Salut! Voici le nouveau chapitre, bonne lecture
Chapitre 2 - Souvenirs
- Attends, t’as besoin de… quoi? Des bandages? S’étonna Minho en lisant par-dessus mon épaule.
Je poussai un soupir. On était rentré à la grange immédiatement après qu’il m’ait montré ce qu’il avait en main. Et là, il semblait quelque peu confus face à ce que j’écrivais. Sa première exclamation avait été concernant ma demande d’élastiques, mais surtout lorsque j’avais ajouté des épingles à cheveux. J’avais réussi à lui faire comprendre le pourquoi, en lui disant que ça m’aiderait à garder ma masse de cheveux sur ma tête, sans avoir à craindre qu’ils me tombent dans le dos. Ou que j’aie à les couper.
Mais maintenant, il me demandait concernant les bandages. Le rouge me monta légèrement aux joues tandis que je réfléchissais à
comment lui expliquer ça. Je me massai le front pour m’aider à réfléchir et finit par lâcher :
- Écoute, je sais bien que je ne suis pas très pourvue à ce niveau, mais franchement, ça ne passera pas non plus inaperçu. Et je n’ai aucun surplus de poids, donc…
Tout en parlant, j’avais pointé ma poitrine des doigts. J’ajoutai rapidement en le voyant me dévisager avec des yeux ronds :
- Je vais donc faire en sorte, avec les bandages, de rendre le tout plus… plat. Et uniforme.
- Oh, fut sa seule réponse.
Je rougis à nouveau lorsqu’il jeta un coup d’œil à ma poitrine avec un air pensif.
- Arrête de mater! Grommelai-je.
- Je ne… commença-t-il, avant de s’interrompre en voyant mon regard inquisiteur. D’accord, oui, je matais. Donc… Tu vas te transformer en demi-momie, c’est ça? Plaisanta-t-il.
- C’est ça.
- Mais on en a déjà à l’infirmerie, des bandages, fit-il remarquer.
- J’aime mieux n’enlever rien.
Il sembla comprendre et je poursuivis ma liste en écrivant une casquette et quelques autres choses qui pourraient m’être utile pour ma métamorphose. Quand j’eus enfin terminé ma liste, je me levai d’un bond en même temps que Minho et alors qu’on s’apprêtait à ouvrir la porte, celle-ci s’ouvrit devant nous en laissant passer Alby et Newt. Je me penchai sur le côté pour regarder à l’extérieur et comme je m’y attendais, je retrouvai Gally et Clint qui attendaient.
- Donc, comme je te l’ai dit tout à l’heure… Ça, c’est Alby. Celui qui est, pour la majorité d’entre nous, le chef.
- Merci pour cette noble considération, Minho, grommela Alby.
J’ignorais pourquoi Minho avait cru bon de faire comme si on avait effectivement parlé de plusieurs choses, car ce n’était pas le cas. Cela dit, j’étais déjà au courant pour le fait qu’Alby était leur chef. Ce n’était pas trop compliqué à comprendre, en fait. Enfin, qu’importe. Je lançai sur un ton peut-être un peu trop défieur :
- Alors, vous avez décidé de mon sort?
- Oui, affirma Newt en me regardant étrangement. Tu vas passer quelques temps à l’infirmerie. Dans une chambre de quarantaine.
- Pour combien de temps? Marmonnai-je en sentant la bonne humeur qui m’avait animé depuis une heure s’estomper.
- Peut-être une semaine. Le temps que l’on puisse tâter le terrain avec les autres matons. Et prendre une décision… affirma Alby.
Minho et moi, on se jeta un regard complice et sans pouvoir s’en empêcher, mon compagnon de méfait lança :
- Ah, mais c’est parfait!
- Qu’est-ce qui est parfait? S’enquit Alby en fronçant les sourcils.
- La bleue… commença Minho avant de s’interrompre en voyant mon regard inquisiteur à nouveau.
La bleue a eu une idée. Elle va devenir
un bleu.
- Hein, quoi? s’étonna tout le monde, y compris les deux personnes à l’extérieur.
Sans trop se préoccuper de tout ça, Minho attrapa Alby par les épaules et le fit rentrer à l’intérieur un peu plus, puis fit la même chose, quoique plus délicatement avec Newt. Après quoi, il invita les deux autres à entrer avec un mouvement empressé de la main.
Dès que la porte se referma dans le dos des deux autres, il se tourna vers moi et me fit signe de m’expliquer. Songeant qu’une image valait mille mots, je recommençai à enrouler mes cheveux pour former une queue de cheval, avant de me les aplatir sur la tête. Après quoi, je dis, en maintenant mes cheveux en place :
- Avec certains accessoires appropriés… Je pourrais me métamorphoser. En gars. Comme vous tous. Visuellement, en tout cas. Ce qui vous donnerait un peu plus de temps pour voir si la présence d’une fille dans votre camp troublera tout.
- Ce n’est pas une mauvaise idée, admit Gally, malgré qu’il me jetait encore des regards soupçonneux.
- Je suis d’accord aussi, renchérit Alby.
- Alors, il ne reste qu’à mettre cette liste dans... vous l’appelez comment, déjà? La Boîte? Dis-je en tendant la liste à Alby et en relâchant mes cheveux.
- C’est ça, affirma Newt en nous jetant un étrange regard à Minho et moi.
Pourquoi est-ce qu’il n’arrêtait pas de me regarder comme ça, au juste? Comme si… je le dérangeais? Je pris sur moi pour ne pas déglutir de manière trop intense et essayai de ne pas prêter attention à la part de moi qui criait que je le connaissais. C’était impossible. Je n’étais jamais venue ici. Quant à ma vie antérieure au Bloc… Qui sait? Mais c’était improbable. Hautement improbable.
Alby tendit alors la liste à Gally et lui dit d’aller la porter dans la Boîte, ce dernier s’exécuta sans discuter. Il dit ensuite :
- J’y vais aussi. Newt, Minho et Clint, occupez-vous de notre bleu. Et…
Newt, tu retournes dans ton lit dès que vous arrivez à l’infirmerie. C’est un
ordre.
L’intéressé leva les yeux au ciel, mais acquiesça du chef tandis qu’Alby sortait déjà de la grange. Alors qu’on restait tous là, planter comme des piquets, Minho lança :
- Je peux m’occuper de notre bleu, dit-il. Prenez de l’avance, on vous rejoint.
Newt le regarda en fronçant des sourcils, mais haussa finalement des épaules et fit signe à Clint de le suivre. Ce dernier le suivit rapidement, sans demander son reste. Dès que la porte fut refermée et que cela fit deux minutes qu’ils étaient partis, Minho me dit :
- Clint est un Medjack. C’est ce qui ressemble le plus à des « médecins » par ici. Cela dit, je ne sais pas s’ils sont très doués.
Il lâcha un petit rire avant de continuer :
- Tu vas voir, dans les prochains jours, tout le monde travaille tout le temps. Tout le monde. Personne n’a le droit de traîner de la patte. On fait sa part. C’est l’une de nos règles. On n’attaque personne…
- C’est pour ça que tu m’as sauvagement attaqué? Dis-je en plaisantant.
Il leva les yeux au ciel, mais un sourire étirait ses lèvres lorsqu’il poursuivit :
- Autre chose… Je sais que j’ai dit qu’on ne devait pas t’en faire part, mais comme tu vas être assignée à résidence pendant une semaine… je ne vois pas de mal à t’en parler. Tant que tu jures de garder le silence, ne dit à personne que je vais t’avoir dit ce que je vais te dire.
- D’accord… Je te jure de garder le secret, promis-je en fronçant les sourcils.
- Ce que je cartographie, chaque jour… C’est un labyrinthe. On est en plein cœur d’un labyrinthe, la bleue. Et chaque jour les portes s’ouvrent, pour se refermer un peu avant le crépuscule.
Personne n’a le droit d’y entrer, excepté les Coureurs.
- Pourquoi tu as voulu me le dire? Demandai-je en blêmissant.
