Le groupe s'avança prudemment dans le couloir sombre. Des trous dans les murs laissaient voir un paysage dévasté et torturé sous un ciel zébré d'éclairs rouges. Trent alerta le groupe d'une menace imminente et Connor ordonna une position défensive après que Katarina soit partie en reconnaissance. Celle-ci revint rapidement pour leur annoncer que le démon qu'ils cherchaient était au bout du couloir et qu'aucun monstre ne leur barrait la route. Il les attendait sûrement. Le démon avait une grande confiance en sa propre force. C'était cet orgeuil qui donnait le meilleur avantage à l'équipe d'aventuriers car l'ancien cellestelien ne savait pas encore de quoi ils étaient réellement capables. Au bout du corridor, ils arrivèrent devant ce qui était autrefois une immense double-porte dorée, mais qui n'était désormais plus que deux morceaux de métal déchirés pendants sur leur gonds. Ils passèrent tous les quatres par l'ouverture en s'assurant qu'ils n'étaient pas suivis et que la salle ne contenait pas autre chose que leur cible. Il était là, Corvus, le cellestelien déchu qui avait transformé le royaume du Tout-puissant en cet enfer. C'était un humanoïde de plus de deux mètres de haut, avec une peau reptilienne verdâtre, une paire d'ailes, une queue couverte d'épines aussi acérées que ses griffes, et des cornes se dressant fièrement sur sa tête.
- Te voilà enfin, misérable, dit le monstre à Connor, ton heure est venue !
- Pas aujourd'hui, répondit le cellestelien conjurateur.
Ses alliés se déployèrent autour de lui et se mirent en position de combat, les muscles tendus, prêts à attaquer. Blake fonça directement vers le monstre en brandissant son imposante hache tandis que Trent, à l'arrière de la formation, récapitulait mentalement la stratégie qu'ils avaient mis en place avant de rejoindre le royaume du Tout-puissant. N'ayants pas de sorts de soin, deux possibilités s'étaient offertes à eux : combattre prudemment en économisant leurs points de vie, ou alors miser sur un combat rapide en utilisant des attaques puissantes. Le stratège avait opté pour la première option suivit par Katarina, puis Blake et enfin Connor. Ce dernier devait utiliser ses invocations pour encaisser les coups du démon tandis que les autres membres attaqueraient. Tout s'enchaîna très vite. Quelques secondes plus tard, le démon se jeta sur le groupe déjà prêt. Corvus lança une attaque magique en direction de Blake qui prit la forme d'une immense boule de feu. Connor invoqua rapidement un soldat-pion en avant pour encaisser le coup mais ce dernier fut détruit sans avoir paré la totalité de l'attaque. Blake prit les flammes de plein fouet mais continua sur sa lancée avec un cri sauvage qui se répercuta sur le haut plafond en ruine. Le démon encaissa le violent coup de hache avec son avant-bras. Il prépara une contre-attaque pour envoyer valser le jeune homme mais il fut interrompu par une autre attaque venant de son dos. Katarina vire-volta dans un nuage sombre et enfonça ses griffes jusqu'à ce que ses poings atteignent les omoplates de sa victime. Corvus hurla de rage en voyant la première de ses trois jauges de vie se vider. Il attrapa la cape de la jeune femme et la projeta vers le reste du groupe. Trent la rattrapa de justesse avant qu'elle ne percute le mur. Le monstre tituba avec un cri déchirant. La structure derrière lui s'écroula et il reprit ses esprits au milieu de la cour extérieure. Deux soldat-pions de Connor foncèrent vers le démon tandis que Katarina se relevait péniblement. Le monstre balaya les deux créatures d'un revers, puis il s'élança vers le conjurateur. Trent dit à la jeune femme qui avait repris ses esprits de protéger le jeune homme pendant qu'il invoquait "sa tour". Un pentacle lumineux rouge apparu au sol derrière Corvus. Il en sorti alors une créature de masse impressionante qui prenait la forme d'un imposant guerrier en armure sombre. La tour leva son fléau au-dessus de sa tête pour l'abattre sur le monstre mais celui-ci esquiva agilement le coup. La créature invoquée finit par retirer sa masse du sol et à reprendre le combat. Une traînée de fumée noire tourna autour du monstre et Katarina infligea quelques coups rapides et efficaces qui baissa de moitié la deuxième barre de vie du démon. Cette fois, Corvus fulminait.
- Comment osez-vous vous mesurer à moi de la sorte ? Vous le paierez de votre vie ! Ce monde m'appartiens et me reviens de droit ! Mourez ! Mourez tous !
- Attention ! Les prévint Trent. Il va...
Trop tard, un hurlement terrifiant retentit et paralysa l'équipe pendant quelques secondes. Lorsqu'ils reprirent leurs esprits chacun vérifia son statut par réflexe et ils se rendirent compte que ce que craignait Trent était arrivé. Ce qui permettait aux aventuriers de tenir tête à Corvus, c'était une série d'effets de renforcement. Mais Corvus venait d'utiliser une pertubombe, un sort qui neutralise tout les bonus de status. Un sourire inquiétant déforma le visage du monstre. Trent émit un gémissement confut. Tout le monde se retourna vers lui. Le jeune homme était pâle et tremblait de stupeur. Il murmura, la voix paralysée par la terreur :
- Comment...si tôt ? Il ne peut pas...Il n'est pas censé pouvoir...
- Qu’y a-t-il Trent ? S’inquiéta Connor.
Sa puissance ne cesse d’augmenter, je… je n’arrive pas à anticiper ses mouvements c’est comme si ses émotions pouvaient perturber tous les flux.
- Cette pièce sera votre tombe, mortels ! lança le démon.
Soudain, un cri déchirant se fit entendre sur leur gauche. Katarina était étendue à terre, inanimée. Corvus se tenait au-dessus d'elle, les griffes encore dégoulinantes de son sang. Connor regarda rapidement le statut de la jeune femme. La peur et le desespoir lui tordit le ventre. Elle était morte. Blake fonça vers le démon tandis que Connor entamait un sort de résurrection. Trent hurla à Blake de s'arrêter mais le berserkeur ne l'écouta pas. Le démon lança un sort de glace vers Blake mais la tour s'interposa et fut anéantit en un seul coup. Katarina se releva mais ses points de vie étaient très bas. Corvus déchira à nouveau l'air d'un cri terrifiant. Mais cette fois, ce n'était pas une pertubombe mais un cri incapacitant. Blake s'arrêta dans son élan et tomba, tandis que Katarina resta clouée au sol. Il se retourna et souffla un relent empoisonné vers Blake puis, sans que l'équipe n'ai pu agir, il s'élança vers Trent qui mourru d'un énorme coup de griffe qui le découpa en deux. Le buste du stratège tomba avec un bruit sourd sur les dalles ensanglantées. Un haut-le-coeur souleva Connor tandis que le berserkeur chargeait avec un cri de rage. Avant même qu'il ne puisse atteindre Corvus, Blake tomba d'un seul coup. Le poison avait eu raison de lui. Le démon regarda Connor dans les yeux avec un sourire dément puis se dirigea lentement vers Katarina. Connor tomba à genoux, impuissant. « Non… non… c’est impossible… NON ! » Il se leva et couru vers la jeune fille encore à terre. Corvus abattit ses griffes acérées sur la jeune fille. Connor prit le coup à sa place, il s’était interposé entre les deux et il vola à travers un pilier. Quand il ouvrit péniblement les yeux, au milieu des débris et de la poussière, le jeune conjurateur vit mourir sa dernière camarade dans une gerbe de sang.
