The Keeper [L'Épreuve]

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Mimie99

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The Keeper [L'Épreuve]

Message par Mimie99 »

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The Keeper

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« Il y a certaines histoires que l'on raconte parfois et qui ne sont qu'un tissu de mensonges odieux, mais si crédibles que tout le monde n'y voit que du feu. Tandis que d'autres où tout semble si irréel, incroyable, impossible... que ça ne peut qu'être un mensonge. Et pourtant... Pourtant ce n'est que la pure et simple vérité. C'est le cas de mon histoire. Mais vous la connaissez peut-être déjà... Mais mon point de vue des évènements risquent de bouleverser tout ce que vous croyez savoir sur cette histoire...

Je ne me souviens pas de mon nom. J'ai perdu tous mes souvenirs et maintenant je suis dans un endroit étrange qui peut sembler paradisiaque venant d'un regard extérieur, mais le danger rôde la nuit et plus que jamais il vaut mieux éviter de s'égarer...»

Une jeune fille de seize ans se retrouve dans le Bloc au milieu de tous les autres Blocards. Sa venue chamboule plusieurs choses bien établies chez eux. Comment l'accueilleront-ils? Arrivera-t-elle à se souvenir de son nom? De la raison particulière de sa présence? Mais plus que tout, arrivera-t-elle à savoir qui elle est et ce qu'elle représente?


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La première chose que je demande comme prérequis... c'est un peu de compréhension. Oui, je sais, c'est bizarre à demander, mais je tiens à le dire. En premier lieu, car je ne sais pas à quelle fréquence je vais publier une fois que j'aurai épuisé ma liste de chapitres en réserve et de bonus (jusqu'à ce jour, j'ai neuf chapitre de fini, le dixième en bonne voie et deux ou trois bonus). Après, c'est aussi, car je modifie des choses tant par rapport aux livres qu'aux films.

Je tiens à préciser ici qu'il vaut mieux avoir lu les trois tomes principaux, mais aussi tenir compte du fait que j'ai piocher certaines informations des deux autres livres de la série, en particulier de la Braise. Mais ce n'est que d'infimes détails et je ne les ai pas lu. Donc je vais immanquablement divergé. Entre autre, car les premiers chapitres sont situés, dans le temps, avant l'arrivée de Thomas.

J'ajoute que ceux qui ont vu les films aussi, c'est un gros plus, car je me baserai autant sur les livres que sur les films (je n'ai pas encore lu le dernier, soit dit en passant, mais ça va venir très prochainement). À vrai dire, dans ma tête l'histoire va suivre en gros les évènements des trois livres/films en prenant ce que je trouve de mieux dans chacun. Je ferai sans doute un après tout ça, aussi. Bien entendu, comme mon personnage n'est pas de base de l'univers exploré, certaines choses vont changer.

Donc, en gros, tout ce que je demande comme prérequis c'est d'avoir lu les trois livres. Ou du moins le premier. J'avertirai quand il faudra avoir lu le deuxième, même si je ne crois pas que ce soit nécessaire. Ceux qui n'ont vu que les films, mais qui veulent lire tout de même, c'est comme vous voulez, mais vous serez peut-être spoilé si vous aviez l'intention de lire les livres.


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MorganeP79


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Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4


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N.A: Si vous voulez être prévenu, n'hésitez pas à demander. Et juste au-dessus, voici la page couverture. Je tiens à préciser deux dernières choses... il n'y aura pas de Newtmas. Et on peut retrouver ma fanfiction sur Wattpad aussi. Juste ici. Maintenant je vous laisse avec le premier chapitre.


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Dernière modification par Mimie99 le dim. 30 sept., 2018 4:38 pm, modifié 5 fois.
Mimie99

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Re: The Keeper [Le Labyrinthe]

Message par Mimie99 »

Voilà, c'est le premier chapitre. N'hésitez pas à laisser votre avis! Bonne lecture!


Chapitre 1 - L'Arrivée


J’entendis un bruit sourd et me réveillai en sursaut. Que… Que se passait-il donc? J’ouvris les yeux lentement, toute engourdie. Je… Qu’est-ce que je faisais là? Pourquoi étais-je dans cette espèce de… J’étais dans quoi exactement? Une cage? Je forçai mes yeux à s’ouvrir complètement et palpai le sol sous moi. J’étais étendue. Première constatation. La deuxième… le truc était métallisé. Bizarre.

Je tentai de me redresser, mais je me rendis compte en sentant mon estomac se soulever que… ce n’était pas du tout une bonne idée. J’étais en train de bouger. De monter pour être plus précise et… pour être totalement honnête, j’avais l’impression d’avoir mangé quelque chose d’avarié, car je ne me sentais pas bien du tout. J’attendis donc quelques secondes supplémentaires avant de retenter l’expérience.

J’étais têtue, alors rester immobile? Jamais! Couchée? Encore moins! Je plaquai alors mes deux mains à plat sur le sol et me soulevai très lentement. Mon estomac protesta un peu, mais rien de trop… insupportable. Ou risqué. Je continuai alors un peu, à la même vitesse, jusqu’à réussir à m’asseoir. Ce qui s’avéra bientôt chose faite, à mon plus grand soulagement. Assis, c’était bien mieux que couché. J’analysai rapidement mon environnement. Pour me rendre compte pitoyablement que… il n’y avait rien à voir. Du tout. J’entendais des grincements bizarres. Quelques craquements encore plus bizarres. Mais ma vue ne me servait pratiquement à rien. Je soufflai pour moi-même en ayant constaté ce fait :

- Passons à l’étape suivante…

Je repliai les genoux légèrement et cherchai à m’agripper à quelque chose, mais je n’y parvins pas, car une secousse plus importante que les autres me propulsa sur le côté, me fit faire une roulade et je retombai brutalement sur le dos. Et en me frappant violemment le bras contre l’arrête très dure d’une caisse. Aïe… Avec une grimace je me frottai légèrement le bras. C’est en faisant cela que je pris conscience de quelque chose.

Je ne bougeais plus.

Je me redressai d’un coup et bondis sur mes pieds. En passant à deux doigts de me frapper la tête contre le mur, faute d’avoir réussi à conserver mon équilibre. Et je manquai vider le contenu de mon estomac sur le sol de cette cage. Je m’accrochai avec des doigts tremblants au quadrillé des murs en cherchant à calmer mon cœur, mon estomac et ma panique mentale. Et je manquai bondir dans les airs et me frapper durement la tête contre le plafond lorsqu’un son assez bruyant retentit tout en étant accompagnée d’une lumière verte qui éclaira mon mince espace.

Où étais-je, que diable?

Un froid me paralysa un moment alors que je prenais conscience de quelque chose. Je ne me souvenais pas de mon prénom. J’arrivais à savoir comment j’étais, ce que j’aimais à la rigueur et avec quelques efforts. Mais mon nom? C’était le néant intersidéral. Ma main trembla une seconde supplémentaire.

Qui pouvais-je bien être?

Avais-je commis quelques méfaits que ce soit pour me faire oublier mon prénom et m’enfermer là-dedans? J’oubliai rapidement mon questionnement, ou plutôt mes divers questionnements, en entendant une sorte de grincement ainsi qu’une alarme si bruyante qu’elle manquait m’éclater les tympans. Après, je restai muette en voyant ce que j’avais pris pour un plafond indestructible commencer à s’élever, en créant une infime fente en plein centre qui laissait apercevoir un ciel noir parsemé d’étoiles. Allait-on me tuer maintenant? Car je ne le permettrai pas! Criminelle ou non, je ne me laisserai pas tuer sans rien faire.

Je saisis le premier objet qui me tomba sous la main et me tins fin prête à défendre ma vie, qui ne reposait que sur… je jetai un coup d’œil… un simple contenant de verre. Certes, ça ferait mal. Pour le premier coup. Et je risquais tout aussi bien de m’ouvrir les mains. Mais tant pis. Au moins je me serais battue avant de mourir. Et c’était l’important, non? Cela dit, j’aurais au moins aimé savoir mon prénom avant que l’heure de mon trépas arrive…

Lorsque le mur qui était en fait une porte s’ouvrit totalement, j’aperçus deux personnes munies de torches. Deux personnes de sexe masculin pour être plus précise. Et les deux me semblaient assez costauds. Ils n’étaient certes pas armés, au premier coup d’œil, mais ils restaient bien plus forts que moi. Pourtant, la première chose qu’ils prononcèrent et la voix semblait provenir de celui qui se tenait à droite :

- C’est quoi ce cirque?!

Je fronçai les sourcils en les dévisageant tous les deux, malgré que je ne devrais sans doute pas faire la maligne, c’était plus fort que moi. Je ne voyais peut-être pas vraiment leur visage, mais j’en voyais assez pour voir qu’ils avaient eux aussi les sourcils froncés. Une seconde voix prit soudain la parole et je soupçonnai l’autre individu, elle était plus profonde et plus grave, plus autoritaire aussi :

- Aucune idée. On ne reçoit jamais de nouveau la nuit… normalement.

- Ça allait faire un mois dans la journée demain, ajouta le premier. Pourquoi devancer de quelques heures?

Ils discutaient! Ils discutaient là, tranquillement, alors que je pourrissais en bas et que j’ignorais totalement de ce dont ils parlaient! Ni d’où j’étais. Ni qui ils étaient… Je les vis tourner la tête vers l’arrière et j’en profitai pour saisir un autre récipient en verre. Dans mon autre main. Un c’est bien, mais deux c’est mieux, pas vrai? J’ignorais totalement d’où me venait cette expression. Je ne pourrais pas dire quand je l’ai entendu pour la première fois, mais apparemment, je la connaissais pour qu’elle me vienne comme ça, facilement. Je pouvais maintenant entendre des bruits que mes oreilles associaient avec la nuit. Et aussi des chuchotements au loin. Et des bruits de pas qui semblaient parcourir de l’herbe. Rapidement. Parce qu’ils étaient plus nombreux? Un frisson me traversa tandis que la panique enflait en moi. Par tous les diables… Je resserrai ma prise sur mes deux armes et grondai, laissant la colère me dominer pour ne pas laisser voir ma peur :

- Le cirque, en bas, a des oreilles. Et elles entendent très bien!

- Qu’est-ce qui se passe, Alby? S’exclama une voix, distrayant de nouveau les deux garçons qui, l’espace d’un instant, s’étaient retourné vers moi.

- Un imprévu, affirma le deuxième que j’avais entendu parler au début.

- Pourquoi la Boîte est remontée cette nuit? On ne devait avoir un nouveau bleu que demain, ajouta une autre voix.

- Je l’ignore, répondit le deuxième individu. Retourner dormir et je vais essayer de tirer ça au clair… On a tous une longue journée qui nous attend demain.

Mes doigts étaient si crispés sur mes deux armes que je commençais à en avoir des crampes. Par ailleurs, je commençais à avoir des sueurs froides dans le dos. Quand est-ce que j’allais pouvoir avoir des réponses à mes questions? Toutefois, mon instinct me soufflait que je ferais mieux de me tenir tranquille pour l’instant. Il était préférable d’attendre que les nouveaux arrivants que je ne voyais pas s’éloignent. J’avais plus de chance de m’en sortir vivante à un contre deux. Je déglutis à l’idée même de devoir me battre. Pour ma vie.

Après une ou deux minutes, les deux individus se tournèrent à nouveau vers moi. Le premier à avoir parler regarda son voisin et s’enquit :

- Alors on fait quoi, Alby? C’est une fille.

Cette phrase me donna des frissons d’horreurs. Que… Préférant me battre coûte que coûte, je m’exclamai avec hargne :

- Allez-vous longtemps rester planter là à me regarder comme si j’étais une bête de foire ou vous allez vous décider? Si je suis censée mourir bientôt, j’aimerais autant le savoir! Pour pouvoir vous envoyer…

Je n’eus pas l’opportunité de continuer que déjà, on me coupait d’une voix énervée :

- Tais-toi! On n’a jamais eu l’intention de te tuer.

Je me sentis blêmir dangereusement. S’ils ne veulent pas me tuer, alors… quoi? Je sentis mes paumes devenir moites et mes armes me glissèrent lentement des mains avant que je me reprenne et les serrent plus douloureusement encore. J’affichai un air encore plus hargneux et me campai fermement sur mes jambes. Ils ne m’auraient pas. Je me foutais du fait qu’il était peu probable qu’ils veuillent faire quoi que ce soit de ce genre-là, car ils n’avaient pas l’air très âgé. Je ne pouvais faire confiance à personne.

Ils durent voir quelque chose dans mon regard, car soudain, celui qui portait la torche et qui semblait répondre au nom d’Alby s’exclama avec un visage scandalisé :

- Hé, ce n’est pas ce que tu crois! Merde, c’est compliqué… On ne te veut aucun mal, la bleue.

- Ne m’appelle pas comme ça! Rugis-je.

- Que tu le veuilles ou non, c’est ce que tu es, tocarde, lâcha l’autre.

- Ta gueule! Je n’en ai rien à faire de ce que tu dis!

- Là, tu n’aides pas, Gally, grommela Alby en se passant une main sur le visage.

J’entendis soudain des pas claudiquant s’approcher suivit de ceux d’une personne qui semblait marcher normalement. Les bruits attirèrent l’attention des deux gars qui se retournèrent. D’où j’étais, je ne pouvais pas voir leur expression, mais j’entendis parfaitement de l’étonnement dans la voix d’Alby quand il s’exclama :

- Newt? Qu’est-ce que tu fous ici? T’es pas censé être à l’infirmerie! Clint, ramène-le!

- Plus facile à dire qu’à faire, marmonna quelqu’un, sans doute le dénommé Clint.

Ce que je donnerais pour savoir ce qu’il se passait en haut! J’observai attentivement les alentours. Les carreaux de ma cage pouvaient peut-être me permettre d’escalader la paroi… D’où me venait cette idée d’escalader la paroi? Je fronçai les sourcils à nouveau, mais déjà, mes deux mains fourmillaient à l’idée de commencer une ascension. Sauf que cela signifiait abandonner mes armes. Je ne pris qu’une seconde avant de me décider et de les déposer silencieusement par terre. Avec un peu de chance, la diversion que m’offrait les nouveaux arrivants me permettrait de monter, de sortir et de m’enfuir loin de là, ni vue, ni connue.

Je m’approchai rapidement des parois sans émettre un son et amorçai ma montée au moment où j’entendis une voix avec un accent. Un accent qui me semblait… familier. Un frisson étrange me parcourut de la tête aux pieds sans que je sache trop pourquoi. La voix disait, tout en me semblant quelque peu faible :

- J’ai entendu la Boîte. Pourquoi est-ce qu’on a un bleu maintenant? En pleine nuit…

- Tu devrais retourner à l’infirmerie, Newt. Tu n’es pas encore rétabli.

- J’ai des béquilles, alors je peux marcher! S’emporta le dénommé Newt. Et ça fait déjà deux semaines, lâchez-moi les basques!

J’étais maintenant rendue à la moitié de la paroi et je pus entendre des bruits de course qui se rapprochait. Ah, merde! Pas encore un! J’accélérai quelque peu la cadence et au moment précis où je commençais à relever lentement le plafond quadrillé comme la paroi d’une main, j’entendis Alby grommeler :

- Ne viens pas t’en mêler, Minho!

- On vous entend gueuler depuis là-bas, rétorqua une nouvelle voix. Et, tocard, tu ferais mieux de retourner dans ton lit.

- La ferme, Minho, marmonna le dénommé Newt. Est-ce qu’on peut savoir c’est qui le nouveau bleu?

- Ce n’est pas un mec. C’est une fille, annonça Gally, d’un ton sec.

Je venais tout juste de terminer d’ouvrir ma cage et de mettre un pied sur de l’herbe, que je sentis plus que je n’entendis tous les regards se tourner vers moi. Je jetai un coup d’œil par-dessus mon épaule et me figeai en les voyant tous me regarder la bouche ouverte, incrédule. Quoi? Personne n’était jamais sorti de là sans leur aide auparavant? Je n’attendis pas plus et sans pouvoir contrôler mon petit côté rebelle, je fis la révérence avant de me mettre à courir dans la direction opposée à la leur. La dernière chose que je réussis à entendre après leur exclamation indignée, ce fut la voix de… Minho, je crois, qui s’exclamait en riant :

- Haha! On dirait que votre bleu est en train de prendre la poudre d’escampette, les gars!

J’étais rendue pas loin d’une quinzaine de mètres plus loin lorsque j’entendis Alby hurler :

- Mais qu’est-ce que vous attendez, rattrapez-la, bande de tocards!

Un bref coup d’œil par-dessus mon épaule me permit de constater qu’une ombre s’était élancée à mes trousses à une vitesse plus importantes que toutes les autres. En fait, ils étaient au total cinq à me poursuivre. Trois d’entre eux courraient à une vitesse acceptable, mais trop lente pour me rattraper. Une autre, claudiquait plus, sans doute à cause des béquilles que j’arrivais à voir. Quant à la dernière… j’accélérai la cadence pour éviter de me faire rattraper.

Au moment où j’étais certaine d’arriver à atteindre une sorte de bois et de m’y cacher, un poids incongru me tomba dans les jambes et je perdis l’équilibre. Mon menton rencontra en premier le sol et malgré la présence d’herbe, ça me fit un mal de chien. Même chose pour mes genoux. Je poussai un grondement et commençai à me débattre dès le moment où je compris que c’était des bras qui m’avait fait perdre l’équilibre. Malgré tout, on finit par me coincer au sol, sur le dos. Le gars, Minho, souffla alors, amusé :

- Eh ben, dis donc. Pour une bleue qui sort de la Boîte, tu en as couru un coup!

Pour toute réponse, je me contentai de lui cracher au visage. Il grimaça et pris la peine de s’essuyer le visage. Malgré les ténèbres, je réussis à le voir me faire des gros yeux et pointer un doigt sur moi en lâchant du ton que j’associais à un parent grondant son enfant :

- Ça, c’est méchant.

Sauf que je ne me préoccupais déjà plus de lui. Je venais soudainement de prendre conscience que… je ne me souvenais pas de mes parents. Je me souvenais de la tendresse que ceux ayant ce titre prodiguait. Des châtiments, par moment. De rires. Mais pas de nom. Pas de visage. Aucun souvenir propre. Rien. Je sentis mes yeux s’embuer, mais je ravalai le tout avec un grondement et recommençai à me débattre, pile poil au moment où Alby, Gally et sans doute Clint arrivaient.

- Tu l’as eu! S’enthousiasma Alby qui s’approcha de nous et s’accroupit, accompagné de sa torche, à nos côtés à Minho et moi.

Minho qui était carrément à califourchon sur moi, emprisonnant à la fois mes bras et mes jambes entre ses cuisses. La lumière des flammes de la torche me permirent toutefois d’observer toutes les personnes m’entourant. Alby avait une carrure un peu moins imposante que je ne l’avais cru de prime abord, il possédait par ailleurs une peau noire d’ébène. Je jetai un coup d’œil noir à Minho pour constater qu’il semblait asiatique. Quant à Gally, il était à la fois imposant et pas tant que ça. Lui aussi était moins baraqué que je ne l’avais cru, mais il l’était tout de même plus qu’Alby. Cela dit… quelque chose chez ce gars ne me plaisait pas. Peut-être sa façon de me regarder? Car en ce moment, il me regardait comme si j’étais un insecte qu’il se ferait une joie d’écraser.

Quant au troisième, il était d’ossature normale, peut-être un peu petit. Des cheveux bruns légèrement bouclés et si mes yeux ne me trompaient pas, il grisonnait déjà aux tempes. Un détail me frappa soudainement. Ils étaient tous des gamins! Enfin, des adolescents, plutôt. Et à première vue, Alby était le plus vieux. Sauf que je ne pouvais pas en être sûre. Lorsque le regard de ce dernier se posa sur moi, je me remis à me débattre comme une dingue. Il fallait que je parte de là…

- Eh, calme-toi, la bleue. On t’a déjà dit qu’on ne te voulait aucun mal… marmonna Alby.

Je lui jetai un regard mauvais, mais avant d’avoir pu prononcer ou faire quoi que ce soit, comme lui cracher à la figure, Minho lâcha avec un sourire amusé :

- Je n’ai pas l’impression qu’elle vous a compris.

Il prit une pause et sans sembler s’émouvoir du regard noir que lui jetait Alby, ajouta :

- Et je te conseillerais de reculer. Simple précaution. À moins que tu tiennes à recevoir de la salive au visage.

Suite à ces mots, il s’essuya à nouveau le visage. Apparemment, tout n’était pas parti la première fois. Le noir me jeta un regard pensif, et quelque peu interrogatif, mais je me contentai de lui renvoyer mon visage le plus furieux possible. Malgré tout, il ne recula pas et répéta :

- On n’a pas l’intention de te faire du mal.

- Alors comment expliquez-vous mon menton? Susurrai-je.

Minho lâcha un petit rire, mais il l’interrompit rapidement quand Alby gronda :

- Tu ne nous as pas laissé le choix!

- Oh, c’est ma faute? Vraiment? Rétorquai-je. J’en avais marre d’attendre après des idiots.

Tous les mecs alentours poussèrent un soupir et je commençai à entendre à nouveau des bruits de pas claudiquant. Super, un de plus. Enfin, le dernier à arriver, plutôt. Je soupirai à mon tour et résolut de regarder le ciel, sans plus m’intéresser à ceux autour de moi. Cela dit, j’avais toujours Minho dans mon champ de vision et je le voyais sourire légèrement en secouant lentement de la tête. Qu’est-ce qui le faisait rire, au juste?

Je m’étais résolue à garder le silence pour encore une éternité, mais soudain, l’injustice de la situation m’étouffa. Je devais parler. J’ouvris à nouveau la bouche et, sans regarder aucun d’entre eux, je m’énervai :

- Vous voulez que je vous fasse confiance? Mais vous me poursuivez comme si… s’il ne fallait pas que je quitte cet endroit. Et comment, comment suis-je censée savoir si vous n’êtes pas de ceux à m’avoir coincée dans cette cage. Et que tout ceci n’est pas qu’une mise en scène? Hein?!

Aucun ne prononça un mot, jusqu’à ce que Minho dise :

- Tu ne pourrais pas aller bien loin, même si on te libérait, la bleue. On est coincé ici tout autant que toi.

- Alors, lâche-moi! Grommelai-je.

- Je ne suis pas sûr de vouloir…

Je le foudroyai du regard et il ajouta en souriant :

- Tu cours vite, et j’ai sommeil. J’ai assez couru de la journée, pas besoin d’en ajouter encore pendant la nuit…

- Minho, ferme-la, soupira Alby. Est-ce que tu te souviens de…

- Merci de m’avoir attendu, marmonna la voix à l’accent familier qui appartenait à Newt.

Je jetai un coup d’œil au nouvel arrivant et je sentis mon cœur sauter un battement. Mais j’ignorais totalement pourquoi. Il n’y avait rien de particulier avec le garçon qui avançait lentement vers nous avec ses béquilles. Il devait avoir seize ans à tout casser, avait des cheveux en apparence blond ou peut-être châtain clair. Comme les flammes créaient un peu trop d’ombres, je n’étais pas en mesure de savoir la couleur exacte de ses yeux, malgré qu’ils paraissent foncés. Il ne me paraissait pas particulièrement imposant, quoiqu’il me semblât plus grand que plusieurs des membres présents. Je détournai rapidement le regard, ne comprenant rien à ma réaction.

On aurait dit que je le connaissais.

Mais comment pourrais-je reconnaître quelqu’un alors que je ne me souvenais même pas de qui j’étais? Ou d’où je venais? Ni qui étaient mes parents? Je m’empressai de faire comme si de rien était et de ravoir mon air colérique au lieu de la surprise qui m’avait saisie. Sauf que je croisai ensuite le regard de Minho et à voir son froncement de sourcil, il avait tout vu…

- Il y avait urgence, Newt. Et de toute manière, tu aurais dû retourner à l’infirmerie, marmonna Alby. Clint, tu veux bien le raccompagner?

Le dénommé Clint s’apprêtait à prononcer quelque chose, mais Newt le coupa rapidement :

- Pas question. J’ai toujours tenu à accueillir les nouveaux avec toi, Alby. Et que le nouveau soit cette fois une fille… et qu’elle apparaisse en plein milieu de la nuit, ne change rien.

L’accent familier. Pourquoi ce type me semblait-il à ce point familier? Je ne m’en préoccupai pourtant plus l’instant suivant en constatant qu’il y avait un combat de regard entre celui qui semblait être le chef et Newt. Devais-je en conclure qu’il était son second? Préférant rompre leur guerre visuelle, je lâchai :

- Alors… Si vous ne m’avez pas enfermé ici… Vous êtes des criminels?

Et moi avec? Ajoutai-je pour moi-même. De ce que j’avais vu de mon évasion, j’étais plutôt douée pour grimper et pour courir. Et comme je n’avais pas trop eu d’ennuis pour m’enfuir, et en l’absence de souvenir, la possibilité d’être une criminelle ne me semblait pas si idiote que ça.

Contre toute attente, ils éclatèrent tous de rire et je me renfrognai légèrement. Pourquoi diable riaient-ils ainsi? Ce n’était pas si idiot comme raisonnement si on comptait le fait que Minho avait dit qu’ils étaient tous coincé ici, comme moi. Alby fut le premier à interrompre son hilarité et dit :

- De ce que j’en sais, on ne l’est pas. Mais on a tous perdu la mémoire, la bleue. Je suppose que tu ne sais pas ton nom? Ni d’où tu viens? Ou qui sont tes parents, ta famille, tes amis?

Je secouai de la tête négativement, mais sans trop le vouloir je jetai un coup d’œil en coin à Newt. Pourquoi est-ce que lui me disait quelque chose? Alors qu’aucun des autres… ne m’était familier? Aucun d’eux ne sembla remarquer mon petit regard en coin, mais j’avais pu constater que Newt me regardait avec un froncement de sourcils. Qu’est-ce que ça voulait dire, au juste?

- C’est normal, ne t’inquiètes pas, ajouta Alby sans savoir qu’il venait d’interrompre le cours de mes pensées. Tu finiras par te souvenir de ton nom prochainement, un jour ou deux, normalement. Quant au reste… Personne ici ne se souvient de rien.

- Je peux savoir à quoi fait référence le ici? m’enquis-je d’un ton plus normal, mais où pointait du désespoir.

Je ne me souviendrais jamais de ma famille? J’en avais forcément une! Ni de mon chez moi? Ou de ma vie d’avant? Tout ce qui allait me rester, c’était… mon nom?

