Les contes de mon ami flâneur [Nouvelle fantastique]

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Sheezune

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Les contes de mon ami flâneur [Nouvelle fantastique]

Message par Sheezune »

Ici un petit texte que j'avais envoyé pour un concours, mais qui n'a malheureusement pas été sélectionné, alors je vous laisse en profiter. :)

Les contes de mon ami flâneur


Il est de ces êtres qui errent sans but, en quête uniquement de tranquillité et de découvertes.
Ces êtres sont connus sous le nom de flâneurs.


Les mains dans les poches et les yeux rivés au ciel, au ballet aérien des mouettes, il errait dans les dunes tout en savourant la douce sensation du sable sous ses pieds qui lui rappelait la chaleur d’un foyer. Ses cheveux d’un blond doré virevoltaient tranquillement au gré de la brise marine, libres. Son esprit errait, lui aussi, tandis qu’il évoluait sans effort vers le lointain, vers cet ailleurs inconnu qui appelait à la découverte. Qu’il y ait ou non une fin à ces dunes, il n’en avait cure. Tant qu’il continuerait de marcher, ses pas le mèneraient sans aucun doute vers des spectacles dignes d’être contemplés. Il leur faisait confiance pour ça.
C’est donc tout naturellement qu’il poursuivit sa longue promenade jusqu’à atteindre un grand espace vert barré de barrières en métal. Sans hésiter une seule seconde, il en franchit le portail pour se retrouver dans un immense parc baigné dans les ténèbres. Au loin, il réussit tout de même à apercevoir de hauts arbres majestueux dont les branchages semblaient chercher à happer le ciel, voire la lune elle-même. Ayant du mal à les distinguer malgré ses yeux plissés, notre flâneur s’en désintéressa rapidement pour porter son attention sur les gens qui s’étaient rassemblés au centre de l’endroit. Curieux comme toujours, il les rejoignit d’un pas tranquille, les mains toujours dans les poches, et se glissa telle une anguille parmi la populace pour avoir une meilleure vision du spectacle à venir. Au milieu d’un grand espace délimité par des poteaux en bois, un jeune garçon faisait habilement tournoyer son bâton sous les applaudissements discrets de la foule. Mais devant l’impatience qui se lisait sur la plupart des visages, on pouvait aisément deviner qu’ils attendaient surtout la suite des festivités.
Pas un instant notre flâneur ne songea à leur demander quoi que ce soit. Après tout, rien ne rivalisait avec le plaisir de la découverte.
La représentation qui finit par se dérouler lentement devant ses yeux valut largement le coup d’œil et surpassa de loin ses attentes. Ainsi des flammes furent-elles projetées dans la nuit des lèvres d’un cracheur de feu, puis vinrent des danseuses qui firent virevolter leurs bâtons enflammés avec une dextérité qui dépassait l’entendement. Ainsi maniés, ces derniers semblaient pareils à des serpents de flammes qui se tortillaient avec une grâce peu commune. Le tout mêlé dessinait des arabesques fantastiques dans la fraîcheur de la nuit pâle, des arabesques qu’il aurait presque rêvé d’effleurer mais qui ravirent son âme d’enfant.
Mais le plus formidable, il l’ignorait encore, restait encore à venir vu que des feux d’artifices ne tardèrent pas à éclater dans le ciel pour y former maintes fleurs colorées tandis que les danseuses poursuivaient leurs démonstrations enflammées sur la terre ferme. Le ciel d’ébène, paré de ces incroyables teintes, resplendissait de mille feux tout en allumant ces mêmes feux dans les yeux des nombreux spectateurs. Une petite fille aux orbes vairons et à la bouille d’ange se mit même à applaudir à tout rompre tout en sautillant sur place, bourrée d’excitation qu’elle était.
Lorsque le rideau se referma sur cette incroyable fantasmagorie, ce fut comme si la nuit enveloppait la scène de son long manteau de ténèbres pour la faire disparaître à sa vue. Comblé au possible, notre flâneur ne s’en formalisa pas et emprunta un petit chemin de terre bordé de petites pierres grossièrement taillées qu’aurait pu laisser un apprenti Petit Poucet. Aussi léger qu’une plume, un adorable chat noir au regard de jade ne tarda pas à venir arpenter la voie devant lui comme pour lui servir de guide silencieux. Sa démarche aussi belle que délicate amena un sourire sur les lèvres de notre flâneur qui se prit à comparer mentalement son ami félin à un ninja. Les crocs brillants que ce dernier laissait de temps à autre entrapercevoir quand il se tournait vers lui comme pour s’assurer qu’il le suivait toujours n’étaient pas sans rappeler les kunaïs affûtés que ces remarquables guerriers maniaient avec habileté.
