Textes en vrac

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Rid-kaat

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Textes en vrac

Message par Rid-kaat »

Textes en Vrac


Ça fait un moment que j'hésite à faire ça, c'est-à-dire à poster un sujet pour y mettre des textes courts qui ne s'intègrent dans aucun des autres trucs que j'écris (bon le seul écrit long que j'ai ici c'est Trois Fois Plus Forts, si ça en intéresse certains...) En fait, c'est juste pour que mes textes courts ne pourrissent pas au fond d'un dossier, seuls et délaissés x)

Il y aura probablement de tout, pas toujours très bien rédigé, du petit texte un peu poétique au coup de gueule, en passant par le résultat d'une heure d'ennui en cours... Parce qu'il y en a. Parfois il y a un message, parfois pas, c'est vraiment du tout et n'importe quoi !

Voilà, voilà. Rien d'extraordinaire, mais si ça en intéresse certains, c'est toujours mieux ici qu'à prendre la poussière dans un dossier reculé de ma clé USB !


Index :
Quand il pense à elle
Aimez-moi encore
A mon frère
Hiver
Elles
Partie
Aromantique Asexuelle
Dernière modification par Rid-kaat le mar. 26 juin, 2018 12:12 pm, modifié 7 fois.
Rid-kaat

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Quand il pense à elle

Message par Rid-kaat »

Quand il pense à elle


Elle est belle. Mon Dieu, ce qu’elle est belle.

Quand il pense à elle, ce n’est pas tant sa taille de guêpe et ses lèvres qu'on rêverait d'embrasser qui lui viennent à l’esprit. Ce ne sont pas ses yeux verts saisissants, ni ses boucles brunes et folles. Non, c’est sa peau. Seigneur, la douceur de sa peau couverte d’encre.

Quand il pense à elle, il ferme les yeux et la revoit allongée dans son lit, les jambes emmêlées dans les draps blancs. Couchée sur le ventre, son dos offert à sa vue, il distingue l’arbre d’encre qui prend racine au creux de ses reins, et dont les branchages s’étalent sur ses omoplates. Il ne sait pas ce qu’il veut dire, il n’a jamais su, il a eu beau demander, elle se contente de rire, conservant sa part de mystère et ses grands secrets. Et quand elle danse, fière et folle, il aime distinguer sur ses épaules les branchages fleuris s’agiter sous la brise de sa fougue, de sa sublime démence.

Quand il pense à elle, ce n’est pas que l’arbre qui le marque, il y a aussi la mésange, le corbeau et le faucon qui s’envolent sur son bras droit, qui tourbillonnent sur sa chair laiteuse, qui inspirent le rêve et la liberté. Saisissants de réalisme, il croit toujours qu’il va trouver un plumage doux et sauvage quand il approche ses doigts pour les effleurer.

Quand il pense à elle, il pince les lèvres à l’idée du serpent rouge et noir qui le dévisage avec jalousie, enroulé autour de son bras droit. Il a toujours peur, tellement peur qu’il le morde. Dans les yeux de l’animal venimeux brille une lueur assassine et fourbe. Il lui fait peur, ce serpent, tellement peur parce qu’il sait bien qu’il est une partie d’elle, de sa beauté, de sa déesse. Il sait qu’elle est fuyante et fourbe, sublime mais mordante. Il sait qu’il risque, d’un jour à l’autre, de mourir d’une morsure d’adieu vénéneuse.

Quand il pense à elle, et il y pense souvent, il songe surtout à ses jambes. Il ne compte plus les fois où il a suivi du bout des doigts les rosiers verts et rouges qui prennent naissance autour de ses chevilles et qui grimpent jusqu’au haut de ses cuisses. Les roses lui ressemblent tellement. Si belles, colorées et insolentes, plantées d’épines comme autant d’avertissements « Nous n’appartenons à personne ». L’encre éclate en boutons de rose plus ou moins éclos, qui s’épanouissent sur sa peau en soleils écarlates. Et, son détail préféré d’entre tous, celui qu’on ne remarque que lorsqu’on a connu les jambes de sa princesse d’aussi près que lui : entre les ronces, secrètement inscrites, s’enroulent les citations tristes et belles qu’elle aime tant, qu’il a fini par aimer lui aussi, puisqu’il aime tout d’elle.

Quand il pense à elle, et il y pense souvent, il se remémore cette phrase qui lui fait peur, calligraphiée pour toujours sur sa peau, la plus belle et la plus douce des peaux « Faut-il qu’un homme soit tombé bas pour se croire heureux » et il a peur encore, parce qu’il sait à quel point la phrase empoisonnée est vraie, à quel point il est tombé bas pour elle, à quel point le réaliser, revenir à la réalité quand elle l’y forcera sera dur, et il sait qu’elle l’y obligera sans douceur.

Quand il pense à elle, et il y pense tout le temps, il la voit arbre agité et brise folle, il la voit douce mésange, sombre corbeau, libre faucon, il la voit vénéneux serpent, il la voit rosiers mordants cachant des phrases secrètes pleines de désillusions.

Quand il pense à elle, et il y pense tout le temps, il se rend compte qu’il l’aime, qu’il l’aime comme il aime admirer sa peau et redessiner sur des milliers de feuilles les tatouages qui la composent. Il se rend compte qu’il l’aime et il sait qu’elle va le briser.

Quand il pense à elle, il le sait bien : il durera bien moins longtemps que toutes les œuvres d’art, merveilleuses et vivantes, tracées le long de sa peau.

Mais elle est belle. Mon Dieu, ce qu'elle est belle.

Sa déesse à la peau d'encre.
Dernière modification par Rid-kaat le jeu. 20 oct., 2016 10:26 pm, modifié 1 fois.
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Aimez-moi encore

Message par Rid-kaat »

Aimez-moi encore


Il y a cette fille, dans sa chambre. Elle fait tournoyer un crayon entre ses longs doigts calleux. Ses jambes engoncées dans un jean sont remontées contre sa poitrine. Elle a pleuré, ça se voit. Des sillons argentés de douleur éthérée, sur ses joues. Elle hésite, le crayon effleure le papier, se retire, elle le fait tournoyer encore. Puis elle se lance. Après tout. Après tout, qu'est-ce qu'elle a à perdre ?


J’ai un truc à te dire.
Je me sens conne de parler à des feuilles, tu vois, je l’ai plus fait depuis mes dix ans, mais qui d’autre écouterait ? Sans grimacer d’horreur, de dégoût ? Sans froncer les sourcils, sans me demander de répéter ? Même si tu es un carnet connard, tu ne pourras pas me le dire, puisque tu ne parles pas.
Donc, j’ai un truc à te dire.
Un truc que je dis à personne, parce que j’ai trop peur.
Je les aime, tu sais, mes amis, ma famille. J’ai juste tellement peur de ce qu’ils vont dire. Je les connais. Ils sont tolérants, mes parents, tant que les gens différents restent loin d’eux. Ils ne savent pas quel genre de Différence avec un grand D, ils abritent consciencieusement sous leur toit. En lui offrant de l’amour, qui plus est.
Ils m’appellent Gabriel, tu sais.
Je m’en accommode, parce qu’il suffit que je m’imagine qu’ils disent plutôt « Gabrielle » avec un « elle » dedans. Je ferme les yeux, et j’imagine le nom écrit, flottant dans l’air avec ses deux L et ses deux E. Mais ça ne me convient pas tout à fait. Je préférerai Solange, Edwige, Elizabeth, Angélique. Il y en a tellement, je n’ai pas choisi encore, je n’y parviens pas.
Je ne peux pas choisir, tu comprends ? Je ne peux pas choisir, parce qu’ils ne m’appelleront jamais par ce nom-là.
"T’es pas une fille, Gab. Touche pas à ça."
Ma sœur. Aujourd’hui. J’ai fouillé dans sa trousse à maquillage. Juste pour voir. De loin.
Même mes meilleurs amis en sont là de leurs réflexions : Gabriel est gay, mais on va pas le brusquer, il ne veut pas nous le dire.
Je suis ne suis pas gay, les gars. Je suis une fille. Hétéro. Bi, à la limite. Mais une fille. Laissez-moi être une fille. S’il vous plait ? Je vous en prie ! Regardez-moi, voyez-moi, voyez que je n’ai jamais été un garçon et qu’il serait grand temps qu’on le remarque. Aidez-moi. Aimez-moi encore.
Putain, je vous en prie, aimez-moi encore.
Même si je vous le disais, même si j’assumais au vu et au su de tous, aimez-moi encore.
Je ne demande pas grand-chose, vraiment.
N’approuvez pas.
Ne m’encouragez pas.
Ne me soutenez pas.
Ne laissez pas tomber vos préjugés, votre transphobie, puisque c’est le mot.
Mais aimez-moi encore.
Un peu. Juste un peu, de quoi vivre, de quoi respirer encore.
Un baiser, une étreinte, un sourire, un regard. Rien d’autre.
Mais aimez-moi encore.
Aimez-moi encore si je change de nom, si je change de vie, si je change de genre, si je change de sexe.
Aimez-moi encore si je porte des talons, si j’ose mettre une robe un jour, si je laisse pousser mes cheveux.
Aimez-moi encore si je change de corps, si je change de cœur.
Aimez-moi encore.
C’est tout ce dont j’ai besoin.
Toi, dis-moi, tu m’aimes encore, stupide carnet ? Je te dégoûte ? Je te fais peur ? Mais tu sais, je veux juste être moi. Je veux juste être moi. Qu’est-ce que ça changerait au final ? Je finirais pas drag-queen, tu sais. Je veux juste être en accord avec mon cœur et mon corps. Que tout soit comme ça aurait dû l’être. Juste réparer un bug. Allez, pitié, dis-moi que même si je suis ça, cette personne-là, ils m’aimeront encore. Dis-moi que tout ira bien.
Bon sang.
Que quelqu’un me prenne dans ses bras et me dise que tout ira bien.
Je serais la plus heureuse des femmes de ce monde.
Si seulement quelqu’un me disait que tout ira bien.

Je m’arrête là. Ça ne sert à rien. J’écris dans le vide. J’écris du vide.


Il y a cette fille, dans sa chambre. Elle ne ressemble pas une fille, pas vraiment. Les cheveux courts, les hanches étroites. Mais elle a l'essence. L'élégance gracieuse, quelque chose d'énergique, de passionné et de doux à la fois. Quelque chose de désespéré mais de déterminé. Elle sait. Ceux qui la regardent ne savent pas, mais elle, elle sait qui elle est.
Elle est fatiguée de se battre. Pour ce soir ça suffit. Pour toute la vie peut-être. Mais cette nuit, elle se contente de s'enrouler dans sa couette et de serrer les dents pour ne pas pleurer. "Les garçons ne pleurent pas" on lui a déjà dit, même pour rire. "Ressaisis-toi, mon gars". Sauf qu'elle est un "elle" et les filles pleurent si elles veulent, de toute façon. Mais les habitudes ont la vie dure. Elle a l'habitude d'être "il", après tout. Alors elle se mord la lèvre et elle empêche les larmes de venir. Elle fait barrage à la douleur.