- Oui, bien sûr, affirma Alby. C’est…

- Le Bloc, poursuivit la voix de Newt. Alby, que crois-tu qu’il est bon de faire? C’est une fille. Ça risque de perturber tout le monde. On n’a jamais eu de filles avant…

Je fronçai à nouveau des sourcils et grondai :

- Bravo pour ton sens de l’observation, mon gars! Je suis bel et bien une fille, et pas mal loin de ce qui fait de vous des mecs.

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Le visage de Newt se rembrunit et il me jeta un coup d’œil ennuyé. Apparemment, j’avais dû le blessé ou je ne sais trop. Alby se contenta de me jeter un regard préventif auquel je ne prêtai pas attention et répondit :

- J’en ai aucune idée. Mais ce n’est pas comme si on pouvait la cacher ou quoi que ce soit…

- Pourquoi pas? On la cache un jour ou deux, le temps de rassembler les matons et on prend une décision. Sur le comment on la présente aux Blocards, affirma Newt.

- Avant d’envisager de me cacher, est-ce que je pourrais avoir réponse à mes questions? Car oui, je suis toujours présente, écraser par chose, là, marmonnai-je en pointant Minho du menton.

- Je m’appelle Minho, me dit ce dernier.

- Je sais déjà, lui dis-je avec un sourire innocent.

- Mais tu… commença-t-il avant de s’interrompre de lui-même pour me jeter un faux regard blessé. Tocarde, va, ajouta-t-il en regardant les autres. Je peux l’amener avec moi, si vous voulez. Apparemment, je suis le seul à être en mesure de la rattraper.

- Et tu l’emmènerais où, au juste? s’enquit Newt.

- Au Bunker? Proposa celui qui m’écrasait.

- Hors de question, protesta Alby.

- C’est le seul endroit où aucun des gars n’ira. Et ce ne serait que pour le temps que vous trouviez une meilleure solu…

- C’est hors de question, Minho. Trouve autre chose. Aucun Non-Coureur n’est admis là. À l’exception de Newt et moi, trancha Alby.

Minho poussa un soupir, mais se releva néanmoins et sans me demander mon avis m’attrapa par le bras pour me redresser sur mes deux pieds. Je voulus me dégager par la suite, mais il ne me lâcha pas du poignet en marmonnant :

- Je ne prendrai pas de risques.

- C’est quoi un Coureur? M’enquis-je alors pour changer de sujet, malgré le grondement que j’avais dû réprimer à sa réponse précédente.

- Je vais te l’expliquer plus tard. Si Alby le permet, grommela-t-il.

Alby fit un signe de la main. Et Minho lâcha :

- Si vous me faites suffisamment confiance, je vais lui expliquer les petites choses à savoir sur le Bloc. Et je vais l’emmener à la grange. Ça devrait être tranquille pour le moment… mais ne tardez pas trop…

- On pourrait la mettre dans le Gnouf, proposa Gally.

Tous les autres soupirèrent et Alby fit signe à Minho qu’il pouvait y aller, ce dernier m’entraîna alors derrière lui en tenant toujours fermement mon poignet. Ce qui, je devais l’avouer, était plutôt insultant. Ou gratifiant. Je n’arrivais pas trop à savoir laquelle des deux émotions étaient la plus forte. Juste avant d’être trop loin, je risquai un regard vers l’arrière et senti à nouveau mon cœur sauter un battement en croisant furtivement celui de Newt. Il avait toujours cet air renfrogné. Apparemment, il était vraiment remonté concernant ma petite pique. Je l’avoue, c’était mesquin. Mais il semblerait que la mesquinerie est ma première défense en cas de capture.

On marcha dans un silence et un noir d’encre pendant plusieurs minutes. Minho ne semblait pas gêné par ce manque de luminosité et semblait très bien savoir où il allait. Concernant son choix de garder le silence, je n’avais aucune idée de la raison. Toujours est-il qu’au moment où je vins pour prononcer un mot, il referma sa main libre sur ma bouche, me faisant pousser un grognement d’indignation étouffé. Il marmonna à voix basse :

- Tais-toi. On ne doit pas attirer l’attention.

Je poussai un soupir prononcé dans sa main et il me relâcha. Étrangement, j’avais la nette impression qu’il souriait. Je ne le connaissais pas depuis très longtemps, mais il semblerait que j’avais très bien saisi son caractère. En l’espace de quelques minutes seulement. Bizarre…

On arriva rapidement devant un grand bâtiment qui empestait… la vache. Parce qu’ils avaient des animaux, ici? m’étonnai-je. En reniflant à nouveau, je parvins aussi à repérer l’odeur de porcs et possiblement de moutons. Encore plus bizarre. Enfin, en même temps, il avait mentionné « la grange », alors c’était plus ou moins sous-entendu qu’il y aurait des animaux. Une fois que l’on fut près du bâtiment, il ouvrit une porte latérale et me força à entrer à l’intérieur. Dès qu’on y fut, il lâcha en allumant une torche :

- Bien, maintenant on peut parler. Mais tâche de ne pas élever la voix, d’accord?

J’acquiesçai d’un hochement de tête puis demandai :

- C’est quoi le Bloc? C’est qui les Blocards? Et des Coureurs, c’est quoi? À part qu’ils doivent courir? Pourquoi je suis ici?

- Ça en fait des questions! Rigola-t-il.

- J’en ai pleins d’autres, affirmai-je sérieusement, mais un petit sourire étira mes lèvres.

- Alors, je vais commencer par les premières, je suppose. Mais j’espère que les autres vont revenir vite.

- Pourquoi? Parce que je t’intimide? Le taquinai-je.

- Oh, oui. Beaucoup. T’es une fille, plaisanta-t-il à son tour. Non, plus sérieusement, j’ai sommeil, dit-il en bâillant. Et j’ai du travail demain. D’ailleurs, ça va répondre à une de tes questions. Je suis un Coureur. Ce n’est pas facile tous les jours, par contre. Mon travail consiste en gros, à parcourir un terrain pour le cartographier.

- Juste ça? M’étonnai-je.

- Toute la journée. Mais tu comprendras mieux demain matin. D’ailleurs… On est pas censé parler au nouveau tout de suite de… ce que je fais. Enfin, ce que les autres Coureurs et moi, faisons.

- Très bien, garde les informations pour toi, marmonnai-je.

- C’est pour ne pas que vous paniquiez et faisiez dans vos pantalons, la bleue.

J’haussai un sourcil. Il me prenait pour qui? Une demeurée qui avait peur de son ombre ou quoi? J’étais à peu près certaine de pouvoir encaisser ce qu’il allait me dire. Toutefois, s’il ne pouvait pas ou qu’il ne voulait pas non plus, je n’étais pas en position pour le forcer à révéler quoi que ce soit. D’ailleurs, il me retenait toujours par le poignet. Je jetai un coup d’œil à sa main fermement accrochée à mon poignet, puis lui lançai un regard interrogateur. Il arqua l’un de ces sourcils et je levai les yeux au ciel. Il me relâcha alors avec un sourire. Je le remerciai d’un hochement de tête et m’enquis :

- Alors, le Bloc?

Il sembla soulager que je ne cherche pas à creuser la question et répondit :

- En fait, c’est l’endroit où on se trouve. Perdu au milieu d’un terrain accidenté et que, comme j’ai dit, on tente de cartographier. C’est les Créateurs qui nous ont mis ici. On ne sait pas qui ils sont, seulement qu’ils existent. Et qu’ils nous fournissent un nouveau tous les mois et du matériel chaque semaine. On peut même demander ce qu’on veut… parfois. Mais pas n’importe quoi. Ils fournissent aussi l’eau potable et d’autres trucs essentiels ici. Ça fait déjà un an et deux mois que le Bloc est peuplé, par nous, en tout cas.

Je pris un air pensif après qu’il eut terminé. Le Bloc. Compris. Ou à peu près. Les Créateurs? J’aurais un millier de questions à leur propos, mais il m’avait répondu à la première en disant qu’ils ignoraient qui ils étaient. Mais il y avait quelque chose avec son « on peut demander ce qu’on veut ». Je me jetai un regard critique, alors qu’une idée germait lentement dans mon esprit qui pourrait les aider à parvenir à calmer les autres. Ou du moins, à les tromper. Pour un certains temps.

Je n’étais pas franchement très pourvue niveau poitrine même si elle n’était pas inexistante non plus, mais le t-shirt que je possédais en ce moment aidait grandement à la faire paraître. Mais avec des vêtements masculins… et quelques accessoires supplémentaires… je pourrais me fondre dans le décor. Enfin, si mon visage ne gâchait pas tout. Seul problème, je n’avais aucun moyen de le savoir. Puisque je ne me souvenais de rien. Je lâchai, tout bonnement :

- Dis, Minho, vous n’auriez pas de miroir, à tout hasard?

- Parce que tu es superficielle? S’étonna-t-il. Dommage, je n’aurais jamais cru ça en te voyant grimper comme un singe, tantôt.

- Tu m’as vu grimper? m’étonnai-je à mon tour sans relever sa remarque, trop surprise.

- Ouais, mais j’ai préféré attendre que tu sois montée avant de faire une remarque, me dit-il avec un sourire malicieux. Donc, pourquoi un miroir, miss la bleue superficielle?

- Je ne suis pas superficielle, grommelai-je. J’ai simplement eu une idée. Et tu devrais dire « le bleu ».

- Pourquoi? T’es une fille!

- Ah oui? Dis-je avec un sourire narquois.

Je ramassai alors mes longs cheveux qui étaient la seule chose avec ma peau que je pouvais voir. À la lueur de la torche il me semblait légèrement caramel, mais j’avais l’impression qu’ils étaient plus pâles normalement. Je les rassemblai en un simulacre de queue de cheval avant de me les aplatir sur la tête. Je m’expliquai alors à Minho qui semblait se demander si je n’étais pas tombée sur la tête :

- Regarde, si on trouve quelque chose pour maintenir mes cheveux en place… Une casquette, par exemple, puisque c’est masculin… Et que j’enfile des vêtements masculins… Est-ce que tu arrives à t’imaginer que je sois un gars?

- Pas en ce moment, non. Tes vêtements sont tout ce qui a de plus féminins. Alors… Je te dirais que c’est dur de louper t…

Je relâchai brutalement mes cheveux qui retombèrent en cascade dans mon dos et je lui donnai un violent coup sur l’épaule en grondant, et le coupant du même coup :

- T’avise pas de continuer!

Il éclata de rire, mais se calma rapidement pour dire :

- Je ne sais pas si ton idée va marcher, mais je suppose qu’on ne perd rien à essayer. Le seul problème, c’est que ça va prendre une semaine avant de pouvoir avoir ces choses-là. Et seulement si on arrive à donner notre liste avant que la Boîte ne redescende!

- Elle reste combien de temps, normalement?

- Quelques heures. Pas plus.

- Tu crois qu’ils vont mettre longtemps à se décider me concernant? M’enquis-je, un sourire malicieux aux lèvres.

- Toi, je sens que je vais t’apprécier! Dit-il en souriant avec la même malice que moi.

Il éteignit rapidement la torche et me conduisit de la main jusqu’à la porte qu’il ouvrit avec empressement. Il me chuchota, une fois dehors, de faire le moins de bruit possible et de le suivre d’aussi près que possible. Je ne pris pas la peine de répondre, me contentant de fermer ma main sur son épaule une fois pour lui montrer ma bonne foi. Après quoi, il se mit en marche, moi à sa suite.

On marcha un moment dans les ombres, évitant certains bâtiments. On se faufilait comme des voleurs et je trouvais ça particulièrement amusant. Sans trop savoir pourquoi, d’ailleurs. Quand on arriva proche d’un nouveau bâtiment, je m’attendais à ce qu’il passe plus loin comme avec les précédents, mais il n’en fit rien. Une fois devant la porte de ledit bâtiment, il me chuchota de ne pas bouger de là et qu’il revenait bientôt. En examinant les alentours, avec mes yeux qui s’étaient habitués aux ténèbres environnantes, je réussis à voir ce qu’était le bâtiment devant moi.

Un bunker.

Alors c’était là? C’était là l’endroit accessible seulement par les Coureurs et les chefs du coin? La curiosité me poussa à poser la main sur la poignée dans l’intention d’ouvrir la porte, mais celle-ci s’ouvrit de son propre chef… sur Minho. Il tenait dans sa main ce qui me semblait être un bout de papier et un crayon.

- Alors, prête à faire tes toutes premières commandes, la bleue?

- Le bleu, le repris-je en souriant.

Un sourire qui avait toute la malice dont j’étais capable. Je n’avais plus qu’une envie, et c’était de mettre mon petit plan à exécution. D’ailleurs, je n’aurais peut-être pas besoin d’attendre une semaine avant de pouvoir commencer à jouer la comédie.
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Mimie99

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Re: The Keeper [Le Labyrinthe]

Message par Mimie99 »

Salut! Voici le nouveau chapitre, bonne lecture ;)


Chapitre 2 - Souvenirs


- Attends, t’as besoin de… quoi? Des bandages? S’étonna Minho en lisant par-dessus mon épaule.

Je poussai un soupir. On était rentré à la grange immédiatement après qu’il m’ait montré ce qu’il avait en main. Et là, il semblait quelque peu confus face à ce que j’écrivais. Sa première exclamation avait été concernant ma demande d’élastiques, mais surtout lorsque j’avais ajouté des épingles à cheveux. J’avais réussi à lui faire comprendre le pourquoi, en lui disant que ça m’aiderait à garder ma masse de cheveux sur ma tête, sans avoir à craindre qu’ils me tombent dans le dos. Ou que j’aie à les couper.

Mais maintenant, il me demandait concernant les bandages. Le rouge me monta légèrement aux joues tandis que je réfléchissais à comment lui expliquer ça. Je me massai le front pour m’aider à réfléchir et finit par lâcher :

- Écoute, je sais bien que je ne suis pas très pourvue à ce niveau, mais franchement, ça ne passera pas non plus inaperçu. Et je n’ai aucun surplus de poids, donc…

Tout en parlant, j’avais pointé ma poitrine des doigts. J’ajoutai rapidement en le voyant me dévisager avec des yeux ronds :

- Je vais donc faire en sorte, avec les bandages, de rendre le tout plus… plat. Et uniforme.

- Oh, fut sa seule réponse.

Je rougis à nouveau lorsqu’il jeta un coup d’œil à ma poitrine avec un air pensif.

- Arrête de mater! Grommelai-je.

- Je ne… commença-t-il, avant de s’interrompre en voyant mon regard inquisiteur. D’accord, oui, je matais. Donc… Tu vas te transformer en demi-momie, c’est ça? Plaisanta-t-il.

- C’est ça.

- Mais on en a déjà à l’infirmerie, des bandages, fit-il remarquer.

- J’aime mieux n’enlever rien.

Il sembla comprendre et je poursuivis ma liste en écrivant une casquette et quelques autres choses qui pourraient m’être utile pour ma métamorphose. Quand j’eus enfin terminé ma liste, je me levai d’un bond en même temps que Minho et alors qu’on s’apprêtait à ouvrir la porte, celle-ci s’ouvrit devant nous en laissant passer Alby et Newt. Je me penchai sur le côté pour regarder à l’extérieur et comme je m’y attendais, je retrouvai Gally et Clint qui attendaient.

- Donc, comme je te l’ai dit tout à l’heure… Ça, c’est Alby. Celui qui est, pour la majorité d’entre nous, le chef.

- Merci pour cette noble considération, Minho, grommela Alby.

J’ignorais pourquoi Minho avait cru bon de faire comme si on avait effectivement parlé de plusieurs choses, car ce n’était pas le cas. Cela dit, j’étais déjà au courant pour le fait qu’Alby était leur chef. Ce n’était pas trop compliqué à comprendre, en fait. Enfin, qu’importe. Je lançai sur un ton peut-être un peu trop défieur :

- Alors, vous avez décidé de mon sort?

- Oui, affirma Newt en me regardant étrangement. Tu vas passer quelques temps à l’infirmerie. Dans une chambre de quarantaine.

- Pour combien de temps? Marmonnai-je en sentant la bonne humeur qui m’avait animé depuis une heure s’estomper.

- Peut-être une semaine. Le temps que l’on puisse tâter le terrain avec les autres matons. Et prendre une décision… affirma Alby.

Minho et moi, on se jeta un regard complice et sans pouvoir s’en empêcher, mon compagnon de méfait lança :

- Ah, mais c’est parfait!

- Qu’est-ce qui est parfait? S’enquit Alby en fronçant les sourcils.

- La bleue… commença Minho avant de s’interrompre en voyant mon regard inquisiteur à nouveau. La bleue a eu une idée. Elle va devenir un bleu.

- Hein, quoi? s’étonna tout le monde, y compris les deux personnes à l’extérieur.

Sans trop se préoccuper de tout ça, Minho attrapa Alby par les épaules et le fit rentrer à l’intérieur un peu plus, puis fit la même chose, quoique plus délicatement avec Newt. Après quoi, il invita les deux autres à entrer avec un mouvement empressé de la main.

Dès que la porte se referma dans le dos des deux autres, il se tourna vers moi et me fit signe de m’expliquer. Songeant qu’une image valait mille mots, je recommençai à enrouler mes cheveux pour former une queue de cheval, avant de me les aplatir sur la tête. Après quoi, je dis, en maintenant mes cheveux en place :

- Avec certains accessoires appropriés… Je pourrais me métamorphoser. En gars. Comme vous tous. Visuellement, en tout cas. Ce qui vous donnerait un peu plus de temps pour voir si la présence d’une fille dans votre camp troublera tout.

- Ce n’est pas une mauvaise idée, admit Gally, malgré qu’il me jetait encore des regards soupçonneux.

- Je suis d’accord aussi, renchérit Alby.

- Alors, il ne reste qu’à mettre cette liste dans... vous l’appelez comment, déjà? La Boîte? Dis-je en tendant la liste à Alby et en relâchant mes cheveux.

- C’est ça, affirma Newt en nous jetant un étrange regard à Minho et moi.

Pourquoi est-ce qu’il n’arrêtait pas de me regarder comme ça, au juste? Comme si… je le dérangeais? Je pris sur moi pour ne pas déglutir de manière trop intense et essayai de ne pas prêter attention à la part de moi qui criait que je le connaissais. C’était impossible. Je n’étais jamais venue ici. Quant à ma vie antérieure au Bloc… Qui sait? Mais c’était improbable. Hautement improbable.

Alby tendit alors la liste à Gally et lui dit d’aller la porter dans la Boîte, ce dernier s’exécuta sans discuter. Il dit ensuite :

- J’y vais aussi. Newt, Minho et Clint, occupez-vous de notre bleu. Et… Newt, tu retournes dans ton lit dès que vous arrivez à l’infirmerie. C’est un ordre.

L’intéressé leva les yeux au ciel, mais acquiesça du chef tandis qu’Alby sortait déjà de la grange. Alors qu’on restait tous là, planter comme des piquets, Minho lança :

- Je peux m’occuper de notre bleu, dit-il. Prenez de l’avance, on vous rejoint.

Newt le regarda en fronçant des sourcils, mais haussa finalement des épaules et fit signe à Clint de le suivre. Ce dernier le suivit rapidement, sans demander son reste. Dès que la porte fut refermée et que cela fit deux minutes qu’ils étaient partis, Minho me dit :

- Clint est un Medjack. C’est ce qui ressemble le plus à des « médecins » par ici. Cela dit, je ne sais pas s’ils sont très doués.

Il lâcha un petit rire avant de continuer :

- Tu vas voir, dans les prochains jours, tout le monde travaille tout le temps. Tout le monde. Personne n’a le droit de traîner de la patte. On fait sa part. C’est l’une de nos règles. On n’attaque personne…

- C’est pour ça que tu m’as sauvagement attaqué? Dis-je en plaisantant.

Il leva les yeux au ciel, mais un sourire étirait ses lèvres lorsqu’il poursuivit :

- Autre chose… Je sais que j’ai dit qu’on ne devait pas t’en faire part, mais comme tu vas être assignée à résidence pendant une semaine… je ne vois pas de mal à t’en parler. Tant que tu jures de garder le silence, ne dit à personne que je vais t’avoir dit ce que je vais te dire.

- D’accord… Je te jure de garder le secret, promis-je en fronçant les sourcils.

- Ce que je cartographie, chaque jour… C’est un labyrinthe. On est en plein cœur d’un labyrinthe, la bleue. Et chaque jour les portes s’ouvrent, pour se refermer un peu avant le crépuscule. Personne n’a le droit d’y entrer, excepté les Coureurs.

- Pourquoi tu as voulu me le dire? Demandai-je en blêmissant.

- Pour ne pas que tu fasses une bêtise en voyant les portes s’ouvrir demain, dit-il en souriant. Non, en fait, je ne vois pas pourquoi on ne le dit pas tout de suite aux bleus, c’est tout. Il y a des choses, dans le labyrinthe. Des Griffeurs, qu’on les appelle. Tu ne veux pas les rencontrer. Je te jure.

Je fronçai les sourcils. Pourquoi me disait-il cela? Malgré que son ton me semble préventif, il semblait analyser ma réaction. Certes, c’était quelque peu angoissant, tout ça. Mais j’étais surtout curieuse. Intriguée. Il me fit soudain signe qu’on ferait mieux d’y aller et à nouveau, il éteignit la torche.

Une fois dehors, je lui demandai à voix basse et en modulant ma voix pour qu’elle soit un peu plus rauque :

- Les Blocards… c’est nous, pas vrai? Ceux qui habitent dans le Bloc.

- Tu es très perspicace, dis donc, se moqua-t-il.

Je lui adressai une grimace dans l’obscurité et me demandai soudain comment j’avais pu autant me rapprocher facilement de Minho. J’arrivais presque à le considérer comme un ami. Ami, un mot presque mythique à mes oreilles. Comment pourrait-il en être autrement alors que je ne me souvenais même pas de ceux que j’avais pu avoir auparavant?

Après une quinzaine de minutes, on arriva à ce qui devait être l’infirmerie. Minho me conduisit alors à l’étage jusqu’à la porte où se tenait déjà Newt et Clint. Ce dernier m’ouvrit la porte et je poussai un soupir en pénétrant à l’intérieur. Minho me conseilla :

- Dors bien. Et profite de ta semaine tranquille, car toutes les prochaines ne le seront pas!

Sur ces mots, ils refermèrent la porte. Un nouveau soupir m’échappa et je me dirigeai à petits pas vers le lit. Mais, étrangement, je n’avais pas sommeil. Je n’avais qu’une envie, et c’était… me promener. Marcher. Bouger. Faire quelque chose. Alors même que j’avais entendu des bruits de pas s’éloigner, j’entendis des voix étouffées de l’autre côté de ma porte. Je m’approchai alors à pas de loup et entendit :

- Pourquoi tu demandes ça, Newt? Demandait Minho.

- Tu semblais vraiment complice avec la bleue, Minho. Et on ignore encore si… si on peut lui faire confiance. Fais attention, c’est tout ce que je te dis. Qui sait pourquoi ils nous l’ont envoyée?

- Ce n’est pas moi qui la dévore du regard à chaque fois qu’elle regarde ailleurs, rétorqua l’asiatique et je devinai qu’il avait les sourcils froncés.

- Personne ne la dévore du regard quand elle regarde ailleurs! protesta monsieur béquille.

- Baisse d’un ton ou elle va savoir que tu la regardes comme si elle était le meilleur steak que tu n’avais jamais vu!

- C’est faux! C’est juste que…

- C’est juste que… quoi? s’enquit Minho, impatient.

Je n’entendis aucun nouveau son prouvant que quelqu’un disait quelque chose, mais je discernai distinctement les bruits de pas qui s’éloignaient. D’accord, apparemment, ils n’avaient pas voulu prendre de chance que je les écoute en douce. Je poussai un soupir dépité. Apparemment, Newt ne m’aimait vraiment pas. J’étais presque certaine que la raison pourquoi il me regardait autant, c’était dû au fait qu’il ne me faisait pas confiance. Et Minho ne pouvait qu’avoir tort quant à ses allusions. Forcément.

Je retournai à mon lit et m’y assis résolument. Mais je n’avais toujours pas sommeil. Je fouillai alors mes vêtements, par réflexe. Ma main se glissa dans ma poche et alors que je m’attendais à y retrouver que du vide, mes doigts se refermèrent sur… quelque chose. Mes sourcils se froncèrent et je sortis lentement ma main avec l’objet.

C’était une simple bille.

Enfin, simple était un peu dérisoire, car elle était magnifique. Vraiment. D’une couleur très sombre, elle était pigmentée de plusieurs points qui semblaient représenter les étoiles. Il y avait quelques anneaux et une planète. Je n’eus aucun mal à me souvenir que ce devait être une représentation fictive de l’espace. Je m’apprêtais à déposer la bille sur ma table de chevet avec un sourire amusé, car j’ignorais totalement pourquoi j’avais cette babiole inutile avec moi. Vraiment, aucune idée.

[attachment=0]bille.jpg[/attachment]


Sauf qu’au moment de la déposer, je ressentis un pincement étrange au cœur. Comme si, cette babiole, était plus importante que tout à mes yeux. Mais j’ignorais pourquoi. Toutefois, il était clair que mon être lui-même se révoltait à l’idée de laisser la bille là, à la vue de tous. Sans même vraiment sentir mon geste, je remis la bille dans ma poche. Mais la question persistait, qu’est-ce que ça pouvait bien être pour que ce soit si important? Cela me venait-il de mes parents? Peut-être… Un sourire heureux étira mes lèvres tandis que j’y pensais. C’était peut-être mon seul souvenir d’eux…
Chassant ces songes de mon esprit, je laissai échapper un bâillement. D’accord… il était probablement temps de dormir, finalement. Je m’étendis donc sur le lit et à peine avais-je la tête sur l’oreiller que je me sentis sombrer dans un profond sommeil.

Une femme en tenue complètement blanche se tenait immobile, aux côtés d’un homme. Les cheveux bruns de la femme étaient remontés en chignon derrière sa tête, tandis que l’homme portait les cheveux très courts. Tous deux se tenaient debout devant une table d’examen. Et il y avait un corps qui semblait inerte, dessus. Et au niveau de la tête, il y avait un appareil étrange qui produisait des petites lumières clignotantes à intervalle régulier.

- Que font-ils? Demanda soudain une petite voix.

- Ils observent ce qui se passe dans sa tête, répondit une autre petite voix.

- Pourquoi? s’enquit une troisième voix.

- Je ne sais pas. Ils ont dit que c’était important. Et qu’on devait regarder, reprit la seconde voix.