* * *
La jeune blonde couru avec entousiasme vers l'étalage en prenant son amie par la main. Elle s'écria, toute existée :
- Regarde cette étoffe Kélie ! N'est-elle pas magnifique ? Oh ! Et ses bas en soie ! Comme ils sont raffinés !
Mais l'attention de la jeune guerrière était portée ailleurs. Elle regardait quelqu'un dans la foule, quelqu'un qui ne semblait pas être à sa place. C’était un jeune homme qui devait avoir environ 18 ans, il portait une cape sombre avec une capuche qui descendait jusqu'au milieu de ses cuisses. Mais même sous ce vêtement, Kélie pouvait clairement apercevoir son regard. Un regard perdu, le regard de quelqu'un qui ne sait pas où il se trouve. Mais par-dessus tout ce regard était mélancolique. Elle pouvait deviner en le regardant que ce jeune homme avait beaucoup perdu. Son amie continuait de parler des marchandises.
- Oh mon dieu ! Ses babouches ! Mais elles sont...moches...oui. C'est la première fois que j'en vois d'aussi mauvais goût, hein Kélie ? Hé ! Tu m'écoutes ?
Elle se retourna et apperçut la jeune fille se diriger vers l'inconnu à capuche au milieu de la foule. Il faisait des gestes étranges dans les airs et cela l'inquiétait. Peut-être jetait-il un sort ? Kélie était donc peut être en danger. Cette dernière s'approcha, intriguée, et montra du doigt les gestes du jeune homme.
- Oh ! euh… j’essaie d’ouvrir mon menu et de voir mon statut, mais je n’y arrive pas, répondit-il d'un air penaud.
Elle fronça les sourcils.
- Mon statut, pour savoir combien il me reste de points de vie et pour chercher dans mon équipement un objet pour me téléporter.
La jeune fille ne parut toujours pas comprendre
- Je… vous aussi vous n'avez plus de barre de vie ? Il s'agit sûrement d'un bug, un problème momentané…
- Kélie ! Mais qu’est-ce que tu fais ? Connaîtrais-tu cet homme ? Lança la blonde.
Elle secoua négativement la tête.
- Vous ne pouvez plus parler ? Demanda l'étranger. Cela expliquerait le bug du système. Il faudrait attendre la prochaine mise-à-jour pour que tout redevienne....
- Mais de quoi est-ce que vous parlez ? L'interrompit la blonde. Vous êtes bizarre. Allez, viens Kélie. On va rejoindre les autres.
Elle prit son bras et tenta de l'entraîner plus loin, mais la jeune fille se dégagea. Elle fixa le jeune homme intensément.
- Dites moi, Sauriez-vous où est-ce qu'on se trouve ? demanda-t-il.
- Mais d’où sortez vous ? dit la blonde.
Kélie la fixa de ses grands yeux rosâtres.
- Tu n'es pas sérieuse ?! Tu veux vraiment l'emmener ?
Elle hocha la tête.
- Bon, très bien, se résigna-t-elle. C'est toi le chef après tout.
La blonde fit signe au jeune homme de les suivre.
- Venez avec nous, on vous emmène à l'auberge.
Avant qu'il n'ai pu exprimer sa surprise, Kélie le prit par le poignet et le tira hors de la foule. Ils arrivèrent devant un grand bâtiment avec plusieur étages et la blonde leur ouvrit la porte. Ils entrèrent dans une grande salle bruyante et chaleureuse. Des musiciens jouaient sur une petite estrade au fond et quelques personnes dansaient entre les tables de buveurs et de joueurs de cartes. Kélie amena l'étranger à une table où buvaient deux hommes. L'un était de très grande taille avec des cheveux rouges et revêtait une grande cape de cuir usé qui lui recouvrait tout le corps. L'autre semblait plus jeune que son voisin et un peu plus petit. Il avait des oreilles pointus qui témoignaient de ses origines elfique et portait une armure d'acier avec des ornements d'un bleu grisâtre. Une lance et un bouclier rutilant étaient appuyés contre sa chaise. Tout le monde parut surpris de voir Kélie amener un étranger à leur table mais personne ne prononça un mot pour s’y opposer. Le jeune homme au bouclier l’accueillit chaleureusement et se présenta comme étant Peter, tandis que le grand aux cheveux rouges ne bougeait pas d’un pouce. L’étranger ne comprenait toujours pas où il se trouvait ni qui étaient tous ces gens. Mais ce qui l’intriguait le plus était cette jeune fille qui l’avait entrainé jusqu’ici. Quelque chose n’était pas normal chez elle et il pouvait le sentir. Elle s'assit à côté de l'elfe. L'étranger voulut s'assoir près d'elle mais la blonde s'interposa et il du s'installer sur la chaise restante, entre l'homme aux cheveux rouge et la blonde qui lui jeta un regard froid et antipatique.
- Je m'appelle Suzann, se présenta-t-elle. La personne à côté de toi et qui ne prononcera pas un mot même sous la torture, se prénomme Ekzé.
Celui-ci ne le regardait pas et continuait de boire comme si de rien n'était.
- Et vous ? Quel est votre nom ? S'enquit Peter.
- Je m’appelle Connor, je suis un conjurateur de niveau 52.
Suzann le regarda de travers, les autres semblaient perplexes.
- Il n'y aurait pas de niveaux ici ?
- Non, pas à ma connaissance, dit Peter.
- Y-a-t-il des vocations ? Demanda Connor.
- Si vous parlez des métiers, oui, répondit la blonde. Je suis une sorcière, Peter est un prêtre et Ekzé est un mercenaire.
- Je vois… tout ceci est bien étrange, mais comment fait-on pour se repérer ici sans carte ?
- Vous pouvez demander votre chemin, ou bien prendre une carte tout simplement, dit L'elfe.
- Parfait ! Comment la fait-on apparaître ?
Kélie gloussa discrètement et posa un sac sur la table qu'elle portait sur son dos auparavant. Elle en sortit alors un rouleau de papier qu'elle déroula. Elle regarda Suzann.