La nuit apportait toujours son lot de surprises. Des lucioles clignotaient doucement sur le bord des feuilles, des hiboux transperçaient l’obscurité de leurs ailes en quête d’une souris à attraper, des renards humaient l’air pour prévenir le danger et des mulots creusaient le sol de leurs petites pattes pour se dissimuler à la vue de ces dieux prédateurs.
Pris de fascination pour la faune nocturne et sauvage environnante, notre flâneur en manqua presque de voir le chat le saluer d’une brève inclinaison du buste avant de disparaître lorsqu’ils arrivèrent, semble-t-il, au bout de l’allée. Mais quand notre flâneur fit encore quelques pas pour voir s’il s’agissait vraiment d’un cul de sac, quelle ne fut pas sa surprise quand il se rendit compte qu’un escalier de pierre grise, dont les rampes en bois disparaissaient sous le lierre sauvage qui s’y était agrippé, menait vers une terre inconnue en contrebas. Avant de l’emprunter, il s’agenouilla néanmoins un instant pour admirer l’œuvre d’un apprenti sculpteur qui avait choisi de donner vie à un loup magnifique sur le tronc d’un arbre qui bordait l’endroit. Ce dernier paraissait si réel qu’en le touchant, il eut presque l’impression de sentir la douce fourrure de l’animal sous ses doigts.
Abandonnant malgré tout à regret l’œuvre d’art, il se mit à sauter deux par deux les immenses marches comme l’aurait fait un enfant un peu aventureux.
En bas, une barque armée de rames l’attendait calmement sur l’eau claire d’une rivière tandis qu’au loin le soleil éclairait déjà le paysage de ses délicieux rayons, embrassant terre et mer de sa chaleur bienfaitrice.
Tout en se mettant à siffloter allégrement pour accompagner le chant des oiseaux qui avait commencé à s’élever dans l’air, notre flâneur alla s’installer dans la petite embarcation avant de s’emparer fermement des rames, nageoires typiquement humaines.
Et ainsi débuta sa flânerie aquatique.
La barque glissait avec aisance sur les eaux claires de la rivière pendant que notre flâneur laissait paresseusement sa main effleurer la surface dans une tendre caresse après avoir un instant lâché les rames. L’onde, docile sous ses doigts, en parut presque ronronner de plaisir. Des poissons aussi bien dorés qu’écarlates, quant à eux, ondulaient sous l’eau avec une grâce incomparable, nullement dérangés par cet intrus incongru. Dans les profondeurs, notre flâneur réussit aussi à distinguer de multiples coraux et algues qui ne venaient qu’égayer et parfaire ce tableau marin de par leurs teintes pastel.
Ce fut la vision d’un petit ponton de bois aussi beau que charmant qui incita notre flâneur à délaisser sa virée aquatique pour revenir sur terre.
Sans prendre la peine d’attacher la barque, il prit de l’élan et s’élança, porté par le vent. Ce dernier, visiblement de bonne humeur, parut le doter d’ailes et lui permit de rejoindre le ponton sans encombre. Riant aux éclats devant son petit exploit, notre flâneur leva les yeux vers l’horizon et tomba nez à nez avec une immense serre de forme mi-arrondie mi-rectangulaire qui abritait une splendide roseraie.
Quand il fit un pas dans cette immense roseraie, notre flâneur se prit à aller converser avec les roses, roses qui, tout comme dans Le Petit Prince, se vantaient de leur beauté exquise et inaltérable. Seule une rose blanche dont une partie des pétales était manquante échappa à cette règle et lui permit d’entamer un long débat philosophique sur les raisons de l’existence, l’intrigante mort et la quête absolue de liberté.
Seul intrus également dans toute cette mer de roses : un tournesol aux pétales grands ouverts qui semblait chercher à emprisonner le soleil lui-même. Cet égoïsme flagrant amena une expression songeuse sur le visage de notre flâneur qui venait à peine d’achever sa crise existentielle. Peut-être que les fleurs et les humains n’étaient pas si différents en fin de compte.
La tête pleine d’idées nouvelles, notre flâneur quitta la serre, laissa son regard être happé par l’éther, fut ébloui par l’astre solaire…