T’es vraiment une idiote, tu sais ? Une idiote de première. De quoi t’as peur, au juste ? Tes parents, je veux bien comprendre, ça ouais, et encore, ils t’aiment comme personne, alors peut-être, si tu avais le courage de le dire, peut-être qu’ils t’aideraient. Mais tes amis au moins ! Pourquoi tu dis rien à tes amis, hein ? Eux, tu le sais pourtant, ils ont des galères comme les tiennes. Moins pires, peut-être, mais des galères quand même. Dis-leur. Avoue. Soulage-toi. Abandonne-toi. Ne sois plus l’esclave de ta frayeur.
T’es une fille, tu sais. Solange Edwige Elizabeth Angélique Gabrielle. Tout ça à la fois, d’autres encore si tu veux. T'es une fille, et t'es forte. Assez forte pour supporter ça. Moi j'y crois, tu sais.
Et si tu le disais ? A quelqu’un ? N’importe qui ? Ceux qui t’aiment assez fort depuis des années, la famille que t’as choisi parce que l’autre te mettait mal à l’aise ? Pourquoi tu ne leur dis pas ? Chez eux, tu as passé des soirées inoubliables, vous vous êtes confiés des secrets à mi-voix, vous vous êtes soutenus en tout temps.
C’est peut-être le plus gros de tous les secrets.
Mais si tu ne le dis pas, tu vas exploser.
Et tu ne sauras jamais.
Jamais.
S’ils t’aimeront encore.


Il y a cette fille, dans sa chambre. Elle le trouve, le lendemain. Le carnet qui parle, qui répond. Elle se demande si elle a tracé les mots au milieu de la nuit, sans s'en rendre compte. Elle est somnambule, et elle fait toujours des trucs étranges, ce ne serait qu'une nouveauté à ajouter à son palmarès.
Elle prend le carnet dans ses mains. Elle lit. Elle sourit. Oui, peut-être qu'il a raison, le carnet. Peut-être qu'il dit vrai. Elle ne sait pas si elle aura le courage aujourd'hui de parler. Elle ne pense pas, d'ailleurs. Mais elle serre quand même les mots contre son cœur, fort. Ils lui donnent la force de passer cette journée dans un mauvais corps, à jouer le mauvais rôle, la mauvaise partition. Ils lui donnent la force de traverser le temps jusqu'au moment où elle sera prête. Elle a hâte. Elle a peur. Le désir et la frayeur.

Ils m'aimeront encore, pas vrai ? Après tout, ça ne peut pas être si grave ?

Si, ça peut. Mais pour le moment elle s'en fiche. Elle en a même carrément rien à foutre. Elle range le carnet magique dans un tiroir, tout au fond, elle le cache, pour être sûre qu'on ne le trouve pas. Elle enfile son costume, celui qui ne lui va pas. Mal taillé. Mal cousu. Elle plaque le faux sourire sur ses lèvres de garçon. Elle le dira, un jour. Elle le dira. Elle le dira plutôt que de se taire à en pleurer, se taire à en crever. Un jour elle n'aura plus peur. En attendant, elle écrira tous les soirs sur le carnet en attendant de se rendre plus forte, elle se créera une armure indestructible. Elle sera invincible quand les mots sortiront. Quand la fille, la vraie sortira de ce corps d'imposteur.
Solange Edwige Elizabeth Angélique Gabrielle.
Au final, la question la plus importante, c'est qui elle va décider de présenter quand elle renaîtra.
mickaela

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Re: Textes en vrac

Message par mickaela »

Hé ben, je suis tomber sur tes "textes en vrac" par assar et je regrette pas. C'est très beaux ce que tu as écrit (certes très triste mais vraiment beau) tu écris très bien bravo !
Si tu écris d'autre textes pourrais tu me prévenir stp :?:

Bonne journée
Rid-kaat

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Re: Textes en vrac

Message par Rid-kaat »

mickaela a écrit :Hé ben, je suis tomber sur tes "textes en vrac" par assar et je regrette pas. C'est très beaux ce que tu as écrit (certes très triste mais vraiment beau) tu écris très bien bravo !
Si tu écris d'autre textes pourrais tu me prévenir stp :?:

Bonne journée
Merci beaucoup =) C'est pas toujours triste (souvent quand même xD) ! Mais je suis contente que tu aimes !
Bien sûr, pas de souci !
Rid-kaat

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A mon frère

Message par Rid-kaat »

Alors, ça, c'est un devoir d'Histoire de l'année dernière que j'ai retrouvé tout à l'heure et que j'avais beaucoup aimé écrire. J'étais un peu hors sujet, mais c'était cool à faire xD

A mon frère


Allongé dans les draps blancs, rongé par la douleur, les bras tendus vers la mort que j’aperçois presque derrière mes paupières fermées, c’est à toi que je pense. Pas à une femme, pas à nos parents, pas à mes camarades tombés au combat. Je pense à mon petit frère, au jeune garçon frêle, à la santé capricieuse mais à l’esprit dangereusement aiguisé. Je te revois encore, je revois ton corps aussi fragile qu’une brindille, je revois tes paupières pâles fermées sur tes yeux clairs, pendant que, près de la fenêtre de ta chambre ouverte, tu posais l’archet sur les cordes de ton violon, dont tu tirais toutes les mélodies de ton cœur et du mien, à l’unisson, dans une harmonie parfaite. Je te regardais depuis le lit, et je me faisais la réflexion que tu étais bien meilleur que moi, tantôt avec fierté, joie, amertume ou jalousie. Aujourd’hui, je suis heureux de t’imaginer à cette même fenêtre, jouant un air mélancolique qui aurait le goût doux-amer de mon absence. Demain, peut-être, l’instrument hurlera ta colère et ton deuil, et même si ça me fait mal, tellement plus mal que mes blessures, de penser une seule seconde que tu vas souffrir, je suis heureux malgré tout. Henri, si tu souffres, c’est que tu vis. C’est tout ce que je te demande. Je veux, une fois enterré six pieds sous terre, entendre encore la musique de ton âme tirée de ton violon, savoir que même si tu n’en auras sans doute plus le courage pendant un moment, tu auras encore la possibilité de sourire et de rire aux éclats.

Je t’adresse ces mots parce que si je devais choisir une personne au monde, et l’emporter loin de toutes les horreurs que j’ai pu voir, Henri, ce serait toi. De toutes les personnes qui marchent sur cette planète, je n’en sauverais qu’une. Malheureusement, je ne suis déjà pas fichu de me sauver moi. Alors je ne t’apporterai sans doute rien. Mais je voudrais que tu le saches, au moins. Que si je le pouvais, j’aurais posé mes mains sur tes yeux tout le long de cette guerre pour te cacher la vue des ruines et des cadavres. J’aurais bouché tes oreilles pour que tu ignores le bruit des bombes. J’aurais mis le foulard de maman sous ton nez pour te faire oublier l’odeur de fumée et de mort. Si j’avais pu, je t’aurais épargné tout ça.
Tu sais, Henri, j’ai été heureux pour la première fois de ma vie que tu sois si fragile lorsque la mobilisation a été lancée. Quoiqu’il arrive, peu importe le temps que dure cette guerre ou les ordres de l’Etat, on ne toucherait pas à un seul de tes cheveux. Peut-être as-tu déploré ton inutilité, mais je t’assure, mon frère, que j’ai sauté de joie en pensant à ta respiration difficile et à ton corps frêle. Tu étais, pour moi, l’ange de notre maison. Tu n’avais rien à faire sur un champ de bataille. Tu veux que je te dise une chose ? La Mort ne joue pas du violon. Elle joue d’un tambour fracassant, brutal, violent. Un tambour trop disgracieux pour effleurer tes oreilles de virtuose. La musique de la guerre est dissonante, elle agresse les oreilles et les cœurs. Je n’avais jamais rien entendu de pire. Je suis parti de la maison sans me retourner, après t’avoir serré dans mes bras à t’en faire mal, même si tu n’as pas protesté comme tu le faisais d’habitude. Je pensais que je reviendrai vite, que de toute façon, j’étais trop jeune. Les hommes de dix-sept ans, qui ont la vie devant eux, ne sont-ils pas censés passer entre les doigts longilignes et osseux de la Grande Faucheuse ? Je le pensais. Je crois qu’y croire avait quelque chose de rassurant. Ça me portait. J’aurais pu aller au bout du monde avec la certitude de vous revoir, toi et les parents. Mais je ne reviendrais jamais. Je n’entendrai plus les cordes du violon vibrer au grès de ton humeur matinale. J’en suis navré, si tu savais, petit frère.

J’entends parfois les infirmières s’affairer autour de moi. Je ne sais plus depuis combien de temps je me meurs dans cet hôpital surpeuplé. Je sais qu’on a sans doute abandonné l’idée de me sauver. Je sais que je suis incapable de parler. Le morceau d’obus m’a arraché la mâchoire inférieure. D’autres se sont enfoncés dans ma chair. Le pire, c’est peut-être le bruit. Cet affreux bruit mat qui suit la détonation, quand le métal rencontre la chair et décide d’y faire son nid. Bon sang, je ne voulais pas te parler de ça. Je ne voulais pas te parler du front, de la guerre, de la Mort, de son goût âcre entre mes lèvres. De sa musique discordante, faite de cadavres souillés de cendres et de boue, je ne voulais pas évoquer les membres qu’on croisait dans les tranchées, ni les rats, ni les poux, ni l’indifférence qu’on s’efforçait de ressentir face à l’odeur de corps en putréfaction. Mais comment pourrais-je ne pas en parler, Henri ? Comment pourrais-je ne pas t’écrire que j’ai vu l’innommable, que j’ai senti glisser dans mon sang un relent de pourriture, comme si j’étais déjà mort moi aussi, mort à partir du moment où j’ai marché sur la main sans vie d’un camarade avec qui j’avais ris la veille, à partir du moment où piétiner des cadavres est devenu quotidien et habituel. Comment une chose pareille peut-elle devenir habituelle ? Comment pourrais-je ne pas t’évoquer ma peau rongée par les poux ? Tu ne m’aurais pas reconnu. Tu n’aurais pas reconnu le jeune homme enthousiaste et arrogant que tu connaissais. Tu n’aurais vu qu’une loque, un mort en sursis, une bête traquée qui ne pense qu’en termes de survie, qui a enterré son humanité à un endroit qu’elle ne retrouvera jamais plus. Putain, Henri, je n’ai jamais voulu ça. Je voulais être un héros, tu sais. Offrir ma jeunesse à la France, mais je n’ai jamais demandé qu’on assassine mon innocence si brutalement. Est-ce que c’est une façon de vivre, quand on a dix-sept ans, Henri, que de partager ses repas avec les rats et des camarades qui mourront plus vite que ces sales bestioles ? Est-ce que c’est une vie, quand on songe en rencontrant un autre soldat « Ne lui demande pas son nom, Paul, surtout pas, s’il n’a pas de nom, il n’est pas humain, c’est plus facile de voir partir des visages sans mot à poser dessus » ?

