Ne m'oublie pas [Mystère/Action/Secrets]

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vampiredelivres

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Ne m'oublie pas [Mystère/Action/Secrets]

Message par vampiredelivres »

Je suis de retouuur, pour vous jouer un mauvais tour !
Alooors... en fait, de base, j'étais partie pour faire un truc court. Vraiment court. Une petite histoire, inventée un matin dans le bus, alors que j'étais censée dormir. Et puis, c'est très rapidement parti beaucoup plus loin que je n'aurais pu l'imaginer. Mais n'ayez pas peur de la longueur, je n'ai pas – trop – fumé de la moquette en écrivant. Enfin je crois. :lol:
Encore une fois, j'ai écrit ça assez vite (trois jours environ). Mais j'ai pensé à beaucoup de personnes en l'écrivant. Certains de mes amis (s'ils débarquent un jour ici) reconnaîtront certaines références (j'espère !). Flamb', pour toi, je pense que tu peux t'estimer heureuse que je ne me sois pas appelée comme l'héroïne, sinon l'anagramme aurait été un brin... compliqué. Genre vraiment.
À tous les autres, qui n'ont probablement rien compris aux deux dernières lignes, je ne peux que souhaiter une bonne lecture, et espérer très fort que ça vous plaise.
Bonne lecture !


† Ne m'oublie pas †


— Tu penseras à sortir les poubelles, ce soir ?
Je hochai la tête, les yeux encore embrumés, plaçai une main devant ma bouche pour couvrir mon bâillement. Mon sac, posé sur la table de la cuisine, chargé des livres et cahiers inhérents à une longue journée de cours, semblait être placé là pour me narguer, m’avertir que les heures de sommeil qui me manquaient n’allaient pas être récupérées tout de suite. À moins de dormir en cours. Mauvaise stratégie. Et, comme pour en rajouter à ma mauvaise humeur matinale, la météo n’était pas exactement favorable aujourd’hui. Les premières gouttes de pluie tambourinaient déjà contre les carreaux de la vitre. Et les prévisions n’annonçaient rien de mieux que l’orage d’ici ce soir. Je serrai brièvement les doigts sur mon pendentif.
— Tu me déposes à l’arrêt ? demandai-je à ma mère avec un soupir. J’ai la flemme de marcher avec ce temps…
Elle leva le nez vers l’horloge murale, puis acquiesça.
— Tout de suite, alors.
— D’accord.
J’attrapai mon sac, le jetai sur mon épaule, et traversai le salon où les piles de vêtements bien s’alignaient comme des petits soldats, pour parvenir sur la terrasse. Immédiatement, un vent froid s’infiltra sous mes habits. Je frissonnai, remontai en hâte la fermeture éclair de ma veste, et m’engouffrai dans la voiture en claquant la porte derrière moi. Quelques secondes plus tard, la portière s’ouvrit du côté conducteur, puis se referma, et le moteur rugit.
— Tu es sûre que ça va aller ?
Je souris, amusée, malgré ma fatigue.
— Ne t’inquiète pas, je vais survivre. Promis. Contente-toi de profiter de ce voyage.
Elle esquissa elle-même un petit sourire, dans lequel je crus un instant distinguer une pointe de raillerie.
— Promis. Mais ça ne m’empêche pas de m’inquiéter.
— C’est pas comme si j’étais livrée à moi-même pendant une semaine… Il y aura Carole !
Carole, l’une des plus vieilles amies de ma mère. Elle venait veiller sur moi, comme à chaque fois que ma mère partait en congrès. Donc assez souvent. Elle était très sympathique, même si je lui trouvais personnellement un air un peu fuyant qui me gênait.
— Elle passera ce soir te faire à manger, me rappela ma mère.
— Je sais. Et je sais me faire des spaghettis si jamais elle ne peut pas ce soir. Et je m’occuperai du ménage. Respire, sérieusement !
— Je m’inquiète, c’est tout.
— M’man, j’ai dix-huit ans dans un mois, tu pourrais te détendre un peu… Et je t’ai promis que je n’allais pas faire n’importe quoi, donc très honnêtement, je ne vois pas pourquoi tu paniques.
Pour la première fois de ma vie, Carole n’allait pas faire du baby-sitting vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Un véritable miracle de la nature. J’allais avoir la maison pour moi toute seule. Contre, évidemment, la promesse de ne pas la transformer en champ de cadavres de bouteilles. Auquel cas j’étais sûre d’être de corvée de nettoyage jusqu’à mes vingt-cinq ans, garanti sur facture par ma mère. Si jamais j’invitais des amis, je devais être discrète, et ça ne devait pas se terminer par une garde à vue, ni un quelconque incident « de quelque nature que ce soit, incluant mais ne se limitant pas aux plaintes des voisins, comas éthyliques, gueules de bois, etc. »
Autant dire que ma mère devait être au bord de la crise de nerfs à laisser sa « petite fille chérie » toute seule pendant une semaine. Même si à voir son regard désolé, je me doutais qu’elle s’insupportait elle-même avec ce comportement hyperprotecteur.
Au fond, c’était une gamine dans l’âme. Elle n’hésitait pas, même aujourd’hui, à faire des parties de chat perché avec moi, même si j’approchais de la majorité, et elle de la quarantaine. Ce côté très enfantin, je l’avais adoré, petite. Je m’étais toujours vantée d’avoir une maman « trop cool ».
Mais elle avait aussi ce côté un peu nerveux, stressé de la vie, surtout à mon égard. C’était assez paradoxal, un truc que je n’arrivais pas à cerner chez elle. Elle pouvait être totalement tranquille à l’idée de me laisser me balader en forêt seule pendant deux heures pour promener le chien – enfin, à l’époque où on avait un chien – et ensuite s’inquiéter comme pas possible en m’envoyant faire les courses parce qu’elle rentrait tard. Souvent, sa logique m’échappait. Et quand je lui en faisais la remarque, la réponse que j’obtenais restait invariablement la même. « Je me comprends. »
— Lana ?
— Mhmm…?
— Ton bus arrive. Je t’aime.
Elle posa un baiser sur mon front, je lui en rendis un sur la joue. Le bus freina juste derrière nous.
— Bon voyage ! fis-je avant de sortir.
Entre temps, les quelques gouttes de pluie s’étaient transformées en une sérieuse averse. Le temps que j’entre dans le grand véhicule, j’avais les cheveux trempés. Je poussai un soupir en voyant la voiture redémarrer. En quelques secondes, elle avait tourné à l’angle, et disparaissait de mon champ de vision. Je m’affalai contre le siège, fouillai d’une main dans mon sac pour retrouver mon casque, en cherchant une bonne playlist sur mon téléphone de l’autre. Ayant trouvé les deux, je m’installai pour quarante minutes de mon habituel somme matinal.

Pour ma défense, les cours au lycée commençaient à sept heures trente, et le bus passait devant mon arrêt à six heures et demie. Ce qui faisait que je devais me lever une heure avant, pour être à l’heure, avec dix minutes de marche entre chez moi et l’arrêt lorsque j’y allais à pied. Mais quand je me couchais à minuit et demi…
En plus, dans mon cas, ça arrivait assez souvent. Ainsi, j’avais vite pris l’habitude de dormir sur les heures de trajet pour rattraper.

La journée s’écoula lentement, monotone, à peine rythmée par les cours qui s’enchaînaient. Chaque professeur avait sa manière d’enseigner, mais je n’avais pas envie de les écouter. Je m’y forçais, par habitude et par obligation, mais j’étais facilement distraite. Ainsi, en histoire géographie, au lieu de suivre le cours – pourtant très bien expliqué – portant sur la vie en RDA durant la Guerre Froide, je préférai observer l’entrée d’une camionnette de livraison dans la cour arrière, juste à côté de la cafétéria. Et, au cours suivant, en philosophie, je fus rapidement distraite par les bavardages de mes copines, assises juste derrière. Qui, probablement pour la millième fois en un trimestre, elles commentaient l’apparence du prof.
Bon, je devais leur reconnaître ça. Il était beau. Pas juste « pas mal », comme elles disaient souvent. Vraiment beau. Le petit air – peut-être un peu stéréotypé – du brun ténébreux aux yeux bleu glacier, mais rien ne s’appliquait mieux à lui, comme description. Il avait vingt-quatre ans, avait tout juste passé son concours. C’était sa première année d’enseignement. Et il était adorable. Gentil, toujours à l’écoute, conscient que ce qu’il expliquait pouvait parfois paraître abscons pour des lycéens. Avec ce portrait digne d’un prince charmant de contes de fées, dire qu’il faisait presque littéralement baver les trois quarts de la gent féminine en devenait un euphémisme.
Est-ce que j’étais moi aussi touchée par ce complexe ?
Non, aurait répondu une héroïne rebelle de roman sans hésiter.
Mais ça aurait été mentir, dans mon cas. Je l’étais. Dieu merci, on n’abordait pas l’amour platonique en cours, sinon je me serais sentie visée tout le temps.
Entre moi et les autres groupies de la classe, une seule différence majeure. Je vénérais ce prof autant pour son apparence que pour les cours qu’il nous dispensait. Ce qu’il expliquait me paraissait réellement intéressant. J’étais une terminale L de pure souche, pas totalement imperméable aux maths, mais beaucoup plus intéressée par les langues. Même si je disais rarement non à une séance de codage.

La voix grave, bourdon distant dû à mon inattention, s’interrompit soudain, remplacée par une sonnerie stridente qui m’arracha brutalement à ma rêverie. Debout devant son bureau, l’homme resta un bref instant déboussolé, avant de soupirer.
— Bon, j’imagine que vous connaissez la procédure…
La classe se mit en mouvement d’un même mouvement, dans un grincement de chaises. Chacun se replia sous sa table. Je fis comme les autres, m’adossai au mur en repliant mes genoux contre ma poitrine, le bas de la table frôlant presque mon crâne.
Apollon – M. Apoalo en réalité, mais le surnom était venu des filles – alla verrouiller la porte d’entrée de la salle, puis s’installa, de façon à être caché, lui aussi, derrière mes copines. Qui faillirent bien faire une crise cardiaque en le voyant s’asseoir juste derrière elles. Elles échangèrent des coups de coude furieux, n’hésitant pas à me souffler un « Hé, Lana ! » qui dans le silence qui s’était installé parut tonitruant. Le professeur se contenta d’un mince sourire.

Quelques minutes avaient passé depuis la fin de l’alarme intrusion. Les élèves, malgré la consigne du silence absolu, bavardaient à voix basse, comme toujours. Du côté des fenêtres, ils avaient tiré les rideaux ; la pièce était donc plongée dans une semi obscurité apaisante. J’aurais aimé avoir un livre sous la main, pour pouvoir bouquiner tranquillement, mais malheureusement, je l’avais oublié chez moi. Ou plutôt, je l’avais laissé sur ma table de chevet parce que j’avais une journée a priori chargée, sans un moment pour réellement respirer et me plonger dans un autre univers. Aussi me contentai-je d’observer, un léger sourire aux lèvres, mes amies converser, en prêtant une oreille distraite à leur discussion.
Un grésillement vint néanmoins troubler mon état de sérénité. Il provenait du talkie-walkie de mon professeur. Les salles de classe étant séparées, et de par la nouvelle législation, l’instrument était devenu une nécessité dans les kits de survie. Mais ici, il paraissait particulièrement rétif à l’utilisation, puisque le bruit de friture était le seul qu’il semblât pouvoir émettre.
Par habitude, je sortis mon téléphone. Je n’avais de toute façon rien d’autre à faire. Mais il affichait « aucun service » au lieu des cinq petits points habituels, dans l’angle supérieur gauche. Je fronçai un sourcil. Les filles, qui semblaient avoir fait le même constat que moi, se penchèrent de mon côté, leurs regards troublés par une soudaine inquiétude.
— Lana… c’est bizarre, tu ne trouves pas ?
J’esquissai un sourire.
— Hé, no stress, soufflai-je à mi-voix, rassurante. Y’a pas le feu, à ce que je sache…
— Mais il n’y avait pas rien de prévu, ce trimestre… insista l’une des deux.
Je haussai les épaules, ne pouvant rien répondre à cela. La direction faisait ce qu’elle voulait, après tout. S’ils décidaient de nous coller un exercice d’évacuation surprise, pour vérifier que tout se passerait bien en cas d’incident réel, ils pouvaient le faire sans avoir à nous avertir. Ils n’avaient pas à nous prévenir systématiquement.
Cela dit, au bout de quinze minutes supplémentaires, je commençai moi aussi à trouver le temps long. Le talkie-walkie ne marchait pas, il n’y avait pas de réseau, l’exercice paraissait imprévu… sans virer à la paranoïa, la situation était étrange. Machinalement, je portai mes doigts à mon médaillon en bronze.
C’est alors que retentirent les pas dans le couloir.
Étant adossée au mur, je fus parmi les premiers à les entendre. Ils étaient lourds, réguliers, parfaitement synchronisés. Presque martiaux. Ils ne marquaient aucune hésitation.
Ils s’arrêtèrent juste devant la porte de notre salle.
Un silence surpris, presque angoissé, succéda aux bavardages à voix basse qui s’étaient tenus depuis le début. Les élèves s’entre-regardèrent, brusquement nerveux. C’était trop étrange. Trop différent de nos simulations habituelles.
Dans le silence de mort, les cliquetis métalliques qui s’ensuivirent furent parfaitement audibles, distincts.
— Ils forcent la serrure, murmura quelqu’un.
Soudain, la panique se propagea comme une traînée de poudre. Presque tout le monde se mit à ramper pour s’éloigner le plus possible de la porte. Moi-même, je dus me faire violence pour rester à ma place. De toute façon, j’étais assez loin. Mais j’avais le ventre noué, une boule d’angoisse dans la gorge. Je me repliai encore un peu plus sous ma table.
Les cliquetis se poursuivaient. Ils nous rendaient tous plus nerveux à chaque instant. Même le prof avait une expression sombre, lui dont le visage était toujours si avenant. Les filles ayant déserté leur cachette derrière moi pour suivre la classe, j’avais une vue parfaite sur ses yeux bleus. Ils se posèrent un bref instant sur moi, puis filèrent vers le groupe qui s’était tapi au fond. Il leur fit signe de se calmer. Ce qui ne marcha qu’à moitié. Ils murmuraient tous. La peur déformait leurs traits, les rendait maladroits. Quelqu’un se cogna dans une table, émit un gémissement, qui fut suivi d’un « CHUUT ! » collectif. Mais le bruit avait résonné, suffisamment longtemps pour être entendu de l’extérieur. Les chocs du métal contre le métal s’interrompirent quelques secondes, puis reprirent.
Et le verrou céda dans un déclic sonore.
D’un seul coup, tout le monde arrêta de respirer. La porte s’ouvrit, dévoilant à contre-jour une silhouette solitaire. Casquée, vêtue de ce qui ressemblait à un gilet pare-balles noir. Et surtout, armée. Personne ne pouvait négliger le canon, équipé d’une petite torche, qui sonda brièvement la salle.
Provenant de sous le casque, une voix rogue résonna.
— Gardez votre calme. Nous ne vous voulons pas de mal.
Angoissée, à l'instar des autres, je fus probablement la seule à tiquer sur la formulation. Il avait dit « nous ». Et même si on ne voyait que lui, cela signifiait qu’il n’était pas seul. J’agrippai un peu plus fermement mon pendentif.
— Nous recherchons une jeune fille, parmi vous. Lana Schneiwäser
Mon nom me fit l’effet d’un coup de tonnerre. Il résonna anormalement à mes oreilles, rebondissant en écho dans mon crâne. Je ne bougeai pas, tétanisée. Personne ne bougeait, à vrai dire. Quelques regards filèrent un peu dans tous les sens, me cherchant probablement, mais j’étais pile dans l’angle mort de l’homme.
Sous le choc, j’étais incapable d’avoir une pensée cohérente. Mon nom, prononcé par cet homme – soi dit en passant, il devait être l’un des premiers à ne pas l’avoir écorché au premier essai – tourbillonnait dans mon esprit, accompagné d’une seule question. Pourquoi ? Pourquoi moi, pourquoi maintenant, pourquoi… Pourquoi pourquoi, en fait ?
Un mouvement, à ma droite. Tellement lent que je faillis ne pas l’enregistrer, au début, perdue dans mon état d’hébétude. Mais Apollon dépliait lentement ses muscles. Il se redressa progressivement, veillant à ne pas faire de geste brusque. La lampe torche vint se braquer sur lui en même temps que le canon de l’arme. Il plissa les paupières, le temps de s’habituer à l’éclairage.
— Qui êtes-vous ? demanda-t-il.
— Sécurité nationale, monsieur. Nous avons besoin que mademoiselle Schneiwäser nous suive.
— Vous n’avez aucun droit de poser une telle requête alors que vous entrez ainsi dans ce bâtiment.
S’il était stressé, il n’en montrait absolument rien. Sa voix était aussi plate qu’un lac, son regard, fixe, fiché sur la visière du casque de son interlocuteur, là où auraient dû se trouver les yeux. Je me mordis les lèvres. La panique afflua soudain, donnant un violent coup de fouet à mon corps. Ma respiration s’accéléra, suivie de près par mon rythme cardiaque. Un frisson glacial descendit le long de mon échine.
— Les circonstances l’exigent. Où est-elle ?
— Je ne vous le dirai pas.
Je me figeai, alors qu’un bruit souvent entendu dans les films succédait à la réponse de mon professeur. C’était celui d’un cran de sécurité ôté.
— Avancez, monsieur.
Apoalo parut brièvement soupeser le pour et le contre, mais la menace d’une arme à feu chargée, pointée droit vers lui l’obligea à s’exécuter. Dès qu’il fut à portée de bras de l’homme casqué, ce dernier bougea brusquement. L’action fut tellement rapide que je n’en devinai que l’essentiel. Je ne vis même pas le mouvement de l’inconnu. Mais mon prof vacilla, touché à la tempe.
« Sécurité nationale » le rattrapa d’un bras, avant même qu’il ne s’effondre, comme s’il avait passé sa vie à faire ça, et appliqua le canon de son révolver contre le front de sa victime. Un cri s’éleva depuis l’arrière de la salle, vite étouffé lorsque la torche vint en chercher la source. La voix sous le casque se chargea d’une inflexion menaçante.
— Message à toi, Lana Schneiwäser. Si tu ne te montres pas dans les cinq secondes qui vont suivre, ton professeur meurt.
La boule qui obstruait ma gorge, qui m’empêchait de parler, de hurler, fondit soudain. Ignorant les signes de tête furieux de mes deux amies, qui me disaient clairement de ne pas bouger, je me relevai à mon tour.
— C’est moi.
Plus que de m’être levée, je fus stupéfaite de me rendre compte que ma voix n’avait pas tremblé. Sans être aussi assurée que celle d’Apollon, précédemment, elle était demeurée ferme.
Aveuglée par la lumière blanche, je faillis détourner les yeux. Faillis, seulement.
— Mais relâchez-le.
La voix se teinta d’une sorte d’inflexion amusée. Pour peu que l’amusement puisse exister dans le registre de cet homme.
— Tu n’es pas en position de négocier. Tu tiens à sa vie ?
— Je vous suivrai sans résistance si vous le relâchez.
L’homme s’écarta d’un pas, me libérant l’accès à la sortie.
— Alors avance, m’intima-t-il.
L’idée de subir le même sort qu’Apoalo me retint quelques secondes là où j’étais. Juste assez pour que je voie le chien de l’arme dévier, non pas vers le professeur, mais vers les élèves.
Et, quoi que je doive subir ensuite, je ne pouvais pas mettre en danger la vie de trente élèves pour assurer ma sécurité. Je l’avais à moitié réalisé en me levant, mais je le comprenais réellement maintenant. Je devais m’assumer, comme les héroïnes de ces livres d’aventure que j’adorais. Même si c’était accepter de perdre ma propre vie. Le choix aurait pu paraître cornélien, pour certains. Chez moi, il s’imposa comme une évidence. Je n’avais pas le droit de penser à moi dans cette situation. Absolument pas.
Dehors, je découvris un petit groupe de quatre individus, aux uniformes noirs unis identiques à celui de l’homme qui avait pénétré dans la classe. Qui, d’ailleurs, me suivait, en tenant toujours Apoalo sous les aisselles. Deux des soldats se glissèrent derrière moi, un troisième aida son collègue à porter mon professeur à demi inconscient.
— Si tu fais un seul geste de travers… m’avertit celui apparaissait comme le capitaine de l’escouade, toujours armé.
Je hochai la tête. La porte de la salle de classe resta ouverte, mais le quatrième soldat se planta dans l’embrasure, veilleur silencieux, pendant que ses collègues m’escortaient à travers les couloirs, traînant leur poupée de chiffon à ma suite. À chaque embranchement, le capitaine me donnait la direction, d’un simple mot. Et je réalisai qu’ils connaissaient le bâtiment.
Ils utilisèrent notamment une issue de secours que personne n’empruntait jamais, qui donnait sur la cour arrière. Là où était garée une camionnette. Enfin, plus fourgon blindé que camionnette… songeai-je brièvement, avant de me demander comment je pouvais me faire des réflexions sarcastiques alors que ma vie et celle d’un autre étaient en jeu. Mais je n’avais pas pu m’empêcher de le remarquer. J’avais observé le déchargement des caisses depuis cette même camionnette, moins d’une heure plus tôt. Là, ce que je voyais, c’était un fourgon de transport de prisonniers tout droit sorti d’un film d’action.
En suivant les instructions du capitaine, je grimpai à l’intérieur, et m’installai au fond. Apoalo me suivait de près, d’un pas encore hésitant. Il s’assit sur la banquette en face de moi, et le chef de l’équipe se posa à côté de lui.
— Vous m’excuserez de vous imposer ça, mais je vais devoir vous menotter par mesure de sécurité.
Son ton, malgré la formulation, n’exprimait aucun regret. Juste la certitude d’un homme qui faisait son travail, sans suffisance dans la voix. Je ricanai, décochai un regard sceptique dans sa direction. Attacher un professeur et une adolescente, alors qu’il avait clairement montré qu’il pouvait nous mettre tous les deux à terre en moins de deux secondes, c’était quand même se moquer du monde. Mais pour toute réponse, il décrocha une paire de menottes de sa ceinture et se pencha en avant pour me les passer aux poignets, avant de faire de même pour son voisin de banquette. Je poussai un soupir agacé, me laissai tomber en arrière.
Les portes claquèrent. Un néon s'alluma sur la paroi au-dessus de nos têtes, éclairant faiblement l’espace réduit. Les gouttes de pluie tambourinaient sur le métal au-dessus de ma tête. Dans ce cadre digne d’un Tim Burton, la terreur qui pendant quelques minutes avait disparu, revint à la charge. Je réalisai d’un seul coup toute l’absurdité de la situation, que je m’étais obligée à occulter pour garder la tête froide. J’étais en train de me faire kidnapper.
Bordel de merde, en pleine journée de cours, j’étais en train de me faire kidnapper ! Et qui plus est par un escadron qui semblait être la version terroriste du SWAT !
Je fermai les yeux.

