Cet Ange de démon [Black Butler]

Vous écrivez une fan fiction et vous voulez la partager avec la communauté Booknode? Faire vivre à vos personnages favoris des aventures inédites?
Alors postez vos textes ici afin qu'ils soient bien différenciés des essais classiques tout droit sortis de l'imaginaire d'autres booknautes.
Répondre
greeneye07

Profil sur Booknode

Messages : 62
http://tworzymyatmosfere.pl/poszewki-jedwabne-na-poduszki/
Inscription : mer. 02 juil., 2014 11:27 am

Cet Ange de démon [Black Butler]

Message par greeneye07 »

Description :

Octobre 1989.
Le jeune comte Ciel Phantomhive a 13 ans et en cette occasion une grande fête d'anniversaire lui est consacrée. Fête durant laquelle notre jeune comte va en voir de toutes les couleurs !

Un petit OS que j'ai eu subitement envie d'écrire suite à ma découverte de l'anime Black Butler.
Essentiellement centré sur la complicité qui unit le jeune comte Ciel à Sebastian Michaelis, un Majordome pas vraiment comme les autres.

Entre humour et émotion, clarté et obscurité, j'espère que ce one shot vous plaira car il s'agit de mon premier sur l'univers Black Butler.
Ceux/celles qui n'ont pas vu l'intégralité de la saison 1 de l'anime, passez votre chemin pour éviter tout risque de spoil :p

L'univers et les personnages s'y rattachant restent la propriété de Yana Toboso. Tout le reste est issu tout droit de mon imagination, et vous verrez que je me suis plutôt éclatée à l'écrire :p avec un dosage de simplicité, d'humour, et d'émotions de mon crû.

Publié aussi sur Wattpad : https://www.wattpad.com/story/125134017 ... ack-butler




****

Image


*** Bonne lecture pour ce 1er OS de Black Butler ! ***




C'était un ciel recouvert de grisaille et parsemé de quelques éclaircies qui recouvrait le Manoir des Phantomhive en cette matinée automnale, où un timide soleil faisait briller la pelouse pailletée de givre dans la campagne de Londres.

Image


Emmitouflé dans ses draps blancs, le dernier héritier de la puissante famille émergea peu à peu des limbes du sommeil. Soudain, un vif éclat de lumière transperça ses paupières closes.

- Il est l'heure de vous lever, Monsieur.

Une voix calme et posée, à laquelle l'adolescent répondit par un fort grognement plaintif. Il finit par ouvrir péniblement ses yeux vairons vers le Majordome qui venait d'écarter les rideaux d'un geste habile.

- Sebastian, quelle heure est-il ?

Sans même regarder sa montre à gousset, le Majordome démoniaque lui répondit instantanément :

- Il est 08h07 Monsieur, je vous ai accordé quelques minutes de sommeil de plus étant donné que vous me sembliez particulièrement fatigué hier.

Il ouvra la grande fenêtre pour laisser pénétrer l'air frais matinal dans la chambre, ce qui fit frissonner le jeune comte.

- Sans compter qu'aujourd'hui est une journée très spéciale, poursuivit le démon en se tournant vers lui avec un sourire malicieux.

Image


Ébloui par la lumière, Ciel parvint à distinguer la grande silhouette élancée de son serviteur se découpant dans l'encadrement de la grande fenêtre. Ce dernier amena vers le lit une desserte sur laquelle trônait un service à thé argenté et des pâtisseries, d'où émanait une odeur de pain sorti du four.

- Je vous ai préparé un thé noir Earl Grey aux agrumes et à la bergamote, un pain au sucre de Paris, ainsi qu'une brioche fourrée à la crème pralinée, le tout accompagné de quelques groseilles rouges fraîches cueillies dans le jardin. Le sucre et les vitamines devraient vous donner un regain d'énergie.

Il versa un peu du contenu de la théière dans une tasse :

- Faites attention, le thé est encore chaud.

Ciel prit précautionneusement la tasse de thé fumante que le démon lui tendait.

- Ah oui c'est vrai, fit-il d'une voix morose en contemplant son reflet dans le breuvage sombre. Aujourd'hui c'est mon anniversaire. Je vais avoir 13 ans...

Un piaulement juste à sa gauche le fit sursauter :

- Miaow !

- Hé ! Mais d'où tu sors toi ?!

Un chaton au pelage brun se tenait sur l'oreiller à côté de lui, son cou orné d'un ruban rose et de clochettes. Il observait avec envie les mignardises disposées devant Ciel.

- Un présent de la part de votre fiancée Elizabeth, déclara Sebastian en prenant délicatement la petite créature dans ses mains gantées. N'est-il point adorable ?

Ciel soupira. Les chats ne faisaient pas partie de ses animaux préférés.

- Forcément, un collier rose avec des clochettes est toute la signature de Lizzy.

- Je tiens à préciser que la domestique de Mademoiselle y a apporté sa contribution, ajouta Sebastian.

Il arqua un sourcil interrogateur devant la mine déconfite de son maître.

- Quelque chose ne va pas Monsieur ?

Malgré l'aspect alléchant des victuailles exposées devant lui, Ciel avait repoussé le plateau. Non pas qu'il n'appréciait pas les pâtisseries. Comme tout enfant normal de son âge, il était censé être de bonne humeur le jour de son anniversaire. Au lieu de cela, aujourd'hui son cœur était lourd, et l'appétit lui manquait.

- Sebastian, je n'ai pas faim. Reprend les gâteaux, je n'y toucherai point.

- En êtes-vous sûr ?

- Oui. Tu n'as qu'à les donner à Pluton.

- Si je puis me permettre Monsieur, et sauf erreur de ma part, les aliments gras et sucrés destinés aux humains sont fortement déconseillés aux chiens...

- Je n'en ai que faire ! répliqua Ciel, agacé. Pluton n'est pas un chien comme les autres, cela va sans dire.

L'expression de Sebastian sembla quelques peu contrariée. Néanmoins il s'inclina légèrement :

- Yes, my Lord.

Sans un mot de plus, il reprit le plateau d'argent sur sa main droite et tourna gracieusement les talons. Après avoir quitté la chambre de son maître et refermé soigneusement la porte derrière lui, il poussa un léger soupir. Parfois il ne comprenait pas les humains.

" Sacrifier à un cabot ces richesses de la gastronomie tant affectionnées par la gente humaine. Quel gâchis. Vraiment, les humains sont des éternels insatisfaits." songea-t-il en prenant la direction du jardin.

****


Pluton, le grand chien des Enfers à l'apparence d'un loup au pelage immaculé, se tenait au bas des escaliers de marbre dans la cour du jardin.

Sebastian fut à peine surpris d'apercevoir Grell aux côtés du chien, visiblement affairé.