- Pour ne pas que tu fasses une bêtise en voyant les portes s’ouvrir demain, dit-il en souriant. Non, en fait, je ne vois pas pourquoi on ne le dit pas tout de suite aux bleus, c’est tout. Il y a des
choses, dans le labyrinthe. Des Griffeurs, qu’on les appelle. Tu ne veux pas les rencontrer. Je te jure.
Je fronçai les sourcils. Pourquoi me disait-il cela? Malgré que son ton me semble préventif, il semblait analyser ma réaction. Certes, c’était quelque peu angoissant, tout ça. Mais j’étais surtout curieuse. Intriguée. Il me fit soudain signe qu’on ferait mieux d’y aller et à nouveau, il éteignit la torche.
Une fois dehors, je lui demandai à voix basse et en modulant ma voix pour qu’elle soit un peu plus rauque :
- Les Blocards… c’est nous, pas vrai? Ceux qui habitent dans le Bloc.
- Tu es très perspicace, dis donc, se moqua-t-il.
Je lui adressai une grimace dans l’obscurité et me demandai soudain comment j’avais pu autant me rapprocher facilement de Minho. J’arrivais presque à le considérer comme un
ami. Ami, un mot presque mythique à mes oreilles. Comment pourrait-il en être autrement alors que je ne me souvenais même pas de ceux que j’avais pu avoir auparavant?
Après une quinzaine de minutes, on arriva à ce qui devait être l’infirmerie. Minho me conduisit alors à l’étage jusqu’à la porte où se tenait déjà Newt et Clint. Ce dernier m’ouvrit la porte et je poussai un soupir en pénétrant à l’intérieur. Minho me conseilla :
- Dors bien. Et profite de ta semaine tranquille, car toutes les prochaines ne le seront pas!
Sur ces mots, ils refermèrent la porte. Un nouveau soupir m’échappa et je me dirigeai à petits pas vers le lit. Mais, étrangement, je n’avais pas sommeil. Je n’avais qu’une envie, et c’était… me promener. Marcher. Bouger. Faire quelque chose. Alors même que j’avais entendu des bruits de pas s’éloigner, j’entendis des voix étouffées de l’autre côté de ma porte. Je m’approchai alors à pas de loup et entendit :
- Pourquoi tu demandes ça, Newt? Demandait Minho.
- Tu semblais vraiment complice avec la bleue, Minho. Et on ignore encore si… si on peut lui faire confiance. Fais attention, c’est tout ce que je te dis. Qui sait pourquoi ils nous l’ont envoyée?
- Ce n’est pas moi qui la dévore du regard à chaque fois qu’elle regarde ailleurs, rétorqua l’asiatique et je devinai qu’il avait les sourcils froncés.
- Personne ne la dévore du regard quand elle regarde ailleurs! protesta monsieur béquille.
- Baisse d’un ton ou elle va savoir que tu la regardes comme si elle était le meilleur steak que tu n’avais jamais vu!
- C’est faux! C’est juste que…
- C’est juste que… quoi? s’enquit Minho, impatient.
Je n’entendis aucun nouveau son prouvant que quelqu’un disait quelque chose, mais je discernai distinctement les bruits de pas qui s’éloignaient. D’accord, apparemment, ils n’avaient pas voulu prendre de chance que je les écoute en douce. Je poussai un soupir dépité. Apparemment, Newt ne m’aimait vraiment pas. J’étais presque certaine que la raison pourquoi il me regardait autant, c’était dû au fait qu’il ne me faisait pas confiance. Et Minho ne pouvait qu’avoir tort quant à ses allusions. Forcément.
Je retournai à mon lit et m’y assis résolument. Mais je n’avais toujours pas sommeil. Je fouillai alors mes vêtements, par réflexe. Ma main se glissa dans ma poche et alors que je m’attendais à y retrouver que du vide, mes doigts se refermèrent sur… quelque chose. Mes sourcils se froncèrent et je sortis lentement ma main avec l’objet.
C’était une simple bille.
Enfin, simple était un peu dérisoire, car elle était magnifique. Vraiment. D’une couleur très sombre, elle était pigmentée de plusieurs points qui semblaient représenter les étoiles. Il y avait quelques anneaux et une planète. Je n’eus aucun mal à me souvenir que ce devait être une représentation fictive de l’espace. Je m’apprêtais à déposer la bille sur ma table de chevet avec un sourire amusé, car j’ignorais totalement pourquoi j’avais cette babiole inutile avec moi. Vraiment, aucune idée.
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Sauf qu’au moment de la déposer, je ressentis un pincement étrange au cœur. Comme si, cette babiole, était plus importante que tout à mes yeux. Mais j’ignorais pourquoi. Toutefois, il était clair que mon être lui-même se révoltait à l’idée de laisser la bille là, à la vue de tous. Sans même vraiment sentir mon geste, je remis la bille dans ma poche. Mais la question persistait, qu’est-ce que ça pouvait bien être pour que ce soit si important? Cela me venait-il de mes parents? Peut-être… Un sourire heureux étira mes lèvres tandis que j’y pensais. C’était peut-être mon seul souvenir d’eux…
Chassant ces songes de mon esprit, je laissai échapper un bâillement. D’accord… il était probablement temps de dormir, finalement. Je m’étendis donc sur le lit et à peine avais-je la tête sur l’oreiller que je me sentis sombrer dans un profond sommeil.
Une femme en tenue complètement blanche se tenait immobile, aux côtés d’un homme. Les cheveux bruns de la femme étaient remontés en chignon derrière sa tête, tandis que l’homme portait les cheveux très courts. Tous deux se tenaient debout devant une table d’examen. Et il y avait un corps qui semblait inerte, dessus. Et au niveau de la tête, il y avait un appareil étrange qui produisait des petites lumières clignotantes à intervalle régulier.
- Que font-ils? Demanda soudain une petite voix.
- Ils observent ce qui se passe dans sa tête, répondit une autre petite voix.
- Pourquoi? s’enquit une troisième voix.
- Je ne sais pas. Ils ont dit que c’était important. Et qu’on devait regarder, reprit la seconde voix.
Lentement, ce fut comme si l’objectif de la caméra reculait et laissa voir un petit groupe d’enfants derrière une autre table qui les séparait des adultes et du corps immobile. Chacun avait un carnet devant lui. Les petits ne devaient pas avoir plus de huit ou neuf ans et observaient ce qui se passait avec une franche et innocente curiosité. Ils n’arrivaient pas très bien à voir le corps, d’où ils étaient. Mais ce dernier était couvert de veines noires et saillantes. Un liquide noir s’échappait de sa bouche à chaque fois qu’il parlait, crachait…
Soudain, il y eut une intense lumière rouge et la personne inerte sur le lit se redressa d’un coup en envoyant valser les deux adultes ainsi que la machine qu’il avait sur la tête. Laissant apparaître son affreux visage aux enfants. Ceux-ci poussèrent immédiatement un cri aigu et l’une des petites filles en cassa son crayon en sursautant. Sur son cahier commençait à apparaître, malgré les traits grossiers de départ, la forme de ce qui ressemblait fortement à un labyrinthe avec un petit lapin au centre.
L’être, complètement possédé, se débattit furieusement, mais ses bras et ses jambes étaient rattachés à la table d’examen. Il hurlait, mais ce n’était pas des mots. C’était comme le hurlement lugubre d’une bête à l’agonie ou enragée. Les deux adultes se redressèrent rapidement et alors qu’il tentait de maîtriser la créature à apparence humaine, celle-ci se débattit tant et tant, que quelque chose sortit des poches de son pantalon. C’était une minuscule petite boîte. Et elle tomba à moins d’un mètre des enfants. L’un des petits garçons, celui avec les cheveux blonds et légèrement maigrichon, s’avança à pas de loup en direction de l’objet.
- N’y va pas, lui souffla une jeune fille aux cheveux de miel.
- Laisse-le faire… marmonna le petit Asiatique. Ça pourrait être amusant.
Ils avaient déjà oublié la créature sur son lit, maintenant assommée par les deux adultes. Avant que ceux-ci n’aient eu le temps de se retourner, le petit garçon avait ramassé l’objet et avait rejoint ses camarades.