C’est un cauchemar. C’est juste un cauchemar. Je vais me réveiller, et rien ne se sera passé. Maman sera en train de faire ses valises. Tout ira bien. Il n’y a pas du tout UN GROUPE DE FOUS FURIEUX QUI M’ONT MENACÉE AVEC UNE ARME !

Retour à la réalité. Le fourgon démarrait. Ainsi banalisé, il n’y avait probablement aucune chance que quiconque nous reconnaisse dans la rue, et le temps que l’administration du lycée se reprenne et appelle la police…
— Lana, ton téléphone. Et vous aussi, monsieur… ?
Apoalo garda le silence face à la question laissée en suspens, se contenta de sortir l’appareil de sa poche. Je l’imitai, tendis mon propre téléphone à l’homme. De toute façon, au stade où on en était…
— Lana, ça va ?
Ce n’était plus la voix de « Sécurité nationale ». C’était mon prof, mon beau et gentil prof. Qu’est-ce que j’étais censée répondre dans ce genre de situation ? « Évidemment, tout est nickel ? »
— Pfff… Entre nous, ça pourrait être pire. Vous ?
Les larmes menaçaient maintenant de couler. Je luttais pour garder une voix égale, un brin blasée. Je passais sans transition d’un état d’esprit à un autre. Oui, j’avais peur. Ou plutôt non, j’étais terrifiée. Mais ça, je n’allais pas l’admettre autrement que par mon regard. Et encore. Je me mordillai les lèvres, baissai les yeux pour ne plus sentir ce regard scrutateur dans le mien. Le pire, c’était que je ne pouvais même pas savoir si l’autre homme m’observait.
— Tu sais, sans avoir un doctorat en psychologie, je pense pouvoir t’affirmer que, dans cette situation, la panique est une réponse tout à fait adaptée.
Apollon avait un mince sourire. Comment faisait-il ? À croire que ça lui était déjà arrivé. Il paraissait si calme, tellement maître de lui-même… Puis, je remarquai sa main. Ses doigts, posés contre sa jambe gauche, dans l’angle mort du soldat, tapotaient nerveusement sur son jean, dans un rythme effréné. Le constat me rassura étrangement. Je n’étais pas la seule à être au bord de la crise de nerf. Aussi, je n’hésitai pas à me replier en position fœtale, lovée dans l’angle. À nouveau, je fermai les yeux, la tête entre les genoux. Ne serait-ce que pour oublier quelques secondes avec qui je me trouvais, où je me trouvais.

J’avais laissé les larmes couler. Mais en silence.
Pas le choix. C’était ça ou éclater en sanglots devant les deux autres. Hors de question, ça, en revanche.
Ça se verrait probablement sur mon pantalon, vu les taches énormes qu’il devait y avoir, à force d’avoir absorbé l’iode. Mais quand la camionnette ralentit enfin, j’étais vide. Prête, peut-être, à faire face à la situation qui allait suivre. Peut-être. Pas forcément. En tout cas, je n’étais plus aussi nerveuse. Une sorte d’instinct de conservation avait pris le dessus. Avec un seul objectif : faire le nécessaire pour survivre, en évitant au maximum les coups, et en gardant Apoalo en vie. Puisque, apparemment, ils se basaient sur mes choix pour décider de son sort, pour l’instant. Là, tout de suite, il leur servait de levier. Mais plus tard ?
Pourtant, malgré le nettoyage que je m’étais obligée à faire dans ma tête, je n’avais pas été préparée à débarquer sur une petite piste de décollage, cachée au beau milieu d’une forêt. Le pire étant que, lorsque je pivotai sur mes talons, encore éblouie par l’afflux de lumière soudain, je distinguai une route bétonnée qui s’éloignait en sinuant entre les arbres.
On m’indiqua d’avancer. Je le fis lentement, sans que ça ne paraisse déranger quiconque dans l’escadron. De toute façon, la piste était vide. Et il avait arrêté de pleuvoir, même si le ciel restait gris. Mais quelques minutes plus tard, dans un sifflement assourdissant, un avion vint se poser juste sous mon nez. Et pas juste un simple avion, mais un jet privé.
Je cillai, croyant halluciner.
Un jet privé. C’est quoi ce foutoir ?
La rampe se déploya sans que les moteurs ne s’éteignent. Je dus monter les marches. À l’intérieur, je découvris une cabine joliment meublée, dans les tons de beige et de blanc, avec des fauteuils larges aux accoudoirs en imitation de bois verni. Une décoration de salon mondain que même ma mère, avec son excellent salaire, ne pouvait probablement pas se payer. Sans même parler d’avoir un jet privé.
Je me tournai en direction du capitaine de l’escadron, qui me suivait toujours, et levai un sourcil.
— On m’explique ce qui se passe, s’il vous plaît ?
Il était temps que je pose cette question, décidément ! Elle tournait en boucle dans ma tête depuis le début, mais la formuler à voix haute m’avait fait peur pendant la majeure partie du trajet. Parce que la réponse rendrait tangible quelque chose qui me paraissait pour l’instant être un mauvais rêve.
« Sécurité nationale » enleva son casque. Le geste était tellement assuré, tellement tranquille, et tellement déplacé, dans ce contexte, que je faillis esquisser un pas en arrière. Pourtant, il le fit tout naturellement, comme s’il ôtait sa veste après une longue journée de travail.
En dessous, le visage était à l’image de la voix : grave, tanné par les ans. Un regard vif, malgré l’âge – il avait certainement la cinquantaine, mais pas beaucoup plus – avec quelques pattes d’oie au coin des yeux.
— Tu te trouves dans le Faucon, l’une des bases secondaires de la Faction, répondit-il d’une voix posée.
À la manière dont il prononçait les mots « faucon » et « faction », j’y ajoutai automatiquement des majuscules dans mon esprit.
— L’opération qui vient de se dérouler était un peu précipitée, excuse-nous. Mais le temps nous manquait pour faire les choses correctement.
— Et mon professeur ?
Je venais seulement de remarquer qu’il n’avait pas pénétré dans l’avion à ma suite. Je me collai immédiatement au hublot, et vis que la camionnette avait disparu.
— Nous ne lui ferons aucun mal. Il va recevoir un amnésique, et il sera reconduit chez lui.
— Et mon lycée ? relevai-je, sceptique. Vous comptez leur faire oublier mon existence, à eux aussi ?
— Oui.
Je pris la réponse comme une gifle en pleine figure. Le type ne paraissait pas particulièrement dérangé. Je mis un moment à le digérer. Une fois que je fus certaine qu’il m’avait bel et bien dit qu’il avait les moyens de me faire disparaître certains évènements des mémoires des gens – pour peu qu’une telle technologie existe – je pus reprendre :
— Et… moi ?
Il se rapprocha de moi. J’eus un mouvement de recul, mais il me suivit, jusqu’à m’attraper les mains. Une dizaine de possibilités de suite, toutes différentes, défilèrent dans mon esprit à toute allure. Aucune ne coïncida avec la réalité. L’homme se contenta de m’enlever mes menottes, et de me faire signe de le suivre vers une petite table, sur laquelle était posée une petite enveloppe blanche. Et sur la face supérieure, deux lettres. L.S., mes initiales.
— Lis ceci. Et ensuite, on en reparle.
Et il se détourna. Je restai un moment statufiée, sous le choc. Par instinct, mes doigts s’étendirent vers l’enveloppe. En la soulevant, je constatai qu’elle était assez lourde. Au jugé, j’aurais dit qu’elle contenait quatre feuilles A4, au strict minimum. Je m’assis sur le fauteuil le plus proche, l’ouvris, en sortis la première page.
Les lignes parurent s’entremêler immédiatement. Ce n’était pas un alphabet normal. Pas du russe, pas du latin, pas du grec, pas même de l’arabe… Non, c’était un mélange de symboles étranges, qui ne se rattachaient à aucune langue que je connaisse. Ils étaient courbes, puis droits, formés de lignes, puis de petits cercles, de points et d’arabesques… Je levai la tête vers l’inconnu. Mais il était occupé à faire remonter la passerelle, et ne répondit pas à mon appel. Une fois la porte de l’avion verrouillée, il toqua trois coups secs sur le mur qui le séparait de la cabine de pilotage. Presque immédiatement, le jet se remit en mouvement.
Je baissai les yeux sur ma feuille. J’aurais pu ignorer la demande, abandonner tout de suite. Mais, premièrement, la menace du holster toujours à la ceinture du soldat demeurait présente, et deuxièmement, c’était une énigme. Or, depuis que j’avais commencé le codage, j’étais devenue totalement dingue de ces petites devinettes. Souvent, j’en avais fait juste pour m’amuser. Les romans policiers, les films d’horreur, tout était bon pour solliciter un raisonnement logique de ma part. Et cette feuille était une énigme qui, d’après le type qui m’accompagnait, m’était adressée. Des L.S., il aurait pu y en avoir des milliers dans le monde, pourtant il m’avait choisie moi. Pourquoi ? Aucune fichtre idée. Mais vu que je n’avais rien d’autre à faire, autant m’y coller.

En une heure, j’avais dégagé trois segments principaux sur la première page, noté sur une feuille à part la majorité des symboles qui composaient le texte, et piétiné le reste du temps. Je ne m’étais pas attaquée au reste, pour ne pas m’emmêler les pinceaux. Déjà que je galérais sur une feuille, si j’y rajoutais les trois autres…
Les caractères dansaient sous mes yeux. Leur sens m’échappait totalement. Mais ils me paraissaient horriblement familiers. Une désagréable impression de déjà-vu m’assaillait à chaque fois que je les regardais. Pourtant, il n’y avait aucune logique, comme ça, à première vue. C’était juste une suite totalement absurde, arrangée dans un ordre que je ne parvenais pas à saisir.
En haut, à droite, deux « phrases ». L’une assez courte, l’autre seulement composée de huit symboles. Ensuite, à gauche, comme dans une lettre habituelle, une sorte d’accroche. Sauf que l’accroche était composée d’un caractère, que j’avais pour l’instant assimilé à un « à », puis de quatre mots de trois, trois, deux et six caractères respectivement, suivis d’une virgule. Puis, à la ligne suivante, le texte en lui même. Je me mordis les lèvres jusqu’au sang. Ça me frustrait de ne pas comprendre.
Et au moins, ça me donnait une excuse pour ne pas penser à ma situation. Une situation sur laquelle, très honnêtement, je n’avais pas envie de m’attarder. Un jet privé, c’était cool. Se faire kidnapper, et être embarquée pour une destination totalement inconnue, nettement moins.
Je fis une grimace, triturant machinalement mon médaillon d’une main, stylo entre les dents. Derrière moi, le soldat casqué veillait toujours. Je n’avais pas réussi à tirer quoi que ce soit de sa part, et il avait catégoriquement refusé d’essayer de résoudre l’énigme, en prétextant qu’elle n’était adressée qu’à moi. Il m’avait néanmoins donné un nom – débordant d’originalité ! – par lequel l’appeler : Bêta. Et, lorsque je m’étais – ironiquement – enquise où était Alpha, il m’avait regardée avec un léger sourire, et avait haussé les épaules.
Merci du soutien !
Le pire, c’était que cette énigme pouvait très bien être une sorte de test d’entrée dans cette Faction. Et si je me révélais incapable de le résoudre… ? La mort ? La torture ?
Je m’obligeai à écarter toutes ces hypothèses, pour me focaliser encore une fois sur le texte. Mais rien ne m’apparut. Je ne m’y attendais d’ailleurs pas. Les significations ne se matérialisaient pas en un claquement de doigts, en cryptage comme en codage. Aussi, je me contentai de me lever, et d’aller vers l’arrière de l’avion, où avaient été aménagées des toilettes. Et une douche. Whaou, ils n’avaient pas lésiné sur l’équipement !
Je me demandai brièvement s’il y avait assez d’eau pour que je prenne une douche. Probablement oui, mais je n’en avais de toute façon pas envie. Je m’aspergeai le visage d’eau froide, levai les yeux. Mon reflet dans le miroir me renvoyait un air à la fois blasé et fatigué. J’avais les traits tirés, des cernes sous les yeux dus à mon manque de sommeil de la nuit précédente. J’étouffai un bâillement, revins à mon siège devant la feuille annotée de toutes parts. Des mots qui se répétaient étaient soulignés, certains caractères qui m’agaçaient tout particulièrement étaient entourés. Au bout du compte, ça donnait un joli dessin gris, certes, mais c’était inutile. Je me laissai tomber en arrière, la tête appuyée contre le cuir moelleux. Contrairement à la camionnette, la lumière était douce ici. Assez forte pour pouvoir travailler, mais pas agressive. Je levai mes mains devant mes yeux, fus étonnée de constater que je ne tremblais pas. J’aurais probablement dû.
Par habitude, je pris mon médaillon, et le fis tourner entre mes doigts. C’était un pendentif circulaire en bronze, avec un petit bouton en bas qui permettait de l’ouvrir, à la manière d’une montre à gousset. Machinalement, j’appuyai. Les deux faces se séparèrent dans un cliquetis à peine audible.
L’intérieur était gravé d’une inscription étrange, que je n’avais jamais comprise : « Ne m’oublie pas. 9371 4062. » Je la relus encore une fois, pour la millième fois d’affilée probablement, me demandant quelle était la signification de ces chiffres. Je les avais toujours attribués à un numéro de fabrication, mais qu’ils soient écrits aussi distinctement, juste en dessous de la phrase, me posait problème. Je poussai un gros soupir. Mon regard revint sur la feuille.
Soudain, je retins mon souffle. Était-il possible que… ? Non, quand même pas…
De la pointe de mon critérium, rendue tremblante par ma soudaine excitation, je comptai le nombre de caractères dans la première phrase du texte, puis le nombre de lettres sur mon médaillon. Ils coïncidaient. À l’espace, au mot près, à la seule lettre qui se répétait près. Je levai le nez quelques secondes, pour réfléchir.
C’était totalement absurde. Mais tout semblait coller.
Je gribouillai les lettres en dessous des signes associés, fis de même pour les chiffres, et passai à la partie suivante.
Les trois premières lignes furent laborieuses. Le texte paraissait me résister, ne pas vouloir se plier au déchiffrage. Je devinais à moitié les mots, plus que je ne les identifiais réellement. Mais passé ce cap, tout devint brusquement beaucoup plus facile. C’était comme si une digue s’était brusquement rompue. Les mots coulaient d’eux-mêmes, presque par réflexe. Ayant attrapé le rythme, je bouclai la première page en une dizaine de minutes, ralentissant seulement de temps à autre pour réfléchir sur un nouveau symbole. Ensuite, au lieu de passer à la suivante, je m’arrêtai pour lire.

Ne m’oublie pas.
9371 4062


À toi qui as oublié,

En ce moment même, alors que tu lis cette lettre, tu dois probablement te demander si c’est une mauvaise blague. Autant te rassurer tout de suite, ce n’est pas le cas. Tu as écrit ceci toi même, il y a maintenant quelques années. Combien, je n’en sais rien. Trois ans peuvent avoir passé comme dix. L’important, c’est que tu aies su décrypter ceci.
Avant toute chose, il faut que tu comprennes quelque chose. Tout ce qui va être abordé ici est sérieux. Ce n’est ni un coup monté ni un quelconque jeu. La Faction, c’est une affaire de vie et de mort. Tu en faisais partie, entre tes douze et tes quinze ans. Trois ans de service, depuis que Lynn, ta mère, t’y a initiée. Elle t’a transféré le flambeau. Avant toi, c’était elle, et avant elle, c’était Leila, ta grand-mère. Tu l’auras compris, c’est une affaire de famille.
La Faction, ce n’est ni une secte, ni une organisation terroriste. C’est une agence non gouvernementale, secrète, et méconnue du public. Elle traite tout ce qui se rapporte à la sécurité mondiale, de près ou de loin. Tu étais l’une de ses agents. Parmi les meilleurs, même. L’héritière, comme toute femme de la famille des Schneiwäser. L.S., ce sont à la fois tes initiales et ceux de toutes les femmes qui ont dirigé la Faction. Tu étais l’une des Alpha.
En ce moment même, tu dois avoir accès à tous les dossiers de la Faction. Si tu cherches une preuve, demande le dossier Amnesia. Le code est le nombre sur ton médaillon. Toutes les réponses se trouvent là-dedans. Mais autant te prévenir, ça risque de te déstabiliser momentanément. Tes souvenirs datant de ta période de service reposent à moitié sur des omissions et des mensonges. Tu dois te rappeler d’un séjour d’un an dans un pensionnat étranger. Ce n’est pas vrai.


La suite était à la page suivante. Je ne m’y attelai pas, tenaillée par un sentiment d’angoisse irrépressible. Le monde paraissait s’être transformé en une spirale infernale qui me tirait vers le centre. Et je ne savais pas ce qu’il y avait au centre. Je me redressai d’un bond.
— Bêta ? appelai-je d’une voix rauque.
Il se tourna vers moi sans un mot.
— Puis-je avoir accès aux dossiers ?
Toujours muet, il tendit la main vers un tiroir, et en sortit un petit rectangle de métal aux bords arrondis. L’intérieur était vide. Puis, il frôla une zone précise du bout des doigts, et l’espace vide s’illumina d’un éclat bleuté. Je retins un hoquet de stupeur. C’était un écran holographique.
À ce stade, je me croyais vraiment dans un film. Et à gros budget, en plus, vu les effets spéciaux qu’on venait d’y intégrer. Je récupérai la tablette précautionneusement, la maintenant comme si c’était une relique de grande valeur. Ce qui pouvait théoriquement être le cas.
Je fis glisser mes doigts dans le vide, de façon à avoir l’impression d’effleurer la surface. En réalité, je ne sentais absolument rien. Mais la liste de dossiers qui s’y affichait se mit à défiler. Je retins mon souffle. C’est comme sur un téléphone, songeai-je pour m’obliger à garder mon calme. Je remontai jusqu’en haut. Tout était rangé par ordre alphabétique, avec souvent des significations qui m’échappaient. Aralys, Aphraêl, Andola étaient autant de noms qui attiraient mon attention au premier regard. Mais je me focalisai sur ce qu’il fallait que je trouve. Amnesia. Il était là, juste sous mon nez, en plein milieu de la liste. Pourtant, j’hésitai. Une appréhension sourde m’étreignait la poitrine. Je jetai un regard en arrière. Bêta s’était détourné, des écouteurs vissés dans ses oreilles. Absolument pas dérangé par le fait que je sois en totale liberté dans son avion. Mais son regard, même s’il paraissait lointain, revenait parfois se poser sur moi brièvement, comme s’il me survolait seulement, alors qu’en réalité, il vérifiait que je ne faisais rien de travers.
Je cliquai sur le dossier. Une pression dans le vide, mais un clavier se matérialisa, ainsi qu’une boîte de dialogue. Mes mains tremblaient.
93714062
Mais le dossier s’ouvrit. Un seul fichier à l’intérieur, en format vidéo. Je le lançai. Et, avec stupeur, vis mon propre visage, rajeuni de quelques années, apparaître à l’écran. Le reflet de mon regard était dirigé droit vers moi, me fixait sans ciller. Où étaient les enceintes qui diffusaient le son, je n’en avais aucune idée. Et je m’en moquais. Je me laissai tomber dans le fauteuil, sous le choc, tandis que mon double élevait la voix.

« Projet Amnésia. C’est le nom de ce programme, qui vise à redonner aux dirigeantes de la Faction une vie normale pendant quelque temps. Une sorte de retraite temporaire, pour leur permettre de se libérer un peu de leurs tensions quotidiennes dues à la direction d’une organisation planétaire secrète. Tu t’y es soumise, après trois ans de service. La première année, tu as suivi la formation physique de base, sous la direction de celui que tu appelles aujourd’hui Bêta, ton second. Il t’a formée. Un an, ensuite, où tu t’es occupée d’affaires de plus en plus importantes, jusqu’à pouvoir gérer les crises à l’échelle mondiale. Encore un an, de service pur. Opérations usuelles : maîtrise d’une situation qui dégénérait, missions de haute dangerosité, et ainsi de suite. Puis tu as voulu revenir. Faire trois années de lycée normales, te faire des amies. Peut-être étudier à la fac, pendant que ta mère gardait les rênes encore un moment. Avoir une véritable vie de jeune adulte. Mais il faut que tu saches que tu as choisi de rejoindre la Faction. Un choix peut-être guidé, mais un choix tout de même. Il n’y avait pas d’obligation. Tout comme tu as choisi le programme Amnesia. Tout ce qu’il faut que tu saches, tu le retrouveras dans la lettre, si tu ne l’as pas déjà lue. Tu n’es pas une étrangère. Tu es moi, tu es celle qui a enregistré ceci. N’oublie pas, ce sont tes choix. Je te souhaite un bon retour dans la Faction. »

Après le choc, l’acceptation. Je n’eus même pas de période de déni. Je me remis au travail, terminai de décoder la lettre. Elle racontait mon intégration dans la Faction, fondée par mon ancêtre au dix-huitième siècle, mon ascension, mes problèmes à mêler, durant la fin de mes années de collège, les missions à la vie réelle. Elle expliquait mes choix, les absences de ma mère, les réunions fréquentes. Carole elle-même était apparemment une agente chargée de me surveiller. Raison pour laquelle je n’avais probablement pas entendu mon téléphone vibrer aujourd’hui, après ma disparition.
De ce que j’avais compris, j’étais censée revenir dans un autre contexte. Là, l’opération de récupération avait été totalement bâclée, arrangée à toute vitesse. C’était pour cela qu’ils étaient venus en pleine journée de cours, sans préavis, comme un commando terroriste. C’était aussi pour cela que ma mère avait arrangé son « congrès » aussi vite. En deux jours à peine, elle s’était trouvé un billet, elle avait plié bagage, et elle avait disparu. Elle devait être en ce moment même à l’autre bout du globe, en train de résoudre un conflit quelconque.
En tout cas, raconté comme ça l’était, ça paraissait cohérent. Absurde, mais cohérent. Mais j’avais après tout visionné une vidéo que je ne me rappelais pas avoir tourné, donc à moins qu’il existe un clone de moi-même s’amusant à se faire passer pour moi, je ne voyais pas ce que ça pouvait être d’autre. Il y avait juste un passage qui me posait problème. Les quelques phrases à la fin de la lettre. D’une certaine manière, elles expliquaient – assez logiquement – que je n’aie pas fait de réelle crise de nerfs en me faisant kidnapper. Que je n’aie pas paniqué, alors que toute personne normalement constituée aurait angoissé comme une dingue, et pas seulement les dix premières minutes. Les vieux réflexes avaient pris le dessus. Mais ça ne suffisait pas. Il me manquait tout un pan de ma vie, et j’étais censée reprendre le contrôle d’une organisation dont je ne me souvenais plus. Et la diriger. La blague !