- Tiens-toi donc tranquille ! lui criait-il.

En réponse, Pluton émettait des grognements d'avertissement.
Sebastien s'avança silencieusement avant de s'immobiliser derrière l'excentrique dieu de la mort.

- Grell ! Puis-je savoir ce que tu fais ? demanda-t-il sur un ton légèrement lassé.

Au son de sa voix, le dieu de la mort à la chevelure rubis se retourna subitement et ses iris dorés s'illuminèrent à travers ses lunettes en demi-lune.

- Sebastian mon bien aimé ! tu tombes à point nommé ! s'écria-t-il d'une voix aiguë en brandissant les deux paires de ciseaux argentées qui lui faisaient office d'armes.

Le majordome recula instinctivement quand Grell s'approcha vers lui, tous sourires.

- Plaît-il ?

- Pour l'anniversaire de notre cher comte, j'ai décidé de refaire une coupe à ce toutou ! En lui taillant des poils ci et là ! Non mais regardez-le, il perd ses poils partout et ils sont trop longs ! Ça en devient affreux ! Je ne sais plus où en donner des ciseaux moi à force...

- Wouf !

Manifestement agacé par cette séance de toilettage improvisée, le chien géant secoua la tête et cracha une gerbe d'étincelles sur Grell.

- Aïe ! glapit celui-ci. Vilain cabot !

- En même temps, vu comment tu t'y prends avec Pluplu, c'est normal qu'il ne soit pas content ! commenta le jardinier Finnian, qui était en train de tailler les haies à proximité. Tu es trop brutal avec lui !

Son expression changea quand il aperçut les pâtisseries sur le plateau que tenait Sebastian.

- Hey ! c'est pour nous ces gâteaux ? demanda t-il en prenant des yeux de merlan frit.

- Le comte m'a chargé de donner ces gâteaux au chien, répondit Sebastian d'un ton neutre.

- Oooh...vous pourriez pour une fois lui désobéir et nous les donner à nous plutôt ? renchérit Bard le cuisinier en s'approchant fugacement d'eux.

Le majordome soupira.

- Je suppose que déroger à l'ordre de Monsieur ne sera pas inopportun pour cette fois. Après tout, je désapprouve son idée et vos pupilles humaines sauront mieux apprécier cette nourriture de qualité que ce chien.

Il tendit le plateau vers les mains fébriles. En un rien de temps, les viennoiseries furent englouties par les bouches gourmandes.

- Oh à ce propos Bard, reprit-il en frottant ses mains gantées. Où en es tu dans la préparation du dîner de ce soir ?

- Euuuuh...

L'intéressé parut gêné sous le regard intense du démon.

- J'ai utilisé un lance flammes pour mieux saisir la viande, mais j'ai un peu peur que...

Il gratta nerveusement sa nuque. Sebastian soupira derechef.

- C'est bon j'ai compris. Décidément nous ne maîtrisons pas le même art pour ce qui est de la haute cuisine ! Laisse donc, je préfère m'en charger personnellement.

Sous le regard penaud de Bard, il regagna l'intérieur du manoir pour aller inspecter la préparation des festivités qui auraient lieu le soir même au manoir à l'occasion de l'anniversaire du comte.
Le démon jeta un bref coup d'œil à sa montre à gousset. Les invités n'arriveraient pas avant 19 heures. Il disposait d'encore beaucoup de temps pour superviser les travaux effectués par les domestiques maladroits de la famille Phantomhive.

Image


*****


La journée défila rapidement.

Malgré quelques maladresses, la préparation de la cérémonie s'était déroulée sans anicroches. Ou presque, quand il s'agissait de la décoration du hall principal. Lizzy avait tenu à y apporter sa touche personnelle en ornant les escaliers et colonnes de rubans fushia et personne n'avait osé contester les goûts douteux de la gamine bornée sous peine de provoquer une crise de larmes.

- Je vous assure que le rose fushia est parfait ! avait affirmé haut et fort la jeune aristocrate sans ployer devant les regards réprobateurs des autres (à l'exception de Grell qui semblait à présent la considérer avec admiration). Il donne une touche de gaieté à ce hall d'entrée si sombre !

- Comme vous avez raison my lady ! avait renchéri Grell.

- C'est vrai ?? avait demandé Lizzy en tournant vers lui ses grands yeux verts brillant de milles feux.

- Soit. Qu'il en soit ainsi, avait répondu Sebastian avec un geste désinvolte pour clore le sujet.

A 19 heures, les convives étaient déjà presque tous arrivés : Edward Midford le frère de Lizzy, le prince indien Asman Kadar accompagné de son fidèle garde du corps Agni, les chinois Lao et Ran-Mao, le croque-mort Undertaker, mais aussi plusieurs personnes qui avaient côtoyé la famille Phantomhive de longue date.

Ciel ne s'interrogea pas sur la manière dont Sebastian a bien pu contacter ces connaissances lointaines, après tout plus rien ne le surprenait de lui. Même le vicomte de Druitte était convié, au grand dam de Ciel. Il ne le portait pas particulièrement dans son coeur, notamment depuis l'affaire de Jack l'Eventreur où il a été contraint de se faire passer pour une lady.
"Mon petit rouge gorge".
Le souvenir même de ses propos mielleux donnait la nausée au jeune garçon.

Quand celui-ci fit son apparition en haut des marches vêtu de son costume de grande occasion pour saluer les invités, tous les regards se rivèrent sur lui.

Image



La voix claire de Sebastian qui s'éleva alors dans le hall fit instantanément taire les conversations. Le majordome possédait un don indéniable, comme tant d'autres, pour captiver son auditoire.

- Mesdames et Messieurs, tout d'abord nous tenions à vous remercier d'être venus si nombreux ! annonça-t-il.

Image



Sa voix puissante semblait résonner dans tout le manoir, voire même dans toute la campagne londonienne.
Embarrassé, Ciel baissa les yeux.

"Il ne manquait plus que ça, un discours ! Comme si je pouvais pas m'en passer, tiens." pesta-t-il intérieurement.

Il croisa le regard taquin de son loyal serviteur, qui semblait avoir lu dans ses pensées et tendait à présent sa main gantée dans sa direction.

- Comme vous le savez tous, aujourd'hui est un grand jour, puisque nous célébrons le treizième anniversaire de notre invité d'honneur, le comte Ciel Phantomhive. Honorons ce garçon déjà si brillant et si charmant à la tête de l'entreprise familiale Phantom. Sans qui, l'entreprise n'aurait pas de raison d'être. Moi, le majordome de la famille Phantomhive, je suis particulièrement heureux d'être au service d'un jeune homme d'une telle renommée. NOUS sommes heureux.

"Bon sang mais il a pas bientôt fini son laïus ?!"