Désolé, Henri, je ne voulais pas dire tout ça. Désolé, c’est juste que ça hante tout mon corps, que j’ai l’horreur dans les veines maintenant. Finalement, peut-être que c’est pas si mal de mourir maintenant. Je ne m’imagine plus vivre, petit frère. Je ne m’imagine plus me moquer de la cuisine de maman, je ne m’imagine plus rire avec papa de blagues légères, pas vraiment drôles. Je ne m’imagine plus partager mon air avec toi, je n’imagine plus mon âme souillée dans la même pièce que ton cœur d’ange. Petit frère, je pars dans la douleur et l’horreur et dans une violence indescriptible. Je pars entouré d’autres qui feront de même ou qui resteront, mais ne seront plus jamais que l’ombre d’eux-mêmes. Mais je pars aussi avec la joie de celui qui sait que sa famille s’en sortira. Pas vrai, Henri, que vous vous en sortirez ? Papa, je ne sais pas, ça fait si longtemps que vous n’avez plus de nouvelles de lui, mais toi et maman, vous vous en sortirez. Mieux que je ne m’en serais jamais sorti.

Je vais quand même te dire ce que j’aurais raconté en rentrant. Parce que quand je cherchais le sommeil, c’est à ça que je songeais. Seul, recroquevillé dans la boue, au milieu des corps de ceux tombés dans une gloire médiocre pour la France, je me forçais à sourire, même si c’était douloureux. Ce sourire que j’aurais voulu vous donner en rentrant, ce sourire que j’aurais affiché pour maman et toi. Mentalement, je vous serrais dans mes bras avec force, je souriais à m’en faire mal aux joues. Je racontais alors les blagues grivoises apprises de mes compagnons presque tous plus âgés que moi. Je vous racontais que j’étais dans le régiment d’un violoniste professionnel à qui je n’arrêtais pas de parler de toi, comme un mantra, et il accueillait avec indulgence le même discours chaque jour. Jusqu’à ce qu’un obus le mutile. Mais dans mes songes, je ne vous parlais pas de ça. Non, je me moquais en disant que la nourriture était quand même meilleure que celle de maman, même si c’était faux. Je riais en disant que les allemands étaient terrifiés, qu’ils nous craignaient parce que nous leur étions bien supérieurs. Je vous mentais en riant, je vous mentais pour ne vous raconter que les rares détails qui pouvaient être embellis. Oh, Henri, je vous aurais raconté les pitreries d’Ernest, tombé au combat. Je vous aurais parlé de ces jeunes hommes tout juste fiancés qui parlaient de leurs amies à tout va. Je vous aurais dépeint un front aux couleurs de l’arc-en-ciel, à la musique délicate, tout juste entrecoupée de quelques combats toujours victorieux. J’aurais refait le monde pour vous, pour moi aussi. J’aurais refait la guerre jusqu’à me convaincre qu’elle n’était pas grise et terne et macabre. Je vous aurais parlé jusqu’à oublier que j’avais vu la face camarde de dame Mort de beaucoup trop près. Dans mes songes, il y avait toujours une fin heureuse, sur un air de violon coloré, qui brûlait mes oreilles de son harmonie parfaite, il y avait tes doigts pâles et fins sur l’archet, ton sourire doux et tes cheveux ébouriffés. Il y avait ton rire mêlé à celui de maman, les horreurs toutes derrière nous, qui ne reviendraient jamais nous embêter. Les percussions étaient bannies, je ne gardais plus que le son des cordes vibrantes de vie. Henri, dans mes songes, tout finissait tellement bien que j’arrivais presque à me convaincre que j’étais au chaud dans mon lit et que je me réveillerai au son d’une mélodie enjouée.
Mais ça n’arrivera plus jamais. Je ne me réveillerai pas, encore moins en fredonnant une de tes compositions préférées. Qu’est-ce que je ne donnerai pas pour t’entendre jouer une dernière fois ! Qu’est-ce que je ne donnerai pas pour que la douleur palpitant dans mon corps soit remplacée par n’importe quelle mélodie, même la plus triste que tu connaisses, celle qui m’arrache toujours des larmes qui manquent grandement de virilité. Je ne les retiendrai pas, cette fois. Je pleurerai comme un enfant. J’y prendrai plaisir, si seulement tu pouvais être là.

La douleur m’empêche de songer encore à ce que je voudrais écrire. Ce que je voudrais tellement t’écrire. Mais tout mon corps hurle, je ne peux plus parler, je ne suis même pas sûr de l’état de mes mains. Peut-être me manque-t-il des doigts aussi. Je suis trop anesthésié par la douleur pour faire la part des choses. Tout ce que je peux faire, c’est gémir en songeant à tout ce que j’aimerais t’écrire avant de mourir, tous les mots que je voudrais t’adresser mais qui ne te parviendront jamais, car je suis même incapable de les dicter à une infirmière de passage. Je suis l’esclave de la douleur, qui bientôt me sacrifiera sur l’autel de dame Faucheuse.

Putain, Henri, je donnerai encore plus cher pour que tu reçoives ces mots plutôt que de partir sur une de tes mélodies, c’est dire à quel point ça me fait souffrir que cette lettre fictive ne te parvienne jamais. Ça me fait bien plus souffrir que toutes mes blessures, ça me fait plus souffrir encore de t’imaginer sans mes mots d’adieux que de t’imaginer souffrir de ma perte.

Tu ne peux pas le lire, ni même l’entendre, mais Henri, il faut vivre. Vivre à en crever. Aime la vie jusqu’à ce qu’elle te tue, bientôt la guerre sera partie j’espère, et elle ne t’emmènera jamais. Ne la laisse jamais faire. Je peux bien mourir, le monde et les frontières peuvent bien s’écrouler. Je me fiche de mon pays du moment que toi et maman allez bien. J’aurais aimé avoir cette certitude bien avant de partir donner ma vie, vie dont personne ne se souviendra sans doute. Que vaut un corps sans vie au milieu de milliers d’autres ? Je ne vaux rien. Plus rien du tout.

Je le sens venir. La douleur qui reflue, le brouillard qui envahit mon esprit. Finalement, je ne partirai ni en colère ni en paix. Je partirai plein de désespoir à l’idée de tes mains vides d’une lettre jamais envoyée. C’est peut-être ça qui me tue, finalement. L’image de maman et toi en habits de deuil, vous demandant tous les deux si j’ai souffert, si je suis mort debout et fier, et où allaient mes pensées au dernier moment.

Vers vous. Elles vont toujours vers vous. Mes derniers accords seront pour vous, comme l’ont été tous les autres.
Elaheh

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Re: Textes en vrac

Message par Elaheh »

Waa
Tu écris vraiment bien! J'ai dévoré tes trois textes en quelques minutes et je suis sous le charme.
J'ai trouvé ta première histoire très poétique et si joliment écrit. Quand à la deuxième, je l'avais trouvé un peu moyenne. Il me manquait un petit truc, mais tu es revenu en force avec le "les garçons ne pleurent pas...." et là j'avais envie de crier pour lui, le soutenir.
Quand à la dernière, j'entendais le son du violon et les obus qui explosent.
Ta narration était riche en détail et j'avais l'impression d'y être. J'en ai eu des frissons.

Je vais te laisser là, si on avait été en pleine journée, je t'aurai écris un loooong message mais tu as de la chance, pour aujourd'hui!

Dis, tu me préviendras quand tu sortiras d'autres textes? :3
Rid-kaat

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Re: Textes en vrac

Message par Rid-kaat »

Elaheh a écrit :Waa
Tu écris vraiment bien! J'ai dévoré tes trois textes en quelques minutes et je suis sous le charme.
J'ai trouvé ta première histoire très poétique et si joliment écrit. Quand à la deuxième, je l'avais trouvé un peu moyenne. Il me manquait un petit truc, mais tu es revenu en force avec le "les garçons ne pleurent pas...." et là j'avais envie de crier pour lui, le soutenir.
Quand à la dernière, j'entendais le son du violon et les obus qui explosent.
Ta narration était riche en détail et j'avais l'impression d'y être. J'en ai eu des frissons.

Je vais te laisser là, si on avait été en pleine journée, je t'aurai écris un loooong message mais tu as de la chance, pour aujourd'hui!

Dis, tu me préviendras quand tu sortiras d'autres textes? :3
Merci beaucoup d'être passée ! =D

La première histoire a été écrite pour un mini-défi sur le thème "Tatouages", et à partir d'un personnage sur lequel j'ai déjà écrit, donc il est venu très naturellement ! Le deuxième c'est sur un coup de tête. Et je te corrige juste simplement, ce n'est pas un "lui", c'est un "elle" =P Pas de sexe, mais de genre, et par conséquent, les pronoms adaptés c'est vraiment les pronoms féminins ! (La queer en moi se réveille à ce genre de petites erreurs x))
La troisième histoire date un peu, je suis contente qu'elle t'ait plu quand même !

Je te préviendrai sans souci ! =)
ChloPlume

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Re: Textes en vrac

Message par ChloPlume »

D'ordinaire, je cite le message corrigeant les fautes, en donnant des conseils, ici et là.
Mais tu sais quoi ?
Ce serait insultant pour ton talent.
Le premier texte m'a beaucoup plus, je trouve cette description du corps d'un érotisme subtile et d'une belle finesse. Le deuxième me touche tout particulièrement, tu décris avec pertinence une situation délicate ans tomber dans les travers, bravo.
Le dernier est sombre, violent, difficile. La dimension historique que tu sous-tend est, je trouve peut-être trop peu exploité mais ton récit est sincère, vivant et fort.
Mes félicitations !
Rid-kaat

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Re: Textes en vrac

Message par Rid-kaat »

ChloPlume a écrit :D'ordinaire, je cite le message corrigeant les fautes, en donnant des conseils, ici et là.
Mais tu sais quoi ?
Ce serait insultant pour ton talent.
Le premier texte m'a beaucoup plus, je trouve cette description du corps d'un érotisme subtile et d'une belle finesse. Le deuxième me touche tout particulièrement, tu décris avec pertinence une situation délicate ans tomber dans les travers, bravo.
Le dernier est sombre, violent, difficile. La dimension historique que tu sous-tend est, je trouve peut-être trop peu exploité mais ton récit est sincère, vivant et fort.
Mes félicitations !
Haha, merci, c'est un super compliment =D

Je sais jamais trop quoi répondre aux compliments, admettons-le x) Alors déjà, merci d'être passée, d'avoir lu et commenté ! Ça fait toujours plaisir un commentaire.
Je suis très contente si ce deuxième texte te touche, comme c'est un sujet qui me tient à cœur, quand j'arrive à toucher les gens avec... c'est vraiment bien, ça me fait plaisir !
C'était un devoir d'Histoire-Géo, ce texte ! J'ai eu 19, justement à cause de la dimension historique trop effacée derrière l'histoire du personnage et du frère. Mais bon, je suis plus à l'aise avec les personnages en eux-mêmes qu'avec un contexte historique, j'ai moins l'habitude d'écrire ce genre que du contemporain ou de la fantasy (même si dans ces textes ça se voit pas trop, la fantasy ^^).
En tout cas merci encore !
Rid-kaat

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Hiver

Message par Rid-kaat »

Hiver


J’ai toujours eu ce terrible faible pour l’automne. Ses couleurs flamboyantes, son air frais qui garde pourtant les traces de la chaleur estivale, et les feuilles qui tombent des arbres et dansent jusqu’au sol. L’automne me ramène à moi-même, à ce moi d’aujourd’hui.