En même temps que tes capacités te reviendront, des souvenirs devraient affluer en surface. Ton corps se souviendra de lui-même de ce qu’il a appris, retrouvera lentement ses réflexes. Le remettre en condition, simuler un combat, devrait accélérer le processus, mais aussi te permettre de te rappeler de certaines choses. Les détails ne se manifesteront probablement pas tout de suite, mais le gros des évènements te reviendra peu à peu. Ça te donnera une vision globale de la situation, normalement assez pour que tu comprennes pourquoi ton retour était nécessaire. Le reste, c’est Bêta qui le complètera.

Avec toute mon affection,
L.S.


— Bêta ? appelai-je. J’aimerais savoir quelque chose…
Malgré ses écouteurs, il leva les yeux. Son regard était noir, intense, plein d’expectatives. Ce n’était plus ce regard froid et impersonnel auquel j’avais eu le droit depuis le début. Il attendait réellement quelque chose de ma part.
Sans que je sache si c’était ça, ou la lettre, une vision s’imposa. Brève, mais intense. L’image d’une pièce sombre, plongée dans un silence absolu. L’éclat d’un spot lumineux braqué droit vers mon visage. La sensation des sangles autour de mes poignets, de mes chevilles et de mon ventre. J’avais été allongée sur une table d’opérations. Bêta avait été présent, à ce moment précis. Il s’était penché au-dessus de moi. Son expression était bourrue, mais emplie d’une tendresse presque paternelle. Un mentor avec son élève. Un mentor fier.
« Vous reviendrez » m’avait-il soufflé.
« Quand vous aurez besoin de moi » avais-je acquiescé sans une hésitation. « Ne m’oublie pas. »
Et j’avais fermé les yeux.
Je m’arrachai à la vision avec un tressaillement. Une fraction de secondes à peine s’était écoulée. Pourtant j’avais eu l’impression de revenir des années en arrière. J’avais ressenti ce qui s’était passé juste avant que je n’oublie tout de la Faction. Au moment où j’avais fait mon choix, j’avais été sereine. En y repensant à cet instant, je l’étais aussi. J’eus la sensation d’avoir retrouvé ma place. D’avoir regagné mon équilibre, juste après avoir réalisé que je l’avais perdu durant quelques années. D’avoir refait le lien avec ce qu’il y avait de plus important pour moi.
— Tu m’avais dit que je reviendrais.
— Je ne vous ai pas oubliée, répondit-il avec un sourire. Nous avons besoin de vous.

† FIN †
Dernière modification par vampiredelivres le ven. 05 mai, 2017 9:20 pm, modifié 1 fois.
Roomsinside852456

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Re: Ne m'oublie pas [Science-Fiction/Secrets]

Message par Roomsinside852456 »

Bizarrement, j'ai aimé. Je dis bizarrement parce que ce n'est vraiment mais vraiment pas mon genre de lecture (même en OS ou paragraphe).
Cependant, l'écriture est simple et fluide ce qui permet de surfer sur le texte et en même temps on surf tellement qu'on ne peut plus s'arrêter. C'était addictif. Les évènements s'enchaînent bien, pas de temps mort ou de longueurs qui alourdissent le rythme. De bonnes bases posées au début sur une durée excellente. On ne s'ennuie pas avant l'action et ça permet de s'attacher suffisamment à Léna. Et bien sûr le mystère qui nous tient en haleine.
Je voulais à chaque ligne, lire la suite, pour connaître la vérité qui n'arrive que vers la toute fin. Tu m'auras fait attendre ! :lol: Mais ça retient, le lecteur. Et entre le kidnapping et La résolution de la situation il y a des petites choses intéressantes à grignoter comme le trajet avec l'Apollon :oops: ,le décryptage du message...
Une bonne longueur générale. Peut- être Si tu veux en faire un roman entier ce serait pas mal...mais j'aime la taille actuelle. Assez long pour s'attacher, assez court pour ne pas s'ennuyer.
Bon thème et aussi surprenant. Je ne lis pas ce genre de romans mais je pense que c'est assez original. J'étais en train de m'imaginer des trucs qui étaient proches de faire bonne pioche sans vraiment viser juste.
Gros coup de coeur pour Bêta :oops: . Si tu avais fait un Bêta beau comme un dieu et d'à peu près le même âge que Léna, j'aurai été dêçue. Trop cliché et de romances dans l'air. Enfin sauf si elle aime les hommes âgés..je suis libre d'esprit...après tout, il a l'air plutôt bien conservé :lol: .
Léna est une lycéenne badass, mature et réfléchie. Elle ne panique pas
Spoiler
(à cause de son entraînement)
, et ne fonce pas dans le tas au risque de se faire tuer. Je l'ai beaucoup apprécié.

Désolée du pavé. Bin c'est tout. Je n'ai pas de critiques négatives constructives et je n'ai pas vu d'erreurs d'orthographe, de conjugaison ou de syntaxe.
Peut-être "Et, comme pour ** rajouter à ma mauvaise humeur matinale, La météo n'était pas exactement favorable aujourd'hui." qui se trouve au début
Au pire, je laisse ce soin (Si nécessaire) à d'autres. Mais sinon je peux regarder de plus près, Si tu veux. Préviens-moi. ;)
Des bisous et bonne continuation !
Dernière modification par Roomsinside852456 le mer. 03 mai, 2017 12:23 pm, modifié 1 fois.
vampiredelivres

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Re: Ne m'oublie pas [Science-Fiction/Secrets]

Message par vampiredelivres »

Coucou,
Waah, merci beaucoup ! Si j'ai réussi à te faire accrocher alors que ce n'est a priori pas ton genre... C'est vraiment un énorme compliment que tu me fais là.
Au niveau des personnages, moi aussi j'adore Bêta ! Et oui, la romance éventuelle entre elle et lui m'aurait énervée plus qu'autre chose. Et non, elle n'aime pas les hommes plus âgés... :lol: En revanche, j'ai hésité, pendant un moment, à faire quelque chose entre Lena et Apollon, puis je me suis dit que ce n'était pas totalement "réaliste", dans mon cadre. (Oui, je parle de réalisme dans un OS qui porte sur une société secrète fictive... :mrgreen: )
Je ne pense pas faire de suite à cette histoire. En l'écrivant, je savais d'où je venais et où je voulais aller. J'y suis parvenue, je n'ai pas envie de dénaturer quelque chose que j'ai fait uniquement par plaisir. Mais si un jour me vient l'idée d'une suite, je l'écrirai peut-être... :?:
Merci encore pour ce pavé, ça signifie beaucoup ^^
vamp'
Roomsinside852456

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Re: Ne m'oublie pas [Science-Fiction/Secrets]

Message par Roomsinside852456 »

Il n'y a pas de quoi pour le pavé, je donnais mon avis sincère.
Bêta !!!
Pour Apollon, on sent effectivement quelque chose, un peu comme une petite envie de romance sans pousser le truc. Je ne sais pas comment l'expliquer mais Léna elle-même le dit d'ailleurs, il ne La laisse pas indifférente. C'est super que ça ne soit pas tombé dans l'amour. Ça fait plus juste et "réaliste" effectivement. Surtout si on considère La Léna entière, c'est-à-dire badass à souhait, méga entraînée, Alpha d'une société secrète de la sécurité nationale et internationale. Désolée, petit Apollon, trop badass pour toi. You can't handle it 8-)
Apparemment, je dois être imbécile ou avoir râter un pan de l'histoire de l'humanité parce que moi, je n'ai fais aucun rapprochement et compris aucune référence............. :shock:
vampiredelivres

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Re: Ne m'oublie pas [Science-Fiction/Secrets]

Message par vampiredelivres »

#Flamb'
Alerte réponse dans le désordre...
Effectivement, anagramme et pas analogie... Je me suis quand même marrée, parce que j'ai volontairement cherché un nom compliqué (ça rend justice à tous les profs qui ont écorché le mien depuis le début de ma scolarité :lol: ).
Écoute, miss, si ça te tente de te lancer dans le sujet, il n'y a absolument aucun souci de mon côté ! Préviens-moi si tu écris des OS ou une histoire dans cet univers (si tu écris une histoire tout court, d'ailleurs !).
On ne refait pas pas mes héroïnes, n'est-ce pas ? :mrgreen: Je les aime bien comme elles sont, probablement parce qu'elles ont un peu de moi, du coup... ce côté "no stress, ma vie est en danger, et alors ?".
De mon côté, j'en ai une autre, de nouvelle, qui traînasse un peu dans l'écriture en ce moment (le bac, quésako ?), mais j'ai bon espoir. Pas du tout sur le même thème, en revanche.

#Roomsinside
Mais non, ne t'inquiète pas ^^ Si tu veux, il y a deux ou trois petites références pour certains de mes amis (si jamais ils passent un jour lire ce truc... ce n'est pas faute d'avoir fait de la pub !), mais c'est plus des "private joke" qu'autre chose. Comme je le disais, j'ai écrit ce texte pour le fun, en sachant ce que je voulais y glisser.
Et ouais, pauvre petit Apollon, il n'est pas exactement au même niveau qu'elle... :lol: Elle craque sur lui, mais déjà qu'elle avait à peine le temps de gérer la Faction et le collège à l'époque, elle ne va pas vouloir s'embarrasser d'un copain maintenant qu'elle revient, aussi mignon soit-il. Et puis, ce serait plus dangereux pour lui qu'autre chose... :mrgreen:
Team Bêta à fond !

#À-tout-lecteur-potentiel
D'ailleurs, je me pose la question, parce que Science-Fiction n'est pas exactement la catégorie appropriée... Est-ce que ça tendrait plus vers Espionnage... ou est-ce que je laisse comme ça pour ne pas en révéler sur l'histoire en elle-même ?
Animia8

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Re: Ne m'oublie pas [Science-Fiction/Secrets]

Message par Animia8 »

Moi je mettrai "mystère-action" après tu fais comme tu veux, sinon, j'écris mon avis pendant la semaine, en ce moment je peux pas trop, mais pense que j'ai lu ton histoire et que j'en pense que du bien ^^
Roomsinside852456

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Re: Ne m'oublie pas [Science-Fiction/Secrets]

Message par Roomsinside852456 »

Ouf...du coup je me sens moins bête car quand même l'Histoire et moi c'est une histoire d'amour...à sens unique vu mes notes de bac :lol:
C'est marrant parce que en terminale, je craquais aussi pour mon jeune prof de philo. Quand j'ai lu ça, ça m'a mis une claque ! Je me suis tout de suite vu en Léna (juste ce côté là par contre)
Des bisous
vampiredelivres

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Re: Ne m'oublie pas [Mystère/Action/Secrets]

Message par vampiredelivres »

#Animia
Effectivement, j'ai renommé. Et pas de souci, merci ^^

#Roomsinside
Ce ne sont pas les notes du bac qui déterminent les grandes histoires d'amour ^^
Ah, les profs de philo... XD
Bisous !
Mimori

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Re: Ne m'oublie pas [Mystère/Action/Secrets]

Message par Mimori »

Un texte rondement mené, doté d'une écriture propre et d'un vrai potentiel. Quel dommage que l'histoire doive s'arrêter aussi tôt !
ChloPlume

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Re: Ne m'oublie pas [Mystère/Action/Secrets]

Message par ChloPlume »

vampiredelivres a écrit :Je suis de retouuur, pour vous jouer un mauvais tour !
Alooors... en fait, de base, j'étais partie pour faire un truc court. Vraiment court. Une petite histoire, inventée un matin dans le bus, alors que j'étais censée dormir. Et puis, c'est très rapidement parti beaucoup plus loin que je n'aurais pu l'imaginer. Mais n'ayez pas peur de la longueur, je n'ai pas – trop – fumé de la moquette en écrivant. Enfin je crois. :lol:
Encore une fois, j'ai écrit ça assez vite (trois jours environ). Mais j'ai pensé à beaucoup de personnes en l'écrivant. Certains de mes amis (s'ils débarquent un jour ici) reconnaîtront certaines références (j'espère !). Flamb', pour toi, je pense que tu peux t'estimer heureuse que je ne me sois pas appelée comme l'héroïne, sinon l'anagramme aurait été un brin... compliqué. Genre vraiment.
À tous les autres, qui n'ont probablement rien compris aux deux dernières lignes, je ne peux que souhaiter une bonne lecture, et espérer très fort que ça vous plaise.
Bonne lecture !


† Ne m'oublie pas †


— Tu penseras à sortir les poubelles, ce soir ?
Je hochai la tête, les yeux encore embrumés, plaçai une main devant ma bouche pour couvrir mon bâillement. Mon sac, posé sur la table de la cuisine, chargé des livres et cahiers inhérents à une longue journée de cours, semblait être placé là pour me narguer, m’avertir que les heures de sommeil qui me manquaient n’allaient pas être récupérées tout de suite. À moins de dormir en cours. Mauvaise stratégie. Et, comme pour en rajouter à ma mauvaise humeur matinale, la météo n’était pas exactement favorable aujourd’hui. Les premières gouttes de pluie tambourinaient déjà contre les carreaux de la vitre. Et les prévisions n’annonçaient rien de mieux que l’orage d’ici ce soir. Je serrai brièvement les doigts sur mon pendentif.
— Tu me déposes à l’arrêt ? demandai-je à ma mère avec un soupir. J’ai la flemme de marcher avec ce temps…
Elle leva le nez vers l’horloge murale, puis acquiesça.
— Tout de suite, alors.
— D’accord.
J’attrapai mon sac, le jetai sur mon épaule, et traversai le salon où les piles de vêtements bien s’alignaient comme des petits soldats, pour parvenir sur la terrasse. Immédiatement, un vent froid s’infiltra sous mes habits. Je frissonnai, remontai en hâte la fermeture éclair de ma veste, et m’engouffrai dans la voiture en claquant la porte derrière moi. Quelques secondes plus tard, la portière s’ouvrit du côté conducteur, puis se referma, et le moteur rugit.
— Tu es sûre que ça va aller ?
Je souris, amusée, malgré ma fatigue.
— Ne t’inquiète pas, je vais survivre. Promis. Contente-toi de profiter de ce voyage.
Elle esquissa elle-même un petit sourire, dans lequel je crus un instant distinguer une pointe de raillerie.
— Promis. Mais ça ne m’empêche pas de m’inquiéter.
— C’est pas comme si j’étais livrée à moi-même pendant une semaine… Il y aura Carole !
Carole, l’une des plus vieilles amies de ma mère. Elle venait veiller sur moi, comme à chaque fois que ma mère partait en congrès. Donc assez souvent. Elle était très sympathique, même si je lui trouvais personnellement un air un peu fuyant qui me gênait.
— Elle passera ce soir te faire à manger, me rappela ma mère.
— Je sais. Et je sais me faire des spaghettis si jamais elle ne peut pas ce soir. Et je m’occuperai du ménage. Respire, sérieusement !
— Je m’inquiète, c’est tout.
— M’man, j’ai dix-huit ans dans un mois, tu pourrais te détendre un peu… Et je t’ai promis que je n’allais pas faire n’importe quoi, donc très honnêtement, je ne vois pas pourquoi tu paniques.
Pour la première fois de ma vie, Carole n’allait pas faire du baby-sitting vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Un véritable miracle de la nature. J’allais avoir la maison pour moi toute seule. Contre, évidemment, la promesse de ne pas la transformer en champ de cadavres de bouteilles. Auquel cas j’étais sûre d’être de corvée de nettoyage jusqu’à mes vingt-cinq ans, garanti sur facture par ma mère. Si jamais j’invitais des amis, je devais être discrète, et ça ne devait pas se terminer par une garde à vue, ni un quelconque incident « de quelque nature que ce soit, incluant mais ne se limitant pas aux plaintes des voisins, comas éthyliques, gueules de bois, etc. »
Autant dire que ma mère devait être au bord de la crise de nerfs à laisser sa « petite fille chérie » toute seule pendant une semaine. Même si à voir son regard désolé, je me doutais qu’elle s’insupportait elle-même avec ce comportement hyperprotecteur.
Au fond, c’était une gamine dans l’âme. Elle n’hésitait pas, même aujourd’hui, à faire des parties de chat perché avec moi, même si j’approchais de la majorité, et elle de la quarantaine. Ce côté très enfantin, je l’avais adoré, petite. Je m’étais toujours vantée d’avoir une maman « trop cool ».
Mais elle avait aussi ce côté un peu nerveux, stressé de la vie, surtout à mon égard. C’était assez paradoxal, un truc que je n’arrivais pas à cerner chez elle. Elle pouvait être totalement tranquille à l’idée de me laisser me balader en forêt seule pendant deux heures pour promener le chien – enfin, à l’époque où on avait un chien – et ensuite s’inquiéter comme pas possible en m’envoyant faire les courses parce qu’elle rentrait tard. Souvent, sa logique m’échappait. Et quand je lui en faisais la remarque, la réponse que j’obtenais restait invariablement la même. « Je me comprends. »
— Lana ?
— Mhmm…?
— Ton bus arrive. Je t’aime.
Elle posa un baiser sur mon front, je lui en rendis un sur la joue. Le bus freina juste derrière nous.
— Bon voyage ! fis-je avant de sortir.
Entre temps, les quelques gouttes de pluie s’étaient transformées en une sérieuse averse. Le temps que j’entre dans le grand véhicule, j’avais les cheveux trempés. Je poussai un soupir en voyant la voiture redémarrer. En quelques secondes, elle avait tourné à l’angle, et disparaissait de mon champ de vision. Je m’affalai contre le siège, fouillai d’une main dans mon sac pour retrouver mon casque, en cherchant une bonne playlist sur mon téléphone de l’autre. Ayant trouvé les deux, je m’installai pour quarante minutes de mon habituel somme matinal.

Pour ma défense, les cours au lycée commençaient à sept heures trente, et le bus passait devant mon arrêt à six heures et demie. Ce qui faisait que je devais me lever une heure avant, pour être à l’heure, avec dix minutes de marche entre chez moi et l’arrêt lorsque j’y allais à pied. Mais quand je me couchais à minuit et demi…
En plus, dans mon cas, ça arrivait assez souvent. Ainsi, j’avais vite pris l’habitude de dormir sur les heures de trajet pour rattraper.

La journée s’écoula lentement, monotone, à peine rythmée par les cours qui s’enchaînaient. Chaque professeur avait sa manière d’enseigner, mais je n’avais pas envie de les écouter. Je m’y forçais, par habitude et par obligation, mais j’étais facilement distraite. Ainsi, en histoire géographie, au lieu de suivre le cours – pourtant très bien expliqué – portant sur la vie en RDA durant la Guerre Froide, je préférai observer l’entrée d’une camionnette de livraison dans la cour arrière, juste à côté de la cafétéria. Et, au cours suivant, en philosophie, je fus rapidement distraite par les bavardages de mes copines, assises juste derrière. Qui, probablement pour la millième fois en un trimestre, elles commentaient l’apparence du prof.
Bon, je devais leur reconnaître ça. Il était beau. Pas juste « pas mal », comme elles disaient souvent. Vraiment beau. Le petit air – peut-être un peu stéréotypé – du brun ténébreux aux yeux bleu glacier, mais rien ne s’appliquait mieux à lui, comme description. Il avait vingt-quatre ans, avait tout juste passé son concours. C’était sa première année d’enseignement. Et il était adorable. Gentil, toujours à l’écoute, conscient que ce qu’il expliquait pouvait parfois paraître abscons pour des lycéens. Avec ce portrait digne d’un prince charmant de contes de fées, dire qu’il faisait presque littéralement baver les trois quarts de la gent féminine en devenait un euphémisme.
Est-ce que j’étais moi aussi touchée par ce complexe ?
Non, aurait répondu une héroïne rebelle de roman sans hésiter.
Mais ça aurait été mentir, dans mon cas. Je l’étais. Dieu merci, on n’abordait pas l’amour platonique en cours, sinon je me serais sentie visée tout le temps.
Entre moi et les autres groupies de la classe, une seule différence majeure. Je vénérais ce prof autant pour son apparence que pour les cours qu’il nous dispensait. Ce qu’il expliquait me paraissait réellement intéressant. J’étais une terminale L de pure souche, pas totalement imperméable aux maths, mais beaucoup plus intéressée par les langues. Même si je disais rarement non à une séance de codage.

La voix grave, bourdon distant dû à mon inattention, s’interrompit soudain, remplacée par une sonnerie stridente qui m’arracha brutalement à ma rêverie. Debout devant son bureau, l’homme resta un bref instant déboussolé, avant de soupirer.
— Bon, j’imagine que vous connaissez la procédure…
La classe se mit en mouvement d’un même mouvement, dans un grincement de chaises. Chacun se replia sous sa table. Je fis comme les autres, m’adossai au mur en repliant mes genoux contre ma poitrine, le bas de la table frôlant presque mon crâne.
Apollon – M. Apoalo en réalité, mais le surnom était venu des filles – alla verrouiller la porte d’entrée de la salle, puis s’installa, de façon à être caché, lui aussi, derrière mes copines. Qui faillirent bien faire une crise cardiaque en le voyant s’asseoir juste derrière elles. Elles échangèrent des coups de coude furieux, n’hésitant pas à me souffler un « Hé, Lana ! » qui dans le silence qui s’était installé parut tonitruant. Le professeur se contenta d’un mince sourire.