Ciel perdait déjà patience et le lui fit comprendre par un regard furieux.
Imperturbable, Sebastian poursuivit calmement son discours :

- Profitons-en pour saluer également le travail de nos domestiques, Tanaka, Fannian, Bardroy, May Linn et Grell, qui se sont démenés pour vous offrir une cérémonie digne de ce nom.

" Sans quoi cela aurait été strictement impossible sans mon aide" se retint-il in extremis d'ajouter. Les domestiques rougirent à l'évocation de leur nom, dansant d'un pied sur l'autre.

- Au programme des réjouissances, un dîner spectacle, des mets et des vins issus de la plus noble gastronomie française et anglaise, suivi d'une danse sur des thèmes variés.

Tout le monde suivit du regard son bras qu'il leva gracieusement, subjugué.

- Mesdames et Messieurs, portons un toast à la prospérité de notre entreprise dans le monde ainsi qu'à notre très seigneur, le noble héritier, le Comte CIEL PHANTOMHIVE !

Son éloquence, chargée de passion, fut telle qu'elle fut saluée par un tonnerre d'applaudissements ainsi que par des exclamations fusant dans tous les sens.

- Honneur à notre noble seigneur Ciel Phantomhive ! lança Fannian.

- CIEEEL !!! Mon aimé je t'aime ! cria Lizzy en trépignant sur place.

- Ciel, mon ciel, tu es l'ange divin, la Lune qui éclaire ma nuit de ce soir ! clama à son tour le comte Druitte en brandissant son verre de vin dans la direction du concerné. Dans ce superbe costume, tu m'évoques tant cette divine duchesse que j'ai connue jadis...

Le jeune comte soupira, avant de se reprendre et de donner le change en saluant timidement la foule d'invités de la main. Il s'avança lentement.

- Vraiment Sebastian, tu n'étais pas obligé d'en faire des montagnes... grommela-t-il discrètement quand il fut à la hauteur de son majordome.

Ce dernier lui fit un grand sourire.

- Sachez mon maître, qu'il me tenait à cœur de vous adresser un discours digne de votre nom. Après tout vous êtes notre invité d'honneur et cela fait partie de mon devoir en tant que Majordome de la famille Phantomhive...

Sur ces mots il exécuta une courbette respectueuse, au-quelle Ciel répondit par un geste d'impatience :

- Assez Sebastian, cesse donc tes simagrées !

Parfois, il avait vraiment l'impression que son majordome se moquait de lui. Le démon releva la tête vers lui et lui adressa un clin d'œil complice.

- Allons...détendez-vous my Lord, et profitez de la fête.

Le jeune comte râla de nouveau. Il consentit peu à peu à se laisser gagner par l'ambiance festive qui régnait à présent dans la grande demeure.

****



Comme annoncé par Sebastian, le dîner avait été délicieux.


En entrée, les convives ont ainsi pu profiter des fruits de mer assaisonnés d'une crème safranée aux Saint Jacques et langoustines.
En plat de résistance, un gigot de chevreuil accompagné de marrons et de fruits rouges pour agrémenter la viande et d'une purée de vitelottes issus du territoire Français pour la touche de douceur.
Enfin, un immense gâteau aux framboises - le fruit préféré de Ciel - ainsi qu'un sorbet à la menthe et au citron vert pour faciliter la digestion.


Les mets étaient tellement succulents que l'on ne pouvait s'empêcher de se resservir après quelques minutes, alors que l'on pensait être sur le point d'exploser. Pour agrémenter la fête, Sebastian avait fait venir des danseurs et des musiciens talentueux.

Image


A mesure que la soirée battait son plein, les flûtes de champagne et verres de vin s'entrechoquaient, les gorges se déployaient dans des rires retentissants, les voix se faisaient plus fortes, sous le regard attentif et satisfait de Sebastian.
Ce dernier prenait un malin plaisir à observer cette facette de l'être humain où les personnes enivrées se désinhibaient, laissant ainsi leur vraie nature s'exprimer. Parfois, quelques gouttes d'alcool suffisaient seulement à briser les apparences, à ranger les codes sociaux, les manières au placard, à faire ressortir leur joie de vivre ou tout comme au contraire, leurs sentiments les plus sombres.

L'être humain était une créature si sensible, si réceptive. Quelque part au fond de lui, Sebastian l’appréciait pour cela. Il le trouvait amusant en quelques sortes.

- Aux 13 ans du comte Ciel Phantomhive ! cria quelqu'un.

Aussitôt, il fut repris par une trentaine de voix, qui se mirent à entonner en chœur :

- HAPPY BIRTHDAY TO YOU, SIR PHANTOMHIVE ! HAPPY BIRTHDAY TO YOU !!

Au bout de la table, Ciel écarquilla grand ses deux yeux par dessous son cache œil. S'il avait la possibilité de disparaître sous terre, il l'aurait certainement fait en cet instant. Il rougit violemment, et son malaise empira quand Lizzy assise à ses côtés lui déposa un chaste baiser sur la joue.

- Hey ! Vous savez quoi ? J’ai une idée histoire de marquer le coup! s'écria Bard d'un ton bourru par-delà le vacarme.

Il brandit à la vue de tous une bouteille sombre, dont Ciel ne put reconnaître l'appellation.

- Et si, pour ses 13 ans, on lui bourrait la gueule à notre jeune seigneur ?!

Le principal concerné manqua de s'étouffer avec sa part de gâteau.

- Hein quoi ? Me bourrer la gueule ?! Vous n'êtes pas sérieux !

Il dévisagea son domestique d'un air furieux et outragé.

- Enfin, voilà une façon peu élégante de dire les choses, commenta Sebastian en réajustant sa cravate. Néanmoins, si je puis me permettre Maître...

Il pencha la tête vers lui tellement près que ses lèvres en effleurèrent presque l'oreille du garçon.

- L'idée de Bard ne me paraît pas dénué d'intérêt, murmura-t-il. Boire un peu d'alcool vous détendrait davantage...

Ciel aplatit violemment ses mains sur le rebord de la table et fixa son majordome comme si il venait de lui pousser deux têtes.

- Sebastian ! Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi !

Désespéré, le comte se tourna vers Tanaka.

- Monsieur Tanaka !

Pour toute réponse, le plus vieux des domestiques se contenta d'hocher la tête :

- Oh, oh, oh....

- Vous m'êtes d'une grande aide, je vous remercie grandement, fit Ciel, outragé. Mais vous êtes tous tombés sur la tête ma parole !

- Allons, mon très cher jeune maître...

Les fines lèvres du démon s'étaient étirées en un sourire espiègle tandis qu'il avait accentué ses derniers mots. En même temps, il s'était à nouveau rapproché de lui et glissé habilement entre ses doigts un breuvage alcoolisé.