- Vous allez bien, les enfants? S’enquit avec une voix douce la femme.
- Oui, affirmèrent-ils tous en cœur.
Puis, comme les adultes regardaient à nouveau ailleurs, le blondinet sortit sa trouvaille de sa poche et déballa la petite boîte qui était enveloppée dans du papier de plusieurs couleurs différentes. Après quoi, une fois la boîte mise à nue, il retira le couvercle, laissant apparaître une bille. Une bille magnifique découvrant une planète entourée d’étoiles. Les enfants eurent tous un petit air d’envie à l’égard du blond alors qu’il rangeait son trésor dans sa poche. La petite fille aux cheveux de miel regardait encore la boîte avec émerveillement en ayant en mémoire la beauté de l’objet.
Lorsque je me réveillai, j’étais en nage dans mon lit. Mon t-shirt était trempé de sueur et mon cœur battait à toute vitesse. Et pour ne rien arranger, c’est à ce moment-là qu’on ouvrit la porte. Je tournai un visage paniqué en direction de la porte et croisai le regard étonné d’à la fois Newt et Clint.
- Nom de Dieu, la bleue, est-ce ça va? Lâcha spontanément le premier et je sentis à nouveau un étrange frisson en entendant son accent prononcé.
Je vins pour répondre rapidement que tout allait bien que ce n’était que la chaleur… car il fallait avouer qu’il faisait plutôt chaud dans la chambre. Toutefois, le rêve me revint brusquement en mémoire et la panique m’étreignit à nouveau le cœur. Mon rythme cardiaque s’accéléra encore alors que je revoyais le visage de la créature. Qui était forcément humaine. Et… et j’avais sa bille dans ma poche. Mais comment était-ce possible? C’était le petit garçon blond qui l’avait prise!
- Je… lâchai-je en essayant de m’expliquer.
Le Medjack arriva en quelques secondes à mes côtés et posa le dos de sa main contre mon front. Il annonça ensuite, alors que Newt s’approchait avec ses béquilles :
- Tu es bouillante.
- Je… Ce n’est rien. Ça doit être la chaleur. Est-ce qu’on peut ouvrir la fenêtre? J’ai… j’ai seulement… commençai-je à m’expliquer, mais je pus me rendre jusqu’au bout, l’émotion me nouant la gorge.
Les larmes me montèrent aux yeux et je détournai la tête. Instinctivement. Apparemment, je n’aimais pas que l’on me voit comme ça. Vulnérable. Soudain, la voix de Newt me parvint et il dit :
- Tu peux pleurer, tu sais. Tout le monde pleure pendant sa première semaine dans le Bloc.
Je secouai de la tête et ravalai mes larmes, même si cela me donna l’impression de m’être sablé la gorge avec du granit écaillé. Je me retournai alors vers mes deux visiteurs. Ce qui me permit de constater que Clint était allé ouvrir la fenêtre. Je pris une grande inspiration pour me calmer les nerfs, malgré que les images résiduelles de mon rêve n’arrêtaient pas d’apparaître dans ma tête. Après quoi, je dis d’une voix calme :
- Ça va. Je vais bien. C’était seulement la chaleur… Et j’ai fait un cauchemar. Rien de dramatique.
Newt me jeta un regard dubitatif, mais n’insista pas. Clint me lâcha ensuite :
- Je venais simplement voir si tu étais réveillée et prête à prendre le petit-déjeuner. J’ai croisé Newt en venant ici et je n’ai pas réussi,
encore, à le faire retourner dans sa chambre.
- Comme c’est ennuyeux, dit l’intéressé et je surpris un sourire amusé passer sur ses lèvres.
Le Medjack lui adressa un regard ennuyé, mais poursuivit :
- Je devais aussi aller lui en chercher. Mais il ne l’aura que
s’il retourne dans sa chambre.
- Ça fait deux semaines que je passe dans cette chambre, tocard. Et c’est
ennuyant, protesta Newt. Pourquoi je ne resterais pas ici et apprendrais deux ou trois trucs à la bleue?
- Parce qu’aux dernières nouvelles, notre bleu est contagieux. D’où la quarantaine.
Newt leva les yeux au ciel, mais accepta néanmoins de sortir de la chambre. J’arrivais toutefois à le comprendre. Je n’avais pas passé une seule journée dans cette chambre et je sentais déjà que j’allais m’emmerder comme pas possible. Je poussai un soupir en les voyant sortir tous les deux et refermer la porte.
Je n’aurais pas détesté de la compagnie… Mais en même temps, je n’étais pas certaine de vouloir de celle de Newt. Premièrement, il semblait ne pas être désireux de me faire confiance. La seconde… je n’arrivais pas à comprendre pourquoi, mais alors là
pourquoi il me disait quelque chose. D’un geste mécanique, j’enfonçai ma main dans ma poche et en ressortis la bille. J’eus un petit frisson en me souvenant de mon rêve et je fus tentée de jeter la bille par la fenêtre, mais à nouveau j’en fus incapable. Quelque chose de profond m’empêchait de le faire. Je marmonnai pour moi-même en la remettant dans ma poche :
- Et puis, bon… ce n’était qu’un rêve, n’est-ce pas?
Suite à ma tentative de me réconforter moi-même, je me dirigeai vers la fenêtre, tout en m’assurant qu’on ne pouvait pas me voir d’en bas. Je pus alors constater à quel point le Bloc était grand et bien organisé. Et aussi à quel point les murs tout autour qui séparait le Bloc du Labyrinthe était haut. En voyant le lierre qui le recouvrait, je sentis à nouveau cette démangeaison dans mes mains. Comme si… comme si elles ne demandaient qu’à grimper et voir jusqu’où elles pouvaient se rendre. Je ne sais pas qui j’étais avant de perdre la mémoire, mais j’avais le sentiment que j’étais une grimpeuse.
Je cherchai ensuite des yeux les portes dont m’avaient parlé Minho et les repérai rapidement. Que se trouvait-il de l’autre côté? Pourquoi n’avait-il rien trouvé en un peu plus d’un an? Je ne comprenais pas…
J’étais dans ces réflexions sur le labyrinthe et ses secrets lorsque Clint refit son apparition avec un plateau-repas. Il le déposa rapidement sur la commode et sortit tout aussi vite. Apparemment, les interactions sociales ne seraient pas pour maintenant. Je poussai un nouveau soupir avant de m’approcher de la commode pour prendre le plateau-repas et aller m’asseoir sur mon lit. La journée s’annonçait longue, pensai-je en prenant une première bouchée de la pomme.
Malheureusement pour moi, je terminai bien trop vite ma portion de nourriture et je me retrouvai à me tourner les pouces. Sauf que j’en eus rapidement marre et je bondis sur mes pieds avant de faire les cent pas. Allai-je vraiment devoir rester coincé ici toute une semaine? À ne rien faire? Sans parler à qui que ce soit? Enfin, ce qui me posait surtout problème c’était le fait de rester coincé ici à ne rien faire. En soi, si je me trouvais une occupation, le besoin de parler ne se ferait pas autant ressentir. Comment Newt avait-il fait pour rester cloîtré deux semaines? En tout cas, je le comprenais d’avoir voulu échapper à plusieurs reprises à ces chambres ennuyantes…
Alors que je marchais de manière de plus en plus énergique, j’entendis la porte s’ouvrir dans mon dos. Mon cœur rata un battement et je me retournai d’un bond, paniquée. Et si c’était quelqu’un d’aut…
- Pour quelqu’un qui est malade, tu fais pas mal de bruit… lança Newt en croisant mon regard paniqué.
Je poussai un soupir soulagé et me calmai instantanément, malgré que je sentis un certain malaise m’envahir. Je n’étais pas très partisane d’être dans une pièce, seule, avec quelqu’un que je savais qu’il ne m’aimait pas. Je passai une main lasse dans mes cheveux et m’obligeai à m’asseoir sur mon lit avant de marmonner :
- Je n’ai rien à faire dans cette chambre. Et je n’ai pas envie de passer la journée à dormir. Et toi? T’es pas censé être au lit, ou quelque chose du genre?