Mais l’hiver ! Seigneur, l’hiver !

L’hiver est autre chose. La saison froide, les écharpes douces enroulées autour du cou, remontées jusque sur le bout de nos nez rougis, les pulls trois fois trop grands, trois fois trop chauds pour les salles de classe où les radiateurs nous gardent vaillamment du froid extérieur. L’hiver a ses côtés détestables. C’est un vieil homme aigri qui n’aime pas les décorations inutiles et la couleur, ça non, alors il chasse des arbres les dernières feuilles que l’automne avait rendues chaleureuses, pour s’excuser du retour des températures fraîches. L’hiver n’aime pas non plus voir tous ces gens courir les rues, la peau à l’air libre, déjà en train de sourire de ces déjeuners sur l’herbe. Alors il nous empêche de danser sous le soleil, avec son froid glacial, comme l’est son tempérament.

Mais l’hiver, ce n’est pas que ça. L’hiver, c’est la neige. Oh, la neige ! Qu’un flocon tombe du ciel pour que je sois à nouveau une enfant, haute comme trois pommes, fascinée par cette pluie solide, cette pluie de cristal, que je me retrouve à rire d’une perle blanche coincée dans les cils de ma Juliette, de mon Yseult, d’Elle. Je suis de nouveau cette gamine qui voulait sortir faire une bataille de boules de neige alors même que l’épaisse couche blanche ne recouvrait pas encore le sol. Presque adulte maintenant, je m’en amuse encore, de cette pureté enfantine, innocente, tombée du ciel. Je mets mes mains en coupe, recueille autant de flocons que possible, les dépose sur le bout du nez de ma Belle avant de l’embrasser. Je ris, je ris et mon souffle forme ces nuages de vapeur qui me font presque autant sourire que la neige elle-même. J’ai envie d’être toujours dehors, quitte à en tomber malade à mourir. Peu importe, puisque ce sera une bonne raison de m’envelopper dans ma couverture, mon thé à la main, un livre dans l’autre.

Quelle belle saison que l’hiver, finalement. La saison de la douceur et de l’enfance. L’hiver est un vieil homme qui veut paraître aigri et méchant, mais qui ne peut s’empêcher de se réjouir du bonheur apporté, en douce, sans prévenir, à tous les petits et grands enfants de la Terre. Saison parfaite pour les fêtes, pour s’abriter du tempérament houleux de la saison ronchonne, tout en collant le nez aux vitres pour voir les flocons danser, tomber du ciel dans la plus folle des courses, la plus belle des aventures. L’hiver pousse à l’innocence, l’hiver pousse à l’amour. Il voudrait qu’on ne le remarque pas, qu’on ne voit en lui qu’une figure menaçante, et pas ce grand-père excentrique mais foncièrement bon qu’il est au fond de lui. Mais quand j’ai embrassé ma Juliette, mon Yseult, quand je l’ai embrassée Elle sous la neige et que son souffle a déposé de la buée sur mes lunettes, j’ai ri, et c’était un rire hivernal, enfantin, de ceux qu’on ne doit qu’à la magie de la saison, et qui nous font oublier qu’on a un jour pu avoir froid.
Dernière modification par Rid-kaat le mer. 22 févr., 2017 1:05 pm, modifié 1 fois.
Rid-kaat

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Elles

Message par Rid-kaat »

Elles


Amour.

Est-ce que c’est de l’amour ?

Elle ne sait pas vraiment. Elle voudrait bien dire que non, ça fait si longtemps qu’elle s’est dit qu’aimer n’apportait que des ennuis. Elle a vu ses sœurs échouer, relation après relation, elle voit tous les jours ses parents se disputer, se chamailler, encore et encore. Elle n’est pas sûre de vouloir de tout ça. De vouloir d’attaches. Les attaches, quelle chose stupide. Elle voudrait être libre, libre pour toujours, n’avoir de compte à rendre à personne, et ne jamais tomber de haut, ne jamais voir son cœur se briser à ses pieds.

Elle sait bien, pourtant, que ne pas prendre de risque est le pire de tous les risques, justement.

Et puis, peut-elle vraiment parler de ne pas vouloir être sentimentale ? Il y a deux ans déjà qu’elles se tournent autour. Deux filles, ça fait jaser. Mais elles s’en fichent. Amitié. Elles disent que c’est de l’amitié. L’une sur les genoux de l’autre, leurs doigts noués, les sourires échangés. Mais ça ne va jamais, jamais plus loin. Elle se dit qu’elles sont amies. Mais quand elle y pense, c’est une autre histoire. Elle la trouve touchante, un peu naïve, d’une adorable maladresse, drôle et fiable. Elle la trouve fiable. Elle a du mal à trouver les gens fiables, elle a pris l’habitude de la méfiance. Mais elle la trouve fiable, elle a envie qu’elle le soit, elle voudrait pouvoir fermer les yeux et se jeter dans ses bras sans craindre qu’elle se détourne, que la chute ne soit d’autant plus difficile.

Qu’elles soient deux filles, ce n’est pas le problème. Ça n’en a jamais été un. Elles le savent toutes les deux, elles aiment les gens, pas les genres, elles en ont parlé des milliers de fois. Même mode de fonctionnement. Et puis, leurs parents, leurs amis, tout le monde sait, ça ne dérangerait personne. Non, ce qui lui fait peur, finalement, c’est l’amour lui-même. Ressentir. Est-ce que c’est ça, l’amour ? Est-ce que c’est cette douceur, ce besoin de la voir le plus souvent possible, cette envie de l’embrasser même alors qu’elles ont répétées milles fois à tout le monde qu’elles ne sont pas, et ne seront jamais ensemble ? Que les sentiments sont compliqués. Elle comprend soudainement pourquoi elle n’en voulait pas.

Et puis un jour, vous savez, l’alcool aidant, elles se retrouvent dans cette pièce, seules, et elles se disent « On ne devrait pas faire ça » mais elles s’embrassent quand même. Et encore. Et encore. Et ça ne devrait jamais cesser.

Elle a peur, du moins, elle croit qu'elle a peur. Pas tellement du regard des autres, il y a longtemps qu’elle a compris qu’elle s’en fichait. Elle a peur d’elle-même. De la fille qu’elle croit qu’elle aime. Elle n’est pas trop sûre. Mais elle sait qu’elle adore ses yeux, qu’elle rit avec elle, qu’elle a toujours envie de l’embrasser. Elle n’imagine pas de futur, elle ne sait pas faire, elle ne veut pas faire. Mais ici et maintenant, elle échoue. Elle échoue lamentablement à cette promesse qu’elle s’était faite de ne pas aimer, pas maintenant, pas tout de suite, ça va faire mal, et si je l’aime moins ? Ou l’inverse ? Elle ne sait pas à quel point elle l’aime. Elle ne sait pas où elles vont ensemble. Elle n’en sait foutrement rien, et elle s’en fout. Elle veut juste que ça dure, un moment, un petit moment, faire un bout de chemin ensemble, rire des regards de travers quand elles s’embrassent au lycée, et se sentir aimée, et se sentir en vie, et voir dans ses yeux tourner le reste du monde.

Est-ce que c'est de l'amour ?

Peut-être.

Un premier amour.

Elle ne sait pas vraiment comment il finira, dans les larmes ou dans la gêne, si ce sera douloureux, si elle s'en remettra, si elle pensera encore à elle dans trente ans, si elles seront encore ensemble, si elles auront des vies radicalement différentes.

Elle ne sait pas. Elle ne sait pas ce que c'est.

Mais elle sait qu'elle veut le vivre.

Le vivre ici et maintenant.
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mickaela

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Re: Textes en vrac

Message par mickaela »

Waw
Tu écrit vraiment bien, c'est super beau !!!
"A mon frère" Est juste magnifique, j'en avais les larmes au yeux, tu décrit tellement bien les sentiments que on se met a la place du personnage très vite (et celui là je suis désolé mais il EST triste)

"L'hiver" est aussi vraiment beau, et très poétique.

"Elles" est très touchant et très bien écrit.

Bref,
Pour te dire que ce que tu écrit est Génial et que j’espère que tu continueras a écrire.
ChloPlume

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Re: Hiver

Message par ChloPlume »

Rid-kaat a écrit :
Hiver


J’ai toujours eu ce terrible faible pour l’automne. Ses couleurs flamboyantes, son air frais qui garde pourtant les traces de la chaleur estivale, et les feuilles qui tombent des arbres et dansent jusqu’au sol. L’automne me ramène à moi-même, à ce moi d’aujourd’hui.

Mais l’hiver ! Seigneur, l’hiver !

L’hiver est autre chose. La saison froide, les écharpes douces enroulées autour du cou, remontées jusque sur le bout de nos nez rougis, les pulls trois fois trop grands, trois fois trop chauds pour les salles de classe où les radiateurs nous gardent vaillamment du froid extérieur. L’hiver a ses côtés détestables. C’est un vieil homme aigri qui n’aime pas les décorations inutiles et la couleur, ça non, alors il chasse des arbres les dernières feuilles que l’automne avait rendues chaleureuses, pour s’excuser du retour des températures fraîches. L’hiver n’aime pas non plus voir tous ces gens courir les rues, la peau à l’air libre, déjà en train de sourire de ces déjeuners sur l’herbe. Alors il nous empêche de danser sous le soleil, avec son froid glacial, comme l’est son tempérament.