- Il me semble que boire de l'alcool chez les êtres humains est représentatif du passage à l'âge adulte. C'est une coutume grandement répandue chez vous. A partir de maintenant et sauf erreur de ma part, vous êtes davantage un homme qu'un enfant. Ai-je tord Monsieur ?

Il plongea son regard intense dans celui de Ciel.

- Il a raison ! fit Grell en battant des mains. C'est vrai que vous devenez un homme ! Un très beau jeune homme, précisa-t-il avec une moue séductrice qui fit frémir le jeune garçon de dégoût.

"Pourquoi faut-il qu'il ramène toujours son grain de sel celui-là ?"

Ciel resta silencieux plusieurs secondes. Le démon savait y faire pour titiller sa fierté. Il le maudissait pour ça.

- Bon d'accord, finit-il par capituler. Mais alors entendons-nous bien...quelques gorgées, pas plus !

Sebastian afficha un air satisfait.

"Maudis démon..."

- Puis je au moins savoir de quel alcool il s'agit ? demanda l'adolescent en mettant le plus de nonchalance possible dans sa voix.

Il prit le verre et l'observa distraitement.
Ce fut Mey-Linn qui lui répondit :

-Du Martini. Un alcool sucré, c'est pas fort, vous verrez !

Ciel huma le contenu de son verre avec la même prudence que s'il tenait un poison. Pour un alcool dit pas fort, cela ne semblait pas être le cas pour celui-là. Enfin, comme il n'avait jamais bu d'alcool...
Il se décida à tremper ses lèvres dans le breuvage et prit une première gorgée. L'alcool sucré qui traversa sa gorge le fit frissonner.

- Alors ? demandèrent en chœur ses domestiques.

Ciel passa sa langue sur ses lèvres.

- C'est pas mal.

Il prit une seconde gorgée. Puis une troisième. A mesure qu'il buvait, l'alcool semblait irradier une chaleur merveilleuse se répandant dans ses entrailles et lui donnant l'impression d'avoir des ailes.
A partir de la cinquième gorgée, le jeune comte se sentait déjà l'esprit léger, et plus enclin à sourire.

Alors qu'il s'apprêtait à se resservir un verre, le manoir fut soudainement plongé dans l'obscurité la plus complète. Les conversations se turent.

- Qu'est ce qui se passe ?

Peu de temps après, la lumière bleue d'un projecteur éclaira la grande table. Ciel manqua de tressaillir quand il entendit une voix mielleuse susurrer à son oreille :

- Si vous le voulez bien, my Lord, il est l'heure de danser. Minuit vient de sonner...

- Minuit, déjà ? Danser ?

Le regard de Sebastian ne lui laissait rien présager de bon. Encore moins lorsque Lizzy prit l'initiative en se levant et en agrippant sa main.

- Allons y Ciel ! j'ai attendu ce moment depuis tellement longtemps !!

Faisant fi des protestations de son fiancé, elle le tira vigoureusement vers elle et l'entraîna vers l'autre côté du hall d'entrée, spécialement prévu pour la danse. Elle possédait une force surprenante pour une fille de son gabarit et Ciel n'eut d'autre choix que de la suivre, impuissant.


**** Note de l'auteure : j'ai mis en ligne ci-dessous un clip musical de la musique que j'imagine pour accompagner la scène. Libre à vous de l'écouter pendant votre lecture, pour mieux vous plonger dans l'ambiance ;) *****

https://www.youtube.com/watch?v=8b-ecNhMIyw



- Midnight...

Les grands yeux d'émeraude de la jeune blonde, amoureux, se plongèrent dans l'œil saphir du jeune comte, tandis que Sebastian commençait à chanter :

- It's Midnight...

"Bon sang, il se met à chanter pour de vrai en plus ! " pensa Ciel.

Le son des guitares, des violons, des clarinettes, percussions s'élevèrent bientôt pour former une harmonie musicale parfaite. Un à un, les invités se levèrent pour débuter une danse dans le grand hall du manoir Phantomhive.

Ciel s'efforça tant bien que mal de calquer ses pas au rythme de ceux de Lizzy.

" Un deux trois, un deux trois, un deux trois...compta-t-il mentalement. Mon dieu, je déteste danser !"

Et l'alcool qui gagnait progressivement son cerveau n'arrangeait pas les choses. Il posa maladroitement sa main sur la taille de sa fiancée tandis que de l'autre, il conduisait la danse comme il pouvait.
Soudain, il écrasa le pied de la demoiselle.

- Aïe !

- Pardon excuse moi ! balbutia Ciel. J'espère ne pas t'avoir fait trop mal !

- Ce n'est rien, je t'assure, tenta-t-elle de le rassurer.

Elle virevolta devant lui, envoyant ses longues boucles dorées à sa figure. Ciel cligna de l'œil et retint un juron.

" Dans quel pétrin me suis-je fourré encore..."

Une voix mécontente derrière eux le tira de ses songes :

- Monsieur ! Que vous ai-je dit au sujet de votre tenue pour danser ?

Dans un subtil mouvement de danse, Sebastian s'était rapproché du jeune couple et toisait le comte avec un air sévère tel un professeur s'apprêtant à réprimander un élève borné.

- Tu as décidément la fâcheuse manie d'apparaître n'importe où et n'importe quand sans que je te le demande ! grogna l'adolescent à son intention.

- Sans vouloir vous offenser Monsieur, rétorqua Sebastian du tac au tac, en vous tenant de la sorte, vous m'évoquez un éléphant essayant de danser avec une souris.

La remarque n'échappa pas aux couples de danseurs à proximité qui, amusés par la métaphore, ne purent s'empêcher de glousser de rire. Ciel serra les dents, vexé. Mais le démon continua :

- Ce qui est fort regrettable, d'autant plus que vous formez un si joli couple...

"Sebastian, la ferme."

Cette fois ci, Ciel perdit patience pour de bon. Il repoussa Lizzy, qui le dévisagea d'un regard où on pouvait y lire à la fois de l'étonnement et de la déception.

- Ciel chéri...?

- Ça suffit ! fit-il en s'écartant d'elle. J'en ai plus qu'assez de cette ignominie ! Je n'aime pas danser et me refuse à continuer à me ridiculiser de la sorte !

- Vraiment mon maître, vous êtes incorrigible.

Le majordome le considérait avec une profonde lassitude tandis que derrière lui, les gloussements reprirent de plus belle.

- C'est ça, riez donc à mes dépens...grinça Ciel. Je m'en vais.

Il se dirigea d'un pas résolu en direction de ses quartiers mais Sebastian ne l'entendit pas de cette oreille. Avec une vitesse surhumaine, il attrapa fermement son maître par les bras et l'entraîna dans un ballet endiablé avant que celui-ci eu le temps de réagir.

