à une telle personne.
– C'est parce que je suis un enfant à problèmes, je réponds d'un ton absent. J'habite chez Karen depuis ma rentrée au collège, mais j'ai eu plein d’autres familles avant elle. C'est seulement parce que Karen s'en fout de moi qu'elle a tenu si longtemps avant de me mettre à la porte.
– Ta garde n'aurait jamais dû être confiée à cette femme.
– Mais que vouliez-vous qu'ils fassent ? crié-je plus fort que je n'aurais dû. À chaque fois que j'allais dans une famille, j'en ressortais aussitôt ! Depuis mon plus jeune âge !
L'expression de Philip devient blessée. Je m'en veux aussitôt de lui avoir crié dessus comme ça.
– Pardon... C'est juste que... est-ce que je ne mérite plutôt pas d'aller en prison ? J'ai tué une femme et ses deux filles.
– Tu étais en état d'ivresse et drogué.
– De mon propre chef.
– Avec une voiture qui n'était pas la tienne.
– En effet, je l'ai volée.
– Tu n'as jamais voulu ça ! hurle Philip en serrant fort mon bras.
Muet comme une carpe, je le dévisage avec surprise.
– Tu as perdu ton meilleur ami. Tu as été grièvement blessé... Tu es complètement déboussolé, Zachary. Tu ne te rends pas compte de la chance que t'offre Mark.
– Mais est-ce qu'il veut vraiment de moi ? demandé-je d'un ton morne. Je lui ai pris tout ce qui comptait pour lui. Il doit vouloir quelque chose en échange, non ?
– Et bien... oui, avoue Phil dans un souffle désolé. Mais il t'en parlera lui-même.
Comme synchronisé, quelqu'un toque contre la porte de ma chambre d'hôpital.
– Entrez, lancé-je, sur le qui-vive.
Je ne suis pas surpris de voir Mark Grace entrer dans ma chambre. Néanmoins, j'éprouve aussitôt le besoin de me cacher, de me soustraire à son regard pénétrant, de ne pas affronter sa douleur.
– Phil, dit Mark en observant son ami, ça ne te dérange pas si je discute seul avec lui ?
– Non, je t'en prie. Je lui ai dit ce que... tu comptais faire.
– Très bien, merci.
Philip m'adresse un sourire réconfortant, me tapote le bras puis sort après avoir serré l'épaule de Mark. Ce dernier s'éclaircit la gorge et tire une chaise qui se trouvait dans un coin de la pièce. Il a minci depuis la dernière fois que je l'ai vu. Ses yeux sont un peu moins rouges.
– Je n'ai pas besoin de te rappeler ce qu'a dit Phil, si ? demande Mark d'une voix qui me semble un peu tendue.
– Euh... si vous pouviez confirmer, ça... ça me soulagerait.
– J'ai fait une demande de jugement spécial auprès du tribunal avec l'aide de Phil, qui est mon avocat.
Je cligne des yeux. Ce n'est pas tout à fait ce qu'a dit Philip. Qu'est-ce que je suis censé comprendre ?
– Ce qui veut dire...
Avec un grognement, Mark s'agite sur sa chaise, comme mal à l'aise. Il refuse de rencontrer mon regard, ce qui m'arrange plutôt bien en réalité.
– Que j'aimerais t'adopter.

L'entendre de sa propre voix me fait l'effet d'un coup de poing. Il ne plaisante pas... Et il n'a pas l'air d'un homme à faire des blagues.
– Mais pourquoi ? je m’enquiers d'un air abasourdi.
– Parce que, répond-t-il d'un ton bourru. Tu acceptes de venir vivre avec moi, Zachary ?
– C'est... euh, je... je ne sais pas. Comment pourrais-je vous regarder en face en sachant que j'ai tué votre famille ?
Un silence gêné s'installe entre nous.
– C'est ton problème, finit par répondre Mark sans douceur. Tu veux savoir ce que je veux en échange ? Je vais t'apprendre les valeurs de la vie. Je vais t'éduquer. Je vais faire de toi une personne responsable et autonome. Je vais faire de l'enfant indiscipliné et inconscient que tu es un homme d'honneur et de savoir-vivre.
– Mais... c'est encore vous qui me donnerez tout ça, bredouillé-je, ne comprenant rien.
– Toi, tu me dois trois vies. Pendant que je t'élèverai, tu me rembourseras. Tu as une dette envers moi.
– Je sais, soufflé-je, la gorge serrée. Mais je ne sais pas comment vous la rembourser.
– Tu le feras en m'obéissant, en apprenant à vivre en société, en te faisant pardonner pour ce que tu as fait. Et en rendant aux autres ce que je t’aurais donné.
– Mais pourquoi faites-vous tout ça pour moi ?
– Tu es borné, soupire Mark en me regardant dans les yeux, cette fois. Je... j'en sais trop rien. J'ai besoin de le faire, je crois. Pour garder un peu de ma conscience. J'ai l'impression d'être en chute libre depuis la mort de ma femme et de mes filles. Je... j'ai peur de ce que je pourrais faire ou devenir sans quelqu'un qui me rappelle mes devoirs.
– Et... ce « quelqu'un », vous pensez que ça peut être moi ?
– Oui.
Je baisse la tête. Mon cœur bat à tout rompre. Je crois que je suis heureux. Parce que, si j'ai bien compris ce que vient de dire Mark, alors il a besoin de moi. Et c'est la première fois qu'une personne a besoin de moi. D'habitude, c'est toujours le contraire.
– Mais, je dois te prévenir avant, reprend-t-il d'un air grave. Je ne te considère pas comme un enfant comme les autres. Il y aura des jours où je me montrerais peut-être compréhensif, mais, la plupart du temps, je serais sans pitié. Quand je te regarderais, je me rappellerais que c'est toi qui as brisé ma vie. Je ne te ferais pas mal. Du moins, je lèverais peut-être la main sur toi quand ce sera nécessaire. (Il se cale en arrière sur la chaise en croisant ses longs bras sur sa poitrine.) Pour ne pas te mentir, ce sera peut-être aussi dur que la prison pour mineurs.
Difficilement, j'avale ma salive.
– Je te déteste, Zachary Gibson. Je ne serai pas compatissant face à ta douleur. Ce que je fais, en ce moment, c'est déterminer si tu es une bonne personne ou pas.
– J'ai le choix ? demandé-je, le ventre crispé d'angoisse.
– Oui, tu l'as. Tu vis, avec moi, durement, ou tu meurs, dans une prison, lentement, à petit feu. C'est toi qui vois. (Il plisse les yeux en me dévisageant intensément.) Adopter un p'tit Blanc comme toi, ça ne me fait pas spécialement plaisir.
– Je supporte pas les Blacks non plus, rétorqué-je, piqué au vif.
– Un p'tit con de de Blanc de douze ans qui fait pas trente centimètres se permet de parler de la couleur de ma peau ? susurre-t-il d'une voix frémissante de colère.
Un étau autour de ma gorge m'empêche de parler plus. J'ai eu un problème avec un garçon Noir dans ma jeunesse et, depuis, je me méfie d'eux.
– Alors, que décides-tu ? Si tu es une bonne personne, tu accepteras de rembourser ta dette.
– Si j'ai bien compris, soit je vais vivre avec vous, qui me détestez et qui m'élèverez de manière presque inhumaine, soit je vais pourrir en prison au milieu des racailles qui me feront la peau au moindre regard de travers ?
– T'as tout compris.
Tu parles d'un choix… Le doute et l’appréhension enflent en moi. Gorge nouée, je n’ose plus regarder l’homme assis en face de moi.
Comme je ne réponds toujours pas, Mark Grace claque sa langue avec irritation et se lève. Silencieux, imposant, il me toise en attente de ma réponse.
Mais en ai-je vraiment une à lui apporter ?