- Ah oui ! Excuse-moi. Et voici Kélie, la dirigeante du groupe, une guerrière.
- Alors tous les objets ici n’existent que sous leur forme matérielle ?
- Évidement ! lança le prêtre.
- Tandis qu’ils discutaient, Ekzé, qui avait tout écouté, commençait à se poser de sérieuses questions sur la nature de cet étranger qui venait à priori de nulle-part, et qui ne connaissait rien.
- Donc si j’ai bien compris, vous êtes muette ? Demanda le conjurateur.
Kélie hocha la tête.
- Cela doit être compliqué de diriger un groupe sans pouvoir leur donner d’ordres.
- Oh, ne vous en faites pas pour ça ! Je sais toujours ce qu’elle a en tête ! Se targua la blonde.
Une voix au timbre grave et profond les interrompit :
- Depuis combien de temps es-tu ici et qu'est ce que tu faisais avant d'être à la Capitale ?
C'était Ekzé qui venait de parler et qui le fixait de ses yeux aux reflets pourpres.
- Je...il s'interrompit.
Le visage de son amie lui apparut ainsi que tout ses autres camarades qui étaient morts un à un sous ses yeux. Il continua :
- Nous combattions un monstre qui menaçait de détruire le monde tel que nous le connaissions et de le transformer en enfer. - Seulement, mes compagnons ont tous été massacrés et...et maintenant je me retrouve ici.
- Cela a due être terrible de perdre tout ces gens que vous aimiez d'un seul coup, fit Peter compatissant, Toutes mes condoléances.
- Probablement qu'ils ont pu résuciter dans l'église de Dracoda. Mais même cela j'en n'en suis plus si sûr.
Le prêtre et la sorcière poussèrent des cris d'exclamations.
- Mais c'est impossible ! S'écria Suzann. On ne peut pas revenir à la vie !
Le jeune homme parut décontenancé.
- Comment ça ?
La blonde et l'elfe se regardèrent, surpris. La voix d'Ekzé lui répondit calmement :
- Lorsque tu meurs, tu restes mort pour de bon.
Un poid sembla tomber sur les épaules de Connor. On ne pouvait donc pas revivre ? Il réfléchit à voix haute :
- Il n'y a pas de menu, pas de barre de vie, les objets sont tous matériels et contenus dans des sacoches visibles, on ne peut pas revenir à la vie et de plus, je ne sais pas où je suis ni qui sont tous ces gens.
Il fit une pause en fermant les yeux, puis il les rouvrit avec une lueure de compréhension :
- Il n'y a qu'une réponse logique à cela, Il m'a envoyé dans un autre monde !
- Un autre monde ?! S'écrièrent Suzann et Peter.
Qui est-ce qui t'as envoyé dans notre monde et décimé tous tes compagnons ? Lui demanda le grand homme aux cheveux rouges tout en vidant son verre.
- Corvus, répondit-il.
Ekzé posa violemment sa pinte sur le bois vernis. Il resta un instant, la main crispée sur la poignée du verre, puis il se relâcha doucement en s'appuyant sur son dossier. Soudain, Connor émit un gémissement de douleur et se plia en deux. Il regarda sa main qu'il venait de poser sur son ventre. Elle était couverte de sang. Il fut prit de vertiges et perdit connaissance. Le jeune homme tomba de sa chaise et atterit lourdement sur le parquet.
* * *
Il sentit une vive douleur au niveau du dos. Connor ouvrit lentement les yeux et vu qu'il était à plat ventre, torse nu sur un lit. Il tenta de se relever mais une main le retint en poussant doucement sur ses omoplates.
- Ne bouge pas, lui dit Peter, Vous avez déjà perdu beaucoup de sang, et vous ne me facilitez pas la tâche.
- Mais que faites-vous ? Dit-il en tentant de se relever à nouveau.
- Ne bougez pas bon sang ! Je vous soigne ! C'est mon métier, laissez-moi l'exercer.
Connor ne répondit pas. Le prêtre se rendit alors compte que ses blessures étaient atypiques et correspondaient parfaitement au témoignage du combat avec le monstre que le conjurateur leur avait donné. Il avait donc dit la vérité et venait d'un autre monde ? Peter ne pouvait plus en douter désormais. Les hommes racontent des mensonges mais les plaies ne peuvent mentir.
- Je peux vous tutoyer ? Demanda Peter en lissant le baume dans le dos du blessé.
- Oui.
- Tu seras rétabli à partir de demain soir, lui dit l'elfe, mais soit tout de même prudent passé ce délai.
Il sortit de la chambre après avoir ranger tout son matériel. Connor sentit peu à peu le sommeil venir et il s'endormit.
* * *
Il rouvrit les yeux, encore vaseux à cause du sommeil. La lumière était rasante et il su alors qu'il avait dormit toute la nuit et le jour suivant. Une touffe de cheveux rouges sur le bord du lit attira son regard. Kélie était assise sur une chaise et dormait à poings fermés. Il regarda la jeune fille avec reconnaissance. Sans elle, il n'aurait jamais découvert qu'il était dans un autre monde, n'aurait pas rencontré tout ces gens et serait sûrement mort de ses blessures...et pour de bon. La jeune femme battit des paupières et leva ses yeux roses vers lui. Tandis qu'elle le dévisageait, le jeune homme se sentit rougir. Le vêtement de la muette laissait voir sa poitrine pressée contre le matelat. Connor détourna vivement ses yeux anthracites et regarda le plafond, les joues en feu. Il passa une main dans ses cheveux d'ébène avant de s'assoir doucement en s'aidant de ses bras. Son visage se crispa en une grimace de douleur. Sa blessure lui faisait toujours mal, mais il décida de se lever malgré tout. Kélie était toujours sur sa chaise et le regardait fixement. Elle le mettais mal à l'aise avec son regard rose sans expression. Il voulu quitter la chambre pour fuir mais elle le devança et, d'un geste, lui demanda de la suivre. Arrivée dans la grande salle à l'ambiance conviviale, Peter les salua avec chaleur :
- Bonjours ! Bien dormit ? Ta blessure va mieux Connor ? Savais-tu que Kélie t'avais veillé toute la nuit et le jour suivant ? Bref. Viens donc à notre table ! Tu dois avoir faim.
Lorsque l'idée du repas se fut instalée dans l'esprit encore engourdie du jeune conjurateur, il se rendit compte qu'il avait extrêment faim. Son ventre se manifesta et Kélie émit un rire mélodieu qui le troubla. Encore une fois, elle le mettait mal à l'aise. Ils rejoignirent donc Ekzé et Suzann qui venaient de finir leur auges et qui sirotaient une liqueure tout en parlant. Lorsque le repas fut servi, Connor engloutit sa soupe de poirots et dévora entièrement le pain qui était au milieu de la table. Pendant qu'il mangeait, il réussit à percevoir des bribes de la conversation de l'homme aux cheveux rouges et de la blonde :
- ...il va falloir partir dès demain matin si nous ne voulont pas que le col soit bloqué par la neige, dit-il.
