Du rire aux larmes

Postez ici tous vos écrits qui se découpent en plusieurs parties !
Répondre
candy-suki

Profil sur Booknode

Messages : 18
http://tworzymyatmosfere.pl/poszewki-jedwabne-na-poduszki/
Inscription : mar. 10 sept., 2013 1:15 am

Du rire aux larmes

Message par candy-suki »

Bonjour à toutes et tous,

Depuis toujours j'adore écrire des histoires. Je ne suis pas un grand écrivain, ni même un petit. J'écris comme ça vient et c'est bien souvent bourré de fautes de syntaxes, je ne respecte pas toujours les règles de grammaire. J'écris comme je pense.
Aujourd'hui, j'écris un roman, une nouvelle, une web-serie, un témoignage. En fait je ne sais pas vraiment ce que j'écris, je ne sais pas encore quelle tournure aura ce que je suis en train de faire.
Je suis en quête d'avis, de critiques, d'aides aussi si il y a des motivés.

Mon fils à 3 ans, et j'écris sur le fait qu'il est atteint d'une forme d'autisme appelé Trouble Envahissant du Développement. Vous l'aurez compris, c'est un roman ultra personnel, où j'y exprime mon ressenti vis à vis de tout ça et expliquer comment se passe le quotidien.
Je n'ai pas pour espoir d'être un jour best-seller, mais j'aimerais que ce que j'écris parle à au moins une personne. Que quelqu'un se reconnaisse en moi, et se sente moins seule.

Merci à celles et ceux qui auront le courage, la patience de me lire et de rédiger un avis constructif (oupah) et Merci au forum Monde de l'écriture qui me permet de progresser et d'avancer !

Image


SOMMAIRE
Prologue : https://booknode.com/forum/viewtopic.ph ... #p20109375
Chapitre 1 : https://booknode.com/forum/viewtopic.ph ... #p20109385
Chapitre 2 : https://booknode.com/forum/viewtopic.ph ... #p20109415
Chapitre 3 : https://booknode.com/forum/viewtopic.ph ... #p20129535
Chapitre 4 : https://booknode.com/forum/viewtopic.ph ... #p20129545
Chapitre 5 : https://booknode.com/forum/viewtopic.ph ... #p20129565
Chapitre 6 : https://booknode.com/forum/viewtopic.ph ... #p20152105
Chapitre 7 : https://booknode.com/forum/viewtopic.ph ... #p20192575
Chapitre 8 : https://booknode.com/forum/viewtopic.ph ... #p20203975
Dernière modification par candy-suki le dim. 11 mars, 2018 11:07 am, modifié 10 fois.
candy-suki

Profil sur Booknode

Messages : 18
Inscription : mar. 10 sept., 2013 1:15 am

Re: Du rire aux larmes

Message par candy-suki »

PROLOGUE

Je m’appelle Emeline. J’ai deux enfants. Adam et Ambre. J’ai un chat aussi, très souvent pénible mais c’est le nôtre alors on le supporte tant bien que mal. J’ai un mari, ou plutôt un compagnon. Nous ne sommes pas mariés. Mais je le considère comme mon mari. Il était là à me tenir la main lors de mes deux accouchements, il était là pour donner les premiers bains lorsque j’étais trop fatiguée pour le faire. Il était là pour me laisser faire la sieste après une nuit agitée. Nous avons un compte joint et une très jolie maison. Alors peu importe ce qu’en dit l’état civil, c’est mon mari. Et ce n’est pas mon annulaire sans alliance qui me fera dire le contraire. J’ai une vie agréable sur le papier. Vue de l’extérieur elle pourrait même sembler presque parfaite. Je dis bien « presque » puisque comme nous le savons, la perfection n’existe pas. Je le sais, vous le savez, alors ne nions pas l’évidence, la perfection n’est qu’un doux rêve inaccessible.

Mais malgré tout ça, ma vie n’est absolument pas parfaite. Je suis une mère que l’on n’appelle pas « maman ». Je suis une mère poule qui ne peut pas cajoler son poussin. Je suis une mère sans patience. Une mère épuisée. Une mère à bout. Une mère comme il en existe beaucoup et que l’on ne soupçonne pas parce que c’est tabou. Une mère que l’on juge souvent au supermarché, dans les salles d’attentes, partout. Je suis une mère imparfaite pour un enfant imparfait.

Mon fils, Adam, a 3 ans. Il ne parle pas. Il n’est pas muet non. Mais il ne sait pas parler. Il babille comme un bébé. Son seul mot compréhensible est « non ». Il ne l’a appris que très récemment. Beaucoup diront qu’un enfant apprend à parler à son rythme, c’est ce que l’on m’a répété jour après jour quand j’étais inquiète à l’idée qu’il ne parle toujours pas lorsqu’on a soufflé ses deux bougies l’an passé. Mais pour Adam, le problème est plus profond. Il est ancré en lui et je ne sais absolument pas quoi faire pour l’aider.
Mon fils est autiste.
Dernière modification par candy-suki le jeu. 22 févr., 2018 3:53 pm, modifié 1 fois.
candy-suki

Profil sur Booknode

Messages : 18
Inscription : mar. 10 sept., 2013 1:15 am

Re: Du rire aux larmes

Message par candy-suki »

CHAPITRE 1

Quand Adam était bébé, c’était un enfant très prenant au quotidien. Il ne pouvait pas dormir ailleurs que dans mes bras. Il refusait qu’on le pose. Notre technique ? Une super poussette pour le promener autour de ma table de salon. Une technique qui ne marchait pas toujours puisque je pouvais y passer des heures pour l’endormir. Je me souviens d’une fois où Pierre, mon conjoint, travaillait jusque 22h00. Quand il est finalement rentré, je promenais Adam depuis déjà deux bonnes heures sans réussir à le calmer. Rien ne marchait. Je tournais en rond dans la maison en chantant des comptines idiotes pour la plupart. Je ne sais pas si ça vous est déjà arrivé de chanter des comptines mais c’est très vite fatiguant. Ce soir-là, je n’en pouvais plus. J’avais fait tout ce que je pouvais mais je n’y arrivais pas. Pierre a vu que je ne tenais plus, que j’étais à bout de nerf. Il a pris le relai. Moins de dix minutes plus tard, Adam s’est endormi dans sa poussette en écoutant son père chanter les mêmes comptines idiotes que moi. Ce soir-là, je suis allée prendre une douche pour pleurer. J’ai laissé couler tout le flot de tristesse qui menaçait de sortir depuis quelques jours. C’était la première fois dans ma vie de mère que je ressentais un échec. Un profond moment de solitude et d’incompétence. Je savais que je n’aimais pas vraiment les bébés. Mais j’aimais profondément mon bébé et le voir accorder à son père ce qu’il m’avait refusé à moi était une chose atroce pour moi à ce moment-là. J’aimerais vous dire que c’est le seul moment où j’ai ressenti cette tristesse et cette impuissance mais c’était malheureusement la première fois d’une longue série d’instants comme celui-ci.
Malgré cela, les semaines passaient et je me sentais de plus en plus à l’aise dans mon nouveau rôle de « maman ». Je n’ai jamais aimé les bébés. Ce n’est pas intéressant. Je les préfère de loin quand ils ont trois ans, qu’ils commencent à parler et qu’on peut avoir de vraies discussions avec eux. On peut faire plein de choses avec un enfant de trois ans. Alors qu’avec un bébé ce n’est pas facile d’occuper les journées, surtout quand elles commencent très tôt le matin. J’avais beau l’aimer de tout mon cœur, j’avais hâte que ses trois ans arrivent.
À cette époque-là, je regardais la télé en lui donnant le biberon. Non pas que je ne voulais pas le regarder lui mais il tournait systématiquement la tête lorsqu’on le regardait. Alors pour le laisser tranquille, je me suis mise à regarder des séries pendant les biberons et aussi quand je le berçais dans sa poussette. Ça m’aidait à passer le temps plus facilement et tourner autour de la table m’apparaissait moins fastidieux. Alors j’ai continué.
Et puis un jour, alors qu’Adam était dans son parc, il devait avoir environ 6 mois à ce moment-là, il s’est scotché devant la télé et était captivé par les images qui apparaissaient devant lui. Il se mettait à rire devant certaines images. Nombreux sont les parents qui me diront que la télé est très mauvaise pour les tout-petits mais je ne voyais pas le mal à laisser une télé allumée dans mon salon. J’avais grandi avec moi aussi. Ce soir-là j’ai dit à Pierre que quitte à laisser la télé allumée en présence d’Adam, autant mettre des images apaisantes pour lui. Ce jour-là on a enclenché les comptines sur YouTube pour la première fois. Et Adam était de nouveau scotché devant les couleurs et la musique. Ça l’apaisait et ça l’aidait à s’endormir beaucoup plus facilement qu’en le berçant. C’était assez étrange à voir. On l’installait dans son cosy et il se berçait tout seul. Il balançait les jambes pour que le cosy se mette à bouger. Il s’endormait très rapidement et c’est vite devenu une habitude. Lorsqu’on le sentait fatigué, on l’installait devant les comptines et peu de temps après il s’endormait de lui-même en se berçant. Plus de cris, plus de larmes, moins de stress. Un miracle à ce moment-là de pouvoir enfin se reposer.
Je vois déjà le scandale que je pourrais provoquer avec ces paroles. « Oh mon dieu elle fait des enfants pour les mettre devant la télé, quelle honte ! ». Mais j’assume. Je suis partie du principe que les enfants ressentent tout ce que nous ressentons. Toute la tristesse, la peur et le stress que j’avais accumulés depuis des semaines, des mois même, mon fils pouvait la ressentir. Grâce à la télé, je pouvais m’octroyer un petit moment de répit et me sentir mieux. Il était devenu plus facile pour moi de m’occuper de mon fils sans avoir envie de pleurer quand je n’y arrivais pas. Je pouvais m’occuper de lui sans avoir peur de mal faire. J’avais un tout nouvel état d’esprit qui m’aidait à supporter la fatigue physique et morale. Alors pourquoi s’en priver ? Ce n’est pas comme si je le laissais seul dans une pièce. Non j’étais juste à côté de lui. Je le regardais, lui souriait, et parfois je le prenais dans mes bras pour regarder les comptines. Mais ce n’était pas son endroit préféré. Il préférait de loin son cosy pour se balancer seul. On a continué comme ça.
Quand il a commencé à tenir debout, il est apparu un signe qui pour moi ne voulait dire qu’une seule chose : mon enfant est autiste.
Il s’est mis à se balancer de droite à gauche, d’un pied sur l’autre. Il regardait toujours la télévision mais ne pouvait pas s’empêcher de se balancer.
J’ai repensé à une petite fille que j’avais connue lorsque je travaillais dans l’école maternelle de la ville voisine. Elle était autiste et se balançait de la même façon qu’Adam. De manière répétitive. Comme un TOC. Je ne sais pas si c’est mon côté professionnel de la petite enfance qui m’a fait m’alarmer comme ça ou si c’est juste l’instinct maternelle mais ce jour-là j’en ai parlé à ma mère lorsqu’elle est passée nous voir.
- Nan mais regarde-le, on dirait un enfant autiste à se balancer comme ça.
- Oh mais arrête ! Tu dis n’importe quoi.
- Je t’assure, j’ai connu une petite fille qui faisait exactement pareil. Elle était autiste.
- Tu vas porter malheur à dire des trucs comme ça.
J’avais volontairement choisi de dire cette phrase sur le ton de l’humour. Je pense que ce que j’attendais c’était qu’on me détrompe. Qu’on me dise que non. Du moins à ce moment-là c’est ce que je voulais. Qu’on me dise que tout irait bien.
Les jours suivants, Adam se balançait toujours. Et puis, j’ai commencé à entrevoir d’autres petites choses. Des petites choses qui paraitraient anodine à n’importe qui. C’est d’ailleurs ce que les gens autour de moi n’arrêtaient pas de me dire. Que ce n’était rien. Que ce n’était pas grave. Qu’il fallait arrêter de voir le mal partout. Mais je ne les écoutais pas vraiment. J’ai continué d’observer mon fils. Je me suis documentée pour savoir ce qu’un enfant de cet âge aurait dû être capable de faire. J’ai lu tout un tas d’article sur les retards mentaux, l’autisme et autres maladies dont je ne me souviens même plus du nom. C'est à ce moment-là que j'ai voulu qu'on arrête de me dire que tout irait bien.
Dernière modification par candy-suki le jeu. 22 févr., 2018 3:54 pm, modifié 1 fois.
candy-suki