Dernière modification par louji le sam. 28 sept., 2019 11:45 am, modifié 3 fois.
titia1311

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par titia1311 »

Franchement, j'en ai lus des bouquins, je ne savais pas encore lire que déjà j'en "lisais". Je passe mon temps à lire, c'est une vraie drogue, je n'y peux rien, j'aime ça. Rares sont les livres qui m'aient vraiment captivée (il y en a quelques-uns quand même) (et je ne te parle pas des daubes que j'ai pu lire !).
Et toi, mine de rien, tu arrives avec ta petite histoire, tout discrètement, comme si de rien n'était :)
Je suis vraiment admirative de ton travail. Je ne sais pas l'âge que tu as, et je ne suis pas non plus une experte. Mais put***, tu écris bien ! :lol:
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

titia1311 a écrit :Franchement, j'en ai lus des bouquins, je ne savais pas encore lire que déjà j'en "lisais". Je passe mon temps à lire, c'est une vraie drogue, je n'y peux rien, j'aime ça. Rares sont les livres qui m'aient vraiment captivée (il y en a quelques-uns quand même) (et je ne te parle pas des daubes que j'ai pu lire !).
Et toi, mine de rien, tu arrives avec ta petite histoire, tout discrètement, comme si de rien n'était :)
Je suis vraiment admirative de ton travail. Je ne sais pas l'âge que tu as, et je ne suis pas non plus une experte. Mais put***, tu écris bien ! :lol:

Oulala, j'ai envie d'aller m'enfouir sous la couette face à de tels compliments! :lol: :oops:
Vraiment, merci beaucoup pour ton enthousiasme et ton soutien, ils m'encouragent et me font du bien :D
Et bien, ce que je publie pour l'instant (la première partie de The Debt) remonte à bientôt deux ans, j'avais seize/dix-sept ans à l'époque où je l'ai écrit et je vais sur mes dix-neuf cette année :)
Après, je sais que je suis incapable de faire de longues phrases pleines de poésie et d'images et j'admire les écrivains qui en sont capables... Mais je connais les forces de mon style simple et j'essaie de les utiliser au maximum :)

Si tu aimes bien le genre de la fantasy, j'ai publié une autre histoire, Oneiris, que j'ai commencé à écrire cette année ;)

PS : j'ai vu qu'il y avait un nouveau chapitre de "Perdue dans les limbes"; je suis allée lire, il était vraiment pas mal avec l'ombre (frissonne)! :D
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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par titia1311 »

16/17 ans ?! Et bien, bravo, je trouvé qu'il y a déjà beaucoup de maturité dans tes écrits.

Oui, le chapitre 12 est vraiment bien ! J'ai hâte aussi de lire la suite, a priori lundi prochain pour la prochaine publication ;)
Petite info en exclu : le chapitre 16 serait très certainement le dernier !

Ah ! Je vais aller lire ça alors ! Une vraie accro :lol:
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

titia1311 a écrit :16/17 ans ?! Et bien, bravo, je trouvé qu'il y a déjà beaucoup de maturité dans tes écrits.

Oui, le chapitre 12 est vraiment bien ! J'ai hâte aussi de lire la suite, a priori lundi prochain pour la prochaine publication ;)
Petite info en exclu : le chapitre 16 serait très certainement le dernier !

Ah ! Je vais aller lire ça alors ! Une vraie accro :lol:
Merci... :oops:

Oh, merci de l'information! :D C'est sympa de faire une histoire sous ce format, c'est court, très digeste et ça se lit facilement ;)
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

Bonjour, deux nouveaux chapitres aujourd'hui :)
Merci à titia qui me suit fidèlement! :D
Merci à ceux qui lisent aussi! Si vous appréciez, n'hésitez pas à le dire ;)
Et ceux qui laissent tomber la lecture, dites-moi aussi ce qui ne vous a pas plus? Le thème ? Les personnages? L'écriture? Le début bizarre? :lol:




9
Regret



En effet, j'ai une sale tête.
Le reflet que me renvoie le miroir m'arrache un soupir. Ma dispute avec Mark a rougi mes joues, mais je reste encore blanc comme un cachet d’aspirine. Pratique pour se déguiser en zombie-vampire pour Halloween, mais, au quotidien, j’ai juste l’air cadavérique.
Les marques rouges laissées sur mes pommettes saillantes par les coups de Max et d'Anthony ressortent encore. J'ai la lèvre supérieure fendue et une bosse sur le front, résultat du coup de boule que j'ai asséné à Anthony. Autrement dit… je suis ridicule.
J'ouvre un placard et en sors du coton avec du désinfectant. J'en applique sur les éraflures de mes joues et de mes jointures. Rien de grave. Mes côtes me font toujours mal. Avec des gestes précautionneux, j'ôte mon t-shirt. Mark choisit ce moment pour entrer dans la salle de bain.
– Jolies ecchymoses, marmonne-t-il, l'air sombre.
Malgré moi, je rougis de honte. Déjà parce que je ne suis pas spécialement fier d’exhiber les conséquences de ma stupidité. Et aussi car, malgré son air bougon, je vois une drôle de lueur danser dans le regard de Mark. On dirait de l'amusement.
– Si j'avais eu un fils, je m'y serais attendu un jour ou l'autre, soupire-t-il avant de refermer la porte.
Ah. Voilà l'explication de la malice dans ses yeux.
Lorsque je relève la tête vers le miroir, je suis encore plus rouge.