Image



- Sebastian ! protesta Ciel en tentant vainement de se dégager. Repose-moi par terre !

- Ne vous mettez pas dans des états pareils pour si peu, my Lord...

- Je n'aime pas danser et tu le sais très bien ! D’autant plus que je me fais passer pour un idiot !

- Ne prêtez pas attention aux autres, et laissez-vous porter par la musique...

- Je ne sais pas danser ! Inutile de vouloir m'apprendre à le faire, je n'ai jamais su danser et ne le saurai jamais !

- Vous remettez en cause l'efficacité de mes méthodes pédagogiques. Vous m'en voyez désappointé...

Soudain, Sebastian le relâcha et tournoya sur lui-même en une volte majestueuse, les bras tendus. Dans son mouvement il heurta -volontairement ? - le bras de Ciel, ce qui fit valser le jeune comte : il manqua de se rétamer lamentablement sur le sol.

- Hé ! Tu pourrais dire pardon ! glapit-il.

Sebastian exécuta encore quelques mouvements de danse gracieux en solo avant de l'attirer vers lui de nouveau.

- Laissez-vous porter par la musique, my Lord. Laissez-vous gagner par le rythme...

- Mais puisque je te dis que...

Ciel était de plus en plus confus. Sans trop savoir ce qu'il faisait, il se laissait conduire par Sebastian tel un pantin par des fils invisibles. Sa vision se troublait, les lumières des projecteurs dardés sur eux semblaient former un halo blanc qui l’hypnotisait. La musique, le parfum musqué du démon devant lui, l'alcool, le bruit, la lumière, les danseurs autour d'eux, tout cela lui donnait le vertige. Il faisait du mieux qu'il pouvait pour suivre les pas de son majordome habile, son seul point de repère dans cet univers tumultueux.

- C'est ça, vous retenez la leçon, dit Sebastian au bout d'un moment. Vous voyez que vous vous débrouillez très bien quand vous acceptez de vous laisser aller. L'alcool vous réussit à merveille !

- De grâce, ferme là Sebastian. Je me passerais volontiers de tes commentaires...

Il faillit perdre l'équilibre et se raccrocha aux vêtements du majordome, qui le soutint aussitôt par la taille. Sebastian était-il sérieux quand il disait que l'alcool lui réussissait ? Les démons ont beau ne pas mentir, ils ont un sens du sarcasme développé, cela va sans dire...

Ce fut à cet instant que les instruments se modifièrent, la musique s'orienta sur une rythmique latino.

https://www.youtube.com/watch?v=rt5bnw3AzP8


Le changement de musique provoqua une vive réaction chez les invités.

- Qu'est-ce que j'entends ?! s'exclama le prince indien Soma. Tu entends ça Agni ? De la musique andalouse !

- Oh oui allez y mon prince ! Vous êtes tellement superbe quand vous dansez ! s'écria son subordonné avec passion.

Undertaker éclata de rire à en faire trembler le manoir.
La Chinoise Ran Mao se mit à exécuter un déhanché sous le regard émerveillé de Lau, ainsi que celui des autres convives masculins.
Sebastian relâcha Ciel pour faire de même, son long corps se mouvant comme celui d'un serpent au rythme de la musique. Lui aussi attira le regard des dames, mais aussi des hommes qui ne purent s'empêcher de le regarder avec admiration et jalousie.

" Un démon qui danse du latino, on aura tout vu " songea Ciel. Enfin, rien ne devrait plus m'étonner de lui puisque c'est un démon à tout faire...un diable de majordome..."

Il avait de plus en plus le tournis. Il profita que Sebastian se détourne de lui pour s'éloigner un peu de tout ce tintamarre, le temps de se rafraîchir un peu et de reprendre ses esprits. Malheureusement pour lui, Grell choisit ce moment précis pour l'emporter avec lui dans la danse.

- Bats les pattes espèce de fou dangereux !

- Taratata ! répliqua le dieu de la mort. Vous avez dansé toute la soirée avec Sebastian et Elizabeth, maintenant c'est à mon tour de danser avec l'invité d'honneur !

Le comte se laissa faire, trop las pour lui opposer de la résistance. Et dire qu'il était en train de danser collé serré avec le meurtrier de sa tante...celle qui avait tenté elle-même de l'assassiner.
Vraiment, il vivait dans un monde tordu.

- Vous n'avez qu'à danser avec Sebastian, finit par répliquer le jeune garçon.

- OOh, j'aurais tellement aimé, mais il a refusé mes avances ! se plaignit Grell. Regardez le donc comme il se déchaîne sur la piste de danse là-bas ! Les mouvements de son bassin, sa souplesse, sa grâce...aaaaah j'en ai des frissons rien qu'à le regarder !

Ciel sentit poindre une érection dans le pantalon de Grell. Malgré son état d'ivresse avancée, il recula vivement.

- Bêrk, allez fantasmer ailleurs ! Je suis trop fatigué pour vous entendre déblatérer vos bêtises...

Au moins, il avait la confirmation que le dieu de la mort aux cheveux couleur de sang était un mâle.

"J'aurai appris un truc chouette ce soir."

Il se dirigea d'un pas mal assuré vers la grande table. Il manqua de shooter dans Monsieur Tanaka, se rattrapa in extremis au rebord de la table et renversa au passage plusieurs verres qui se fracassèrent sur le sol. Comme par magie, Sebastian apparut aussitôt à ses côtés et le retint par la taille alors qu'il tanguait dangereusement.

- Monsieur ! s'exclama May-Linn, l'air affolé. Vous êtes sûr que vous allez bien ?!

Ciel leva lentement la tête vers elle. Sa vision se dédoubla, il lui sembla voir le visage de sa domestique à travers un brouillard épais.

- Je....

- May-Linn, trancha Sebastian. Quel alcool as-tu servi à Monsieur ?

- Du Martini ! C'est pourtant un alcool pas trop fort...

- Apporte-moi la bouteille s'il te plaît.

La jeune femme obtempéra sans broncher. Il prit la bouteille qu'elle lui tendait et lut attentivement l'inscription sur l'étiquette, avant d'humer l'odeur du contenu. Ses yeux s'écarquillèrent d'abord puis il soupira longuement en lui rendant la bouteille, avec un air plus que dépité.

- May-Linn...Ce n'est pas du Martini que tu lui as servi.

- Quoi ?

- Tu lui as servi de la vodka au piment et au miel ! Une recette ukrainienne particulièrement forte. A l'avenir, je crois qu'il faudrait vraiment changer tes lunettes !

- Hahaha, notre petit maître est défoncé ! fit Bard qui avait du mal à retenir son hilarité tandis qu'une May-Linn consternée se prostrait à genoux.