Profil sur Booknode

Messages : 18
Inscription : mar. 10 sept., 2013 1:15 am

Re: Du rire aux larmes

Message par candy-suki »

CHAPITRE 2

Les mois passaient et je n’arrêtais pas d’observer sa façon d’être. La télé était devenue une habitude tant elle permettait de le calmer. Il était devenu grognon en permanence quand la télévision était éteinte ou qu’un programme ne lui plaisait pas. Il avait un peu plus d’un an et il ne disait toujours pas « maman » ni « papa ». Il les avait pourtant dit, quelques fois, il en était capable. Mais il ne les a jamais dits en nous regardant. C’était un babillage qui n’avait pas de sens pour lui. Pire, quand on essayait de lui parler, il se mettait à hurler et tournait la tête pour ne pas nous voir. Les repas se passaient en silence donc. On devait lui parler sans le regarder directement sinon c’était la crise. Comment apprendre à parler à un enfant qui ne souhaite pas qu’on lui parle ? Mais comme on me le répétait autour de moi, il n’avait pas envie de parler. Il finirait bien par s’y mettre. C’était faux. Il ne s’y est jamais mis.

C’est une période où je me suis beaucoup interrogée sur mon rôle de maman. Je voyais des enfants de son âge autour de moi. Des enfants qui parlaient, mal, mais qui parlaient. Des enfants qui regardaient leurs parents quand ils parlaient. Et mieux que ça, des enfants qui comprenaient ce qu’on leur disait.

J’ai fini par comprendre qu’Adam ne parlait pas mais que pire encore il ne comprenait pas non plus ce qu’on pouvait lui dire. Lorsqu’il se mettait à pleurer, on ne pouvait pas le consoler. Les paroles réconfortantes qu’on pouvait prononcer résonnaient dans le vide. Il continuait de pleurer. C’est assez étrange comme sentiment. En tant que mère, vous êtes la première personne que votre enfant va voir quand il a un chagrin. Vous êtes la personne qui doit le rassurer, lui dire que tout ira bien. Mais dans mon cas, je me sentais impuissante. Je ne pouvais pas le rassurer. Je ne pouvais pas lui parler sans qu’il hurle encore plus.

À cette époque-là, beaucoup avaient leurs théories autour de moi.
« Il ne veut pas comprendre. » « Il fait semblant de ne pas comprendre. » « Il comprend quand ça l’arrange. » « Ne cède pas à ses caprices. »
On y était. Les caprices.

J’ai toujours eu des principes d’éducation dus à ce que je pouvais voir en tant que professionnelle de la petite enfance. J’ai vu des tas de parents, tous avec des manières éducatives différentes. Que ce soit dans mon travail ou dans ma vie personnelle. J’ai toujours su ce que je voulais faire avec mes enfants et ce que je ne voulais surtout pas faire. C’est le genre de principes qui vous collent à la peau.

« Jamais je ne céderais aux caprices de mon enfant. » « Jamais je ne le laisserais rien manger au repas et le laisser se gaver de desserts ensuite. » « C’est moi l’autorité, ce n’est pas lui. »
J’en étais devenue pénible avec ma famille. Mon frère et ma belle-sœur ont deux enfants magnifiques mais leur manière d’éduquer ne correspondait pas à mes critères. Je la trouvais trop laxiste. Les caprices étaient acceptés et les enfants en profitaient. Ils n’ont jamais été méchants, toujours polis alors céder à leurs caprices ce n’était pas bien grave pour eux. A l’époque ça me paraissait complètement aberrent. Mais c’était avant Adam.

Il a commencé à avoir des crises. De violentes crises de colères quand il n’avait pas ce qu’il voulait. Malheureusement pour nous, c’était difficile de savoir ce qu’il voulait dans la mesure où il ne parlait pas. Ces crises de colères devenaient violentes envers tout ce qui l’entouraient. Les objets, les jouets, nous…

Je ne sais pas combien de claque il a pu me mettre depuis le début de ses crises. J’ai arrêté de compter au bout d’un moment, entre les coups de pieds et les coups de poings c’était devenu ingérable au quotidien. Les crises pouvaient durer toute la journée. Si on lui refusait quelque chose le matin, il pouvait entrer en crise et ne plus en sortir. Il se calmait uniquement devant la télé, pendant un certain temps, et puis il recommençait.

C’est à ce moment-là que je me suis pris en pleine tronche une phrase qui me reste encore en travers de la gorge. Je ne sais plus qui l’a prononcée et je pense que ce n’est pas plus mal.
« Tu vois, tu disais toujours que tu ne voulais pas céder aux caprices mais là c’est ce que tu fais ».
J’en étais arrivée là. Céder aux supposés caprices. Céder pour ne pas le stresser. Céder pour ne pas le mettre en colère. Céder pour éviter les bagarres. Céder pour ne pas le détester à chaque fois que je me prenais un coup. Pour ne pas me détester.

Je cédais à ce qu’on appelait ses caprices de plus en plus souvent. Il voulait manger une compote à 11h45 ? Et bien qu’il la mange. Il voulait sortir dehors en chaussette ? Et bien soit mon sol sera sale quand il rentrera. Je cédais. Je cédais. Je cédais.

J’étais épuisée. Je ne souhaitais pas me bagarrer en permanence avec lui alors je profitais des rares moments de calme devant la télé pour tenter de lui faire des câlins. Câlins qu’il nous refusait bien souvent. Il ne nous embrassait pas non plus. Il tournait la tête. Je ne sais pas si vous imaginez la douleur qu’on peut ressentir quand votre enfant refuse que vous lui fassiez un bisou. Mais c’est une douleur sourde, qui vous brise le cœur et vous rappelle que vous êtes une mère minable. Cette douleur je l’ai ressentie presque chaque jour jusqu’à aujourd’hui.

J’ai compris bien plus tard, que ce n’était pas des caprices. C’était juste lui. Il ne comprenait pas ce qu’il se passait autour de lui. Il ne comprenait pas qu’on puisse lui refuser une compote avant de manger. Il ne comprenait pas pourquoi on lui refusait. Il avait faim alors pourquoi est-ce que sa mère ne lui donnait pas à manger ? On ne pouvait pas expliquer nos refus. On ne pouvait pas faire en sorte qu’il comprenne.

Je me suis sentie coupable. Coupable de céder aussi facilement à ses crises. C’était encore une fois un échec de ma part.
Un échec d’éducation.
Dernière modification par candy-suki le jeu. 22 févr., 2018 3:55 pm, modifié 1 fois.
Tic-Tac_Tu-Crak

Profil sur Booknode

Messages : 495
Inscription : lun. 25 oct., 2010 5:58 pm

Re: Du rire aux larmes [Temoignage maman d'un enfant Autiste]

Message par Tic-Tac_Tu-Crak »

Salut !

Je suis partagée. J'ai 21 ans, pas d'enfant, plongée dans mes études et jamais eu d'autistes dans mon entourage. Je connais pas ce monde et pourtant je suis profondément touchée. D'un côté, je suis prise entre l'envie de te réconforter, de trouver des mots pour apaiser la douleur que tu décris... mais je sais bien que les mots d'une jeune adulte qui commence à peine à connaître la vie ne peuvent pas grand chose face à ta douleur. De l'autre, j'ai envie de poursuivre ma lecture, de continuer sur d'autres chapitres. En en sens, je suis égoïste. J'aurais voulu ne jamais lire ce texte car il est le pur produit d'une souffrance et pourtant... pourtant, je l'ai cruellement apprécié - parce qu'il est authentique et sincère - et j'ai envie d'en apprendre d'avantage et de comprendre. Merci d'avoir partagé cela, j'espère que tu trouveras la force de dépasser cette épreuve et que vous trouverez ensemble un équilibre et du bonheur.
candy-suki

Profil sur Booknode

Messages : 18
Inscription : mar. 10 sept., 2013 1:15 am

Re: Du rire aux larmes [Temoignage maman d'un enfant Autiste]

Message par candy-suki »

Tic-Tac_Tu-Crak a écrit :Salut !

Je suis partagée. J'ai 21 ans, pas d'enfant, plongée dans mes études et jamais eu d'autistes dans mon entourage. Je connais pas ce monde et pourtant je suis profondément touchée. D'un côté, je suis prise entre l'envie de te réconforter, de trouver des mots pour apaiser la douleur que tu décris... mais je sais bien que les mots d'une jeune adulte qui commence à peine à connaître la vie ne peuvent pas grand chose face à ta douleur. De l'autre, j'ai envie de poursuivre ma lecture, de continuer sur d'autres chapitres. En en sens, je suis égoïste. J'aurais voulu ne jamais lire ce texte car il est le pur produit d'une souffrance et pourtant... pourtant, je l'ai cruellement apprécié - parce qu'il est authentique et sincère - et j'ai envie d'en apprendre d'avantage et de comprendre. Merci d'avoir partagé cela, j'espère que tu trouveras la force de dépasser cette épreuve et que vous trouverez ensemble un équilibre et du bonheur.
Et pourtant tes mots me font du bien. Pas parce que tu compatis à ma douleur mais parce que tu ressens ce que je veux transmettre. Je ne souhaite pas qu'on s’apitoie sur mon sort mais simplement que les gens comprennent ce que c'est qu'être un parent d'enfant autiste, que les parents d'enfants autiste comprennent qu'ils ne sont pas seuls à ressentir des émotions parfois terrible envers leurs enfants. Alors je te remercie, tu es la première personne en dehors de mon entourage à m'encourager, à me dire que tu comprend ce que je veux faire passer à travers cet écrit.
Je vais poster la suite, je dois en être au chapitre 15 maintenant, et je n'ai pas encore finis !
candy-suki

Profil sur Booknode

Messages : 18
Inscription : mar. 10 sept., 2013 1:15 am

Re: Du rire aux larmes [Temoignage maman d'un enfant Autiste]

Message par candy-suki »

III. CHAPITRE 3

Avant d’avoir Adam, j’ai dû passer par la case traitement hormonal pendant deux ans pour finalement réussir à tomber enceinte. Un vrai bonheur, une joie immense de voir que j’avais réussi. Que j’étais capable de tomber enceinte. Une joie qui n’a été que de courte durée. Le cœur de mon bébé s’est arrêté à environ cinq semaines de grossesse. Je ne l’ai su qu’après douze semaines. J’ai annoncé ma grossesse sans savoir que j’étais enceinte d’un bébé déjà mort. Une période de ma vie que je vis encore très mal mais avec laquelle j’ai appris à vivre. Et après tout comme beaucoup ont su me le dire : « Il y a pire dans la vie, tu aurais pu le perdre à la naissance, tu as évité le pire. » Seule une personne a su trouver les mots justes à ce moment-là. Sandra, une de mes plus proches amies avec qui je travaille à l’école. Il n’était pas question de me dire que si j’avais fait une fausse couche c’était parce que l’enfant n’était pas viable ou peu importe les choses que les gens peuvent dire pour vous réconforter. Non elle m’a dit quelque chose qui m’a touché : « Ça n’a pas marché cette fois-ci, mais le côté positif c’est que maintenant tu sais que tu peux tomber enceinte. » Parce que c’était ça toute la question à ce moment-là : serais-je mère un jour ? Est-ce que j’entendrais un enfant m’appeler maman ? Un enfant qui me ressemblerait ou qui ressemblerait à son père. J’avais terriblement peur de ne jamais réussir à devenir mère. De ne pas réussir à offrir à Pierre la chose la plus naturelle au monde.