Je suis en train d'appliquer une crème sur ma bosse, avachi sur le bord de la baignoire, quand la culpabilité me prend à la gorge. Je me revois me jeter sur Mark comme un fauve, prêt à en découdre. Comment ai-je pu faire ça ? M'en prendre à lui ? À ce moment-là, j'ai vraiment eu envie de lui faire du mal. J'étais une bombe à retardement. Tout s'accumulait depuis ce matin. J'avais le besoin impérieux de frapper, d'extérioriser cette vague de frustration qui manquait me submerger.
Je me lève dans un mouvement brusque et jette avec colère les cotons tachés de sang dans la poubelle. Je m'en veux. Et ça m'énerve. Car cela prouve une fois de plus que j'apprécie Mark. Que je lui suis redevable. Que j'ai besoin de lui.
Fais chier.
– T'as fini de te pouponner ? raille Mark derrière la porte. J’aimerais bien prendre ma douche. Magne-toi un peu.
Avec un grognement, j'ouvre pour le laisser entrer. Alors qu’il passe à côté de moi, mon estomac lâche un gargouillement monstrueux – sans déconner, on aurait dit un tremblement de terre – qui lui fait tourner la tête. Son expression est manifestement surprise.
Je pique un fard en me raclant la gorge.
– Je crois que le fauve a faim, souffle-t-il avec un sourire narquois.
– C'est quoi ton problème ? grogné-je en le fusillant du regard.
Il sait aussi bien que moi que je suis privé de dîner – c’est généralement le cas quand j’ai eu le malheur de rendre les coups lors d’une bagarre – et il se paie ma tête.
– Parle-moi sur un autre ton, crache-t-il.
– Et toi, arrête de te foutre de ma gueule ! lâché-je avec véhémence.
Ses yeux s’illuminent d’une lueur dangereuse.
– Excuse-toi, Zachary.
Borné, je lui rends un regard noir. J’en peux plus de ses remarques acerbes incessantes. Je dois lui faire comprendre. Ses traits se crispent, la tension monte.
Utilisant son élan pour me pousser en arrière, il me plaque soudain contre une armoire à serviettes. La douleur dans mes côtes me fait gronder.
– J'attends tes excuses.
– Va te faire foutre !
Mark hausse un sourcil, décontenancé. Je ne l’ai jamais insulté aussi gravement. Regrettant aussitôt, je reste perplexe lorsqu’il se recule puis agite les mains dans ma direction.
– Viens, je t'attends, morveux.
– Hein ?
Sidéré, je le regarde me toiser, une lueur de défi dans les yeux. Je le crois pas. Mark veut qu'on se batte. D'accord. Pas de problème. Il va regretter de se payer ma tête.
Une nouvelle force coule en moi. L'adrénaline réveille mon corps. J'envoie mon poing droit vers son visage. Soudain, sans que je comprenne comment il a fait ça, il se retrouve devant moi, mon bras loin au-dessus de son épaule. Il paraît las quand il plante un uppercut dans mon ventre. Le souffle coupé par son coup, mes forces quittent mes jambes et je m'affale à ses pieds en toussant. Ma respiration est tellement perturbée que j'en ai les larmes aux yeux.
Debout à côté de moi, Mark reste planté là à m'observer.
– En espérant que tu retiennes la leçon.
Il s'apprête à quitter la salle de bain, mais je le retiens par la jambe.
– A-Attends, haleté-je en levant la tête vers lui. Co-comment t'as fait ça ?
– J'ai fait de la boxe quand j'étais jeune. Pour me défouler. Tu devrais essayer, Zach, ça te ferait du bien.
D'un mouvement leste, il s'arrache à ma poigne.
– Et ne t'avise plus jamais de me dire « Va te faire foutre ».

Me relevant rapidement, je m'élance derrière lui, mais la nausée me fige. Les toilettes et la salle de bains sont séparées par le couloir, si bien que je n'ai pas le temps de les rejoindre. Plié en deux, un flot acide de bile remonte dans ma gorge. Mark, qui a senti venir le coup, fait un pas en arrière une demi-seconde avant que je repeigne le plancher d'une flaque jaunâtre.
Mes jambes tremblent violemment. Je résiste quelques instants puis, trop épuisé pour continuer, je m'affale par terre. Ma tête cogne le sol, si bien que je perds momentanément connaissance.
Lorsque je rouvre les yeux, des points lumineux apparaissent dans mon champ de vision. J'ai mal de partout. Je suis crevé. J'ai juste envie d'être dans mon lit, recroquevillé sous ma couette.
Quelque chose me relève. Mes jambes sont en coton alors elle doit me porter à moitié. Cependant la chose m'a redressé trop vite et un nouveau flot de bile sort de ma bouche. Je tousse à cause de l'acidité qui brûle ma gorge. J'entends la chose grogner, jurer et se plaindre.

J'ai dû à nouveau tomber dans les pommes, car je suis maintenant dans mon lit. Je suis toujours torse nu et je frissonne. La chose apparaît au-dessus de moi avec un truc à la main. Dans un geste précautionneux, elle glisse le truc au coin de ma bouche. Un liquide frais et agréable coule entre mes lèvres, soulageant ma gorge meurtrie. J'en mets cependant la moitié à côté. Un tremblement m'agite quand le liquide coule dans mon cou exposé. Un soupir sonore sort de la chose. Je crois entendre quelque chose qui ressemble à « 'bécile ».
J'essaie de tirer la couette jusqu'à moi pour me réchauffer, mais je peux à peine lever la main. J'en gémis de frustration. Pourquoi mes paupières sont-elles si lourdes, mon ventre si douloureux ?
La couette se pose sur moi sans que je l'aie touchée. Oh, tant mieux. Aussitôt, mes yeux se ferment et ma tête s'enfonce dans l'oreiller moelleux.
Je crois sentir comme un souffle sur mon front puis les ténèbres me happent doucement entre leurs bras accueillants.




9.5
Immense regret



C’est définitif, je ne peux pas lui donner de réponse. Je ne sais pas si j’ai le droit à une seconde chance. Je ne suis même pas certain d’en avoir envie. Et j’ai peur de mon avenir si je reste avec lui. J’ai peur qu’il me fasse du mal. Les adultes m’ont déjà fait trop de mal.
La confusion et l'attente qui crispaient les traits de Mr Grace quelques secondes plus tôt laissent place à du dégoût et du mépris. Je sens aussitôt mon estomac se contracter douloureusement.
– J'en étais sûr, crache-t-il en se levant brusquement. Si tu n’es pas foutu de me donner une réponse, c’est que tu n’en as pas envie. (Il se plante devant mon lit, les poings serrés.) Je t'ai offert une deuxième chance et tu ne l'as pas saisie. Tant pis pour toi, pauvre garçon. Je pensais pouvoir rattraper les choses avec toi. Pouvoir t’éduquer. Peut-être que j’en attendais trop d’un foutu junkie.
Aucun mot ne me vient à l'esprit pour lui répondre. J'ai de plus en plus l'impression d’être passé à côté de quelque chose d’essentiel. J'ai de plus en plus la certitude que je vais le regretter.
– Tu aurais pu expier ton crime, Zachary Gibson, reprend Mark Grace plus calmement. Je t'aurais offert l'opportunité de le faire. À présent, tout ce que je peux te dire, c'est d'aller te faire malmener par tes aînés en prison.
Sans un mot de plus, il se tourne et sort de la pièce.
J'ai envie de pleurer.

Il ne s'est passé qu'une minute quand je cherche du regard le fauteuil roulant dans lequel je me déplace depuis quelques temps. Il est dans un coin de la chambre.
Fébrilement, je débranche fils et perfusions, soulève ma couette et laisse tomber mes jambes dans le vide. Ma gorge est contractée. Ça fait un mois que je n'ai pas véritablement posé pied à terre. Mon mollet droit est toujours plâtré – ainsi que mon bras gauche.
Après une grande inspiration, je me laisse tomber au sol. La souffrance que je ressens m'arrache un hurlement. Fichue jambe ! Sales os brisés !
Haletant, la sueur recouvrant petit à petit mon front tandis que la douleur explose dans la partie droite de mon corps à chaque pas, je me dirige vers le fauteuil.
L'éternité s'est passée lorsqu'enfin je pose une main tremblante sur l’un des accoudoirs du fauteuil roulant. Je me laisse tomber dessus, reprends mon souffle pendant quelques secondes puis, à grands coups du bras droit – le valide – je m'engage vers la porte de la chambre.
L'ouvrir se révèle être un vrai calvaire. Je dois la tirer tout en reculant, or je n'ai qu'une main disponible. Je me résous à utiliser la gauche. Les conséquences se font aussitôt ressentir. Les larmes piquent mes yeux et la douleur coupe presque court à mes intentions. Presque. Mes côtes cassées pas encore tout à fait remises rendent ma respiration difficile. Mais pas question d'abandonner. Pas maintenant !