Lentement, ce fut comme si l’objectif de la caméra reculait et laissa voir un petit groupe d’enfants derrière une autre table qui les séparait des adultes et du corps immobile. Chacun avait un carnet devant lui. Les petits ne devaient pas avoir plus de huit ou neuf ans et observaient ce qui se passait avec une franche et innocente curiosité. Ils n’arrivaient pas très bien à voir le corps, d’où ils étaient. Mais ce dernier était couvert de veines noires et saillantes. Un liquide noir s’échappait de sa bouche à chaque fois qu’il parlait, crachait…

Soudain, il y eut une intense lumière rouge et la personne inerte sur le lit se redressa d’un coup en envoyant valser les deux adultes ainsi que la machine qu’il avait sur la tête. Laissant apparaître son affreux visage aux enfants. Ceux-ci poussèrent immédiatement un cri aigu et l’une des petites filles en cassa son crayon en sursautant. Sur son cahier commençait à apparaître, malgré les traits grossiers de départ, la forme de ce qui ressemblait fortement à un labyrinthe avec un petit lapin au centre.

L’être, complètement possédé, se débattit furieusement, mais ses bras et ses jambes étaient rattachés à la table d’examen. Il hurlait, mais ce n’était pas des mots. C’était comme le hurlement lugubre d’une bête à l’agonie ou enragée. Les deux adultes se redressèrent rapidement et alors qu’il tentait de maîtriser la créature à apparence humaine, celle-ci se débattit tant et tant, que quelque chose sortit des poches de son pantalon. C’était une minuscule petite boîte. Et elle tomba à moins d’un mètre des enfants. L’un des petits garçons, celui avec les cheveux blonds et légèrement maigrichon, s’avança à pas de loup en direction de l’objet.

- N’y va pas, lui souffla une jeune fille aux cheveux de miel.

- Laisse-le faire… marmonna le petit Asiatique. Ça pourrait être amusant.

Ils avaient déjà oublié la créature sur son lit, maintenant assommée par les deux adultes. Avant que ceux-ci n’aient eu le temps de se retourner, le petit garçon avait ramassé l’objet et avait rejoint ses camarades.

- Vous allez bien, les enfants? S’enquit avec une voix douce la femme.

- Oui, affirmèrent-ils tous en cœur.

Puis, comme les adultes regardaient à nouveau ailleurs, le blondinet sortit sa trouvaille de sa poche et déballa la petite boîte qui était enveloppée dans du papier de plusieurs couleurs différentes. Après quoi, une fois la boîte mise à nue, il retira le couvercle, laissant apparaître une bille. Une bille magnifique découvrant une planète entourée d’étoiles. Les enfants eurent tous un petit air d’envie à l’égard du blond alors qu’il rangeait son trésor dans sa poche. La petite fille aux cheveux de miel regardait encore la boîte avec émerveillement en ayant en mémoire la beauté de l’objet.


Lorsque je me réveillai, j’étais en nage dans mon lit. Mon t-shirt était trempé de sueur et mon cœur battait à toute vitesse. Et pour ne rien arranger, c’est à ce moment-là qu’on ouvrit la porte. Je tournai un visage paniqué en direction de la porte et croisai le regard étonné d’à la fois Newt et Clint.

- Nom de Dieu, la bleue, est-ce ça va? Lâcha spontanément le premier et je sentis à nouveau un étrange frisson en entendant son accent prononcé.

Je vins pour répondre rapidement que tout allait bien que ce n’était que la chaleur… car il fallait avouer qu’il faisait plutôt chaud dans la chambre. Toutefois, le rêve me revint brusquement en mémoire et la panique m’étreignit à nouveau le cœur. Mon rythme cardiaque s’accéléra encore alors que je revoyais le visage de la créature. Qui était forcément humaine. Et… et j’avais sa bille dans ma poche. Mais comment était-ce possible? C’était le petit garçon blond qui l’avait prise!

- Je… lâchai-je en essayant de m’expliquer.

Le Medjack arriva en quelques secondes à mes côtés et posa le dos de sa main contre mon front. Il annonça ensuite, alors que Newt s’approchait avec ses béquilles :

- Tu es bouillante.

- Je… Ce n’est rien. Ça doit être la chaleur. Est-ce qu’on peut ouvrir la fenêtre? J’ai… j’ai seulement… commençai-je à m’expliquer, mais je pus me rendre jusqu’au bout, l’émotion me nouant la gorge.

Les larmes me montèrent aux yeux et je détournai la tête. Instinctivement. Apparemment, je n’aimais pas que l’on me voit comme ça. Vulnérable. Soudain, la voix de Newt me parvint et il dit :

- Tu peux pleurer, tu sais. Tout le monde pleure pendant sa première semaine dans le Bloc.

Je secouai de la tête et ravalai mes larmes, même si cela me donna l’impression de m’être sablé la gorge avec du granit écaillé. Je me retournai alors vers mes deux visiteurs. Ce qui me permit de constater que Clint était allé ouvrir la fenêtre. Je pris une grande inspiration pour me calmer les nerfs, malgré que les images résiduelles de mon rêve n’arrêtaient pas d’apparaître dans ma tête. Après quoi, je dis d’une voix calme :

- Ça va. Je vais bien. C’était seulement la chaleur… Et j’ai fait un cauchemar. Rien de dramatique.

Newt me jeta un regard dubitatif, mais n’insista pas. Clint me lâcha ensuite :

- Je venais simplement voir si tu étais réveillée et prête à prendre le petit-déjeuner. J’ai croisé Newt en venant ici et je n’ai pas réussi, encore, à le faire retourner dans sa chambre.

- Comme c’est ennuyeux, dit l’intéressé et je surpris un sourire amusé passer sur ses lèvres.

Le Medjack lui adressa un regard ennuyé, mais poursuivit :

- Je devais aussi aller lui en chercher. Mais il ne l’aura que s’il retourne dans sa chambre.

- Ça fait deux semaines que je passe dans cette chambre, tocard. Et c’est ennuyant, protesta Newt. Pourquoi je ne resterais pas ici et apprendrais deux ou trois trucs à la bleue?

- Parce qu’aux dernières nouvelles, notre bleu est contagieux. D’où la quarantaine.

Newt leva les yeux au ciel, mais accepta néanmoins de sortir de la chambre. J’arrivais toutefois à le comprendre. Je n’avais pas passé une seule journée dans cette chambre et je sentais déjà que j’allais m’emmerder comme pas possible. Je poussai un soupir en les voyant sortir tous les deux et refermer la porte.

Je n’aurais pas détesté de la compagnie… Mais en même temps, je n’étais pas certaine de vouloir de celle de Newt. Premièrement, il semblait ne pas être désireux de me faire confiance. La seconde… je n’arrivais pas à comprendre pourquoi, mais alors là pourquoi il me disait quelque chose. D’un geste mécanique, j’enfonçai ma main dans ma poche et en ressortis la bille. J’eus un petit frisson en me souvenant de mon rêve et je fus tentée de jeter la bille par la fenêtre, mais à nouveau j’en fus incapable. Quelque chose de profond m’empêchait de le faire. Je marmonnai pour moi-même en la remettant dans ma poche :

- Et puis, bon… ce n’était qu’un rêve, n’est-ce pas?

Suite à ma tentative de me réconforter moi-même, je me dirigeai vers la fenêtre, tout en m’assurant qu’on ne pouvait pas me voir d’en bas. Je pus alors constater à quel point le Bloc était grand et bien organisé. Et aussi à quel point les murs tout autour qui séparait le Bloc du Labyrinthe était haut. En voyant le lierre qui le recouvrait, je sentis à nouveau cette démangeaison dans mes mains. Comme si… comme si elles ne demandaient qu’à grimper et voir jusqu’où elles pouvaient se rendre. Je ne sais pas qui j’étais avant de perdre la mémoire, mais j’avais le sentiment que j’étais une grimpeuse.
Je cherchai ensuite des yeux les portes dont m’avaient parlé Minho et les repérai rapidement. Que se trouvait-il de l’autre côté? Pourquoi n’avait-il rien trouvé en un peu plus d’un an? Je ne comprenais pas…

J’étais dans ces réflexions sur le labyrinthe et ses secrets lorsque Clint refit son apparition avec un plateau-repas. Il le déposa rapidement sur la commode et sortit tout aussi vite. Apparemment, les interactions sociales ne seraient pas pour maintenant. Je poussai un nouveau soupir avant de m’approcher de la commode pour prendre le plateau-repas et aller m’asseoir sur mon lit. La journée s’annonçait longue, pensai-je en prenant une première bouchée de la pomme.

Malheureusement pour moi, je terminai bien trop vite ma portion de nourriture et je me retrouvai à me tourner les pouces. Sauf que j’en eus rapidement marre et je bondis sur mes pieds avant de faire les cent pas. Allai-je vraiment devoir rester coincé ici toute une semaine? À ne rien faire? Sans parler à qui que ce soit? Enfin, ce qui me posait surtout problème c’était le fait de rester coincé ici à ne rien faire. En soi, si je me trouvais une occupation, le besoin de parler ne se ferait pas autant ressentir. Comment Newt avait-il fait pour rester cloîtré deux semaines? En tout cas, je le comprenais d’avoir voulu échapper à plusieurs reprises à ces chambres ennuyantes…

Alors que je marchais de manière de plus en plus énergique, j’entendis la porte s’ouvrir dans mon dos. Mon cœur rata un battement et je me retournai d’un bond, paniquée. Et si c’était quelqu’un d’aut…

- Pour quelqu’un qui est malade, tu fais pas mal de bruit… lança Newt en croisant mon regard paniqué.

Je poussai un soupir soulagé et me calmai instantanément, malgré que je sentis un certain malaise m’envahir. Je n’étais pas très partisane d’être dans une pièce, seule, avec quelqu’un que je savais qu’il ne m’aimait pas. Je passai une main lasse dans mes cheveux et m’obligeai à m’asseoir sur mon lit avant de marmonner :

- Je n’ai rien à faire dans cette chambre. Et je n’ai pas envie de passer la journée à dormir. Et toi? T’es pas censé être au lit, ou quelque chose du genre?

Je pris soin d’éviter son regard aux yeux bruns foncés. Il y avait quelque chose qui m’intimidait avec ses yeux. Et ça me donnait trop l’impression que je le connaissais bel et bien. Il poussa à son tour un soupir et je l’entendis refermer la porte et s’appuyer contre un mur. Ou peut-être contre la commode? Je n’en savais trop rien, car je venais de baisser les yeux au sol, évitant de le regarder lui. Il répondit après une minute :

- C’est ce qu’ils voudraient tous que je sois encore en train de faire, c’est sûr. Mais ce n’est pas comme si c’est ça qui va m’aider. Après, Clint a eu une urgence. Donc j’ai le champ libre pour… une vingtaine de minutes, je dirais. Un Trancheur s’est encore mis le doigt au mauvais endroit…

- Un Trancheur? M’enquis-je, étonnée.

- C’est eux qui s’occupent des animaux et de l’abattage.

- Oh…

Je ne prononçai rien d’autre. Je me demandais seulement pourquoi il était ici. Pourquoi il était venu me voir alors que ma présence ne semblait pas lui plaire. Je me risquai un bref coup d’œil dans sa direction et je le surpris à regarder la fenêtre de là où il était. Pourquoi était-il là? Si la compagnie lui manquait à ce point, pourquoi ne demandait-il pas à un de ses amis de venir le voir?

Quelques minutes s’écoulèrent encore et je l’entendis quitter la commode, car c’était bel et bien là qu’il s’était appuyé, pour se rendre à la fenêtre où il s’appuya nonchalamment contre le cadre. Je le détaillai encore un instant et je sentis ma gorge se nouer. J’avais vraiment l’impression de le connaître. Mais comment cela pourrait-il être possible? Je laissai glisser ma main dans ma poche à nouveau et me remis à jouer nerveusement avec la bille. N’y tenant plus, je finis par lâcher en regardant la bille ronde dans ma main :

- Pourquoi tu es venu ici? Je sais que tu ne m’aimes pas. Tu me détestes peut-être. Ou, dans tous les cas, tu ne me fais pas confiance… Pourquoi?

Je jetai un coup d’œil dans sa direction, assez pour le voir se raidir au niveau des épaules et de l’avant-bras qu’il utilisait pour s’appuyer. Je constatai par le fait même qu’il semblait plus s’appuyer sur sa jambe gauche. Que lui était-il arrivé? Je n’eus pas le loisir d’y réfléchir très longtemps, car il me dit :

- Ce n’est pas que je ne t’aime pas. Mais c’est vrai que je ne te fais pas confiance. Il y a quelque chose… Je ne sais pas. Ce que je ne comprends pas, surtout. C’est pourquoi toi. Pourquoi ils t’ont envoyé. Pourquoi en pleine nuit? Mais surtout, pourquoi toi. En un peu plus d’un an, on a toujours été que des mecs, ici. Pas une fille. Pas une seule. Et maintenant tu débarques… et j’ai l’impression que…

Il n’eut pas l’opportunité de poursuivre, car on se figea tous les deux, lui davantage que moi en entendant des bruits de pas sonore se diriger dans notre direction. Mon sang ne fit qu’un tour et sachant qu’il risquait des ennuis en restant là, je soufflai d’une voix pressante :

- Vite, derrière la porte!

Il marmonna quelque chose d’inintelligible pour moi, mais attrapa aussi vite que possible ses béquilles et se dirigea derrière la porte qui, heureusement, s’ouvrait vers l’intérieur. Pour ma part, je m’allongeai sur mon lit et posai mon regard sur le plafond en tapotant le lit du bout des doigts. Mais dans mon empressement à me mettre dans cette position, j’échappai la bille. Je l’entendis tomber sur le sol et rouler plus loin, mais je n’eus pas l’opportunité d’aller la chercher, car la porte s’ouvrit en grand sur Clint. Il jeta un regard suspicieux dans ma chambre et me demanda :

- Est-ce que tu as vu Newt?

Je restai comme j’étais à fixer le plafond, malgré que du coin de l’œil je pouvais voir que le pied droit et un bout de béquille de Newt dépassaient de la porte. Je déglutis discrètement et comme si je sortais d’une bulle, je me redressai sur un bras et dis en bâillant :

- Paardon? Tu disais? J’étais dans la lune… C’est vraiment ennuyant ici…

- Est-ce que tu as vu Newt? Répéta rapidement Clint en me jetant un bref regard ennuyé.

- Si c’était le cas, je ne crois pas que je serais couchée sur mon lit à essayer de tuer le temps, mentis-je avec brio en élevant un sourcil. Et puis, pourquoi est-ce qu’il serait venu me voir?

Le Medjack haussa des épaules en affirmant :

- Il le voulait tout à l’heure, alors je me suis dit que…

- Eh ben, tu t’es trompé. Il n’est pas là, le coupai-je rapidement. Est-ce que je peux retrouver mon calme et pathétique ennui mortel, maintenant?

Mon interlocuteur leva les yeux au ciel et marmonna, sans doute plus pour lui-même que pour moi, en sortant :

- Il doit être encore parti en vadrouille dehors. Je ferais mieux d’aller voir…

La porte se referma dans son dos et j’eus tout juste le temps de voir le visage de Newt refléter un sentiment de soulagement. Après quoi, son regard se posa sur moi, interrogatif. Pour ma part, j’aurais bien aimé savoir ce qu’il avait l’intention de dire avant l’interruption… mais je n’avais pas l’impression que cela allait arriver. Mon instinct me disait que son ouverture s’était refermée en même temps que la porte s’était ouverte.

Je me levai de mon lit rapidement et me penchai pour ramasser la bille qui avait roulé jusqu’à la fenêtre. C’est à peine si je m’aperçus que Newt s’était rapproché. J’en pris seulement conscience lorsque je vins pour refermer la main sur la bille et qu’il s’écria, me faisant l’échapper à nouveau :

- Hé, qu’est-ce que tu as là!

Mon cœur battait à toute vitesse, mais je réussis à reprendre la bille sans avoir les mains tremblantes et à lui montrer. Je vis son visage paraître confus avant de dire :

- Je… J’avais cru que c’était quelque chose qui m’appartenait. Désolé.

- Je suppose que ça prouve que tu ne me fais pas confiance, hein? Dis-je avec un ricanement nerveux.

- Je suis désolé, vraiment, insista-t-il. Et merci de m’avoir couvert, tu n’étais pas obligée. Je devrais y aller, maintenant.

En disant ces derniers mots, il faisait déjà demi-tour. Alors qu’il ouvrait la porte, je lui dis :

- Pas de quoi.

Je n’eus aucune autre réponse que la porte qui claqua dans son dos. C’était étrange. Vraiment étrange, pendant notre très bref entretien… j’avais eu l’occasion de souhaiter qu’il s’en aille. Mais maintenant qu’il était parti, je me demandais s’il allait revenir. Il y avait clairement quelque chose qui ne tournait pas rond chez moi. Il avait avoué ouvertement qu’il ne me faisait pas confiance. Et sans le dire explicitement, qu’il ne voulait pas de ma présence ici. Alors, pourquoi diable voulais-je de la sienne? Parce qu’il semblait m’être familier? Pour autant que j’en savais, il pouvait très bien ne pas être une bonne connaissance.

Un soupir s’échappa de mes lèvres et je me relevai. Une autre impression m’étreignait. Malgré que je ne l’avais pas vraiment compris sur le coup. Lorsque Newt avait mentionné la raison de son escapade ici, il avait dit que c’était ce qu’ils voudraient qu’il fasse, rester dans son lit. Mais que ce n’était pas ça qui pourrait l’aider. Or, j’étais presque certaine que le problème de santé qu’il avait, c’était sa jambe droite. Mais… le lit devrait aider à se rétablir, dans ce cas. Même deux semaines, c’était peu pour ce genre de blessure. Sauf si c’était quelque chose de plus profond.

Une vague d’énervement monta en moi quand je me fis la réflexion que je ne saurais jamais si mes soupçons étaient les bons, car il n’y avait aucun moyen qu’il se confie à moi. Pour se confier, il fallait avoir confiance. Et je n’avais pas sa confiance. Ce qui, pour une raison que je ne m’expliquais pas, me peinait. Je donnai un coup de poing rageur sur ma cuisse. La légère douleur qui en résulta fut loin de me calmer. Je ressentis à nouveau une démangeaison dans les mains, mais cette fois, différente.

Je n’avais pas envie de grimper aux murs. Ou n’importe où. J’avais l’impression que ma main se languissait d’un objet. Je laissai ma paume prendre la position qu’elle voulait et en jetant un œil au résultat je compris. Un crayon. Et probablement du papier. Avec un haussement d’épaules, je retournai m’asseoir sur le lit et me mis à dessiner du doigt sur les draps. Sauf que ce n’était pas satisfaisant. Du tout.

Le reste de la journée se passa dans une lenteur exécrable et je la passai à me lamenter à voix basse, grommeler et faire les cent pas. La monotonie de mon existence ne diminua que lorsque Clint vint une troisième fois avec le déjeuner, puis une quatrième avec le diner. Mais il ne faisait que déposer la nourriture sur la commode, me dire une brève salutation et repartir. C’en était réellement barbant.

Sauf que maintenant, enfin, les ténèbres commencèrent à s’étendre sur le Bloc. J’avais même pu voir Minho sortir du Labyrinthe de ma chambre. Avait-il trouvé quelque chose d’intéressant aujourd’hui? Je ne le saurais probablement pas, car il y avait de bonnes chances qu’il ne pense déjà plus à la bleue. Enfin, presque plus.

Je pris soudain conscience de quelque chose. La fenêtre. Elle était ouverte. Et de ce que je pouvais en voir tandis que la lumière était encore suffisante… les murs étaient pourvus de plusieurs prises dues à diverses malformations. L’idée parfaite pour diminuer la monotonie de mon existence pour la prochaine semaine s’immisça presque immédiatement. J’allais m’offrir une petite sortie nocturne incognito pendant que tout le monde dormirait!

J’étais en train de passer la tête par la fenêtre discrètement pour observer attentivement le terrain, lorsque l’on ouvrit la porte. Je voulus rentrer si vite à l’intérieur que je manquai me frapper violemment la tête contre le haut de la fenêtre. Ce qui fit sourire mon visiteur.

- Tu avais l’intention de te jeter par la fenêtre? S’enquit Minho, tout sourire.

- Ça aurait pu être intéressant, admis-je. C’est mortellement ennuyeux, ici.

- Je m’en doute. Newt est une vraie plaie depuis qu’il est ici.

- Tu crois que Clint s’en apercevrait si je m’évadais une heure ou deux pendant la nuit?

Le sourire de l’Asiatique devint immédiatement malicieux et il me demanda :

- Tu prévois une sortie nocturne?

- Ouais, avouai-je avec aplomb.

- Je peux t’accompagner?

- Tu n’as pas couru toute la journée? Rétorquai-je.

- Et alors?

Je levai les yeux au ciel. Je me souvenais très bien que la veille, il avait été plutôt pressé de regagner son lit. Alors, pourquoi, maintenant il n’en ressentait pas le besoin? J’haussai un sourcil dans sa direction en disant :

- Tu n’as pas sommeil?

- Bah, c’est rare qu’on peut s’amuser à l’insu des autres, alors qui est-ce que je serais si je passais à côté de cette occasion merveilleuse?

Je haussai des épaules et lui annonçai :

- Alors, rejoins-moi en bas dans quatre heures. Tu peux en profiter pour relaxer, en attendant.

Il accepta en sautillant une seconde surplace et avec un grand sourire réjoui au visage. Avant de sortir, il ajouta en chuchotant :

- On va s’éclater!

Sur ces mots, il referma la porte et je perdis un peu mon sourire. Malheureusement, j’en avais encore pour quatre bonnes heures avant de rejoindre Minho en bas. J’espérais simplement qu’il ne commettrait pas de bourde en mentionnant ses plans pour la nuit à quelqu’un. Ceci dit, ce serait assez étonnant, car il avait dit lui-même que les occasions de s’amuser à l’insu des autres étaient rares. Je retournai alors m’étendre sur mon lit, les bras croisés sous la tête en essayant de ne pas y penser.

Je commençais tout juste à somnoler lorsque j’entendis des cris étranges. Je me redressai brusquement sur mon lit et descendis en quatrième vitesse pour me rendre à la fenêtre. Tout semblait normal… Je fronçai les sourcils. D’où ces cris pouvaient-ils provenir pour que les Blocards n’en fassent aucun cas? Un frisson me traversa le dos lorsqu’une réponse m’apparut : les Griffeurs. Pour que leur cri ou quel que soit le son qui m’était parvenu, arrive jusqu’ici… ils devaient être particulièrement épouvantable.

Un coup d’œil vers le ciel me fit comprendre qu’il était l’heure. Un fourmillement d’excitation me traversa de la tête aux pieds et je décidai d’aller m’assurer que je n’entendais aucun son en provenance de l’autre côté de la porte de ma chambre. Dès que je fus rassurée sur ce point, je revins à la fenêtre et sans prendre la peine d’y réfléchir plus avant, je sortis la partie inférieure de mon corps par la fenêtre. Une fois mes deux pieds bien appuyés, je passai mes bras et le reste de mon corps à l’extérieur. Puis je me mis à descendre.

L’exercice me fit un bien fou, quoique le trajet me parut beaucoup trop court, à peine mes muscles étaient-ils échauffés… Je poussai un soupir de dépit avant de regarder autour de moi. Il n’y avait personne. Minho avait-il oublié? À moins qu’il se soit endormi? Après tout, j’étais passé proche de m’endormir moi-même, non? Ou bien, il s’était trompé d’endroit. Après tout, je n’avais pas spécifié que je comptais quitter ma chambre en passant par la fenêtre… Humm… Ça valait le coup de jeter un coup d’œil à la porte.

Sans plus y réfléchir, je me dirigeai dans cette direction. Je me sentis énormément soulagée lorsque je vis qu’il était bel et bien là. Et qu’il regardait dans la direction opposée. Un sourire moqueur étira mes lèvres et je m’approchai sur la pointe des pieds. Quand je fus suffisamment près, je refermai mes deux mains sur ses épaules et dis d’une voix susurrante et angoissante à l’oreille :

- Bouh!

Sans pour autant crier, il sursauta si violemment que je ne pus faire autrement qu’éclater de rire. Il se retourna vers moi en se dégageant du même coup de ma prise et il grommela, mais je vis sa lèvre inférieure tressauter comme s’il retenait un rire :

- Hé, mais c’est quoi l’idée! T’arrives d’où, au juste?

- De ma chambre, dis-je en rigolant encore.

- Mais… ça fait déjà vingt minutes que je suis ici!

- Autant? M’étonnai-je. Enfin, j’ai passé par la fenêtre, monsieur le détective!

- Ah… Tout s’explique. Tu aimes vraiment grimper comme un singe, pas vrai?

- Il semblerait. J’en ai des démangeaisons aux mains chaque fois que je songe à grimper. Bon, on y va…?

- Tu es un sacré numéro, la bleue, tu le savais, ça?

- Non, je croyais que j’étais une fille de race humaine, répondis-je avec sarcasme.

Il leva à nouveau les yeux au ciel, mais me demanda soudain avec sérieux :

- Au fait, tu te rappelles de ton prénom?

Je sentis immédiatement des sueurs froides dans mon dos. Avant qu’il ne pose la question, je n’en avais pas pris conscience. Mais c’était vrai. Ça ferait bientôt une journée entière que j’étais dans le Bloc et je ne me souvenais toujours pas de mon prénom! Je sentis mon visage blêmir et gracieuseté des ténèbres environnantes, Minho ne s’en apercevrait sans doute pas. Je lâchai d’une voix que je voulais normale :

- Non. Toujours pas.

- T’inquiètes. Ça peut prendre jusqu’à trois jours pour certains.

On commença à s’éloigner lentement et je compris rapidement qu’il me laissait choisir la direction que je voulais prendre. Je me mis donc à marcher vers les murs. De ma chambre, j’avais eu tout le temps du monde pour observer le mur et me dire que ce serait… parfait si je pouvais y mettre les deux mains. Alors j’avais l’intention de faire de cette envie une réalité. Mais il y avait une autre envie qui me tenaillait. Je demandai donc :

- Au fait… Est-ce que tu crois que je pourrais avoir un crayon et du papier? Ça me ferait passer le temps pour les prochains jours. À moins que… qu’il y ait des restrictions sur le matériel?

- Non, pas vraiment. La Boîte nous fournit toujours de ce dont on a besoin. Donc pas besoin de restriction. Tu veux des crayons et du papier pour quoi? Écrire des histoires?