Malgré ces paroles, je ne voulais plus d’enfant. Du moins pas dans l’immédiat. Pierre et moi avions décidé d’arrêter le traitement afin de digérer la perte de cet enfant avant de vouloir en avoir un autre. Cela peut paraitre extrême de considérer ça de cette façon, après tout je n’étais qu’au début de ma grossesse. Mais perdre cet enfant, c’était renoncer à l’avenir que j’avais imaginé avec lui. C’était une joie de me dire que j’avais réussi à tomber enceinte mais une immense tristesse de me dire que je n’arrivais pas à le garder. Je me suis sentie coupable. Il était sous ma protection, dans mon ventre, et je n’ai pas su le protéger. J’ai vraiment vécu ça comme un échec. Un échec qui trois ans plus tard me rend encore triste. J’y pense tous les jours.

Malgré notre décision d’arrêter le traitement, je suis finalement tombée enceinte d’Adam le mois suivant. Le retour de couche comme on appelle ça. Je n’ai pas sauté de joie quand le test m’a donné le résultat positif. J’en ai pleuré. Je n’étais pas heureuse. Je n’avais pas encore digéré la fausse couche. Je n’avais pas de travail à ce moment-là mais j’étais en période d’essai pour travailler dans une librairie, travail que j’avais mis du temps à trouver. J’allais enfin avoir un poste longue durée. La patronne ne m’appréciait pas et me le faisait bien sentir tout au long de la journée. Je rentrais tous les soirs en pleurs. Quand j’ai appris que j’étais enceinte, c’est Pierre qui m’a dit de quitter ce job.
« On a déjà perdu un bébé, je ne veux pas que tu ailles travailler là-bas si c’est pour te stresser, ça sera mauvais pour ta grossesse. »
De toute façon, je n’étais qu’en période d’essai via un stage. Je n’avais signé aucun contrat. La grossesse ne m’aurait pas permis d’obtenir le poste. Qui engagerait quelqu’un sur le point de prendre un congé ? Et je m’en suis voulu d’être tombée enceinte. J’aurais peut-être pu obtenir le poste et supporter la mauvaise humeur de la patronne. J’aurais eu un travail bien rémunéré et on aurait pu avoir une meilleure situation avant de décider d’avoir un enfant. Mais ça ne s’est pas passé comme cela. J’étais enceinte et il était impensable pour moi d’avorter. Alors j’ai quitté le stage, en disant à la patronne que ça ne le faisait pas entre elle et moi et qu’il était inutile d’insister. Je suis partie sans me retourner. Elle n’a pas cherché à me retenir non plus.

Quelques jours plus tard, j’ai annoncé ma grossesse à ma belle-sœur, la femme de mon frère. Elle était ravie pour moi. Mais je me suis mise à pleurer. Je ne voulais pas de ce bébé. Je me souviens que lorsqu’elle m’a demandé pourquoi je n’étais pas heureuse je lui ai répondu :
« Il y a un mois j’ai expulsé un bébé dans les toilettes, comment veux-tu que je sois heureuse à l’idée d’en porter un autre ? »
Parce que c’est comme ça que ça se passe quand vous faites une fausse couche. Si le bébé ne s’expulse pas de lui-même, on vous donne un petit médicament qui vous provoque des contractions. Et on doit expulser « l’œuf » dans les toilettes. En vérifiant qu’il est bien parti. C’est une chose horrible de tirer la chasse d’eau sur l’enfant que vous portiez. Ce moment restera gravé en moi. C’est en grosse partie pour ça que je ne voulais pas retomber enceinte.

Mais c’est arrivé. J’ai angoissé durant toute la grossesse et je stressais à chaque échographie. Je ne voulais pas entendre encore une fois que le cœur de mon bébé ne battait plus. Et puis 9 mois plus tard, il a pointé le bout de son nez. Un petit blond de 4,155 kg. Un petit être vivant qui venait de mon ventre. Mais là encore j’avais du mal à accepter. J’ai mis quelques jours avant de me dire que je l’aimais, quelques semaines même. Que ce bébé était le mien et que je ferais n’importe quoi pour lui. A ce qu’il parait c’est fréquent chez les nouveaux parents d’avoir un moment de rejet. Il n’a pas duré si longtemps que ça donc j’ai oublié.

Alors quand Adam a commencé à présenter des signes... J’étais à bout physiquement mais surtout moralement. Je savais qu’il y avait un problème. Un enfant fait des caprices mais de là à faire des crises de colère comme ça, ce n’était pas normal. Ce n’était pas normal qu’il ne parle toujours pas, ne serait-ce que quelques mots. Ce n’était pas normal qu’il ne comprenne pas ce qu’on lui disait. Ce n’était pas normal qu’il se balance. Ce n’était pas normal qu’on soit obligé de nous fâcher pour réussir à lui changer une couche. Il n’était pas normal. C’était désormais clair pour moi. Alors j’ai commencé à en parler autour de moi. De plus en plus.

Tout le monde autour de moi me disait d’être patiente. Qu’il était encore petit. Mais quand votre enfant a un problème, vous le sentez, vous ne pensez plus qu’à ça. La moindre petite chose bizarre qu’il peut faire, vous le remarquez et vous décortiquez ses gestes. C’est ce que j’ai vécu pendant près d’un an. J’étais persuadée qu’il avait un problème. Sûre de moi. Mais personne autour de moi ne voulait confirmer ce que je pensais. Pire encore ils essayaient de me faire changer d’avis.

Je ne sais pas ce qui est le pire. Qu’on essaye de me rassurer sur les capacités de mon fils ou que ça ne me rassure absolument pas.

Après ça, j’ai longtemps cru que j’étais idiote. Que je voyais les choses avec des yeux de professionnelle de la petite enfance et que j’en attendais peut-être trop de lui. Pendant près d’un an j’ai cru que j’inventais ce que je voyais et que je voyais un lien entre toutes ses bizarreries alors qu’il n’y en avait pas. J’ai même pensé, à un moment, que je ne l’aimais pas. C’est horrible d’en arriver à se dire ça. Mais comme je voyais des défauts en lui que personne d’autre ne voyait, je pensais que je ne l’aimais pas. Quand vous êtes persuadé qu’il y a un problème, vous n’observez plus les bons côtés. Vous ne retenez que le négatif. Et pendant presque toute une année c’est ce que j’ai fait. Repérer ce qui n’était pas normal. C’est un sentiment étrange. Horrible.

J’ai toujours voulu travailler avec les enfants. D’aussi loin que je me souvienne. Et j’ai toujours voulu en avoir. Alors imaginer que je pouvais ne pas aimer mon fils c’était impensable. Mais je me suis mise à me dire que peut-être je le rejetais encore du fait que je ne voulais pas de cette grossesse. Que je lui voyais des défauts parce qu’il était vivant alors que mon premier bébé était mort. Pire encore, je me suis dit qu’il était comme ça parce que justement je ne voulais pas de cette grossesse. Toute l’angoisse accumulée pendant la grossesse aurait perturbé son développement. Je me suis mise à imaginer tout et n’importe quoi. A me réveiller la nuit et à y penser jusqu’à ne plus pouvoir dormir.
Dernière modification par candy-suki le jeu. 22 févr., 2018 3:56 pm, modifié 1 fois.
candy-suki

Profil sur Booknode

Messages : 18
Inscription : mar. 10 sept., 2013 1:15 am

Re: Du rire aux larmes [Temoignage maman d'un enfant Autiste]

Message par candy-suki »

IV. CHAPITRE 4

C’est délicat d’écrire ce que l’on ressent de manière aussi libre. Je me rends compte moi-même au fur et à mesure que ce que j’écris est horrible. Mais c’est mon vécu. Mon ressenti. Mon histoire. Et j’imagine ne pas être la seule à ressentir tous ces doutes et ces incertitudes mais personne n’ose en parler. De nos jours, c’est tabou de dire ça. Ça créerait un scandale autour de moi si j’osais ne serait-ce qu’aborder le sujet brûlant : je crois ne pas aimer mon fils. Alors je n’ai rien dit. J’ai pris sur moi, jour après jour et j’ai sorti mes plus beaux sourires même quand mon cœur était en miettes. Avec le recul aujourd’hui, j’aurais dû en parler autour de moi. Demander de l’aide. Mais je ne l’ai pas fait.

En fait, ce n’est pas tout à fait exact. J’en ai parlé à une personne. Pas des sentiments que faisaient naître les problèmes d’Adam mais des problèmes en eux-mêmes. Je voulais l’avis de quelqu’un qui ne connaissait pas Adam, quelqu’un qui connaissait bien les enfants, quelqu’un qui n’aurait aucun jugement sur ce que je pouvais dire. J’ai trouvé cette personne en Christelle, ma collègue à l’école maternelle. Vous avez probablement tous une personne comme Christelle autour de vous, et si vous ne l’avez pas trouvée alors cherchez-la. C’est une personne honnête et franche mais qui ne porte jamais de jugement sur ce que vous pouvez dire ou faire. C’est le genre de personne à ne voir que le positif d’une personne et toujours essayer de la tirer vers le haut. C’est aussi quelqu’un qui n’hésite pas à défendre ses opinions même quand cela peut aller au clash. C’est le genre de personne à qui on peut tout dire. Elle sait écouter mais surtout elle sait toujours quoi dire. Je ne sais pas si je lui ai déjà dit, mais je ne la remercierai jamais assez de m’avoir parlé ce soir-là.

Je ne me rappelle plus exactement tout ce qui a pu être dit ce soir-là mais je sais que je me suis sentie libérée en ressortant. Une séance chez le psy ne m’aurait pas plus aidée. J’ai évoqué les choses que je pouvais voir chez Adam et qui me paraissaient étranges. A commencer par ses balancements qui se sont aggravés quand il a appris à marcher. Désormais il tournait sur lui-même en roulant des yeux. Le rejet dès qu’on essayait de lui parler et ce regard fuyant. Les jeux de son âge dont il ne comprenait pas l’utilité, qu’il n’utilisait pas correctement. Cette fascination pour tout objet qui roule. Mais surtout, les colères.

Elle a bien sûr tenté de me rassurer en me disant que chaque enfant avait son propre rythme, que c’était peut-être juste un petit retard et qu’il le rattraperait vite. Mais au fur et à mesure de la discussion, j’ai vu un espoir. Elle comprenait. Elle me croyait. C’est alors qu’elle a dit la phrase qui a probablement tout déclenché. La phrase qui m’a fait prendre confiance en mes qualités de mère :
« Les premiers à voir les signes d’autisme chez les enfants sont les parents. Si tu penses qu’il y a quelque chose alors vas consulter ton médecin. Il n’y aura peut-être rien mais tu ne peux pas rester dans le doute permanent. Tu es sa mère, tu es la mieux placée pour savoir s’il se passe quelque chose d’anormal. »

J’ai été chez le médecin peu de temps après, ça tombait bien, Adam avait un vaccin à faire. Je lui ai parlé des différents signes que j’avais pu détecter sans évoquer l’autisme. Effectivement le fait qu’il ne prononce aucun mot était étrange mais le médecin n’avait pas l’air convaincu. Adam était encore jeune. Pour un enfant qui n’a pas encore un an et demi, il est difficile de parler de retard de langage. Il m’a tout de même dit de consulter un pédiatre si besoin.