Le couloir de l'hôpital est presque vide quand je m'y engage. C'est l’une des rares fois où je sors. Le choc me laisse coi pendant une fraction de secondes avant que mon objectif ne me revienne en tête. D'un mouvement du bras, je me place dans le sens du couloir.
– MR GRACE ! hurlé-je de toutes mes forces.
J'ai l'impression qu'on arrache mes poumons. On découpe mon bras gauche couche de peau par couche de peau. Un marteau brise les os de ma jambe droite un par un.
Mais je dois continuer. Coûte que coûte.
– MR GRACE ! MR GRACE ! MR GRACE ! Mr Grace ! Mr Gra…
La roue droite du fauteuil se prend dans l’une des machines que les infirmiers mettent dans le couloir et qu'ils transportent de chambre en chambre pour prendre la tension des patients ou autre. Je perds l'équilibre et me retrouve au sol, à moitié écrasé.
– Qu'est-ce qui se passe ici ? lance une infirmière en sortant d'une chambre. Oh mon Dieu ! Mais comment tu…
– Mr Grace ! la coupé-je en hurlant.
Mes efforts finissent par payer, car je vois Mark Grace apparaître à l'angle du couloir, les sourcils froncés. En m’apercevant, en larmes et écrasé par mon propre fauteuil, il s'approche.
– Zachary ? On peut savoir ce que tu fabriques ?
– Mr Grace...
J'explose en sanglots. À cause de mes larmes, je n'arrive pas à déchiffrer l'expression de son visage. Il n'empêche que je l'entends jurer puis venir vers moi.
– Vous le connaissez ? demande l'infirmière en soulevant le fauteuil.
– C'est compliqué, grommelle-t-il en s'accroupissant devant moi. Alors ? je t'écoute.
Je baragouine quelque chose d'incompréhensible.
– Répète, je n’ai rien entendu.
– Je... suis, je parviens à articuler, je... suis... dé'slé.
– Tant mieux. Je suis ravi de l'apprendre.
Il se relève. Mon cœur saute dans ma poitrine. Non ! Non, pitié ! Pas après tout ça !
– Ne partez pas ! explosé-je.
Ma gorge m'élance tant j'ai crié ces dernières minutes.
Je m'apprête à reprendre, mais l'infirmière me devance :
– Mais il saigne !
Ah ? Un coup d’œil par-dessus mon épaule m'apprend que mon plâtre est taché de rouge. On pourrait presque croire à l’un de ces dessins que se font les amis quand ils ont un plâtre. Mais je n'ai pas – ou plus – d'amis. Ce n'est pas un dessin, mais mon propre sang.
– Mr Grace ! je reprends sans laisser le temps à la dame de s'inquiéter. Je... je suis désolé. Pour tout ! Pour votre famille, pour vous, pour... pour le choix que je n’ai pas réussi à faire.
– Ton choix est fait, pourtant. En restant muet, tu as refusé ma proposition. C'est trop tard pour regretter, mon garçon, répond doucement Mark Grace, mais sans une once de pitié.
– Je vous en prie, supplié-je en me redressant sur les genoux.
Quelque chose craque. Mais je ne ressens plus rien. Sauf la reconnaissance que j'ai envers l'homme qui se tient devant moi. À son tour, il se remet debout, le visage fermé.
– J’avais peur. Je m'en veux. Oh ! je regrette tellement ! S'il vous plaît...
Je le vois frémir.
– Tu crois m’apitoyer, pourriture, avec tes larmes et tes blessures ?
– Non, avoué-je aussitôt d’un ton rauque.
– Tu crois que Jade, Holly et Alison accepteraient que leur meurtrier vienne vivre dans leur maison, s'assied là où elles mangeaient, dorme dans leur lit, utilise leur salle de bains ?
– Non.
– Tu crois que mon offre de vie a été facile à prendre pour moi ?
– Non...
– Tu crois que j'ai envie d'adopter un sale merdeux comme toi ?
– N-Non... bredouillé-je, terrifié par l’aura puissante qui se dégage de lui.
– Tu crois que je suis sensible à l'abandon dont tu as été victime ? À la maltraitance que t'ont affligée tes différentes familles d'accueil ? À la perte de ton meilleur ami ?
– Non...
– Eh bien, tu te trompes.
Je cligne de yeux. Je relève ces derniers vers Mark Grace. Il me toise de toute sa hauteur, implacable. Il me fait penser à un lion. Un lion majestueux et fier.
Et moi, je suis sa proie. Je suis à sa merci.
Entre ses griffes acérées, il tient ma vie.

Toujours agenouillé, j'ai soudain le besoin impérieux de me courber. Les mains posées à plat devant moi, je baisse la tête jusqu'à ce que mon front touche le sol froid. Je vois mes propres larmes tomber.
– Pardonnez-moi, soufflé-je d'une voix rauque. Pardonnez-moi pour ce que j'ai fait. (J'inspire une précieuse bouffée d'air. Mon courage diminue de seconde en seconde.) J-J'ai besoin de vous. J'aimerais venir vivre avec vous ! Je vous en prie, apprenez-moi à devenir quelqu'un de bien.
– Et pourquoi donc ferais-je ça ?
– Je... paierai ma dette. J'obéirai et ferai tout ce que vous me demanderez. Si vous n'avez pas envie ni besoin de moi, je... je n'insisterais pas. (Je commence à trembler de partout et j’ai de plus en plus mal. Je ne tiendrai plus longtemps.) Mais... si-si votre proposition tient toujours et que vous acceptez de revoir mon choix alors je... j'aimerais rester avec vous.
Un désir douloureux fait brûler une flamme dans le creux de ma poitrine.
– Je veux vivre.


Dernière modification par louji le sam. 28 sept., 2019 11:53 am, modifié 4 fois.
DanielPagés

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par DanielPagés »

Tu sais miss, tu publies trop vite ! en ce moment tout le monde est dans la fin des exams à la fac ou dans les bacs et brevets blancs ou dans la dernière ligne droite vers le bac... alors les lecteurs du forum sont peu nombreux... ;)
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

DanielPagés a écrit :Tu sais miss, tu publies trop vite ! en ce moment tout le monde est dans la fin des exams à la fac ou dans les bacs et brevets blancs ou dans la dernière ligne droite vers le bac... alors les lecteurs du forum sont peu nombreux... ;)

Oh... J'ai moi-même des examens et je vois partout les craintes des Booknautes mais je n'y ai même pas pensé :? :oops:
Sage conseil Daniel, comme toujours... ;) Merci :)
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

Bonjour à tous, voilà la suite :D La 1ère partie se termine avec ces deux derniers chapitres. En espérant que la 2ème partie vous plaise tout autant que la première.
Merci à tous ceux qui lisent et commentent, ça me fait énormément plaisir et c'est très encourageant! :mrgreen:




10
Nouveau départ



Mes paupières collent lorsque je me réveille d'un sommeil sans songes. Ma gorge me fait mal. Mon ventre palpite douloureusement. Ma respiration est sifflante. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Groggy, je me redresse dans le lit. Je suis dans ma chambre. Je fixe sans comprendre la lumière qui filtre entre les volets fermés. Je ne me rappelle même pas m'être couché...
Soudain tout me revient. Oh ! bordel ! J'examine mon torse dénudé. Une ecchymose violacée aux bords jaune recouvre mon flanc droit. Je comprends mieux pourquoi j'ai si mal... Quand je tourne la tête vers la porte, j'aperçois une bouteille d'eau minérale posée sur ma table de nuit. Alors, je me souviens de quelqu'un me versant de l'eau dans la bouche. Mark.
Je me lève, me dirige en titubant – ouais, bon, je ne suis pas totalement réveillé – vers ma commode et attrape un t-shirt gris souris que j'enfile. J'ouvre la porte de ma chambre à la volée et reçois en pleines narines une odeur de désinfectant et de savon. Mes yeux cherchent frénétiquement une flaque jaunâtre. Bon. Mark a tout nettoyé. La culpabilité que je ressens depuis plusieurs minutes augmente. Mais qu'est-ce qui m'a pris hier ?
À toute vitesse, je dévale les marches en bois de l'escalier, qui grincent sous mes pas. Pour la discrétion, c'est raté.