- Oui, mais nous n'avons toujours pas finit nos achats pour le voyage ! Répondit-elle vivement.
- Nous avons tout ce qu'il nous faut.
- Bien sûr que non ! J'ai apperçut un superbe...
- Ton foulard bleu indigo pourrat attendre, la coupa-t-il, Il ne te servira à rien contre le froid.
La jeune sorcière se renfrogna en croisant les bras avec mécontentement. Elle grommela :
- Tu ne comprendra jamais à quel point ce foulard est unique.
Connor les interrompit aussitôt, stupéfait :
- Vous partez quelquepart ?
- Nous allons à Egön, répondit Ekzé. Des rumeurs racontent qu'une bête terrifiante tue les voyageurs et les villageois qui s'éloignent un peu trop de leurs habitations.
- Les gens là-bas commencent à mourrir de faim et de froid, poursuivit Peter. Ils ne cultivent pas leur nourriture à cause du gel et importent donc toutes leurs ressources, mais le traffic à été stoppé à cause de ce monstre et le col sera bientôt trop dangeureux à traverser. Si quelqu'un n'agit pas dans les prochains jours, ce sera toute une population et une culture qui disparaîtra.
Connor posa ses couverts. Il n'avait plus faim. Comment pouvait-il continuer à vivre dans ce monde qu'il ne connaissait absolument pas s'ils partaient ? Il ne comprenait pas ce monde et cela avait été une chance de tomber sur eux. Une idée lui vint soudain à l'esprit :
- Je viens avec vous.
Le mercenaire aux cheveux rouges finit son verre d'un trait avant de se tourner vers lui.
- Pourquoi ?
Connor s'humecta les lèvres :
- Grâce à vous j'ai découvert que je n'étais pas dans mon monde. Seulement, j'ai un combat à finir dans ma dimension et qui me permettra de le sauver. Je vais donc voyager avec vous pour découvrir un moyen de pouvoir revenir d'où je viens.
Kélie hocha la tête en signe d'approbation. Les autres firent de même et approuvèrent sa décision. Lorsque tout le monde eu finit son repas, Ils se redirigèrent vers leur chambre respectives. Connor s'affala sur son lit, face contre l'oreiller et bras écartés. Un long voyage l'attendait demain et pour les jours qui allaient suivre. Il défit sa cape avant de retirer ses vêtements, puis s'installa dans son lit. Il ferma les yeux et sombra peu à peu dans le monde des rêves. Son coeur s'accéléra lorsqu'il reconnu la voix de Corvus dans son rêve : "Mourez ! Mourez tous !". La voix de Trent les prévint "Attention ! Il va...". Le sang gicla sur le visage de Connor. Son ami était devant lui, le torse séparé du reste du corps, le tout dans une mare de sang sombre. La mare s'agrandie jusqu'à presque l'engloutir, lorsqu'il apperçut Blake qui flottait à la surface. A peine l'avait-il rejoin que son ami disparut dans le liquide rouge. Il le rattrapa d'une main ferme par le dessous de l'épaule, mais ce n'est pas Blake qui emmergea, mais Katarina. Le jeune invocateur trembla d'effroi et fut parcouru par un frisson d'horreur. Le visage de la jeune femme était figé dans l'exacte expression qu'elle avait lorsqu'il l'avait vu mourir. Une secousse profonde le souleva et il se réveilla en sursaut. Il faisait encore nuit. Ses draps étaient par terre et il était encore tremblant et couvert de sueur. Il calma sa respiration autant qu'il le put, puis rammassa ses draps. Il se ralongea et regarda le plafond. Ne les reverrait-il donc jamais ? C'est sur cette question qu'il repartit pour un sommeil profond mais agité.
* * *
- Debout.
Il sentit quelqu'un lui secouer l'épaule avec douceur mais fermeté. Il ouvrit lentement ses paupières et vu une touffe de cheveux rouges au dessus de lui. Il cru pendant un moment qu'il s'agissait de Kélie, mais lorsque la buée du sommeil partie, il se rendit compte que c'était Ekzé qui l'avait réveillé. De plus, Kélie ne pouvait pas parler et donc lui avoir demandé de se lever. Il cru ressentir comme un semblant de déception.
- Nous partons. Tu as cinq minutes pour plier tes affaires et arriver prêt à l'entrée de la ville, continua le mercenaire d'un ton sans appel.
- Je n'ai pas d'autre affaires que celles que je porte en ce moment, lui répondit-il sur le même ton en se levant et en refermant sa cape avec une chaine qui lui barrait tout le torse.
Connor fit une pause en regardant les yeux ardents qui le fixait avec animosité.
- Je suis prêt, allons-y. Je ne sais pas où se trouve l'entrée de la ville donc...
Il s'interrompit en s'attendant à ce qu'Ekzé proteste en disant qu'il n'avait pas pu entrer dans cette ville sans savoir où en était l'entrée. Mais il n'en fut rien. Le mercenaire se contenta de hausser les épaules et de sortir de la chambre en faisant ondoyer sa cape de cuir sombre. Ils sortirent ensemble de l'auberge sans qu'il vu la trace de Kélie et de ses compagnons. L'homme aux cheveux pourpres lui expliqua que Suzann avait insister pour de derniers achats.
- Elle ne raterait jamais une occasion de nous mettre en retard ! Ragea-t-il. Et pour un bout de tissu pour changer. Nous ne sommes déjà pas en avance.
Sa réplique sonna comme un reproche envers Connor qui préfèra faire la sourde oreille.
- Elle préfèrerait que toute une civilisation meurt plutôt que de ne pas pouvoir satisfaire ses petits caprices de princesses geignardes, rajouta-t-il, sombre.
Il arrivèrent au niveau du marché où certains étalages étaient encore entrain de s'installer et où il n'y avait pas encore foule du fait de l'heure très matinale. Un éclat rouge attira le regard de Connor. Kélie suivait sans grand enthousiasme Suzann qui allait d'étalages en étalages. Ekzé la saisit par le col sans un mot et la tira vers l'entrée de la ville où les attendait Peter, couché dans l'herbe. Suzann protestait avec des cris hystériques tandis que le mercenaire la tirait toujours et que les passants se retournaient à leur passage.
- Lâche-moi abruti ! Hurlait-elle. Mon foulard était là ! Sous mes yeux ! Comment oses-tu me trainer comme un vulgaire sac de légumes ? Lâche-moi bon sang, facier de tomate !
- Elle fait toujours ça quand on va chez le tanneur, s'excusa auprès des passants Ekzé, qui tirait sans grandes difficultés la furie aux cheveux dorés. Elle déteste l'odeur de son atelier.