Mais l’hiver, ce n’est pas que ça. L’hiver, c’est la neige. Oh, la neige ! Qu’un flocon tombe du ciel pour que je sois à nouveau une enfant, haute comme trois pommes, fascinées Le sujet de ton participe, c'est bien -une enfant- ? -une enfant fascinée- ? Pourquoi, dans ce cas, mettre un -s- ? Bon, d'accord ... Je cherche la petite bête ^^ ! par cette pluie solide, cette pluie de cristal, que je me retrouve à rire d’une perle blanche coincée dans les cils Pourquoi n'y a-t-il pas de préposition ici quand il y en a devant les autres propositions ? ma Juliette, de mon Yseult, d’Elle. Je suis de nouveau cette gamine qui voulait sortir faire une bataille de boules de neige alors même que l’épaisse couche blanche ne recouvrait pas encore le sol. Presque adulte maintenant, je m’en amuse encore, de cette pureté enfantine, innocente, tombée du ciel. Je mets mes mains en coupe, recueille autant de flocons que possible, les dépose sur le bout du nez de ma Belle avant de l’embrasser. Je ris, je ris et mon souffle forme ces nuages de vapeur qui me font presque autant sourire que la neige elle-même. J’ai envie d’être toujours dehors, quitte à en tomber malade à mourir. Peu importe, puisque ce sera une bonne raison de m’envelopper dans ma couverture, mon thé à la main, un livre dans l’autre.

Quelle belle saison que l’hiver, finalement. La saison de la douceur et de l’enfance. L’hiver est un vieil homme qui veut paraître aigri et méchant, mais qui ne peut s’empêcher de se réjouir du bonheur apporté, en douce, sans prévenir, à tous les petits et grands enfants de la Terre. Saison parfaite pour les fêtes, pour s’abriter du tempérament houleux de la saison ronchonne, tout en collant le nez aux vitres pour voir les flocons danser, tomber du ciel dans la plus folle des courses, la plus belle des aventures. L’hiver pousse à l’innocence, l’hiver pousse à l’amour. Il voudrait qu’on ne le remarque pas, qu’on ne voit en lui qu’une figure menaçante, et pas ce grand-père excentrique mais foncièrement bon qu’il est au fond de lui. Mais quand j’ai embrassé ma Juliette, mon Yseult, quand je l’ai embrassée Elle sous la neige et que son souffle a déposé de la buée sur mes lunettes, j’ai ri, et c’était un rire hivernal, enfantin, de ceux qu’on ne doit qu’à la magie de la saison, et qui nous font oublier qu’on a un jour pu avoir froid.
Un premier texte très intense, empreint de nostalgie. J'aime beaucoup tes références littéraires, notamment Yseult, qu'on oublie souvent.
Peut-être es-tu par trop insistante sur l'aspect nostalgique ? Mais je cherche la encore la petite bête.
Dans ta description, j'ai vu que tu dis être âgée de dix-sept ans. Tu as cette maturité et cette force dans ton écriture qui est surprenante et inhabituelle chez une adolescente/jeune adulte. C'est à la fois agréable et plein de promesses.

Rid-kaat a écrit :
Elles


Amour.

Est-ce que c’est de l’amour ?

Elle ne sait pas vraiment. Elle voudrait bien dire que non, ça fait si longtemps qu’elle s’est dit qu’aimer n’apportait que des ennuis. Elle a vu ses sœurs échouer, relation après relation, elle voit tous les jours ses parents se disputer, se chamailler, encore et encore. Elle n’est pas sûre de vouloir de tout ça. De vouloir d’attaches. Les attaches, quelle chose stupide. Elle voudrait être libre, libre pour toujours, n’avoir de compte à rendre à personne, et ne jamais tomber de haut, ne jamais voir son cœur se briser à ses pieds.

Elle sait bien, pourtant, que ne pas prendre de risque est le pire de tous les risques, justement.

Et puis, peut-elle vraiment parler de ne pas vouloir être sentimentale ? Il y a deux ans déjà qu’elles se tournent autour. Deux filles, ça fait jaser. Mais elles s’en fichent. Amitié. Elles disent que c’est de l’amitié. L’une sur les genoux de l’autre, leurs doigts noués, les sourires échangés. Mais ça ne va jamais, jamais plus loin. Elle se dit qu’elles sont amies. Mais quand elle y pense, c’est une autre histoire. Elle la trouve touchante, un peu naïve, d’une adorable maladresse, drôle et fiable. Elle la trouve fiable. Elle a du mal à trouver les gens fiables, elle a pris l’habitude de la méfiance. Mais elle la trouve fiable, elle a envie qu’elle le soit, elle voudrait pouvoir fermer les yeux et se jeter dans ses bras sans craindre qu’elle se détourne, que la chute ne soit d’autant plus difficile.

Qu’elles soient deux filles, ce n’est pas le problème. Ça n’en a jamais été un. Elles le savent toutes les deux, elles aiment les gens, pas les genres, elles en ont parlé des milliers de fois. Même mode de fonctionnement. Et puis, leurs parents, leurs amis, tout le monde sait, ça ne dérangerait personne. Non, ce qui lui fait peur, finalement, c’est l’amour lui-même. Ressentir. Est-ce que c’est ça, l’amour ? Est-ce que c’est cette douceur, ce besoin de la voir le plus souvent possible, cette envie de l’embrasser même alors qu’elles ont répétées milles fois à tout le monde qu’elles ne sont pas, et ne seront jamais ensemble ? Que les sentiments sont compliqués. Elle comprend soudainement pourquoi elle n’en voulait pas.

Et puis un jour, vous savez, l’alcool aidant, elles se retrouvent dans cette pièce, seules, et elles se disent « On ne devrait pas faire ça » mais elles s’embrassent quand même. Et encore. Et encore. Et ça ne devrait jamais cesser.

Je crois qu’elle a peur. Qui est ce -Je- qui surgit ? Pourquoi cette irruption alors que jusqu'alors, tu t'exprimais du point de vue interne et à la troisième personne ? Pas tellement du regard des autres, il y a longtemps qu’elle a compris qu’elle s’en fichait. Elle a peur d’elle-même. De la fille qu’elle croit qu’elle aime. Elle n’est pas trop sûre. Mais elle sait qu’elle adore ses yeux, qu’elle rit avec elle, qu’elle a toujours envie de l’embrasser. Elle n’imagine pas de futur, elle ne sait pas faire, elle ne veut pas faire. Mais ici et maintenant, elle échoue. Elle échoue lamentablement à cette promesse qu’elle s’était faite de ne pas aimer, pas maintenant, pas tout de suite, ça va faire mal, et si je l’aime moins ? Ou l’inverse ? Elle ne sait pas à quel point elle l’aime. Elle ne sait pas où elles vont ensemble. Elle n’en sait foutrement rien, et elle s’en fout. Elle veut juste que ça dure, un moment, un petit moment, faire un bout de chemin ensemble, rire des regards de travers quand elles s’embrassent au lycée, et se sentir aimée, et se sentir en vie, et voir dans ses yeux tourner le reste du monde.

Est-ce que c'est de l'amour ?

Peut-être.

Un premier amour.

Elle ne sait pas vraiment comment il finira, dans les larmes ou dans la gêne, si ce sera douloureux, si elle s'en remettra, si elle pensera encore à elle dans trente ans, si elles seront encore ensemble, si elles auront des vies radicalement différentes.

Elle ne sait pas. Elle ne sait pas ce que c'est.

Mais elle sait qu'elle veut le vivre.

Le vivre ici et maintenant.
L'homosexualité ... Vaste sujet.
L'amour ... Encore plus vaste sujet.
Chacun a sa façon d'en parler, ses mots et sa façon de l'appréhender. Certains s'y précipitent, d'autres le fuient, d'autres croient le connaître ...
L'ambivalence des sentiments de ta narratrice et son évolution, la peur de souffrir et le désir de partager ses sentiments avec l'être aimé te permettent d'être lu(e) et compris(e) par toutes/tous. Attention toutefois aux incohérences et peut-être aussi au fait d'aller trop vite dans ta réflexion ...
Autrement, tes textes sont très beaux et vraiment travaillés.
Rid-kaat

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Re: Textes en vrac

Message par Rid-kaat »

mickaela a écrit :Waw
Tu écrit vraiment bien, c'est super beau !!!
"A mon frère" Est juste magnifique, j'en avais les larmes au yeux, tu décrit tellement bien les sentiments que on se met a la place du personnage très vite (et celui là je suis désolé mais il EST triste)

"L'hiver" est aussi vraiment beau, et très poétique.

"Elles" est très touchant et très bien écrit.

Bref,
Pour te dire que ce que tu écrit est Génial et que j’espère que tu continueras a écrire.
Merci beaucoup !

Oui, A mon frère n'est pas particulièrement joyeux x) Je l'avais écrit pour un devoir d'Histoire, donc c'était pas vraiment censé bien finir...

Et merci encore pour tous ces compliments ! Je ne compte pas arrêter d'écrire, loin de là =)
Rid-kaat

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Re: Hiver

Message par Rid-kaat »

Oh, un long commentaire ! :D
ChloPlume a écrit :
Rid-kaat a écrit :
Hiver


J’ai toujours eu ce terrible faible pour l’automne. Ses couleurs flamboyantes, son air frais qui garde pourtant les traces de la chaleur estivale, et les feuilles qui tombent des arbres et dansent jusqu’au sol. L’automne me ramène à moi-même, à ce moi d’aujourd’hui.

Mais l’hiver ! Seigneur, l’hiver !

L’hiver est autre chose. La saison froide, les écharpes douces enroulées autour du cou, remontées jusque sur le bout de nos nez rougis, les pulls trois fois trop grands, trois fois trop chauds pour les salles de classe où les radiateurs nous gardent vaillamment du froid extérieur. L’hiver a ses côtés détestables. C’est un vieil homme aigri qui n’aime pas les décorations inutiles et la couleur, ça non, alors il chasse des arbres les dernières feuilles que l’automne avait rendues chaleureuses, pour s’excuser du retour des températures fraîches. L’hiver n’aime pas non plus voir tous ces gens courir les rues, la peau à l’air libre, déjà en train de sourire de ces déjeuners sur l’herbe. Alors il nous empêche de danser sous le soleil, avec son froid glacial, comme l’est son tempérament.

Mais l’hiver, ce n’est pas que ça. L’hiver, c’est la neige. Oh, la neige ! Qu’un flocon tombe du ciel pour que je sois à nouveau une enfant, haute comme trois pommes, fascinées Le sujet de ton participe, c'est bien -une enfant- ? -une enfant fascinée- ? Pourquoi, dans ce cas, mettre un -s- ? Bon, d'accord ... Je cherche la petite bête ^^ ! par cette pluie solide, cette pluie de cristal, que je me retrouve à rire d’une perle blanche coincée dans les cils Pourquoi n'y a-t-il pas de préposition ici quand il y en a devant les autres propositions ? ma Juliette, de mon Yseult, d’Elle. Je suis de nouveau cette gamine qui voulait sortir faire une bataille de boules de neige alors même que l’épaisse couche blanche ne recouvrait pas encore le sol. Presque adulte maintenant, je m’en amuse encore, de cette pureté enfantine, innocente, tombée du ciel. Je mets mes mains en coupe, recueille autant de flocons que possible, les dépose sur le bout du nez de ma Belle avant de l’embrasser. Je ris, je ris et mon souffle forme ces nuages de vapeur qui me font presque autant sourire que la neige elle-même. J’ai envie d’être toujours dehors, quitte à en tomber malade à mourir. Peu importe, puisque ce sera une bonne raison de m’envelopper dans ma couverture, mon thé à la main, un livre dans l’autre.