*****

Le métro filait à petite allure tout en cahotant sur les rails, faisant ainsi balloter la tête de notre flâneur à moitié endormi. Seul le bref éclat d’un paysage inattendu parvenait à le sortir ne serait-ce qu’une seconde de sa torpeur.
En face de lui, une bande de copines discutaient avec animation, un homme était plongé dans le dernier ouvrage de J. K. Rowling, une fillette s’amusait à faire des bulles avec son kit à bulles sous l’œil sévère de sa mère et un vieil homme relatait ses souvenirs à un garçonnet qui l’écoutait avec attention, les yeux brillants.
Tant de générations s’entrecroisaient alors avec une harmonie qui frôlait presque la perfection, une harmonie telle qu’elle aurait pu inviter quiconque à redonner foi en l’humanité.

Lorsqu’il quitta la rame de métro, il laissa une fois encore ses pas le porter à travers les rues semble-t-il londoniennes au vu des indications en anglais.
Assise à la terrasse d’un chic café londonien qui donnait sur Buckingham Palace, ses pieds se balançant au rythme d’une musique imaginaire qu’elle seule semblait entendre, une silhouette l’attendait en sifflotant un air joyeux. Un tigre blanc majestueux était allongé à ses pieds et ronronnait de plaisir sous ses caresses légères.
En l’apercevant, elle pencha adorablement sa tête floue de côté et fit un bref signe de la main au flâneur pour l’inviter à la rejoindre. Ce qu’il fit sans se poser plus de questions.
Au fur et à mesure qu’il approchait, ses traits commençaient à s’éclaircir, devenant à chaque fois plus prononcé, rappel d’un être depuis longtemps gravé dans ses os.
Et quand enfin il fut devant elle, c’est un sourire qui vint ourler inconsciemment ses lèvres tandis que la jeune femme à la crinière d’ébène et aux yeux de mer lui tendait une main synonyme d’aventures à venir.
« Tu m’as fait attendre, ami flâneur.

Ses yeux d’azur se refermèrent doucement sur les deux orbes vairons et rieurs, glorieux mélange de bleu et de vert.
Lorsqu’il les ouvrit de nouveau, c’est un plafond d’un triste gris souris qui l’accueillit. Les nombreuses taches sombres qui le marbraient formaient comme un immense sourire qui cherchait à le narguer.
Nulle ombre néanmoins dans le visage et les paupières de l’égaré, si ce n’est l’ombre d’un sourire au coin de ses lèvres.
Jamais il n’avait été plus libre de perdre son temps que dans sa cellule, et qu’il était bon de flâner en toute liberté dans les rêves d’autres égarés, ces flâneurs qui aiment se perdre à loisir dans leurs songes.
Enfant, on avait toujours dit de lui qu’il n’était qu’un étourdi, un rêveur né, un illogique. Et nombre de ses professeurs de sport et amis se désolaient devant son manque inné de sens de l’orientation.
Il n’y avait qu’elle pour lui sourire, pour le comprendre, pour savourer avec joie ses pérégrinations diverses et variées. Il n’y avait qu’elle pour lui répéter encore et encore :
— Ah que tu es beau mon flâneur aux prunelles d’azur et aux cils d’or. Me raconteras-tu encore l’une de tes incroyables flâneries ?
Ses yeux brillaient alors tels ceux d’une enfant candide tandis qu’elle se laissait tomber en étoile sur l’herbe vive. S’asseyant en tailleur à ses côtés, il prenait le temps de goûter à la saveur de l’instant avant de lui conter ses récits qu’elle écoutait avec une passion démesurée. Dès qu’il en avait fini, elle en redemandait toujours, loin encore d’être rassasiée, elle qui passait la plupart de son temps enfermée par la faute de parents bien trop prisonniers eux-mêmes de leur excessive sécurité.
Et quand un jour en classe, leur professeur de français leur avait demandé quel était leur livre préféré, c’est tout naturellement qu’elle avait répondu, les yeux pétillants de malice :
— Les contes de mon ami flâneur.
Les rires avaient fusé par dizaines, les sourcils de l’enseignant s’étaient froncés, mais dans sa poitrine à lui, c’était une incroyable fierté qui y avait gonflé.
Il n’y avait qu’elle pour comprendre l’intérêt et la richesse des promenades sans but.
Il n’y avait qu’elle pour saisir aussi bien que lui tout l’art de la flânerie.
Ah, qu’elle lui manquait cet ange incapable de rêver et qui se nourrissait de ses songes à lui. Et comme il espérait la rejoindre après avoir réussi avec succès à tuer celui qui la lui avait ravie. Mais il s’était vu refuser la mort devant son ombre fugace qui chérissait la vie et qui habitait toujours ses souvenirs.
Ce n’est qu’au détour d’un de ses rêves qu’il finissait par la croiser presque pour de vrai. Elle était toujours là à l’attendre, main tendue et grande ouverte, les yeux rieurs et la bouche courbée dans un sourire resplendissant. Ses mots, limpides, s’élevaient alors avec une légèreté qui défiait l’apesanteur :
- Viens donc me rejoindre ami flâneur, allons nous perdre encore une fois. »
Et c’est tout enjoué qu’il glissait ses doigts dans les siens si délicats et qu’il se laissait emporter vers de nouvelles aventures qui, il l’espérait à chaque fois, dureraient pour l’éternité.
Sheezune