Quelques minutes avaient passé depuis la fin de l’alarme intrusion. Les élèves, malgré la consigne du silence absolu, bavardaient à voix basse, comme toujours. Du côté des fenêtres, ils avaient tiré les rideaux ; la pièce était donc plongée dans une semi obscurité apaisante. J’aurais aimé avoir un livre sous la main, pour pouvoir bouquiner tranquillement, mais malheureusement, je l’avais oublié chez moi. Ou plutôt, je l’avais laissé sur ma table de chevet parce que j’avais une journée a priori chargée, sans un moment pour réellement respirer et me plonger dans un autre univers. Aussi me contentai-je d’observer, un léger sourire aux lèvres, mes amies converser, en prêtant une oreille distraite à leur discussion.
Un grésillement vint néanmoins troubler mon état de sérénité. Il provenait du talkie-walkie de mon professeur. Les salles de classe étant séparées, et de par la nouvelle législation, l’instrument était devenu une nécessité dans les kits de survie. Mais ici, il paraissait particulièrement rétif à l’utilisation, puisque le bruit de friture était le seul qu’il semblât pouvoir émettre.
Par habitude, je sortis mon téléphone. Je n’avais de toute façon rien d’autre à faire. Mais il affichait « aucun service » au lieu des cinq petits points habituels, dans l’angle supérieur gauche. Je fronçai un sourcil. Les filles, qui semblaient avoir fait le même constat que moi, se penchèrent de mon côté, leurs regards troublés par une soudaine inquiétude.
— Lana… c’est bizarre, tu ne trouves pas ?
J’esquissai un sourire.
— Hé, no stress, soufflai-je à mi-voix, rassurante. Y’a pas le feu, à ce que je sache…
— Mais il n’y avait pas rien de prévu, ce trimestre… insista l’une des deux.
Je haussai les épaules, ne pouvant rien répondre à cela. La direction faisait ce qu’elle voulait, après tout. S’ils décidaient de nous coller un exercice d’évacuation surprise, pour vérifier que tout se passerait bien en cas d’incident réel, ils pouvaient le faire sans avoir à nous avertir. Ils n’avaient pas à nous prévenir systématiquement.
Cela dit, au bout de quinze minutes supplémentaires, je commençai moi aussi à trouver le temps long. Le talkie-walkie ne marchait pas, il n’y avait pas de réseau, l’exercice paraissait imprévu… sans virer à la paranoïa, la situation était étrange. Machinalement, je portai mes doigts à mon médaillon en bronze.
C’est alors que retentirent les pas dans le couloir.
Étant adossée au mur, je fus parmi les premiers à les entendre. Ils étaient lourds, réguliers, parfaitement synchronisés. Presque martiaux. Ils ne marquaient aucune hésitation.
Ils s’arrêtèrent juste devant la porte de notre salle.
Un silence surpris, presque angoissé, succéda aux bavardages à voix basse qui s’étaient tenus depuis le début. Les élèves s’entre-regardèrent, brusquement nerveux. C’était trop étrange. Trop différent de nos simulations habituelles.
Dans le silence de mort, les cliquetis métalliques qui s’ensuivirent furent parfaitement audibles, distincts.
— Ils forcent la serrure, murmura quelqu’un.
Soudain, la panique se propagea comme une traînée de poudre. Presque tout le monde se mit à ramper pour s’éloigner le plus possible de la porte. Moi-même, je dus me faire violence pour rester à ma place. De toute façon, j’étais assez loin. Mais j’avais le ventre noué, une boule d’angoisse dans la gorge. Je me repliai encore un peu plus sous ma table.
Les cliquetis se poursuivaient. Ils nous rendaient tous plus nerveux à chaque instant. Même le prof avait une expression sombre, lui dont le visage était toujours si avenant. Les filles ayant déserté leur cachette derrière moi pour suivre la classe, j’avais une vue parfaite sur ses yeux bleus. Ils se posèrent un bref instant sur moi, puis filèrent vers le groupe qui s’était tapi au fond. Il leur fit signe de se calmer. Ce qui ne marcha qu’à moitié. Ils murmuraient tous. La peur déformait leurs traits, les rendait maladroits. Quelqu’un se cogna dans une table, émit un gémissement, qui fut suivi d’un « CHUUT ! » collectif. Mais le bruit avait résonné, suffisamment longtemps pour être entendu de l’extérieur. Les chocs du métal contre le métal s’interrompirent quelques secondes, puis reprirent.
Et le verrou céda dans un déclic sonore.
D’un seul coup, tout le monde arrêta de respirer. La porte s’ouvrit, dévoilant à contre-jour une silhouette solitaire. Casquée, vêtue de ce qui ressemblait à un gilet pare-balles noir. Et surtout, armée. Personne ne pouvait négliger le canon, équipé d’une petite torche, qui sonda brièvement la salle.
Provenant de sous le casque, une voix rogue résonna.
— Gardez votre calme. Nous ne vous voulons pas de mal.
Angoissée, à l'instar des autres, je fus probablement la seule à tiquer sur la formulation. Il avait dit « nous ». Et même si on ne voyait que lui, cela signifiait qu’il n’était pas seul. J’agrippai un peu plus fermement mon pendentif.
— Nous recherchons une jeune fille, parmi vous. Lana Schneiwäser
Mon nom me fit l’effet d’un coup de tonnerre. Il résonna anormalement à mes oreilles, rebondissant en écho dans mon crâne. Je ne bougeai pas, tétanisée. Personne ne bougeait, à vrai dire. Quelques regards filèrent un peu dans tous les sens, me cherchant probablement, mais j’étais pile dans l’angle mort de l’homme.
Sous le choc, j’étais incapable d’avoir une pensée cohérente. Mon nom, prononcé par cet homme – soi dit en passant, il devait être l’un des premiers à ne pas l’avoir écorché au premier essai – tourbillonnait dans mon esprit, accompagné d’une seule question. Pourquoi ? Pourquoi moi, pourquoi maintenant, pourquoi… Pourquoi pourquoi, en fait ?
Un mouvement, à ma droite. Tellement lent que je faillis ne pas l’enregistrer, au début, perdue dans mon état d’hébétude. Mais Apollon dépliait lentement ses muscles. Il se redressa progressivement, veillant à ne pas faire de geste brusque. La lampe torche vint se braquer sur lui en même temps que le canon de l’arme. Il plissa les paupières, le temps de s’habituer à l’éclairage.
— Qui êtes-vous ? demanda-t-il.
— Sécurité nationale, monsieur. Nous avons besoin que mademoiselle Schneiwäser nous suive.
— Vous n’avez aucun droit de poser une telle requête alors que vous entrez ainsi dans ce bâtiment.
S’il était stressé, il n’en montrait absolument rien. Sa voix était aussi plate qu’un lac, son regard, fixe, fiché sur la visière du casque de son interlocuteur, là où auraient dû se trouver les yeux. Je me mordis les lèvres. La panique afflua soudain, donnant un violent coup de fouet à mon corps. Ma respiration s’accéléra, suivie de près par mon rythme cardiaque. Un frisson glacial descendit le long de mon échine.
— Les circonstances l’exigent. Où est-elle ?
— Je ne vous le dirai pas.
Je me figeai, alors qu’un bruit souvent entendu dans les films succédait à la réponse de mon professeur. C’était celui d’un cran de sécurité ôté.
— Avancez, monsieur.
Apoalo parut brièvement soupeser le pour et le contre, mais la menace d’une arme à feu chargée, pointée droit vers lui l’obligea à s’exécuter. Dès qu’il fut à portée de bras de l’homme casqué, ce dernier bougea brusquement. L’action fut tellement rapide que je n’en devinai que l’essentiel. Je ne vis même pas le mouvement de l’inconnu. Mais mon prof vacilla, touché à la tempe.
« Sécurité nationale » le rattrapa d’un bras, avant même qu’il ne s’effondre, comme s’il avait passé sa vie à faire ça, et appliqua le canon de son révolver contre le front de sa victime. Un cri s’éleva depuis l’arrière de la salle, vite étouffé lorsque la torche vint en chercher la source. La voix sous le casque se chargea d’une inflexion menaçante.
— Message à toi, Lana Schneiwäser. Si tu ne te montres pas dans les cinq secondes qui vont suivre, ton professeur meurt.
La boule qui obstruait ma gorge, qui m’empêchait de parler, de hurler, fondit soudain. Ignorant les signes de tête furieux de mes deux amies, qui me disaient clairement de ne pas bouger, je me relevai à mon tour.
— C’est moi.
Plus que de m’être levée, je fus stupéfaite de me rendre compte que ma voix n’avait pas tremblé. Sans être aussi assurée que celle d’Apollon, précédemment, elle était demeurée ferme.
Aveuglée par la lumière blanche, je faillis détourner les yeux. Faillis, seulement.
— Mais relâchez-le.
La voix se teinta d’une sorte d’inflexion amusée. Pour peu que l’amusement puisse exister dans le registre de cet homme.
— Tu n’es pas en position de négocier. Tu tiens à sa vie ?
— Je vous suivrai sans résistance si vous le relâchez.
L’homme s’écarta d’un pas, me libérant l’accès à la sortie.
— Alors avance, m’intima-t-il.
L’idée de subir le même sort qu’Apoalo me retint quelques secondes là où j’étais. Juste assez pour que je voie le chien de l’arme dévier, non pas vers le professeur, mais vers les élèves.
Et, quoi que je doive subir ensuite, je ne pouvais pas mettre en danger la vie de trente élèves pour assurer ma sécurité. Je l’avais à moitié réalisé en me levant, mais je le comprenais réellement maintenant. Je devais m’assumer, comme les héroïnes de ces livres d’aventure que j’adorais. Même si c’était accepter de perdre ma propre vie. Le choix aurait pu paraître cornélien, pour certains. Chez moi, il s’imposa comme une évidence. Je n’avais pas le droit de penser à moi dans cette situation. Absolument pas.
Dehors, je découvris un petit groupe de quatre individus, aux uniformes noirs unis identiques à celui de l’homme qui avait pénétré dans la classe. Qui, d’ailleurs, me suivait, en tenant toujours Apoalo sous les aisselles. Deux des soldats se glissèrent derrière moi, un troisième aida son collègue à porter mon professeur à demi inconscient.
— Si tu fais un seul geste de travers… m’avertit celui apparaissait comme le capitaine de l’escouade, toujours armé.
Je hochai la tête. La porte de la salle de classe resta ouverte, mais le quatrième soldat se planta dans l’embrasure, veilleur silencieux, pendant que ses collègues m’escortaient à travers les couloirs, traînant leur poupée de chiffon à ma suite. À chaque embranchement, le capitaine me donnait la direction, d’un simple mot. Et je réalisai qu’ils connaissaient le bâtiment.
Ils utilisèrent notamment une issue de secours que personne n’empruntait jamais, qui donnait sur la cour arrière. Là où était garée une camionnette. Enfin, plus fourgon blindé que camionnette… songeai-je brièvement, avant de me demander comment je pouvais me faire des réflexions sarcastiques alors que ma vie et celle d’un autre étaient en jeu. Mais je n’avais pas pu m’empêcher de le remarquer. J’avais observé le déchargement des caisses depuis cette même camionnette, moins d’une heure plus tôt. Là, ce que je voyais, c’était un fourgon de transport de prisonniers tout droit sorti d’un film d’action.
En suivant les instructions du capitaine, je grimpai à l’intérieur, et m’installai au fond. Apoalo me suivait de près, d’un pas encore hésitant. Il s’assit sur la banquette en face de moi, et le chef de l’équipe se posa à côté de lui.
— Vous m’excuserez de vous imposer ça, mais je vais devoir vous menotter par mesure de sécurité.
Son ton, malgré la formulation, n’exprimait aucun regret. Juste la certitude d’un homme qui faisait son travail, sans suffisance dans la voix. Je ricanai, décochai un regard sceptique dans sa direction. Attacher un professeur et une adolescente, alors qu’il avait clairement montré qu’il pouvait nous mettre tous les deux à terre en moins de deux secondes, c’était quand même se moquer du monde. Mais pour toute réponse, il décrocha une paire de menottes de sa ceinture et se pencha en avant pour me les passer aux poignets, avant de faire de même pour son voisin de banquette. Je poussai un soupir agacé, me laissai tomber en arrière.
Les portes claquèrent. Un néon s'alluma sur la paroi au-dessus de nos têtes, éclairant faiblement l’espace réduit. Les gouttes de pluie tambourinaient sur le métal au-dessus de ma tête. Dans ce cadre digne d’un Tim Burton, la terreur qui pendant quelques minutes avait disparu, revint à la charge. Je réalisai d’un seul coup toute l’absurdité de la situation, que je m’étais obligée à occulter pour garder la tête froide. J’étais en train de me faire kidnapper.
Bordel de merde, en pleine journée de cours, j’étais en train de me faire kidnapper ! Et qui plus est par un escadron qui semblait être la version terroriste du SWAT !
Je fermai les yeux.

C’est un cauchemar. C’est juste un cauchemar. Je vais me réveiller, et rien ne se sera passé. Maman sera en train de faire ses valises. Tout ira bien. Il n’y a pas du tout UN GROUPE DE FOUS FURIEUX QUI M’ONT MENACÉE AVEC UNE ARME !

Retour à la réalité. Le fourgon démarrait. Ainsi banalisé, il n’y avait probablement aucune chance que quiconque nous reconnaisse dans la rue, et le temps que l’administration du lycée se reprenne et appelle la police…
— Lana, ton téléphone. Et vous aussi, monsieur… ?
Apoalo garda le silence face à la question laissée en suspens, se contenta de sortir l’appareil de sa poche. Je l’imitai, tendis mon propre téléphone à l’homme. De toute façon, au stade où on en était…
— Lana, ça va ?
Ce n’était plus la voix de « Sécurité nationale ». C’était mon prof, mon beau et gentil prof. Qu’est-ce que j’étais censée répondre dans ce genre de situation ? « Évidemment, tout est nickel ? »
— Pfff… Entre nous, ça pourrait être pire. Vous ?
Les larmes menaçaient maintenant de couler. Je luttais pour garder une voix égale, un brin blasée. Je passais sans transition d’un état d’esprit à un autre. Oui, j’avais peur. Ou plutôt non, j’étais terrifiée. Mais ça, je n’allais pas l’admettre autrement que par mon regard. Et encore. Je me mordillai les lèvres, baissai les yeux pour ne plus sentir ce regard scrutateur dans le mien. Le pire, c’était que je ne pouvais même pas savoir si l’autre homme m’observait.
— Tu sais, sans avoir un doctorat en psychologie, je pense pouvoir t’affirmer que, dans cette situation, la panique est une réponse tout à fait adaptée.
Apollon avait un mince sourire. Comment faisait-il ? À croire que ça lui était déjà arrivé. Il paraissait si calme, tellement maître de lui-même… Puis, je remarquai sa main. Ses doigts, posés contre sa jambe gauche, dans l’angle mort du soldat, tapotaient nerveusement sur son jean, dans un rythme effréné. Le constat me rassura étrangement. Je n’étais pas la seule à être au bord de la crise de nerf. Aussi, je n’hésitai pas à me replier en position fœtale, lovée dans l’angle. À nouveau, je fermai les yeux, la tête entre les genoux. Ne serait-ce que pour oublier quelques secondes avec qui je me trouvais, où je me trouvais.

J’avais laissé les larmes couler. Mais en silence.
Pas le choix. C’était ça ou éclater en sanglots devant les deux autres. Hors de question, ça, en revanche.
Ça se verrait probablement sur mon pantalon, vu les taches énormes qu’il devait y avoir, à force d’avoir absorbé l’iode. Mais quand la camionnette ralentit enfin, j’étais vide. Prête, peut-être, à faire face à la situation qui allait suivre. Peut-être. Pas forcément. En tout cas, je n’étais plus aussi nerveuse. Une sorte d’instinct de conservation avait pris le dessus. Avec un seul objectif : faire le nécessaire pour survivre, en évitant au maximum les coups, et en gardant Apoalo en vie. Puisque, apparemment, ils se basaient sur mes choix pour décider de son sort, pour l’instant. Là, tout de suite, il leur servait de levier. Mais plus tard ?
Pourtant, malgré le nettoyage que je m’étais obligée à faire dans ma tête, je n’avais pas été préparée à débarquer sur une petite piste de décollage, cachée au beau milieu d’une forêt. Le pire étant que, lorsque je pivotai sur mes talons, encore éblouie par l’afflux de lumière soudain, je distinguai une route bétonnée qui s’éloignait en sinuant entre les arbres.
On m’indiqua d’avancer. Je le fis lentement, sans que ça ne paraisse déranger quiconque dans l’escadron. De toute façon, la piste était vide. Et il avait arrêté de pleuvoir, même si le ciel restait gris. Mais quelques minutes plus tard, dans un sifflement assourdissant, un avion vint se poser juste sous mon nez. Et pas juste un simple avion, mais un jet privé.
Je cillai, croyant halluciner.
Un jet privé. C’est quoi ce foutoir ?
La rampe se déploya sans que les moteurs ne s’éteignent. Je dus monter les marches. À l’intérieur, je découvris une cabine joliment meublée, dans les tons de beige et de blanc, avec des fauteuils larges aux accoudoirs en imitation de bois verni. Une décoration de salon mondain que même ma mère, avec son excellent salaire, ne pouvait probablement pas se payer. Sans même parler d’avoir un jet privé.
Je me tournai en direction du capitaine de l’escadron, qui me suivait toujours, et levai un sourcil.
— On m’explique ce qui se passe, s’il vous plaît ?
Il était temps que je pose cette question, décidément ! Elle tournait en boucle dans ma tête depuis le début, mais la formuler à voix haute m’avait fait peur pendant la majeure partie du trajet. Parce que la réponse rendrait tangible quelque chose qui me paraissait pour l’instant être un mauvais rêve.
« Sécurité nationale » enleva son casque. Le geste était tellement assuré, tellement tranquille, et tellement déplacé, dans ce contexte, que je faillis esquisser un pas en arrière. Pourtant, il le fit tout naturellement, comme s’il ôtait sa veste après une longue journée de travail.
En dessous, le visage était à l’image de la voix : grave, tanné par les ans. Un regard vif, malgré l’âge – il avait certainement la cinquantaine, mais pas beaucoup plus – avec quelques pattes d’oie au coin des yeux.
— Tu te trouves dans le Faucon, l’une des bases secondaires de la Faction, répondit-il d’une voix posée.
À la manière dont il prononçait les mots « faucon » et « faction », j’y ajoutai automatiquement des majuscules dans mon esprit.
— L’opération qui vient de se dérouler était un peu précipitée, excuse-nous. Mais le temps nous manquait pour faire les choses correctement.
— Et mon professeur ?
Je venais seulement de remarquer qu’il n’avait pas pénétré dans l’avion à ma suite. Je me collai immédiatement au hublot, et vis que la camionnette avait disparu.
— Nous ne lui ferons aucun mal. Il va recevoir un amnésique, et il sera reconduit chez lui.
— Et mon lycée ? relevai-je, sceptique. Vous comptez leur faire oublier mon existence, à eux aussi ?
— Oui.
Je pris la réponse comme une gifle en pleine figure. Le type ne paraissait pas particulièrement dérangé. Je mis un moment à le digérer. Une fois que je fus certaine qu’il m’avait bel et bien dit qu’il avait les moyens de me faire disparaître certains évènements des mémoires des gens – pour peu qu’une telle technologie existe – je pus reprendre :
— Et… moi ?
Il se rapprocha de moi. J’eus un mouvement de recul, mais il me suivit, jusqu’à m’attraper les mains. Une dizaine de possibilités de suite, toutes différentes, défilèrent dans mon esprit à toute allure. Aucune ne coïncida avec la réalité. L’homme se contenta de m’enlever mes menottes, et de me faire signe de le suivre vers une petite table, sur laquelle était posée une petite enveloppe blanche. Et sur la face supérieure, deux lettres. L.S., mes initiales.
— Lis ceci. Et ensuite, on en reparle.
Et il se détourna. Je restai un moment statufiée, sous le choc. Par instinct, mes doigts s’étendirent vers l’enveloppe. En la soulevant, je constatai qu’elle était assez lourde. Au jugé, j’aurais dit qu’elle contenait quatre feuilles A4, au strict minimum. Je m’assis sur le fauteuil le plus proche, l’ouvris, en sortis la première page.
Les lignes parurent s’entremêler immédiatement. Ce n’était pas un alphabet normal. Pas du russe, pas du latin, pas du grec, pas même de l’arabe… Non, c’était un mélange de symboles étranges, qui ne se rattachaient à aucune langue que je connaisse. Ils étaient courbes, puis droits, formés de lignes, puis de petits cercles, de points et d’arabesques… Je levai la tête vers l’inconnu. Mais il était occupé à faire remonter la passerelle, et ne répondit pas à mon appel. Une fois la porte de l’avion verrouillée, il toqua trois coups secs sur le mur qui le séparait de la cabine de pilotage. Presque immédiatement, le jet se remit en mouvement.
Je baissai les yeux sur ma feuille. J’aurais pu ignorer la demande, abandonner tout de suite. Mais, premièrement, la menace du holster toujours à la ceinture du soldat demeurait présente, et deuxièmement, c’était une énigme. Or, depuis que j’avais commencé le codage, j’étais devenue totalement dingue de ces petites devinettes. Souvent, j’en avais fait juste pour m’amuser. Les romans policiers, les films d’horreur, tout était bon pour solliciter un raisonnement logique de ma part. Et cette feuille était une énigme qui, d’après le type qui m’accompagnait, m’était adressée. Des L.S., il aurait pu y en avoir des milliers dans le monde, pourtant il m’avait choisie moi. Pourquoi ? Aucune fichtre idée. Mais vu que je n’avais rien d’autre à faire, autant m’y coller.