Quelle belle saison que l’hiver, finalement. La saison de la douceur et de l’enfance. L’hiver est un vieil homme qui veut paraître aigri et méchant, mais qui ne peut s’empêcher de se réjouir du bonheur apporté, en douce, sans prévenir, à tous les petits et grands enfants de la Terre. Saison parfaite pour les fêtes, pour s’abriter du tempérament houleux de la saison ronchonne, tout en collant le nez aux vitres pour voir les flocons danser, tomber du ciel dans la plus folle des courses, la plus belle des aventures. L’hiver pousse à l’innocence, l’hiver pousse à l’amour. Il voudrait qu’on ne le remarque pas, qu’on ne voit en lui qu’une figure menaçante, et pas ce grand-père excentrique mais foncièrement bon qu’il est au fond de lui. Mais quand j’ai embrassé ma Juliette, mon Yseult, quand je l’ai embrassée Elle sous la neige et que son souffle a déposé de la buée sur mes lunettes, j’ai ri, et c’était un rire hivernal, enfantin, de ceux qu’on ne doit qu’à la magie de la saison, et qui nous font oublier qu’on a un jour pu avoir froid.
Un premier texte très intense, empreint de nostalgie. J'aime beaucoup tes références littéraires, notamment Yseult, qu'on oublie souvent.
Peut-être es-tu par trop insistante sur l'aspect nostalgique ? Mais je cherche la encore la petite bête.
Dans ta description, j'ai vu que tu dis être âgée de dix-sept ans. Tu as cette maturité et cette force dans ton écriture qui est surprenante et inhabituelle chez une adolescente/jeune adulte. C'est à la fois agréable et plein de promesses.
Pour les quelques fautes qui traînent, je vais les corriger, j'avoue que je ne m'étais pas particulièrement relue avant de poster (je me fais à peu près confiance, donc parfois j'en oublie quelques unes x) Et la préposition s'est juste envolée, je ne sais pas comment, mais j'ai dû l'oublier :lol:

Sinon, merci pour les compliments ! Pour ce qui est de l'aspect nostalgique, même s'il est peut-être trop présent, ce n'est pas un truc que j'ai envie de changer dans ce texte, parce que ça reflétait un peu un état d'esprit... Personnellement, je préfère que ce soit peut-être "trop" sur ce texte-ci, plutôt que d'en changer l'essence en le réécrivant dans un état d'esprit différent, je ne sais pas si je suis claire x)

Merci ! Après je me "sens" un peu à part des gens de mon âge et les adolescents de mon lycée sont des bêtes intéressantes à étudier. De loin. En tout cas ça fait toujours très plaisir quand on me parle de maturité dans mes textes, c'est un très beau compliment !
ChloPlume a écrit :
Rid-kaat a écrit :
Elles


Amour.

Est-ce que c’est de l’amour ?

Elle ne sait pas vraiment. Elle voudrait bien dire que non, ça fait si longtemps qu’elle s’est dit qu’aimer n’apportait que des ennuis. Elle a vu ses sœurs échouer, relation après relation, elle voit tous les jours ses parents se disputer, se chamailler, encore et encore. Elle n’est pas sûre de vouloir de tout ça. De vouloir d’attaches. Les attaches, quelle chose stupide. Elle voudrait être libre, libre pour toujours, n’avoir de compte à rendre à personne, et ne jamais tomber de haut, ne jamais voir son cœur se briser à ses pieds.

Elle sait bien, pourtant, que ne pas prendre de risque est le pire de tous les risques, justement.

Et puis, peut-elle vraiment parler de ne pas vouloir être sentimentale ? Il y a deux ans déjà qu’elles se tournent autour. Deux filles, ça fait jaser. Mais elles s’en fichent. Amitié. Elles disent que c’est de l’amitié. L’une sur les genoux de l’autre, leurs doigts noués, les sourires échangés. Mais ça ne va jamais, jamais plus loin. Elle se dit qu’elles sont amies. Mais quand elle y pense, c’est une autre histoire. Elle la trouve touchante, un peu naïve, d’une adorable maladresse, drôle et fiable. Elle la trouve fiable. Elle a du mal à trouver les gens fiables, elle a pris l’habitude de la méfiance. Mais elle la trouve fiable, elle a envie qu’elle le soit, elle voudrait pouvoir fermer les yeux et se jeter dans ses bras sans craindre qu’elle se détourne, que la chute ne soit d’autant plus difficile.

Qu’elles soient deux filles, ce n’est pas le problème. Ça n’en a jamais été un. Elles le savent toutes les deux, elles aiment les gens, pas les genres, elles en ont parlé des milliers de fois. Même mode de fonctionnement. Et puis, leurs parents, leurs amis, tout le monde sait, ça ne dérangerait personne. Non, ce qui lui fait peur, finalement, c’est l’amour lui-même. Ressentir. Est-ce que c’est ça, l’amour ? Est-ce que c’est cette douceur, ce besoin de la voir le plus souvent possible, cette envie de l’embrasser même alors qu’elles ont répétées milles fois à tout le monde qu’elles ne sont pas, et ne seront jamais ensemble ? Que les sentiments sont compliqués. Elle comprend soudainement pourquoi elle n’en voulait pas.

Et puis un jour, vous savez, l’alcool aidant, elles se retrouvent dans cette pièce, seules, et elles se disent « On ne devrait pas faire ça » mais elles s’embrassent quand même. Et encore. Et encore. Et ça ne devrait jamais cesser.

Je crois qu’elle a peur. Qui est ce -Je- qui surgit ? Pourquoi cette irruption alors que jusqu'alors, tu t'exprimais du point de vue interne et à la troisième personne ? Pas tellement du regard des autres, il y a longtemps qu’elle a compris qu’elle s’en fichait. Elle a peur d’elle-même. De la fille qu’elle croit qu’elle aime. Elle n’est pas trop sûre. Mais elle sait qu’elle adore ses yeux, qu’elle rit avec elle, qu’elle a toujours envie de l’embrasser. Elle n’imagine pas de futur, elle ne sait pas faire, elle ne veut pas faire. Mais ici et maintenant, elle échoue. Elle échoue lamentablement à cette promesse qu’elle s’était faite de ne pas aimer, pas maintenant, pas tout de suite, ça va faire mal, et si je l’aime moins ? Ou l’inverse ? Elle ne sait pas à quel point elle l’aime. Elle ne sait pas où elles vont ensemble. Elle n’en sait foutrement rien, et elle s’en fout. Elle veut juste que ça dure, un moment, un petit moment, faire un bout de chemin ensemble, rire des regards de travers quand elles s’embrassent au lycée, et se sentir aimée, et se sentir en vie, et voir dans ses yeux tourner le reste du monde.

Est-ce que c'est de l'amour ?

Peut-être.

Un premier amour.

Elle ne sait pas vraiment comment il finira, dans les larmes ou dans la gêne, si ce sera douloureux, si elle s'en remettra, si elle pensera encore à elle dans trente ans, si elles seront encore ensemble, si elles auront des vies radicalement différentes.

Elle ne sait pas. Elle ne sait pas ce que c'est.

Mais elle sait qu'elle veut le vivre.

Le vivre ici et maintenant.
L'homosexualité ... Vaste sujet.
L'amour ... Encore plus vaste sujet.
Chacun a sa façon d'en parler, ses mots et sa façon de l'appréhender. Certains s'y précipitent, d'autres le fuient, d'autres croient le connaître ...
L'ambivalence des sentiments de ta narratrice et son évolution, la peur de souffrir et le désir de partager ses sentiments avec l'être aimé te permettent d'être lu(e) et compris(e) par toutes/tous. Attention toutefois aux incohérences et peut-être aussi au fait d'aller trop vite dans ta réflexion ...
Autrement, tes textes sont très beaux et vraiment travaillés.
J'avoue ne pas avoir fait très attention à l'irruption de ce "Je". Ce n'était pas un texte très réfléchi, plus dans l'instant, comme le précédent, et je ne l'ai pas beaucoup relu non plus x) Donc c'est vrai qu'il fait bizarre, je le changerai !

Ce sont de vastes sujets, en effet, que je touche du bout des doigts avec mes faibles expériences de gamine de 17 ans ! Je fais avec le matériel que j'ai, donc c'est peut-être balbutiant, mais voilà =P

Je retiens pour les incohérences/la rapidité, même si ce texte est loin d'avoir pour vocation d'être parfait là-dessus. Mais je note pour une prochaine fois !

Merci beaucoup pour tout ce commentaire, en tout cas !
Rid-kaat

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Re: Textes en vrac

Message par Rid-kaat »

Partie


Je regarde par la fenêtre, le monde qui a l'indécence de continuer de tourner.

Elle est partie il y a deux semaines déjà. Morte et enterrée. Je suis trop brusque ? Désolée, je n'ai jamais été quelqu'un de délicat.

Vous savez, je ne comprends pas.

Tout le monde me bouscule pour que j'aille de l'avant, que je continue, que je me reprenne. On m'a laissé deux jours, peut-être, pour être tranquille avec mes souvenirs d'elle. Et des souvenirs, j'en ai beaucoup. Je la connais depuis toujours, après tout.

C'était ma meilleure amie, vous savez. Mais ce n'était que ma meilleure amie.

Et je suis triste, perdue et furieuse à la fois.

Parce que je la connaissais depuis toujours. Parce que j'avais été là pour elle à chaque instant. Parce que j'étais centrale dans sa vie, plus importante encore que ce garçon qui l'embrassait depuis deux ans à peine, mais qui a eu une des premières places pour parler d'elle à l'enterrement. J'étais plus présente encore que sa famille, ces gens liés à elle par le sang mais qui l'ont rejetée et humiliée tant de fois pour avoir dit : "Je suis bi".

Je suis si furieuse.

Parce que sa famille pleurait et acceptait les condoléances. Parce que son copain parlait d'elle avec des larmes dans les yeux. Et que tous les regards se tournaient vers eux, toute la sollicitude leur était destinée. Et je suis restée dans un coin, engoncée dans une robe noire. Je portais ce chapeau à larges bords un peu ridicule qu'elle adorait. Parce que je me souvenais d'elle, riant, rejetant ses cheveux teints en vert par-dessus son épaule, disant : "Promets moi que si je meurs avant toi, tu les forceras à passer du Janis Joplin à mon enterrement et à cracher chacun leur tour sur ma tombe !"

Bien entendu, je n'ai rien fait de tout ça. Pas comme si j'avais participé aux préparatifs de toute façon. Je me suis dit, tout de même, que j'allais cracher sur sa tombe, en son honneur, vous savez. Mais quand je suis arrivée devant, munie de tout mon courage, j'ai juste fondu en larmes parce qu'elle n'était plus là, vraiment plus là. Ce n'était pas une de ces disputes pendant lesquelles on s'ignorait quelques jours avant d'en avoir assez d'être loin l'une de l'autre. Elle ne reviendrait pas. Ni elle, ni son sourire, ni ses cheveux verts, ni sa musique rock et punk, ni son humour cynique, ni ses monologues politiques enflammés, ni ses confessions qu'elle ne faisait qu'à moi.