- Euh… non. Je crois que j’aimerais dessiner.

- Dessiner? Toi?

- Oui, moi!

Il me jeta un regard que je supposais être surpris. Qu’y avait-il de si surprenant au fait que je voulais dessiner? Il ne m’en croyait pas capable? Je fronçai les sourcils. Ce n’était pas comme si on se connaissait énormément. Alors pourquoi pensait-il que…

- Je disais simplement qu’avec toutes tes idées farfelues, j’avais plus l’impression que tu écrirais des trucs plutôt que dessiner.

- Bah, mes mains ne sont pas du même avis! Répliquai-je en riant.

Il se joignit à mon rire calmement et le reste du trajet fut plutôt calme. Je ne pouvais m’empêcher de prendre de grandes bouffées d’air frais en levant la tête vers le ciel pour observer les étoiles. Je laissais mes jambes avancer sans vraiment prêter attention où je mettais les pieds. Sans trop vraiment l’avoir cherché, je me mis à courir en direction du mur. Au maximum de mes capacités. À une vitesse grisante qui laissa mes cheveux se prendre dans le vent et me fouetter le visage. Mon cœur se gorgea d’un sentiment si fort de liberté que je passai à deux doigts de pousser un cri de joie. Mais je réussis à le contenir dans mon ventre, malgré la douleur que cela m’occasionna.

En arrivant au mur, je passai à deux doigts de m’écraser comme une crêpe dessus tellement j’allais vite. Cela dit, je réussis à m’interrompre dans un dérapage risqué qui me fit simplement rencontrer le mur du bout du nez. J’entendis le rire de Minho derrière moi et me retournai rapidement avec une mine contrariée.

- Arrête de rire! Le prévins-je le plus sérieusement du monde.

Sauf que mon sérieux en prit un coup rapidement et je me mis à rire aussi. Le fait que je sois quand même quelque peu épuisée ne devait rien arranger à la chose.

- Tu veux que je te laisse un peu d’intimité avec le mur, la bleue? Se moqua Minho dans mon dos.

- Comme c’est drôle. Ha. Ha, dis-je avec sarcasme.

- Sinon, tu venais faire quoi, ici? me demanda-t-il. Bécoter le mur pour voir s’il est réel?

Je levai les yeux au ciel et plaquai mes deux mains contre le mur. Puis je me mis à toucher toutes les irrégularités, testant la solidité de certaines pour voir si elles supporteraient mon poids. J’en fis de même avec le lierre et tout du long je sentais le regard pesant de Minho dans mon dos. Il devait sans doute me prendre pour une dingue. Mais bon, qu’importe. C’était plus fort que moi. Je sentais de réels frissons d’excitations remonter le long de mes doigts, parcourir mes bras et continuer leur course jusqu’au bout de mes orteils.

Sans trop chercher à le faire, mes mains se crispèrent sur certaines irrégularités et je posai l’un de mes pieds sur un autre avant de me hisser de dix centimètres. Alors que je tâtais le terrain pour monter encore un peu, Minho s’exclama :

- Hé, mais qu’est-ce que tu fais, au juste?!

- Je… grimpe?

- T’es folle?! C’est la nuit!

Je poussai un soupir déchiré et consentis à relâcher mes prises sur le mur. Je retombai brutalement sur mes deux pieds sur le sol herbeux du Bloc. Juste à temps pour me faire plaquer le dos brutalement contre le mur que je venais de quitter. Je retrouvai sans surprise Minho devant moi et il marmonna :

- Ne refais pas ça, la bleue! T’aurais pu tomber et te casser quelque chose. Et tu n’es pas censée être dehors. Alors, fais gaffe, tocarde.

- On t’a déjà dit que tu étais un rabat-joie? Grommelai-je en le repoussant du mieux que je pouvais.

Il vint pour répondre quelque chose, mais une voix dans son dos l’interrompit brutalement :

- Je peux savoir ce que vous faites là, tous les deux?

Newt.

Ce fut comme si mon sang s’était glacé instantanément. Je regardai par-dessus l’épaule de Minho et parvint à voir l’autre Blocard. Merde. Déjà que j’avais entendu leur conversation la veille… Je me sentis rougir et au même instant Minho se retourna vers Newt en disant :

- La bleue voulait faire plus amplement connaissance avec le mur. Et je l’ai ravisée. Car c’est dangereux.

Newt prit un certain temps pour répondre, mais comme il faisait trop noir, je n’arrivais pas à voir son expression. Mais au bout de plusieurs longues secondes, il se contenta de dire :

- Ça ne te ressemble pas.

- Je n’ai pas envie de m’attirer des ennuis si je devais ramener une bleue avec une cheville brisée. En plein milieu de la nuit. Alors qu’elle ne devait pas quitter sa chambre.

- Je crois d’ailleurs que je vais y retourner… dis-je en commençant à m’éloigner, sauf que j’aurais aussi bien pu ne rien dire du tout, car ils ne bougèrent pas d’un centimètre.

Je poussai un soupir. Pourquoi est-ce qu’ils devaient en faire tout un plat? On ne pouvait pas simplement retourner d’où on venait et oublier ce qu’il venait de se passer? C’était trop demander ou quoi?

Si la maigre lueur des étoiles ne me permettait pas de voir très bien leur expression, je pouvais en deviner assez par leur posture. J’avais la nette impression qu’ils se dévisageaient en chien de faïence. Sans ciller. Et sans remuer d’un poil. J’eus à nouveau envie de soupirer, sauf que je me retins. S’ils ne se décidaient pas à faire quelque chose, j’allais les abandonner là!

Après deux minutes, ils n’avaient toujours pas bougé. Je retins un grondement et décidai d’aller m’interposer entre les deux, car j’avais l’impression qu’ils étaient sur le point de commencer une dispute. Et malgré que je n’étais pas là depuis très longtemps, j’avais l’impression que normalement ils s’entendaient plutôt bien. Qu’ils étaient de bons amis, même. Ma tactique fonctionna, car je sentis immédiatement leur regard me brûler la peau. Je me mordis la lèvre inférieure avant de lâcher :

- Je retourne à ma chambre. Je ne voulais pas causer de problème. Je suis désolée…

Sur ces mots, je m’éloignai sans leur adresser un regard. Toutefois, je pouvais toujours sentir le poids des leurs peser dans mon dos. Un frisson me parcourut la colonne, mais rapidement, je les entendis me suivre, quoiqu’à un rythme plus lent. Sans doute voulaient-ils parler entre eux?

- Tu fais quoi dehors, Newt? S’enquit Minho à voix basse. Tu devrais récupérer…

- Je suis là pour la même raison que la bleue, Minho.

- Pour faire le singe?

- Non, pour me divertir. Cette chambre… ça me tue.

Il y eut un silence du côté de Minho, comme s’il réfléchissait. Pour ma part, je n’osais pratiquement plus respirer de peur qu’ils prennent conscience que je pouvais parfaitement les entendre. Ou du moins, je ne voulais pas qu’ils le sachent tout de suite. C’était peut-être mal d’épier les conversations, mais si ça pouvait m’apporter des réponses… Je fis taire ma mauvaise conscience assez rapidement et tendis l’oreille un peu plus.

- Je sais, finit par dire Minho. Mais tu dois te reposer, Newt. Laisser le temps à ta jambe de se réta…

- Elle ne se rétablira pas, Minho! S’emporta l’autre avec une note de hargne et de désespoir dans la voix. C’est fini, pour moi. Je ne pourrai pas continuer avec les Coureurs alors à quoi bon…?

- Est-ce que tu comptes me dire ce qu’il t’est vraiment arrivé, ou pas?

- Un accident, je te l’ai déjà dit, marmonna Newt et quelque chose en moi me fit comprendre qu’il mentait, ou du moins en partie.

Minho resta silencieux. Avait-il compris aussi que Newt cachait quelque chose? Je donnerais n’importe quoi pour savoir. Mais je me voyais mal poser la question. Déjà qu’il ne m’aimait pas particulièrement au départ et maintenant ça devait être pire. Malgré que je ne sache pas trop pour quelle raison il était aussi furieux contre Minho. Ou moi. Pourquoi cela le dérangeait-il autant que l’on s’entende bien, Minho et moi? Jusqu’ici, c’était ce que je considérais le plus comme un ami. Voire même un frère. Et c’était assez bizarre puisque je ne le connaissais même pas depuis vingt-quatre heures. Mais c’était pourtant ce que je ressentais, tout au fond. Comme… un souvenir oublié qui refaisait surface. Avais-je déjà eu un frère auparavant? Ça pourrait expliquer ce sentiment de familiarité, comme si j’avais déjà eu ça auparavant.

- Si tu le dis, lâcha finalement Minho. Mais est-ce que je peux savoir ce qui t’embête tant?

- Tu ne fais pas attention, c’est tout. Comme je t’ai déjà dit…

- Oui, tu ne lui fais pas confiance! Et je ne vois pas pourquoi! C’est vrai, ce n’est pas comme si elle était un Griffeur sous couverture! Ou un extraterrestre. C’est une fille. Point.

- Justement. C’est peut-être parce que c’est une fille que ton jugement est altéré. On est que des mecs ici. Et il n’y a qu’une fille.

- Je ne crois pas qu’elle soit ce genre de fille… fit remarquer Minho.

- Peut-être pas, admit Newt. Mais…

- Si tu veux mon avis, c’est ton jugement qui est altéré parce que c’est une fille. Elle est gentille et plutôt agréable de compagnie contrairement à d’autres tocards de ma connaissance.

- Tu ne voudrais pas essayer d’un peu prendre tes distances? Grommela Newt. Le temps qu’on y voit plus clair… Que j’y vois plus clair.

- Je ne sais pas si tu es au courant, mais on aurait dit que tu es jaloux.

- Jaloux?! De quoi?

Minho eut un petit rire, mais ne répondit rien pendant un moment. Sauf que je sentais que ça tramait quelque chose. C’était étrange comment j’arrivais à sentir certaines choses. Comme si… je savais déjà à l’avance ses intentions. Mais c’était impossible! Je ne le connaissais même pas depuis une journée!

- Tu sais quoi? Je crois que je vais vous laisser. Essaie donc de la connaître un peu… Et qui sait, tu comprendras peut-être pourquoi j’ai dit ça? Rigola Minho. Sérieux, mec… d’habitude c’est toi qui accueille les nouveaux avec compréhension et tout… Je me souviens bien ce que tu as dit la nuit dernière, mais… Je ne crois pas qu’elle soit un démon qui se cache sous des traits angéliques. Mais je mettrais ma main à couper que sa présence ici cache quelque chose de très intéressant. Je trouve que tout ça… c’est comme si les Créateurs s’étaient fait forcé la main, ajouta-t-il calmement et j’entendis ses pas s’éloigner dans une autre direction.

- Non, attends! Minho! Ne me laisse pas…

- Seul avec moi? Complétai-je à sa place en me retournant. C’est bon, j’ai compris que tu ne voulais pas de ma présence ici, Newt. Et si je pouvais partir, je le ferais! Comme ça, tu pourrais retrouver ta petite vie tranquille avec tes amis sans le boulet que je semble être!

Sans trop savoir pourquoi, je sentis des larmes me monter aux yeux. C’était assez vexant quand même. De se faire autant rejeter. Encore. Et encore. La conversation tranquille que nous avions eu semblait être bien loin. Ou n’était qu’un mirage. Qu’une illusion. Je m’essuyai rageusement les yeux et fis demi-tour en lâchant un grondement à la fois furieux et blessé.

- Attends! S’écria Newt dans mon dos. Ce n’est pas…

- Ça que tu voulais dire? Grondai-je en continuant à m’éloigner. J’ai des doutes à ce sujet, vois-tu!

- Je…

- Pas la peine, Newt. J’ai compris. Ne le répète pas…

Pourquoi est-ce que son rejet me faisait aussi mal? Pourquoi entendre son accent me mettait tout aussi mal? Était-ce dû au fait que tout chez lui, ou presque, me semblait familier? Possible. Mais… trop, c’était trop. Mais je ne devrais pas réagir aussi intensément. Ce n’était pas normal. Pas à cause du rejet d’un inconnu. Sans trop chercher à le faire, j’accélérai la cadence jusqu’à presque courir.

- Non, mais merde! Attends-moi! Je ne peux pas aller… commença Newt avant de s’interrompre brusquement.

Je compris rapidement en entendant le bruit d’une chute dans mon dos. Oh, mince! Je m’arrêtai brusquement au moment où il poussa un petit grondement que j’interprétai comme douloureux. Je retournai rapidement à ses côtés et tout en pliant les genoux pour me mettre à sa hauteur, je dis avec inquiétude :

- Est-ce que ça va? Je suis désolée… Vraiment. Je ne voulais pas que tu…

- Ça va, me coupa-t-il d’un ton bougon.

- Est-ce que mon aide te dégoûtera si je te propose un coup de main pour te relever? Demandai-je avec un ton légèrement sarcastique.

Je l’entendis pousser un soupir et je le vis tenter de se relever seul. Bah, voilà, j’avais ma réponse. J’eus un nouveau pincement douloureux devant ce énième rejet, mais j’attendis tout de même. Je n’étais pas blessée au point d’ignorer quelqu’un qui avait quelques problèmes. Je l’observai donc attentivement pour voir s’il allait réussir ou s’il allait retomber. Quand je vis, difficilement je dois l’avouer, ses bras se mettre à trembler tandis qu’il commençait à ramener un genou sous lui, je sus qu’il n’y arriverait pas.

La seconde suivante, ses bras le lâchèrent et il passa à deux doigts de se frapper le visage contre le sol, mais je le retins rapidement par les épaules. Je le redescendis lentement au sol et le relâchai ensuite rapidement, pour ne pas l’importuner davantage. J’ajoutai :

- Si tu préfères que je m’en aille… Tu n’as qu’à le dire. Et je pars.

Malgré que mes mots semblaient sincères, je compris moi-même que c’était un mensonge. Je n’arriverais pas à le laisser là comme ça. C’était impossible. Je l’entendis soupirer avant qu’il ne relève la tête vers moi et me dise :

- Non. Je vais avoir besoin d’aide. Si ça ne t’ennuie pas…

- J’ai proposé. Et quand je propose quelque chose, je ne me défile pas ensuite, affirmai-je et je l’attrapai par les bras rapidement.

Alors que mes mains se refermaient sur ses avant-bras, je sentis des fourmillements au bout de mes doigts. Et quelque chose, dans sa peau, me sembla familier à nouveau. Mais c’était censé vouloir dire quoi, à la fin? Je réussis à cacher mon trouble (la nuit m’y aida grandement) et le relevai rapidement. Après quoi, je ramassai ses béquilles et les lui remit. Lorsqu’il put se tenir debout sans trop d’effort, je dis :

- Bon. Je vais te laisser… Je ne voudrais pas t’importuner davantage…

- Écoute, la bleue. Si tu t’enfuis encore une fois, je risque encore de m’écraser par terre comme un imbécile en essayant de te rattraper avec ces trucs.

Je le regardai avec incompréhension et marmonnai :

- Tu as dit clairement que tu ne me faisais pas confiance. À plusieurs reprises.

- Prouve-moi que j’ai tort, alors.

Je fronçai les sourcils. Je ne comprenais absolument rien à ce gars. En fait, tout ce qui l’entourait semblait environné de mystères de plus en plus épais dès que je me mettais à creuser. Je poussai un soupir. Je finis par me remettre à marcher, lentement pour lui permettre de me suivre facilement, en silence. Je ne savais pas trop quoi dire. Comment pourrais-je le convaincre de me faire confiance? Aussi bien me tirer une balle dans la tête immédiatement, j’avais l’impression.

Résultat de mes intenses réflexions sur le sujet, je n’avais toujours rien dit lorsque l’on arriva où on était tous les deux assignés à rester cloués au lit. Je lui ouvris la porte et lui fis signe d’entrer. Dès qu’il fut à l’intérieur, je commençais à refermer la porte, mais il m’interrompit en mettant l’une de ses béquilles devant. Il me demanda :

- Tu ne viens pas?

- Je vais repasser par la fenêtre. C’est de là que j’arrive.

- Ah, d’accord, dit-il.

Il commençait à faire demi-tour, lorsque je pris une décision sur un coup de tête :

- Hé, Newt! Attends, une seconde…

- Quoi? demanda-t-il et je devinais un froncement de sourcils.

- Je ne crois pas que ça t’aidera à me faire confiance. Ou quoi que ce soit, mais… j’aime mieux être honnête… Je crois… non, j’ai l’impression… que je te connais. Il y a quelque chose, non, plusieurs choses chez toi qui me paraissent familières. Bref. C’est tout…

Je crois qu’il s’apprêtait à dire quelque chose, mais je l’interrompis probablement en relâchant la porte et en m’éloignant d’un bon pas pour me rendre près du mur de ma fenêtre. Lorsque je me mis à monter, je me fis la réflexion que j’aurais aussi pu parler de mon rêve étrange. Mais à quoi bon? Il me penserait sans doute folle et il me ferait encore moins confiance après coup.

Je me glissai rapidement à l’intérieur de ma chambre, puis de mes draps. Et je me mis à chercher le sommeil. Peut-être une ou deux minutes plus tard, j’entendis quelqu’un cogner deux légers coups contre ma porte. L’instant suivant, la voix de Newt me parvint de l’autre côté de la porte :

- La bleue?

Je ne répondis rien. Mon cœur se serra, je n’avais pas envie de subir un interrogatoire pour le moment. Pour la première fois depuis que j’étais arrivée, je sentis ce manque incroyable en moi. Celui de la maison. Une maison dont je ne me souvenais pas. D’une vie dont je ne me rappelais encore moins. Le bruit de la poignée qui tournait et de la porte qui s’ouvrait me fit fermer les yeux brusquement et prendre une position de sommeil. J’entendis le bruit de béquille qui pénétrait de quelques pas dans ma chambre. Puis Newt répéta :

- La bleue?

Je retins à grande peine un sanglot et m’efforçai pour ne pas bouger d’un poil tout en respirant de manière calme, régulière. J’étais en train de dormir. Je n’avais pas conscience de sa présence… Je finis par l’entendre pousser un soupir et faire demi-tour. Alors que la porte se refermait, je me relevai en ouvrant la bouche. Mais il était trop tard. Je n’avais pas envie de courir vers lui pour savoir ce qu’il voulait. Mais je me sentais terriblement mal de l’avoir ignoré. Un soupir m’échappa à mon tour et je ressortis la bille, comme si elle pourrait m’aider. Avec un nouveau soupir, je la rangeai. C’était idiot. Je ressentis à nouveau le manque. Mes poings se serrèrent dans les draps et sans trop savoir pourquoi ça m’arrivait, je sentis les larmes rouler sur mes joues les unes après les autres, tandis que j’avais l’impression que l’on me compressait le cœur lentement, et douloureusement.

C’est à peine si je pris conscience du moment où je m’endormis. La fatigue et le chagrin m’avaient affaibli et mon esprit s’était réfugié loin, très loin de mon corps. Mais pas dans un endroit calme.

Une fillette aux cheveux bruns d’environ onze ans courrait à en perdre haleine dans des corridors complètement blancs. Ces cheveux volaient derrière elle. Rien ne semblait particulièrement inquiétant dans cette scène si je me fiais au sourire plein de joie et d’innocence de la petite. Elle ne semblait pas avoir vieilli depuis la dernière fois.

Elle s’arrêta soudain à côté d’une porte grise métallisée et sortit une sorte de carte passe-partout de sa poche qu’elle glissa dans une fente. Il y eut un déclic et elle tourna la poignée.

- Alors, tu viens? S’enquit la petite fille à la personne qui devait se trouver là.

- Oui, j’arrive! lança une voix surexcitée qui me sembla familière.

Une petite fille aux cheveux de miel sortit aussitôt en tenant un carnet et un crayon dans sa main. Les deux petites se tapèrent dans les mains avant de se remettre à courir dans les couloirs. Malgré l’éclairage très intense et l’absence de fenêtre menant sur l’extérieur, j’étais presque certaine qu’il faisait nuit. Mon instinct me le disait. Par ailleurs, les deux fillettes ne croisèrent personne d’autre.

Au bout d’un moment, elles rencontrèrent un groupe de petits garçons. Quatre exactement. Je les reconnus rapidement. C’était ceux de la dernière fois. La petite fille aux cheveux de miel se jeta dans les bras du petit asiatique et lâcha, sans échapper carnet et crayon :

- Tu m’as manqué.

- Toi aussi, tu m’as manqué, lâcha le petit garçon en lui rendant son étreinte.

Le groupe d’enfants se mit alors en marche et se rendirent jusqu’à une petite salle de jeux qui, tous les uns autant que les autres, semblaient faire travailler la logique et le cerveau. Ils s’installèrent autour d’une petite table et là le petit garçon aux cheveux bruns demanda :

- Alors, tu as terminé?

- Presque… souffla la fillette aux cheveux de miel.

Elle déposa rapidement le carnet sur la table et en sortit plusieurs papiers sur lesquels on avait griffonné quelque chose. Après un moment je compris ce que c’était. Des portraits. Elle en distribua rapidement plusieurs à tout le monde. Ils avaient, en tout, quatre papiers chacun, sauf un petit garçon blond qui en avait quatre sans que le sien en fasse partie. Je réussis à constater qu’ils avaient tous un portrait de tous les autres, ainsi qu’un d’eux-mêmes. Sauf de deux personnes. Celle qui avait donné les portraits. Et le petit garçon blond. La petite marmonna en rougissant un peu :

- Je n’ai pas encore… terminé. Je n’arrive pas à faire le tien…

- Ce n’est pas grave, assura le petit garçon en regardant avec attention les autres portraits.

- Et vous n’aurez pas le mien, soupira la petite.

- Tu n’as qu’à écrire ton nom sur les dessins! Proposa l’autre petite fille.

- Bonne idée! Merci, Teresa.

La petite fille fit alors le tour de la table pour inscrire son nom sur tous les papiers. Malgré tous mes efforts, je n’arrivai pas à voir ce qu’il était. Quand elle revint à sa place, elle dit :

- Comme ça, même si on ne se voit pas, on ne s’oubliera pas. Et j’aurai fait les derniers pour dans trois jours, promis.

Elle avait prononcé les derniers mots en regardant le petit garçon blond droit dans les yeux. Ce dernier dit avec un sourire :

- Je te fais confiance. On ne s’oubliera jamais.

Tous les enfants se prirent les mains une seconde avant de retourner à l’extérieur et de repartir à l’aventure en chahutant. Alors qu’ils disparaissaient au loin, je compris quelque chose en voyant le visage de la petite aux cheveux de miel se tourner vers moi. Et j’eus soudainement l’impression d’étouffer.


J’ouvris brusquement les yeux en prenant une grande inspiration et me dressai droite comme un i dans mon lit encore complètement humide. J’étais à nouveau en nage et mon cœur battait encore à tout rompre. Qu’est-ce que tout cela voulait dire? Étais-je… Étais-je vraiment la petite fille que j’avais vue en rêve?
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MorganeP79

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Re: The Keeper [Le Labyrinthe]

Message par MorganeP79 »

Hey!
Je sais bien que je te l'ai déjà dit, mais j'adore vraiment beaucoup ce que tu écris, surtout parce que j'aime énormément ta manière d'écrire, les caractères des personnages et encore plus le fait que ça parle du Labyrinthe (et tu connais mon amour envers les acteurs du Labyrinthe.. *tousse* Dylan *tousse*.)
Tout simplement : J'adore (encore une fois c'est pas constructif, mais à nouveau, il est tard... shame on me
haha).
Comme j'ai déjà ton histoire sur Wattpad, à toi de voir si tu veux me prévenir ou non.
Sur ce, je vais lire le dernier chapitre posté sur Wattpad!
Mimie99

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Re: The Keeper [Le Labyrinthe]

Message par Mimie99 »

MorganeP79 a écrit :Hey!
Je sais bien que je te l'ai déjà dit, mais j'adore vraiment beaucoup ce que tu écris, surtout parce que j'aime énormément ta manière d'écrire, les caractères des personnages et encore plus le fait que ça parle du Labyrinthe (et tu connais mon amour envers les acteurs du Labyrinthe.. *tousse* Dylan *tousse*.)
Tout simplement : J'adore (encore une fois c'est pas constructif, mais à nouveau, il est tard... shame on me
haha).
Comme j'ai déjà ton histoire sur Wattpad, à toi de voir si tu veux me prévenir ou non.
Sur ce, je vais lire le dernier chapitre posté sur Wattpad!
Merci!! Ça me fait plaisir (et me rassure) que tu aime ce que j'écris et que tu apprécies le caractère de mes persos (particulièrement, car c'est ça qui peut être plus compliqué, surtout eux :shock: )

On s'en fout que ce ne soit pas nécessairement constructif, même si en fait ça l'est un peu puisque que tu m'as dit que tu aimais le caractère des persos, alors, voilà! xD Il n'est pas si tard. Tousse-tousse. Juste 00h41. Tousse-tousse. (Mon ordinateur refait des siennes)

Sinon, je vais te prévenir sans problème sur BN aussi, comme ça, tu sauras pour Wattpad en même temps :lol: Enfin, dépendant si tu vois sur Wattpad en premier ou sur BN. Bref, peu importe. Merci encore pour ton comm', ça fait vraiment, vraiment plaisir :mrgreen:
Mimie99

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Re: The Keeper [Le Labyrinthe]

Message par Mimie99 »

Coucou! Voici le chapitre 3, j'espère qu'il vous plaira et n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez ;)
Bonne lecture! :D



Chapitre 3 - La métamorphose



Je venais tout juste de sortir de mon lit et de m’installer devant la fenêtre pour m’aérer un peu lorsque la porte de ma chambre s’ouvrit. Il faisait soleil à l’extérieur. Et j’ignorais combien de temps j’avais dormi… Mais pour l’heure, le rêve que j’avais fait me laissait les entrailles nouées. Je me tournai vers la porte en serrant si fort mes mains l’une dans l’autre que je me coupais certainement la circulation.

Je ne fus que guère surprise de découvrir Clint avec un plateau-repas à nouveau. Il le déposa comme les dernières fois sur la commode et comme je le suivais du regard, je remarquai avec étonnement quelque chose qui n’y était pas hier. Plusieurs feuilles de papier. Et deux crayons parfaitement aiguisés ainsi qu’une gomme à effacer. Minho. Ça ne pouvait être que lui. Mais cela signifiait-il qu’il s’était glissé dans ma chambre pendant mon sommeil?

- La bleue, est-ce ça va? S’enquit soudain Clint.