En une heure, j’avais dégagé trois segments principaux sur la première page, noté sur une feuille à part la majorité des symboles qui composaient le texte, et piétiné le reste du temps. Je ne m’étais pas attaquée au reste, pour ne pas m’emmêler les pinceaux. Déjà que je galérais sur une feuille, si j’y rajoutais les trois autres…
Les caractères dansaient sous mes yeux. Leur sens m’échappait totalement. Mais ils me paraissaient horriblement familiers. Une désagréable impression de déjà-vu m’assaillait à chaque fois que je les regardais. Pourtant, il n’y avait aucune logique, comme ça, à première vue. C’était juste une suite totalement absurde, arrangée dans un ordre que je ne parvenais pas à saisir.
En haut, à droite, deux « phrases ». L’une assez courte, l’autre seulement composée de huit symboles. Ensuite, à gauche, comme dans une lettre habituelle, une sorte d’accroche. Sauf que l’accroche était composée d’un caractère, que j’avais pour l’instant assimilé à un « à », puis de quatre mots de trois, trois, deux et six caractères respectivement, suivis d’une virgule. Puis, à la ligne suivante, le texte en lui même. Je me mordis les lèvres jusqu’au sang. Ça me frustrait de ne pas comprendre.
Et au moins, ça me donnait une excuse pour ne pas penser à ma situation. Une situation sur laquelle, très honnêtement, je n’avais pas envie de m’attarder. Un jet privé, c’était cool. Se faire kidnapper, et être embarquée pour une destination totalement inconnue, nettement moins.
Je fis une grimace, triturant machinalement mon médaillon d’une main, stylo entre les dents. Derrière moi, le soldat casqué veillait toujours. Je n’avais pas réussi à tirer quoi que ce soit de sa part, et il avait catégoriquement refusé d’essayer de résoudre l’énigme, en prétextant qu’elle n’était adressée qu’à moi. Il m’avait néanmoins donné un nom – débordant d’originalité ! – par lequel l’appeler : Bêta. Et, lorsque je m’étais – ironiquement – enquise où était Alpha, il m’avait regardée avec un léger sourire, et avait haussé les épaules.
Merci du soutien !
Le pire, c’était que cette énigme pouvait très bien être une sorte de test d’entrée dans cette Faction. Et si je me révélais incapable de le résoudre… ? La mort ? La torture ?
Je m’obligeai à écarter toutes ces hypothèses, pour me focaliser encore une fois sur le texte. Mais rien ne m’apparut. Je ne m’y attendais d’ailleurs pas. Les significations ne se matérialisaient pas en un claquement de doigts, en cryptage comme en codage. Aussi, je me contentai de me lever, et d’aller vers l’arrière de l’avion, où avaient été aménagées des toilettes. Et une douche. Whaou, ils n’avaient pas lésiné sur l’équipement !
Je me demandai brièvement s’il y avait assez d’eau pour que je prenne une douche. Probablement oui, mais je n’en avais de toute façon pas envie. Je m’aspergeai le visage d’eau froide, levai les yeux. Mon reflet dans le miroir me renvoyait un air à la fois blasé et fatigué. J’avais les traits tirés, des cernes sous les yeux dus à mon manque de sommeil de la nuit précédente. J’étouffai un bâillement, revins à mon siège devant la feuille annotée de toutes parts. Des mots qui se répétaient étaient soulignés, certains caractères qui m’agaçaient tout particulièrement étaient entourés. Au bout du compte, ça donnait un joli dessin gris, certes, mais c’était inutile. Je me laissai tomber en arrière, la tête appuyée contre le cuir moelleux. Contrairement à la camionnette, la lumière était douce ici. Assez forte pour pouvoir travailler, mais pas agressive. Je levai mes mains devant mes yeux, fus étonnée de constater que je ne tremblais pas. J’aurais probablement dû.
Par habitude, je pris mon médaillon, et le fis tourner entre mes doigts. C’était un pendentif circulaire en bronze, avec un petit bouton en bas qui permettait de l’ouvrir, à la manière d’une montre à gousset. Machinalement, j’appuyai. Les deux faces se séparèrent dans un cliquetis à peine audible.
L’intérieur était gravé d’une inscription étrange, que je n’avais jamais comprise : « Ne m’oublie pas. 9371 4062. » Je la relus encore une fois, pour la millième fois d’affilée probablement, me demandant quelle était la signification de ces chiffres. Je les avais toujours attribués à un numéro de fabrication, mais qu’ils soient écrits aussi distinctement, juste en dessous de la phrase, me posait problème. Je poussai un gros soupir. Mon regard revint sur la feuille.
Soudain, je retins mon souffle. Était-il possible que… ? Non, quand même pas…
De la pointe de mon critérium, rendue tremblante par ma soudaine excitation, je comptai le nombre de caractères dans la première phrase du texte, puis le nombre de lettres sur mon médaillon. Ils coïncidaient. À l’espace, au mot près, à la seule lettre qui se répétait près. Je levai le nez quelques secondes, pour réfléchir.
C’était totalement absurde. Mais tout semblait coller.
Je gribouillai les lettres en dessous des signes associés, fis de même pour les chiffres, et passai à la partie suivante.
Les trois premières lignes furent laborieuses. Le texte paraissait me résister, ne pas vouloir se plier au déchiffrage. Je devinais à moitié les mots, plus que je ne les identifiais réellement. Mais passé ce cap, tout devint brusquement beaucoup plus facile. C’était comme si une digue s’était brusquement rompue. Les mots coulaient d’eux-mêmes, presque par réflexe. Ayant attrapé le rythme, je bouclai la première page en une dizaine de minutes, ralentissant seulement de temps à autre pour réfléchir sur un nouveau symbole. Ensuite, au lieu de passer à la suivante, je m’arrêtai pour lire.

Ne m’oublie pas.
9371 4062


À toi qui as oublié,

En ce moment même, alors que tu lis cette lettre, tu dois probablement te demander si c’est une mauvaise blague. Autant te rassurer tout de suite, ce n’est pas le cas. Tu as écrit ceci toi même, il y a maintenant quelques années. Combien, je n’en sais rien. Trois ans peuvent avoir passé comme dix. L’important, c’est que tu aies su décrypter ceci.
Avant toute chose, il faut que tu comprennes quelque chose. Tout ce qui va être abordé ici est sérieux. Ce n’est ni un coup monté ni un quelconque jeu. La Faction, c’est une affaire de vie et de mort. Tu en faisais partie, entre tes douze et tes quinze ans. Trois ans de service, depuis que Lynn, ta mère, t’y a initiée. Elle t’a transféré le flambeau. Avant toi, c’était elle, et avant elle, c’était Leila, ta grand-mère. Tu l’auras compris, c’est une affaire de famille.
La Faction, ce n’est ni une secte, ni une organisation terroriste. C’est une agence non gouvernementale, secrète, et méconnue du public. Elle traite tout ce qui se rapporte à la sécurité mondiale, de près ou de loin. Tu étais l’une de ses agents. Parmi les meilleurs, même. L’héritière, comme toute femme de la famille des Schneiwäser. L.S., ce sont à la fois tes initiales et ceux de toutes les femmes qui ont dirigé la Faction. Tu étais l’une des Alpha.
En ce moment même, tu dois avoir accès à tous les dossiers de la Faction. Si tu cherches une preuve, demande le dossier Amnesia. Le code est le nombre sur ton médaillon. Toutes les réponses se trouvent là-dedans. Mais autant te prévenir, ça risque de te déstabiliser momentanément. Tes souvenirs datant de ta période de service reposent à moitié sur des omissions et des mensonges. Tu dois te rappeler d’un séjour d’un an dans un pensionnat étranger. Ce n’est pas vrai.


La suite était à la page suivante. Je ne m’y attelai pas, tenaillée par un sentiment d’angoisse irrépressible. Le monde paraissait s’être transformé en une spirale infernale qui me tirait vers le centre. Et je ne savais pas ce qu’il y avait au centre. Je me redressai d’un bond.
— Bêta ? appelai-je d’une voix rauque.
Il se tourna vers moi sans un mot.
— Puis-je avoir accès aux dossiers ?
Toujours muet, il tendit la main vers un tiroir, et en sortit un petit rectangle de métal aux bords arrondis. L’intérieur était vide. Puis, il frôla une zone précise du bout des doigts, et l’espace vide s’illumina d’un éclat bleuté. Je retins un hoquet de stupeur. C’était un écran holographique.
À ce stade, je me croyais vraiment dans un film. Et à gros budget, en plus, vu les effets spéciaux qu’on venait d’y intégrer. Je récupérai la tablette précautionneusement, la maintenant comme si c’était une relique de grande valeur. Ce qui pouvait théoriquement être le cas.
Je fis glisser mes doigts dans le vide, de façon à avoir l’impression d’effleurer la surface. En réalité, je ne sentais absolument rien. Mais la liste de dossiers qui s’y affichait se mit à défiler. Je retins mon souffle. C’est comme sur un téléphone, songeai-je pour m’obliger à garder mon calme. Je remontai jusqu’en haut. Tout était rangé par ordre alphabétique, avec souvent des significations qui m’échappaient. Aralys, Aphraêl, Andola étaient autant de noms qui attiraient mon attention au premier regard. Mais je me focalisai sur ce qu’il fallait que je trouve. Amnesia. Il était là, juste sous mon nez, en plein milieu de la liste. Pourtant, j’hésitai. Une appréhension sourde m’étreignait la poitrine. Je jetai un regard en arrière. Bêta s’était détourné, des écouteurs vissés dans ses oreilles. Absolument pas dérangé par le fait que je sois en totale liberté dans son avion. Mais son regard, même s’il paraissait lointain, revenait parfois se poser sur moi brièvement, comme s’il me survolait seulement, alors qu’en réalité, il vérifiait que je ne faisais rien de travers.
Je cliquai sur le dossier. Une pression dans le vide, mais un clavier se matérialisa, ainsi qu’une boîte de dialogue. Mes mains tremblaient.
93714062
Mais le dossier s’ouvrit. Un seul fichier à l’intérieur, en format vidéo. Je le lançai. Et, avec stupeur, vis mon propre visage, rajeuni de quelques années, apparaître à l’écran. Le reflet de mon regard était dirigé droit vers moi, me fixait sans ciller. Où étaient les enceintes qui diffusaient le son, je n’en avais aucune idée. Et je m’en moquais. Je me laissai tomber dans le fauteuil, sous le choc, tandis que mon double élevait la voix.

« Projet Amnésia. C’est le nom de ce programme, qui vise à redonner aux dirigeantes de la Faction une vie normale pendant quelque temps. Une sorte de retraite temporaire, pour leur permettre de se libérer un peu de leurs tensions quotidiennes dues à la direction d’une organisation planétaire secrète. Tu t’y es soumise, après trois ans de service. La première année, tu as suivi la formation physique de base, sous la direction de celui que tu appelles aujourd’hui Bêta, ton second. Il t’a formée. Un an, ensuite, où tu t’es occupée d’affaires de plus en plus importantes, jusqu’à pouvoir gérer les crises à l’échelle mondiale. Encore un an, de service pur. Opérations usuelles : maîtrise d’une situation qui dégénérait, missions de haute dangerosité, et ainsi de suite. Puis tu as voulu revenir. Faire trois années de lycée normales, te faire des amies. Peut-être étudier à la fac, pendant que ta mère gardait les rênes encore un moment. Avoir une véritable vie de jeune adulte. Mais il faut que tu saches que tu as choisi de rejoindre la Faction. Un choix peut-être guidé, mais un choix tout de même. Il n’y avait pas d’obligation. Tout comme tu as choisi le programme Amnesia. Tout ce qu’il faut que tu saches, tu le retrouveras dans la lettre, si tu ne l’as pas déjà lue. Tu n’es pas une étrangère. Tu es moi, tu es celle qui a enregistré ceci. N’oublie pas, ce sont tes choix. Je te souhaite un bon retour dans la Faction. »

Après le choc, l’acceptation. Je n’eus même pas de période de déni. Je me remis au travail, terminai de décoder la lettre. Elle racontait mon intégration dans la Faction, fondée par mon ancêtre au dix-huitième siècle, mon ascension, mes problèmes à mêler, durant la fin de mes années de collège, les missions à la vie réelle. Elle expliquait mes choix, les absences de ma mère, les réunions fréquentes. Carole elle-même était apparemment une agente chargée de me surveiller. Raison pour laquelle je n’avais probablement pas entendu mon téléphone vibrer aujourd’hui, après ma disparition.
De ce que j’avais compris, j’étais censée revenir dans un autre contexte. Là, l’opération de récupération avait été totalement bâclée, arrangée à toute vitesse. C’était pour cela qu’ils étaient venus en pleine journée de cours, sans préavis, comme un commando terroriste. C’était aussi pour cela que ma mère avait arrangé son « congrès » aussi vite. En deux jours à peine, elle s’était trouvé un billet, elle avait plié bagage, et elle avait disparu. Elle devait être en ce moment même à l’autre bout du globe, en train de résoudre un conflit quelconque.
En tout cas, raconté comme ça l’était, ça paraissait cohérent. Absurde, mais cohérent. Mais j’avais après tout visionné une vidéo que je ne me rappelais pas avoir tourné, donc à moins qu’il existe un clone de moi-même s’amusant à se faire passer pour moi, je ne voyais pas ce que ça pouvait être d’autre. Il y avait juste un passage qui me posait problème. Les quelques phrases à la fin de la lettre. D’une certaine manière, elles expliquaient – assez logiquement – que je n’aie pas fait de réelle crise de nerfs en me faisant kidnapper. Que je n’aie pas paniqué, alors que toute personne normalement constituée aurait angoissé comme une dingue, et pas seulement les dix premières minutes. Les vieux réflexes avaient pris le dessus. Mais ça ne suffisait pas. Il me manquait tout un pan de ma vie, et j’étais censée reprendre le contrôle d’une organisation dont je ne me souvenais plus. Et la diriger. La blague !

En même temps que tes capacités te reviendront, des souvenirs devraient affluer en surface. Ton corps se souviendra de lui-même de ce qu’il a appris, retrouvera lentement ses réflexes. Le remettre en condition, simuler un combat, devrait accélérer le processus, mais aussi te permettre de te rappeler de certaines choses. Les détails ne se manifesteront probablement pas tout de suite, mais le gros des évènements te reviendra peu à peu. Ça te donnera une vision globale de la situation, normalement assez pour que tu comprennes pourquoi ton retour était nécessaire. Le reste, c’est Bêta qui le complètera.

Avec toute mon affection,
L.S.


— Bêta ? appelai-je. J’aimerais savoir quelque chose…
Malgré ses écouteurs, il leva les yeux. Son regard était noir, intense, plein d’expectatives. Ce n’était plus ce regard froid et impersonnel auquel j’avais eu le droit depuis le début. Il attendait réellement quelque chose de ma part.
Sans que je sache si c’était ça, ou la lettre, une vision s’imposa. Brève, mais intense. L’image d’une pièce sombre, plongée dans un silence absolu. L’éclat d’un spot lumineux braqué droit vers mon visage. La sensation des sangles autour de mes poignets, de mes chevilles et de mon ventre. J’avais été allongée sur une table d’opérations. Bêta avait été présent, à ce moment précis. Il s’était penché au-dessus de moi. Son expression était bourrue, mais emplie d’une tendresse presque paternelle. Un mentor avec son élève. Un mentor fier.
« Vous reviendrez » m’avait-il soufflé.
« Quand vous aurez besoin de moi » avais-je acquiescé sans une hésitation. « Ne m’oublie pas. »
Et j’avais fermé les yeux.
Je m’arrachai à la vision avec un tressaillement. Une fraction de secondes à peine s’était écoulée. Pourtant j’avais eu l’impression de revenir des années en arrière. J’avais ressenti ce qui s’était passé juste avant que je n’oublie tout de la Faction. Au moment où j’avais fait mon choix, j’avais été sereine. En y repensant à cet instant, je l’étais aussi. J’eus la sensation d’avoir retrouvé ma place. D’avoir regagné mon équilibre, juste après avoir réalisé que je l’avais perdu durant quelques années. D’avoir refait le lien avec ce qu’il y avait de plus important pour moi.
— Tu m’avais dit que je reviendrais.
— Je ne vous ai pas oubliée, répondit-il avec un sourire. Nous avons besoin de vous.

† FIN †
Ok, c'est plutôt pas mal. Un énorme potentiel. Ton histoire m'a captivé et je l'ai trouvé vraiment bien faite : travaillé, tous les éléments sont là et on sent que ton histoire a une structure et une cohérence très importante.
Je pense même que tu aurais pu prendre ton temps, plus que tu ne le fais déjà. Tu as le début d'une histoire que tu pourrais transformer en roman et je serais ravie de le lire.
vampiredelivres

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Re: Ne m'oublie pas [Mystère/Action/Secrets]

Message par vampiredelivres »

#Mimori
Merci pour ces compliments !
Un jour, peut-être, j'écrirai la suite. Mais pour l'instant, je reste dans l'optique que c'était un stand-alone, un véritable OS, parce que c'est dans cette idée-là que je suis partie.

#ChloPlume
Aww, merci beaucoup !
Très franchement, vous commencez à me faire hésiter. Mais j'ai déjà un projet de roman sur le feu, donc je n'ai pas envie de m'éparpiller aux quatre coins du monde, de lancer trois mille histoires en même temps (ce que je fais déjà, soyons honnêtes !) et les abandonner en cours de route. Donc je vais probablement garder l'idée dans un coin de ma tête, et peut-être un jour m'y remettre. Mais je te préviendrai si jamais je me relance dedans ^^
ChloPlume

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Re: Ne m'oublie pas [Mystère/Action/Secrets]

Message par ChloPlume »

vampiredelivres a écrit :
#ChloPlume
Aww, merci beaucoup !
Très franchement, vous commencez à me faire hésiter. Mais j'ai déjà un projet de roman sur le feu, donc je n'ai pas envie de m'éparpiller aux quatre coins du monde, de lancer trois mille histoires en même temps (ce que je fais déjà, soyons honnêtes !) et les abandonner en cours de route. Donc je vais probablement garder l'idée dans un coin de ma tête, et peut-être un jour m'y remettre. Mais je te préviendrai si jamais je me relance dedans ^^[/b][/size]
Je comprend et tu as raison de te consacrer à un projet à la fois, ça permet de rester plus concentré. mais je maintiens, tu as un vrai potentiel. Continue à poster !
louji

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Re: Ne m'oublie pas [Mystère/Action/Secrets]

Message par louji »

Coucou ! :D

Je viens de lire ton histoire (une nouvelle?) et j'ai beaucoup aimé! :P Personnellement, pas de suite ne me dérangerait pas car c'est là le charme de cet écrit : il est court et présenté sous une forme qui annonce une suite d'événements pour Lana mais pour le lecteur...
Après, si tu as les idées pour faire une suite, ça peut toujours être intéressant :)

Tu as bien retransmis les émotions de Lana, les descriptions étaient sympathiques et rendaient une bonne atmosphère. C'était bref mais complet et l'histoire m'a semblé réaliste, contrairement à pas mal d'histoires de ce genre ;)

Voilà, je voulais passer lire quelque chose de ta plume et je suis contente de l'avoir fait :D
vampiredelivres

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Re: Ne m'oublie pas [Mystère/Action/Secrets]

Message par vampiredelivres »

#ChloPlume
Merci ^^
Je continuerai, ne t'inquiète pas. J'ai encore plein de textes dans un coin qui attendent d'être écrits/terminés, lus, relus et postés. Mais ils viendront tous un jour.

#Louji
Oui, tu es tombée sur l'une des mieux écrites, je pense. Sans prétention volontaire, hein, j'ai fait des trucs qu'aujourd'hui, j'aimerais bien pouvoir effacer d'un coup de baguette, parce que je m'arrache les cheveux dessus. (Faudra que je pense à mettre à jour ma liste, tiens !) Mais bon, il paraît qu'on commence tous quelque part.
En tout cas, vraiment, merci sincèrement d'être passée, tes compliments me font très plaisir à lire !
Xhantia

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Re: Ne m'oublie pas [Mystère/Action/Secrets]

Message par Xhantia »

Salut à toi!
Heureusement que je préviens de mon retard, parce qu'à ce niveau là, y a de quoi se poser des questions... :lol:
Je tiens tout d'abord à te dire que j'ai VRAIMENT adoré cette histoire, ou du moins ce One-Shot. One-Shot, malheureusement... En lisant, je m'imagine si facilement qu'il ne peut qu'y avoir une suite!

J'aime beaucoup ton style d'écriture. Déjà il n'y a quasiment pas de fautes, mais en plus, même si ça parait stupide, quand je te lis, j'ai l'impression que tu pourrais être en train de me raconter ton histoire comme si tu me racontais ta journée. Tranquillement, assise en face de moi, de façon tout à fait naturelle. Et c'est trop bien!

Ensuite, je te troue très douée pour jouer sur le suspense. L'héroïne (que j'apprécie pas mal au passage) a beau garder un calme presque olympien, moi, dans mon petit cœur, je trépignais! Tout était très bien ficelé, on se pose beaucoup de questions sur les intentions de cet "alter-SWAT". Et c'est ce qui rend la "chute" excellente en quelque sorte: arriver à un jet privé pour se faire traiter le plus respectueusement du monde, c'est pas la première chose à laquelle on pense en voyant ce qui arrive à Lana.