Je trouve Mark dans la cuisine, assis du côté de la porte-fenêtre, comme à son habitude. Cependant, il n'est pas installé de manière normale. Calé contre la table, il est face à la fenêtre. En temps normal, il regarde à peine dehors.
– Mark ?
Il sursaute légèrement et tourne le haut du corps dans ma direction. Apparemment, il ne m'a pas entendu arriver. C'est étonnant, j'ai fait pas mal de bruit en descendant.
– Oh, Zach. Désolé, je t'ai pas entendu.
C'est que tu devais être vraiment plongé dans tes pensées !
– Tu as pas trop mal dormi ? continue-t-il en reprenant sa position initiale.
– 'Ai pas fait de cauchemars, murmuré-je sans y croire moi-même tant c'est étonnant. Je crois que c'est la première fois en cinq ans.
– Tu étais tellement... fatigué hier que ce n'est pas très surprenant.
Il a hésité sur l'adjectif à employer. Je me mords les lèvres. Le fossé entre Mark et moi a recommencé à s'élargir et je n'aime pas ça. Il faut que je fasse quelque chose.
– Je suis désolé pour hier, je reprends en m'avançant dans la cuisine. J'ai complètement déconné. Je... bordel, j'ai sacrément merdé. Je ne voulais pas t’insulter comme ça.
Mark ne répond rien, se contentant de fixer la balançoire rouillée qui stagne au fond du jardin.
– Moi aussi, je suis désolé.
Euh... j'ai bien entendu ? Mark s'excuse – et avec sincérité !
– P-Pourquoi ? bredouillé-je, ahuri.
– Je n'aurais jamais dû te parler comme je l'ai fait, Zachary. Je n'aurais pas dû lever la main sur toi. Cela était justifié et efficace au début, quand tu étais plus jeune et plus arrogant. Mais maintenant ? Aucune raison de le faire. (Il se lève de sa chaise et se place face à moi.) Je n'aurais pas dû te défier au combat. Regarde dans quel état ça t'a mis ! C’était aussi mature et intelligent que ton insulte.
Je ne peux m'empêcher de rougir. Je ne suis pas bien fier de la prestation biliaire que j'ai effectuée la veille... Encore moins d'avoir lamentablement perdu face à Mark.
– J'en ai pas dormi de la nuit, tu sais, souffle-t-il sans croiser mon regard. À te voir gémir de douleur, je me suis demandé comment j'avais pu te faire ça. Et... quand tu as pleuré, dans mon bureau... je m'en suis vraiment voulu.
– Mark...
– J'étais si en colère contre toi... j'en ai perdu la raison. Excuse-moi. Tu avais raison, Zach, je te traitais comme un animal ces derniers temps. (Il plonge ses yeux sombres dans les miens.) Et tu es loin d'être un animal. Je comprends mieux la raison de ta révolte.
– Non, non, balbutié-je en secouant les mains. Moi aussi j'ai fait des conneries, Mark.
– Même, réplique-t-il en s'appuyant contre un plan de travail.
Je reste muet. Je ne l'ai jamais vu aussi... las, fatigué, sans énergie. Ses traits sont tirés, ses épaules affaissées, ses yeux deux lacs d'épuisement.
– Tu n'es encore qu'un gosse. Faut pas que je l'oublie.
– Mark, j'ai dix-sept ans, soufflé-je en m'approchant.
– Justement, lâche-t-il avec un rire amer. Un môme.
Il reste silencieux quelques secondes puis reprend d'une voix rauque :
– T'as bien fait de rendre les coups à Anthony et Maximilian, c'est tout ce qu'ils méritaient, ces deux-là. (Je le dévisage avec stupéfaction. Ai-je bien entendu ?) Je suis désolé de t'avoir giflé, de t'avoir crié dessus, engueulé et tout le reste... T'es plus le sale merdeux que j'ai adopté il y a cinq ans. Tu es un homme physiquement et, s'il reste quelques détails à régler mentalement, tu seras bientôt un adulte responsable. Enfin j’espère.
– Euh... je suis qu'un gamin ou un adulte ? demandé-je, curieux.
Parce que le vieux lion commence à se contredire, là.
Mark me lance un regard furibond. Oups. Je l'ai vexé...
– Sale... commence-t-il avant de soupirer.
D'un grand pas, il s'approche de moi. Instinctivement, je ferme les yeux en me contractant. Mais la gifle ne vient pas. Mark se contente d'ébouriffer mes cheveux, me laissant éberlué.
– C'était une belle dégueulée que tu nous as faite, hier.
Je sens mes oreilles chauffer. C'est très rare – extrêmement rare – que Mark ait des gestes... quoi ? gentils ? affectueux ? envers moi. Et puis bon, qu'il me rappelle la jolie façon dont j'ai repeint le plancher est aussi assez humiliant.
– Euh... o-ouais, désolé pour ça. Tu as tout nettoyé...
– Ha ! s'exclame-t-il en riant. J'allais pas attendre que la marmotte se réveille. Comment vont tes blessures ? Tu veux de l'aspirine ?
– Je veux bien, avoué-je en grimaçant.
– Si tu veux savoir, tu as une magnifique bosse sur le front.
Quand j'ouvre la bouche pour protester, il commence à rire. C'est si rare de l’entendre rire que j’en avais oublié le son. Face à cette soudaine joie, je ne peux m'empêcher de sourire.
– Tu devrais sourire plus souvent, Zach, me souffle-t-il en reprenant son sérieux.
– Et toi, tu devrais rire plus souvent, rétorqué-je en douceur.
On se fixe dans le blanc des yeux de longues secondes, prenant chacun conscience des mots de l'autre. Il finit par casser le silence avec un petit soupir.
– Tu as raison.
Dans un geste que je suppose réconfortant, il serre mon épaule et sort de la cuisine pour aller chercher des médicaments. J'attends qu'il soit parti pour gémir de douleur en sautillant sur place. Il a écrasé un de mes bleus !