Je pris soin d’éviter son regard aux yeux bruns foncés. Il y avait quelque chose qui m’intimidait avec ses yeux. Et ça me donnait trop l’impression que je le connaissais bel et bien. Il poussa à son tour un soupir et je l’entendis refermer la porte et s’appuyer contre un mur. Ou peut-être contre la commode? Je n’en savais trop rien, car je venais de baisser les yeux au sol, évitant de le regarder lui. Il répondit après une minute :
- C’est ce qu’ils voudraient tous que je sois encore en train de faire, c’est sûr. Mais ce n’est pas comme si c’est ça qui va m’aider. Après, Clint a eu une urgence. Donc j’ai le champ libre pour… une vingtaine de minutes, je dirais. Un Trancheur s’est encore mis le doigt au mauvais endroit…
- Un Trancheur? M’enquis-je, étonnée.
- C’est eux qui s’occupent des animaux et de l’abattage.
- Oh…
Je ne prononçai rien d’autre. Je me demandais seulement pourquoi il était ici. Pourquoi il était venu me voir alors que ma présence ne semblait pas lui plaire. Je me risquai un bref coup d’œil dans sa direction et je le surpris à regarder la fenêtre de là où il était. Pourquoi était-il là? Si la compagnie lui manquait à ce point, pourquoi ne demandait-il pas à un de ses amis de venir le voir?
Quelques minutes s’écoulèrent encore et je l’entendis quitter la commode, car c’était bel et bien là qu’il s’était appuyé, pour se rendre à la fenêtre où il s’appuya nonchalamment contre le cadre. Je le détaillai encore un instant et je sentis ma gorge se nouer. J’avais
vraiment l’impression de le connaître. Mais
comment cela pourrait-il être possible? Je laissai glisser ma main dans ma poche à nouveau et me remis à jouer nerveusement avec la bille. N’y tenant plus, je finis par lâcher en regardant la bille ronde dans ma main :
- Pourquoi tu es venu ici? Je sais que tu ne m’aimes pas. Tu me détestes peut-être. Ou, dans tous les cas, tu ne me fais pas confiance… Pourquoi?
Je jetai un coup d’œil dans sa direction, assez pour le voir se raidir au niveau des épaules et de l’avant-bras qu’il utilisait pour s’appuyer. Je constatai par le fait même qu’il semblait plus s’appuyer sur sa jambe gauche. Que lui était-il arrivé? Je n’eus pas le loisir d’y réfléchir très longtemps, car il me dit :
- Ce n’est pas que je ne t’aime pas. Mais c’est vrai que je ne te fais pas confiance. Il y a quelque chose… Je ne sais pas. Ce que je ne comprends pas, surtout. C’est pourquoi
toi. Pourquoi ils t’ont envoyé. Pourquoi en pleine nuit? Mais surtout, pourquoi
toi. En un peu plus d’un an, on a toujours été que des mecs, ici. Pas une fille. Pas une seule. Et maintenant tu débarques… et j’ai l’impression que…
Il n’eut pas l’opportunité de poursuivre, car on se figea tous les deux, lui davantage que moi en entendant des bruits de pas sonore se diriger dans notre direction. Mon sang ne fit qu’un tour et sachant qu’il risquait des ennuis en restant là, je soufflai d’une voix pressante :
- Vite, derrière la porte!
Il marmonna quelque chose d’inintelligible pour moi, mais attrapa aussi vite que possible ses béquilles et se dirigea derrière la porte qui, heureusement, s’ouvrait vers l’intérieur. Pour ma part, je m’allongeai sur mon lit et posai mon regard sur le plafond en tapotant le lit du bout des doigts. Mais dans mon empressement à me mettre dans cette position, j’échappai la bille. Je l’entendis tomber sur le sol et rouler plus loin, mais je n’eus pas l’opportunité d’aller la chercher, car la porte s’ouvrit en grand sur Clint. Il jeta un regard suspicieux dans ma chambre et me demanda :
- Est-ce que tu as vu Newt?
Je restai comme j’étais à fixer le plafond, malgré que du coin de l’œil je pouvais voir que le pied droit et un bout de béquille de Newt dépassaient de la porte. Je déglutis discrètement et comme si je sortais d’une bulle, je me redressai sur un bras et dis en bâillant :
- Paardon? Tu disais? J’étais dans la lune… C’est vraiment ennuyant ici…
- Est-ce que tu as vu Newt? Répéta rapidement Clint en me jetant un bref regard ennuyé.
- Si c’était le cas, je ne crois pas que je serais couchée sur mon lit à essayer de tuer le temps, mentis-je avec brio en élevant un sourcil. Et puis, pourquoi est-ce qu’il serait venu me voir?
Le Medjack haussa des épaules en affirmant :
- Il le voulait tout à l’heure, alors je me suis dit que…
- Eh ben, tu t’es trompé. Il n’est pas là, le coupai-je rapidement. Est-ce que je peux retrouver mon calme et pathétique ennui mortel, maintenant?
Mon interlocuteur leva les yeux au ciel et marmonna, sans doute plus pour lui-même que pour moi, en sortant :
- Il doit être encore parti en vadrouille dehors. Je ferais mieux d’aller voir…
La porte se referma dans son dos et j’eus tout juste le temps de voir le visage de Newt refléter un sentiment de soulagement. Après quoi, son regard se posa sur moi, interrogatif. Pour ma part, j’aurais bien aimé savoir ce qu’il avait l’intention de dire avant l’interruption… mais je n’avais pas l’impression que cela allait arriver. Mon instinct me disait que son ouverture s’était refermée en même temps que la porte s’était ouverte.
Je me levai de mon lit rapidement et me penchai pour ramasser la bille qui avait roulé jusqu’à la fenêtre. C’est à peine si je m’aperçus que Newt s’était rapproché. J’en pris seulement conscience lorsque je vins pour refermer la main sur la bille et qu’il s’écria, me faisant l’échapper à nouveau :
- Hé, qu’est-ce que tu as là!
Mon cœur battait à toute vitesse, mais je réussis à reprendre la bille sans avoir les mains tremblantes et à lui montrer. Je vis son visage paraître confus avant de dire :
- Je… J’avais cru que c’était quelque chose qui m’appartenait. Désolé.
- Je suppose que ça prouve que tu ne me fais pas confiance, hein? Dis-je avec un ricanement nerveux.
- Je suis désolé, vraiment, insista-t-il. Et merci de m’avoir couvert, tu n’étais pas obligée. Je devrais y aller, maintenant.
En disant ces derniers mots, il faisait déjà demi-tour. Alors qu’il ouvrait la porte, je lui dis :
- Pas de quoi.
Je n’eus aucune autre réponse que la porte qui claqua dans son dos. C’était étrange. Vraiment étrange, pendant notre très bref entretien… j’avais eu l’occasion de souhaiter qu’il s’en aille. Mais maintenant qu’il était parti, je me demandais s’il allait revenir. Il y avait clairement quelque chose qui ne tournait pas rond chez moi. Il avait avoué ouvertement qu’il ne me faisait pas confiance. Et sans le dire explicitement, qu’il ne voulait pas de ma présence ici. Alors, pourquoi diable voulais-je de la sienne? Parce qu’il semblait m’être familier? Pour autant que j’en savais, il pouvait très bien ne pas être une bonne connaissance.
Un soupir s’échappa de mes lèvres et je me relevai. Une autre impression m’étreignait. Malgré que je ne l’avais pas vraiment compris sur le coup. Lorsque Newt avait mentionné la raison de son escapade ici, il avait dit que c’était ce qu’ils voudraient qu’il fasse, rester dans son lit. Mais que ce n’était pas ça qui pourrait l’aider. Or, j’étais presque certaine que le problème de santé qu’il avait, c’était sa jambe droite. Mais… le lit devrait aider à se rétablir, dans ce cas. Même deux semaines, c’était peu pour ce genre de blessure. Sauf si c’était quelque chose de plus profond.