Peter se leva précipitamment en les entendant arriver. Il regarda Suzann qui vociférait toutes les injures possibles.
- Tu ne comprends vraiment rien du tout ? Hurlait-elle. Ta mère ne t'as pas appris la politesse face de tomate ? Laisse-moi acheter ce foulard bon sang !
Le mercenaire rafermit la prise sur son col avant de s'arrêter devant Peter. Kélie et Connor restaient un peu en retrait de peur de prendre un coup de la blonde furieuse.
- Aïe ! Mais ça fait mal ! Geignit-elle. Tu ne sais donc pas ce qu'est la douleur ? Tu ne t'es jamais pris un coup ?
Suzann tomba alors tête la première sur les pavés. Ekzé l'avait laché. Ses mains tremblaient. Il dit doucement, d'une voix où la haine menaçait d'éclater :
- Ne prétend plus jamais que je ne sais pas ce qu'est la douleur.
- Ca suffit, dit calmement le prêtre, Nous avons déjà perdu assez de temps. Suzann...
- Ah non ! Le coupat-elle. Tu ne vas pas encore me sortir l'un de tes sermons vide de sens ! Ce foulard est unique, inutile de dire le contraire !
Il ne répondit pas. Il la regardait fixement. Connor vit la jeune sorcière ouvrir la bouche puis la refermer. Les yeux azurs de Suzann semblaient intrigués et attentifs à la réponse du jeune homme.
- La civilisation que nous voulons sauver est tout aussi unique Suzann, finit-il par dire sans hausser le ton, Le col sera bientôt bloqué et alors les bijoux , les fourrures, les tapisseries et l'histoire d'Egön tombera à jamais dans l'oubli.
Il ferma les yeux et serra les poings. Cette fois il cria avec émotion :
- Des femmes, des enfants et des hommes innocents mourront pour un stupide foulard ! Voilà ce qu'on racontera à propos de la disparition d'Egön ! Si nous ne leur venons pas en aide, personne ne viendra ! Cela me fait terriblement mal que tu ne comprennes pas cela Suzann !
La jeune femme devint complètement pâle. Elle baissa la tête et se cacha derrière sa frange. Elle ne répondit absolument rien. Elle marcha jusqu'au portail de la ville puis se retourna, souriante.
- Qu'est ce que vous attendez ? S'exclama-t-elle. On y va, oui ou non ?
* * *
ils marchèrent toute la journée sans rencontrer grandes difficultés. Le temps était doux sans être trop chaud et ils n'avaient croisé rien d'autre que des paysans occupés à labourer leur champ. Malgré toutes ces bonnes conditions, Connor se sentait vide et un désagréable sentiment de mélancolie montait en lui. Il voyait tout les membres du groupe discuter joyeusement de tout et de rien, comme lui et ses camarades d'autrefois. Il aurait bien aimé plaisanter avec Katarina, donner une tape dans le dos de Trent pour qu'il se détende, même les plaisanteries salaces sur les nombreuses conquêtes -féminines- de Blake lui manquaient. Une main posée sur son épaule l'interrompit dans ses pensées. Kélie le fixait avec un regard interrogateur.
- Rien, répondit-il rapidement, je n'ai rien.
Il détourna la tête, mais la jeune femme amena sa main vers sa joue et receuillit une larme au bout de son doigt. Il soupira en essuyant ses yeux humides d'un revers.
- Je...je pensais à mes anciens compagnons que j'ai laissé face...face à ce monstre. Je ne sais même pas ce qu'ils sont devenus. Ils me manquent. Oui, ils me manquent vraiment.
Elle lui sourit avec compassion. Etrangement, ce sourire lui faisait chaud dans le coeur et dessera sa gorge enrouée par la tristesse retenue. Même s'il savait parfaitement que cela était impossible, il avait l'impression que Kélie le comprenait et qu'elle savait ce qu'il avait pu endurer. Le soleil descendait progessivement vers l'horizon et déjà, la lumière déclinait alors qu'ils sortaient du champs de collines précédant la montagne qu'ils devraient monter le lendemain. Lorsqu'ils commencèrent à installer le camp, Connor se rendit compte d'un problème majeur.
- Je n'ai pas de tente, dit-il.
Tout le monde s'arrêta dans sa tâche et le regarda avec étonnement. Ekzé soupira d'ennuis.
- Qui veut partager sa tente avec notre cher ami ? Dit-il avec nonchalance.
Un silence gêné s'installa et personne ne bougea d'un pouce. Connor s'était déjà résolu à dormir à la belle étoile quand Kélie s'approcha de lui et lui tendit la main en souriant. Personne ne protesta mais il sentait bien l'animosité qui planait sur lui. Il aida donc à installer la tente de la jeune femme, et après un repas froid et très frugale, Ekzé poussa le conjurateur entre deux tentes.
- Si tu touches, fit-il menaçant, ne seraiT-ce, un seul cheveu de Kélie...
- De quoi parles tu donc ? Répondit Connor vexé, Jamais je ne...
Le mercenaire le pris par le col et le souleva de quelques centimètres.
- Tu ne la touches pas, Continua-t-il, plus lentement cette fois, sinon je t'étriperais jusqu'à ce que ton rectum ressorte par tes yeux.
Il le relâcha sans douceur et lui offrit un sourire provocateur qui confirmait qu'il tiendrait sa promesse. Le mercenaire partit vers sa tente et disparu derrière un pan de toile. Les autres étaient sûrement déjà entrain de dormir sur leur natte. Il poussa la toile de la tente de la guerrière et s'assit doucement sur sa couchette. Kélie semblait dormir mais ses doutes furent dissipés lorsqu'elle ouvrit les yeux. La jeune femme s'assit et lui prit la main qu'elle amena doucement vers son visage. Le feu monta aux joues du conjurateur. " Mais qu'est ce qu'elle veut ?" Ce n'est pas sur la joue que ses doigts se posèrent, mais sur ses cheveux pourpres. Elle lui lâcha la main et fit un geste qui immitait une fessée tout à fait comique.
- Tu nous as entendus ? Demanda-t-il.
Elle aquiesça d'un hochement de tête et en souriant largement. Il retira lentement sa main tandis que la guerrière pouffait. Connor enleva son énorme chaîne qui entourait tout son torse en partant de l'épaule gauche et qui remontait par le rein droit. Il se délesta ensuite de sa cape noire à capuche avant de s'allonger sur sa natte. Kélie s'était rallonger et le regardait avec un sourire malicieux qui le mettait terriblement mal à l'aise. Il ferma les yeux et s'obligea à dormir et de ne pas penser à la jeune femme qui dormait à côté de lui, mais c'était impossible. Peu importe le sujet de ses pensées, elles revenaient toujours vers elle. Il finit par s'endormir au son de son rire mélodieux.