- Oh mon dieu je suis désolée ! Vraiment désolée ! glapit-elle. Pardon mon seigneur, je ne savais pas ! J’avais mal lu !

Sebastian ignora ses excuses et se pencha vers le jeune comte qui faisait à présent bien pâle figure, le teint blafard et le regard vaseux.

- Monsieur ?

-....

- Monsieur ! Vous êtes toujours avec nous ?

- ....hein quoi ?

- Il est temps de vous coucher. L'alcool que vous avez bu est particulièrement fort. Bien que vous soyez plutôt amusant, vous êtes un peu trop soûl à mon goût.

- Heiiiin ?! fit Ciel d'une voix éraillée en redressant la tête vers lui. Mais enfin mais non voyoooons ! Attends, je n'ai pas encore ouvert mes cadeaux...!

- Si vous permettez, les cadeaux attendront plus tard. Monsieur Tanaka, Bard, Finnian, May-Linn, je vous laisse gérer la cérémonie. Moi je m'occupe de Monsieur...

- Ooooh !

Ciel écarquilla grand son oeil et tendit le bras pour désigner un point invisible du doigt. Il avait perdu toute sa dignité de comte, son attitude évoquant désormais à Sebastian un jeune enfant émerveillé dans un marché de Noël.

- Sebastian ! Que vois-je là ?!! C'est la lumière bleue de la lune ou bien c'est ma bague qui vole vers moi ? Oh et là c'est quoi, un éléphant avec des ailes ?

Complètement déconcerté, le majordome regarda dans la direction qu'il pointait fébrilement du doigt.

- Euh...

Bard riait à en rouler par terre en se tenant les côtes, très vite imité par Fannian.

- HA HA HA HA HAHAAAAA !! J'en peux plus !!

Sebastian leur jeta un regard dur qui les fit taire aussitôt.
Ciel repéra Grell à quelques mètres plus loin.

- Héééé, y a le travelo là-bas qui veut danser avec nous ! Regarde il nous fait coucou ! Dis-lui de nous rejoindre ! s'écria t-il en tirant sur le bras de Sebastian.

- Vous m'inquiétez Monsieur. Et vous devenez grossier en plus de ça, ajouta le majordome avec austérité.

Sans plus tarder, il souleva le comte dans ses bras et monta l'étage avec lui, sous les regards inquiets de ses amis.

- J'ai peut être déconné non ? demanda Bard en les regardant s'éloigner.

Image


******



https://www.youtube.com/watch?v=W6w_znQ ... jreload=10


**** Je vous invite à écouter cette musique en même temps pour vous imprégnez de l'atmosphère, ouvrez le lien en une autre fenêtre ****


Ciel tenta d'ouvrir les yeux. Tout ce qu'il vit fut la tête sereine de son majordome au-dessus de lui. Il mit un certain temps à réaliser qu'il était porté dans les bras de celui-ci et qu'ils traversaient les larges couloirs du manoir. Les personnages représentés sur les tableaux qui ornaient les couloirs semblaient avoir pris vie et observer sa déchéance avec un regard réprobateur. Sa tête lui cognait affreusement.

Ciel avait perdu toute notion du temps. Il crut entendre une horloge sonner, mais aurait été bien en peine de dire où se trouvait l'horloge et quelle heure était-il. Il lui semblait que son corps ne lui appartenait plus, qu'il flottait dans un monde tournoyant vertigineusement.

- Mmmh, gémit-il.

- Vous revenez à vous ? demanda tranquillement le démon en baissant son visage élégant.

Soudain, Ciel sentit qu'il le déposait à terre. Il se sentait tellement faible qu'il ne put se mettre debout et resta prostré à terre, à quatre pattes. Quelques secondes plus tard, un objet en bois fut déposé sous son nez.

- Qu'est...qu'est-ce que c'est ?

- Je vous ai ramené une bassine, déclara le majordome. Cela m'ennuierait fortement que vous viendriez à vomir sur la tapisserie.

Le comte fut saisi d'un violent haut le coeur et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, se courba au-dessus de la bassine pour rendre tripes et boyaux. En plus de se sentir mal, il se sentait incroyablement honteux. Lui le comte de Phantomhive, n'aurait jamais cru qu'il allait finir un jour dans un tel état.

Pendant qu'il finissait son affaire, son serviteur s'était agenouillé à côté de lui et l'aidait à se tenir de sorte à ce qu'il ne se salisse pas.

- Sebastian, où sommes-nous ? finit par murmurer Ciel d'une voix faible après avoir craché un filet de salive.

- Dans la salle d'eau Monsieur.

- Comment ça ? Mais et les invités en bas ? la fête ?

- Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, vous étiez un peu trop soûl à mon goût et j'ai pris personnellement la décision de vous coucher. J'ai dû vous porter tellement vous ne teniez plus sur vos jambes. Votre comportement n'était pas digne d'un comte tel que vous et il en allait de votre image...

Embarassé, Ciel s'emporta :

- Je pouvais très bien monter tout seul ! D'ailleurs c'est toi qui m'a persuadé de boire pour que je me "détende" si je ne m'abuse !

- Je reconnais là mon erreur, j'ai manqué de vigilance quant à la nature de l'alcool que May-Linn vous a servi. Je vous prie d'accepter toutes mes excuses my Lord, cela ne se reproduira plus, dit-il très sérieusement en s'inclinant.

Ciel se détourna de lui, ennuyé.

- C'est bon, tu m'agaces. Je veux qu'on me laisse tranquille et aller me coucher...

- Je vous porte.

- Non !

Le comte repoussa brutalement les bras de Sebastian.

- C'est bon, je peux quand même marcher tout seul pour aller jusqu'à ma chambre !

- Laissez-moi au moins vous accompagner, insista le majordome.

Son maître poussa un profond soupir et se mit en direction de sa chambre. Il était bien trop fier pour avouer qu'en vérité, il se sentait quasiment incapable de faire deux pas sans s'écrouler comme un poids mort sur la moquette. Ainsi il tituba péniblement jusqu'à sa chambre, en prenant soin d'ignorer son diable de majordome qui ne le lâchait pas d'une semelle.

Quand il arriva enfin dans sa chambre après un temps qui lui parut interminable, il s'effondra sur son lit :

- Aaaaaah mon lit !

Il serra les draps frais dans ses mains, se délectant de leur douceur. Il ne prêta toujours pas attention à Sebastian qui le considérait d'un air grave.

- Je reviens Monsieur, je vais vous chercher de l'eau...

- Fais au plus vite s'il te plaît.

En une fraction de secondes, le majordome disparut et réapparut avec un pichet d'eau fraîche et un verre à la main. Délicatement, comme s'il craignait de casser de la porcelaine, il obligea son jeune maître à se redresser.

- Buvez ça, il vous faut vous hydrater.