Des histoires de ce genre, qui s'apparentent à pas mal des dystopies qu'on se mange depuis quelques années, ne m'emballent plus vraiment... Mais tu as réussi à donner un je-ne-sais-quoi à ton scénario qui m'a vraiment laissée scotchée à ton texte jusqu'à la dernière lettre!
J'ai seulement noté un détail un peu bizarre... Lana et son prof donnent leur téléphone à Bêta après avoir été menottés? Soient ils l'avaient en main avant, et dans ce cas ils auraient pu le leur prendre, soit ils sont un peu contorsionnistes... Non? :lol:

C'était génial de te lire! :D ;)
GoldAngels

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Re: Ne m'oublie pas [Mystère/Action/Secrets]

Message par GoldAngels »

I'm back !!!
Ça fait plaisir de faire son coming out avec ce genre de texte ^^. Je suis désolé de ne pas pouvoir te faire ce genre de commentaire desquels je suis coutumier, mais je n'ai pas grand chose à redire. Quelques petits détails qui m'ont frappé en tant que "professionnel" (je fais moi aussi partie de la Faction x) ), histoire d'avoir quand même quelque chose à critiquer 8-)
vampiredelivres a écrit :
† Ne m'oublie pas †


— Tu penseras à sortir les poubelles, ce soir ?
Je hochai la tête, les yeux encore embrumés, plaçai une main devant ma bouche pour couvrir mon bâillement. Mon sac, posé sur la table de la cuisine, chargé des livres et cahiers inhérents à une longue journée de cours, semblait être placé là pour me narguer, m’avertir que les heures de sommeil qui me manquaient n’allaient pas être récupérées tout de suite. À moins de dormir en cours. Mauvaise stratégie. Et, comme pour en rajouter à ma mauvaise humeur matinale, la météo n’était pas exactement favorable aujourd’hui. Les premières gouttes de pluie tambourinaient déjà contre les carreaux de la vitre. Et les prévisions n’annonçaient rien de mieux que l’orage d’ici ce soir. Je serrai brièvement les doigts sur mon pendentif.
— Tu me déposes à l’arrêt ? demandai-je à ma mère avec un soupir. J’ai la flemme de marcher avec ce temps…
Elle leva le nez vers l’horloge murale, puis acquiesça.
— Tout de suite, alors.
— D’accord.
J’attrapai mon sac, le jetai sur mon épaule, et traversai le salon où les piles de vêtements bien s’alignaient comme des petits soldats, pour parvenir sur la terrasse. Immédiatement, un vent froid s’infiltra sous mes habits. Je frissonnai, remontai en hâte la fermeture éclair de ma veste, et m’engouffrai dans la voiture en claquant la porte derrière moi. Quelques secondes plus tard, la portière s’ouvrit du côté conducteur, puis se referma, et le moteur rugit.
— Tu es sûre que ça va aller ?
Je souris, amusée, malgré ma fatigue.
— Ne t’inquiète pas, je vais survivre. Promis. Contente-toi de profiter de ce voyage.
Elle esquissa elle-même un petit sourire, dans lequel je crus un instant distinguer une pointe de raillerie.
— Promis. Mais ça ne m’empêche pas de m’inquiéter.
— C’est pas comme si j’étais livrée à moi-même pendant une semaine… Il y aura Carole !
Carole, l’une des plus vieilles amies de ma mère. Elle venait veiller sur moi, comme à chaque fois que ma mère partait en congrès. Donc assez souvent. Elle était très sympathique, même si je lui trouvais personnellement un air un peu fuyant qui me gênait.
— Elle passera ce soir te faire à manger, me rappela ma mère.
— Je sais. Et je sais me faire des spaghettis si jamais elle ne peut pas ce soir. Et je m’occuperai du ménage. Respire, sérieusement !
— Je m’inquiète, c’est tout.
— M’man, j’ai dix-huit ans dans un mois, tu pourrais te détendre un peu… Et je t’ai promis que je n’allais pas faire n’importe quoi, donc très honnêtement, je ne vois pas pourquoi tu paniques.
Pour la première fois de ma vie, Carole n’allait pas faire du baby-sitting vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Un véritable miracle de la nature. J’allais avoir la maison pour moi toute seule. Contre, évidemment, la promesse de ne pas la transformer en champ de cadavres de bouteilles. Auquel cas j’étais sûre d’être de corvée de nettoyage jusqu’à mes vingt-cinq ans, garanti sur facture par ma mère. Si jamais j’invitais des amis, je devais être discrète, et ça ne devait pas se terminer par une garde à vue, ni un quelconque incident « de quelque nature que ce soit, incluant mais ne se limitant pas aux plaintes des voisins, comas éthyliques, gueules de bois, etc. »
Autant dire que ma mère devait être au bord de la crise de nerfs à laisser sa « petite fille chérie » toute seule pendant une semaine. Même si à voir son regard désolé, je me doutais qu’elle s’insupportait elle-même avec ce comportement hyperprotecteur.
Au fond, c’était une gamine dans l’âme. Elle n’hésitait pas, même aujourd’hui, à faire des parties de chat perché avec moi, même si j’approchais de la majorité, et elle de la quarantaine. Ce côté très enfantin, je l’avais adoré, petite. Je m’étais toujours vantée d’avoir une maman « trop cool ».
Mais elle avait aussi ce côté un peu nerveux, stressé de la vie, surtout à mon égard. C’était assez paradoxal, un truc que je n’arrivais pas à cerner chez elle. Elle pouvait être totalement tranquille à l’idée de me laisser me balader en forêt seule pendant deux heures pour promener le chien – enfin, à l’époque où on avait un chien – et ensuite s’inquiéter comme pas possible en m’envoyant faire les courses parce qu’elle rentrait tard. Souvent, sa logique m’échappait. Et quand je lui en faisais la remarque, la réponse que j’obtenais restait invariablement la même. « Je me comprends. »
— Lana ?
— Mhmm…?
— Ton bus arrive. Je t’aime.
Elle posa un baiser sur mon front, je lui en rendis un sur la joue. Le bus freina juste derrière nous.
— Bon voyage ! fis-je avant de sortir.
Entre temps, les quelques gouttes de pluie s’étaient transformées en une sérieuse averse. Le temps que j’entre dans le grand véhicule, j’avais les cheveux trempés. Je poussai un soupir en voyant la voiture redémarrer. En quelques secondes, elle avait tourné à l’angle, et disparaissait de mon champ de vision. Je m’affalai contre le siège, fouillai d’une main dans mon sac pour retrouver mon casque, en cherchant une bonne playlist sur mon téléphone de l’autre. Ayant trouvé les deux, je m’installai pour quarante minutes de mon habituel somme matinal.

Pour ma défense, les cours au lycée commençaient à sept heures trente, et le bus passait devant mon arrêt à six heures et demie. Ce qui faisait que je devais me lever une heure avant, pour être à l’heure, avec dix minutes de marche entre chez moi et l’arrêt lorsque j’y allais à pied. Mais quand je me couchais à minuit et demi…
En plus, dans mon cas, ça arrivait assez souvent. Ainsi, j’avais vite pris l’habitude de dormir sur les heures de trajet pour rattraper.

La journée s’écoula lentement, monotone, à peine rythmée par les cours qui s’enchaînaient. Chaque professeur avait sa manière d’enseigner, mais je n’avais pas envie de les écouter. Je m’y forçais, par habitude et par obligation, mais j’étais facilement distraite. Ainsi, en histoire géographie, au lieu de suivre le cours – pourtant très bien expliqué – portant sur la vie en RDA durant la Guerre Froide, je préférai observer l’entrée d’une camionnette de livraison dans la cour arrière, juste à côté de la cafétéria. Et, au cours suivant, en philosophie, je fus rapidement distraite par les bavardages de mes copines, assises juste derrière. Qui, probablement pour la millième fois en un trimestre, elles commentaient l’apparence du prof.
Bon, je devais leur reconnaître ça. Il était beau. Pas juste « pas mal », comme elles disaient souvent. Vraiment beau. Le petit air – peut-être un peu stéréotypé – du brun ténébreux aux yeux bleu glacier, mais rien ne s’appliquait mieux à lui, comme description. Il avait vingt-quatre ans, avait tout juste passé son concours. C’était sa première année d’enseignement. Et il était adorable. Gentil, toujours à l’écoute, conscient que ce qu’il expliquait pouvait parfois paraître abscons pour des lycéens. Avec ce portrait digne d’un prince charmant de contes de fées, dire qu’il faisait presque littéralement baver les trois quarts de la gent féminine en devenait un euphémisme.
Est-ce que j’étais moi aussi touchée par ce complexe ?
Non, aurait répondu une héroïne rebelle de roman sans hésiter.
Mais ça aurait été mentir, dans mon cas. Je l’étais. Dieu merci, on n’abordait pas l’amour platonique en cours, sinon je me serais sentie visée tout le temps.
Entre moi et les autres groupies de la classe, une seule différence majeure. Je vénérais ce prof autant pour son apparence que pour les cours qu’il nous dispensait. Ce qu’il expliquait me paraissait réellement intéressant. J’étais une terminale L de pure souche, pas totalement imperméable aux maths, mais beaucoup plus intéressée par les langues. Même si je disais rarement non à une séance de codage.

La voix grave, bourdon distant dû à mon inattention, s’interrompit soudain, remplacée par une sonnerie stridente qui m’arracha brutalement à ma rêverie. Debout devant son bureau, l’homme resta un bref instant déboussolé, avant de soupirer.
— Bon, j’imagine que vous connaissez la procédure…
La classe se mit en mouvement d’un même mouvement, dans un grincement de chaises. Chacun se replia sous sa table. :arrow: Il y a quelque chose qui me gêne un peu dans ce passage. En fait, on a trois temps : d'abord, la sonnerie qui interrompt le cour fait penser à la sonnerie de fin des cours. Ensuite, on comprend,
avec la remarque du prof que ce n'est pas le cas, et qu'il s'agirait a priori d'un exercice incendie. Jusque là ça va, c'est cohérent. Mais les élèves se planquent sous les tables. Donc on pense à un exercice pour se protéger d'un tremblement de terre (je dis exercice, parce que je pense que tu aurais mentionné des secousses le cas échéant). Deux questions se posent : d'abord, pourquoi vous n'évacuez pas la classe ? et ensuite, pourquoi le prof ferme-t-il la porte à clé, alors que justement, les éventuels secours auraient besoin d'un accès libre ? Tu réponds partiellement à cette question un peu plus tard, en disant que c'est l'alarme intrusion qui s'est déclenchée. Deux autres questions : y a-t-il dans ce lycée une alarme différente par type de menace ? et y a-t-il si souvent des intrusions de ce type dans ce lycée pour qu'il y ait une alarme spécifique ?
Je fis comme les autres, m’adossai au mur en repliant mes genoux contre ma poitrine, le bas de la table frôlant presque mon crâne.
Apollon – M. Apoalo en réalité, mais le surnom était venu des filles – alla verrouiller la porte d’entrée de la salle, puis s’installa, de façon à être caché, lui aussi, derrière mes copines. Qui faillirent bien faire une crise cardiaque en le voyant s’asseoir juste derrière elles. Elles échangèrent des coups de coude furieux, n’hésitant pas à me souffler un « Hé, Lana ! » qui dans le silence qui s’était installé parut tonitruant. Le professeur se contenta d’un mince sourire.

Quelques minutes avaient passé depuis la fin de l’alarme intrusion. Les élèves, malgré la consigne du silence absolu, bavardaient à voix basse, comme toujours. Du côté des fenêtres, ils avaient tiré les rideaux :arrow: Je vois bien la scène :
[Le chef] : Fouillez-moi tout ce bâtiment !!
[Les soldats] : Ils ont tiré les rideaux chef, ça veut dire que c'est vide
[Le chef] : On est dans un lycée en pleine journée de cours !! Bien sûr qu'ils sont là !!
[Les soldat] : La règle c'est la règle, chef. Les rideaux sont tirés, il n'y a personne... :lol:
; la pièce était donc plongée dans une semi obscurité apaisante. J’aurais aimé avoir un livre sous la main, pour pouvoir bouquiner tranquillement :arrow: Sérieusement :shock: On est en pleine alerte "Attention, attention !! Des individus lourdement armés sont entrés dans le lycée. Ils peuvent être dangereux et animés d'intentions hostiles. Attention, attention..." et elle ne pense qu'a bouquiner x) ?, mais malheureusement, je l’avais oublié chez moi. Ou plutôt, je l’avais laissé sur ma table de chevet parce que j’avais une journée a priori chargée, sans un moment pour réellement respirer et me plonger dans un autre univers. Aussi me contentai-je d’observer, un léger sourire aux lèvres, mes amies converser, en prêtant une oreille distraite à leur discussion. :arrow: Donc, vraiment pas paniqués pour deux sous, c'est définitif xD ?
Un grésillement vint néanmoins troubler mon état de sérénité. Il provenait du talkie-walkie de mon professeur. Les salles de classe étant séparées, et de par la nouvelle législation, l’instrument était devenu une nécessité dans les kits de survie :arrow: Visiblement oui, ce genre d'intrusion est extrêmement fréquent dans ce lycée :lol: . Mais ici, il paraissait particulièrement rétif à l’utilisation, puisque le bruit de friture était le seul qu’il semblât pouvoir émettre.
Par habitude :arrow: C'est vrai quoi, deouis le temps qu'on a ce genre de visite inopportune, ça devient lassant, à la fin, on a un programme à finir pour le bac, quoi, merde à la fin !! :lol: , je sortis mon téléphone. Je n’avais de toute façon rien d’autre à faire. Mais il affichait « aucun service » au lieu des cinq petits points habituels, dans l’angle supérieur gauche. Je fronçai un sourcil. Les filles, qui semblaient avoir fait le même constat que moi, se penchèrent de mon côté, leurs regards troublés par une soudaine inquiétude.
— Lana… c’est bizarre, tu ne trouves pas ?
J’esquissai un sourire.
— Hé, no stress, soufflai-je à mi-voix, rassurante. Y’a pas le feu, à ce que je sache… :arrow: Que se serait-il passé si effectivement il y avait eu le feu en plus ? Les élèves seraient sortis par les fenêtres en prenant soin de tirer les rideaux et avec leur table sur la tête ?
— Mais il n’y avait pas rien de prévu, ce trimestre… insista l’une des deux.
Je haussai les épaules, ne pouvant rien répondre à cela. La direction faisait ce qu’elle voulait, après tout. S’ils décidaient de nous coller un exercice d’évacuation :arrow: Évacuation... ? Vraiment ? ^^ Et puis c'est vrai quoi, si vous nous prévenez tout le temps, c'est plus une surprise !! surprise, pour vérifier que tout se passerait bien en cas d’incident réel, ils pouvaient le faire sans avoir à nous avertir. Ils n’avaient pas à nous prévenir systématiquement.
Cela dit, au bout de quinze minutes supplémentaires :arrow: Il y en a un qui n'est pas efficace : soit le système de sécurité est au schnaps, puisque personne ne s'inquiète de savoir où en est l'alerte (de la communication, que diable, toujours de la communication !!), soit les intrus prennent bien leur temps..., je commençai moi aussi à trouver le temps long. Le talkie-walkie ne marchait pas, il n’y avait pas de réseau, l’exercice paraissait imprévu… sans virer à la paranoïa, la situation était étrange. Machinalement, je portai mes doigts à mon médaillon en bronze.
C’est alors que retentirent les pas dans le couloir.
Étant adossée au mur, je fus parmi les premiers à les entendre. Ils étaient lourds, réguliers, parfaitement synchronisés. Presque martiaux. Ils ne marquaient aucune hésitation.
Ils s’arrêtèrent juste devant la porte de notre salle.
Un silence surpris, presque angoissé, succéda aux bavardages à voix basse qui s’étaient tenus depuis le début. Les élèves s’entre-regardèrent, brusquement nerveux. C’était trop étrange. Trop différent de nos simulations habituelles.
Dans le silence de mort, les cliquetis métalliques qui s’ensuivirent furent parfaitement audibles, distincts.
— Ils forcent la serrure, murmura quelqu’un.
Soudain, la panique se propagea comme une traînée de poudre. Presque tout le monde se mit à ramper pour s’éloigner le plus possible de la porte. Moi-même, je dus me faire violence pour rester à ma place. De toute façon, j’étais assez loin. Mais j’avais le ventre noué, une boule d’angoisse dans la gorge. Je me repliai encore un peu plus sous ma table.
Les cliquetis se poursuivaient. Ils nous rendaient tous plus nerveux à chaque instant. Même le prof avait une expression sombre, lui dont le visage était toujours si avenant. Les filles ayant déserté leur cachette derrière moi pour suivre la classe, j’avais une vue parfaite sur ses yeux bleus. Ils se posèrent un bref instant sur moi, puis filèrent vers le groupe qui s’était tapi au fond. Il leur fit signe de se calmer. Ce qui ne marcha qu’à moitié. Ils murmuraient tous. La peur déformait leurs traits, les rendait maladroits. Quelqu’un se cogna dans une table, émit un gémissement, qui fut suivi d’un « CHUUT ! » collectif. Mais le bruit avait résonné, suffisamment longtemps pour être entendu de l’extérieur. Les chocs du métal contre le métal s’interrompirent quelques secondes, puis reprirent.
Et le verrou céda dans un déclic sonore.
D’un seul coup, tout le monde arrêta de respirer. La porte s’ouvrit, dévoilant à contre-jour une silhouette solitaire. Casquée, vêtue de ce qui ressemblait à un gilet pare-balles noir. Et surtout, armée. Personne ne pouvait négliger le canon, équipé d’une petite torche, qui sonda brièvement la salle.
Provenant de sous le casque, une voix rogue résonna.
— Gardez votre calme. Nous ne vous voulons pas de mal.
Angoissée, à l'instar des autres, je fus probablement la seule à tiquer sur la formulation. Il avait dit « nous ». Et même si on ne voyait que lui, cela signifiait qu’il n’était pas seul. J’agrippai un peu plus fermement mon pendentif.
— Nous recherchons une jeune fille, parmi vous. Lana Schneiwäser
Mon nom me fit l’effet d’un coup de tonnerre. Il résonna anormalement à mes oreilles, rebondissant en écho dans mon crâne. Je ne bougeai pas, tétanisée. Personne ne bougeait, à vrai dire. Quelques regards filèrent un peu dans tous les sens, me cherchant probablement, mais j’étais pile dans l’angle mort de l’homme.
Sous le choc, j’étais incapable d’avoir une pensée cohérente. Mon nom, prononcé par cet homme – soi dit en passant, il devait être l’un des premiers à ne pas l’avoir écorché au premier essai – tourbillonnait dans mon esprit, accompagné d’une seule question. Pourquoi ? Pourquoi moi, pourquoi maintenant, pourquoi… Pourquoi pourquoi, en fait ?
Un mouvement, à ma droite. Tellement lent que je faillis ne pas l’enregistrer, au début, perdue dans mon état d’hébétude. Mais Apollon dépliait lentement ses muscles. Il se redressa progressivement, veillant à ne pas faire de geste brusque. La lampe torche vint se braquer sur lui en même temps que le canon de l’arme. Il plissa les paupières, le temps de s’habituer à l’éclairage.
— Qui êtes-vous ? demanda-t-il.
— Sécurité nationale, monsieur. Nous avons besoin que mademoiselle Schneiwäser nous suive.
— Vous n’avez aucun droit de poser une telle requête alors que vous entrez ainsi dans ce bâtiment.
S’il était stressé, il n’en montrait absolument rien. Sa voix était aussi plate qu’un lac, son regard, fixe, fiché sur la visière du casque de son interlocuteur, là où auraient dû se trouver les yeux. Je me mordis les lèvres. La panique afflua soudain, donnant un violent coup de fouet à mon corps. Ma respiration s’accéléra, suivie de près par mon rythme cardiaque. Un frisson glacial descendit le long de mon échine.
— Les circonstances l’exigent. Où est-elle ?
— Je ne vous le dirai pas.
Je me figeai, alors qu’un bruit souvent entendu dans les films succédait à la réponse de mon professeur. C’était celui d’un cran de sécurité ôté.
— Avancez, monsieur. :arrow: C'est là que je ne suis pas d'accord. Quand tu braques une arme sur quelqu'un, tu ne lui demande pas de venir se jeter dessus : soit tu lui demande de reculer et de se soumettre (genoux à terre, mains sur la tête), soit tu lui saute dessus (pour en faire un otage). Vu la suite de ton récit,
je pencherai pour la deuxième option. En outre, la scène se passe dans un droit clos permettant peu de mobilités, et les tables offrent autant de couvertures. Conclusions : aussi badas que fût-le mec du SWAT (du GIGN, pour rester français ^^),
il ne prendra pas le risque de lâcher une salve dans un tel endroit au risque de se manger le ricochet de ses tirs, et d'autant moins s'il se proclame de la sécurité nationale "qui ne leur veux aucun mal" ^^. De plus, comme je l'ai dit, au moment où le cran de sûreté saute, Apoalo a juste à se laisser tomber derrière une table pour être en sécurité :)