- Oui. Encore une mauvaise nuit, c’est tout…

- Tu finiras par t’y habituer, m’assura-t-il et il ressortit sans rien ajouter.

- Ouais, c’est ça, salut, maugréai-je en me frottant le visage pour chasser la sueur qui perlait sur mon front.

Qu’est-ce qui n’allait pas chez moi? Pourquoi je faisais des rêves aussi étranges? Et pourquoi, par tous les diables, ça me touchait autant? Et si je rêvais à moi et ma vie d’avant… pourquoi je n’arrivais pas à me souvenir de mon nom? En tout cas, maintenant, je savais une chose sur mon passé. J’avais eu des amis. Et quelqu’un d’assez proche pour que je le serre dans mes bras. Et sans doute que l’autre petite fille, Teresa, était ma meilleure amie? Tant de questions, et aucune réponse. Navrant. Cela dit, pour le coup, j’aurais préféré rester dans le néant. Car ces rêves… ils me faisaient peur.

Je secouai lentement de la tête pour me sortir mes idées noires de la tête et les images résultant de mes rêves. Si, en soi, elles n’étaient pas toutes réellement effrayantes, ce qu’elles insinuaient me faisait peur. Je me dirigeai d’un pas las vers la commode pour prendre mon petit-déjeuner. Au moins, avec du papier et des crayons il serait sans doute moins terrible de patienter jusqu’à la nuit. Car j’avais bien l’intention de refaire une sortie nocturne. Et seule. Pas question d’attirer des ennuis à quelqu’un d’autre encore une fois. J’éviterais toutefois d’aller grimper sur le mur, puisque cela semblait embêter mes condisciples que je le fasse de nuit.

Je me forçai à manger, malgré que je n’avais pas particulièrement faim. Ce qui était surprenant, puisque j’avais passé une partie de la nuit réveillée. Mais ça m’importait peu, j’avais une boule dans la gorge qui m’empêchait d’avaler correctement. Je m’obligeai à ouvrir et fermer la bouche, puis mâcher, à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien dans le plateau. Étrangement, je me sentis énormément mieux après coup. Je pris rapidement la pile de feuilles et les crayons avant de me rendre à la fenêtre pour observer un peu dehors. Je voyais tous les Blocards se démener à leurs différentes tâches et je songeai avec amertume que pour ma part, je me trouvais dans une situation bien ennuyeuse.

Je me détournai rapidement de la fenêtre avec un haussement d’épaules. Normalement, maintenant, je devrais arriver à traverser la journée sans trop m’ennuyer. Je m’installai alors à plat ventre par terre et me mis à dessiner, sans trop réfléchir. Ma main droite traça d’abord un ovale presque parfait à la verticale, puis ratifia le bas pour rajouter des angles un peu plus définis et moins ronds.

Au fur et à mesure, mes mains se salirent considérablement, mais je vis apparaître des yeux, un nez, une bouche… des cheveux… Un cou… Un corps… Des vêtements. Lorsque je posai mon regard de manière moins précise sur le dessin pour voir le résultat d’ensemble, je sursautai.

C’était… Newt.

Il était représenté debout, légèrement penché vers l’arrière et les mains dans les poches. Avec un sourire moqueur aux lèvres. Je ne l’avais jamais vu ainsi. Mais pourtant, il n’y avait pas d’erreur. C’était lui. Comment était-ce même possible? Je l’avais à peine aperçu… Et pourtant, il semblerait que je connaisse ses traits par cœur, y compris ceux que je n’avais jamais vus jusqu’ici.

Je fronçai les sourcils en analysant le dessin. Ce n’était vraiment pas normal. Je secouai de nouveau la tête et malgré que je répugnais à le faire, je chiffonnai la feuille et la jetai plus loin. C’était certes un beau dessin, mais je ne tenais pas à ce que l’on tombe dessus par erreur. Mais alors là, du tout. En fait, il ne faudrait surtout pas que Newt le voie. Je ne voulais même pas m’imaginer ce qu’il pourrait bien en penser…

Je repris rapidement une autre feuille et cette fois la positionnai en paysage. Je réfléchis quelques instants à ce que je pourrais faire comme dessin avant d’abandonner l’idée de faire quelque chose de précis. De toute manière, il était peu probable que je fasse le portrait de Newt une deuxième fois! Et certainement pas avec la feuille dans cette position… Je me laissai donc aller à nouveau au dessin automatique.

Cette fois, je ne fis rien de véritablement rond ou ovale. C’était plein d’angles qui se coupaient et s’entrecoupaient. Avec ici et là des espaces vides. Je rectifiai plusieurs détails pendant tout le temps que dura mon travail avant de décider d’observer le produit de ce dur labeur. Et encore une fois j’en restai sans voix.

C’était un labyrinthe.

Et dans le même genre que ce que j’avais vu dans le carnet de la petite… enfin, de moi. Mais en beaucoup plus détaillés et réaliste. Je fronçai à nouveau les sourcils et soupirai en chiffonnant à nouveau la feuille. Ce n’était pas une bonne idée que quelqu’un voit ça non plus. Car, j’avais très bien représenté le Bloc dans le milieu… Et ça ne voulait dire qu’une chose. D’une manière ou d’une autre, j’avais eu connaissance du labyrinthe dans mon passé. Je jetais tout juste la feuille mise en boule difforme sous mon lit pour qu’elle rejoigne l’autre lorsque la porte de ma chambre s’ouvrit à nouveau.

Apparemment, c’était l’heure du déjeuner. Je me levai poussant quelques grondements, car apparemment, ma position n’avait pas été des plus confortables au vu de toutes mes soudaines courbatures.

- On t’a donné du papier et des crayons? S’étonna Clint en déposant un nouveau plateau-repas et en ramassant l’autre.

- Oui, pour passer le temps, dis-je sans préciser c’était qui.

- Tu as fait quelque chose?

- Des dessins, mais rien de concret, soupirai-je et j’arrêtai mes mains juste à temps avant de faire une énorme bêtise.

Du genre me frotter le visage alors qu’elles étaient noires de plomb. À coup sûr, j’aurais eu l’air de n’importe quoi après coup. D’ailleurs… à quoi ressemblait mon visage exactement? Je décidai de ne pas m’en préoccuper et rejoignis le plateau-repas alors que Clint me saluait de la main en sortant.

Vraiment fantastique. Presque aucune interaction. Étais-ce trop compliqué, ou demandé, que de prendre la peine de discuter avec moi quelques minutes, que diable? Je secouai tristement la tête, mais cette fois je réussis à avaler plus facilement mon repas et ça fit un réel bien où cela passa. Apparemment, dessiner m’avait quand même ouvert l’appétit.

Dès que j’eus terminé de manger, j’allai m’installer contre la fenêtre et décidai de me consacrer à un projet d’une envergure un peu plus importante. Soit de reproduire tout ce que je voyais par le cadre de ma fenêtre. Je n’étais pas certaine d’avoir le talent nécessaire, mais jusqu’ici l’instinct m’avait conduit à de beaux résultats, alors j’avais espoir.
Je venais tout juste de terminer l’ébauche lorsque j’entendis ma porte s’ouvrir à nouveau. Était-ce déjà l’heure du diner? J’avais des doutes, une ébauche ne prenait pas tout un après-midi à réaliser. Je me retournai avec mille questions en tête vers la porte, mais elles disparurent toutes en une seconde lorsque je vis qui se trouvait dans la cadre.

Newt.

Que me voulait-il, cette fois? Avant que je n’aie eu l’occasion de dire un mot, Alby apparut derrière lui. J’en fus immédiatement soulagée, même si je craignais la raison de la présence du chef de l’endroit dans ma chambre. Pourquoi étaient-ils là? Sans demander la permission, Alby pénétra dans ma chambre et je remarquai qu’à ce moment qu’il avait dans ses mains une chaise. Il la posa contre le mur à côté de la commode et dès que Newt fut entré à son tour, il alla refermer la porte.

Je me mis rapidement à les regarder alternativement. Et plus particulièrement Newt, car je le vis se diriger vers la chaise et s’y asseoir. De son côté, Alby s’appuya sur la commode en m’observant attentivement. Avais-je fait quelque chose de mal? Si on exceptait mon escapade de nuit, évidemment. Je commençais à sentir mon cœur s’affoler lorsqu’il se décida enfin à parler :

- Je tenais à venir mettre certaines choses au clair avec toi, la bleue, commença Alby.

- D’accord? Dis-je d’un ton bas.

- Des choses concernant le Bloc et notre manière de fonctionner, plus particulièrement, ajouta-t-il.

Et il commença alors à m’expliquer grossièrement comment les premiers Blocards s’étaient réveillés ici et comment les choses s’étaient lentement mises en place. Il poursuivit en disant que maintenant ils avaient atteint une paix relative, etc. Il m’énuméra ensuite toutes les règles de conduite. Y compris le fait, que l’heure venue, j’allais passer plusieurs jours à essayer les différents postes du Bloc, une journée par travail et qu’à la fin les matons décideraient qui me prendrait. D’accord. Donc, je n’aurais pas mon mot à dire? Et cela comportait-il les Coureurs? Mes illusions furent rapidement balayées sans que j’aie à le demander quand il dit que les Coureurs ne prenaient pas de nouveau.

À la fin, il conclut en disant :

- Quand je ne suis pas là, c’est Newt qui commande.

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Newt eut un air quelque peu embarrassé et ajouta :

- Ça n’arrive pas souvent et c’est une bonne chose.

Cette réflexion fit lever les yeux au ciel d’Alby et il dit en serrant affectueusement l’épaule de Newt:

- Ça arrive à tout le monde de faire des erreurs. Bien, maintenant que tout ça est clair… Je te laisse expliquer à la bleue ce qui va se produire dans les prochains jours…

- Alby… commença le second en charge sur un ton de prévention, mais déjà l’adolescent noir sortait de la chambre en refermant soigneusement la porte derrière lui.

Nous poussâmes un soupir en même temps et en prenant conscience de ce fait je me mordis la lèvre inférieure. Sauf que je décidai de tourner le dos à Newt pour ne pas avoir à soutenir son regard lorsque je dis :

- Si tu veux aller faire un tour avant de m’expliquer tout ça pour être libéré de ma présence pour un temps, tu peux.

- Arrête avec ça, la bleue. Et même si je le voulais, je ne pourrais pas. L’entente, c’était que je reste ici. Assis.

- Ils t’ont autorisé à venir voir la contagieuse que je suis? Grommelai-je, sarcastique.

- Oui, Clint en avait marre de m’entendre me plaindre, dit-il et sans trop savoir pourquoi je le soupçonnais avoir un mince sourire.

Je tournai légèrement la tête dans sa direction et constatai que c’était effectivement le cas. C’était la première fois que je le voyais sourire franchement depuis que je l’avais rencontré. Ou du moins que je le voyais sourire réellement. Mon dessin n’entrait pas en ligne de compte. Je me reconcentrai rapidement sur ma feuille que j’avais toujours dans la main et me réinstallai contre la fenêtre pour continuer mon dessin. Maintenant que l’ébauche était faite, le reste viendrait plus facilement. Enfin, je le supposai. J’avais l’impression que ça faisait une éternité que je n’avais pas fait de dessin.

Cela prit un bon cinq minutes avant que Newt se décide à reprendre la parole. Il commença par s’éclaircir la gorge avant de, je le supposai au craquement qu’émit la chaise, s’installer plus confortablement. Après quoi il dit :

- Les matons ont été très surpris d’apprendre que notre nouveau contagieux était en fait une fille.

- Comme c’est surprenant, marmonnai-je en me mordant la lèvre inférieure tandis que je travaillais sur des détails particulièrement compliqués.

- Jusqu’à maintenant, ils sont tous d’accord pour le déguisement. Pour la durée dudit déguisement, ça reste à voir.

- Je ne me plaindrai pas tant que je pourrai sortir d’ici, affirmai-je en poussant ensuite un petit grondement, car j’avais fait un trait involontaire au mauvais endroit. C’est tout ce que tu avais à me dire?

- Non, la bleue, grommela-t-il. Alby tenait à ce qu’on te dise une petite chose… Quand tu auras ton déguisement… tu devras faire très attention.

- On n’a qu’à dire que je serai muet, si c’est ce qui vous fait peur! Soupirai-je en levant les yeux au ciel, puis je me concentrai à nouveau sur mon dessin.

J’entendis Newt pousser un soupir. Et je jurerais l’avoir aussi entendu donner un coup dans la commode à côté, mais comme je lui tournais le dos, je n’en étais pas certaine. Je ne savais pas s’il était en colère contre moi, mais je crus bon d’ajouter :

- Écoute… Je crois que je suis capable de garder un secret. Évidemment, je ne me souviens pas de mon passé… mais je suis presque certaine qu’on arrivera pas à m’extirper la moindre information compromettante.

- Possible, mais il voulait être certain que c’était bien clair, affirma Newt. Maintenant j’aimerais savoir ce que tu entendais par ce que tu as dit. Hier. Enfin, cette nuit.

Je sentis une boule se former dans ma gorge. Je n’avais pas envie de parler de ça. Et surtout pas après les évènements de la matinée ou encore de cette nuit. Je déposai le crayon sur mes cuisses et me grattai la nuque, nerveuse. Qu’étais-je censée lui répondre? Dans l’indécision, je lâchai la première chose qui me vint à l’esprit :

- Exactement ce que j’ai dit.

- Ne me prends pas pour un tocard, la bleue. Je veux des explications.

- Comment voudrais-tu que je t’explique alors que j’ai une mémoire défaillante? Tu m’es familier, c’est tout.

Et je fais des rêves qui semblent provenir de mon passé. Ne le lui dis surtout pas, pensai-je.

- Comme si on se connaissait? S’enquit-il.

- Je sais pas. Peut-être.

Mon cœur se serra étrangement. Notre conversation aurait presque pu sembler normale à une personne extérieure. L’intonation de notre voix concordait avec une conversation amicale. Et non pas empreinte de frustration, de colère ou de méfiance. Mais je savais qu’il n’en était rien. Il ne me faisait probablement pas plus confiance maintenant qu’avant.

Je soupirai doucement avant de reprendre mon dessin comme si je ne m’étais jamais interrompu. Je ne savais pas exactement pourquoi il tenait à m’interroger sur le sujet. Même si c’était normal. Mais je n’avais aucune envie d’avoir cette conversation, car j’ignorais où elle pourrait nous mener. J’ignorais déjà tant de choses à mon propos… Et pourtant, la seule chose dont j’étais sûre… c’était que je le connaissais lui. En bien ou en mal? Je l’ignorais. Mais je le connaissais. J’en avais maintenant la conviction. Mais comment pourrais-je le lui avouer? Que c’était plus qu’une impression. Que c’était plus comme un fait établi. Plus le temps passait et plus j’en étais convaincue. Je le connaissais. Et j’avais ce sentiment persistant qui me disait que ça faisait assez longtemps. Peut-être des années, même.

Alors que j’avais complété le premier plan de mon dessin, j’entendis Newt remuer et sa chaise émit quelques grincements. Puis ce fut le son de ses béquilles qui frappaient contre le sol qui m’apprit qu’il s’était levé de sa chaise. Sans pouvoir me retenir, je lâchai :

- Je croyais que le marché c’était que tu restes assis sur cette chaise?

- La curiosité est parfois un vilain défaut, se contenta-t-il de répondre.

Je fronçai les sourcils, même s’il ne pouvait pas me voir. Mais bientôt je sentis sa présence derrière moi et en tournant un peu ma tête, je le vis qui me surplombait et jetait un coup d’œil à mon dessin par-dessus mon épaule. Il laissa échapper un sifflement admiratif et avoua :

- Tu as du talent.

- Merci.

- J’ai vu Minho se glisser dans ta chambre tôt ce matin avec du papier et des crayons. Je me demandais c’était pourquoi…

- Comme tu le sais, c’est plutôt ennuyant de rester toute la journée dans une chambre vide…

Il hocha de la tête et continua à m’observer dessiner, sans dire un mot. Quelque chose au fond de moi me disait que normalement je n’aimais pas ça. Avoir quelqu’un dans mon dos pendant que je dessinais. Mais étrangement… ça ne m’ennuyait pas, présentement. Il n’était pas trop lourd et c’était à peine si je sentais sa présence. Par ailleurs, il ne passait pas son temps à parler, contrairement à certains.

D’où me venait cette réflexion? Me demandai-je soudain en blêmissant.

Je laissai échapper un grondement frustré et me frappai la cuisse avec hargne. Je sentis le regard de Newt passer de mon dessin à moi en l’espace d’une seconde. Sauf que je n’avais pas envie de partager mon ressentiment, alors je lançai à nouveau la première chose qui me vint à l’esprit :

- Tu ne dormais pas ce matin?

- Non. Je n’arrête pas de revivre mon… mon accident pendant mon sommeil. Ça va faire trois jours que je n’ai pas fermé l’œil.

- Ce n’est pas une bonne idée, fis-je remarquer en lui jetant un coup d’œil. On ne sait pas ce qui peut nous tomber dessus. D’un jour à l’autre, tu peux perdre la mémoire et te retrouver dans un endroit envahi de mecs…

- Tu parles d’expérience? Dit-il et je vis un nouveau sourire étirer ses lèvres.

J’aimais mieux le voir sourire qu’avoir cet air renfrogné, pensai-je. Puis je lui répondis avec sarcasme en essayant de cacher mon soudain trouble interne après cette réflexion :

- Non, tu crois?

Mon léger sourire dut toutefois lui prouver que je plaisantais, car il ne perdit pas le sien. J’ajoutai rapidement :

- Tu peux aller dormir dans mon lit, si tu veux. J’ai du mal à dormir, moi aussi. Je te conseille seulement de retirer les draps.

- Je n’ai pas sommeil.

- Ne raconte pas n’importe quoi, le sermonnai-je. Et puis le lit n’est pas vraiment le mien, si c’est ce qui te gêne. Je ne suis ici que depuis un peu plus d’une journée… Presque deux. Et comme je disais, tu ne sais jamais ce qui t’attend. Mieux vaut se lever chaque jour comme si tout était sur le point de changer drastiquement et que les heures de sommeil qu’on avait deviennent des minutes… soufflai-je ensuite et si au début c’était de manière intelligible, vers la fin ce n’était plus qu’un murmure.

- Tu as peut-être raison, mais…

- Et puis, qui sait? Le fait que tu ne sois pas seul dans une pièce éloignera peut-être tes mauvais songes?

- Tu crois?

Il me paraissait légèrement dubitatif, mais je voyais maintenant à quel point il semblait fatigué et mon petit doigt me souffla que cela faisait plus de trois jours qu’il ne dormait pas. Je déposai rapidement feuille et crayon par terre et me dirigeai vers le lit, en prenant soin de ne pas le toucher au passage, je n’avais pas remarqué qu’il s’était approché autant pour voir mon dessin.

Je retirai rapidement mes draps du dessus et les roulai en boule avant de les jeter sur la chaise d’où j’étais. Je me tournai ensuite vers lui et avec toute la conviction dont j’étais capable je lui dis en le regardant droit dans les yeux :

- J’en suis certaine.

Puis j’ajoutai :

- Dans le pire des cas, tu ne seras pas seul en te réveillant. Le pire, c’est la solitude après un… mauvais rêve.

Un frisson me parcourut la colonne vertébrale et j’eus le réflexe de détourner le regard, mais quelque chose dans ses yeux brun presque noir m’en empêcha. On resta un bon trois secondes à se regarder dans le blanc des yeux ainsi avant qu’il ne dise :

- Très bien, je vais suivre ton conseil, la bleue. Dis, tu ne te souviendrais pas de ton prénom?

Cette fois je détournai le regard en me mordant la lèvre à nouveau. Si ça continuait, j’allais finir par la mordre au sang. Je sentis les larmes me monter aux yeux et n’étant pas certaine de pouvoir parler sans éclater en sanglot, je secouai la tête. Sa voix me sembla étrangement plus douce, et beaucoup plus près, lorsqu’il lâcha :

- Ça viendra sans doute bientôt. Aie confiance.

Je me raidis imperceptiblement lorsqu’il me pressa doucement l’épaule au passage. Il s’assit alors sur mon lit en déposant ses béquilles contre la table de chevet. Je ravalai douloureusement mes émotions pour me tourner à nouveau vers lui et je remarquai soudainement son embarras. Il tendit les mains vers sa jambe droite, mais alors qu’il la soulevait il blêmit à un tel point qu’il la relâcha d’un coup sec, les mains tremblantes.

- Je peux t’aider, si tu veux, proposai-je.

Il hocha doucement de la tête sans me regarder. Par honte ou par dépit? Par orgueil ou par désespoir? Je l’ignorais. Mais je m’en moquais aussi. Je me plaçai alors près de lui et avec toute la délicatesse dont j’étais capable je déposai mes mains sur sa jambe droite. Je le sentis tressaillir et demandai d’une voix blanche :

- Je t’ai fait mal?

- Non… non, ça peut aller.

Je déglutis difficilement et m’empressai, tout en étant très prudente tout de même, de déposer sa jambe sur le lit. Je le vis du coin de l’œil avoir une grimace et en me tournant vers lui je constatai qu’il avait le front couvert de sueur. Il remonta facilement sa jambe gauche et je soufflai, horrifiée :

- Je suis désolée… Vraiment, vraiment désolée.

- Ce n’est pas de ta faute, siffla-t-il entre ses dents, le souffle court. C’est moi. J’étais censé rester dans mon lit pendant quatre semaines. Et je n’arrête pas de me déplacer…

- Si, c’est ma faute. Ta chute d’hier, c’était ma faute, marmonnai-je en ayant envie de me frapper la tête contre le mur. Et elle n’a pas dû t’aider beaucoup.

- Je n’avais qu’à pas être aussi idiot et entêté… Rien de tout ça n’est de ta faute, ajouta-t-il.

- Je suis quand même désolée de t’avoir fait souffrir encore, dis-je, butée.

- On peut dire que tu ne lâches pas le morceau, pas vrai? Souffla-t-il en souriant faiblement.

- Jamais, affirmai-je en affichant le même sourire faible.

Je le détaillai à nouveau du regard et je pus constater qu’il faisait de même. Mes yeux s’accrochèrent aux siens et je lus quelque chose dans ces derniers. Comme s’il venait d’avoir une révélation ou je ne sais trop et que ça le laissait dans un état méditatif. Troublée, je détournai le regard et ajoutai :

- Malgré que je ferais sans doute une pitoyable Medjack, je te conseille de dormir maintenant…

- Oui, c’est sans doute une bonne idée, admit-il en positionnant sa tête de sorte que ses yeux soient tournés vers le plafond.

Je retournai alors à ma feuille et au crayon que j’avais délaissé par terre, les ramassai, puis me remit en position pour dessiner. Alors que je posais tout juste le crayon sur le papier et que je l’entendais enfoncer un peu plus sa tête dans l’oreiller, il avoua d’une voix ensommeillée :

- Peut-être que Minho a raison. Tu es gentille.

Un petit sourire étira mes lèvres, mais avant que je n’aie eu la possibilité de répliquer quoi que ce soit, j’entendis sa respiration ralentir et prendre un rythme lent et régulier. Il s’était endormi. Mon sourire s’élargit et je ne pus m’empêcher de me tourner vers lui pour l’observer un instant. Il semblait paisible maintenant. Le poids qui me semblait avoir pesé sur ses épaules paraissait avoir disparu maintenant. Je souris encore un peu plus en secouant la tête, heureuse. J’étais heureuse pour lui. Apparemment, je n’aimais pas voir les autres souffrir…

Je me détournai rapidement du spectacle qu’il offrait et me remis à dessiner tranquillement. Étrangement, je me retrouvai à être plus productive au niveau de mon dessin. Je n’étais pas certaine si c’était dû à la présence de quelqu’un, de celle de Newt en particulier, ou si sa respiration profonde et régulière me calmait et me permettait de me calmer et d’être plus concentrée. Peut-être était-ce un mélange de tout ça?

J’avançai tant et si bien que j’avais terminé mon dessin lorsque Clint arriva pour le diner. Je réussis à me rendre à la porte de la chambre avant lui et l’ouvris doucement pour ne pas risquer de réveiller Newt qui dormait toujours profondément et légèrement, sans cauchemar. Je soufflai à l’intention du Medjack :

- Je l’ai convaincu de prendre mon lit pour dormir.

- C’est encore mieux que la chaise, alors je n’y vois pas d’inconvénient, chuchota Clint. Même si j’aurais préféré qu’il soit dans sa chambre pour ne pas qu’on se pose de questions si quelqu’un venait à vouloir le voir.

- Il m’a dit qu’il ne dormait pas depuis plusieurs jours, ajoutai-je, toujours à voix basse.

- Je m’en doutais. Bon, dans ce cas, je vais ramener sa portion ici. Mais tu ne la touches pas.

- Promis, dis-je avec un sourire.

Pendant qu’il faisait demi-tour pour aller chercher la portion de Newt, je m’installai avec la mienne sur le sol près de la fenêtre et grignotai tranquillement. Dès que le maton des Medjack eut déposé le plateau-repas de Newt sur la commode, il ressortit sans prononcer un mot ou faire un son. Je ne m’en préoccupai pas trop et continuai à manger en silence.

Quand j’eus terminé, il restait encore un peu de lumière dans la chambre pour me permettre de dessiner. Et sans trop l’avoir prémédité je me mis à dessiner Newt en train de dormir. Il avait un visage si serein en ce moment que cela enflammait mon désir de dessiner. Et ses traits me semblaient tout simplement trop bien cadrer avec l’idée même de dessiner. Je m’installai donc près du lit et me mis à dessiner en silence. Qui avait besoin de parler pour dessiner?

Puis la lumière se mit peu à peu à décroître et mes paupières se mirent à s’alourdir. Mais je n’avais pas envie de dormir. Je voulais terminer mon dessin, il était presque achevé… Ma tête finit toutefois par devenir trop lourde et au bout d’une dizaine de minutes, je me retrouvai par terre, endormit et mon dessin tomba un peu plus loin.

Il y avait une jeune fille qui courrait. Ses cheveux étaient cachés par une casquette et je n’arrivais donc pas à savoir de qui il s’agissait. Mais contrairement à la dernière fois… elle n’avait pas l’air de s’amuser du tout. Des larmes roulaient sur ses joues et sa main droite semblait refermée fermement sur quelque chose. Malgré qu’elle ne parla pas très fort, je réussis à l’entendre psalmodier entre ses dents :

- Je t’ai promis. Je n’abandonnerais jamais. Que je ne lâcherais jamais le morceau tant que je ne t’aurai pas retrouvé. Et je tiens mes promesses. Toujours.