Une vague d’énervement monta en moi quand je me fis la réflexion que je ne saurais jamais si mes soupçons étaient les bons, car il n’y avait aucun moyen qu’il se confie à moi. Pour se confier, il fallait avoir confiance. Et je n’avais pas sa confiance. Ce qui, pour une raison que je ne m’expliquais pas, me peinait. Je donnai un coup de poing rageur sur ma cuisse. La légère douleur qui en résulta fut loin de me calmer. Je ressentis à nouveau une démangeaison dans les mains, mais cette fois, différente.
Je n’avais pas envie de grimper aux murs. Ou n’importe où. J’avais l’impression que ma main se languissait d’un objet. Je laissai ma paume prendre la position qu’elle voulait et en jetant un œil au résultat je compris. Un crayon. Et probablement du papier. Avec un haussement d’épaules, je retournai m’asseoir sur le lit et me mis à dessiner du doigt sur les draps. Sauf que ce n’était pas satisfaisant. Du tout.
Le reste de la journée se passa dans une lenteur exécrable et je la passai à me lamenter à voix basse, grommeler et faire les cent pas. La monotonie de mon existence ne diminua que lorsque Clint vint une troisième fois avec le déjeuner, puis une quatrième avec le diner. Mais il ne faisait que déposer la nourriture sur la commode, me dire une brève salutation et repartir. C’en était réellement barbant.
Sauf que maintenant, enfin, les ténèbres commencèrent à s’étendre sur le Bloc. J’avais même pu voir Minho sortir du Labyrinthe de ma chambre. Avait-il trouvé quelque chose d’intéressant aujourd’hui? Je ne le saurais probablement pas, car il y avait de bonnes chances qu’il ne pense déjà plus à la bleue. Enfin, presque plus.
Je pris soudain conscience de quelque chose. La fenêtre. Elle était ouverte. Et de ce que je pouvais en voir tandis que la lumière était encore suffisante… les murs étaient pourvus de plusieurs prises dues à diverses malformations. L’idée parfaite pour diminuer la monotonie de mon existence pour la prochaine semaine s’immisça presque immédiatement. J’allais m’offrir une petite sortie nocturne incognito pendant que tout le monde dormirait!
J’étais en train de passer la tête par la fenêtre discrètement pour observer attentivement le terrain, lorsque l’on ouvrit la porte. Je voulus rentrer si vite à l’intérieur que je manquai me frapper violemment la tête contre le haut de la fenêtre. Ce qui fit sourire mon visiteur.
- Tu avais l’intention de te jeter par la fenêtre? S’enquit Minho, tout sourire.
- Ça aurait pu être intéressant, admis-je. C’est mortellement ennuyeux, ici.
- Je m’en doute. Newt est une vraie plaie depuis qu’il est ici.
- Tu crois que Clint s’en apercevrait si je m’évadais une heure ou deux pendant la nuit?
Le sourire de l’Asiatique devint immédiatement malicieux et il me demanda :
- Tu prévois une sortie nocturne?
- Ouais, avouai-je avec aplomb.
- Je peux t’accompagner?
- Tu n’as pas couru toute la journée? Rétorquai-je.
- Et alors?
Je levai les yeux au ciel. Je me souvenais très bien que la veille, il avait été plutôt pressé de regagner son lit. Alors, pourquoi, maintenant il n’en ressentait pas le besoin? J’haussai un sourcil dans sa direction en disant :
- Tu n’as pas sommeil?
- Bah, c’est rare qu’on peut s’amuser à l’insu des autres, alors qui est-ce que je serais si je passais à côté de cette occasion merveilleuse?
Je haussai des épaules et lui annonçai :
- Alors, rejoins-moi en bas dans quatre heures. Tu peux en profiter pour relaxer, en attendant.
Il accepta en sautillant une seconde surplace et avec un grand sourire réjoui au visage. Avant de sortir, il ajouta en chuchotant :
- On va s’éclater!
Sur ces mots, il referma la porte et je perdis un peu mon sourire. Malheureusement, j’en avais encore pour quatre bonnes heures avant de rejoindre Minho en bas. J’espérais simplement qu’il ne commettrait pas de bourde en mentionnant ses plans pour la nuit à quelqu’un. Ceci dit, ce serait assez étonnant, car il avait dit lui-même que les occasions de s’amuser à l’insu des autres étaient rares. Je retournai alors m’étendre sur mon lit, les bras croisés sous la tête en essayant de ne pas y penser.
Je commençais tout juste à somnoler lorsque j’entendis des cris étranges. Je me redressai brusquement sur mon lit et descendis en quatrième vitesse pour me rendre à la fenêtre. Tout semblait normal… Je fronçai les sourcils. D’où ces cris pouvaient-ils provenir pour que les Blocards n’en fassent aucun cas? Un frisson me traversa le dos lorsqu’une réponse m’apparut : les Griffeurs. Pour que leur cri ou quel que soit le son qui m’était parvenu, arrive jusqu’ici… ils devaient être particulièrement épouvantable.
Un coup d’œil vers le ciel me fit comprendre qu’il était l’heure. Un fourmillement d’excitation me traversa de la tête aux pieds et je décidai d’aller m’assurer que je n’entendais aucun son en provenance de l’autre côté de la porte de ma chambre. Dès que je fus rassurée sur ce point, je revins à la fenêtre et sans prendre la peine d’y réfléchir plus avant, je sortis la partie inférieure de mon corps par la fenêtre. Une fois mes deux pieds bien appuyés, je passai mes bras et le reste de mon corps à l’extérieur. Puis je me mis à descendre.
L’exercice me fit un bien fou, quoique le trajet me parut beaucoup trop court, à peine mes muscles étaient-ils échauffés… Je poussai un soupir de dépit avant de regarder autour de moi. Il n’y avait personne. Minho avait-il oublié? À moins qu’il se soit endormi? Après tout, j’étais passé proche de m’endormir moi-même, non? Ou bien, il s’était trompé d’endroit. Après tout, je n’avais pas spécifié que je comptais quitter ma chambre en passant par la fenêtre… Humm… Ça valait le coup de jeter un coup d’œil à la porte.
Sans plus y réfléchir, je me dirigeai dans cette direction. Je me sentis énormément soulagée lorsque je vis qu’il était bel et bien là. Et qu’il regardait dans la direction opposée. Un sourire moqueur étira mes lèvres et je m’approchai sur la pointe des pieds. Quand je fus suffisamment près, je refermai mes deux mains sur ses épaules et dis d’une voix susurrante et angoissante à l’oreille :
- Bouh!
Sans pour autant crier, il sursauta si violemment que je ne pus faire autrement qu’éclater de rire. Il se retourna vers moi en se dégageant du même coup de ma prise et il grommela, mais je vis sa lèvre inférieure tressauter comme s’il retenait un rire :
- Hé, mais c’est quoi l’idée! T’arrives d’où, au juste?
- De ma chambre, dis-je en rigolant encore.
- Mais… ça fait déjà vingt minutes que je suis ici!
- Autant? M’étonnai-je. Enfin, j’ai passé par la fenêtre, monsieur le détective!
- Ah… Tout s’explique. Tu aimes vraiment grimper comme un singe, pas vrai?
- Il semblerait. J’en ai des démangeaisons aux mains chaque fois que je songe à grimper. Bon, on y va…?
- Tu es un sacré numéro, la bleue, tu le savais, ça?
- Non, je croyais que j’étais une fille de race humaine, répondis-je avec sarcasme.
Il leva à nouveau les yeux au ciel, mais me demanda soudain avec sérieux :
- Au fait, tu te rappelles de ton prénom?
Je sentis immédiatement des sueurs froides dans mon dos. Avant qu’il ne pose la question, je n’en avais pas pris conscience. Mais c’était vrai. Ça ferait bientôt une journée entière que j’étais dans le Bloc et je ne me souvenais toujours pas de mon prénom! Je sentis mon visage blêmir et gracieuseté des ténèbres environnantes, Minho ne s’en apercevrait sans doute pas. Je lâchai d’une voix que je voulais normale :
- Non. Toujours pas.
- T’inquiètes. Ça peut prendre jusqu’à trois jours pour certains.