Un orage le réveilla. La tempête faisait rage à l'extérieur et le vent faisait grinçer les poutres de la tente. Après un coup de tonerre particulièrement prôche, il entendit un gémissement dans son dos. Il se retourna et vit Kélie qui semblait souffrir atrocement.
Elle s'agita dans son rêve et bougea les lèvres dans un cri muet. Elle semblait dire quelquechose et la curiosité l'emporta sur le jeune homme qui tenta de déchiffrer ses paroles : " Pouquoi...? Pourquoi me faire ça père ? M'envoyer là-bas...? Moi ? Jamais je ne pourrais..." Elle eu un nouveau cri de douleur qui semblait déchirant, mais seul un gémissement ténu sortit de sa gorge. "Non ! Non père ! Rends-les moi ! Rends-moi mes ailes !" Il ne faisait plus attention à ses cris muets. Peut-être avait-il mal traduit, mais que signifiait cette histoire d'ailes ? Peut-être que sa nature n'était pas humaine et que...Il secoua la tête et refuta cette idée. Cela était impossible et ne connaissant pas ce monde, il ne pouvait pas savoir de quelle nature elle pouvait être. Sa curiosité était néanmoins piquée et il décida de lire une nouvelle fois sur ses lèvres, mais son visage était redevenu paisible et sa respiration, régulière. Il décida alors d'essayer de se rendormir.
Il ouvrit les yeux alors que le jour commençait à peine à poindre. Kélie dormait toujours. Il se leva et remit sa cape puis sa chaine. Il sortit dehors et vu Peter qui préparait un ragout de légumes. Il se retourna et lui sourit en lui demandant de s'assoir à côté de lui. Le prêtre prit un air désolé, ce qui surpris le jeune homme.
- Je suis désolé pour hier, dit-il, ne soit pas fâché d'accord ? Cela ne m'aurait pas dérangé de partager ma tente, mais elle est bien trop petite pour nous deux.
- Oh, ça ! S'exclama Connor, qui ri de bon coeur. Ce n'est rien ! Je n'en veux à personne.
Peter lui offrit un autre sourire et une louche de son ragoût dans une écuelle. Sa préparation n'était pas mauvaise mais manquait un peu de goût. Il entendit alors un baillement sonore derrière lui. Suzann venait de sortir de sa tente et s'étirait voluptueusement.
- Toujours aussi matinal Peter ! Fit-elle en s'approchant d'un pas léger. Tu as passé une bonne nuit le nouveau ?
Elle se pencha près de son oreille et chuchota :
- Tu en as bien profité hein ? Petit coquin va...
- Suzann ! S'indigna Peter.
Le rire malicieux de la sorcière résonna dans le campement. Elle s'assit entre les deux hommes et se servit en ragoût silencieusement.
- Kélich n'est touchours pas réveiché ? Demanda-t-elle la bouche pleine. Ah...c'est chaud...
Une goutte du liquide brûlant coula le long de son menton, puis de son cou avant de se perdre dans son corsage. Connor avala sa salive avant de lui répondre que la guerrière n'était toujours pas levée et qu'il n'avait pas vu Ekzé. Elle finit rapidement son plat à s'en brûler la langue et se leva prestement avant de se diriger vers la tente de Kélie. Le soleil ne s'était toujours pas levé lui non plus, et pourtant une lumière diffuse, bien que faible, baignait la petite vallée dans laquelle ils s'étaient installés. Les orages de la nuit avait laissé le paysage détrempé. Une ombre à l'orée d'une forêt proche attira le regard de Connor. Peter l'avait vu lui aussi. Le prêtre saisit sa lance et son bouclier et se dirigea vers la silhouette, lance pointée vers elle. Une main sur son épaule lui intima de se calmer. Kélie se tenait à côté du prêtre et pointa avec son autre main la silhouette. Ekzé apparu à la lumière rasante du jour avec deux lièvres qu'il tenait par dessus son épaule. Il alla jusqu'au feu de camp qui n'était plus qu'un vulgaire tas de braises et fourra les lièvres dans son sac après les avoir enveloppés dans un chiffon.
- Pour ce soir, dit-il simplement avec sa voix profonde, en route.
Kélie aquiésça et prit ses bagages. Tous les autres firent de même avant de plier le camp. Après quelques heures de routes, Ils arrivèrent sur un chemin sinueux qui passait entre de hautes collines. Peter semblait soucieux et Suzann gardait les mains ouvertes, prête à jeter un sort. Kélie et Ekzé gardait leurs mains très proches de leurs armes.
- Que se passe-t-il ? Demanda-t-il, inquiet.
- Nous entrons dans une région remplie de monstres et autres créatures qui ne nous veulent pas du bien, répondit Ekzé. Nous sommes à Vyslaïnd, un champ de collines environné constamment d'un brouillard épais.
Ils étaient en effet entourés d'une brume si dense que Connor aurait juré pouvoir la couper au couteau. Rien n'était visible au-delà de dix mètres autour d'eux.
- Les marchands n'empruntent jamais cette route, continua Peter. Ils passent par Nagalhz. Mais passé par là nous aurait rallongé le voyage d'environ trois jours.
Un regard rose les fit taire. Le brouillard devant eux venait de s'agiter en volutes blanchâtres. Un museau sortit de la fumée, puis des yeux sans paupière, ressemblants à ceux des poissons apparus. Bientôt un corps voûté couverte d'une peau grise se retrouvait à moins de cinq mètres.
- Une goule, dit le mercenaire.
- Une...une quoi ?! S'exclama Connor. Il y a des cimetières ici ?
Ekzé eu un sourire inquiétant.
- Tu as trouvé le meilleur mot pour désigner Vyslaïnd, félicitation. En effet, c'est un très, très grand cimetière.
Connor regarda le sol sous ses pieds et vu des os d'un blanc étincellant dépassés de la terre meuble. Un crâne humain gisait un peu plus loin. La créature leva son museau et émit un grognement inquiétant. La goule était totalement aveugle et sourde mais possèdait un odorat incroyablement développé.
- Débarrassons-nous vite d'elle avant qu'il en arrive d'autre, les avertit Suzann.