Apoalo parut brièvement soupeser le pour et le contre, mais la menace d’une arme à feu chargée, pointée droit vers lui l’obligea à s’exécuter. Dès qu’il fut à portée de bras de l’homme casqué, ce dernier bougea brusquement. L’action fut tellement rapide que je n’en devinai que l’essentiel. Je ne vis même pas le mouvement de l’inconnu. Mais mon prof vacilla, touché à la tempe.
« Sécurité nationale » le rattrapa d’un bras, avant même qu’il ne s’effondre, comme s’il avait passé sa vie à faire ça, et appliqua le canon de son révolver :arrow: Je sais, ça fait cow-boy, mais pour un type de cette trempe, ça fait tellement moins classe (sauf s'il a un Magnum .47 :D ) Tu le vois recharger une par une les six ou huit cartouches du barillet en pleine fusillade ? Alors qu'avec un pistolet, il chambre un chargeur de 15 cartouches qu'il peut expulser d'un geste sec de la main et rechambrer un autre dans la seconde ;) contre le front de sa victime. Un cri s’éleva depuis l’arrière de la salle, vite étouffé lorsque la torche vint en chercher la source :arrow: Donc il éloigne temporairement un jeune homme, visiblement en pleine forme (tout est relatif), en tout cas en pleine possession de ses moyens, et donc capable de le désarmer et de retourner l'arme contre lui, de la menace de son arme ??? . La voix sous le casque se chargea d’une inflexion menaçante.
— Message à toi, Lana Schneiwäser. Si tu ne te montres pas dans les cinq secondes qui vont suivre, ton professeur meurt. :arrow: J'ai envie de poser une question : et après ? Je veux dire, une fois que tu l'auras gelé, non seulement tu n'auras plus d'otage, mais en plus, tu t'ôteras toute possibilité de te faire obéir...
La boule qui obstruait ma gorge, qui m’empêchait de parler, de hurler, fondit soudain. Ignorant les signes de tête furieux de mes deux amies, qui me disaient clairement de ne pas bouger, je me relevai à mon tour.
— C’est moi.
Plus que de m’être levée, je fus stupéfaite de me rendre compte que ma voix n’avait pas tremblé. Sans être aussi assurée que celle d’Apollon, précédemment, elle était demeurée ferme.
Aveuglée par la lumière blanche, je faillis détourner les yeux. Faillis, seulement.
— Mais relâchez-le.
La voix se teinta d’une sorte d’inflexion amusée. Pour peu que l’amusement puisse exister dans le registre de cet homme.
— Tu n’es pas en position de négocier. Tu tiens à sa vie ? :arrow: Que je sache, si ! Tu es non seulement en état de négocier, mais en plus, de remporter le marcher à ton avantage : les tables, les chaises et les sacs gêneront la progression du SWAT, et il n'a aucun intérêt à venir te chercher par la force. Et quand même il viendrait, c'est son otage qui le gênerait et comme on l'a vu, il ne peut pas se permettre de le libérer. La balance est clairement à ton avantage ^^
— Je vous suivrai sans résistance si vous le relâchez.
L’homme s’écarta d’un pas, me libérant l’accès à la sortie.
— Alors avance, m’intima-t-il.
L’idée de subir le même sort qu’Apoalo me retint quelques secondes là où j’étais. Juste assez pour que je voie le chien de l’arme :arrow: Qu'on soit bien clair sur le vocabulaire : le chien d'une arme, notamment sur un revolver, est le petit crochet en métal situé à l'arrière de la culasse qui, par l'action de la détente, met le (littéralement) le feu aux poudres, ce qui provoque la propulsion de la balle et l'éjection de la douille.
En outre, si, comme je le soupçonne, tu considères que mettre ce chien à l'arrière, c'est ôter le cran de sûreté, alors ledit chien pointe... vers le sol ^^ Donc, pour braquer le chien de l'arme sur les élèves, c'est qu'il vise le plafond avec la détente tournée vers lui :lol: Tu aurais du mettre "Juste assez pour que je voie le cran de mire de l'arme
dévier, non pas vers le professeur, mais vers les élèves.
Et, quoi que je doive subir ensuite, je ne pouvais pas mettre en danger la vie de trente élèves pour assurer ma sécurité. Je l’avais à moitié réalisé en me levant, mais je le comprenais réellement maintenant. Je devais m’assumer, comme les héroïnes de ces livres d’aventure que j’adorais. Même si c’était accepter de perdre ma propre vie. Le choix aurait pu paraître cornélien, pour certains. Chez moi, il s’imposa comme une évidence. Je n’avais pas le droit de penser à moi dans cette situation. Absolument pas.
Dehors, je découvris un petit groupe de quatre individus, aux uniformes noirs unis identiques à celui de l’homme qui avait pénétré dans la classe. Qui, d’ailleurs, me suivait, en tenant toujours Apoalo sous les aisselles :arrow: Même chose, qu'a-t-il fait de son arme ?. Deux des soldats se glissèrent derrière moi, un troisième aida son collègue à porter mon professeur à demi inconscient.
— Si tu fais un seul geste de travers… m’avertit celui apparaissait comme le capitaine :arrow: On dit chef d'escouade (un capitaine, c'est pour une compagnie), même s'il a le grade de capitaine ^^" de l’escouade, toujours armé.
Je hochai la tête. La porte de la salle de classe resta ouverte, mais le quatrième soldat se planta dans l’embrasure, veilleur silencieux, pendant que ses collègues m’escortaient à travers les couloirs, traînant leur poupée de chiffon à ma suite. À chaque embranchement, le capitaine me donnait la direction, d’un simple mot. Et je réalisai qu’ils connaissaient le bâtiment.
Ils utilisèrent notamment une issue de secours que personne n’empruntait jamais, qui donnait sur la cour arrière. Là où était garée une camionnette. Enfin, plus fourgon blindé que camionnette… songeai-je brièvement, avant de me demander comment je pouvais me faire des réflexions sarcastiques alors que ma vie et celle d’un autre étaient en jeu. Mais je n’avais pas pu m’empêcher de le remarquer. J’avais observé le déchargement des caisses depuis cette même camionnette, moins d’une heure plus tôt. Là, ce que je voyais, c’était un fourgon de transport de prisonniers tout droit sorti d’un film d’action.
En suivant les instructions du capitaine, je grimpai à l’intérieur, et m’installai au fond. Apoalo me suivait de près, d’un pas encore hésitant. Il s’assit sur la banquette en face de moi, et le chef de l’équipe se posa à côté de lui.
— Vous m’excuserez de vous imposer ça, mais je vais devoir vous menotter par mesure de sécurité.
Son ton, malgré la formulation, n’exprimait aucun regret. Juste la certitude d’un homme qui faisait son travail, sans suffisance dans la voix. Je ricanai, décochai un regard sceptique dans sa direction. Attacher un professeur et une adolescente, alors qu’il avait clairement montré qu’il pouvait nous mettre tous les deux à terre en moins de deux secondes, c’était quand même se moquer du monde. Mais pour toute réponse, il décrocha une paire de menottes de sa ceinture et se pencha en avant pour me les passer aux poignets, avant de faire de même pour son voisin de banquette. Je poussai un soupir agacé, me laissai tomber en arrière. :arrow: Par mesure de sécurité, et il attache les menottes devant... ? Amateur !! Mettons que tu te rebelles et que tu réussisses à te glisser derrière un des types. Si tu as les mains attachées devant, tu peux facilement l'étrangler ou lui tordre le cou. Si tu les as derrière, ça devient nettement plus... sportif :D
Les portes claquèrent. Un néon s'alluma sur la paroi au-dessus de nos têtes, éclairant faiblement l’espace réduit. Les gouttes de pluie tambourinaient sur le métal au-dessus de ma tête. Dans ce cadre digne d’un Tim Burton, la terreur qui pendant quelques minutes avait disparu, revint à la charge. Je réalisai d’un seul coup toute l’absurdité de la situation, que je m’étais obligée à occulter pour garder la tête froide. J’étais en train de me faire kidnapper.
Bordel de merde, en pleine journée de cours, j’étais en train de me faire kidnapper ! Et qui plus est par un escadron qui semblait être la version terroriste du SWAT !
Je fermai les yeux.

C’est un cauchemar. C’est juste un cauchemar. Je vais me réveiller, et rien ne se sera passé. Maman sera en train de faire ses valises. Tout ira bien. Il n’y a pas du tout UN GROUPE DE FOUS FURIEUX QUI M’ONT MENACÉE AVEC UNE ARME !

Retour à la réalité. Le fourgon démarrait. Ainsi banalisé, il n’y avait probablement aucune chance :arrow: La plupart des véhicules sont équipés de ce qu'on appelle une plaque minéralogique qui donne un numéro d'immat' grâce auquel on peut retrouver n'importe qui, tu sais ^^ Et quand même l'administration serait lent à réagir, la scène n'est pas vraiment discrète, donc n'importe qui pourra prendre la plaque ^^ que quiconque nous reconnaisse dans la rue, et le temps que l’administration du lycée se reprenne et appelle la police…
— Lana, ton téléphone. Et vous aussi, monsieur… ? :arrow: On en revient à ce que je disais, ce type est un amateur. Si tu as les mains attachées devant, qu'est-ce qui t'empêcherai de sortir le couteaux qui ne quitte jamais ta poche ou les ciseaux que tu as prit soin d'emmener au moment où tu es sortie ? Si tu as les mains attachées derrière, je te mets au défi ne serait-ce que d'atteindre ta poche x) Et je doute que ce soit le genre de mec à s'embarrasser de savoir si la personne qu'il fouille soit une fille, fût-elle sa patronne.
Apoalo garda le silence face à la question laissée en suspens, se contenta de sortir l’appareil de sa poche. Je l’imitai, tendis mon propre téléphone à l’homme. De toute façon, au stade où on en était…
— Lana, ça va ?
Ce n’était plus la voix de « Sécurité nationale ». C’était mon prof, mon beau et gentil prof. Qu’est-ce que j’étais censée répondre dans ce genre de situation ? « Évidemment, tout est nickel ? »
— Pfff… Entre nous, ça pourrait être pire :arrow: Ah oui ? Du genre ? :D . Vous ?
Les larmes menaçaient maintenant de couler. Je luttais pour garder une voix égale, un brin blasée. Je passais sans transition d’un état d’esprit à un autre. Oui, j’avais peur. Ou plutôt non, j’étais terrifiée. Mais ça, je n’allais pas l’admettre autrement que par mon regard. Et encore. Je me mordillai les lèvres, baissai les yeux pour ne plus sentir ce regard scrutateur dans le mien. Le pire, c’était que je ne pouvais même pas savoir si l’autre homme m’observait.
— Tu sais, sans avoir un doctorat en psychologie, je pense pouvoir t’affirmer que, dans cette situation, la panique est une réponse tout à fait adaptée.
Apollon avait un mince sourire. Comment faisait-il ? À croire que ça lui était déjà arrivé :arrow: Trop parfait pour être honnête, je l'ai toujours su x)) . Il paraissait si calme, tellement maître de lui-même… Puis, je remarquai sa main. Ses doigts, posés contre sa jambe gauche, dans l’angle mort du soldat :arrow: qui, je le rappelle, est assis en face de vous :lol: , tapotaient nerveusement sur son jean, dans un rythme effréné. Le constat me rassura étrangement. Je n’étais pas la seule à être au bord de la crise de nerf. Aussi, je n’hésitai pas à me replier en position fœtale, lovée dans l’angle. À nouveau, je fermai les yeux, la tête entre les genoux. Ne serait-ce que pour oublier quelques secondes avec qui je me trouvais, où je me trouvais.

J’avais laissé les larmes couler. Mais en silence.
Pas le choix. C’était ça ou éclater en sanglots devant les deux autres. Hors de question, ça, en revanche.
Ça se verrait probablement sur mon pantalon, vu les taches énormes qu’il devait y avoir, à force d’avoir absorbé l’iode. Mais quand la camionnette ralentit enfin, j’étais vide. Prête, peut-être, à faire face à la situation qui allait suivre. Peut-être. Pas forcément. En tout cas, je n’étais plus aussi nerveuse. Une sorte d’instinct de conservation avait pris le dessus. Avec un seul objectif : faire le nécessaire pour survivre, en évitant au maximum les coups, et en gardant Apoalo en vie. Puisque, apparemment, ils se basaient sur mes choix pour décider de son sort, pour l’instant. Là, tout de suite, il leur servait de levier. Mais plus tard ?
Pourtant, malgré le nettoyage que je m’étais obligée à faire dans ma tête, je n’avais pas été préparée à débarquer sur une petite piste de décollage, cachée au beau milieu d’une forêt. Le pire étant que, lorsque je pivotai sur mes talons, encore éblouie par l’afflux de lumière soudain :arrow: Il me semble avoir lu qu'il y avait de la lumière dans le fourgon..., je distinguai une route bétonnée qui s’éloignait en sinuant entre les arbres.
On m’indiqua d’avancer. Je le fis lentement, sans que ça ne paraisse déranger quiconque dans l’escadron :arrow: Euh... Ils ont ramassé des types en chemin ? Une escouade, c'est une poignée d'hommes commandés par un chef ; un escadron c'est 120 personnels commandés pour le coup par un capitaine ^^" (l'escouade est la plus petite unité qu'on puisse faire). De toute façon, la piste était vide. Et il avait arrêté de pleuvoir, même si le ciel restait gris. Mais quelques minutes plus tard, dans un sifflement assourdissant, un avion vint se poser juste sous mon nez. Et pas juste un simple avion, mais un jet privé.
Je cillai, croyant halluciner.
Un jet privé. C’est quoi ce foutoir ?
La rampe se déploya sans que les moteurs ne s’éteignent. Je dus monter les marches. À l’intérieur, je découvris une cabine joliment meublée, dans les tons de beige et de blanc, avec des fauteuils larges aux accoudoirs en imitation de bois verni. Une décoration de salon mondain que même ma mère, avec son excellent salaire, ne pouvait probablement pas se payer. Sans même parler d’avoir un jet privé.
Je me tournai en direction du capitaine de l’escadron, qui me suivait toujours, et levai un sourcil.
— On m’explique ce qui se passe, s’il vous plaît ?
Il était temps que je pose cette question, décidément ! :arrow: Effectivement xD !! Elle tournait en boucle dans ma tête depuis le début, mais la formuler à voix haute m’avait fait peur pendant la majeure partie du trajet. Parce que la réponse rendrait tangible quelque chose qui me paraissait pour l’instant être un mauvais rêve.
« Sécurité nationale » enleva son casque. Le geste était tellement assuré, tellement tranquille, et tellement déplacé, dans ce contexte, que je faillis esquisser un pas en arrière. Pourtant, il le fit tout naturellement, comme s’il ôtait sa veste après une longue journée de travail.
En dessous, le visage était à l’image de la voix : grave, tanné par les ans. Un regard vif, malgré l’âge – il avait certainement la cinquantaine, mais pas beaucoup plus – avec quelques pattes d’oie au coin des yeux.
— Tu te trouves dans le Faucon, l’une des bases secondaires :arrow: l'avion est une base ??? de la Faction, répondit-il d’une voix posée.
À la manière dont il prononçait les mots « faucon » et « faction », j’y ajoutai automatiquement des majuscules dans mon esprit.
— L’opération qui vient de se dérouler était un peu précipitée, excuse-nous. Mais le temps nous manquait pour faire les choses correctement.
— Et mon professeur ?
Je venais seulement de remarquer qu’il n’avait pas pénétré dans l’avion à ma suite. Je me collai immédiatement au hublot, et vis que la camionnette avait disparu.
— Nous ne lui ferons aucun mal. Il va recevoir un amnésique, et il sera reconduit chez lui.
— Et mon lycée ? relevai-je, sceptique. Vous comptez leur faire oublier mon existence, à eux aussi ?
— Oui.
Je pris la réponse comme une gifle en pleine figure. Le type ne paraissait pas particulièrement dérangé. Je mis un moment à le digérer. Une fois que je fus certaine qu’il m’avait bel et bien dit qu’il avait les moyens de me faire disparaître certains évènements des mémoires des gens – pour peu qu’une telle technologie existe – je pus reprendre :
— Et… moi ?
Il se rapprocha de moi. J’eus un mouvement de recul, mais il me suivit, jusqu’à m’attraper les mains. Une dizaine de possibilités de suite, toutes différentes, défilèrent dans mon esprit à toute allure. Aucune ne coïncida avec la réalité. L’homme se contenta de m’enlever mes menottes, et de me faire signe de le suivre vers une petite table, sur laquelle était posée une petite enveloppe blanche. Et sur la face supérieure, deux lettres. L.S., mes initiales.
— Lis ceci. Et ensuite, on en reparle.
Et il se détourna. Je restai un moment statufiée, sous le choc. Par instinct, mes doigts s’étendirent vers l’enveloppe. En la soulevant, je constatai qu’elle était assez lourde. Au jugé, j’aurais dit qu’elle contenait quatre feuilles A4, au strict minimum. Je m’assis sur le fauteuil le plus proche, l’ouvris, en sortis la première page.
Les lignes parurent s’entremêler immédiatement. Ce n’était pas un alphabet normal. Pas du russe, pas du latin, pas du grec, pas même de l’arabe :arrow: Du chinois ? ^^… Non, c’était un mélange de symboles étranges, qui ne se rattachaient à aucune langue que je connaisse. Ils étaient courbes, puis droits, formés de lignes, puis de petits cercles, de points et d’arabesques… Je levai la tête vers l’inconnu. Mais il était occupé à faire remonter la passerelle, et ne répondit pas à mon appel. Une fois la porte de l’avion verrouillée, il toqua trois coups secs sur le mur qui le séparait de la cabine de pilotage. Presque immédiatement, le jet se remit en mouvement.
Je baissai les yeux sur ma feuille. J’aurais pu ignorer la demande, abandonner tout de suite. Mais, premièrement, la menace du holster :arrow: Un holster en soi n'est absolument pas dangereux (même si on décide de te l'envoyer à travers la figure ^^). Je taquine un peu, on comprend parfaitement que tu utilises une métonymie, c'était juste histoire de t'embêter ^^ toujours à la ceinture du soldat demeurait présente, et deuxièmement, c’était une énigme. Or, depuis que j’avais commencé le codage, j’étais devenue totalement dingue de ces petites devinettes. Souvent, j’en avais fait juste pour m’amuser. Les romans policiers, les films d’horreur, tout était bon pour solliciter un raisonnement logique de ma part. Et cette feuille était une énigme qui, d’après le type qui m’accompagnait, m’était adressée. Des L.S., il aurait pu y en avoir des milliers dans le monde, pourtant il m’avait choisie moi. Pourquoi ? Aucune fichtre idée. Mais vu que je n’avais rien d’autre à faire, autant m’y coller.

En une heure, j’avais dégagé trois segments principaux sur la première page, noté sur une feuille à part la majorité des symboles qui composaient le texte, et piétiné le reste du temps. Je ne m’étais pas attaquée au reste, pour ne pas m’emmêler les pinceaux. Déjà que je galérais sur une feuille, si j’y rajoutais les trois autres…
Les caractères dansaient sous mes yeux. Leur sens m’échappait totalement. Mais ils me paraissaient horriblement familiers. Une désagréable impression de déjà-vu m’assaillait à chaque fois que je les regardais. Pourtant, il n’y avait aucune logique, comme ça, à première vue. C’était juste une suite totalement absurde, arrangée dans un ordre que je ne parvenais pas à saisir.
En haut, à droite, deux « phrases ». L’une assez courte, l’autre seulement composée de huit symboles. Ensuite, à gauche, comme dans une lettre habituelle, une sorte d’accroche. Sauf que l’accroche était composée d’un caractère, que j’avais pour l’instant assimilé à un « à », puis de quatre mots de trois, trois, deux et six caractères respectivement, suivis d’une virgule. Puis, à la ligne suivante, le texte en lui même. Je me mordis les lèvres jusqu’au sang. Ça me frustrait de ne pas comprendre.
Et au moins, ça me donnait une excuse pour ne pas penser à ma situation. Une situation sur laquelle, très honnêtement, je n’avais pas envie de m’attarder. Un jet privé, c’était cool. Se faire kidnapper, et être embarquée pour une destination totalement inconnue, nettement moins.
Je fis une grimace, triturant machinalement mon médaillon d’une main, stylo entre les dents. Derrière moi, le soldat casqué veillait toujours. Je n’avais pas réussi à tirer quoi que ce soit de sa part, et il avait catégoriquement refusé d’essayer de résoudre l’énigme, en prétextant qu’elle n’était adressée qu’à moi. Il m’avait néanmoins donné un nom – débordant d’originalité ! – par lequel l’appeler : Bêta. Et, lorsque je m’étais – ironiquement – enquise où était Alpha, il m’avait regardée avec un léger sourire, et avait haussé les épaules.
Merci du soutien !
Le pire, c’était que cette énigme pouvait très bien être une sorte de test d’entrée dans cette Faction. Et si je me révélais incapable de le résoudre… ? La mort ? La torture ?
Je m’obligeai à écarter toutes ces hypothèses, pour me focaliser encore une fois sur le texte. Mais rien ne m’apparut. Je ne m’y attendais d’ailleurs pas. Les significations ne se matérialisaient pas en un claquement de doigts, en cryptage comme en codage. Aussi, je me contentai de me lever, et d’aller vers l’arrière de l’avion, où avaient été aménagées des toilettes. Et une douche. Whaou, ils n’avaient pas lésiné sur l’équipement !
Je me demandai brièvement s’il y avait assez d’eau pour que je prenne une douche. Probablement oui, mais je n’en avais de toute façon pas envie. Je m’aspergeai le visage d’eau froide, levai les yeux. Mon reflet dans le miroir me renvoyait un air à la fois blasé et fatigué. J’avais les traits tirés, des cernes sous les yeux dus à mon manque de sommeil de la nuit précédente. J’étouffai un bâillement, revins à mon siège devant la feuille annotée de toutes parts. Des mots qui se répétaient étaient soulignés, certains caractères qui m’agaçaient tout particulièrement étaient entourés. Au bout du compte, ça donnait un joli dessin gris, certes, mais c’était inutile. Je me laissai tomber en arrière, la tête appuyée contre le cuir moelleux. Contrairement à la camionnette, la lumière était douce ici. Assez forte pour pouvoir travailler, mais pas agressive. Je levai mes mains devant mes yeux, fus étonnée de constater que je ne tremblais pas. J’aurais probablement dû.
Par habitude, je pris mon médaillon, et le fis tourner entre mes doigts. C’était un pendentif circulaire en bronze, avec un petit bouton en bas qui permettait de l’ouvrir, à la manière d’une montre à gousset. Machinalement, j’appuyai. Les deux faces se séparèrent dans un cliquetis à peine audible.
L’intérieur était gravé d’une inscription étrange, que je n’avais jamais comprise : « Ne m’oublie pas. 9371 4062. » Je la relus encore une fois, pour la millième fois d’affilée probablement, me demandant quelle était la signification de ces chiffres. Je les avais toujours attribués à un numéro de fabrication, mais qu’ils soient écrits aussi distinctement, juste en dessous de la phrase, me posait problème. Je poussai un gros soupir. Mon regard revint sur la feuille.
Soudain, je retins mon souffle. Était-il possible que… ? Non, quand même pas…
De la pointe de mon critérium, rendue tremblante par ma soudaine excitation, je comptai le nombre de caractères dans la première phrase du texte, puis le nombre de lettres sur mon médaillon. Ils coïncidaient. À l’espace, au mot près, à la seule lettre qui se répétait près. Je levai le nez quelques secondes, pour réfléchir.
C’était totalement absurde. Mais tout semblait coller.
Je gribouillai les lettres en dessous des signes associés, fis de même pour les chiffres, et passai à la partie suivante.
Les trois premières lignes furent laborieuses. Le texte paraissait me résister, ne pas vouloir se plier au déchiffrage. Je devinais à moitié les mots, plus que je ne les identifiais réellement. Mais passé ce cap, tout devint brusquement beaucoup plus facile. C’était comme si une digue s’était brusquement rompue. Les mots coulaient d’eux-mêmes, presque par réflexe. Ayant attrapé le rythme, je bouclai la première page en une dizaine de minutes, ralentissant seulement de temps à autre pour réfléchir sur un nouveau symbole. Ensuite, au lieu de passer à la suivante, je m’arrêtai pour lire.