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Re: Les contes de mon ami flâneur [Nouvelle fantastique]

Message par Sheezune »

N'hésitez pas à laisser un commentaire pour me donner votre avis. ;)
normalement

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Re: Les contes de mon ami flâneur [Nouvelle fantastique]

Message par normalement »

Ma flânerie m'a mené jusqu'à ton texte et je lui en suis reconnaissante !
Une histoire très poétique et parfaitement racontée ! J'adore la façon dont tu as réussi à décrire ce sentiment de première découverte. Malheureusement, je ne sais pas exprimer mes ressentis comme tu l'as si bien fait dans ce texte mais je vais faire de mon mieux.
Tu as réussi à décrire un des plus beaux sentiment qu'un être peut avoir : celui de la première découverte. Cette sensation de jamais vu, et que chacun ressent avec plaisir lorsqu'il découvre un paysage inédit, lorsqu'il lit un livre génial pour la première fois, ou lorsque l'on découvre un jeu vidéo en monde ouvert, un monde qui accueil le joueur et qui l'invite à l'aventure. Cette sensation est unique et peut être ressentie par tout le monde. Personnellement, je paierais cher pour redécouvrir un jeu, un livre ou un lieu comme si c'était la première fois que je venais. Enfin bref, tu as réussi à donner à un texte plutôt court une sensation d'infinité, de fluidité inaltérable. Un peu comme dans un rêve. Les choses changent naturellement, sans savoir comment, sans savoir pourquoi mais il n'y a pourtant pas de doute, pas de question, juste de l'admiration face à ce qui se passe devant nos yeux.
Je me perds dans l'admiration de ton texte et je ne sais guère expliquer pourquoi j'aime une œuvre. Mais soit en sûr : j'adore celui-ci !
Bravo à toi ! :) Un talent d'écriture incontestable ;)
Louis-21

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Re: Les contes de mon ami flâneur [Nouvelle fantastique]

Message par Louis-21 »

Bonjour,

C'est un très beau récit que tu nous propose. À défaut d'histoire, tu nous éclaire avec un style très detaché, un ton une peu "eloigné" de ce que tu nous raconte, c'est vraiment bien.
Si je peux me permettre un conseil, tu pourrai améliorer ton texte en rajoutant un peu plus de figures de style poétiques.

Louis
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Re: Les contes de mon ami flâneur [Nouvelle fantastique]

Message par Sheezune »

normalement --> Hello ! ^^
Désolée de la réponse un peu tardive, mais je tiens vraiment à te dire que le commentaire que tu as laissé sur mon petit texte m'a beaucoup touché. On a toujours peur, au moment d'écrire, de ne pas réussir à transmettre tout ce qu'on voudrait alors j'avoue être contente et rassurée d'y être parvenue. ^^ J'écris pour moi, parce que j'adore ça, mais j'écris aussi pour les autres, pour les faire voyager, leur faire ressentir de belles choses en essayant de tailler notre si belle langue pour faire ressortir le plus d'émotions possibles. Alors merci encore à toi de m'avoir fait partager ton ressenti, ça me motive davantage pour peaufiner au mieux l'écriture de mon roman en cours que j'espère voir paraître une fois achevé. :D
Très bonne soirée à toi.

Louis-21 --> Merci déjà d'avoir pris le temps de lire ce petit texte et contente de voir qu'il t'a plu. :) Et je prends note de tes conseils pour les améliorations possibles. ;)
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