Pour la première fois en cinq ans, je n'ai pas besoin de faire le rituel au petit-déjeuner. Lorsque je questionne Mark à ce propos, il répond d'une voix lointaine en secouant la main.
– Plus de rituel. Tu connais à présent Alison comme ta propre mère, Jade et Holly comme tes propres sœurs. Je sais que tu ne les oublieras jamais. Et moi non plus. Plus de chichis entre nous, mon garçon. Et je vais te faire une promesse : je ne lèverai plus jamais la main sur toi. C'est fini ces bêtises.
– O-Oh, d'accord... Merci, Mark. Pour tout ce que tu as fait pour moi.
– Je l'ai aussi fait pour moi, Zach. Il me fallait quelqu'un pour pouvoir m'en sortir. Dieu seul sait ce que j'aurais pu faire quand j'étais plongé dans ce gouffre de chagrin après la mort de ma famille.
Je dois pincer les lèvres pour contrer les larmes qui me montent aux yeux. Bizarrement, c'est l'émotion de Mark qui me rend triste. J'ai l'impression de calquer involontairement ses sentiments.
– Tu es ce quelqu'un, mon garçon.
– C'est une des rares fois où je suis quelqu'un aux yeux des autres...
– Je sais, murmure-t-il d'un air las. Tu n'as pas été gâté par la vie.
Après avoir bu une gorgée de café, il me propose dans un souffle :
– Que dirais-tu de partir d'un nouveau pied ?
– C'est-à-dire ? je m'enquiers, perplexe.
– Je n'ai aucun doute concernant ta motivation à payer ta dette. Tu fais énormément d’efforts et je m’en rends compte. (Cette révélation m'emplit de joie.) J'aimerais que, toi et moi, on prenne un nouveau départ.
Devant mon hésitation, il détaille :
– J’aimerais qu’on essaie d’être… une famille. Qu’on cesse de se toiser comme des lions en cage, qu’on apprenne à vivre ensemble correctement.
– Oui, approuvé-je d’une voix étranglée avec un hochement de tête.
Avec une expression lointaine, il m’observe un moment, grimace ce qui ressemble à un petit sourire, puis se tourne de nouveau vers la fenêtre.
Malgré la tristesse éternelle au fond de ses yeux, j’ai l’impression qu’il se tient un peu plus droit et que ses lèvres sont plus enclines à sourire.
Être une famille… ça me semble pas si mal.




10.5
Nouveau départ, nouvelle vie



Mon ouïe finit par se concentrer uniquement sur Mark Grace. L'infirmière s'agite autour de moi, je le sens. Ce que je sens aussi, c'est le regard pénétrant de l'homme sur moi.
– Tu veux vivre ?
Sa voix m'arrive pas plus forte qu'un souffle rauque. Mon champ de vision s'est restreint à une fente où seules les lignes du carrelage apparaissent. Conséquence de mon épuisement et de la douleur, mes forces me quittent de plus en plus vite.
– Avec moi, qui plus est ?
Lentement, je hoche la tête. Je me rends alors compte que j'en demande beaucoup trop. J'ai tué sa femme et ses filles, j'ai foutu sa vie en l'air.
Mon estomac se soulève : c'est fichu.
– Aly, que dois-je faire ? j'entends Mark Grace murmurer. Tu le ferais toi, à ma place ?
Des tremblements incontrôlables ébranlent mon corps.
– Aly, je ne sais pas ce que tu aurais fait. (Des froissements de tissu titillent mes oreilles puis un souffle vient caresser ma nuque.) Alors, si j'ai pris la mauvaise décision, pardonne-moi.
Je m’apprête à m'effondrer de fatigue, mais une main ferme agrippe mon épaule.
– Relève la tête, Zachary Gibson, je n'accepte pas la faiblesse.
Timidement, j'obéis. Ses yeux sombres plongent dans les miens. Il me semble qu'il lit en moi, qu'il vérifie que j'ai une âme, qu'il teste ma conscience.
Apparemment satisfait de ce qu'il a vu au fond de mes yeux, il se relève.
– J'apprécie ta détermination et la flamme de vie qui brûle en toi, petit. (Il soupire en m'examinant avec l'intérêt qu'un lion a pour un zèbre.) Toutefois, ça ne suffira pas à combler le trou qu'il y a en moi. Il te faudra plus, bien plus, pour rembourser ce que tu me dois. Fais en sorte de ne pas me faire regretter mon choix.
Sans un mot de plus, il tourne les talons et s'en va.
– En attendant, soigne-toi.
« Oui » affirmé-je avec fermeté.
À vrai dire, j'ignore si je l'ai vraiment dit à haute voix ou si je me suis contenté de le penser très fort. Une toute petite, minuscule, partie de la culpabilité qui m'étouffe s'en va.
C'est avec l'agréable impression de flotter que je sombre dans l'inconscience.

Je vais vivre.
Prendre ma revanche sur la vie.
C'est une nouvelle vie qui m'attend.


Dernière modification par louji le sam. 28 sept., 2019 11:58 am, modifié 3 fois.
15Lina15

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par 15Lina15 »

J'ai lu et du coup je suis la première :lol: .
La frontière entre Zach enfant et ado est très mince, mais on perçois quelques fois la différence, la fin est touchante. Par contre, le comportement de Mark est remarquable, on a pas été habitué à une telle douceur, et ça fait vraiment bizarre !
La suite semble prendre une toute autre direction, reste à savoir laquelle ...?
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

15Lina15 a écrit :J'ai lu et du coup je suis la première :lol: .
La frontière entre Zach enfant et ado est très mince, mais on perçois quelques fois la différence, la fin est touchante. Par contre, le comportement de Mark est remarquable, on a pas été habitué à une telle douceur, et ça fait vraiment bizarre !
La suite semble prendre une toute autre direction, reste à savoir laquelle ...?
Super, merci de ton passage! =)

Ah, oui, je vois ce que tu veux dire :') C'est vrai que j'ai du mal à me remettre dans la peau d'un enfant de douze ans... Surtout qui sort tout juste d'un accident dramatique. J'essaie de me mettre dans sa tête, d'essayer d'envisager ses diverses réactions... En espérant que ça reste quand même crédible :roll:

Oui, Mark est surprenant dans ce chapitre :lol: Mais c'est l'effet escompté ;)

Pour la suite, c'est un schéma plus classique, avec des soucis d'adolescent... La 1ère partie est, je pense, plus attrayante car elle met en place l'histoire et révèle une situation plus que complexe... M'enfin, si ça ne plaît pas, on peut toujours s'arrêter à la 1ère partie :lol:
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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par titia1311 »

Ça y est ! J'ai rattrapé mon retard :D
Toujours aussi plaisant de te lire. J'aime beaucoup le changement de comportement de Mark. Ça promet d'être intéressant pour la suite.

P.S : le chapitre 14 de Perdue dans les limbes a été publié ;)
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

titia1311 a écrit :Ça y est ! J'ai rattrapé mon retard :D
Toujours aussi plaisant de te lire. J'aime beaucoup le changement de comportement de Mark. Ça promet d'être intéressant pour la suite.

P.S : le chapitre 14 de Perdue dans les limbes a été publié ;)

Merci beaucoup pour ton passage et ton commentaire ! =)
J'espère que la suie te plaira aussi :)

Super! Je vais aller voir ;)
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

Voilà le début de la 2ème partie... En espérant qu'elle vous plaise autant que la 1ère :roll:



Deuxième partie : How I started paying my debt.