Trop tard. Cinq autres goules sortirent du brouillard. Kélie sortit son épée et son bouclier et tapota l'épaule du mercenaire en indiquant les goules devant eux et fit la même chose pour Suzann au niveau du flanc gauche et Peter pour l'arrière. Elle se tourna vers Connor et lui indiqua Peter pour qu'il reste près de lui. Elle se dirigea vers le flanc droit. Une goule se jeta sur la guerrière avec un gargouillit repoussant. Au dernier moment, la jeune femme fit un équart sur le côté et fit une énorme taillade sur tout le flanc de la bête. Ekzé ne semblait pas avoir bougé pendant que Connor observait Kélie. Pourtant, trois cadavres de ces créatures gisait à ses pieds. Il secoua d'un geste vif ses deux cimeterres pour en retirer le sang, mais d'autre goules arrivaient de son côté. Des flash de lumière attira le regard du conjurateur. Suzann jetait des boules de feu blanches sur les monstres. Elles étaient petites mais semblaient faire des ravages dans les rangs de leurs ennemis. Un bruit de métal déchirant la chair le ramena vers Peter à ses côtés. Il venait de donner un violent coup de bouclier dans la machoir d'un monstre. Une goule s'approchait à pas lents de Connor et commençait à se tasser sur elle-même pour lui sauter à la gorge. Son coeur s'affola et il se rendit compte qu'il ne savait absolument pas comment invoquer ses pions. Il vu un couteau à la ceinture du prêtre et s'en saisit. Au moment où la bête bondissait, il lâcha vivement le couteau. Il l'avait brûlé. Dans ce monde là non plus il ne pouvait pas utiliser d'armes. Le poid de la bête le plaqua au sol et lorsque ses machoires se refermérent sur son épaule, il ressentit une douleur intense et son sang coula abondemment dans son dos. Il hurla à s'en détruire les tympans puis sentit le poid de la bête partir. Le tumulte du combat ne se faisait plus entendre. Il voyait trouble, du sang et de la sueur coulait devant ses yeux. Quelqu'un le souleva avec poigne et le fit avancer. Son coeur battait à ses oreilles, très lentement, et il sentait que sa tête allait exploser. Des explosion, des éclats de fer et de sang, l'odeur de la chair brûlée et de la charogne. Le tumulte faiblit jusqu'à disparaitre complètement. Il perdit connaissance.
* * *
- Combien de fois vais-je devoir te sauver la vie ? Il va falloir que tu sois un peu plus prudent.
C'était la voix de Peter. Dès qu'il repris le contrôle de ses sens, il sentit le froid mordant qui lui engourdissait les doigts et les pieds. Mais plus que le froid, son épaule le lançait.
- J'ai réussi à te remboiter ton épaule durant ton sommeil, mais il faut que je panse la morsure, et cela risque d'être très douloureux.
Il était dans une tente, sur une natte collante de sang coagulé. Peter était au-dessus de lui, avec un bout de tissu trempé à la main.
- Prêt ? Demanda le prêtre.
- p...pr..argh.
Il n'arrivait plus à parler correctement. Les muscles de son cou étaient contractés au possible et ne voulaient pas se détendre. Peter approcha le tissu de la plaie et lorsque les gouttes tombèrent sur les marques ensanglantées de la morsure, Connor ressentit comme une brûlure qui lui fit serrer les machoires. Le tissu se posa sur son épaule. Au début, il ne ressentait que la brûlure, puis le feu se répendit dans sa clavicule, son dos, ses jambes. La douleur le fit cambrer. Ses muscles étaient si contractés qu'il ne s'étonna pas lorsque sa colonne vertébrale craqua. Il se reposa doucement sur la couchette sanglante. Peter le regardait avec étonnement.
- Bon sang ! Fit le prêtre les yeux ronds. C'est bien la première fois que je vois quelqu'un résister autant à un traitement à la morelle et à loriot ! Pas un cri, rien ! Tu es plus résistant que tu en as l'air.
Connor lui offrit un faible sourire. Son coeur et sa respiration commençait à reprendre un rythme normal. Il ouvrit avec difficulté ses machoires.
- Je...je suis inutile, réussit à souffler le blessé, je ne peux pas...
- Alors là, l'interrompit Peter, je t'arrête tout de suite. Personne n'est inutile. Ce qui t'es arrivé peut arriver à n'importe qui.
- Arrête ! Arrête de dire des énormités pareil ! S'énerva-t-il.
- Calme-toi, fit le prêtre en sortant des bandages, tu vas rouvrir la plaie.
Connor se laissa bander sans protester. Lorsque Peter eu terminé, il lui demanda de rester encore un peu.
- Je ne peux pas combattre, dit-il. Tout à l'heure, j'ai voulu me servir de ton poignard pour me défendre, mais il m'a brûlé la main. Avant, j'invoquais des créatures, mais ici, j'ignore comment les invoquer. Dans mon monde je ne pouvais pas utiliser d'armes, et visiblement, ici non plus. Je ne sers absolument à rien.
Le prêtre ne répondit pas tout de suite.
- Le temps t'aidera, finit-il par répondre. Il faut que tu trouves un moyen de te défendre, et vite si tu veux continuer à nous suivre.
Il sortit de la tente sans dire un mot. Si tôt la toile retombée, elle se souleva pour laisser entrer une jeune femme aux cheveux rouges. Kélie se précipita vers le blessé avec un air affolé. Elle se mit à genoux à côté de lui et repoussa quelques mèches noires collées par la sueur sur son front.
- Tu n'es pas blessée ? Demanda-t-il.
Elle agita rapidement sa tête de gauche à droite.
- Et les autres ?
Elle immita une fille aux manières de princesse qui pouffait sans cesse.
- Suzann ?
Elle acquiesça. Kélie montra alors sa cuisse et son bras en passant ses doigts dessus comme si elle se griffait. Il remarqua alors un vêtement en cuir noir qu'elle tenait sous le bras, ainsi qu'une chaîne qu'il connaissait bien. Elle déposa sa cape sur lui et sa chaine à côté de son bras blessé.
- Merci.
Le froid lui était moins pénible désormais. Elle se leva et sortit de la tente pour revenir quelques minutes plus tard avec deux écuelles fumantes. La guerrière l'aida à s'assoir en le soulevant délicatement par les épaules puis lui donna son assiette. C'était du lapin qu'avait chassé ce matin le mercenaire avec des endives cuites dans du bouillon. Il avala rapidement son plat et s'arrêta soudainement, la cuillière contre ses lèvres; Kélie observait ses grands yeux gris comme l'acier. Le rose des pétales se mélangea au mercure liquide. Le sang battait aux oreilles de Connor. Qu'est ce qu'elle essayait de faire ? Elle brisa leur lien visuel et reposa son écuelle vide. Elle l'aida à se rallonger. Elle était très près, si près qu'il sentait son souffle dans ses cheveux noirs. Elle s'allongea à côté de lui et rapprocha sa natte de la sienne, trempée de sang. La jeune femme enlaça son bras valide en se blotissant contre lui. Un frisson parcouru le corps du jeune homme. Elle se détacha un peu de lui pour ramener une couverture de fourrure vers eux. Avant de revenir vers lui, elle l'observa attentivement. Connor comprit. Il leva son bras valide pour laisser la jeune femme enfouir sa tête contre son épaule. Il reposa prudement sa main sur sa hanche qui se dessinait clairement sous les fourrures.
- Si Ekzé nous voyai, murmura-t-il, il me tuerai.