Il n’était pas convaincu. J’ai pris une claque ce jour-là. Encore une fois, quelqu’un n’allait pas dans mon sens.

J’ai appris ma seconde grossesse peu de temps après.
Dernière modification par candy-suki le jeu. 22 févr., 2018 3:57 pm, modifié 1 fois.
candy-suki

Profil sur Booknode

Messages : 18
Inscription : mar. 10 sept., 2013 1:15 am

Re: Du rire aux larmes [Temoignage maman d'un enfant Autiste]

Message par candy-suki »

V. CHAPITRE 5

Quand j’ai appris cette seconde grossesse, Adam avait un an et demi et je travaillais encore comme remplaçante dans l’école maternelle de ma commune. La personne que je remplaçais avait une grave maladie alors j’étais là en attendant qu’elle revienne à plein temps. Elle devait se faire opérer durant l’été et serait donc absente une longue période l’année scolaire suivante. Je ne me réjouissais pas de sa maladie, mais son absence allait me permettre d’obtenir des heures. Je garderais ma place au sein de l’école tandis qu’elle se reposerait. C’était une bonne opportunité pour moi, j’avais espoir d’obtenir un poste permanent au sein de l’équipe.

À cette époque-là, nous étions en train d’acheter une maison. Nous avions fait les démarches auprès des banques pour obtenir un prêt immobilier. Nous voulions acheter la maison voisine de celle de mes parents. La maison de mes rêves. Je connaissais la personne qui avait construit cette maison et j’avais toujours dit qu’un jour je l’achèterais. J’en rêvais depuis que nous avions emménagé, mes parents et moi, dans la maison d’à côté. Elle était en vente et c’était une occasion que nous ne voulions pas rater. J’ai évalué notre budget, vérifié que nos dépenses ne dépasseraient pas nos revenus. Tout était bon. Nous ne roulerions pas sur l’or mais c’était possible.

J’avais l’impression que ma vie reprenait la bonne direction et je n’avais clairement pas envisagé de tomber enceinte. Le médecin m’avait dit que je n’ovulais pas naturellement, que sans médication ce ne serait pas possible. Je n’aurais jamais imaginé qu’il puisse se tromper. Mais là, le test de grossesse m’affichait un résultat sans appel. J’étais enceinte.
Dans les films, on voit toujours l’héroïne faire son test de grossesse et l’annoncer à son mari en pleurant de joie. Son mari lui dit que c’est le plus beau jour de sa vie. Dans la vraie vie, ou du moins dans ma vie, j’ai simplement montré le test de grossesse à mon mari en pleurant sans joie et son sourire s’est effacé. Adam était difficile à ce moment-là, les nuits étaient dures. Recommencer avec un deuxième enfant alors que je n’avais toujours pas de poste fixe et qu’on était en train d’acheter une maison était inenvisageable.

Nous avons longuement discuté de cette grossesse. Il ne voulait pas d’un second bébé tout de suite. L’année suivante pourquoi pas, mais pas tout de suite. Adam ne faisait plus ses nuits à cause de supposées terreurs nocturnes. Nous étions épuisés. On ne pouvait pas avoir un second bébé et acheter une maison en même temps. Il fallait choisir entre les deux.

Il voulait que j’avorte. Je voulais avorter.

J’avais peur de perdre mon travail. La remplaçante qui part en congé maternité, c’est presque un sketch. Mes contrats étaient faits au mois et rien ne les empêchait de terminer mon contrat et de prendre quelqu’un d’autre pour continuer à ma place. J’avais peur de perdre l’opportunité de travailler dans une école. Les places sont chères et je venais de gâcher ma chance.

Mais je me suis mise à réfléchir. Pierre m’a dit que quoi que je déciderais il serait de mon côté. Il m’a bien sûr dit ce qu’il préférerait mais il était de mon côté quoi qu’il arrive. C’était à moi de prendre cette décision pour nous deux. On pourrait croire que c’était une façon de se dédouaner de la situation, mais non. C’était un cadeau. Il n’était pas prêt à assumer un deuxième enfant et malgré tout, il me laissait le choix. Il me laissait la liberté de choisir sans essayer de me faire changer d’avis. Je l’ai aimé d’autant plus pour ça.

Entre temps, la mairie nous a proposé un logement HLM qui était équivalent au nôtre en termes de superficie. Mais avec un loyer presque réduit de moitié. C’était délicat d’accepter sachant que nous étions en train de faire les démarches pour acheter une maison mais nous avons finalement accepté. Au moins, si nous ne pouvions pas acheter la maison, nous aurions un logement à petit prix. Et si on achetait, ça nous ferait économiser sur le loyer pour payer les quelques travaux à faire. Quoi qu’il se passe nous serions gagnants.

C’est lors de mon rendez-vous chez le gynécologue que j’ai pris la décision de garder ce bébé. J’ai entendu les battements de son cœur et tous mes doutes se sont envolés. C’était un bébé. Mon bébé. Peu importe ce qui se passerait par la suite, je ne pouvais pas avorter. C’était impossible. Je voulais un deuxième enfant alors je n’allais pas avorter juste parce qu’il était arrivé trop tôt. J’avais mal vécu ma fausse couche, je n’allais donc pas volontairement mettre fin à la vie de ce bébé par peur de l’avenir. J’allais assumer cette grossesse et tant pis pour le reste. Si je ne pouvais pas acheter la maison, je m’en remettrai et si je perdais mon travail, j’en trouverai un autre. C’est aujourd’hui, l’une des meilleures décisions que j’ai prises.

Nous avons donc fait nos cartons et avons emménagé dans la maison HLM en Juillet. Le gros avantage qu’il y avait dans ce logement, c’était la chambre au rez de chaussée. Nous avons pu la transformer en salle de jeux pour Adam. Une belle pièce rien que pour lui avec un beau tapis et des jouets partout. Il marchait depuis quelques semaines, il pourrait donc se promener dans la maison tranquillement.

La marche. Le plus beau cadeau d’un enfant et à la fois le pire. Vous êtes heureux quand vous voyez votre enfant marcher pour la première fois, et vous le regrettez bien vite quand vous devez lui courir après pour éviter les bêtises. À un an et demi il était assez grand pour atteindre les poignées de portes. Je voulais qu’il puisse se promener dans la maison, et bien pari réussi, il allait partout. Son jeu préféré était d’aller dans la salle de bain pour allumer le robinet de la baignoire. Il a toujours eu une fascination pour l’eau depuis tout petit. Le bain, c’est le moment de la journée qu’il préfère. Il rit, il éclabousse, il joue, et nous, pendant ce temps-là, on ne subit aucune crise de colère. C’était un moment d’échange parfait.
J’ai annoncé ma grossesse au Maire de la commune – mon employeur – au moment où le médecin m’a certifié que je ne risquais plus la fausse couche. J’avais peur que ça ne m’arrive une deuxième fois et d’annoncer une grossesse qui n’aurait pas abouti. Mais ce ne fut pas le cas. Il était très heureux pour moi. Je lui ai confié mes peurs de perdre ce travail. Il a été très compréhensif et m’a assuré que je récupérerai ma place à la fin de mon congé. Un enfant ce n’est pas une tare, c’est un cadeau. Je ne perdrai pas ma place.

Après l’emménagement, nous nous sommes rapidement aperçus qu’Adam avait du mal à s’endormir le soir, qu’il se réveillait souvent la nuit et qu’il était parfois très difficile de le rendormir. Il avait perdu ses repères. Sa chambre ne ressemblait plus à ce qu’il avait connu jusqu’ici. Cette période a été difficile à vivre. Pour nous, mais surtout pour lui, j’imagine. Là où il avait une chambre bien décorée dans l’ancienne maison, il se retrouvait dans une nouvelle pièce avec très peu de meubles. Comme nous ne savions pas si nous devions défaire nos cartons, nous n’avions installé que le strict minimum dans la maison. Seule la salle de jeu était aménagée correctement, il avait tous ses jouets à disposition. Mais ce petit bonhomme ne voyait pas les choses comme ça, sa salle de jeu à lui c’était notre salon. Finalement cette pièce ne servait à rien pour lui. Il ramenait tout dans le salon, même quand nous étions avec lui dans la pièce. Il préférait jouer dans la pièce principale.

En journée tout se passait plutôt bien, il jouait tranquillement ou regardait la télévision mais dès qu’arrivait l’heure du coucher c’était devenu un calvaire pour nous trois. Lui changer une couche était devenu une vraie bataille aussi. Il se débattait, nous donnait des coups de pieds dès qu’on le mettait sur la table à langer. J’étais enceinte et je me prenais des coups de pieds dans le ventre sans arrêt.

Et puis nous avons eu l’accord de la banque, la maison, que nous avions envie d’acheter, serait à nous dans quelques mois. Nous allions encore déménager. Mais cette fois-ci, pour la dernière fois.
Dernière modification par candy-suki le jeu. 22 févr., 2018 3:58 pm, modifié 1 fois.
vampiredelivres

Profil sur Booknode

Messages : 2887
Inscription : dim. 03 févr., 2013 3:54 pm

Re: Du rire aux larmes [Temoignage maman d'un enfant Autiste]

Message par vampiredelivres »

Coucou,
J'ai longtemps hésité à laisser un commentaire. Pas parce que je suis timide, ou parce que je n'aime pas ce que tu écris, mais c'est juste que… j'ai beaucoup, beaucoup, de mal à trouver les mots face à ça. Il y a des récits où on peut se figurer qu'on est le personnage principal. On le voudrait bien. Et puis, il y a ça.
C'est beau. Incroyablement beau. Et, plus que ça, c'est authentique. On ressent tout. Et, crois-moi, pour une même pas adulte qui approche tout juste de ses dix-huit ans, qui vient tout juste d'entrer à l'université, qui n'a aucune idée de la notion même de maternité… c'est un gros coup de poing dans la figure. On comprend ce que tu éprouves et, même sans avoir besoin de ta petite introduction dans le premier message, même sans avoir la mention de témoignage sous les yeux, on saurait que c'est véridique et vécu. Tu m'as secouée, tu m'as retournée… bref, tu as fichu le bazar dans ma tête.
J'ai eu l'impression de vivre ces textes. Probablement parce que tu les as vécus en les écrivant. Tu as un don avec les mots, une plume magnifique, au service d'un cœur ouvert qui ne demande qu'à partager, à se faire entendre.
Merci. Merci énormément d'avoir partagé ton ressenti, comme ça, véridique et profond, sur un sujet aussi complexe et trop souvent délaissé ou considéré comme tabou. J'ai eu mal pour toi. J'ai eu mal, parce que, pendant quelques minutes, je me suis imaginée, dans quelques années, à ta place. Une place que personne ne voudrait avoir. On voudrait tous que notre vie soit parfaite. Et tu nous montres toutes ces petites batailles du quotidien, qui font qu'on a du mal à voir les choses en rose. Tu n'es certainement pas la seule dans cette situation. Mais toi, tu as trouvé les mots pour la décrire. Pour montrer à quel point on peut vouloir espérer, et pourtant ne pas vraiment y croire. Vouloir, mais pas pouvoir.
J'espère sincèrement que ça va mieux, ou que ça ira mieux très prochainement. Continue à écrire, c'est magique. Douloureux, mais magique.
candy-suki