On commença à s’éloigner lentement et je compris rapidement qu’il me laissait choisir la direction que je voulais prendre. Je me mis donc à marcher vers les murs. De ma chambre, j’avais eu tout le temps du monde pour observer le mur et me dire que ce serait… parfait si je pouvais y mettre les deux mains. Alors j’avais l’intention de faire de cette envie une réalité. Mais il y avait une autre envie qui me tenaillait. Je demandai donc :
- Au fait… Est-ce que tu crois que je pourrais avoir un crayon et du papier? Ça me ferait passer le temps pour les prochains jours. À moins que… qu’il y ait des restrictions sur le matériel?
- Non, pas vraiment. La Boîte nous fournit toujours de ce dont on a besoin. Donc pas besoin de restriction. Tu veux des crayons et du papier pour quoi? Écrire des histoires?
- Euh… non. Je crois que j’aimerais dessiner.
- Dessiner? Toi?
- Oui, moi!
Il me jeta un regard que je supposais être surpris. Qu’y avait-il de si surprenant au fait que je voulais dessiner? Il ne m’en croyait pas capable? Je fronçai les sourcils. Ce n’était pas comme si on se connaissait énormément. Alors pourquoi pensait-il que…
- Je disais simplement qu’avec toutes tes idées farfelues, j’avais plus l’impression que tu écrirais des trucs plutôt que dessiner.
- Bah, mes mains ne sont pas du même avis! Répliquai-je en riant.
Il se joignit à mon rire calmement et le reste du trajet fut plutôt calme. Je ne pouvais m’empêcher de prendre de grandes bouffées d’air frais en levant la tête vers le ciel pour observer les étoiles. Je laissais mes jambes avancer sans vraiment prêter attention où je mettais les pieds. Sans trop vraiment l’avoir cherché, je me mis à courir en direction du mur. Au maximum de mes capacités. À une vitesse grisante qui laissa mes cheveux se prendre dans le vent et me fouetter le visage. Mon cœur se gorgea d’un sentiment si fort de liberté que je passai à deux doigts de pousser un cri de joie. Mais je réussis à le contenir dans mon ventre, malgré la douleur que cela m’occasionna.
En arrivant au mur, je passai à deux doigts de m’écraser comme une crêpe dessus tellement j’allais vite. Cela dit, je réussis à m’interrompre dans un dérapage risqué qui me fit simplement rencontrer le mur du bout du nez. J’entendis le rire de Minho derrière moi et me retournai rapidement avec une mine contrariée.
- Arrête de rire! Le prévins-je le plus sérieusement du monde.
Sauf que mon sérieux en prit un coup rapidement et je me mis à rire aussi. Le fait que je sois quand même quelque peu épuisée ne devait rien arranger à la chose.
- Tu veux que je te laisse un peu d’intimité avec le mur, la bleue? Se moqua Minho dans mon dos.
- Comme c’est drôle. Ha. Ha, dis-je avec sarcasme.
- Sinon, tu venais faire quoi, ici? me demanda-t-il. Bécoter le mur pour voir s’il est réel?
Je levai les yeux au ciel et plaquai mes deux mains contre le mur. Puis je me mis à toucher toutes les irrégularités, testant la solidité de certaines pour voir si elles supporteraient mon poids. J’en fis de même avec le lierre et tout du long je sentais le regard pesant de Minho dans mon dos. Il devait sans doute me prendre pour une dingue. Mais bon, qu’importe. C’était plus fort que moi. Je sentais de réels frissons d’excitations remonter le long de mes doigts, parcourir mes bras et continuer leur course jusqu’au bout de mes orteils.
Sans trop chercher à le faire, mes mains se crispèrent sur certaines irrégularités et je posai l’un de mes pieds sur un autre avant de me hisser de dix centimètres. Alors que je tâtais le terrain pour monter encore un peu, Minho s’exclama :
- Hé, mais qu’est-ce que tu fais, au juste?!
- Je… grimpe?
- T’es folle?! C’est la nuit!
Je poussai un soupir déchiré et consentis à relâcher mes prises sur le mur. Je retombai brutalement sur mes deux pieds sur le sol herbeux du Bloc. Juste à temps pour me faire plaquer le dos brutalement contre le mur que je venais de quitter. Je retrouvai sans surprise Minho devant moi et il marmonna :
- Ne refais pas ça, la bleue! T’aurais pu tomber et te casser quelque chose. Et tu n’es pas censée être dehors. Alors, fais gaffe, tocarde.
- On t’a déjà dit que tu étais un rabat-joie? Grommelai-je en le repoussant du mieux que je pouvais.
Il vint pour répondre quelque chose, mais une voix dans son dos l’interrompit brutalement :
- Je peux savoir ce que vous faites là, tous les deux?
Newt.
Ce fut comme si mon sang s’était glacé instantanément. Je regardai par-dessus l’épaule de Minho et parvint à voir l’autre Blocard. Merde. Déjà que j’avais entendu leur conversation la veille… Je me sentis rougir et au même instant Minho se retourna vers Newt en disant :
- La bleue voulait faire plus amplement connaissance avec le mur. Et je l’ai ravisée. Car c’est dangereux.
Newt prit un certain temps pour répondre, mais comme il faisait trop noir, je n’arrivais pas à voir son expression. Mais au bout de plusieurs longues secondes, il se contenta de dire :
- Ça ne te ressemble pas.
- Je n’ai pas envie de m’attirer des ennuis si je devais ramener une bleue avec une cheville brisée. En plein milieu de la nuit. Alors qu’elle ne devait pas quitter sa chambre.
- Je crois d’ailleurs que je vais y retourner… dis-je en commençant à m’éloigner, sauf que j’aurais aussi bien pu ne rien dire du tout, car ils ne bougèrent pas d’un centimètre.
Je poussai un soupir. Pourquoi est-ce qu’ils devaient en faire tout un plat? On ne pouvait pas simplement retourner d’où on venait et oublier ce qu’il venait de se passer? C’était trop demander ou quoi?
Si la maigre lueur des étoiles ne me permettait pas de voir très bien leur expression, je pouvais en deviner assez par leur posture. J’avais la nette impression qu’ils se dévisageaient en chien de faïence. Sans ciller. Et sans remuer d’un poil. J’eus à nouveau envie de soupirer, sauf que je me retins. S’ils ne se décidaient pas à faire quelque chose, j’allais les abandonner là!
Après deux minutes, ils n’avaient toujours pas bougé. Je retins un grondement et décidai d’aller m’interposer entre les deux, car j’avais l’impression qu’ils étaient sur le point de commencer une dispute. Et malgré que je n’étais pas là depuis très longtemps, j’avais l’impression que normalement ils s’entendaient plutôt bien. Qu’ils étaient de bons amis, même. Ma tactique fonctionna, car je sentis immédiatement leur regard me brûler la peau. Je me mordis la lèvre inférieure avant de lâcher :
- Je retourne à ma chambre. Je ne voulais pas causer de problème. Je suis désolée…
Sur ces mots, je m’éloignai sans leur adresser un regard. Toutefois, je pouvais toujours sentir le poids des leurs peser dans mon dos. Un frisson me parcourut la colonne, mais rapidement, je les entendis me suivre, quoiqu’à un rythme plus lent. Sans doute voulaient-ils parler entre eux?
- Tu fais quoi dehors, Newt? S’enquit Minho à voix basse. Tu devrais récupérer…
- Je suis là pour la même raison que la bleue, Minho.
- Pour faire le singe?
- Non, pour me divertir. Cette chambre… ça me tue.
Il y eut un silence du côté de Minho, comme s’il réfléchissait. Pour ma part, je n’osais pratiquement plus respirer de peur qu’ils prennent conscience que je pouvais parfaitement les entendre. Ou du moins, je ne voulais pas qu’ils le sachent tout de suite. C’était peut-être mal d’épier les conversations, mais si ça pouvait m’apporter des réponses… Je fis taire ma mauvaise conscience assez rapidement et tendis l’oreille un peu plus.