Ciel tenta de boire le verre d'eau que Sebastian lui avait donné mais ne réussit qu'à en répandre la moitié du contenu sur le sol. Il toussota et son serviteur prit alors une grande inspiration avant d'ordonner d'une voix autoritaire, implacable :

- Laissez-moi faire.

Sebastian aida son maître à boire, puis s'empressa de défaire les boutons de sa chemise trempée et de sortir un mouchoir de soie de son costume pour essuyer sa poitrine. Ciel le regarda faire, se tenant maladroitement sur ses deux coudes. Sebastian poursuivit sur sa lancée en lui retirant son costume.

Alors que le démon se penchait et commençait à défaire ses lacets, un glapissement étrange au-dessus de sa tête parvint à ses fines oreilles. Cela ressemblait à une plainte. Qu'elle ne fut pas sa surprise quand en relevant la tête il découvrit des torrents de larmes déferler sur les joues de Ciel.

- Monsieur...?

Devant lui, le comte Phantomhive était en train de sangloter. Pris au dépourvu, Sebastian ne sut sur le moment quelle attitude adopter. Il y avait bien des choses qu'il savait faire, pourtant il se sentait presque impuissant d'apaiser les larmes d'un humain, quel qu'il soit. Il était censé se nourrir de la douleur et de la haine des humains, pas de l'atténuer.

- Monsieur, s'il vous plaît ressaisissez-vous. Que vous arrive-t-il ?

- Sebastian...

Loin de s'apaiser, les pleurs de Ciel ne firent que redoubler. Sebastian leva doucement sa main gantée vers son visage pour lui ôter son cache œil. Quand il l'eut enlevé, il découvrit un œil larmoyant dont la couleur améthyste brillait intensément.

- Sebastian, pourquoi ? finit par dire Ciel entre deux sanglots.

- Je ne suis pas sûr de comprendre ?

- Pourquoi Sebastian, pourquoi cela m'arrive à moi ?

- Vous avez seulement bu un peu trop d'alcool, ce sont des choses qui arrivent...

- Mais non je ne parle pas de ça ! Je te parle de mon malheur...de l'humiliation infligée à ma famille. Pourquoi nous ?! Pourquoi nous la famille Phantomhive ? Toi qui vient de l'Enfer, réponds moi !

Saisi d'une nouvelle crise de larmes, il ne put articuler un mot de plus. Il tremblait de tous ses membres et ses poings s'accrochaient fermement aux draps. Silencieux, le majordome attendit patiemment qu'il reprenne ses esprits. L'état de son maître le laissait désemparé. En attendant, il avait sorti un nouveau mouchoir et essuyait méticuleusement les joues mouillées du garçon.

- Avant, reprit le jeune comte, j'étais heureux. J'avais un père, une mère. Lors de mon anniversaire, père m'emmenait toujours à la chasse à cheval avec lui, et mère me faisait dormir avec elle. Mais tout cela m'a été arraché. On les a assassinés. Maintenant Sebastian, je n'ai plus envie de faire mon anniversaire, ce jour n'a plus rien de spécial pour moi.

Il renifla avec force.

- Venger l'honneur de la famille Phantomhive, arracher à leurs assassins ce que eux m'ont arrachés. Tel est le seul but de ma vie.

- Je sais, Monsieur.

- Et quand ce jour arrivera, mon âme t'appartiendra, et tu consumeras ces pourritures jusqu'à ce qu'il n'en reste plus une seule cendre.

- Bien sûr my Lord. Vos désirs sont les miens.

Et tandis qu'il pleurait toutes les larmes de son corps, le majordome l'observa attentivement. Bien que ses traits impassibles ne laissent rien transparaître, il était traversé par d'étranges sentiments. Ces sentiments, qu'étaient ce exactement ?
Ce jeune enfant possédait indiscutablement une âme pure. En tant que démon, Sebastian n'était pas familier avec l'amour parental, lui-même ne connaissant pas son créateur et étant dans l'incapacité de procréer. Toutefois, la puissance de l'amour filial qui unissait Ciel à ses parents défunts ne le laissait pas indifférent. Cet amour était d'une force incommensurable pour faire naître une telle haine, poussant un enfant à consacrer sa vie à venger ses parents.

Oui, l'Amour engendrait la Haine.

Et Sebastian trouvait ça beau. Il trouverait toujours les humains fascinants pour cela.

Avant d'être un comte, Ciel Phantomhive était avant tout un très jeune garçon innocent qui a été arraché violemment à sa famille et projeté trop tôt dans le monde impitoyable des adultes, à la tête d'une immense entreprise au succès convoité par de nombreuses personnes. Il n'avait même pas atteint sa maturité que de lourdes responsabilités reposaient déjà sur ses frêles épaules. Bien que très intelligent, le jeune comte avait besoin de son aide. Sebastian devait le protéger.

- Je vous comprends, Monsieur.

- Sottises ! Tu ne peux pas comprendre non ! rétorqua Ciel, ses yeux brillant de colère à travers ses larmes. Tu es un démon. Tu ignores tout de la tristesse, de la douleur de perdre sa famille, de perdre ceux qu'on aimait. Tu ne sais même pas ce que c'est, de pleurer !

- Détrompez-vous à ce sujet, my Lord.

- Ah oui, et quand ça ? Quand cela t'est-il arrivé de pleurer ?

- En cet instant précis.

Image


Ciel dévisagea son serviteur, incrédule.
Sebastian posa un genou à terre, et prit son visage entre ses mains. Son front collé contre le sien, leurs cheveux d'encre se mêlant entre eux, il plongea son regard pourpre dans le sien. Son maître put apercevoir avec stupeur une fine goutte d'eau perler au coin des yeux rougeoyants.

- Sebastian, que...mais comment ?

- Jusqu'à présent, je ne croyais pas cela non plus possible, répondit le démon. Dans un sens, la perte de vos parents, bien que tragique, n'est pas une mauvaise chose. Parce que sans cela, nos routes ne se seraient jamais croisées.

Ciel croyait rêver. Non seulement voir Sebastian pleurer était la dernière chose à laquelle il pouvait s'attendre venant de lui, mais en plus de ça celui-ci était en train de lui faire une sorte de déclaration ? Toutefois, il ne semblait pas comprendre que rien ne pouvait mériter la mort de ses parents. C'était bien la preuve que Sebastian demeurait un démon pour qui la notion d'amour familial était lointaine.

- Assez pleuré pour ce soir, déclara le majordome en séchant les larmes de son maître avec ses pouces. Il est temps de dormir.

Il le borda avec douceur, se redressa, s'empara du chandelier et tourna les talons pour prendre congé.

- Je vous souhaite une bonne nuit, dit-il en s'éloignant après une courbette.