Quand vous êtes la meilleure amie, vous avez beau avoir été là plus longtemps que le partenaire et avoir été plus proche d'elle que les parents, vous ne passez pas en premier. Et vous devez vous remettre au plus vite. Tout le monde a l'air d'attendre que vous soyez la première debout, prête à repartir. C'est comme si une amie proche était plus facile à remplacer qu'une amante. Comme si l'amour romantique ou familial était plus fort que l'amour platonique. Ca me fait doucement rire.

Mais après tout, ne dit-on pas : "Je veux qu'on soit plus qu'amis" ? Comme si l'amitié était quelque chose de moindre, alors que c'est elle qui essuiera les larmes de la rupture romantique. Et ne dit-on pas : "Elle était comme une soeur pour moi" ? Comme si on avait besoin d'un lien du sang pour être proche. Pour tout vous dire, je n'ai jamais été aussi proche de mes soeurs, ni d'aucun membre de ma famille, que je l'ai été d'elle. De son côté, elle était fille unique. Alors, pourquoi, pourquoi diable a-t-on besoin d'être plus qu'amies ? Pourquoi est-ce que l'amitié doit compter moins que le reste ? Pourquoi n'ai-je pas autant le droit d'être au fond du trou que l'homme avec qui elle couchait ? Je savais d'elle ce que ni sa famille ni ses amants n'ont jamais su. Elle savait de moi ce que personne d'autre n'avait effleuré. Et pourtant, pourtant, je passe après les autres. Il y a cette hiérarchie étrange de la tristesse, et je ne suis pas au premier plan.

Après tout, je n'étais que la meilleure amie.

Vous y pensez un peu ? Si vous voulez voir quelqu'un à l'hôpital, il faut être de la famille. Même si le patient déteste sa famille. Ou le mari, la femme. Même sur le bord d'une rupture. Si vous dites que vous êtes un ami proche, quelle importance, hein ?

Morte, c'est presque pire. C'est comme si chacun était attribué un certain temps pour s'en remettre, et on donne tout le temps disponible à la famille et au partenaire romantique. Et on partage les miettes restantes entre les amis.

Mon deuil passe en arrière plan. Derrière la famille qui crachait dans son dos. Derrière le type qu'elle prévoyait de quitter, de toute façon.

Elle est morte. Et ce type, il retrouvera une amante. Et moi ? Une amie qui connait tout de vous, qui se souvient d'histoires embarrassantes à votre sujet, de votre première relation au collège, du nom du doudou que vous avez trimballé trop longtemps ? Ce n'est pas si facile à dénicher. C'est même impossible. Et je vais le porter toute ma vie, ce deuil. Me tourner vers elle pour confier un secret que je ne peux dire qu'à elle, et la trouver absente, fantômatique.

Je suis si furieuse.

Parce que je suis la meilleure amie. Pas que la meilleure amie. Et que je ne me remettrai jamais de cette perte-là. Et pourtant, pourtant, mon amitié, tout cet amour platonique, c'est comme si ça n'avait pas d'importance, pas de poids, pas de valeur.

Alors je vais porter mon deuil en silence, puisque personne ne me laissera hurler ma douleur à la lune.
normalement

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Re: Textes en vrac

Message par normalement »

waouh. Juste waou. J'ai lu seulement le texte "A mon frère" et le dernier que tu as posté, je dois dire que je ne m'y attendais pas. Tu rends la mort très poétique, je m'imagine la scène du premier texte, les deux frères qui jouent dans le jardin avant que l'ainé ne parte à la guerre, je le voie lui dire " je reviendrais, je te le promet petit frère" en lui ébouriffant les cheveux. Je le voix partir en train, la main par la fenêtre et les larmes de sa mère voyant disparaître son premier né au loin. C'est tellement beau, et si injuste à la fois. Bref, je part dans ma propre histoire, mais franchement bravo ! J'ai lâché des petites larmes à la fin !
Pour le dernier texte, toujours très beau, dans un autre genre mais tu as réussi à me faire imaginer toute la relation qu'on eu les deux meilleures amies ensemble. Parler du deuil est difficile, l'écrire l'est plus encore. Mais tu as réussi et avec succès ! Bravo !!
mickaela

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Re: Textes en vrac

Message par mickaela »

En faite je pourrais faire un grands commentaire mais j'ai juste pas les mots, c'est tellement beaux et triste en même temps,j'étais à deux doigts de pleuré... alors juste bravo ! Et merci de partager tes textes avec nous, ça peux parfois être difficile !
Rid-kaat

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Re: Textes en vrac

Message par Rid-kaat »

normalement a écrit :waouh. Juste waou. J'ai lu seulement le texte "A mon frère" et le dernier que tu as posté, je dois dire que je ne m'y attendais pas. Tu rends la mort très poétique, je m'imagine la scène du premier texte, les deux frères qui jouent dans le jardin avant que l'ainé ne parte à la guerre, je le voie lui dire " je reviendrais, je te le promet petit frère" en lui ébouriffant les cheveux. Je le voix partir en train, la main par la fenêtre et les larmes de sa mère voyant disparaître son premier né au loin. C'est tellement beau, et si injuste à la fois. Bref, je part dans ma propre histoire, mais franchement bravo ! J'ai lâché des petites larmes à la fin !
Pour le dernier texte, toujours très beau, dans un autre genre mais tu as réussi à me faire imaginer toute la relation qu'on eu les deux meilleures amies ensemble. Parler du deuil est difficile, l'écrire l'est plus encore. Mais tu as réussi et avec succès ! Bravo !!
Merci du commentaire =P
Je suis super contente que mon texte t'ai fait voir/ressentir toutes ces choses ! C'est un texte vieux de deux ans maintenant donc j'y vois plein de défauts mais j'y suis quand même bizarrement attachée, donc j'adore voir que des gens l'apprécient !
Et le deuxième texte a été écrit d'un coup parce que j'avais un coup de gueule au bord des lèvres, donc il est trèèèès personnel quelque part, pas parfait mais plein d'émotions frustrantes x)
mickaela a écrit :En faite je pourrais faire un grands commentaire mais j'ai juste pas les mots, c'est tellement beaux et triste en même temps,j'étais à deux doigts de pleuré... alors juste bravo ! Et merci de partager tes textes avec nous, ça peux parfois être difficile !
Merci beaucoup <3 Je suis toujours contente quand mes textes font ressentir plein de choses aux gens, c'est un peu le but, mais le savoir c'est chouette =P
Rid-kaat

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Aromantique Asexuelle

Message par Rid-kaat »

Texte écrit dans le cadre d'un challenge intitulé "Qu'est-ce que l'amour ?" sur un autre site

Aromantique Asexuelle


Aromantique Asexuelle.

 Ouais, c'est un truc qui existe. Je vais vous éviter d'aller chercher sur Internet ce que ça veut dire.
Aromantique : personne ne ressentant pas d'attirance romantique.
Asexuelle : personne ne ressentant pas d'attirance sexuelle.

 Désolée, pour cette fois, je ne ferais pas dans les belles phrases et les comparaisons poétiques. Pour cette fois, je suppose que je dirais juste ma vérité, de but en blanc, sans enrobage sucré pour faire passer la pilule. Possible qu'elle vous soit difficile à avaler, possible aussi que j'en ai pas grand-chose à faire.

 J'écris ceci le 1er Juin. Juin, c'est Pride Month, le mois des fiertés LGBTQIAP+. Le A, c'est pour aromantique et/ou asexuel. Hi, hello, I'm here.
 Donc, voilà, vous me demandez de vous parler d'amour, donc je vais vous parler de ce que c'est d'être aromantique asexuelle. Aroace. Tellement de choses à dire, pas assez d'organisation sous mon crâne, l'appréhension déjà de ce que je vais peut-être lire dans les commentaires.
Tu es sûre que c'est normal d'être comme ça ?
Y'a un truc qui cloche chez toi.
Tu as déjà checké tes niveaux d'hormones ?
C'est lié à ta dépression, hein ?
Asexuelle, comme une plante ?
Oh mon dieu, ma pauvre, je suis désolée pour toi, ça doit être horrible.
Pourtant, la romance et le sexe, c'est universel, c'est ce qui nous rend humain !
Tu n'as juste pas trouvé la bonne personne.

 Pas de bol, il y a un moment que je ne crois plus à ces conneries, bye. Quoi que vous ayez à dire, je l'ai déjà entendu, et je l'ai ignoré. Parce que je ne suis pas anormale, pas brisée, pas inhumaine, pas une putain de plante. Et il y en a un tas d'autres, des gens comme moi, des gens qui comprennent, même si vous n'y arrivez peut-être pas. Ce que je vous demande, pourtant, si vous lisez jusqu'au bout, c'est de suspendre ce que vous croyez être vrai et d'écouter. Juste ça. Écouter. Et admettre, que peut-être, votre Vérité n'est pas celle de tout le monde.

 J'ai eu un copain et une copine. J'ai tout testé, dans le doute où vous vouliez me dire de recommencer pour être sûre. Testé et désapprouvé. Et pas de traumatismes particuliers non plus. Mes couples étaient sains et cools, et je suis encore amie avec une de mes ex. Cool, hein ? Bon, du coup, venons-en au vif du sujet.

 Qu'est-ce que ça fait, d'être aromantique asexuelle ? Déjà, ça fait que les défis littéraires sur l'amour me donnent toujours envie de hurler à la lune. Pas de votre faute, et j'adore bizarrement lire à propos de romance. Mais. Mais amour, amour ça ne veut pas dire romance. Je n'ai jamais eu de 'crush' de ma vie. Pas même sur une célébrité, pas même sur un personnage fictif. Je n'ai jamais eu ces images mentales qui vous assaillent sans prévenir quand vous êtes attiré par quelqu'un. Et, honnêtement, je ne m'en porte pas plus mal. Quand mes amis tentent de m'expliquer leur attirance physique envers quelqu'un, je suis toujours subjuguée : Oh Seigneur Diable, c'est un vrai sentiment que de vrais gens ressentent ? Huuuuh, c'est irréaliste.

