Petit up de ce vieux sujet, plutôt que d'en créer un nouveau. J'ai bien fait d'aller fouiner dans les tréfonds du forum. 
Je pense que nous serons tous et toutes d'accord pour dire que oui, la lecture a une influence sur notre vie. Elle enrichit le vocabulaire, améliore la qualité d'expression en général ainsi que la culture, permet de s'évader, occupe une place concrète dans le volume horaire d'une journée, etc - tout cela a déjà été développé au dessus. Mais quid de
notre formation intellectuelle, sur le plan des idées ?
Nous nous construisons par rapport aux représentations autour de nous. Les figures parentales, familiales, amicales, sont autant de points de repères dans la formation intellectuelle de l'individu qui déterminent, souvent de façon durable, sa vision du monde et son rapport aux autres. Ces repères sont aussi fournis par l'éducation hors du cadre intime - l'histoire, les arts, la culture en général ; [ digression de féministe intersectionnelle sous balises, je serais contente que tu lises,
mais si tu n'es pas intéressé.e, passe directement à la suite ]
d'où notamment la nécessité d'une représentation de figures mixtes dans l'éducation des jeunes, qui cassent nos stéréotypes habituels : une femme forte et indépendante de toute figure masculine ; une personne racisée qui fait entendre sa voix et porte ses valeurs ; un.e MOGAI qui vit son genre et sa sexualité sans crainte ; un.e handicapé.e qui n'est pas réduit.e à sa maladie ou à ses douleurs... Autant de figures qui sortent de ces carcans qui étouffent la pensée et nous laissent démuni.e.s face à la réalité, bien plus contrastée, qui cependant est quotidiennement forcée dans les petites cases de nos cadres de pensée archaïques mais bien ancrés.
Dans
Madame Bovary Flaubert décrit les conséquences des
lectures de jeunesse d'Emma sur sa conception des relations amoureuses, qu'elle idéalise totalement tant elle a été abreuvée de récits romantiques invraisemblables. Déjà, il met en évidence que oui, la lecture n'est pas un geste futile et sans conséquences ; ce que la littérature
( et le cinéma, bien entendu, mais je préfère me centrer ici sur les livres, bien que le débat puisse tout à fait se porter sur d'autres supports audiovisuels : musique, jeux vidéos, illustrations en tous genres... ) nous apporte, c'est certes une ouverture incroyable sur des mondes que nous n'aurions jamais vus autrement, mais aussi un enrichissement, l'acquisition d'une expérience liée à cette lecture qui nous chamboule plus ou moins, et laisse une trace plus ou moins visible sur la personne que nous sommes et deviendrons suite à cela. En termes plus concrets :
l'acte de lecture est tout sauf anodin. Ce qui est dans le livre ne reste pas dans le livre ; il rentre dans notre esprit et le modèle, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire, en plaçant sous notre joli nez des représentations qui font office de modèle ou de repoussoir ( et parfois les deux en même temps, ce qui est très perturbant !
)
J'ai toujours été partisane du fait de laisser les jeunes lire ce qu'ils voulaient, sans cette censure inutile et arbitraire du : " tu es trop jeune pour lire ça ! " -
dans certaines limites bien entendu, je n'irais pas mettre certains bouquins au contenu trop violent ( qu'il s'agisse de gore, de pression psychologique ou de sexe ) dans les mains d'une personne trop jeune qui ne serait pas capable de comprendre et d'appréhender ce type de scène sans dommages ; mais effectivement, je me suis rendue compte par rétrospective que mes lectures, et certains livres que j'ai adoré en particulier, ont énormément joué dans la construction de la personne que je suis aujourd'hui, si bien que je me pose la question de la place efficiente des lectures des enfants et des ados vis à vis de l'élaboration de leur identité et de leurs modes de pensée, dans les représentations qu'ils choisissent pour modèles et sur les bases desquelles sont forgées pour partie leur personnalités. Il me semble que cet effet miroir lecture/lecteur est atténué par la prise de distance rétrospective vis à vis de l'oeuvre et de ce qu'elle véhicule, et notamment par la discussion autour du livre ; mais l'experte en communication que je suis ne va pas se risquer sur ce terrain là, puisque j'ai toujours lu en solitaire et que je suis donc très peu familière de ce type de débriefings pédagogico-rectificatifs.
Et vous, quelle est votre expérience ? Diriez-vous que les livres ont conditionné votre rapport aux autres et au monde ? Pensez-vous au contraire que la fiction n'a qu'une influence circonscrite sur la vie réelle ? Quelle a été, et quelle est toujours, l'influence de la littérature sur vos idées, vos goûts, vos désirs ? Est-ce que parler de vos lectures autour de vous a modifié l'effet premier qu'a eu le livre sur vous, en bien ou en mal ? Diriez-vous qu'une lecture non guidée puisse, en certaines circonstances, devenir dangereuse ?
( Art de la dramatisation maximale pour finir ce post : check ! :3 )
De temps à autre, quand le roman me plait vraiment, vraiment beaucoup, et que la saga se termine...j'ai l'impression de perdre des "amis". En lisant, je suis comme encrée dans l'histoire, ce qui me rapproche fortement des personnages. J'ai eu beaucoup de mal d'ailleurs à me détacher de "Nés à minuit". Cette saga me manque encore énormément... 
) 
et était surprise que j'utilise le mot "desseins" 
!