- Je sais, finit par dire Minho. Mais tu dois te reposer, Newt. Laisser le temps à ta jambe de se réta…
- Elle ne se rétablira pas, Minho! S’emporta l’autre avec une note de hargne et de désespoir dans la voix. C’est fini, pour moi. Je ne pourrai pas continuer avec les Coureurs alors à quoi bon…?
- Est-ce que tu comptes me dire ce qu’il t’est vraiment arrivé, ou pas?
- Un accident, je te l’ai déjà dit, marmonna Newt et quelque chose en moi me fit comprendre qu’il mentait, ou du moins en partie.
Minho resta silencieux. Avait-il compris aussi que Newt cachait quelque chose? Je donnerais n’importe quoi pour savoir. Mais je me voyais mal poser la question. Déjà qu’il ne m’aimait pas particulièrement au départ et maintenant ça devait être pire. Malgré que je ne sache pas trop pour quelle raison il était aussi furieux contre Minho. Ou moi. Pourquoi cela le dérangeait-il autant que l’on s’entende bien, Minho et moi? Jusqu’ici, c’était ce que je considérais le plus comme un ami. Voire même un frère. Et c’était assez bizarre puisque je ne le connaissais même pas depuis vingt-quatre heures. Mais c’était pourtant ce que je ressentais, tout au fond. Comme… un souvenir oublié qui refaisait surface. Avais-je déjà eu un frère auparavant? Ça pourrait expliquer ce sentiment de familiarité, comme si j’avais déjà eu ça auparavant.
- Si tu le dis, lâcha finalement Minho. Mais est-ce que je peux savoir ce qui t’embête tant?
- Tu ne fais pas attention, c’est tout. Comme je t’ai déjà dit…
- Oui, tu ne lui fais pas confiance! Et je ne vois pas pourquoi! C’est vrai, ce n’est pas comme si elle était un Griffeur sous couverture! Ou un extraterrestre. C’est une fille. Point.
- Justement. C’est peut-être parce que c’est une fille que ton jugement est altéré. On est que des mecs ici. Et il n’y a qu’une fille.
- Je ne crois pas qu’elle soit ce genre de fille… fit remarquer Minho.
- Peut-être pas, admit Newt. Mais…
- Si tu veux mon avis, c’est
ton jugement qui est altéré parce que c’est une fille. Elle est gentille et plutôt agréable de compagnie contrairement à d’autres tocards de ma connaissance.
- Tu ne voudrais pas essayer d’un peu prendre tes distances? Grommela Newt. Le temps qu’on y voit plus clair… Que j’y vois plus clair.
- Je ne sais pas si tu es au courant, mais on aurait dit que tu es jaloux.
- Jaloux?! De quoi?
Minho eut un petit rire, mais ne répondit rien pendant un moment. Sauf que je sentais que ça tramait quelque chose. C’était étrange comment j’arrivais à sentir certaines choses. Comme si… je savais déjà à l’avance ses intentions. Mais c’était impossible! Je ne le connaissais même pas depuis une journée!
- Tu sais quoi? Je crois que je vais vous laisser. Essaie donc de la connaître un peu… Et qui sait, tu comprendras peut-être pourquoi j’ai dit ça? Rigola Minho. Sérieux, mec… d’habitude c’est toi qui accueille les nouveaux avec compréhension et tout… Je me souviens bien ce que tu as dit la nuit dernière, mais… Je ne crois pas qu’elle soit un démon qui se cache sous des traits angéliques. Mais je mettrais ma main à couper que sa présence ici cache quelque chose de très intéressant. Je trouve que tout ça… c’est comme si les Créateurs s’étaient fait forcé la main, ajouta-t-il calmement et j’entendis ses pas s’éloigner dans une autre direction.
- Non, attends! Minho! Ne me laisse pas…
- Seul avec moi? Complétai-je à sa place en me retournant. C’est bon, j’ai compris que tu ne voulais pas de ma présence ici, Newt. Et si je pouvais partir, je le ferais! Comme ça, tu pourrais retrouver ta petite vie tranquille avec tes amis sans le boulet que je semble être!
Sans trop savoir pourquoi, je sentis des larmes me monter aux yeux. C’était assez vexant quand même. De se faire autant rejeter. Encore. Et encore. La conversation tranquille que nous avions eu semblait être bien loin. Ou n’était qu’un mirage. Qu’une illusion. Je m’essuyai rageusement les yeux et fis demi-tour en lâchant un grondement à la fois furieux et blessé.
- Attends! S’écria Newt dans mon dos. Ce n’est pas…
- Ça que tu voulais dire? Grondai-je en continuant à m’éloigner. J’ai des doutes à ce sujet, vois-tu!
- Je…
- Pas la peine, Newt. J’ai compris. Ne le répète pas…
Pourquoi est-ce que son rejet me faisait aussi mal? Pourquoi entendre son accent me mettait tout aussi mal? Était-ce dû au fait que tout chez lui, ou presque, me semblait familier? Possible. Mais… trop, c’était trop. Mais je ne devrais pas réagir aussi intensément. Ce n’était pas normal. Pas à cause du rejet d’un inconnu. Sans trop chercher à le faire, j’accélérai la cadence jusqu’à presque courir.
- Non, mais merde! Attends-moi! Je ne peux pas aller… commença Newt avant de s’interrompre brusquement.
Je compris rapidement en entendant le bruit d’une chute dans mon dos. Oh, mince! Je m’arrêtai brusquement au moment où il poussa un petit grondement que j’interprétai comme douloureux. Je retournai rapidement à ses côtés et tout en pliant les genoux pour me mettre à sa hauteur, je dis avec inquiétude :
- Est-ce que ça va? Je suis désolée… Vraiment. Je ne voulais pas que tu…
- Ça va, me coupa-t-il d’un ton bougon.
- Est-ce que mon aide te dégoûtera si je te propose un coup de main pour te relever? Demandai-je avec un ton légèrement sarcastique.
Je l’entendis pousser un soupir et je le vis tenter de se relever seul. Bah, voilà, j’avais ma réponse. J’eus un nouveau pincement douloureux devant ce énième rejet, mais j’attendis tout de même. Je n’étais pas blessée au point d’ignorer quelqu’un qui avait quelques problèmes. Je l’observai donc attentivement pour voir s’il allait réussir ou s’il allait retomber. Quand je vis, difficilement je dois l’avouer, ses bras se mettre à trembler tandis qu’il commençait à ramener un genou sous lui, je sus qu’il n’y arriverait pas.
La seconde suivante, ses bras le lâchèrent et il passa à deux doigts de se frapper le visage contre le sol, mais je le retins rapidement par les épaules. Je le redescendis lentement au sol et le relâchai ensuite rapidement, pour ne pas l’importuner davantage. J’ajoutai :
- Si tu préfères que je m’en aille… Tu n’as qu’à le dire. Et je pars.
Malgré que mes mots semblaient sincères, je compris moi-même que c’était un mensonge. Je n’arriverais pas à le laisser là comme ça. C’était impossible. Je l’entendis soupirer avant qu’il ne relève la tête vers moi et me dise :
- Non. Je vais avoir besoin d’aide. Si ça ne t’ennuie pas…
- J’ai proposé. Et quand je propose quelque chose, je ne me défile pas ensuite, affirmai-je et je l’attrapai par les bras rapidement.
Alors que mes mains se refermaient sur ses avant-bras, je sentis des fourmillements au bout de mes doigts. Et quelque chose, dans sa peau, me sembla familier à nouveau. Mais c’était censé vouloir dire quoi, à la fin? Je réussis à cacher mon trouble (la nuit m’y aida grandement) et le relevai rapidement. Après quoi, je ramassai ses béquilles et les lui remit. Lorsqu’il put se tenir debout sans trop d’effort, je dis :
- Bon. Je vais te laisser… Je ne voudrais pas t’importuner davantage…
- Écoute, la bleue. Si tu t’enfuis encore une fois, je risque encore de m’écraser par terre comme un imbécile en essayant de te rattraper avec ces trucs.
Je le regardai avec incompréhension et marmonnai :
- Tu as dit clairement que tu ne me faisais pas confiance. À plusieurs reprises.