 C'est juste que... ça m'embête vraiment, de voir comment l'amour est toujours ramené à la romance. Si vous saviez. Si vous saviez combien de nuances d'amour il y a et à quel point le sexe et la romance sont une petite portion du mot Amour. J'aime, j'aime, j'aime. Juste pas romantiquement. J'aime mes amis à la folie, et je serais prête à traverser la planète pour aller les voir s'ils ne vont pas bien. J'aime ma famille. Parfois. C'est compliqué. J'aime regarder les gens esthétiquement intéressants dans la rue, et j'aimerais pouvoir les regarder pendant des heures, sans jamais, pourtant, désirer autre chose que cela, regarder. J'aime les discussions passionnantes que je peux avoir avec des inconnus, sur ces sujets qui me passionnent. J'aime ces quelques personnes très spéciales à qui je peux tout dire, sans exception, avec qui je peux être ouverte et honnête, même sur les pires aspects de ma personnalité. J'aime les câlins, et poser la tête sur l'épaule de quelqu'un pendant un film, et la proximité physique de certaines personnes tant qu'elles gardent leurs vêtements sur elles.
 J'aime cette fille. Cette fille un peu comme moi et pas trop comme les autres, cette fille à qui je proposerai bien : viens, on va habiter ensemble pour toujours, avec dix chats et deux chambres séparées, à se mater des films de superhéros tous les soirs et à s'appeler "partenaire". Partenaire. Partenaire de vie, partenaire d'envies. Pas de rendez-vous, ou de fleurs, ou de quoi que ce soit qui pourrait faire de nous un "couple" comme vous l'entendez. Partenaire. J'adore ce mot.
 J'aime beaucoup "Je t'aime" aussi, mais c'est devenu une expression corrompue jusqu'à la moelle. J'ai peur de la dire, vous savez. Parce que "Je t'aime" on devrait pouvoir le dire à tout le monde, tout le temps, parce qu'on aime tellement de gens dans sa vie. Mais maintenant, on ne sait plus sur quel pied danser. Est-ce que je peux dire "Je t'aime" ou "Tu es super beau aujourd'hui !" à cet ami proche, ou est-ce que je vais avoir l'air de flirter ? Par pitié dites-moi que j'ai l'air de tout sauf de flirter. "Je t'aime" c'est beau et pur et destiné à tout le monde. Pas qu'à la romance. Mais parfois, parfois c'est impossible de détacher l'un de l'autre et ça me tue.

  Ça m'a pris tellement de temps de comprendre et d'accepter ce que j'étais. On vit dans une société qui vous explique que vous devez coucher trois fois par semaine pour être heureux en couple, et que de toute façon, si vous êtes encore vierge à 20 ans, vous avez raté votre vie. Et puis, vous ne vivez que pour finir en couple avec quelqu'un, et avoir un job stable et des gosses et un labrador. Parce que si vous n'êtes pas en couple, alors vous êtes une rature. Surtout si vous ne voulez pas l'être non mais quelle drôle d'idée ? Quand j'ai commencé à comprendre que ma façon d'être attirée par les gens étaient différente de celle des autres, je l'ai rejeté en bloc. Être aro ou ace, c'est pire encore à accepter qu'être lesbienne ou gay ou bi. Parce que ces orientations sexuelles là, vous en avez forcément entendu parler quelque part. Mais combien de fois vous a-t-on dit que de ne pas souhaiter être en couple c'était normal, c'était une option accessible ? Moi, jamais. On m'a dit d'attendre, on m'a dit que ça finirait par arriver. On m'a fait comprendre que c'était tellement normal la romance, que si je n'en voulais pas, c'était moi le problème.

 Seigneur, j'adore lire de la romance mais si quelqu'un me faisait les mêmes déclarations que dans un livre de ce genre, je lui rirai au nez, gênée, avant de m'enfuir en courant et de ne jamais recontacter la personne.

 On vit dans un monde où une expérience est glorifiée au-dessus de toutes les autres. Et c'est si toxique, vous savez ? De vouloir faire passer sa vérité au-dessus de celle des autres. On m'a dit si souvent que je n'existais pas et que je changerai avec le temps et que tout irait bien. Parce que ce que je vis maintenant, ce n'est pas bien, hein ? Pas assez comme vous, je suppose ? Pas assez correct ?
 L'amour, ça m'inspire tellement de sentiments contradictoires et compliqués. Parce que l'amour n'est jamais simple. Mais ce drôle de monde me l'a rendu encore plus difficile. Vous vouliez savoir ce que c'était l'amour, pour moi ? C'est un coup de coeur et un coup de gueule et coup de bâton tout à la fois et c'est bizarre et drôle et incompréhensible.

 Qu'est-ce que c'est l'amour, hein ? Autre chose que juste la romance. C'est l'amitié et la fraternité et la camaraderie. C'est les longues discussions à propos de livres, de science, de langage, de politique et de mondes enchantés. C'est pleurer sur l'épaule de quelqu'un sans aucune raison et savoir que ce ne sera pas un problème. C'est dire "Je t'aime" à cinq personnes dans une seule journée, pour des raisons différentes, et sans jamais vouloir dire "Je suis amoureuse de toi". C'est rêver d'une relation platonique, intime, mais ni romantique ni sexuelle. C'est aimer un personnage de fiction au point de penser à celui-ci tous les jours pendant des mois. C'est s'aimer soi-même, ses idées et ses rêves, et essayer d'y croire même quand tout semble perdu. C'est aimer un animal de compagnie au point de crier sur tous les toits "Je vous présente mon fils, il s'appelle Berlioz et il est adorable." C'est se pointer sans prévenir chez une amie parce qu'on passait par là. C'est passer des semaines à organiser un anniversaire surprise. C'est danser de façon ridicule dans la rue, et que les personnes qui vous accompagnent rient et rient encore, assez fort pour vous faire rougir de gêne et vous encourager à continuer à la fois. C'est prendre dans ses bras un ami qu'on connait depuis des années, de Twitter ou Booknode ou Skype ou Discord, mais qu'on rencontre pour la première fois. C'est entendre quelqu'un demander "C'est quoi tes pronoms ?" ou "C'est ok si je te fais un câlin ?" et fondre intérieurement. C'est défendre une amie ou une soeur ou un inconnu contre des idiots. C'est reconnaître que parfois on a tort, que parfois on est plus privilégiés que les autres, que parfois ce n'est pas à nous de prendre la parole.
 Et, de temps en temps, c'est de la romance. Parfois. Mais ce n'est qu'une infime parcelle de ce qu'est l'amour.

 Je suis aromantique asexuelle. Je ne tombe pas amoureuse, et je ne suis pas spécialement attirée sexuellement par qui que ce soit. Mais je ne suis pas brisée et pas sans coeur et pas inhumaine. J'aime, j'aime, j'aime, j'aime. Et j'adore l'amour et j'ai des fantasmes qui ne comportent que des matins silencieux et complices, des tonnes de chats et des pieds emmêlés sur un canapé.

 Parfois, l'amour, ce n'est pas ce que vous imaginez que c'est au premier abord. Ce n'est pas le coup de foudre et les papillons dans le ventre ou peu importe ce que vous, alloromantiques, ressentez quand vous êtes amoureux. Moi, je suis aroace. Je le vis bien. Je veux dire, si je peux ne pas m'embêter avec des sentiments qui me transforment en créature irrationnelle ? Je signe tout de suite. Pas que je l'ai choisi, mais si j'avais le choix, je suppose que je choisirai d'être aro une nouvelle fois. Parce que peut-être que tout le monde me déteste, m'efface, m'insulte et pense que je ne suis pas normale. Mais moi, j'ai appris à accepter un monde immense et divers et complexe, où mon expérience ne sera jamais celle des autres. Et c'est beau. Et j'aime cette idée. Et j'aime l'Amour. Toutes les formes de l'Amour.

Aromantique Asexuelle.
 Si seulement j'avais entendu ces mots plus tôt.
Peche38

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Re: Textes en vrac

Message par Peche38 »

Je viens de lire tous tes textes et pour être honnête, je ne sais pas trop quoi dire, je n'ai pas les mots... C'est tellement beau et profond ! J'aime énormément lire des textes de ce genre, mais les tiens sont vraiment exceptionnels. Mon dieu c'est magnifique ! Certains textes m'ont particulièrement touchés (Aimez-moi encore ; À mon frère; Elles; Partie ). Pour tout dire, À mon frère a même réussi à me faire monter les larmes aux yeux (c'est la première fois que ça m'arrive je crois) !
Tu as une manière d'écrire remarquable, et tu fais passer des sentiments très forts et très émouvants. Je suis restée impressionnée tout en continuant à lire. Vraiment, il n'y a rien à redire, si ce n'est bravo ! (Si je peux me permettre, n'arrêtes jamais d'écrire, tu as un trop grand talent pour ça.)
Tu pourrais me tenir au courant quand tu sortiras de nouveaux textes s'il te plaît ?
Rid-kaat

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Re: Textes en vrac

Message par Rid-kaat »

Peche38 a écrit :Je viens de lire tous tes textes et pour être honnête, je ne sais pas trop quoi dire, je n'ai pas les mots... C'est tellement beau et profond ! J'aime énormément lire des textes de ce genre, mais les tiens sont vraiment exceptionnels. Mon dieu c'est magnifique ! Certains textes m'ont particulièrement touchés (Aimez-moi encore ; À mon frère; Elles; Partie ). Pour tout dire, À mon frère a même réussi à me faire monter les larmes aux yeux (c'est la première fois que ça m'arrive je crois) !
Tu as une manière d'écrire remarquable, et tu fais passer des sentiments très forts et très émouvants. Je suis restée impressionnée tout en continuant à lire. Vraiment, il n'y a rien à redire, si ce n'est bravo ! (Si je peux me permettre, n'arrêtes jamais d'écrire, tu as un trop grand talent pour ça.)
Tu pourrais me tenir au courant quand tu sortiras de nouveaux textes s'il te plaît ?
Merci beaucoup pour ce commentaire, je l'ai vue en me levant un matin il m'a fait super plaisir et m'a mis de bonne humeur pour toute la journée !
Je suis toujours diaboliquement contente d'arriver à tirer des larmes des gens, étant une personne qui pleure très très peu, je suis fascinée quand ça arrive aux gens qui lisent mes textes x)
En tout cas merci encore, c'est que des supers compliments et ça m'encourage beaucoup à continuer haha
Pas de souci pour te tenir au courant ! =P
Peche38

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Re: Textes en vrac

Message par Peche38 »

Je suis ravie de d'avoir pu te faire plaisir et que ça t'encourage :-D
Merci de me tenir au courant c'est sympa
Charmimnachirachiva

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Re: Textes en vrac

Message par Charmimnachirachiva »

Salut, j'ai adoré, TOUS, mais j'ai tout de même une légère préférance pour aromantique asexuelle car, plus qu'un personnage, on te comprend, et c'est beau, c'est beau l'amour sous TOUTES ses formes, je n'est pas pleuré, non pas que ces texte ne m'ont pas arrachés d'intense émotion, mais pleurer peut être de joie où de tristesse, pleurer est normal, mais lire ne me fait pas pleurer, lire me remplit, lire c'est donner et c'est prendre, je pense que la plume magner par les bonnes personnes surpasse de loin toute autres formes d'art. Je ne peux que te remercier pour cet immense don de toi même. Si tu poste un nouveau texte , s'il te plait, dit le moi.
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