Février 2015,
Colorado, États-Unis d’Amérique,
Daree, à une cinquantaine de kilomètres de Denver




11
Sale image



C'est le refrain de Highway to Hell, d'AC/DC, qui me réveille brutalement à six heures quinze. Grognant de mécontentement, je tourne la tête pour arrêter la sonnerie de mon portable. Il m'informe que nous sommes le lundi neuf février.
Les événements de samedi – le rituel qui s'est mal terminé, la visite au cimetière avec ces enfoirés d'Anthony Greenlight et de Maximilian Daniels, les engueulades avec Mark puis, pour finir en beauté, ma peinture du parquet avec tripes et boyaux inclus – me reviennent en mémoire. Mes côtes et mon visage ne se sont pas encore remis de ma confrontation avec les deux abrutis.
Cette nuit, j'ai rêvé du moment où j'ai supplié Mark, prosterné devant lui, front collé au sol, de me garder avec lui. J'en frémis encore. C'est à partir de là qu'a commencé ma nouvelle vie. Lorsqu'il a officiellement accepté de me prendre sous son aile.

J'ai vite fait de prendre ma douche. Le miroir me renvoie une sale tête, mais je préfère me dire qu'il est sale, usé, et qu'il s'est levé du pied gauche, plutôt que c'est vraiment moi que je voie. Des mèches noires me tombent sur le front ; mes cheveux sont trop longs. Mes pommettes sont encore éraflées et j'ai de vilains cernes.
J'enfile un t-shirt noir tout simple, un jeans gris et je descends à la cuisine chiper deux barres de céréales et une brique de jus de fruit.
– Pas trop mal dormi ? lance Mark depuis son bureau.
Je fais machine arrière, tête courbée au maximum, jusqu'à arriver devant la pièce. Je suis passé devant sans remarquer qu'il était assis à son bureau, déjà prêt et habillé. Des copies d'élèves sont entre ses mains.
– Tu finis de les corriger ? Et, euh, ça peut aller pour le sommeil. Et toi ?
– Oui, il m'en restait deux. Je vais pouvoir les rendre aujourd'hui. (Il les range dans sa sacoche et se lève.) Moui, j'ai beaucoup réfléchi, si bien qu'à cinq heures, j'étais debout.
– Oh... à propos de quoi ?
– De plein de choses... répond-t-il vaguement avant de grimacer en consultant sa montre. Je vais être en retard.
Il n'est que six-heures quarante, mais, comme Mark enseigne le droit à l'université de Denver, il doit se rendre à la gare de Lake Town avant de prendre un train qui l'amène à la capitale de l’État.
Quant à moi, j'ai droit au bon vieux bus scolaire qui sert aux enfants de primaire jusqu'aux lycéens. Autant vous dire que quand une gamine de onze ans vous regarde fixement pendant vingt minutes, votre journée commence plutôt mal.
– Je rentre pas très tard, ce soir, m'informe Mark en sortant de son bureau. Tu peux m'attendre pour dîner, si tu veux.
– OK, je ferai une omelette aux champignons, ça te va ? lui proposé-je en déchirant l'emballage de ma barre de céréales.
– Parfait. Travaille bien.
– Ouais, toi aussi.
Il m'adresse un léger sourire, qui me laisse un peu perplexe, puis va enfiler son manteau en faux cuir brun et des mocassins assortis. Je dois avouer qu'il a une certaine prestance.

Lorsque je monte dans le bus scolaire, il est déjà aux trois-quarts rempli. Il ne dessert que Daree et une autre commune avoisinante, mais, comme il est petit, les enfants rentrent tout juste dedans. D'un coup d’œil général, je comprends que les collégiens et lycéens occupent le fond. Tant pis pour moi... Je suis à l'arrêt le plus éloigné, si bien que j'écope toujours des pires places.
Le visage fermé, je m'installe sur le premier siège libre que je rencontre sans oser lever les yeux vers mon voisin. J'enfonce des écouteurs dans mes oreilles pour faire comprendre que je ne veux pas être dérangé. Malheureusement, ça ne suffit pas : une petite main tapote ma cuisse, m’obligeant à faire appel à toute ma volonté pour ne pas hurler.
– Oui ? fais-je d'une voix grinçante en me tournant vers mon voisin.
Ou ma voisine. Une jeune collégienne. Des cheveux roux-blonds attachés en tresses qui arrivent de part et d'autre de ses épaules. Appareil dentaire. Yeux papillonnants. Regard qui bouge sans cesse.
Génial.
– Salut, comment tu t'appelles ?
Je la fixe d'un regard méchant, mais elle ne cille même pas. À vrai dire, je ne suis pas certain qu'elle remarque les éclairs furieux que je lui jette.
– Moi, je m'appelle Elie. Et toi ?
– Qu'est-ce que ça peut te faire ? grogné-je en tournant la tête de côté pour lui faire comprendre que notre discussion m'ennuie.
– On pourrait être amis.
Inspire profondément. Par le nez. Expire calmement. Par la bouche. OK, on reste zen.
– J'ai pas envie, me contenté-je de répondre d'un ton glacial.
– Oh... fait-elle d’un air déçu.
Accablé, je baisse prudemment la tête vers elle. « Elie » se trémousse en clignant des yeux, les mains crispées sur ses cuisses.
– Qu'est-ce que tu aimes faire dans la vie ? me demande-t-elle en regardant par la fenêtre, les joues cramoisies.
– Écouter de la musique, je réponds en lui montrant mon portable. Et maintenant, ce serait cool que tu me foutes la paix.
Avant qu'elle puisse reprendre, j'envoie une chanson de Nirvana à plein volume et ferme les yeux pour essayer de me détendre.

Le lycée que je fréquente à Lake Town est le dernier arrêt desservi par le bus. Heureusement pour moi, Elie est donc descendue plus tôt. Tant mieux pour elle. J'aurais pu la balancer par la fenêtre.
Nous sommes une dizaine à nous engouffrer dans la froideur matinale de février. Je replace mon sac sur mon épaule, plaque un masque inexpressif sur mon visage et marche d'un pas ferme vers l'entrée avec le message clair « Faites-moi pas chier ».
Ma bonne étoile fait son retour : à peine ai-je fait trois pas qu'une voix s'élève derrière moi :
– Gibson !
Les poils de ma nuque se hérissent lorsque je m'arrête.
– Alors comme ça on drague les filles de sixième ? raille Anthony Greenlight en se plaçant devant moi.
Ses cheveux châtains sont coiffés en arrière avec du gel, sa chemise et son pantalon arborent des marques connues. Son sourire carnassier me fait penser à celui d’un requin qui vient de trouver sa proie. Et sa proie, c'est moi.
– Lily Rose t'a pas emmené ? soufflé-je en haussant un sourcil. Vous vous êtes disputés ?
À ma grande satisfaction, la colère assombrit ses yeux et plisse ses lèvres.
– Ça te regarde pas. (Il vérifie qu'il y a assez de monde autour de nous puis crie : ) Le monstre a choisi sa prochaine cible : la petite Elie, une fille du collège privé d'à côté.
Des lycéens, certains que je reconnais pour être avec moi en cours et d'autres de Daree, se tournent vers nous avec des expressions perplexes. En me voyant, le dégoût déforme leurs traits et une sorte de... de peur traverse leurs yeux fuyants. J'ai l'impression qu'on compresse mon cœur pour ensuite essayer de l'arracher de ma poitrine. Je serre la bride de mon sac de toutes mes forces et balance un regard plein de haine à Anthony, dont le visage rayonne.
– Alors, le monstre, l'assassin, le meurtrier, comment vas-tu tuer Elie ?
– La ferme, grogné-je en reprenant ma route. Je vais être en retard.
– Comme si les cours t'intéressaient ! pouffe-t-il en se mettant en travers de mon chemin. On sait déjà ce que tu feras après le lycée : tu choisiras tes cibles avec soin – des petites filles, si possible – tu les kidnapperas, les violeras (je sens mon visage devenir cramoisi à ces paroles) et... pour finir, tu les tueras !
– TA GUEULE ! explosé-je, le ventre noué de rage et de douleur. TA GUEULE, BORDEL !
Ceux qui sont autour de nous commencent à s'éloigner, effrayés par mon haussement de ton. Je sens mon cœur sombrer dans ma poitrine.
– Ne parle pas de ce que tu ne sais pas, murmuré-je d'une voix tremblante, les yeux rivés au sol. Fous-moi la paix.
Pour ne plus avoir à affronter le regard des autres, qu'ils soient dégoûtés, compatissants, curieux ou haineux, je m'enfuis en courant vers le portail du lycée. Anthony a gagné. Encore. Toujours.