Profil sur Booknode

Messages : 18
Inscription : mar. 10 sept., 2013 1:15 am

Re: Du rire aux larmes [Temoignage maman d'un enfant Autiste]

Message par candy-suki »

vampiredelivres a écrit :Coucou,
J'ai longtemps hésité à laisser un commentaire. Pas parce que je suis timide, ou parce que je n'aime pas ce que tu écris, mais c'est juste que… j'ai beaucoup, beaucoup, de mal à trouver les mots face à ça. Il y a des récits où on peut se figurer qu'on est le personnage principal. On le voudrait bien. Et puis, il y a ça.
C'est beau. Incroyablement beau. Et, plus que ça, c'est authentique. On ressent tout. Et, crois-moi, pour une même pas adulte qui approche tout juste de ses dix-huit ans, qui vient tout juste d'entrer à l'université, qui n'a aucune idée de la notion même de maternité… c'est un gros coup de poing dans la figure. On comprend ce que tu éprouves et, même sans avoir besoin de ta petite introduction dans le premier message, même sans avoir la mention de témoignage sous les yeux, on saurait que c'est véridique et vécu. Tu m'as secouée, tu m'as retournée… bref, tu as fichu le bazar dans ma tête.
J'ai eu l'impression de vivre ces textes. Probablement parce que tu les as vécus en les écrivant. Tu as un don avec les mots, une plume magnifique, au service d'un cœur ouvert qui ne demande qu'à partager, à se faire entendre.
Merci. Merci énormément d'avoir partagé ton ressenti, comme ça, véridique et profond, sur un sujet aussi complexe et trop souvent délaissé ou considéré comme tabou. J'ai eu mal pour toi. J'ai eu mal, parce que, pendant quelques minutes, je me suis imaginée, dans quelques années, à ta place. Une place que personne ne voudrait avoir. On voudrait tous que notre vie soit parfaite. Et tu nous montres toutes ces petites batailles du quotidien, qui font qu'on a du mal à voir les choses en rose. Tu n'es certainement pas la seule dans cette situation. Mais toi, tu as trouvé les mots pour la décrire. Pour montrer à quel point on peut vouloir espérer, et pourtant ne pas vraiment y croire. Vouloir, mais pas pouvoir.
J'espère sincèrement que ça va mieux, ou que ça ira mieux très prochainement. Continue à écrire, c'est magique. Douloureux, mais magique.
MERCI. Je n'ai pas de mots pour te répondre, j'ai du relire plusieurs fois ton message pour assimile tes mots. Je suis désolée d'avoir mis le bazar dans ta tête mais j'avoue que c'est un peu l'intention voulue.
Ce qui n'était à la base qu'une sorte de journal intime pour m'aider à surmonter tout ça, est devenu finalement un manuscrit que j'espère pouvoir faire lire au plus grand nombre afin de mettre le bazar dans plus de tête encore.
Je suis touchée que mes écrits puissent vous toucher à ce point.
Alors encore MERCI.
candy-suki

Profil sur Booknode

Messages : 18
Inscription : mar. 10 sept., 2013 1:15 am

Re: Du rire aux larmes [Temoignage maman d'un enfant Autiste]

Message par candy-suki »

Je m'excuse pour la liste, les numéros ne sont pas censés être là.

VI. CHAPITRE 6

Jusque-là, ce que les gens remarquaient chez Adam était qu’il ne parlait pas. A vrai dire, c’était pour moi le plus gros problème. Du moins le plus visible. Mais il y avait des tas de choses qui me poussaient encore à dire qu’il y avait un problème dans son comportement.
  1. Ses colères violentes : on en était à se mettre à deux pour lui changer une couche. L’un qui essayait de détourner son attention ou qui le tenait pour éviter qu’il ne se débatte. L’autre qui changeait la couche le plus rapidement possible. Certains parents adorent les moments de change, c’était devenu une corvée pour nous. Nous n’aimions plus ça et lui non plus. Les crises affreuses qui l’agitait lors des refus de notre part.
  1. La compréhension orale : Adam semblait toujours ne pas comprendre ce que l’on pouvait lui dire. Certains me disaient encore qu’il comprenait mais qu’il faisait semblant de ne pas comprendre. Qu’il fallait insister et ne pas se laisser faire. Mais je ressors toujours le même exemple quand je parle de ça. Demander à Adam de mettre sa compote à la poubelle ne servait à rien, il ne le faisait pas. En revanche, lui montrer la poubelle une fois sa compote terminée, il courrait pour venir la mettre dans la poubelle et il s’applaudissait toujours. Un enfant qui n’a pas envie n’aurait pas fait ça. Ce n’est pas qu’il ne voulait pas m’écouter, c’est qu’il ne comprenait pas ce que j’attendais de lui si je n’accompagnais pas le geste à la parole.
  1. Les jeux : Il ne jouait pas. Un enfant joue avec ses jouets, mais pas lui. Du moins pas de manière adéquate. Il jouait beaucoup avec ses voitures, son caddie, son porteur vélo mais pas avec le reste de ses jouets. En revanche il adorait jouer dehors. Il adore passer du temps dans le jardin à courir autour de la maison. A condition qu’il ne tombe pas ! Il ne supporte pas de toucher de l’herbe. On s’amusait souvent à dire que si nous voulions être tranquilles, il suffisait de l’assoir dans l’herbe pour qu’il ne bouge plus. Il refusait obstinément de mettre les mains dans l’herbe pour se relever.
  1. Les relations humaines : Il portait peu d’intérêt aux gens qui pouvaient nous rendre visite. Sa grand-mère paternelle venait régulièrement nous voir et pourtant Adam tournait la tête quand il la voyait. Il refusait de la regarder. Il lui fallait pas mal de temps avant d’accepter qu’elle s’approche de lui. Et il faisait ça avec presque tout le monde en dehors de nous, mes parents, et mon frère, sa femme et ses enfants. Son cercle proche en somme. Chez la nourrice, il ne jouait pas avec les autres enfants. Il jouait autour d’eux mais les repoussait s’ils avaient le malheur de s’approcher trop près de lui.
Plus le temps passait et plus ces signes devenaient de plus en plus visibles. Du moins pour moi. J’en ai parlé sérieusement avec Pierre à ce moment-là. Mais encore une fois, j’étais la seule à voir l’évidence. Pierre ne voyait rien de bizarre. Pour lui Adam était un enfant un peu difficile avec un léger retard sur les apprentissages mais rien de grave. Alors j’en suis restée là. Encore une fois. Ça aurait pu être le titre de cette histoire « encore une fois ».

En septembre, il s’est passé quelque chose chez la nourrice. Quelque chose de déterminant pour la suite. J’ai un travail en horaires découpés, ce qui fait que le matin j’ai une pause de 9h15 à 11h00 et l’après-midi de 14h00 à 16h20, je laisse Adam chez la nourrice pendant ces temps-là pour éviter d’avoir à le reprendre pour le redéposer, ce qui ne ferait qu’accroitre son stress de la séparation. Et puis ces petits temps me permettaient de me détendre aussi. De prendre du temps pour moi pour faire le ménage ou autres.

Ce matin-là, je rentrais à la maison pour ma pause matinale lorsque j’ai reçu un coup de téléphone complètement paniqué de la nourrice. Je n’ai retenu que « Adam est en sang, je ne sais pas quoi faire ». Je n’ai jamais couru aussi vite que ce jour-là, heureusement qu’elle n’habitait pas bien loin.

Quand je suis arrivée, effectivement Adam avait le visage en sang. Il était tombé des marches du perron, la tête la première sur le béton. Elle était en train d’attacher un des autres enfants dans la voiture pour aller se promener. Elle avait demandé à Adam et l’autre petite fille de son âge d’attendre à l’entrée de la maison le temps qu’elle attache le petit correctement. Mais Adam n’a pas attendu. Il a voulu la suivre et il est tombé tête la première du haut des marches. Il avait du sang du front jusqu’au menton. A priori rien de grave, mais il avait une très grosse bosse au front et de grosses éraflures sur un côté du visage.

Il ne pleurait pas.

La nourrice m’a dit qu’il avait pleuré jusqu’à ce qu’elle le prenne dans ses bras. Il s’était arrêté aussitôt. Et effectivement quand je suis arrivée, il ne pleurait pas. Pire encore, il souriait. Peut-être souriait-il parce qu’il était content de me voir, je ne sais pas. Je n’ai pas été travailler ce jour-là et je suis allée chez mes parents pour ne pas rester seule. Pierre était au travail. J’ai installé Adam dans le canapé et il s’est mis à regarder la télé. J’ai désinfecté ses plaies et aucune réaction de sa part. Il rigolait devant la télé.

C’est là, je crois, que ma mère a commencé à me croire quand je lui disais qu’il n’avait pas un comportement « normal ». Il ne réagissait pas beaucoup à la douleur, c’était étrange. Ceci ajouté à d’autres petites choses que je lui avais fait remarquer avait éveillé un doute en elle.

C’était une grande étape pour moi. Ma mère me croyait. Du moins elle commençait à observer les mêmes choses que moi. Je ne lui en veux pas de ne pas l’avoir fait plus tôt, c’était dur pour elle. Quand on aime quelqu’un, il est difficile de voir ses défauts, on ne voit que le positif. Je pense qu’au fond, elle a toujours su qu’il y avait un problème mais qu’elle refusait d’y croire. Elle ne voulait pas y croire. Et puis comment lui en vouloir ? Pierre ne voyait rien et pourtant il le vivait chaque jour. Peu de temps après ça, elle est allée chercher Adam chez la nourrice et en a profité pour lui parler de mes « folles théories ». Je pense qu’elle attendait que la nourrice la détrompe, lui dise que « non tout va bien ». Quand ma mère lui a dit que je pensais qu’Adam était autiste, elle lui a répondu quelque chose qui résonne encore dans mes oreilles :
« C’est vrai que des fois…on se demande »

Une personne habituée aux enfants, pensait qu’il y avait peut-être un problème. Si elle le pensait c’était que je n’étais pas dans l’erreur.

Au mois d’octobre, d’autres personnes ont confirmé mes doutes. Ma tante et sa fille sont venues nous rendre visite le temps d’une semaine et ma mère a voulu avoir leur avis. Un avis extérieur de personnes moins liée à Adam. Des gens objectifs. On leur a parlé de ce qu’on percevait chez Adam. Ma cousine étant coiffeuse, elle voyait pas mal de gens défiler dans son salon. Elle coiffe d’ailleurs un enfant autiste régulièrement et ce jour-là elle m’a dit qu’Adam avait le même type de comportement que cet enfant. Les balancements principalement, sa gestuelle aussi.

Ma tante, elle, a été nourrice une grande partie de sa vie. Elle aussi pensait qu’Adam avait un comportement un peu étrange. Elle ne voulait pas dire le mot autiste. Mais il y avait bien un problème, et elle le voyait.

Ma mère a pris conscience qu’effectivement je n’avais peut-être pas tort. Et, comme moi auparavant, elle s’est mise à l’observer. À observer tous les moindres petits détails. Ceux qui vous font vous demander si c’est adapté ou pas, si c’est normal ou non. Ceux qui vous font ruminer.

Moi, ce que je retenais c’est que je n’étais plus seule. Une partie de cette douleur, concernant les sentiments que je pouvais avoir, s’est envolée. Je ne le rejetais pas, je ne lui inventais pas un problème, je l’aimais et c’est tout ce qui comptait.