Soudain, des éclats de voix derrière elle semblèrent la faire paniquer, car elle accéléra encore la cadence. Les larmes coulèrent encore plus abondamment sur ses joues tandis que sa main droite serrait encore plus fort l’objet dans sa main. Mais malgré toute la volonté dont elle fit preuve, ses poursuivants finirent par la rattraper. Quand elle s’en rendit compte en regardant rapidement vers l’arrière, elle enfouit l’objet qu’elle avait dans la main droite dans sa poche.

Soudain, quelque chose me parut familier, dans tout ça. Les vêtements de la fille. Ainsi que l’espèce de porte où elle se trouvait. De l’autre côté, on voyait une sorte de grande cage à carreaux… La Boîte. Est-ce que cela voulait dire que… c’était moi? Car je le voyais bien, à présent. Ses vêtements, c’était les mêmes que je portais présentement.

- Je n’irai pas là-bas! Hurla la fille à s’en briser la voix et sur un ton bien plus menaçant que n’aurait dû le permettre les larmes qui continuaient à s’écouler sur ses joues.

- Bien sûr que si, tu appartiens au groupe B, jeune fille. Pas au A.

- J’irai où je veux aller. Point, dit-elle d’un ton sans réplique.

- Elle mérite bien son nom, la petite, ricana l’un des poursuivants, un homme. The Keeper. Bien, emparez-vous d’elle.

- NON! S’écria la fille et le premier à s’avancer reçut un violent coup de pied dans les parties intimes.

Outch. J’avais vraiment fait ça? Étonnant. Mais j’avais encore du mal à croire que celle qui se trouvait sous mes yeux… c’était moi. Comment serait-ce possible? En même temps, je devais être dingue pour m’imaginer des trucs comme ça si ce n’était pas la vérité.

Malgré que la fille qui était moi se défendit comme une furie, ils finirent par l’avoir en lui envoyant un projectile qui l’électrocuta suffisamment pour la faire s’effondrer par terre comme une poupée de chiffon. L’un des hommes la ramassa, alors, et la seule femme du groupe souffla :

- Mais peut-être que nous devrions l’envoyer là-bas…

- Avez-vous perdu l’esprit, docteur Paige? Ce n’est pas prévu dans le programme.

- Justement, les résultats que nous en retirerons pourront être d’autant plus bénéfiques. Et dans quelques mois… ce sera au tour de Thomas.

- Il risque de le prendre mal, il commence déjà à souffrir d’avoir vu tous ses amis partir, les uns après les autres…

- Il devra bien l’accepter. Et qu’elle aille dans le A ou dans le B n’y change rien pour Thomas. Bien… Envoyons-la là-bas, dès maintenant.

- Nous sommes en pleine nuit, protesta quelqu’un.

- Justement, cela les fera se questionner et nous verrons lesquels se laisseront pervertir par la suspicion et qui ne tombera pas dans le piège.

Il y eut un moment de silence pendant lequel ils traînèrent mon corps jusqu’à une table d’examen. On m’y déposa sans ménagement et on commença à travailler au niveau de ma tête. De mon cerveau. Pendant qu’eux s’occupaient de ça, le docteur Paige annonça :

- Oui, elle nous a offert une occasion en or sur un plateau.

- Mais si jamais elle se souvient de Lui, même avec le traitement? Ou pire, s’Il se souvient d’elle?

- Aucune chance. Ce n’est jamais arrivé auparavant, rétorqua la femme.

Soudain, mon corps se mit à se trémousser sur la table et d’un coup la moi de ce moment-là se redressa brusquement, forçant les personnes qui s’affairaient autour à s’écarter violemment. Elle s’attrapa alors la tête en hurlant et après coup, balança ses bras autour d’elle pour écarter les gens qui revenaient à la charge.

- Son système est plus fort que celui des autres. Il combat férocement.

- Oui, elle a toujours été une battante. Surtout lorsqu’il s’agit de garder ses proches. De les protéger, dit la femme d’une voix intéressée. The Keeper… souffla-t-elle ensuite dans un murmure presque inaudible.

À nouveau, celle que j’avais devant moi poussa un hurlement de détresse et bouscula les hommes autour pour essayer de s’enfuir. Mais alors qu’elle atteignait la porte, elle fut atteinte d’une nouvelle décharge électrique et s’effondra au sol en soufflant :

- Je dois terminer ce que j’ai commencé…

- De quoi parle-t-elle? S’étonna l’homme en me ramassant à nouveau comme un sac de patates pour me déposer sans ménagement encore une fois sur la table.

- On y a mis fin, ne vous inquiétez pas. Elle a essayé de pirater le réseau informatique pour envoyer des informations aux enfants. Teresa et Thomas n’en avaient rien vu, mais ils y ont mis fin.

- Vous en êtes certaine, Ava?

- Absolument.

Mon corps se mit à nouveau à se tordre, mais cette fois je n’ouvris pas les yeux. Mais des gémissements et des cris fréquents s’échappèrent de ma bouche. Au même instant, alors que tout s’estompait, je commençai à sentir une douleur horrible au niveau de mon cerveau.


Je me réveillai brusquement, la bouche ouverte sur un cri qui jaillissait de ma bouche. Strident. La douleur pulsait au même rythme de mon sang dans ma tête et je n’arrivais pas à réfléchir. Tout ce que je savais, c’est que j’avais horriblement mal et que je voulais que ça s’arrête. Et au loin… au loin, comme si j’étais profond sous l’eau, j’entendis la voix étouffée de Newt s’écrier :

- La bleue? La bleue! Qu’est-ce que tu as? Merde, mais qu’est-ce qui se passe?!

Mes deux mains se refermèrent sur ma tête et d’un coup, aussi soudainement qu’elle était apparue, la douleur disparut. Au même moment, la porte de ma chambre s’ouvrit à la volée. J’ouvris les yeux et constatai que j’étais roulée en boule. Je me tournai vers la porte, mais déjà la personne qui était entrée précipitamment m’avait rejointe.

Minho s’accroupit à côté de moi et s’enquit :

- Qu’est-ce qu’il y a, la bleue?! On aurait dit qu’on était en train de t’assassiner…

- Je… Un mauvais rêve, c’est tout…

L’asiatique fronça des sourcils et je vis ceux de Newt se froncer eux aussi, mais la compréhension, ou un début de, prenait aussi possession de ses yeux. Il comprenait maintenant pourquoi j’avais dit que j’avais du mal à dormir. Minho se releva en m’aidant à en faire de même et il dit :

- Tu te plaignais, car Newt a préféré prendre le lit, c’est ça? Ah, Newt, tu ne sais pas que la chose galante à faire est de laisser le lit aux dames?

- Je ne suis pas une dame. Je suis moi, point, grommelai-je. Et puis, c’est moi qui lui ai laissé mon lit.

- Est-ce que ça va, la bleue? Répéta Newt après avoir jeté un regard mauvais à Minho.

- J’ai dit que c’était simplement un mauvais rêve. Rien d’autre. Alors, ça va maintenant.

Mais je sentais très bien les sueurs froides dans mon dos. Et le battement frénétique de mon cœur. Non, ça n’allait pas bien. Mais j’étais trop butée pour l’admettre devant eux. D’autant plus que… je ne pouvais pas leur dire ce qui m’avait mise dans cet état. Je me souvenais encore trop bien les paroles de ces gens. Et les miennes. « Je ne veux pas y aller! », « The Keeper », « Son système est plus fort que les autres », les deux qui n’étaient pas les moindres « Je dois terminer ce que j’ai commencé » et « Elle a essayé de pirater le réseau informatique pour envoyer des informations aux enfants. » Est-ce que les enfants c’était nous? Probablement… Et qu’est-ce que cela signifiait que j’étais « La Gardienne »? Ça ne voulait rien dire…

Je repris conscience de la réalité lorsque Minho me relâcha et que Newt lança :

- Je ne te crois pas. Tu n’as pas une tête à aller bien.

- C’est le contrecoup, marmonnai-je.

- Est-ce que c’est la même chose qui t’est arrivée hier matin? S’enquit-il en me regardant avec un air qui me semblait inquiet.

Je hochai lentement la tête. Je ne voyais pas comment je pouvais faire autrement que de dire la vérité. Après tout, ça n’impliquait pas de dire ce qu’était le rêve en question, n’est-ce pas? J’ajoutai d’une voix que j’espérais forte et non pas geignarde :

- Et la même chose ce matin. Apparemment le sommeil ne me fait pas…

Je tournai soudain mon regard plus franchement vers lui et l’interrogeai avec un sentiment d’inquiétude au fond de la gorge :

- Et toi? Ça… Ça va?

- J’ai dormi comme un bébé, avoua-t-il. Merci.

- Encore tes rêves? S’exclama Minho. Tu m’as dit il y a une semaine que tu n’en avais plus!

- Je n’en ai plus, car je n’ai pas dormi, rétorqua Newt. Je n’ai donc pas menti. Techniquement.

Minho poussa un soupir en levant les yeux au ciel et envoyant ses mains dans les airs comme s’il capitulait. Ou que la situation l’exaspérait prodigieusement. Je remarquai alors mon dessin qui traînait par terre et me sentis rougir légèrement. Merde, il ne fallait pas qu’ils voient ça! Heureusement, il faisait plutôt noir dans la chambre, autant pour voir le dessin que mes joues rouges.

Décidant de remettre l’attention des gars sur moi pour qu’ils évitent de regarder trop attentivement le sol, je me frottai le bas du dos des mains et en sentant le tissu humide, je fis la grimace. Je lâchai d’un ton un peu geignard :

- Dis, Minho… Il n’y aurait pas un endroit où je pourrais me laver un peu, à tout hasard?

- Si bien sûr, affirma-t-il.

- Je viens aussi… commença Newt, mais Minho le coupa.

- Non, toi tu restes dans le lit. J’ai bien vu comment tu marchais hier et si tu ne te reposes pas plus… ta jambe ne guérira pas.

- Et puis, je ne resterai pas longtemps, dis-je en souriant.

J’entendis un simple bougonnement en réponse, mais il ne bougea pas d’un pouce. Je pris cela comme une preuve qu’il acceptait de rester là et poussai Minho vers la sortie. Ce dernier se laissa faire sans rechigner, mais alors que je refermais la porte dans mon dos, il ironisa :

- Alors, tu ne refais pas ton singe?

- Non, j’empeste déjà le babouin, je ne veux pas en rajouter, dis-je à la blague.

Je l’entendis rire silencieusement et on descendit les escaliers menant au rez-de-chaussée en silence avant de sortir du bâtiment. Je ne compris qu’une fois dehors que ce n’était que la deuxième fois que je franchissais ces portes.

- Bon, c’est où?

- Suis-moi, se contenta-t-il de dire et il se mit à jogger, juste comme ça.

Je le suivis sans hésiter une seule seconde et me retrouvai à n’avoir aucun mal à suivre sa foulée, pas même lorsqu’il accéléra un peu. Bientôt on arriva à un endroit où je pouvais entendre de l’eau s’écouler. Grâce à la lueur combinée de la lune et des étoiles, je pus constater que c’était en fait une sorte de très petit lac avec une sorte de chute artificielle. Ça ferait l’affaire, je suppose…

Il me tendit alors une bouteille de savon que je n’avais pas remarqué, mais il y en avait plusieurs adossé sur les troncs. Il me dit :

- C’est des trucs de mecs, mais comme tu devras jouer la comédie, ça ne devrait pas être un problème, pas vrai?

- Non, et puis, du savon reste du savon! Maintenant, dégage plus loin!

- Comme tu es polie! S’extasia-t-il, sarcastique.

- Je peux le devenir encore plus, si ça te chante! Le menaçai-je en redressant les poings devant mon visage, un sourire aux lèvres.

- Oh, tu veux jouer à ça?

- Non, je veux me laver, rétorquai-je avec un grand sérieux. Allez, maintenant, veux-tu bien t’éloigner et te retourner? Je te dirai quand je vais avoir fini… Ça ne devrait pas être trop long…

Il hocha de la tête, un grand sourire amusé aux lèvres et s’éloigna plutôt loin et s’adossa à un arbre dos à moi. Je ne le quittai pas des yeux alors que je me débarrassais de mes vêtements et les laissais sur le bord du lac. Dès que je fus à mon point le plus vulnérable, je me laissai glisser dans l’eau.

À peine étais-je entièrement trempée que je me versai du savon dans les cheveux et commençai à me frictionner tout le corps avec une intensité presque rageuse. Et environ sept minutes plus tard, je me rinçai du mieux que je le pus mes cheveux et ressortis de l’eau. C’est à ce moment précis que je compris que j’aurais un problème.

J’étais complètement trempée.

Si je mettais mes vêtements dans mon état actuel, je resterais trempée et en prime mes vêtements le seraient aussi. Je revins aussi rapidement que j’en étais sortie dans l’eau et lançai :

- Euh… Minho? Je n’ai rien pour me sécher.

- C’est ennuyeux, pas vrai? Dit-il et je devinais le sourire dans sa voix.

- Arrête de te moquer! Grommelai-je. Est-ce que vous avez quelque chose pour…

- Bien sûr, donne-moi deux minutes.

Je l’entendis s’éloigner en riant et en joggant en même temps. Le crétin. Il s’amusait vraiment de me voir dans cette fâcheuse situation? Pour un peu, j’aurais bien eu envie de lui donner une claque derrière la tête pour le ramener à l’ordre, mais j’avais l’impression que ça ne servirait à rien.

Alors que je commençais à légèrement claquer des dents, car oui, je ne m'en rendais compte que maintenant que l’eau était plutôt froide, j’entendis des brindilles craquer et Minho réapparut en s’exclamant :

- Aller, attrape!

Il fit mine d’envoyer la serviette, mais j’arquai un sourcil et grommelai :

- Tu croyais vraiment que j’allais m’y laisser prendre?

- Non, mais je voulais voir ta tête! Rigola-t-il. C’est presque aussi bien!

Il déposa la serviette à côté de mes vêtements et retourna se planquer derrière son arbre. Dès qu’il y fut, je bondis à l’extérieur du lac avec les dents qui s’entrechoquaient entre elles. Je me séchai le plus vite possible avant d’enfiler mes vêtements à la même vitesse. Maintenant que ma peau et mes cheveux sentaient bon, je ne pus retenir un plissement de nez en sentant mes vêtements. Heureusement que je ne les garderais pas indéfiniment…

En rejoignant Minho, ce dernier me dit :

- Tu as l’intention de t’user les dents, la bleue? À force de claquer comme ça, on risque de te prendre pour un piranha.

- Très, très drôle, dis-je en claquant encore des dents. Je vais peut-être tomber malade pour de vrai, si ça continue…

Malgré que la température environnante fût plus qu’agréable, je n’arrêtais pas de trembler et de claquer des dents. Apparemment, ma baignade glaciale avait duré un peu trop longtemps.

- On peut se dépêcher de rentrer? M’enquis-je.

- Pas de problème pour moi, Miss Piranha!

Sur ces mots, il rit un peu tout seul avant de se mettre à courir en direction du bâtiment réservé à l’infirmerie. Je le suivis sans hésiter, malgré que j’avais à nouveau envie de lui mettre une gentille petite claque derrière la tête. Malgré tout, j’aimais mieux me faire appeler « Piranha » que « la bleue » à tour de bras. Ce qui en disait long, quand même. Toutefois, il était hors de question que je ne l’admette. Le mieux serait encore que je me souvienne de mon nom…

Je me rembrunis presque aussitôt à cette pensée. Ça faisait déjà deux jours que j’étais là et je me trouvais toujours autant dans le néant concernant mon prénom. Et ça commençait à m’énerver royalement. Je devrais peut-être essayer de le chercher plutôt qu’attendre qu’il me tombe dessus, comme ça… C’était un très bon plan… excepté pour un détail. Je ne savais pas par où commencer.

On arriva assez rapidement à l’établissement, puis à ma chambre. Quand on entra, je claquais toujours des dents et la première chose que Newt demanda c’est :

- Qu’est-ce que tu as?

- Elle se transforme en piranha, répondit Minho avec un sourire dans la voix.

- Tais-toi, Minho, marmonnai-je. L’eau. Elle était froide. Je suis restée trop longtemps…

Sur ces mots, je m’empressai de me rendre où la chaise et attrapai mes draps dans lesquels je m’enroulai malgré leur odeur désagréable de sueur.

- Je vois, dit-il et sans trop savoir pourquoi, j’avais le pressentiment qu’il avait un sourire aux lèvres, lui aussi.

- Ne te moque pas! M’écriai-je, outrée.

Cela ne fit que déclencher leur rire et je maugréai entre mes dents qui claquaient. Mais après une seconde, je me mis à rire aussi. En claquant des dents, ce qui les fit rigoler encore plus.

Au bout d’une dizaine de minutes, à rire et dire n’importe quoi, Minho annonça :

- Bon, moi je dois y aller. Je travaille demain, comme d’habitude. On se revoit au même moment demain?

- Rejoins-nous ici, répondis-je rapidement.

Il sembla surpris l’espace d’un instant, mais je crus apercevoir un grand sourire sur son visage malgré la pénombre juste avant qu’il ne s’en aille. Dès que la porte se fut refermée dans son dos, Newt s’enquit :

- Nous?

- Je suis partie du principe que tu allais rester ici. C’est moins ennuyeux que…

- Je n’ai rien contre. Minho avait raison. Tu n’es pas un démon qui se cache sous les traits d’un ange.

- Je ne me souviens pas de ce à quoi ressemble mon visage, mais je sais que je ne ressemble très certainement pas à un ange.

- C’est une manière de parler, bougonna-t-il. Tu es sympathique.

- Alors, avec toute la bienveillance qui me caractérise désormais, commençai-je d’un ton faussement sérieux. Tu vas accepter de rester et dormir? Je n’ai aucun problème avec le plancher. Et puis, je crois que je vais suivre ta précédente voie pour quelque temps, ajoutai-je en frissonnant aux souvenirs de mes rêves.

- Premièrement, je refuse que tu dormes par terre. Je n’avais pas l’intention de dormir une partie de l’après-midi, toute la soirée et une partie de la nuit.

- C’est hors de question que tu dormes par terre.

- Je n’ai pas dit ça non plus, avoua-t-il.

J’ouvris de grands yeux et lâchai :

- Je… Tu… Tu veux dire que…

- Le lit est assez grand pour deux, dit-il sans me laisser la chance de dire une phrase intelligible.

Je sentis tout d’abord une énorme bouffée de chaleur me monter au visage avant d’avoir l’impression que mon cœur me tombait dans les talons. Pendant un affreux instant, je ne sus non seulement plus qui j’étais et d’où je venais, mais où j’étais et avec qui. J’ouvris la bouche, incrédule, avant de la refermer rapidement. Sans même réfléchir, je lâchai :

- Je… Non. Je préfère pas. Je bouge dans mon sommeil et je ne voudrais pas t’écraser ou… ou te faire mal. À ta jambe.
Il sembla l’espace d’un instant désappointé avant de dire :

- C’est vrai, tu as raison. C’était une idée stupide… Oublie ce que j’ai dit.

Le silence s’installa alors, pesant, dans la chambre. Alors que je me dirigeais vers un coin de la chambre en vue de m’y installer et de peut-être somnoler, je me souvins du plateau de nourriture de Newt, heureusement cette fois-ci c’était des mets qui se mangeaient froids… Je lui dis d’une voix incertaine :

- Euh… Newt? Est-ce que tu as faim? Clint a laissé ton plateau-repas ici…

- Je meurs de faim serait plus exact, répondit-il avec à la fois de l’énervement et de l’empressement.

Je m’empressai d’aller lui chercher le plateau et de le lui ramener. C’est à peine s’il ne me l’arracha pas des mains. Je retins un sourire amusé et il me dit, juste avant de s’empiffrer :

- Merci.

- De rien. Tu n’auras qu’à remettre le plateau à côté de toi quand tu auras fini, dis-je en m’éloignant.

Je me laissai alors tomber dans le coin de la pièce du côté de la fenêtre et appuyai nonchalamment ma tête contre le mur derrière moi. Je fermai mes yeux et tout en ayant comme fond sonore les bruits que produisait Newt en mangeant, je me mis à réfléchir à ce que pouvait bien être mon nom.

****************

La journée qui suivit, je me remis à dessiner, sous le regard attentif de Newt. On n’échangeait parfois aucune parole pendant des heures, sans que ça ne nous ennuie l’un ou l’autre. Mais je me mis rapidement à ne plus autant apprécier de dessiner de manière aussi intensive. J’avais fait plein de dessins et je commençais à en avoir un peu marre. J’avais fait le portrait de Minho, celui de Clint et même celui d’Alby. J’avais fait le dessin de ma chambre, ainsi que d’autres dessins automatiques. Tout en faisant en sorte de ne pas aller sur un terrain dangereux, compte tenu du fait que Newt observait mes moindres faits et gestes.

Lors de la cinquième journée, je me mis à alterner dessin et entraînement musculaire avec ce que j’avais sous la main. Je ne tenais plus en place et je n’avais plus qu’une envie, c’était de foutre le camp dehors. Je voyais bien que Newt aussi donnerait tout pour pouvoir se lever, mais je réussissais à chaque fois à le convaincre de rester dans le lit quand l’envie lui prenait de vouloir descendre. Entre temps, je ne dormais plus. J’avais trop peur de retomber dans un rêve qui me ferait paniquer. Newt, par contre, dormait maintenant toute la soirée et la moitié de la nuit, jusqu’à l’arrivée de Minho. Après ça, souvent on disait des niaiseries ou on s’enquérait des nouvelles du jour. Rien d’autre.

**************

Je me redressai avec quelques difficultés en voyant la porte s’ouvrir sur un Minho fou de joie. Je papillotai des paupières, épuisée. Apparemment, ne pas dormir pendant plusieurs jours ne me réussissait pas aussi bien qu’à Newt. Je commençais tout juste à m’approcher de lui, lorsqu’il me jeta un paquet au visage.

Je l’attrapai au vol avec un réflexe un trop lent, ce qui fit en sorte que je reçus le paquet à moitié en plein visage. Je jetai ensuite un coup d’œil interrogatif à Minho qui semblait s’empêcher d’éclater de rire. Un coup d’œil en direction de Newt me démontra que c’était la même chose pour lui. Parfait, en plein ce qu’il me fallait. J’étouffai un bâillement avant de demander :

- C’est quoi?

- Tu ne sais pas quel jour on est, tocarde? Ça fait une semaine maintenant!

Un sourire étira immédiatement mes lèvres avant de s’affaisser brusquement. Cette réaction de ma part sembla les surprendre tous les deux, car ils froncèrent les sourcils de concert. Ils avaient bien raison de se poser des questions, après tout, depuis trois jours je n’arrêtais pas de leur parler d’aujourd’hui et du moment où je pourrais enfin sortir dehors.
Sauf qu’aujourd’hui, ce n’était pas qu’une journée de festivité. C’était aussi un rappel inamical que j’étais toujours anonyme. Que je ne savais toujours pas qui j’étais. Quel était mon nom. Nada. Ce n’était toujours que le blanc total.

- La bleue, qu’est-ce que tu as? S’enquit Minho.

- Je ne sais toujours pas qui je suis, marmonnai-je. Ce n’est pas normal, n’est-ce pas? Je devrais m’en souvenir maintenant!

- Ne tirons pas de conclusion hâtive, s’empressa de me rassurer Newt. Qui sait? Tu le sauras peut-être aujourd’hui? Ou même demain? C’est différent pour tout le monde.

J’acquiesçai distraitement de la tête avant de me forcer à accrocher un sourire à mon visage. Il fallait que je ne conserve que le côté positif des choses. Premièrement j’étais toujours en vie et je n’étais pas cinglée non plus. Deuxièmement, aujourd’hui j’allais enfin pouvoir aller dehors! Et ça, c’était une raison de se réjouir.

- Bon, dis-je d’un ton ferme. Il faut que je me change…

- Je peux sortir, si tu préfères, dit rapidement Minho en esquissant déjà un pas.

- Moi je suis assigné à son lit, alors malgré que je voudrais bien être galant, je suis coincé ici, ajouta Newt.

Je levai les yeux au ciel face au regard de prévention que lança Minho à Newt. Je déposai rapidement mon paquet sur la chaise qui se trouvait toujours dans ma chambre et allai ramasser les draps qui traînaient dans le coin qui me servait de lieu de somnolence. Je lançai l’un des draps à Minho et il l’attrapa par réflexe. Je lui dis avec un sourire narquois :

- Tu vas me servir de paravent.

- T’es sérieuse? Geignit-il.

J’arquai un sourcil et il se contenta de sourire et d’étendre le drap sur toute la longueur. Il se positionna alors dos à Newt et face à moi, avec le drap entre nous qui remontait en haut de sa tête et se terminait environ à ses chevilles. Heureusement, ils étaient plutôt opaques les draps, sinon ça n’aurait pas vraiment fonctionné comme plan.

Dès que je fus certaine qu’aucun des deux garçons ne pouvait me voir me changer, j’entrepris de retirer mes vêtements dégoûtants de filles pour ceux plus propres et récents de mec. Ils étaient même plutôt larges, ce qui était encore mieux. J’enfilai d’abord les pantalons avant de retirer mon haut ainsi que mon soutien-gorge. Je saisis le bandage qui se trouvait aussi dans le paquet et commençai à me l’enrouler autour de la poitrine pour me rendre presque aussi plate qu’une crêpe. Après quoi, j’enfilai le t-shirt large de garçon. Je changeai aussi mes souliers pour le modèle plus neutre que renfermait le sac. Bien.

- Tu peux lâcher le drap, dis-je rapidement à Minho.

- Oh, merci! J’étais en train de souffrir le martyre, moi!

- Arrête de faire ton gamin, Minho, marmonnai-je quelques secondes plus tard sans me rendre compte qu’un silence de plomb était tombé dans la chambre.

J’étais tellement concentrée à amasser mon imposante masse de cheveux pour faire en sorte qu’ils aient l’air courts sous la casquette, que ce ne fut que lorsque la dernière épingle à cheveux se trouva dans ma tête que je pris conscience du silence. Je me retournai vers eux avec des points d’interrogation et les trouvai, la bouche entrouverte à me dévisager.

- Qu’est-ce qu’il y a? m’enquis-je, inquiète.