11.5
Le Journal : "Il était une fois..."



Dimanche 21 mars 2010, hôpital de Lake Town.

C'est Mr Grace qui m'a demandé de tenir ce journal.
« Pour mieux apprendre à te connaître », il a dit. Je sais pas quoi écrire dedans. Ça fait un peu plus d'un mois que je suis à l'hôpital et un peu moins d'une semaine que Mr Grace a accepté de m'adopter. C'est fou ce que j'ai du mal à écrire. Mon bras gauche va un peu mieux mais il est toujours plâtré. Et ma jambe droite... le chirurgien était super en colère quand il a vu l'état dans lequel j'étais après ma sortie du lit. On a dû me refaire une opération pour réparer les dégâts que j'avais causés en marchant. Je me sens un peu mal à propos de ça. Je sais pas qui va payer, mais les frais doivent être énormes !
Je me sens un petit peu mieux maintenant. Le premier mois a été horrible et j'avais la sensation que la vie ne serait plus jamais la même. J'ai toujours l'impression d'être misérable et je sais que ce que j'ai fait restera à jamais ancré en moi comme une vilaine cicatrice. Je n'ai pas connu Alison et ses deux filles, mais parfois je m'imagine parler avec elles, essayer de leur demander pardon, de leur expliquer que je ferais de mon mieux pour me racheter après ce que je leur ai fait.
Sofia, la femme de Philip, me rend parfois visite pour savoir comment je vais. Elle est gentille. C'est la première fois qu'une femme est aussi soucieuse de mon cas. Je l'apprécie. Son mari aussi. C'est l'avocat de Mr Grace et, avec l'aide des services sociaux, ils ont fait une demande auprès du tribunal pour que Mark puisse m'adopter. Je ne sais pas trop par quel miracle ils ont réussi, mais le juge a accepté.
Enfin, je suis heureux d'une certaine manière. Personne n'a jamais vraiment fait attention à moi et on peut pas vraiment dire que ce soit le cas pour Mr Grace, mais le fait qu'il m'ait accepté malgré ce que je lui ai fait est une preuve qu'il n'est pas vraiment méchant. Enfin, j'espère.
Voilà, j'ai dû m'y reprendre à plusieurs fois juste pour écrire ceci car mon bras me fait mal. J'ai pas envie d'en dire plus pour l'instant (et je sais surtout pas quoi dire).

Mardi 23 mars 2010, hôpital de Lake Town.

Mr Grace m'a grondé (pas trop méchamment, mais je me sens encore mal...) car j'ai rien marqué dans le carnet hier. Il m'a dit que je devais surtout raconter ma vie avant l'accident au lieu d'écrire ce qui me passait par la tête, mais ça me plaît pas trop. Par quoi je devrais commencer ? Il y a trop de choses à dire ! Et mon passé est nul donc j'ai pas très envie.

Mercredi 24 mars 2010, hôpital de Lake Town.

« Il était une fois... »
Quand je lui ai dit que je savais pas comment commencer à raconter mon passé, Mr Grace m'a regardé fixement et m'a dit « Tu n'as qu'à commencer par 'Il était une fois un garçon appelé Zachary Gibson...' et tu fais la suite ». Sauf que rien que ça, ça va pas, parce que je remets en question mon identité.
J'ai vécu la première partie de ma vie à l'orphelinat catholique de Lake Town. Je devais avoir deux mois tout au plus (c'est ce qu'ont dit les médecins qui m'ont ausculté) quand j'ai été abandonné. Par qui ? allez savoir. Ma mère, je suppose. La Mère supérieure de l'orphelinat m'a retrouvé sur les marches de l'accueil, dans une boîte à chaussures. C'est humiliant. C'était le début du mois de février, en 1998. Comme on ne savait pas ma date de naissance exacte, on a dit que j'étais né le 1er janvier de 1998. Même le jour de ma naissance a été décidé au pif ! La seule chose que je portais sur moi était un pyjama. Et autre chose. Un petit bout de papier glissé à côté de moi. Il y avait juste marqué « Zachary » dessus. La Mère supérieure pensait que ma mère avait choisi ce prénom pour moi. Ça me révolte, ça me donne envie de vomir ! De quel droit une personne aussi lâche au point d'abandonner son propre enfant pourrait-elle prendre une telle décision ?! J'aurais dû avoir le choix de mon prénom. Je préfère qu'on m'appelle « Zach » et je me présente toujours ainsi lorsqu'on me demande qui je suis. « Zach ». Tout simplement. Mon nom aussi a été choisi de manière stupide. C'était le nom de la marque de chaussures inscrite sur le carton dans lequel j’étais. « Gibson ». Je m'appelle « Prénom-donné-par-une-mère-inconnue Nom-d'une-marque-de-chaussures ».
J'ai tellement la rage à propos de cette histoire que je dois lutter contre les larmes. Si vous arrivez à me lire, Mr Grace, bravo car ma main tremble de colère.


Dernière modification par louji le sam. 28 sept., 2019 12:05 pm, modifié 3 fois.
15Lina15

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par 15Lina15 »

Salut, eh bien tu vois, je trouve la deuxième partie tout aussi intéressante que la première (bon même si pour l'instant il n'y a qu'un chapitre). Si le passé de Zach n'a jamais été évoqué (orphelinat…), j'avoue que je préfère la partie au présent, surement parce que le personnage est plus mature et touche un univers plus proche de moi.
Tu m'as fait découvrir que cerne était au masculin (j'ai été vérifié dans le dico) :lol:
Bien sûr, j'attends la suite, il n'y en a jamais assez.
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

15Lina15 a écrit :Salut, eh bien tu vois, je trouve la deuxième partie tout aussi intéressante que la première (bon même si pour l'instant il n'y a qu'un chapitre). Si le passé de Zach n'a jamais été évoqué (orphelinat…), j'avoue que je préfère la partie au présent, surement parce que le personnage est plus mature et touche un univers plus proche de moi.
Tu m'as fait découvrir que cerne était au masculin (j'ai été vérifié dans le dico) :lol:
Bien sûr, j'attends la suite, il n'y en a jamais assez.
Oh, merci pour la rapidité =)
Oui, bien sûr, je comprends ;) (Si ça peut te faire plaisir à entendre, la 3ème partie est uniquement au présent);

Moi non plus, je ne savais pas que "cerne" était masculin avant que Word ne me le corrige ! :lol:
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