Kélie émit son petit rire si mélodieux à ses oreilles. Il ferma les yeux. Si à chacune de ses blessures elle se réfugeiait ainsi dans ses bras, il se blesserait volontier tout les jours. Il réfuta alors cette idée stupide. La douleur avait été atroce et il aurait pu y rester...et pour de bon. Le sommeil ne tarda pas à venir.
Il marchait dans la brume de Vyslaïnd. Le hurlement des goules était terrible. Une créature surgit de la brume et lui morda la cape. Elle tirait très fort vers le bas et il avait énormément de mal à rester debout. La goule ne cessait de gémir. Il se rendit alors compte que la créature avait des cheveux fambloyants et un dos de jeune femme d'un blanc laiteux. Son échine était dégoulinante de sang. Lorsque le monstre leva les yeux, il reconnu instentanemment son visage. Kélie pleurait abondamment et tirait sur sa cape en lui montrant quelquechose derrière elle. Il apperçu alors deux ailes blanches sanglantes qui trainaient dans les mauvaises herbes. "Connor ! " hurla-t-elle dans un cri déchirant.
Il se réveilla, haletant et en sueur. Kélie était toujours dans ses bras. Elle semblait agité comme la nuit dernière et ses lèvres bougeait dans un dialogue qu'il ne pouvait entendre. "Je...je dirais tout ! Je sais que c'est toi dont parlait la prophétie !" Elle se tu et fut secouée par un frisson d'effroi. "Non...Tu ne peux pas ! Père ! Tu m'as en levé mes ailes ! Ne me retire pas la parole ! Non ! Je ne pourrais jamais la retrouver ! Il est bien trop fort !" Elle émit un gémissement qui soudain se tu, mais elle continuait toujours de crier. Il venait de découvrir quelquechose, quelquechose d'important. Kélie n'avait pas toujours été muette et son "père" était impliqué dans la perte de sa parole ainsi que de ses "ailes". Il semblerait qu'il lui ai demandé d'affronter quelqu'un ou quelquechose pour qu'elle retrouve ce qu'il lui avait ravit. Connor décida d'en savoir plus. Notamment sur le but réel de leur expédition.
* * *
Son dos lui faisait mal. Elle se dit que lorsqu'ils arriveraient à Egön ils achèterais une bête de somme. Le ballot qu'elle portait sur les épaules était bien trop lourd. Le froid était mordant est passait à travers son manteau. Connor était juste devant elle. Sa cape était raidit à cause du gel. Il lui était de plus en plus pénible d'avancer. La neige rentrait dans ses bottes et lui brûlait les jambes. Il ne sentait plus ses bras, dénudés sous sa cape. Le vent sifflait dans ses oreilles en lui provoquant une douleur lançinante jusque dans les os. Le col était un endroit redoutable où les voyageurs imprudents tombaient souvent dans les failles du glacier. Le vent qui s'y engoufrait était gelé et particulièrement puissant. Connor n'était pas le seul à souffrir du froid, devant lui, Suzann grelotait sous son manteau de fourrure et semblait sur le point de tomber au sol à n'importe quel moment tant elle était pâle. Peter, qui fermait la marche, avait les dent qui claquaient et Ekzé avançait en tête en prenant tout le vent de face. Le mercenaire haletait comme un boeuf sous l'effort. Au bout d'un certain temps qui lui paru une éternitée, l'homme aux cheveux rouges hurla quelquechose dans le vent. Connor cru entendre qu'ils seraient à l'abri du vent après le virage sur la droite qu'ils avaient devant eux. Il n'en pouvait plus, il ne sentait plus ses pieds. L'engourdissement descendit bientôt jusqu'à ses jambes, lui faisant perdre l'équilibre. Il tomba tête la première dans la neige. Malgré la douleur de la brûlure, il ne trouva pas la force de se relever. Il sentit des mains le soulever par dessous les épaules.
- M..merci, réussit-il à murmurer.
- Il n'y a pas de quoi, lui répondit Suzann.
La sorcière regardait les jambes chancelante du conjurateur. Elle s'accroupit et posa ses mains sur les genoux du jeune homme en murmurant un sort. Aussitôt, Connor retrouva de la sensation dans ses jambes et se sentis capable de marcher. Il la remercia encore une fois. Ekzé était déjà loin devant et les avait distancé d'une bonne dizaine de mètres. Il les attendait à l'enbouchure d'un virage. Lorsqu'ils le rejoignirent, le soleil commencait sa descente. Une lumière rasante couleur carmin leur parvins. Le vent se fit soudain plus léger. Le chemin descendait en zigzagant dans un cirque immense. Au creux du renfoncement, un lac gelé brillait de beaux reflets dorés. Connor ne pu réprimer un soupir d'admiration face à ce spectacle grandiose. Lorsque le soleil disparu derriere les crêtes, les plongeant dans l'ombre, il remarqua des lumières vascilliantes au bord du lac.
- Nous voici enfin à Egön, souffla Peter.
Il se tourna vers Connor qui se tenait à la roche.
- Décidément, s'étonna le prêtre, tu ne cessera de me surprendre ! J'ai bien cru que tu ne te relèverais pas tout à l'heure. Tu es vraiment coriace il faut l'avouer.
Il s'adressa aux autres membres du groupe avec un immense sourire.
- Je crois bien que notre conjurateur ne se laissera pas mourir aussi facilement ! Tu as un don pour trouver des gaillards solides Kélie !
Ils suivèrent avec précaution le sentier étroit. En passant à côté du lac, par la rive Est. Connor remarqua quelquechose qui brillait au-dessus de la glace lisse. Il pensa alors à un ver luisant, une luciole ou un feu follet. Mais ce qui l'intrigua, c'était qu'elle brillait au travers des pétales d'une tulipe noire qui perçait la couche de glace. Il préféra ne pas s'attarder sur cette fleur sans doute sans importance. Arrivés prôche du village, ils virent des villageois armés de fourches qui les attendaient avec un air terrifié.
- Quel acceuil ! Ironisa Ekzé.
- Montrez-vous à la lumière des torches, beugla l'un des paysans qui brandissait un rateau. Et doucement ! Pas de gestes brusques !
Kélie s'avanca la première dans le halo des torches, suivis Ekzé, Connor, Peter, et enfin Suzann. A la vu de cette dernière, le groupe de paysans frissona. L'un deux murmura en regardant la sorcière :
- Princesse...
Tout le monde se retourna vers elle. Elle était rouge comme une pivoine et ouvrait ses yeux grand comme des soucoupes.
- Je ne vois vraiment pas de quoi..., bégaya-t-elle. Vous devez vous tromper.
Ekzé la regarda froidement. Elle frissonna.
- Je crains que le monstre d'Egön ne soit pas le seul problème à résoudre ici, murmura le mercenaire, Princesse.
Voilà ! J'espère que cette lecture vous aura plu, et n'hésitez pas à me laisser un commentaire !