Est-ce que j’avais tout raté? Il ne fallait pas, car les prochaines semaines dépendaient de ce déguisement. J’analysai attentivement leur expression pour voir si c’était de l’étonnement, du découragement ou autre chose. Mais malgré que j’y portais une attention particulière, je n’arrivais pas à obtenir une réponse catégorique. Finalement, Newt lâcha avec un léger froncement de sourcils :

- C’est… étonnant.

- Très étonnant, renchérit Minho.

- Je ne m’attendais pas à ce que ça fonctionne aussi bien, ajouta Newt.

- Moi non plus…

Je fronçai les sourcils à mon tour avant de prendre mon dernier accessoire. La casquette. Mais je manquai la relâcher brusquement en voyant de quelle casquette il s’agissait. C’était la mienne. Celle que je portais la même nuit que j’étais arrivée ici. Mais ils avaient dû me la retirer. Sauf que je compris rapidement une chose. C’était un test. Ils voulaient voir si je me souvenais de choses dont je ne devais pas. Je raffermis alors ma prise sur la casquette et empêchai mes mains de trembler. Puis, sans plus de cérémonie je m’enfonçai la casquette sur la tête.

- Alors, les mecs? Qu’est-ce que vous pensez de votre bleu? Dis-je en prenant une pose que j’espérais plus masculine comme ma voix que j’avais rendue plus grave, légèrement.

- Ça… fonctionne. C’est… stupéfiant, lâcha Newt. Si je ne savais pas que c’était toi…

- Même chose pour moi. J’avais toujours eu un léger doute jusqu’ici, mais… Ouah.

Je m’inclinai noblement devant eux avant de me mettre à sautiller surplace. J’ajoutai ensuite sur un ton surexcité :

- Ça veut dire que je peux sortir, maintenant?

Je brûlais d’aller dehors et de me mettre à courir comme une dératée. Toutefois, en voyant l’air de Newt se rembrunir, je compris que si pour moi c’était un grand jour, pour lui, c’était autre chose. Il allait rester seul. Je me sentis soudainement coupable, mais tentai de le rassurer :

- Hé, ne fais pas cette tête, Newt! Je vais venir quand même te voir. Tu… Tu es mon… mon ami? Non? Enfin, c’est comme ça que je le vois…

- Oui, le bleu, t’es mon ami aussi, soupira l’intéressé, mais avec un léger sourire.

- Bon, alors compte sur moi pour revenir tous les soirs. Et si je me plains…

- Je t’assomme, sois-en sûr! S’écria-t-il en souriant avec amusement.

Un grand sourire étira mes lèvres et je le remerciai d’un hochement de tête. Je n’arrivais pas à croire que j’allais enfin sortir d’ici. J’avais à nouveau cette envie folle de sautiller surplace, mais je m’obligeai à l’immobilisme pour ne pas avoir l’air un peu trop étrange. Je jetai un regard à Minho, puis à la porte. Il comprit le message et on se dirigea tous les deux vers la porte. Je posais à peine la main sur la poignée que celle-ci me tourna dans la main et que sans le réflexe rapide de Minho je me serais fait assommer par la porte.

Devant moi apparut alors Alby accompagné de quelques autres gars dont Gally et à voir l’air sur leur visage, ça s’annonçait mal pour ma sortie d’aujourd’hui.
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Mimie99

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Re: The Keeper [Le Labyrinthe]

Message par Mimie99 »

Je n'ai pas grand-chose à dire concernant mon absence prolongée. Je peux le résumer en deux mots. L'école. J'ai été enseveli sous les devoirs, alors voilà. Bref, voici le chapitre 4. Bonne lecture!

Chapitre 4 - Identité


- QUOI?! m’écriai-je d’un ton rauque.

Je n’arrivais tout simplement pas à croire ce que je venais d’entendre. Non, il plaisantait. Forcément. Allez, les gars… Dites-moi que c’est une vilaine plaisanterie…

Mais rien.

Visages de marbre. Non, non, non! Tout, mais pas ça…

- Tu ne sortiras pas aujourd’hui, le bleu, répéta Alby en insistant sur le « le » pour bien faire remarquer qu’il approuvait ma métamorphose.

- Pourquoi? grondai-je de la même voix rauque.

Dû entre autres à la colère qui m’étreignait. Une colère profonde provoquée par l’injustice à laquelle j’étais bêtement condamnée. J’aurais eu envie de déverser ma rage par des mots et des gestes violents, mais ce genre de comportements puérils ne risquait pas de m’aider à atteindre mon objectif. Objectif qui était de ne pas rester à l’intérieur.

- Minho, tu ne devrais pas être dans le labyrinthe? S’enquit Alby en ignorant soigneusement ma question.

L’intéressé leva les yeux au ciel, mais sortit immédiatement sans rien demander ou dire. Je le regardai partir avant de concentrer à nouveau mon attention sur Alby. Puis j’arquai un sourcil. Il poussa un soupir, mais répondit :

- Si tu sors aujourd’hui, ça pourrait paraître suspect. Ça fait une semaine précisément depuis ton arrivée. Des rétablissements ne sont pas aussi précis, en temps normal.

- Tu dois donc rester au moins deux jours de plus ici, ajouta Gally. C’est la décision des matons. Unanime.

Je regardai le plafond, comme en quête de soutien. Puis, reprenant contenance je lâchai :

- C’est tout? Vous n’avez pas autre chose à me faire part, maintenant?

- Ton déguisement est réussi, affirma l’un des gars.

- C’est quoi ton nom? Demandai-je.

- Winston.

- Alors, merci, Winston.

- Il faudrait que tu fasses quelque chose pour cacher tes poignets maigrichons et tes mains, marmonna Gally. On aurait dit des brindilles.

- Comme c’est gentil de ta part, le remerciai-je sarcastiquement.

Puis, sans prendre de pincette, je déchirai le bas de mon t-shirt trop grand à deux reprises pour en tirer des bandelettes de tissus. Ensuite, sous leur regard médusé, je me les enroulai autour des poignets et de la main pour ne laisser sortir que mes doigts. Je grondai finalement en défiant Gally du regard, un sourcil arqué :

- Mieux?!

J’entendis le rire étouffé de Newt derrière moi et je me retins pour ne pas rire à mon tour. En ayant passé près de cinq jours complet en notre compagnie mutuelle, on se connaissait plutôt bien pour connaître certains de nos petits travers. Et le premier à moi à être sorti, c’était que lorsque je perdais patience, j’étais très… désagréable. Pour sa part, j’avais appris rapidement qu’en certaines circonstances il baissait un peu trop vite les bras.

- Oui, répondit finalement Gally en croisant les bras.

J’avais l’impression qu’il était un peu offusqué. Ah, comme c’est désolant… Décidant de rompre l’ambiance un peu tendue de la pièce, je pris une grande inspiration et dis aussi posément que possible :

- Alors… Comme je dois rester coincé ici encore deux jours… Est-ce que quelqu’un d’autre veut que je fasse son portrait? Je vais avoir du temps à tuer.

- Des portraits? S’enquit Alby, perdu.

Je me souvins brusquement que je n’avais pas montré toutes mes chères petites œuvres à ce dernier lorsqu’il était venu voir comment on allait, Newt et moi deux jours plus tôt. Quant aux autres, à l’exception de Clint, aucun ne savait de quoi je parlais. Je me mordis la lèvre nerveusement et allai chercher la pile de feuilles où se trouvaient tous mes dessins.

Je commençai tout d’abord par donner le portrait d’Alby à ce dernier et il le regarda attentivement, curieux. Ainsi que tous les autres, car ils se penchèrent par-dessus son épaule pour voir. Je leur montrai ensuite celui de Minho et ils se le passèrent de main en main avant de me le rendre. Je donnai finalement celui de Clint à l’intéressé et il me jeta un regard surpris. Par contre, j’avais oublié que j’avais un autre portrait dans mes mains en ce moment.

- Hé, c’est quoi celui-là? s’enquit Winston en essayant de voir celui que je tenais dans mes mains sur le dessus de la pile.

Je posai un regard sur le dessin en question et… Oh, merde! Je m’exclamai rapidement en le pliant et le jetant derrière moi :

- Rien du tout. Je l’ai raté…

- Oh. Tu as d’autres dessins?

J’hochai de la tête, soulagée qu’il ait changé de sujet et qu’aucun des autres Blocards présents, malgré qu’ils m’observaient avec curiosité, ne tente pas d’aller chercher le dessin. Je leur tendis les autres dessins que j’avais réalisés, à l’exception de celui du labyrinthe et le tout premier de Newt. Enfin, ces deux-là se trouvaient toujours sous le lit, en théorie.

Ils les observèrent attentivement un moment et presque immédiatement après, tous les matons présents me demandèrent pour que je fasse leur portrait. Gally, compris. Je suppose qu’il était rare d’avoir du renouveau dans le Bloc et que tout ce qui pouvait amener du divertissement était le bienvenu. Alby aurait pu s’y opposer, car à ce rythme j’allais rapidement dévaliser les réserves de papiers et de crayons, mais quand je le lui dis, il se contenta de me répondre avec un sourire :

- On commandera plus de papier et de crayons cette fois-ci, c’est tout. Et peut-être d’autres sortes de crayons.

J’ouvris de grands yeux à cette simple idée et son sourire se fit encore plus franc. Après quoi, je demandai aux matons de se mettre en file pour que je puisse enregistrer leurs traits à chacun. Je pris soin de les observer chacun pendant une minute entière. Cela semblait en mettre mal à l’aise plus d’un, mais j’appris du même coup tous les noms des matons présents. Dès que j’eus terminé de tous les observer, ils quittèrent la chambre rapidement. Je poussai un soupir de soulagement et me retournai vers Newt avec l’intention claire de me plaindre.

Mais cette envie disparue aussitôt en voyant ce qui se jouait devant moi.

Newt avait un sourire très amusé aux lèvres et me montrait très clairement la feuille de papier qu’il avait dans la main. Qui avait encore la trace de l’endroit où je l’avais plié. Je me sentis défaillir et une rougeur non désirée me monta aux joues. Si j’avais fait un dessin comme pour les autres, ça n’aurait pas été plus mal. Sauf que là… C’était lui. En train de dormir. Donc, clairement ça ne pouvait vouloir dire que deux choses… Soit je l’avais imaginé en train de dormir, ou je l’avais dessiné pendant qu’il dormait. Les deux scénarios étaient tout aussi embarrassants l’un que l’autre.

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Son sourire s’élargit un peu alors qu’il me demandait en arquant un sourcil :

- Alors… Pour toi, ça, c’est raté?

- Je…

- Moi je trouve ça très bien, affirma-t-il avec un sourire qui devenait beaucoup plus moqueur.

- C’était la première nuit! Dis-je rapidement. Je ne savais pas quoi dessiner, alors j’ai pris le premier modèle que j’avais…

- Modèle? Dit-il encore plus amusé.

- Oh, tais-toi, marmonnai-je. Tu sais exactement ce que je veux dire!

Il éclata de rire et si je n’avais pas été autant embarrassé je l’aurais probablement suivi dans son hilarité. Toutefois, l’embarras dans lequel je me trouvais présentement m’empêchait d’en rire.

- Ne fais pas cette tête-là, je te taquine, c’est tout. Enfin, ça reste que c’est vraiment un très beau portrait.
Au moins, il n’avait pas le…

- Sauf que celui-ci est particulièrement intéressant, ajouta-t-il en sortant une seconde feuille.

Lorsque je vis ce qu’il y avait dessus je rougis encore un peu plus. Était-ce vraiment possible qu’il soit en train de se payer ma tête comme ça? Son sourire devint un peu plus sournois lorsqu’il ajouta :

- Tu as drôlement une bonne imagination pour avoir réussi à faire quelque chose d’aussi ressemblant… Sans m’avoir jamais vu prendre la pose… Car je suis presque certain de ne m’être jamais placé ainsi depuis que tu es là, pas vrai?

Je me mordis furieusement les lèvres et jetai un coup d’œil suppliant vers le plafond. Est-ce qu’on pouvait me venir en aide, là, maintenant? Je me souvins brusquement du moment où j’avais fait le dessin et mon sang ne fit qu’un tour. Je bondis vers le lit et lui arrachai le dessin sur lequel il avait un sourire moqueur, les mains dans les poches et était légèrement penché vers l’arrière. Je le remis en boule et le jetai à nouveau sous le lit. Je lâchai ensuite sur un ton inquiet, des sueurs froides me couvrant le front :

- Ne le sors plus de là.

- Pourquoi? s’enquit-il, son sourire s’était instantanément fané.

Il semblait inquiet maintenant.

- Tu… tu te souviens quand j’ai dit que… Enfin…

- Je t’étais familier? Compléta-t-il à ma place.

- Oui, chuchotai-je très bas en me rapprochant de lui. Et bien… j’ai fait ce croquis le jour même où j’ai eu les crayons et le papier… C’était mon premier dessin, en fait, soufflai-je encore plus bas, ce qui m’obligea à rapprocher ma bouche de son oreille. Et je l’ai fait d’instinct. Sans réfléchir. Je… j’ai compris ce que j’avais fait qu’une fois que mon dessin a été terminé…

Il se tourna si rapidement vers moi et si soudainement que l’on se retrouva l’espace d’un instant très près l’un de l’autre. Nos nez se frôlaient pratiquement. Je déglutis avant de m’éloigner légèrement.

- Pourquoi tu chuchotes? S’enquit-il, tout bas.

Malgré le ton nonchalant qu’il prenait, je voyais à nouveau le soupçon apparaître dans ses yeux. Je sentis comme un poignard me perforer le cœur avant de répondre en détournant les yeux, des larmes y apparaissant. Je lâchai d’une voix extrêmement basse :

- Parce que… mes rêves… c’est des souvenirs, Newt.

Son visage se détendit soudain et il me demanda :

- Pourquoi tu ne me l’as pas dit?

- On se connaît seulement depuis une semaine, dis-je à intonation normale. Et c’est dangereux, ajoutai-je très, très bas.

- Dangereux en quoi? s’enquit-il du même ton.

- Dangereux, car les Créateurs ne veulent pas qu’on se souvienne, Newt. Et que je me souviens. De certaines choses. D’une chose que j’ai faite.

- Je suis partagé entre l’envie de savoir et celle de rester dans l’ignorance, soupira-t-il à voix basse en se massant le front. Mais je dois t’avouer quelque chose…

- Quoi?

- Quand je t’ai vu la première fois… j’ai aussi eu l’impression que je te connaissais, me chuchota-t-il à l’oreille.

Je sentis un frisson me parcourir la colonne en sentant son souffle contre mon oreille. Mais encore plus dû à un très mauvais pressentiment. Les paroles de l’homme me revinrent en mémoire aussi terrible qu’une gifle mentale « Mais si jamais elle se souvient de Lui, même avec le traitement? Ou pire, s’Il se souvient d’elle? » Ou pire s’Il se souvient d’elle. S’il se souvient d’elle. Parlait-il de Newt et moi? Rien qu’à cette idée, je sentis mon cœur se glacer. Je soufflai rapidement :

- Je crois que je vais garder pour moi mes rêves. C’est plus prudent. Je ne voudrais pas qu’il arrive quelque chose à aucun d’entre vous. Surtout pas par ma faute.

- Je n’aime pas l’idée que tu gardes des choses pour toi… Surtout si ça te fait réagir aussi intensément dans ton sommeil.

Je détournai la tête en la secouant légèrement. Il était hors de question que je lui dise quoi que ce soit. Je ne pouvais pas le mettre lui, pas plus que les autres, en danger en disant quoi que ce soit. Surtout que je ne pouvais pas être certaine que ce que je venais tout juste de dire n’avait pas été rapporté aux Créateurs.

Mes mains se mirent à trembler à cette seule possibilité et je sentis soudainement que l’on me tournait le visage. Newt m’avait délicatement pris par le menton pour me tourner vers lui. Il planta son regard sombre dans le mien et m’avoua :

- Avant que tu ne te réveilles, tu hurlais à plein poumon. Je n’ai jamais été réveillé aussi brutalement de toute ma vie. Pas même dans la Boîte. Et un moment, juste avant que tu ne te réveilles, tu as… tu as supplié que cela cesse. Et tu te tordais par terre. Je n’ai pas envie que ça recommence. Ni que tu gardes ça pour toi seule.

- Mais je ne peux pas te le dire, Newt, soufflai-je en sentant la panique m’envahir. C’est plus prudent. Je ne veux pas causer de problème.

Mais ta présence en elle-même est un problème, me souffla une petite voix intérieure. Tu n’étais pas censée venir. Et voilà où tu en es rendue. À semer la pagaille. À quoi as-tu pensé en courant tête baissée dans ce corridor? J’avais envie de me frapper la tête contre le mur. Furieusement.

Me rendant soudainement compte de l’ampleur de la proximité entre Newt et moi, je m’éloignai rapidement pour aller me poster près de la fenêtre. Je lâchai à voix haute :

- On en reste là. Pour le moment.

- Pour le moment, approuva-t-il. Bon, maintenant, je crois que je vais te rendre ça, ajouta-t-il et je sentis l’amusement dans sa voix.

Je me retournai et ce fut pour mieux le voir me tendre le dessin que j’avais fait de lui pendant qu’il dormait. Je le foudroyai du regard pour recommencer dans ce délire, mais finit par lever les yeux au ciel en le voyant éclater de rire. J’attrapai rapidement le dessin avant de le ranger avec les autres.

Je regardai ensuite sous le lit et attrapai à nouveau le dessin que j’y avais jeté en boule. Puis, sans autre forme de procès je me mis à le déchiqueter en petits morceaux. Je vis le regard de Newt s'écarquiller et il s’écria :

- Hé, mais qu’est-ce que tu fous! Je l’aimais bien ce portrait!

- Oui, moi aussi. Mais c’est plus prudent, dis-je rapidement, sans réfléchir.

- Tu as dit quoi? s’enquit-il et lorsque je relevai les yeux j’aperçus son air moqueur.

Je me figeai instantanément en comprenant ce que je venais de dire. Ouvertement. Comme ça. Devant lui. Je dus faire un effort colossal pour ne pas rougir et je lâchai en continuant à réduire le dessin en morceaux :

- Humm? Quoi? Le dessin? Il était réussi, alors c’est du gâchis. Surtout que c’était le premier que je faisais depuis que je me suis réveillée dans la Boîte.

- Je te crois, dit-il, mais à voir son sourire moqueur, c’était loin d’être le cas.

- Tu peux bien penser ce que tu veux. Ça m’ait égal. Si tu veux, je t’en referai un autre.

- Fais-le en double. Un pour moi et un pour toi, plaisanta-t-il.

- Oh, très drôle! Grommelai-je et je lui lançai les résidus de papier que j’avais dans les mains, le faisant éclater de rire.

Alors que je me détournais de lui pour pouvoir me concentrer à autre chose, je vis son sourire disparaître. Du coin de l’œil, je vis qu’il avait une expression incertaine au visage. Mais pourquoi? Je réussis à faire taire le côté de moi qui voulait lui poser la question, pour continuer ce que je faisais. Je fis un rapide ménage de la chambre, ramassant les draps et mes vêtements sales. Ainsi que tout ce qui traînait, en fait.

Je finis ensuite par m’installer à nouveau ventre à terre, une feuille devant moi et un crayon à la main. Je marmonnai entre mes dents :

- Et c’est reparti pour des portraits…

- N’oublie pas le mien! Dit Newt avec de l’amusement dans la voix, mais je sentais qu’elle était comme… feinte.

Je relevai les yeux l’espace d’un instant et constatai qu’il souriait distraitement, les bras croisés derrière la tête.

- Ne t’inquiète pas, j’ai l’impression que tu ne me permettras pas de l’oublier… soupirai-je.

Il eut un petit rire avant de se mettre à somnoler dans le lit pendant que je dessinais. Je sentais parfois son regard se poser sur moi et chaque fois, j’avais l’impression d’avoir un point brûlant sur le front. C’était étrange. Mais pas exactement désagréable. Je ne me laissai toutefois pas distraire par ce fait bizarre et me noyai dans le dessin. C’était vraiment la sensation que j’avais.

Quelques heures après la tombée de la nuit, ce fut l’arrivée de Minho. Et la première chose qu’il me dit fut :

- Il paraît que tu as fait un portrait de moi?

- Oui, dis-je simplement et je le lui lançai sans même lui adresser un regard.

J’entendis le bruit de papier qu’on attrape et Minho ajouta :

- Il s’est passé quelque chose?

- Oui, le fait qu’elle ne peut pas sortir avant deux jours, enfin, un, maintenant, répondit Newt en riant.

- Toujours de mauvaise humeur à ce propos, hein?

Je me contentai de pousser un grondement. Ce qui déclencha le rire simultané de Minho et Newt. Ces deux-là allaient avoir ma peau prochainement, pensai-je en secouant la tête, découragée. Ça faisait deux heures que je tournais en rond, car je ne pouvais pas dessiner dans le noir ni vraiment à la lueur de la lune.

Ils finirent par s’arrêter de rire et Minho s’approcha de la fenêtre pour observer son portrait à la lueur de la lune et des étoiles. Après une minute, il finit par dire :

- Pas mal. Ouais, c’est pas mal du tout. J’ai presque l’impression que…

Il se tut d’un coup ce qui attira mon attention et je levai le regard dans sa direction, je vis du coin de l’œil que cela avait attiré celle de Newt aussi. Je constatai rapidement que Minho avait maintenant les épaules tendues et que son visage semblait légèrement plus pâle que d’habitude.

- La bleue, tu viens avec moi. Tout de suite, lâcha-t-il soudain et il se dirigea vers la porte, ne me laissant d’autres choix que de le suivre si je voulais savoir ce qu’il avait en tête.

- Je peux savoir ce qui se passe? Dis-je d’une toute petite voix qui ne me ressemblait pas.

Étrangement, j’avais l’impression d’être une enfant qui avait été prise en faute. Mais j’ignorais ce que pouvait être la faute en question. Qu’avais-je fait qui pouvait… Minho franchissait tout juste la porte lorsqu’il répondit :

- Tu le sauras bientôt.

- J’aimerais savoir aussi, marmonna Newt en se redressant comme s’il voulait quitter le lit.

- Toi, tu restes là! grommela Minho. Et ne me dis pas que tu n’as rien remarqué?! S’étrangla-t-il ensuite.

- Remarquer quoi? lâcha Newt, perdu.

- Les dessins. Ils sont… similaires. Similaires aux autres.

Malgré qu’il faisait franchement sombre dans la chambre, je vis les épaules de Newt se raidir. Je vins pour demander des explications plus claires, mais voilà que Minho revenait sur ses pas pour me saisir par le bras et m’entraîner de force à sa suite. Je n’eus donc d’autres choix que de le suivre et pour le peu de temps que je restai dans la chambre, je sentis le regard de Newt me suivre tout du long.

Minho ne prononça pas un mot de tout le trajet. Ni pour me dire pourquoi il m’entraînait à cette vitesse. Ni vers où on allait. Sa réaction me laissait pantoise, je n’aurais jamais cru qu’il réagirait de cette manière en voyant son portrait. Et de quoi avait-il parlé avec Newt? De quels autres dessins parlaient-ils? À ma connaissance, aucun d’eux n’aimait vraiment dessiner…

On arriva soudain à un endroit qui me sembla familier et le temps que le lien se fasse dans mon cerveau, Minho avait déjà ouvert la porte. Je mis toutefois un frein direct à son tirage de ma personne et lâchai en essayant de reculer :

- Je n’ai pas le droit d’être ici…

- Ne fais pas ta difficile, je sais très bien que tu mourrais de curiosité!

- Mais je n’ai pas le droit d’être ici, Minho! Grommelai-je.

- Ça suffit, j’ai besoin de te montrer quelque chose et ça se trouve à l’intérieur! Gronda-t-il et il me tira plus violemment par le bras.

Je ne fis pas le poids contre sa force et mes pieds dérapèrent me forçant à entrer si je ne voulais pas m’écraser par terre durement. Une fois que je fus à l’intérieur, il referma la porte derrière moi et on se retrouva dans le noir. Un noir d’encre où on ne voyait rien du tout. La seule chose dont j’étais certaine, c’était la position de Minho dû au fait qu’il me retenait par le bras.

Je le sentis bouger, puis il y eut une sorte de déclic et des lumières en néon éclairèrent l’endroit. Attendez… on avait l’électricité? Si au départ je m’étais dit que j’allais garder les yeux fermés pour ne rien voir, je me fis rapidement une raison. J’étais trop curieuse et il était hors de question que je rate une occasion comme celle-là de savoir ce qu’il se passait ici. Je jetai donc des regards emplis de convoitise sur tout ce qui se trouvait autour de moi.

- Je t’avais bien dit que tu étais curieuse de voir, affirma Minho et je le vis avoir un sourire en coin. Bon, suis-moi…

- Pourquoi tu m’as amené ici, Minho? M’enquis-je tout en le suivant néanmoins.

- Car ce que j’ai à te montrer se trouve ici. On les a cachés là, car on ne voulait pas que tous les Blocards les voient. On ne comprenait pas ce que ça signifiait. Pourquoi ça se trouvait là… Ça date de notre arrivée ici. En fait, trois d’entre nous les avaient sur eux au moment de se réveiller dans le Bloc.

- Je ne comprends pas…

- Tu vas comprendre, m’assura-t-il.

Il s’arrêta au niveau d’un classeur dont il ouvrit le premier tiroir à l’aide d’une clé qu’il avait d’attacher autour du cou. Je le regardai faire en silence tandis qu’il fouillait dans le tiroir, puis il en ressortit trois feuilles. En me les tendant, il me demanda :

- Dis-moi ce que ça signifie…

Je ramassai d’une main tremblante les dessins et à peine posais-je les yeux dessus que je me sentis blêmir. Alors que j’ouvrais à peine la bouche pour répondre quelque chose, je sentis mes yeux rouler dans leur orbite et je tombai vers l’arrière en ayant un mur noir qui me tombait sur les yeux.

J’étais de nouveau là. Mais cette fois, j’étais plus jeune. Peut-être d’un an. Et je courrais à nouveau, apparemment, c’était une mode par là-bas. Je courrais aux côtés de l’autre fille, Teresa. Et à l’instar de la dernière fois, des larmes roulaient sur mes joues. Il y avait quelque chose d’étrange à me voir courir comme ça. Sans être… moi. À l’intérieur. Je donnerais n’importe quoi pour savoir ce que j’avais en tête à ce moment précis. C’était quand même bizarre comme manière de se souvenir…

- Tu n’auras pas beaucoup de temps, me prévint Teresa. Mais tu vas pouvoir les revoir juste avant qu’ils ne partent… On. On va pouvoir les revoir. Mais tu n’auras que très peu de temps. Dans une heure, ils vont aller les chercher et il vaut mieux être de retour dans nos chambres.