En novembre nous avons déménagé dans notre nouvelle maison. Encore un changement de chambre pour Adam mais cette fois, j’étais sûre que ça se passerait bien. Contrairement à la fois d’avant, j’ai déballé mes cartons et j’ai remis mes éléments de décoration dans la maison. On a retrouvé un intérieur normal sans cartons qui trainent. Et sa chambre a retrouvé tous ses objets, ses meubles. Elle était bien plus grande que les précédentes. C’était agréable de se sentir chez soi. Les nuits ont été difficiles au début mais il s’est vite habitué à ce changement. Peut-être parce qu’il avait beaucoup plus de place pour bouger.

En revanche, la mauvaise surprise de ce mois-ci a été la perte de notre nourrice. Elle ne pouvait pas accueillir d’enfants en plus et donc ne pourrait pas prendre en charge ma fille. Il nous a fallu trouver quelqu’un d’autre pour assurer la suite. Et ce n’est pas chose facile de trouver quelqu’un pour un bébé et un enfant de deux ans. Dans l’idée Adam entrait à l’école en septembre et serait donc un périscolaire. Ça n’intéresse pas vraiment les nounous.
Mais si l’idée de changer de nourrice m’insupportait car Adam allait subir beaucoup de changements d’un coup, je n’étais pas mécontente d’avoir une raison pour le faire. En dehors de l’accident du vol plané sur le béton, je ne sentais pas Adam heureux chez elle. C’est une très bonne nourrice, mais je pense simplement qu’elle ne l’était pas pour lui. Il n’y avait pas de lien fort entre eux, et c’est, je pense, ce dont il avait besoin.

Et puis il y a eu quelques « incidents ». Rien de grave. Mais des choses qui me laissaient croire qu’il serait probablement mieux ailleurs. Je sais, pour travailler avec des enfants, qu’on ne peut pas avoir les yeux partout en permanence et qu’un accident est vite arrivé. Mais cela faisait beaucoup en seulement un an. C’est dommage, parce que sur le papier c’était une nounou super qui faisait plein d’activités avec les enfants, qui les promenait, qui jouait avec eux. Peut-être qu’elle ne comprenait pas la différence d’Adam, je ne sais pas. Elle avait peut-être du mal à gérer un enfant qui montrait difficilement son affection. Du mal à gérer la différence.

Alors quand elle nous a annoncé qu’elle n’aurait pas de place pour la petite, j’étais triste de faire subir un changement à Adam, mais je pensais sincèrement que ça ne pouvait être que bénéfique.

On a finalement réussi à dénicher une nourrice près de l’école, donc près de chez nous. Elle n’avait pas de place permanente pour le moment mais il suffisait d’attendre juillet pour récupérer une place à temps complet et septembre pour la deuxième place. Nous avons donc mis fin au contrat de notre nourrice pour engager celle-ci à la place. J’ai demandé au Maire si je pouvais reprendre le travail en juillet plutôt qu’en mai comme prévu initialement et il a accepté sans conditions, sans négociations, de la manière la plus humaine possible. Je le remercie encore pour ça.
Dernière modification par candy-suki le mar. 06 mars, 2018 5:29 pm, modifié 2 fois.
berton

Profil sur Booknode

Messages : 45
Inscription : lun. 15 juin, 2015 7:30 pm

Re: Du rire aux larmes [Temoignage maman d'un enfant Autiste]

Message par berton »

Alors, honnêtement, je ne sais pas quoi dire...J'ai peur d'être...Superficielle, mais je vais essayer de me lancer quand même. Tout d'abord, ton histoire est vraiment touchante, vraiment. Je ne peux pas dire que je compatis ou que je comprends, puisque c'est impossible(enfin, je ne suis pas sûre que tu ai besoin qu'on ai pitié de toi, alors je vais juste dire que je te trouves vraiment, vraiment forte), je ne connais pas ce genre de douleurs, mais vraiment, je souhaite pour toi que tout s'arrange, que tu arrives à trouver des solutions à tes problèmes.
Si tu veux savoir, tu as chamboulé une tête de plus!

Je suis désolée si je n'ai pas trouvé les mots appropriés, j'ai un peu de mal à m'exprimer face à des problèmes concrets.
candy-suki

Profil sur Booknode

Messages : 18
Inscription : mar. 10 sept., 2013 1:15 am

Re: Du rire aux larmes [Temoignage maman d'un enfant Autiste]

Message par candy-suki »

berton a écrit :Alors, honnêtement, je ne sais pas quoi dire...J'ai peur d'être...Superficielle, mais je vais essayer de me lancer quand même. Tout d'abord, ton histoire est vraiment touchante, vraiment. Je ne peux pas dire que je compatis ou que je comprends, puisque c'est impossible(enfin, je ne suis pas sûre que tu ai besoin qu'on ai pitié de toi, alors je vais juste dire que je te trouves vraiment, vraiment forte), je ne connais pas ce genre de douleurs, mais vraiment, je souhaite pour toi que tout s'arrange, que tu arrives à trouver des solutions à tes problèmes.
Si tu veux savoir, tu as chamboulé une tête de plus!

Je suis désolée si je n'ai pas trouvé les mots appropriés, j'ai un peu de mal à m'exprimer face à des problèmes concrets.
Merci pour ce retour. A vrai dire, le but n'est pas du tout de me faire réconforter ou quoi que ce soit d'autre. J'écris le récit d'une période difficile, que les gens ne comprennent pas toujours. Le but est de faire réagir, de faire prendre conscience. La pitié n'est pas le but recherché. Si j'indique que c'est un témoignage c'est pour ne pas m'attirer des lauriers sur la création puisque je n'invente rien, je relate tout simplement.
Mais merci de ton retour, si ce texte t'a touché à ton tour, c'est qu'il est réellement possible que j'en fasse quelque chose. A plus grande échelle.
candy-suki

Profil sur Booknode

Messages : 18
Inscription : mar. 10 sept., 2013 1:15 am

Re: Du rire aux larmes [Temoignage maman d'un enfant Autiste]

Message par candy-suki »

VII. CHAPITRE 7

Puis est arrivé Noël…
C’était le deuxième d’Adam. Pour l’occasion, nous étions partis en Bretagne dans la famille de Pierre. Entre sa maman, sa belle-mère, ses deux sœurs, ses deux frères, leurs conjoints, et enfants respectifs, cela ne faisait aucun doute que ce serait un Noël réussi. Mais il y avait beaucoup de personnes au même endroit. Beaucoup trop. Il nous était difficile, à Pierre et moi, de cohabiter dans la même maison que les autres et de gérer Adam en permanence. Toute sa famille était réunie pour le plus grand plaisir de tout le monde, mais cela faisait aussi beaucoup plus de surveillance pour nous. Nous devions, sans arrêt, faire attention à ce qu’Adam ne fasse pas de bêtise ou qu’il ne se sente pas perdu au milieu de toutes ces têtes qu’il ne voyait pas souvent.

Pas de télévision, seulement des jouets à profusion dans toutes les pièces. La véranda était aménagée en salle de jeux pour l’occasion. Le premier jour s’est bien passé, Adam a pris ses marques dans cette maison qu’il ne connaissait pas beaucoup. Sa marraine s’est beaucoup occupée de lui ce jour-là, elle était ravie de rencontrer enfin son filleul.

Ce soir-là, le père Noël est arrivé. Il a distribué les cadeaux aux enfants qui étaient tous réunis dans le salon. Adam n’en voulait pas. Il n’avait pas envie de les ouvrir. Il hurlait dès qu’on lui en mettait un dans les mains. Il était sur les genoux de Pierre, et je peux vous dire qu’il a eu du mal à le garder assis. Adam se débattait et essayait par tous les moyens de passer par-dessus le canapé. On a finalement ouvert ses paquets pour lui montrer qu’à l’intérieur il s’agissait de jouets pour lui. Il a particulièrement adoré le cadeau de Mamie Annick. C’était un faux tableau de bord de voiture avec le volant, les clignotants, les vitesses, etc. Son attention s’est focalisée là-dessus et le reste de la soirée s’est bien passée. Mais je me suis tout de même demandé si un enfant de cet âge aurait eu une réaction similaire à la sienne…

Au cours de la nuit, il s’est de nouveau mis à crier, à 2 h du matin. C’était chaque fois à la même heure. Des hurlements pendant son sommeil et où nous nous sentions désarmés. Il était difficile de le calmer dans ces moments-là. La seule solution était de le réveiller, mais c’était bien souvent laborieux de le rendormir ensuite. Mais tant pis, il fallait le réveiller avant qu’il n’alerte toute la maison. En plus de ça, il se levait tôt le matin, nous étions bien souvent les premiers debout. Le plus difficile était de lui faire comprendre qu’il ne pouvait pas aller dans la véranda/salle de jeux le matin, car sa petite cousine Maxime dormait dans la pièce d’à côté et qu’il ne fallait pas faire trop de bruit. Mais il en faisait quand même. Beaucoup plus que s’il entrait dedans. Il tapait dans la porte, à coups de pied, à coups de poing, il pleurait. Il était intenable. Alors j’ouvrais la porte de la véranda et je le laissais y jouer.

Après sa sieste ce jour-là, il s’est réveillé extrêmement grognon. Nous étions tous encore à table et il s’est mis à hurler dès qu’on essayait de lui parler, qu’on essayait de lui proposer quelque chose à grignoter. Ils se sont tous moqués de lui, ce qui n’a fait qu’engendrer encore plus de cris et de larmes. Ce n’était pas méchant de leur part, c’était une manière de lui montrer le ridicule de sa réaction. Ils faisaient semblant de pleurer, l’imitaient quand il hurlait. Sur un autre enfant, ça aurait probablement marché. Mais pas sur lui. Ça ne faisait qu’alimenter encore plus sa colère. La mère de Pierre m’a même dit que dans ce genre de cas, lui passer la tête sous un jet d’eau froide pouvait lui remettre les idées en place, dans le cas contraire il prendrait le dessus sur nous si nous ne réagissions pas. J’ai eu beau lui expliquer que je ne ferais pas ça, que s’il se mettait en colère comme ça c’est qu’il y avait une raison, mais rien n’y faisait. L’étiquette était déjà posée sur notre tête : parents complètement débordés et qui cèdent à tout. Du moins, c’est l’idée que je me faisais de leurs pensées. Pierre et moi ne savions pas quoi faire, alors on essayait de supporter ses hurlements tant bien que mal malgré le regard accusateur ou désolé des uns et des autres. On se relayait dans la salle de jeux. À tour de rôle on allait manger un bout de repas. Ce n’était déjà pas facile de supporter ses crises, mais avec le regard des autres autour, c’était encore plus dur. Les jugements dans les regards étaient pénibles à assumer pour moi. Je me suis sentie extrêmement mal à l’aise.

Alain, le demi-frère de Pierre nous a fait comprendre qu’on se laissait déborder par Adam et qu’il fallait être plus sévère. Encore une fois, on a tenté d’expliquer que lorsqu’il entrait en crise, on ne pouvait rien faire, rien du tout. Il ne comprenait pas. Alors il a pris Adam seul pour jouer dans la salle de jeu et voir si c’était un problème d’éducation. Il a tenté différentes approches avec Adam. La manière douce et celle un peu plus forte. Ça n’a pas marché. Il s’est rendu compte que ça ne venait pas de nous. Ce qu’on se tuait à répéter, à crier silencieusement parfois.

J’ai assez mal vécu ces vacances de Noël. Le regard que l’on portait sur nous, en tant que parents, m’insupportait. Je me sentais minable. Mais encore une fois, je ne peux pas leur en vouloir. Ils ne savaient pas. En fin de compte, le regard désagréable des autres se fonde sur de l’ignorance. Et je ne peux pas en vouloir à des gens qui ne savaient pas ce qu’il se passait.