- Sebastian attends !

Le démon s'immobilisa, la main sur la poignée de la porte.

- Yes, my Lord ?

- S'il te plaît, restes ici toute la nuit. Viens t'allonger à côté de moi.

Sebastian le fixa quelques secondes, intrigué.

- Monsieur, je vous avoue qu'une telle requête de votre part me surprend.

- Sebastian, dors avec moi cette nuit ! C’est un ordre.

- Entendu.

Sans un mot de plus, Sebastian reposa le chandelier sur le meuble en bois ciré près de la porte. La demande de son maître le laissait dubitatif, à vrai dire il n'était pas sûr de comprendre ce que Ciel attendait de lui. Ce dernier lui avait déjà demandé de le veiller jusqu'à ce qu'il s'endorme, mais de là à passer la nuit entière dans son lit avec lui ?
Peu importait, son devoir était de satisfaire les désirs de son maître.
Il commença par retirer ses gants l'un après l'autre, avant de retirer sa cravate noire, son costume, et ses souliers. Vêtu d'une chemise blanche et d'un pantalon, il s'allongea aux côtés du comte.

À peine s'était-il glissé sous les draps que Ciel vint aussitôt se blottir contre sa poitrine pour sentir sa chaleur, s'agrippant à sa chemise comme s'il craignait de le voir se volatiliser sous ses yeux. Surpris par cet épanchement affectif plus qu'inhabituel venant de son jeune maître, le démon resta d'abord figé comme une statue.

Ils restèrent ainsi silencieux un long moment dans cette position, sans que ni l'un ni l'autre n'amorce le moindre mouvement.

Sebastian finit par entendre Ciel murmurer contre son torse :

- Père, vous me manquez tellement...

Il comprit alors. Dans son état d'ivresse, Ciel le prenait pour son père.

- Ciel, vous vous méprenez, je ne suis pas votre père, lui répondit-il doucement. Il semblerait que je lui ressemble physiquement, mais n'oubliez pas que je suis votre diable de majordome.

Pour la première fois, il l'avait appelé par son prénom. Nullement conscient de cela, l'adolescent continua :

- Mère, vous me manquez tellement... Je vous aime. Revenez s'il vous plaît.

Cette déclaration fit sourire Sebastian. Son maître divaguait complètement.
Pour lui faire plaisir, il entoura le corps frêle de l'adolescent de ses longs bras et recouvra de sa main le haut de son crâne dans une posture protectrice. Il imita la caresse maternelle en faisant parcourir ses doigts fins dans la chevelure soyeuse du comte. Son aura démoniaque l'enveloppait comme un cocon et lui procurait une chaleur réconfortante. Il sentit peu à peu la respiration du jeune garçon s'apaiser dans ses bras.
À travers la pénombre, les iris couleur sang du démon rougeoyaient. Il se redressa légèrement et s'appuya sur un coude pour observer son cadet durant de longues minutes. C'était amusant de constater à quel point ce petit humain pouvait être si...différent.

Image



Le jour c'était un adolescent hautain et autoritaire, dépourvu de candeur, dont la maturité et le sérieux contrastaient avec ses traits encore juvéniles.
La nuit il était redevenu un enfant innocent, fragile. Ainsi lové contre lui, sa vulnérabilité lui évoquait celle d'un chaton.


Image


À cette pensée, le démon ressentit une vive émotion en lui, proche de la tendresse et de la compassion envers son jeune maître. Était-ce de l'affection ? Ce n'était pas la première fois qu'il vivait ce sentiment, mais il ne souvenait pas l'avoir éprouvé de façon aussi forte. Il lui prodigua une dernière caresse.
Alors qu'il croyait Ciel endormi, sa voix s'éleva dans la chambre :

- Sebastian...?

- Yes my Lord ?

Ciel avait rouvert les yeux. Le pentacle lumineux de son œil droit le fixait avec une intensité particulière.

- Promets-moi que tu ne m'abandonneras pas.

Sebastian se contenta de lui sourire gentiment.

- Réponds moi ! Insista Ciel en s'agrippant plus fermement à sa chemise. Jure-le moi, sur ta parole de démon, que tu ne m'abandonneras jamais !

Quelque part dans le manoir, une horloge sonna 3 heures du matin.
Le sourire du démon s'élargit ; il avait perçu du désespoir pointer dans la voix de son jeune maître.
Son émotion était belle, son âme si merveilleuse...
Lui, le démon, le Malin, se régalait de la vulnérabilité mise à nue de l'adolescent autoritaire. Il aimait ce petit d'homme.

- Rassurez-vous mon très cher jeune maître, lui répondit-il d'une voix apaisante. Je vous ai promis que je resterai à vos côtés jusqu'à l'heure de votre mort. Tel est notre pacte. Rappelez-vous que les démons ne mentent jamais. À présent, je veux que vous fermiez les yeux et que vous dormiez. Il vous faut vous reposer.

Rassuré par ses paroles, Ciel garda toutefois les yeux ouverts.

- Sebastian. Je voulais te dire...

Il marqua un instant de silence. Sebastian attendit, tout en continuant de lui prodiguer des caresses rassurantes.

- Merci, finit par lâcher le jeune garçon. Merci pour ce que tu fais pour moi. La famille Phantomhive t'en sera éternellement reconnaissante. Tu appartiens à la famille et nos âmes t'appartiennent. Merci encore, tu es un ange Sebastian.

Un large sourire satisfait ne quitta pas les lèvres du majordome, ses prunelles luisantes comme des brasiers.

- Je vous en prie jeune maître, c'est trois fois rien.

Il effleura de ses lèvres le front du comte et y déposa un baiser délicat, comme le ferait un parent aimant à son enfant. En même temps, il posa les doigts sur ses paupières pour l'inviter à les fermer. À ce contact, le dernier héritier de la famille Phantomhive sombra aussitôt dans les ténèbres d'un sommeil sans rêves.

A son tour le majordome démoniaque ferma ses yeux, se délectant à l’avance de cette âme pure dont il prendrait bientôt possession.
Il resserra un peu plus son étreinte, ses ongles noirs se plantant légèrement dans la peau délicate, son nez humant son parfum dans ses cheveux, comme s'il voulait faire définitivement plus qu'un avec son maître.

Une âme aussi noble, aussi pure, aussi resplendissante de haine et de passion que celle du comte Phantomhive, ça non, jamais le démon ne la laisserait s'échapper.

Quelque part au loin, un éclair zébra le ciel obscur et le tonnerre retentit.

- Je serai toujours à vos côtés, dit Sebastian. Moi, un ange dites-vous ? Ce n'est pas nécessairement un compliment. Après tout je ne suis qu'un diable de Majordome...


****


Image



FIN
Répondre

Revenir à « Fanfiction »