La jeune fille que j’étais hocha résolument de la tête malgré les larmes qui continuaient de couler sur mes joues. Elle releva une main vers son visage pour essuyer rageusement ses larmes lorsqu’elles arrivèrent au niveau d’une porte. Teresa me fit signe que c’était là et répéta :

- Ne tarde pas trop. Cinq minutes.

Je hochai de la tête avec résolution et l’autre fille ouvrit la porte rapidement grâce à sa passe. Est-ce que c’était réellement la sienne ou elle l’avait volé? Je l’ignorais. Mais je restai complètement incrédule en voyant la moi de ce moment-là se ruer à l’intérieur et tomber dans les bras d’un jeune asiatique que je connaissais bien maintenant. Minho. Je recommençai à pleurer et mon ami lui frotta le dos en soufflant :

- Ne t’inquiète pas, Roxy. Ça va bien aller… Tout va bien aller… Ce ne sera qu’une question de mois et tu me rejoindras dans le labyrinthe…

- Je sais, mais… je ne veux pas. Je ne veux pas rester ici toute seule, Minho.

- Tu ne seras pas seule. Thomas et Teresa vont encore être là, tenta-t-il, mais sa voix sonnait un peu aigrement, comme s’il éprouvait de la rancune.

- Mais ce n’est pas pareil! Protestai-je. Je veux mon frère. Personne d’autre.

- Je ne crois pas que tu sois dans cet état seulement pour moi, petite sœur, affirma-t-il en souriant malicieusement.
La petite rougit, mais rétorqua :

- Tu te trompes. J’aimerais mieux partir avec vous tout de suite. Ou que tu restes…

- Je sais… Mais on se reverra bientôt. Et tout sera comme avant. On trouvera la sortie de ce labyrinthe ensemble. Je te le promets.

- Mais…

- Mes parents m’ont fait promettre de toujours garder un œil sur toi et je le ferai aussi longtemps que je le pourrai. Mais, pour quelques mois, c’est toi qui devras garder un œil sur toi.

- Mais…

La porte s’ouvrit à nouveau sur Teresa et elle annonça :

- Il vaudrait mieux y aller si tu veux avoir le temps de les voir…

Minho jeta un regard à la fois noir et avec une note de gratitude à l’encontre de l’autre fille, mais me poussa néanmoins dans cette direction en soufflant :

- Prends soin de toi et ne fais pas de bêtise!

- Je ne ferai rien que tu ne ferais pas! Promit la jeune fille. Et, toi aussi, ne fais rien de stupide…

Minho sourit, mais déjà je quittais la pièce et Teresa refermait la porte. Elles se remirent toutes deux à courir dans les couloirs et je me demandai soudain… Pourquoi est-ce que je semblais croire que Minho était mon frère? Et pourquoi l’avait-il appelé « petite sœur ». J’avais bien eu l’impression d’avoir une sorte de lien fraternel avec lui, mais… Les deux filles commencèrent alors à disparaître à mes yeux ainsi que l’endroit où elles étaient…


Je me réveillai en ayant l’impression d’avoir été passé au rouleau compresseur et avec un horrible mal de tête, ce faisant je crus préférable de ne pas ouvrir les yeux tout de suite. Et je trouvai cette idée encore meilleure, lorsque je me rendis compte que mes deux amis étaient en train de discuter, ou de se disputer plutôt.

- Tu l’as échappé? S’écria Newt.

- Comment voulais-tu que je sache qu’elle allait tomber dans les pommes en voyant des dessins?

- Peut-être, mais je croyais que tu la tenais par le bras! S’emporta tout de même mon ami.

- Écoute, j’ai été surpris un instant par son poids.

- Tu devrais aller chercher Clint… Elle a une méchante bosse derrière la tête.

- Et je vais lui expliquer comment le fait qu’elle soit tombée? Et personne n’est au courant pour les dessins exceptés Alby, toi et moi. Et je préfère que ça reste comme ça, sinon… les autres risquent de ne pas lui faire confiance.

- Tu marques un point, marmonna Newt. Bon, je suppose que tu peux aller chercher quelque chose de froid. Prends une serviette et trempe-la dans l’eau du lac. Ça devrait faire l’affaire…

- Très bien. Ne la quittes pas des yeux… souffla Minho.

- Je m’assurerai qu’elle ne tombe pas du lit, t’inquiètes.

J’entendis les pas de Minho s’éloigner, avant de s’arrêter et je supposai de se retourner pour dire :

- Elle était très agitée pendant que je l’ai ramenée ici.

Je sentis que l’on remuait à côté de moi, puis les pas de Minho recommencèrent à s’éloigner rapidement. Puis, d’un coup, tout me revint brutalement en mémoire. Les dessins, ma perte de conscience, mon rêve… Par tous les diables… Minho était mon frère? Certainement pas par le sang, mais il n’y avait aucun doute dans nos voix lorsqu’on l’avait dit dans mon rêve. Comme si c’était la chose la plus simple et la plus naturelle qui soit… Puis… mon nom! Je savais ce que c’était!

J’ouvris brusquement les yeux et me redressai d’un coup. Je sentis que l’on sursautait à côté de moi et je ne remarquai qu’à cet instant que je sentais la chaleur d’un autre corps à côté du mien. Celui de Newt. Je tournai mon visage dans sa direction et d’une voix légèrement surexcitée je lançai :

- Je me souviens de mon nom!

Je m’apprêtais à sauter sur mes pieds, mais la main ferme que posa Newt sur mon bras m’en empêcha et souffla :

- Hé, doucement! Tu as perdu connaissance… laisse-toi le temps de t’en remettre un peu…

Je marmonnai pour moi-même de manière inintelligible, puis Newt s’enquit :

- Et c’est quoi ton nom, finalement?

- Je… je crois que c’est Roxy. Ou peut-être quelque chose de plus long. Je ne sais pas.

- Roxy? Fit-il surprit et en me tournant vers lui, je remarquai qu’il semblait plutôt raide. Comment tu t’en es souvenu?

- Un rêve, soufflai-je tout bas.

- Ah. D’accord. Maintenant, rallonge-toi.

- Je n’ai pas l’intention de repartir trouver les pommes, Newt, grommelai-je, mais je m’exécutai tout de même.

- Tu m’en vois ravie, la bleue.

- Le bleu, grommelai-je.

- Roxy n’est pas un nom de mec, me fit-il remarquer.

- Peu importe, marmonnai-je en me massant le front.

Le silence tomba rapidement après ça et je ne pus m’empêcher de me sentir à la fois très bien d’être enfin dans un lit, mais aussi très mal à l’aise, car Newt était juste à côté. Et aux moindres mouvements de notre part à tous les deux, je sentais nos bras se frôler l’espace de quelques secondes. C’était étrange que cette proximité me trouble autant, car il n’était que mon ami, après tout. Rien d’autre.

Je me demandai soudain ce que voulait dire le jeune Minho à la jeune moi dans mon rêve en disant que je ne pleurais pas seulement pour lui, ou du moins que ce que j’avais dit n’était pas seulement pour lui. À qui d’autre? Et que devrais-je dire à Minho? Une partie de moi mourrait d’envie de le lui dire, tandis que l’autre… non. Ça risquait de le perturber ou de changer ses interactions avec moi. Et ça, les Créateurs le remarqueraient. Certainement. Et il ne le fallait pas. Peut-être que si nous trouvions un moyen de sortir d’ici, je lui dirais la vérité. À tous. Enfin, surtout à Newt, Minho… et peut-être Alby. Je me souvenais des dessins à présent. Et ça ne voulait dire qu’une chose. Nous avions tous fait partie du petit groupe d’enfants que j’avais vu dans mon premier rêve.

On entendit bientôt des bruits de pas qui s’approchait de la chambre et rapidement la porte s’ouvrit sur Minho armé d’une serviette trempée. Il s’approcha de moi et s’exclama en me voyant les yeux grands ouverts :

- Alors, tu es réveillée, la bleue!

- Je m’appelle Roxy, Minho. Et, oui, je suis réveillée.

- De quoi Ro… commença-t-il avant de s’interrompre brusquement. Tu te souviens de ton prénom?! S’écria-t-il.

- Oui. En quelque sorte, soufflai-je.

Minho s’arrêta rapidement à mes côtés me fit signe de relever la tête et déposa la serviette mouillée sur l’oreiller. Comme il me faisait maintenant signe que c’était bon, je redéposai ma tête sur l’oreiller et j’eus immédiatement une sensation de soulagement en provenance de l’arrière de ma tête.

- Je me suis frappée contre quoi quand tu m’as échappée, Minho? M’enquis-je, un sourire amusé aux lèvres.

- Comment… commença à s’étonner Newt avant de s’interrompre pour me jeter un regard soupçonneux. Tu étais déjà réveillée?

- Ouais, affirmai-je en souriant davantage.

Minho parut immédiatement embarrassé, ainsi que Newt avant que le premier ne dise :

- Contre la table. Enfin, contre la patte de la table, plus précisément.

- Oh… Et… Euh… Concernant les dessins…

Les deux gars se jetèrent un regard rempli de sous-entendus et Minho annonça tandis que Newt me tendait les dessins :

- J’espère que tu pourras nous expliquer. Ou… qu’au moins tu ne perdras pas connaissance à nouveau.

- J’aimerais aussi, admis-je en prenant les dessins entre mes mains.

Je les observai alors attentivement. Malgré qu’ils aient tous l’air beaucoup plus jeunes sur les dessins et qu’à l’époque je n’étais pas encore aussi douée qu’à présent on pouvait tout de même les reconnaître. Et trouver des similitudes dans la technique utilisée entre ces dessins-là et ceux que j’avais faits dans le Bloc. D’où le malaise de Minho quand je lui avais montré son portrait, probablement.

- On a aucune idée pourquoi, mais on avait ça sur nous dans la Boîte. Minho, Alby et moi, lâcha Newt. Et c’est toi qui les as réalisés.

Il pointa le nom qu’il y avait en bas de chaque dessin. Il y était signé… Roxy. Il n’y avait plus aucun doute possible, c’était moi. Je déglutis difficilement avant de relever mon regard des dessins pour croiser les leurs. Ils étaient énormément sérieux et semblaient attendre une réponse de ma part. Je déglutis à nouveau avec quelques difficultés avant de prendre une grande inspiration. Devais-je leur dire? Je me voyais mal garder ça secret maintenant… Sauf qu’il serait préférable que les Créateurs ne m’entendent pas. Je fis donc signe à Minho de s’approcher, et bientôt on se retrouva tous les trois avec les visages à quelques centimètres de celui des autres.

Je soufflai d’une voix presque éteinte que l’on entendait à peine :

- Newt est déjà au courant pour mes rêves.

- Je n’ai pas envie de savoir à quoi tu rêves, la bleue, affirma Minho, quand même à voix basse.

- Oh, tais-toi! C’est des souvenirs. De ma vie. Je ne peux pas vous en dire beaucoup. Enfin, je préfère pas, précisai-je en voyant le regard furieux que me jeta Newt. Tout ce que vous avez besoin de savoir, c’est que j’ai bel et bien fait ces dessins. Pour vous.

- On se connaissait avant le Bloc? S’étonna Minho.

- Apparemment, dis-je et je sentis de la sueur me recouvrir le front à nouveau.

Je sentis le regard soupçonneux de Newt peser sur moi, mais je n’en fis aucun cas. Je me doutais qu’il ne devait pas m’avoir cru. Il avait développé, pendant nos quelques jours à fréquenter la même chambre, la faculté de savoir quand je ne disais pas toute la vérité. Ou de cerner mes moindres variations… non pas d’humeur, mais de sensation. Comme par exemple, en ce moment, il avait dû sentir mon malaise quand j’avais diminué la réalité.

- Bon, ce fut une nuit pleine de rebondissements, mais je crois que je vais ramener ces dessins au Bunker et après je vais aller dormir. Encore une grosse journée demain… dit Minho en me prenant les dessins des mains.

- Oui et pendant ce temps, nous on va s’apitoyer sur la monotonie de notre existence! Râlai-je en le voyant faire demi-tour.

- Je n’y peux rien, Roxy! Et tu sais quoi? Je crois que je vais t’appeler Rox. Comme ça, ça ne fera pas sauter ta couverture par accident.

- C’est comme tu veux… dis-je en haussant des épaules même s’il ne pouvait pas me voir.

Alors que la porte se refermait et qu’on entendait les pas de Minho s’éloigner, je sentis Newt se tourner vers moi. Il lâcha :

- Tu sais quoi? L’idée de Minho n’est pas mauvaise. Je vais t’appeler Rox aussi.

- C’est comme il vous plaira. Je commençais à en avoir marre de me faire appeler « la bleue ».

- Oh, mais je n’ai pas dit que j’arrêterais de t’appeler comme ça, la bleue, se moqua-t-il.

- Très drôle, marmonnai-je.

- Tu devrais essayer de dormir, sérieusement, me dit-il d’un ton tout à fait sérieux.

Je me raidis immédiatement et secouai de la tête. Non, j’avais déjà fait un rêve pour aujourd’hui, ça me suffisait. Malgré que j’aimerais ravoir tous mes souvenirs, les chocs émotionnels que cela engendrait étaient trop importants. Et le danger que cela représentait aussi. Dormir n’était pas une option.

- Ce n’est pas bien différent que moi, Rox, fit-il en insistant sur mon surnom. Et depuis que je dors ici, quand tu es là, je ne rêve plus à mon accident. Peut-être que ça fonctionnera pour toi aussi?

- Newt, j’ai déjà dormi pendant que tu étais là et… ça n’a rien changé. Et je ne veux pas te faire mal par accident.

- Moi, je crois que ça fonctionnera cette fois, car tu es dans un lit. Et je suis juste à côté. Fais-moi confiance.

Je tournai mon visage vers lui et cherchai à le regarder dans les yeux, mais ils faisaient trop noir. Je laissai donc tomber ma tentative et secouai à nouveau la tête. Je ne pouvais pas me permettre de dormir. Un rêve me suffisait. Je n’en voulais pas deux. Je l’entendis soupirer, puis prendre une inspiration et je manquai bondir hors du lit en sentant une main se saisir de la mienne. Il se pencha alors vers moi et je sentis son souffle contre mon oreille lorsqu’il dit :

- Fais-moi confiance, Rox. Je ne te lâcherai pas. Et je vais même attendre que tu t’endormes avant d’en faire de même.

- Mais…

- Je ne lâcherai pas le morceau, me prévint-il.

- Jamais?

- Jamais, affirma-t-il et je sentais son sourire.

Je poussai un soupir déchirant, car je n’avais absolument aucune envie de dormir. Et de rêver encore. Mais s’il attendait réellement que je dorme pour en faire de même, je n’avais pas le choix. Il pressa gentiment ma main dans la sienne et je me sentis… étrange. C’était agréable, ça, c’était certain. Et même que je me sentais en confiance. Je capitulai rapidement :

- D’accord, tu as gagné…

- Parfait.

Suite à quoi il s’étendit à son tour correctement et posa la tête sur le second oreiller. Je fermai rapidement les yeux et contrairement à ce que je croyais, je m’endormis en quelques secondes. Apparemment, j’étais beaucoup plus épuisée que je ne l’avais cru de prime abord.

Je compris immédiatement que je rêvais en voyant à nouveau la fillette que j’étais. Toutefois, si mes calculs étaient exacts, je semblais avoir environ treize ans à ce moment-là. Et je n’étais pas seule. Mais pas avec tout le groupe non plus. En fait, il n’y avait que moi et…

- Newt! Lâchai-je en le voyant entrer dans la pièce où j’étais.

- Salut, Rox, dit celui-ci en s’approchant.

- Tu voulais me voir? M’enquis-je. Thomas a bien passé le message à Teresa et elle me l’a dit.

Il hocha de la tête, sans prononcer un mot. Il semblait un peu nerveux. Ne sachant pas trop quoi dire, ou faire. Ou c’était peut-être dû au fait qu’il était devenu plus grand et qu’il était maigre comme un clou, alors il ne savait pas trop quoi faire de ses bras. Et de ses membres en général. En tout cas, moi tout comme ma version plus jeune, on l’observait avec curiosité. Il passa sa main dans sa tignasse châtaine claire avec nervosité avant de lâcher :

- En fait, Minho m’a dit que… que c’était ton anniversaire. Bientôt.

- Oui, dit-elle en souriant. Je vais avoir treize ans, annonça-t-elle.

- Oui, humm… J’ai… J’ai un cadeau pour toi.

- Ah bon? s’étonna-t-elle avec des yeux stupéfaits.

- Oui…

Il sortit alors quelque chose de sa poche. Une petite boîte. Elle comme moi, on la reconnut immédiatement, c’était la boîte dans laquelle se trouvait la bille. Elle dit rapidement :

- Mais, Newt! Tu voulais la donner à ta soeur, c’est ce que tu as dit…

- Je n’arriverai peut-être même pas à la voir… soupira-t-il d’un ton douloureux. Et… je veux te la donner à toi.

- Mais je ne t’ai pas fait de cadeau, souffla-t-elle, dépitée.

- Les dessins en étaient un très bien, assura-t-il avec un grand sourire.

Ma moi plus jeune rougit légèrement et elle ajouta :

- Si tu veux… Je pourrais t’en faire un nouveau. De ta sœur. Je l’ai vu une fois. Je saurais le faire.

- Tu pourrais?

- Oui, pour toi je le ferai, dit-elle sans réfléchir. En échange, ajouta-t-elle.

- Alors tu veux bien de la bille? En plus, tu étais là quand je l’ai trouvé. C’est plus logique que je te la donne à toi qu’à ma sœur.

- Peut-être.

La jeune fille tendit la main et il déposa la boîte à l’intérieur. Elle en sortit rapidement la bille et un sourire émerveillé étira ses lèvres. Elle souffla :

- Elle est vraiment belle. Merci. Je ne m’en séparerai jamais, Newt. Je te le promets.

- Et je sais que tu tiens tes promesses, dit-il avec un sourire. Et il n’y a pas de quoi. Joyeux anniversaire, Rox.

Ils sourirent tous les deux en même temps et je restai surprise de me voir aller le serrer dans mes bras très fort. Il sembla surpris un instant, mais ses bras se refermèrent finalement eux aussi sur elle. Il semblait avoir rougi un peu, mais je n’en étais pas certaine.

- On ferait mieux de repartir, soupira avec dépit la jeune fille.

- Tu as raison, acquiesça Newt.

Sur ces mots, ils se serrèrent une nouvelle fois, la moi de treize ans le remercia à nouveau en répétant sa promesse de faire un portrait de sa sœur. Puis ils se séparèrent une fois en dehors de la salle, chacun allant dans une direction différente, probablement leur chambre respective. Je n’étais pas certaine de comprendre ce qu’il pouvait bien y avoir d’important avec ce rêve-ci, sauf peut-être d’apprendre d’où me venait la bille. Et que Newt avait une sœur, quelque part.


Pour la première fois depuis que je faisais ces rêves, je me réveillai calmement. Le souffle un peu court certes et avec un léger tiraillement à la tête, mais rien de plus dramatique. Je n’étais pas en sueur ou rien. Je constatai rapidement que j’avais encore la main enlacée dans celle de Newt. Je me sentis rougir lorsque je constatai la seconde suivante que j’avais changé de position pendant la nuit et que ma tête n’était plus sur mon oreiller, mais plutôt sur celle de Newt et que j’étais aussi largement appuyé sur son épaule.

Je n’eus que le temps d’éloigner ma tête de l’endroit où elle était et de cacher nos mains enlacées (j’avais bien essayé de me libérer, mais la prise de Newt était… trop forte, sans être douloureuse) avant que la porte de la chambre ne s’ouvre. Cela réveilla d’un coup mon voisin qui papillonna des paupières pour s’habituer à la lumière et jeta un regard endormi à Clint qui était dans l’embrasure avec le petit-déjeuner.

- Tu as fini par capituler et dormir dans le lit aussi, la bleue? S’amusa-t-il.

- Première nuit de sommeil depuis plusieurs jours, en fait. Et je m’appelle Roxy, Clint. Je m’en souviens maintenant! dis-je avec un grand sourire.

- Mais on l’appelle Rox, Minho et moi. C’est plus neutre.

- Alors, va pour Rox, acquiesça Clint. Bon, je ne reste pas plus longtemps, ajouta-t-il en déposant le plateau sur la commande.

Juste au moment où il refermait la porte, je le surpris avec un sourire amusé. Pourquoi un sourire amusé? Newt sembla soudain se rendre compte que nos mains étaient toujours entremêlées, car il me relâcha dans un sursaut pour finalement dire :

- Je te l’avais dit que je n’allais pas te lâcher!

- Oui, dis-je en me mordant les lèvres en me souvenant de mon rêve.

- Tu… Est-ce que tu as fait des rêves?

J’envisageai pendant une seconde de mentir en disant que ce n’était pas le cas, mais je trouvais que ce ne serait pas vraiment gentil de ma part après ce qu’il avait fait pour moi. J’hochai donc de la tête avant d’ajouter :

- Oui, un. Mais il n’était pas comme les autres. Ou du moins, je n’y ai pas réagi comme avec les autres.

- Dans le bon ou le mauvais sens? S’inquiéta-t-il.

- Dans le bon. Sinon, tu te serais réveillé beaucoup plus durement que ça, lui répondis-je en souriant.

- Tant mieux, alors! S’enthousiasma-t-il. Est-ce que tu veux m’en parler? Chuchota-t-il ensuite.

J’eus la très forte envie de me confier à lui. Sans trop le chercher, je me trouvai à plonger ma main dans ma poche de pantalon où j’avais rangé à nouveau la bille lorsque je m’étais changée. Je l’avais fait instinctivement, sans y réfléchir. Une fois que j’eus la bille en main, je la lui montrai en disant, très bas :

- Tu te souviens quand tu as dit que tu croyais que j’avais pris quelque chose qui était à toi?

- Oui, dit-il. J’ai été idiot, tu n’es pas une voleuse.

- Eh bien, tu n’avais pas totalement tort, ajoutai-je toujours sur le même ton. Elle était à toi, mais tu me l’as donnée. En cadeau. Pour mon anniversaire.

- Vraiment? S’étonna-t-il.

- Oui. Je crois que c’était comme un retour pour les dessins, continuai-je en changeant très légèrement la vérité. Est-ce que tu voudrais la ravoir? M’enquis-je malgré qu’une partie de moi ressentit un déchirement à l’idée même de m’en séparer.

- Non, garde-la. Je ne me souviens peut-être pas de te l’avoir donnée, mais je te crois quand tu dis que je l’ai fait. Et ça veut sans doute dire que j’avais une bonne raison. Mais tu avais quel âge à l’époque?

- Je venais d’avoir treize ans, je crois.

- Sérieusement? Et tu l’as encore?

- J’ai promis de la garder, dis-je en haussant des épaules. Bon, je ne sais pas pour toi, mais j’ai faim! M’exclamai-je à haute voix et en me redressant correctement.

Il eut un sourire affamé et je me levai rapidement. Chose qui ne fut apparemment pas une très bonne idée, car je sentis immédiatement comme si le sol tanguait sous mes pieds. Ceux-ci exécutèrent une petite danse pas très élégante et absolument pas intentionnelle. Et je retombai finalement sur le lit.

- Bon, je crois que tu devrais y aller plus doucement, souffla Newt et je sentis son inquiétude.

- Sans doute que tu as raison, concédai-je et je me relevai plus doucement.

Je m’avançai alors par petits pas jusqu’à la commode, pris le plateau qui était plus grand qu’auparavant, car Clint trouvait que ça lui faisait sauver du temps plutôt que devoir en trimballer un, pour ensuite retourner en cuisine et revenir avec l’autre. D’autant plus que maintenant on était dans la même chambre.

J’attrapai le plateau avec des mains tremblantes et revins à un rythme encore plus lent. Je n’avais pas envie de faire un faux pas et de tout renverser. En premier lieu, car j’avais faim et je ne voulais pas avoir à attendre plus longtemps. Ensuite, car Newt mourait de faim et que je ne voulais pas qu’il attende plus longtemps. Et finalement… parce que ce serait du gaspillage tout simplement. Lorsque j’arrivai finalement au lit, j’avais le front en sueur et c’est tout juste si je réussis à ne pas tout renverser sur le lit. Newt me le prit gentiment des mains, mais je le vis froncer des sourcils en voyant à quel point mes mains tremblaient.

- Est-ce que ça va? S’enquit-il.

- Je suppose que c’est mon coup à la tête, soufflai-je d’une voix rauque.

- Probablement, acquiesça-t-il, les sourcils encore plus froncés. On devrait en parler à Clint… ajouta-t-il.

- Si on fait ça, Minho et moi, on aura des problèmes. Et puis, ça va passer. J’en suis sûre.

- Je préfèrerais ne pas prendre de chance, Roxy.

Je me contentai de hausser des épaules sans rien répondre et séparai le contenu du plateau en deux, tout en prenant soin d’en mettre plus de son côté, car je savais qu’il mangeait bien plus que moi. Quand ce fut fait, on se mit à manger tous les deux dans un silence sépulcral. J’avais l’impression de l’avoir énervé, même si je ne savais pas trop pourquoi. Car je ne voulais pas me faire examiner? À ma connaissance, Clint ne serait pas en mesure de me dire si j’avais une commotion!

Le reste de la journée fut plutôt calme. Je continuai mes portraits des différents matons, sans que ni Newt ou moi ne prononcions un mot. À quelques reprises j’eus des étourdissements qui me firent échapper mon crayon, mais ils se passèrent après quelques secondes alors je n’en fis pas de cas. Lorsque Clint vint porter le déjeuner, je vis bien les lèvres de mon ami se pincer et ses épaules se tendre. Il voulait le lui dire, mais respectait mon choix. Du moins, c’est ce que je croyais… Jusqu’à l’heure où Clint revint pour la troisième et dernière fois de la journée. Pour le diner. Là, Newt lâcha rapidement avant que je n’aie pu l’en empêcher :

- Clint, Rox s’est frappé la tête contre quelque chose et elle a des étourdissements depuis.

Puis il continua en lui expliquant comment c’était arrivé, modifiant un ou deux détails au passage, quand le Medjack lui demanda des renseignements. Je sentis comme un éclat de glace me perforer le cœur en voyant qu’il n’avait pas respecté mon choix. Et pendant qu’il parlait, je le dévisageai, les yeux ronds et sans doute un air blessé au visage.
Pièces jointes
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