La semaine suivante, c’était l’anniversaire d’Adam. Il avait deux ans. En comparaison de son premier anniversaire où j’avais tenu à faire les choses en grand, nous n’avions rien fait cette fois-ci. Pour ses 1 an, j’avais passé deux jours à faire un gâteau en pâte à sucre avec une décoration sur le thème des « lapins crétins », j’avais fait un buffet avec tout un tas de bonbons, de muffins, etc. Son premier anniversaire était une grande étape pour moi, je ne voulais pas faire les choses à moitié. Mais pour ses deux ans, je ne souhaitais pas forcément inviter tout le monde, subir encore des regards, des paroles blessantes. J’étais trop à fleur de peau et la moindre chose pouvait me trotter dans la tête pendant des jours et des nuits entières. Et puis nous nous étions tous vus la semaine d’avant à Noël, donc leur prochaine visite attendrait la naissance de ma fille. Je ne leur en voulais pas, je ne suis pas rancunière. Je voulais juste me recentrer sur ma famille, sur nous trois. Alors Pierre et moi lui avons fait souffler ses deux bougies sur un petit gâteau et nous l’avons emmené dans un parc de jeu. Il s’est amusé au-delà de nos espérances. Une sortie en famille. Je pense que nous n’aurions pas pu lui offrir un meilleur cadeau que celui-là. Lui montrer que nous étions unis.
berton

Profil sur Booknode

Messages : 45
Inscription : lun. 15 juin, 2015 7:30 pm

Re: Du rire aux larmes

Message par berton »

Bonjour! Tu as vraiment une écriture très agréable à suivre, malgré la difficulté de ce que tu évoques. Il est vrai que cela soulève une problématique: ce n'est pas toujours à cause des parents. Ton texte fait vraiment réfléchir. Je veux bien que tu me préviennes pour chaque nouveau chapitre posté, si cela ne te dérange pas, et que tu trouves cela déplacé.
candy-suki

Profil sur Booknode

Messages : 18
Inscription : mar. 10 sept., 2013 1:15 am

Re: Du rire aux larmes

Message par candy-suki »

Bonjour Berton :)

Je veux bien t'avertir à chaque chapitres postés, il n'y a pas de soucis :) Avoir des avis extérieurs ça aide.
Je te préviens de quelle manière ?
berton

Profil sur Booknode

Messages : 45
Inscription : lun. 15 juin, 2015 7:30 pm

Re: Du rire aux larmes

Message par berton »

Ce serait bien si tu pouvais envoyer un commentaire sur ma page (?) en me mettant le lien. Si ça ne te gênes pas.
candy-suki

Profil sur Booknode

Messages : 18
Inscription : mar. 10 sept., 2013 1:15 am

Re: Du rire aux larmes

Message par candy-suki »

CHAPITRE 8


En janvier, Carine, la nourrice d’Adam accueillait un enfant malade. Il avait une gastroentérite. Quand nous avons amené Adam le vendredi, elle n'a pas pensé à nous prévenir qu'il risquait d'être contaminé et qu'il serait préférable qu'on le garde. Nous ne l’aurions pas mis, si nous avions su. Adam est revenu malade. L’avantage c’est qu’il était très tendre lorsqu’il était malade. Nous recevions des câlins sans arrêts. C’était agréable de pouvoir l’approcher si facilement. Mais j’ai contracté la gastro moi aussi. Nous avons passé deux jours entiers malades tous les deux. Je faisais des allers-retours entre les toilettes pour moi et la douche pour Adam. Enceinte de huit mois, je n’arrivais pas à tenir le rythme. J’avais mal partout et je ne pouvais pas m’occuper d’Adam convenablement. C’est ma mère qui est venu s’occuper de nous. Elle gérait Adam lorsqu’il vomissait ou que la couche débordait, le passait sous la douche pour enlever la mauvaise odeur. Il se laissait faire. Il n’était pas en état de se débattre de toute façon. Elle nous préparait à manger en choisissant tout ce qui pouvait faire passer la gastroentérite. Heureusement qu’elle était là. Pierre travaillait de week-end, j’aurais été toute seule à gérer tout ça.

Et puis, le troisième jour tout était fini. Plus aucun symptôme pour Adam ni pour moi. Le lendemain je l’ai gardé avec moi, juste pour être sûre. Je l’ai donc remis chez Carine le jeudi. Il a bu son chocolat du matin comme d’habitude et j’ai préparé son sac à langer avec son repas et son biberon de lait pour le goûter. Environ deux heures plus tard, Carine m’a appelée pour me dire qu’Adam vomissait partout, qu’il n’allait pas mieux et qu’il fallait que je vienne le récupérer parce qu’elle n’avait plus de change. J’ai trouvé ça étrange, mais une rechute peut toujours arriver. J’y suis donc allée en me disant que si ça n’allait pas mieux, je l’emmènerais chez le médecin. Mais je n’ai pas eu besoin de le faire.

Quand je suis arrivée chez Carine, elle m’a annoncé qu’Adam avait vu le biberon de lait dans son sac à langer et qu’il a fait un caprice pour l’avoir tout de suite. Elle a fini par céder et le lui donner. Encore aujourd'hui, je ne saurais pas dire ce qui me choque le plus… que le biberon de lait soit resté dans le sac à langer au lieu d’être rangé dans son réfrigérateur, ou qu'elle ait laissé mon fils boire 660 mL de lait en deux heures alors qu'il sortait d'une gastro-entérite. Et puis qu’aurait-il eu au gouter avec un biberon vide ? J’ai donc ramené Adam à la maison. Aucun vomissement n’est venu perturber cette journée.

Le vendredi, c’était le tout dernier jour où il aurait l’occasion de dire au revoir à Carine. Il allait mieux alors je l’y ai mis le matin. L’après-midi était réservé à la visite chez la nouvelle nounou.
Cette journée s’est bien passée et a effacé les mésaventures de la semaine. Adam lui a fait de gros câlins pour lui dire au revoir, elle en a eu la larme à l’œil. Je ne saurais dire s’il avait compris la situation ou si c’était un heureux hasard mais il l’a serrée très fort dans ses bras et a posé la tête sur l’épaule de Carine. Il faut avouer que venant de lui, c’était émouvant. C’est quelque chose qu’il ne faisait pratiquement jamais.
Quelque part, c’était une partie de la vie d’Adam qui s’arrêtait, j’étais triste moi aussi.

Cet après-midi-là, en fin de journée, nous avons été voir Patricia, la nouvelle nourrice. Elle nous a invité à boire un café pour qu’Adam puisse repérer les lieux. J’ai beaucoup apprécié cette façon de faire. Il a visité les pièces avec nous et elle lui a montré quelques jouets avec lesquels il pouvait jouer. Un feeling s’est installé entre eux dès le premier jour. Au moment de partir, elle a tenu à l’habiller elle-même. Elle était directive et très à l’aise. Il est tombé sous le charme de ce petit bout de femme.

La semaine suivante, Adam a fait son entrée dans cette nouvelle maison. Sans nous cette fois ci. Et là, quelle différence ! Pour nous, mais surtout pour lui.
Il ne se mettait plus dans nos jambes le matin en arrivant chez elle, contrairement à ce qu’il faisait chez Carine. Il ne pleurait plus en s’agrippant à nous. Il n’attrapait plus son manteau et son bonnet pour qu’on le rhabille. Non, il y allait avec grand plaisir. Nous n’avions plus aucun mal à le déposer, on devait même souvent ramer pour obtenir un petit câlin avant de partir. Il ne prenait même plus la peine d’enlever son manteau ou ses chaussures, il fonçait directement vers la salle de jeu. Il a pris ses repères facilement, et nous aussi.

Je n’irais pas jusqu’à dire que mon fils n’aimait pas Carine. Mais je pense qu’il n’avait pas ce côté affectif qu’il pouvait avoir Patricia. Elle s’occupait de lui de manière adaptée. Elle ne le forçait pas à évoluer parce que les normes indiquaient qu’il aurait dû savoir faire telle ou telle chose. Elle le laissait vivre comme il l’entendait tout en lui imposant quelques règles. Il n’était toujours pas très affectueux physiquement, il ne lui disait pas bonjour en arrivant. Mais dans la journée il venait se coller à elle. Il l’avait acceptée dans sa vie.

Et puis il y avait les autres enfants. Adam jouait seul chez Carine. Dans son coin comme elle le disait. Personne ne pouvait l’approcher sans qu’il ne devienne violent ou qu’il ne les repousse. Mais ici, les choses étaient un peu différentes. Il ne jouait pas forcément avec eux mais il n’était pas du tout dans son coin. Il jouait dans la même pièce, parfois au même jeu. Il était en train de se sociabiliser.

J’étais en congé maternité, je n’avais techniquement pas besoin d’une nourrice puisque j’étais à la maison, mais je l’y mettais tout de même deux journées par semaine. Non pas que je voulais m’en débarrasser, mais ça me permettait de me reposer, de me détendre, et surtout de faire le ménage que je ne pouvais pas faire quand il était là. Et puis je ne souhaitais pas qu’il s’habitue à rester à la maison, je voulais qu’il se sociabilise, qu’il apprenne à vivre sans nous, et surtout avec les autres.

Moi qui avait peur que ce changement de nourrice le perturbe, j’étais finalement heureuse. Je me suis demandé si les choses auraient été différentes si j’avais choisi cette nourrice-là en premier. Est-ce qu’Adam aurait été le même ? Je m’en suis voulu de ne pas avoir compris plus tôt qu’il pouvait ne pas se sentir bien chez sa première nourrice. C’est en voyant la différence de comportement qu’il pouvait avoir entre l’une et l’autre que j’ai compris. En tant qu’adulte, nous n’aimons pas toutes les personnes qui nous entourent. Les enfants sont comme nous. Sauf que lui, il ne pouvait pas l’exprimer avec des mots.

Pour nous, c’était un changement radical aussi. Nous étions bloqués dans l’entrée chez Carine, mais là nous étions invités à entrer dans la maison. Souvent, on restait même à discuter de la journée d’Adam. Parfois très longtemps et souvent bien au-delà des heures prévues. Elle ne facturait jamais ces temps-là. Elle aimait ce qu’elle faisait. Ce n’était pas juste un métier pour elle. Elle s’investissait vraiment dans la vie des enfants qu’elle gardait. On connaissait les heures de repas d’Adam et les quantités qu'il avait mangées, la consistance et la fréquence de ses selles, les jeux auxquels il s'intéressait. On vivait la journée avec lui. On était informés. C’était une grosse différence pour nous. Avant on ne savait jamais rien. On le prenait et hop, on était dehors. J’avais fini par m’y habituer, ça ne me choquait pas vraiment, je ne connaissais rien d’autre.

