Ils sont beaux les grands de ce monde, si puissants, si fascinants, si tordus dans leur folie des grandeurs. Mais ils resplendissent tels des joyaux même si bien des jaloux, bien des charognards, cherchent à tacher ces diamants sans taches.
Du haut de ma toute petitesse, je les admire un peu aussi. Peut-être beaucoup même. Ou peut-être bien que je les envie, eux et leur grandeur, eux et leur folie. Il m’arrive de vouloir leur ressembler ne serait-ce qu’un peu histoire de m’élever un peu dans cette société dont le cœur ne fait que pourrir au fils des années. J’y pense. Parfois. On dit qu’il existe une justice en ce monde.
Justice.
Un mot qui me fait bien rire, je l’admets. Tout comme la médecine est à deux vitesses dans bien des pays, il en va souvent de même de la justice. Mais les grands du monde n’ont que faire de la justice. Mensonges ? Vérités ? Quelle utilité ? Ne compte que l’argent, comme souvent, comme toujours. On dit que l’argent n’achète pas le bonheur. Peut-être, mais il y contribue fortement.
Alors je les envie pour ce pouvoir qu’ils ont, ces grands du monde. Cette chance qu’ils ont de pouvoir passer entre les mailles du filet sans que leur vie n’en soit trop perturbée. Moi, du haut de ma petitesse, je dois croiser les doigts pour ne pas rencontrer de problèmes. Rester invisible pour ne pas attirer l’attention de tous ces gens qui n’ont qu’une hâte, qu’une envie, par jalousie envers ces grands du monde, de piétiner les plus faibles ne serait-ce que pour éprouver un semblant de cette grande puissance qui n’appartient qu’à ces grands monuments.
Des injustices, parmi les gens du peuple, j’en croise tous les jours. Mais de peur je me mure toujours dans un silence total. Toutefois je me réjouis intérieurement de voir ces quelques personnes animées de vie, vibrant de justice, remplies de courage, qui osent s’élever haut et fort contre ces injustices dont le monde est parsemé.
Le cœur de notre société est dans un état de pourriture avancé, mais il n’est pas encore perdu pour autant. Si les heures à venir s’annoncent bien sombres, quand j’aperçois l’ombre d’un sourire au coin d’une bouche d’enfant, la lueur déterminée dans les yeux d’une femme bien haute sur ses talons et les rêves qui baignent cette adolescente encore enfant qui griffonne sur son carnet, j’en viens un peu à espérer. J’aimerais réussir à me nourrir de leur énergie pour me gorger d’espoir et de lumière, et englober ce monde en perdition de mes ailes pour lui donner une chance, rien qu’une, de se relever et de se remettre à briller de nouveau.
L’injustice est toujours là, à chaque coin de rue, incarnée par un contrôleur un peu trop zélé, un juge aviné par les pots-de-vin et cette dictature des regards qui jugent avant tout l’extérieur.
La séparation des grands et des petits du monde est toujours présente, mais j’aspire à un monde où au moins les petits ne sont plus piétinés, un monde où quelques miettes de bonheur leur sont accessibles.
Et moi je rêve de changer, d’ouvrir enfin cette bouche fermée et de m’exprimer.
Car peu importe notre classe, la liberté, elle, demeure accessible à tous.