- Prouve-moi que j’ai tort, alors.
Je fronçai les sourcils. Je ne comprenais absolument rien à ce gars. En fait, tout ce qui l’entourait semblait environné de mystères de plus en plus épais dès que je me mettais à creuser. Je poussai un soupir. Je finis par me remettre à marcher, lentement pour lui permettre de me suivre facilement, en silence. Je ne savais pas trop quoi dire. Comment pourrais-je le convaincre de me faire confiance? Aussi bien me tirer une balle dans la tête immédiatement, j’avais l’impression.
Résultat de mes intenses réflexions sur le sujet, je n’avais toujours rien dit lorsque l’on arriva où on était tous les deux assignés à rester cloués au lit. Je lui ouvris la porte et lui fis signe d’entrer. Dès qu’il fut à l’intérieur, je commençais à refermer la porte, mais il m’interrompit en mettant l’une de ses béquilles devant. Il me demanda :
- Tu ne viens pas?
- Je vais repasser par la fenêtre. C’est de là que j’arrive.
- Ah, d’accord, dit-il.
Il commençait à faire demi-tour, lorsque je pris une décision sur un coup de tête :
- Hé, Newt! Attends, une seconde…
- Quoi? demanda-t-il et je devinais un froncement de sourcils.
- Je ne crois pas que ça t’aidera à me faire confiance. Ou quoi que ce soit, mais… j’aime mieux être honnête… Je crois… non, j’ai l’impression… que je te connais. Il y a quelque chose, non, plusieurs choses chez toi qui me paraissent familières. Bref. C’est tout…
Je crois qu’il s’apprêtait à dire quelque chose, mais je l’interrompis probablement en relâchant la porte et en m’éloignant d’un bon pas pour me rendre près du mur de ma fenêtre. Lorsque je me mis à monter, je me fis la réflexion que j’aurais aussi pu parler de mon rêve étrange. Mais à quoi bon? Il me penserait sans doute folle et il me ferait encore moins confiance après coup.
Je me glissai rapidement à l’intérieur de ma chambre, puis de mes draps. Et je me mis à chercher le sommeil. Peut-être une ou deux minutes plus tard, j’entendis quelqu’un cogner deux légers coups contre ma porte. L’instant suivant, la voix de Newt me parvint de l’autre côté de la porte :
- La bleue?
Je ne répondis rien. Mon cœur se serra, je n’avais pas envie de subir un interrogatoire pour le moment. Pour la première fois depuis que j’étais arrivée, je sentis ce manque incroyable en moi. Celui de la maison. Une maison dont je ne me souvenais pas. D’une vie dont je ne me rappelais encore moins. Le bruit de la poignée qui tournait et de la porte qui s’ouvrait me fit fermer les yeux brusquement et prendre une position de sommeil. J’entendis le bruit de béquille qui pénétrait de quelques pas dans ma chambre. Puis Newt répéta :
- La bleue?
Je retins à grande peine un sanglot et m’efforçai pour ne pas bouger d’un poil tout en respirant de manière calme, régulière. J’étais en train de dormir. Je n’avais pas conscience de sa présence… Je finis par l’entendre pousser un soupir et faire demi-tour. Alors que la porte se refermait, je me relevai en ouvrant la bouche. Mais il était trop tard. Je n’avais pas envie de courir vers lui pour savoir ce qu’il voulait. Mais je me sentais terriblement mal de l’avoir ignoré. Un soupir m’échappa à mon tour et je ressortis la bille, comme si elle pourrait m’aider. Avec un nouveau soupir, je la rangeai. C’était idiot. Je ressentis à nouveau le manque. Mes poings se serrèrent dans les draps et sans trop savoir pourquoi ça m’arrivait, je sentis les larmes rouler sur mes joues les unes après les autres, tandis que j’avais l’impression que l’on me compressait le cœur lentement, et douloureusement.
C’est à peine si je pris conscience du moment où je m’endormis. La fatigue et le chagrin m’avaient affaibli et mon esprit s’était réfugié loin, très loin de mon corps. Mais pas dans un endroit calme.
Une fillette aux cheveux bruns d’environ onze ans courrait à en perdre haleine dans des corridors complètement blancs. Ces cheveux volaient derrière elle. Rien ne semblait particulièrement inquiétant dans cette scène si je me fiais au sourire plein de joie et d’innocence de la petite. Elle ne semblait pas avoir vieilli depuis la dernière fois.
Elle s’arrêta soudain à côté d’une porte grise métallisée et sortit une sorte de carte passe-partout de sa poche qu’elle glissa dans une fente. Il y eut un déclic et elle tourna la poignée.
- Alors, tu viens? S’enquit la petite fille à la personne qui devait se trouver là.
- Oui, j’arrive! lança une voix surexcitée qui me sembla familière.
Une petite fille aux cheveux de miel sortit aussitôt en tenant un carnet et un crayon dans sa main. Les deux petites se tapèrent dans les mains avant de se remettre à courir dans les couloirs. Malgré l’éclairage très intense et l’absence de fenêtre menant sur l’extérieur, j’étais presque certaine qu’il faisait nuit. Mon instinct me le disait. Par ailleurs, les deux fillettes ne croisèrent personne d’autre.
Au bout d’un moment, elles rencontrèrent un groupe de petits garçons. Quatre exactement. Je les reconnus rapidement. C’était ceux de la dernière fois. La petite fille aux cheveux de miel se jeta dans les bras du petit asiatique et lâcha, sans échapper carnet et crayon :
- Tu m’as manqué.
- Toi aussi, tu m’as manqué, lâcha le petit garçon en lui rendant son étreinte.
Le groupe d’enfants se mit alors en marche et se rendirent jusqu’à une petite salle de jeux qui, tous les uns autant que les autres, semblaient faire travailler la logique et le cerveau. Ils s’installèrent autour d’une petite table et là le petit garçon aux cheveux bruns demanda :
- Alors, tu as terminé?
- Presque… souffla la fillette aux cheveux de miel.
Elle déposa rapidement le carnet sur la table et en sortit plusieurs papiers sur lesquels on avait griffonné quelque chose. Après un moment je compris ce que c’était. Des portraits. Elle en distribua rapidement plusieurs à tout le monde. Ils avaient, en tout, quatre papiers chacun, sauf un petit garçon blond qui en avait quatre sans que le sien en fasse partie. Je réussis à constater qu’ils avaient tous un portrait de tous les autres, ainsi qu’un d’eux-mêmes. Sauf de deux personnes. Celle qui avait donné les portraits. Et le petit garçon blond. La petite marmonna en rougissant un peu :
- Je n’ai pas encore… terminé. Je n’arrive pas à faire le tien…
- Ce n’est pas grave, assura le petit garçon en regardant avec attention les autres portraits.
- Et vous n’aurez pas le mien, soupira la petite.
- Tu n’as qu’à écrire ton nom sur les dessins! Proposa l’autre petite fille.
- Bonne idée! Merci, Teresa.
La petite fille fit alors le tour de la table pour inscrire son nom sur tous les papiers. Malgré tous mes efforts, je n’arrivai pas à voir ce qu’il était. Quand elle revint à sa place, elle dit :
- Comme ça, même si on ne se voit pas, on ne s’oubliera pas. Et j’aurai fait les derniers pour dans trois jours, promis.
Elle avait prononcé les derniers mots en regardant le petit garçon blond droit dans les yeux. Ce dernier dit avec un sourire :
- Je te fais confiance. On ne s’oubliera jamais.
Tous les enfants se prirent les mains une seconde avant de retourner à l’extérieur et de repartir à l’aventure en chahutant. Alors qu’ils disparaissaient au loin, je compris quelque chose en voyant le visage de la petite aux cheveux de miel se tourner vers moi. Et j’eus soudainement l’impression d’étouffer.
J’ouvris brusquement les yeux en prenant une grande inspiration et me dressai droite comme un i dans mon lit encore complètement humide. J’étais à nouveau en nage et mon cœur battait encore à tout rompre. Qu’est-ce que tout cela voulait dire? Étais-je… Étais-je vraiment la petite fille que j’avais vue en rêve?