Et puis certaines fois, nous arrivions un peu en avance chez Patricia. Elle n’était pas encore revenue de sa promenade. Alors on attendait devant la porte. Et quand elle arrivait, Adam courrait dans ses bras. Il était heureux. Nous aussi.
berton

Profil sur Booknode

Messages : 45
Inscription : lun. 15 juin, 2015 7:30 pm

Re: Du rire aux larmes

Message par berton »

Waouh!! C'est super!! J'étais hyper contente en lisant ce chapitre!
Je suis contente que ça se soit arrangé, que ton fils soit heureux, et vous aussi du coup!! :D
J'espère que la suite sera heureuse aussi!!
candy-suki

Profil sur Booknode

Messages : 18
Inscription : mar. 10 sept., 2013 1:15 am

Re: Du rire aux larmes

Message par candy-suki »

berton a écrit :Waouh!! C'est super!! J'étais hyper contente en lisant ce chapitre!
Je suis contente que ça se soit arrangé, que ton fils soit heureux, et vous aussi du coup!! :D
J'espère que la suite sera heureuse aussi!!
Je ne voudrais pas te spoiler la suite :p
Merci de ton passage :)
candy-suki

Profil sur Booknode

Messages : 18
Inscription : mar. 10 sept., 2013 1:15 am

Re: Du rire aux larmes

Message par candy-suki »

CHAPITRE IX
La petite étoile


Février 2017 – 2 ans et 1 mois


Après beaucoup de douleurs, de peur, mais surtout de joie, ma fille a pointé le bout de son nez en février 2017. Elle n’a pas fait les choses comme tout le monde, elle est née le visage tourné vers le plafond. Comme si elle avait attendu la nuit pour observer les astres. Cette nuit-là, j’ai rencontré mon étoile.
Tellement d’émotions m’ont assaillie pendant cette rencontre. Je l’ai aimée tout de suite. Dès que la sage-femme m’a posé Ambre dans les bras, j’ai fondu. Elle était si petite et si jolie. J’ai vite oublié la douleur insupportable des contractions dues à sa position, j’ai oublié les doutes que j’avais pu avoir en début de grossesse. J’ai tout oublié pour laisser place à l’amour que je portais à cette petite étoile.

Contrairement à ce qu'il s'était passé à la naissance de mon fils, je n’ai pas mal vécu cette nouvelle maternité. Adam était mon premier enfant, on ne savait pas trop s’y prendre, on avait dû changer de rythme de vie. Alors que pour Ambre nous n’avons pas stressé, nous savions nous occuper d’un bébé, notre vie n’allait pas changer du tout au tout du jour au lendemain. Il est plus facile d’accueillir un deuxième enfant.

La maternité était en sous-effectif, mais les puéricultrices passaient régulièrement me voir dans la chambre. C’était mon second enfant alors je n’avais pas vraiment besoin d’aide, mais elles m’apportaient un soutien moral. Lors de mon premier accouchement, Pierre était présent du matin jusqu’au soir avec nous. Mais là, il y avait Adam. Et il n’était pas possible de l’amener à la maternité sans s’exposer à une crise. Je passais la plupart des matinées toute seule avec Ambre et j’avais de la visite l’après-midi. Lorsqu’il le pouvait, Pierre venait le matin. Il a donné le premier bain d’Adam, il voulait partager ce moment avec sa fille aussi.

Malgré les visites, mon fils me manquait terriblement. J’imaginais qu’il devait se demander où j’étais. Alors j’ai demandé à Pierre, deux jours avant ma sortie, d’amener Adam avec lui en fin d’après-midi pour qu’il rencontre sa sœur. Il passerait un peu de temps avec nous et puis ma mère le ramènerait ensuite pour que Pierre puisse rester.

Je n’avais pas vu mon fils depuis trois jours. Alors quand je l’ai vu au bout du parking, j’ai tendu les bras. Il s’est mis à courir vers moi avec le sourire aux lèvres. J’étais heureuse. Je lui avais manqué. Mais il a continué sa route sans même me regarder. Il était juste content de courir, et pas de me voir. Mais ce n’était pas grave, je le voyais, c’était le principal. Nous sommes allés dans la chambre pour la rencontre frère/sœur qu’on redoutait tant. Nous avions tellement peur qu’Adam soit violent envers elle. Qu’il ne l’accepte pas dans la maison.

En arrivant dans la chambre, Adam a brièvement regardé Ambre puis il l’a ignorée totalement. Je ne m’attendais pas à ça, mais au moins il n’était pas hostile envers elle. Il ne voulait pas me faire de câlin, il bougeait sans arrêt, il était trop à l’étroit. Nous avons donc écourté la visite. On attendrait d’être à la maison pour qu’il comprenne que c’était sa petite sœur. J’étais un peu déçue et j’avoue avoir pleuré du peu d’attention qu’il m’avait donné, mais les hormones y étaient pour beaucoup. J’avais les émotions en vrac. Ce soir-là, alors que les larmes coulaient sur mes joues, la puéricultrice de garde est venue me voir. Elle a perçu ma détresse et s’est assise avec moi. Elle était débordée suite à plusieurs naissances dans la journée, mais elle a pris dix minutes de son temps pour moi. Elle n’a pas tenté de me réconforter. Elle n’a pas cherché à savoir pourquoi je pleurais. Elle m’a parlé de musique. Elle m’a raconté des choses anodines et qui auraient pu paraitre déplacées au vu de mes larmes, mais ça m’a fait un bien fou. Je ne pensais plus au rejet d’Adam ni au fait que je me retrouvais seule à la maternité. Mes larmes ont arrêté de couler pour laisser place au sourire.
Tout de même, ça m’a rappelé une situation presque identique l’année d’avant.



Pierre et moi étions partis en vacances à la montagne, et, comme Adam n’avait qu’un an, nous ne l’avions pas emmené avec nous. Ma mère était venue vivre à la maison toute la semaine pour ne pas le perturber, qu’il puisse conserver ses repères. En journée, il était chez la nounou et le soir avec ma mère. La semaine s’est plutôt bien passée pour lui, on ne lui manquait pas plus que ça. Il ne nous cherchait pas. C’est d’ailleurs étrange de se dire qu’il ne s’était rendu compte de rien. Je prenais bien sûr des nouvelles tous les soirs parce qu’il me manquait terriblement. En général, ma mère me rassurait en me disant que tout allait bien, qu’il était sage.

Un soir cependant, ma mère m’a dit qu’en récupérant Adam chez la nounou, elle l’avait retrouvé complètement amorphe dans sa chaise haute. Carine l’a informé qu’il n’avait pas voulu quitter sa chaise haute de la journée. Lui qui était d’un naturel très actif à cette époque-là, ce n’était pas normal qu’il soit dans cet état. La veille, ma mère avait remarqué qu’il semblait avoir mal à l’une de ses jambes, il ne la posait pas à terre quand il était dans son trotteur. Elle pensait simplement qu’il avait dû tomber dans la journée et qu’il avait encore un peu mal. Mais lorsqu’elle l’a retrouvé ce jour-là dans cet état, elle a paniqué. Ma mère est allée aux urgences directement.

Adam avait contracté un rhume de hanche. Apparemment, c’était très étonnant pour un enfant de cet âge, mais il n’y avait rien de grave pour lui. Il sentait une douleur dans sa jambe, mais par intelligence les enfants de cet âge ne posent pas le pied par terre. Il a fini sa semaine en faisant le flamand rose. C’était horrible de savoir que mon enfant était en souffrance et que je n’étais pas là pour l’aider. J’avais peur qu’il nous en veuille de ne pas avoir été là. Mais nous sommes finalement revenus deux jours plus tard. J’imaginais déjà les retrouvailles avec des effusions de bisous, de rire et de câlins. J’ai eu le droit à un autre scénario. Pas de câlins, pas de bisous, pas de sourires, juste un regard avant de tourner la tête dans la direction opposée. Ça ne lui faisait ni chaud ni froid de nous voir après une semaine d’absence. J’ai ravalé ma douleur et me suis occupée de la sienne.



Alors quand il m’a « rejetée » après plusieurs jours d’absences à la maternité, j’ai repensé à ce moment, en me disant que ce n’était tout de même pas normal. Nous aurions dû lui manquer durant la semaine au ski, j’aurais dû lui manquer lors de mon passage à la maternité. Il aurait dû s’en rendre compte, ne serait-ce qu’un peu.

Cette nuit-là j’ai dormi avec Ambre dans mes bras. Blottie l’une contre l’autre, je profitais de ce moment en me demandant : combien de temps me reste-t-il avant qu’elle ne me rejette elle aussi ?

Je suis finalement rentrée à la maison le lendemain. Nous avions vraiment peur de la réaction d’Adam, mais il s’est passé quelque chose de merveilleux. Ambre était installée dans son cosy et Adam lui a tendu les bras avec un grand sourire aux lèvres comme pour lui dire : « Bienvenue dans ma vie ». Pierre a versé une larme. Je pense qu’il redoutait la réaction d’Adam plus que moi. Une de ses vannes s’est ouverte ce jour-là, pour son plus grand bien. Il était soulagé.
Et puis la vie à quatre a commencé. Nous avions beaucoup de chance, Ambre était un bébé très calme. Elle ne pleurait que très peu et souvent à cause de coliques que nous avons rapidement soulagées. Elle était adorable et a fait ses nuits très tôt. Un bébé de rêve. En revanche, Adam l’ignorait toujours. Quand il la regardait, il faisait des petites grimaces qui auraient pu vouloir dire : « Mais, qu’est-ce que c’est que ce truc ? ». La plupart du temps, il ne voulait pas l’approcher, il l’ignorait, la repoussait lorsqu’on essayait de la mettre à côté de lui. Il hurlait si nous insistions. Et puis en annonçant la naissance, j’ai reçu des messages du genre :
« Félicitations ! Adam doit être très fier ! »
Non, il n’était pas fier. Tant qu’elle ne débordait pas sur son espace, il s’en fichait. Est-ce qu’à deux ans, un enfant est censé être fier d’avoir eu un petit frère ou une petite sœur ? Avait-t-il seulement compris ce qu’elle représentait ? Il n’avait pas eu l’air de remarquer que mon ventre grossissait pendant la grossesse, alors il n’a pas pu comprendre qu’elle venait de moi. Comme lui, avant elle. Non, il ne pouvait pas être fier de quelque chose qu’il ne comprenait pas. Mais ça viendrait. Du moins, je l’espérais.
La belle-mère de Pierre, Catherine, est venue nous rendre visite pour la naissance. Comme elle venait de loin, elle a passé quelques jours avec nous. Et c’est là que tout a changé.

Elle m’a avoué penser qu’Adam avait un retard sur ses apprentissages. Elle l’avait remarqué depuis qu’il avait un an, mais que c’était encore trop léger pour m’en parler. Comme elle ne le voyait pas souvent, elle avait préféré ne rien dire. Mais là, au bout de quelques jours passés avec nous, elle avait remarqué que son comportement n’était toujours pas adapté à son âge. Il n’avait pas rattrapé son retard et ça se voyait de plus en plus.

J’y étais enfin. D’autres personnes constataient les mêmes choses que moi. Adam avait un comportement, une gestuelle, un éveil, des colères étranges. Ce n’était probablement pas grave, mais il fallait en parler. Comme Catherine nous l’a dit ce soir-là : « Pour qu’un enfant se développe correctement, il lui faut de l’amour. Adam n’en manque pas. Ce n’est pas de votre faute, mais il faut que vous consultiez pour savoir quoi faire. »

Le lendemain, j’ai pris le téléphone pour prendre rendez-vous avec une pédiatre. J’avais rendez-vous quelques semaines plus tard.
La_petite_lectrice

Profil sur Booknode

Messages : 70
Inscription : dim. 13 sept., 2015 5:45 pm

Re: Du rire aux larmes

Message par La_petite_lectrice »

C'est vraiment émouvant, j'ai pas de mots pour décrire ma lecture
candy-suki

Profil sur Booknode

Messages : 18
Inscription : mar. 10 sept., 2013 1:15 am

Re: Du rire aux larmes

Message par candy-suki »

Merci de m'avoir lue :)
berton

Profil sur Booknode

Messages : 45
Inscription : lun. 15 juin, 2015 7:30 pm

Re: Du rire aux larmes

Message par berton »

Bonjour! Excuse moi pour le retard, je n'avais pas forcément le temps en ce moment.

Mais en tout cas...je ne sais pas trop quoi dire, c'est difficile...Alors je ne vais rien dire. Mais merci beaucoup d'accepter de partager ton histoire avec nous!
Répondre

Revenir à « Essais et créations en plusieurs parties »