Ne m’oublie pas.
9371 4062


À toi qui as oublié,

En ce moment même, alors que tu lis cette lettre, tu dois probablement te demander si c’est une mauvaise blague. Autant te rassurer tout de suite, ce n’est pas le cas. Tu as écrit ceci toi même, il y a maintenant quelques années. Combien, je n’en sais rien. Trois ans peuvent avoir passé comme dix. L’important, c’est que tu aies su décrypter ceci.
Avant toute chose, il faut que tu comprennes quelque chose. Tout ce qui va être abordé ici est sérieux. Ce n’est ni un coup monté ni un quelconque jeu. La Faction, c’est une affaire de vie et de mort. Tu en faisais partie, entre tes douze et tes quinze ans. Trois ans de service, depuis que Lynn, ta mère, t’y a initiée. Elle t’a transféré le flambeau. Avant toi, c’était elle, et avant elle, c’était Leila, ta grand-mère. Tu l’auras compris, c’est une affaire de famille.
La Faction, ce n’est ni une secte, ni une organisation terroriste. C’est une agence non gouvernementale, secrète, et méconnue du public. Elle traite tout ce qui se rapporte à la sécurité mondiale, de près ou de loin. Tu étais l’une de ses agents. Parmi les meilleurs, même. L’héritière, comme toute femme de la famille des Schneiwäser. L.S., ce sont à la fois tes initiales et ceux de toutes les femmes qui ont dirigé la Faction. Tu étais l’une des Alpha.
En ce moment même, tu dois avoir accès à tous les dossiers de la Faction. Si tu cherches une preuve, demande le dossier Amnesia. Le code est le nombre sur ton médaillon. Toutes les réponses se trouvent là-dedans. Mais autant te prévenir, ça risque de te déstabiliser momentanément. Tes souvenirs datant de ta période de service reposent à moitié sur des omissions et des mensonges. Tu dois te rappeler d’un séjour d’un an dans un pensionnat étranger. Ce n’est pas vrai.


La suite était à la page suivante. Je ne m’y attelai pas, tenaillée par un sentiment d’angoisse irrépressible. Le monde paraissait s’être transformé en une spirale infernale qui me tirait vers le centre. Et je ne savais pas ce qu’il y avait au centre. Je me redressai d’un bond.
— Bêta ? appelai-je d’une voix rauque.
Il se tourna vers moi sans un mot.
— Puis-je avoir accès aux dossiers ?
Toujours muet, il tendit la main vers un tiroir, et en sortit un petit rectangle de métal aux bords arrondis. L’intérieur était vide. Puis, il frôla une zone précise du bout des doigts, et l’espace vide s’illumina d’un éclat bleuté. Je retins un hoquet de stupeur. C’était un écran holographique.
À ce stade, je me croyais vraiment dans un film. Et à gros budget, en plus, vu les effets spéciaux qu’on venait d’y intégrer. Je récupérai la tablette précautionneusement, la maintenant comme si c’était une relique de grande valeur. Ce qui pouvait théoriquement être le cas.
Je fis glisser mes doigts dans le vide, de façon à avoir l’impression d’effleurer la surface. En réalité, je ne sentais absolument rien. Mais la liste de dossiers qui s’y affichait se mit à défiler. Je retins mon souffle. C’est comme sur un téléphone, songeai-je pour m’obliger à garder mon calme. Je remontai jusqu’en haut. Tout était rangé par ordre alphabétique, avec souvent des significations qui m’échappaient. Aralys, Aphraêl, Andola étaient autant de noms qui attiraient mon attention au premier regard. Mais je me focalisai sur ce qu’il fallait que je trouve. Amnesia. Il était là, juste sous mon nez, en plein milieu de la liste. Pourtant, j’hésitai. Une appréhension sourde m’étreignait la poitrine. Je jetai un regard en arrière. Bêta s’était détourné, des écouteurs vissés dans ses oreilles. Absolument pas dérangé par le fait que je sois en totale liberté dans son avion. Mais son regard, même s’il paraissait lointain, revenait parfois se poser sur moi brièvement, comme s’il me survolait seulement, alors qu’en réalité, il vérifiait que je ne faisais rien de travers.
Je cliquai sur le dossier. Une pression dans le vide, mais un clavier se matérialisa, ainsi qu’une boîte de dialogue. Mes mains tremblaient.
93714062
Mais le dossier s’ouvrit. Un seul fichier à l’intérieur, en format vidéo. Je le lançai. Et, avec stupeur, vis mon propre visage, rajeuni de quelques années, apparaître à l’écran. Le reflet de mon regard était dirigé droit vers moi, me fixait sans ciller. Où étaient les enceintes qui diffusaient le son, je n’en avais aucune idée. Et je m’en moquais. Je me laissai tomber dans le fauteuil, sous le choc, tandis que mon double élevait la voix.

« Projet Amnésia. C’est le nom de ce programme, qui vise à redonner aux dirigeantes de la Faction une vie normale pendant quelque temps. Une sorte de retraite temporaire, pour leur permettre de se libérer un peu de leurs tensions quotidiennes dues à la direction d’une organisation planétaire secrète. Tu t’y es soumise, après trois ans de service. La première année, tu as suivi la formation physique de base, sous la direction de celui que tu appelles aujourd’hui Bêta, ton second. Il t’a formée. Un an, ensuite, où tu t’es occupée d’affaires de plus en plus importantes, jusqu’à pouvoir gérer les crises à l’échelle mondiale. Encore un an, de service pur. Opérations usuelles : maîtrise d’une situation qui dégénérait, missions de haute dangerosité, et ainsi de suite. Puis tu as voulu revenir. Faire trois années de lycée normales, te faire des amies. Peut-être étudier à la fac, pendant que ta mère gardait les rênes encore un moment. Avoir une véritable vie de jeune adulte. Mais il faut que tu saches que tu as choisi de rejoindre la Faction. Un choix peut-être guidé, mais un choix tout de même. Il n’y avait pas d’obligation. Tout comme tu as choisi le programme Amnesia. Tout ce qu’il faut que tu saches, tu le retrouveras dans la lettre, si tu ne l’as pas déjà lue. Tu n’es pas une étrangère. Tu es moi, tu es celle qui a enregistré ceci. N’oublie pas, ce sont tes choix. Je te souhaite un bon retour dans la Faction. »

Après le choc, l’acceptation. Je n’eus même pas de période de déni. Je me remis au travail, terminai de décoder la lettre. Elle racontait mon intégration dans la Faction, fondée par mon ancêtre au dix-huitième siècle, mon ascension, mes problèmes à mêler, durant la fin de mes années de collège, les missions à la vie réelle. Elle expliquait mes choix, les absences de ma mère, les réunions fréquentes. Carole elle-même était apparemment une agente chargée de me surveiller. Raison pour laquelle je n’avais probablement pas entendu mon téléphone vibrer aujourd’hui, après ma disparition.
De ce que j’avais compris, j’étais censée revenir dans un autre contexte. Là, l’opération de récupération avait été totalement bâclée, arrangée à toute vitesse. C’était pour cela qu’ils étaient venus en pleine journée de cours, sans préavis, comme un commando terroriste. C’était aussi pour cela que ma mère avait arrangé son « congrès » aussi vite. En deux jours à peine, elle s’était trouvé un billet, elle avait plié bagage, et elle avait disparu. Elle devait être en ce moment même à l’autre bout du globe, en train de résoudre un conflit quelconque.
En tout cas, raconté comme ça l’était, ça paraissait cohérent. Absurde, mais cohérent. Mais j’avais après tout visionné une vidéo que je ne me rappelais pas avoir tourné, donc à moins qu’il existe un clone de moi-même s’amusant à se faire passer pour moi, je ne voyais pas ce que ça pouvait être d’autre. Il y avait juste un passage qui me posait problème. Les quelques phrases à la fin de la lettre. D’une certaine manière, elles expliquaient – assez logiquement – que je n’aie pas fait de réelle crise de nerfs en me faisant kidnapper. Que je n’aie pas paniqué, alors que toute personne normalement constituée aurait angoissé comme une dingue, et pas seulement les dix premières minutes. Les vieux réflexes avaient pris le dessus. Mais ça ne suffisait pas. Il me manquait tout un pan de ma vie, et j’étais censée reprendre le contrôle d’une organisation dont je ne me souvenais plus. Et la diriger. La blague !

En même temps que tes capacités te reviendront, des souvenirs devraient affluer en surface. Ton corps se souviendra de lui-même de ce qu’il a appris, retrouvera lentement ses réflexes. Le remettre en condition, simuler un combat, devrait accélérer le processus, mais aussi te permettre de te rappeler de certaines choses. Les détails ne se manifesteront probablement pas tout de suite, mais le gros des évènements te reviendra peu à peu. Ça te donnera une vision globale de la situation, normalement assez pour que tu comprennes pourquoi ton retour était nécessaire. Le reste, c’est Bêta qui le complètera.

Avec toute mon affection,
L.S.


— Bêta ? appelai-je. J’aimerais savoir quelque chose…
Malgré ses écouteurs, il leva les yeux. Son regard était noir, intense, plein d’expectatives. Ce n’était plus ce regard froid et impersonnel auquel j’avais eu le droit depuis le début. Il attendait réellement quelque chose de ma part.
Sans que je sache si c’était ça, ou la lettre, une vision s’imposa. Brève, mais intense. L’image d’une pièce sombre, plongée dans un silence absolu. L’éclat d’un spot lumineux braqué droit vers mon visage. La sensation des sangles autour de mes poignets, de mes chevilles et de mon ventre. J’avais été allongée sur une table d’opérations. Bêta avait été présent, à ce moment précis. Il s’était penché au-dessus de moi. Son expression était bourrue, mais emplie d’une tendresse presque paternelle. Un mentor avec son élève. Un mentor fier.
« Vous reviendrez » m’avait-il soufflé.
« Quand vous aurez besoin de moi » avais-je acquiescé sans une hésitation. « Ne m’oublie pas. »
Et j’avais fermé les yeux.
Je m’arrachai à la vision avec un tressaillement. Une fraction de secondes à peine s’était écoulée. Pourtant j’avais eu l’impression de revenir des années en arrière. J’avais ressenti ce qui s’était passé juste avant que je n’oublie tout de la Faction. Au moment où j’avais fait mon choix, j’avais été sereine. En y repensant à cet instant, je l’étais aussi. J’eus la sensation d’avoir retrouvé ma place. D’avoir regagné mon équilibre, juste après avoir réalisé que je l’avais perdu durant quelques années. D’avoir refait le lien avec ce qu’il y avait de plus important pour moi.
— Tu m’avais dit que je reviendrais.
— Je ne vous ai pas oubliée, répondit-il avec un sourire. Nous avons besoin de vous.

† FIN †
Et voilà ! Bon je sais, c'est un commentaire long et pas très utile. Franchement, je n'avais pas eu l'occasion de te lire avant, mais j'ai adoré. Tout est cohérent, les scènes se suivent logiquement et le tout est rythmé. J'ai beaucoup aimé l'idée de s'écrire une lettre à soi-même en utilisant le "tu". J'ai vraiment beaucoup aimé ce texte en général. Tout le texte devrait être en vert, et les quelques remarques que j'ai pu faire n'ont pas grand intérêt que celui de t'embêter un peu ^^ Pour moi, c'est un 10 :D
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Re: Ne m'oublie pas [Mystère/Action/Secrets]

Message par vampiredelivres »

#Xhantia
Ne t'inquiète pas, comme tu peux le voir, je ne suis pas forcément beaucoup mieux... :?
Waaah, merci beaucoup ! Tes compliments font chaud au cœur, je suis vraiment contente que ça t'ait plu.
Comme je le disais plus haut, vous êtes pas mal à envisager une suite... et j'avoue que, du coup, j'y réfléchis, moi aussi... Et ça me frustre, parce que je sais que je n'aurai pas le temps de l'écrire pour l'instant ! :lol:
Pour ce qui est du suspense, encore une fois merci beaucoup ! Et, les dystopies... j'ai vraiment essayé d'éviter les clichés au maximum. Genre les romances impromptues avec le prof, une héroïne qui arrive à s'enfuir envers et contre tout... J'avais envie de faire autre. Et du coup, tu me rassures, parce que tu me donnes l'impression que ça a marché. Donc merci !
Effectivement, ta remarque est très pertinente, et elle fait écho au commentaire de GoldAngels (promis, ton tour vient aussi !). C'est l'une des incohérences, qui sont en cours de réécriture, du coup. Et, oui, ce n'est pas logique, à moins d'être contorsionniste ! :lol:
En tout cas, merci beaucoup d'être passée !

#GoldAngels
À nous deux, membre éminent de la Faction ! :lol:
Non, plus sérieusement, déjà, merci pour le chipotage. Parce que c'est plus ou moins pour ça que je t'ai contacté, en fait... ( :oops: ) Tu as relevé pas mal de "détails" qui font que le texte est encore imparfait, et ça, c'est top ! Parce que c'est bien beau que tout soit logique dans ma tête, si ça ne l'est pas pour vous... c'est que j'ai foiré.
Je vais couper un peu le texte, me concentrer essentiellement sur tes commentaires ^-^
GoldAngels a écrit :
† Ne m'oublie pas †


[...]
La voix grave, bourdon distant dû à mon inattention, s’interrompit soudain, remplacée par une sonnerie stridente qui m’arracha brutalement à ma rêverie. Debout devant son bureau, l’homme resta un bref instant déboussolé, avant de soupirer.
— Bon, j’imagine que vous connaissez la procédure…
La classe se mit en mouvement d’un même mouvement, dans un grincement de chaises. Chacun se replia sous sa table. :arrow: Il y a quelque chose qui me gêne un peu dans ce passage. En fait, on a trois temps : d'abord, la sonnerie qui interrompt le cour fait penser à la sonnerie de fin des cours. Ensuite, on comprend,
avec la remarque du prof que ce n'est pas le cas, et qu'il s'agirait a priori d'un exercice incendie. Jusque là ça va, c'est cohérent. Mais les élèves se planquent sous les tables. Donc on pense à un exercice pour se protéger d'un tremblement de terre (je dis exercice, parce que je pense que tu aurais mentionné des secousses le cas échéant). Deux questions se posent : d'abord, pourquoi vous n'évacuez pas la classe ? et ensuite, pourquoi le prof ferme-t-il la porte à clé, alors que justement, les éventuels secours auraient besoin d'un accès libre ? Tu réponds partiellement à cette question un peu plus tard, en disant que c'est l'alarme intrusion qui s'est déclenchée. Deux autres questions : y a-t-il dans ce lycée une alarme différente par type de menace ? et y a-t-il si souvent des intrusions de ce type dans ce lycée pour qu'il y ait une alarme spécifique ?
Voilà, c'est exactement ce dont je parlais juste au-dessus. En fait, dans ma tête, c'est clair, parce que j'ai eu affaire à cette situation. C'est une nouvelle législation, en fait, relative aux attentats qui sont de plus en plus nombreux. Chaque école/collège/lycée ajoute aux PPMS un exercice "attentat/intrusion", qui consiste à se barricader dans les salles, se planquer, et, si l'occasion se présente, de courir. Mais dans les lycées, on applique seulement les deux premières parties. Et certains lycées utilisent des sonneries spécifiques.
Je fis comme les autres, m’adossai au mur en repliant mes genoux contre ma poitrine, le bas de la table frôlant presque mon crâne.
Apollon – M. Apoalo en réalité, mais le surnom était venu des filles – alla verrouiller la porte d’entrée de la salle, puis s’installa, de façon à être caché, lui aussi, derrière mes copines. Qui faillirent bien faire une crise cardiaque en le voyant s’asseoir juste derrière elles. Elles échangèrent des coups de coude furieux, n’hésitant pas à me souffler un « Hé, Lana ! » qui dans le silence qui s’était installé parut tonitruant. Le professeur se contenta d’un mince sourire.

Quelques minutes avaient passé depuis la fin de l’alarme intrusion. Les élèves, malgré la consigne du silence absolu, bavardaient à voix basse, comme toujours. Du côté des fenêtres, ils avaient tiré les rideaux :arrow: Je vois bien la scène :
[Le chef] : Fouillez-moi tout ce bâtiment !!
[Les soldats] : Ils ont tiré les rideaux chef, ça veut dire que c'est vide
[Le chef] : On est dans un lycée en pleine journée de cours !! Bien sûr qu'ils sont là !!
[Les soldat] : La règle c'est la règle, chef. Les rideaux sont tirés, il n'y a personne... :lol:
Aaah, tu m'as trop fait rire ! :lol: :lol: C'est vrai que ce serait marrant... ; la pièce était donc plongée dans une semi obscurité apaisante. J’aurais aimé avoir un livre sous la main, pour pouvoir bouquiner tranquillement :arrow: Sérieusement :shock: On est en pleine alerte "Attention, attention !! Des individus lourdement armés sont entrés dans le lycée. Ils peuvent être dangereux et animés d'intentions hostiles. Attention, attention..." et elle ne pense qu'a bouquiner x) ? En fait, tout le monde croît à un exercice., mais malheureusement, je l’avais oublié chez moi. Ou plutôt, je l’avais laissé sur ma table de chevet parce que j’avais une journée a priori chargée, sans un moment pour réellement respirer et me plonger dans un autre univers. Aussi me contentai-je d’observer, un léger sourire aux lèvres, mes amies converser, en prêtant une oreille distraite à leur discussion. :arrow: Donc, vraiment pas paniqués pour deux sous, c'est définitif xD ? :lol: C'est ça !
Un grésillement vint néanmoins troubler mon état de sérénité. Il provenait du talkie-walkie de mon professeur. Les salles de classe étant séparées, et de par la nouvelle législation, l’instrument était devenu une nécessité dans les kits de survie :arrow: Visiblement oui, ce genre d'intrusion est extrêmement fréquent dans ce lycée :lol: Ben en fait, vu que c'est appliqué partout en France... Mais oui, c'est une gaffe de ma part de ne pas être assez explicite.. Mais ici, il paraissait particulièrement rétif à l’utilisation, puisque le bruit de friture était le seul qu’il semblât pouvoir émettre.
Par habitude :arrow: C'est vrai quoi, deouis le temps qu'on a ce genre de visite inopportune, ça devient lassant, à la fin, on a un programme à finir pour le bac, quoi, merde à la fin !! :lol: , je sortis mon téléphone. Je n’avais de toute façon rien d’autre à faire. Mais il affichait « aucun service » au lieu des cinq petits points habituels, dans l’angle supérieur gauche. Je fronçai un sourcil. Les filles, qui semblaient avoir fait le même constat que moi, se penchèrent de mon côté, leurs regards troublés par une soudaine inquiétude.
— Lana… c’est bizarre, tu ne trouves pas ?
J’esquissai un sourire.
— Hé, no stress, soufflai-je à mi-voix, rassurante. Y’a pas le feu, à ce que je sache… :arrow: Que se serait-il passé si effectivement il y avait eu le feu en plus ? Les élèves seraient sortis par les fenêtres en prenant soin de tirer les rideaux et avec leur table sur la tête ? Là, la règle à appliquer, c'est cours pour ta vie... :lol:
— Mais il n’y avait pas rien de prévu, ce trimestre… insista l’une des deux.
Je haussai les épaules, ne pouvant rien répondre à cela. La direction faisait ce qu’elle voulait, après tout. S’ils décidaient de nous coller un exercice d’évacuation :arrow: Évacuation... ? Vraiment ? ^^ Et puis c'est vrai quoi, si vous nous prévenez tout le temps, c'est plus une surprise !! Mea culpa... j'ai voulu mettre "d'évacuation ou d'intrusion" au début, et j'ai dû le zapper... surprise, pour vérifier que tout se passerait bien en cas d’incident réel, ils pouvaient le faire sans avoir à nous avertir. Ils n’avaient pas à nous prévenir systématiquement.
Cela dit, au bout de quinze minutes supplémentaires :arrow: Il y en a un qui n'est pas efficace : soit le système de sécurité est au schnaps, puisque personne ne s'inquiète de savoir où en est l'alerte (de la communication, que diable, toujours de la communication !!), soit les intrus prennent bien leur temps... Beeen... en fait, le temps que les intrus en question sécurisent l'ensemble du bâtiment..., je commençai moi aussi à trouver le temps long. Le talkie-walkie ne marchait pas, il n’y avait pas de réseau, l’exercice paraissait imprévu… sans virer à la paranoïa, la situation était étrange. Machinalement, je portai mes doigts à mon médaillon en bronze.

[...]
— Les circonstances l’exigent. Où est-elle ?
— Je ne vous le dirai pas.
Je me figeai, alors qu’un bruit souvent entendu dans les films succédait à la réponse de mon professeur. C’était celui d’un cran de sécurité ôté.
— Avancez, monsieur. :arrow: C'est là que je ne suis pas d'accord. Quand tu braques une arme sur quelqu'un, tu ne lui demande pas de venir se jeter dessus : soit tu lui demande de reculer et de se soumettre (genoux à terre, mains sur la tête), soit tu lui saute dessus (pour en faire un otage). Vu la suite de ton récit,
je pencherai pour la deuxième option. En outre, la scène se passe dans un droit clos permettant peu de mobilités, et les tables offrent autant de couvertures. Conclusions : aussi badas que fût-le mec du SWAT (du GIGN, pour rester français ^^),
il ne prendra pas le risque de lâcher une salve dans un tel endroit au risque de se manger le ricochet de ses tirs, et d'autant moins s'il se proclame de la sécurité nationale "qui ne leur veux aucun mal" ^^. De plus, comme je l'ai dit, au moment où le cran de sûreté saute, Apoalo a juste à se laisser tomber derrière une table pour être en sécurité :)
Effectivement, c'est incohérent, merci de l'avoir relevé. J'y travaillerai. ;)
Apoalo parut brièvement soupeser le pour et le contre, mais la menace d’une arme à feu chargée, pointée droit vers lui l’obligea à s’exécuter. Dès qu’il fut à portée de bras de l’homme casqué, ce dernier bougea brusquement. L’action fut tellement rapide que je n’en devinai que l’essentiel. Je ne vis même pas le mouvement de l’inconnu. Mais mon prof vacilla, touché à la tempe.
« Sécurité nationale » le rattrapa d’un bras, avant même qu’il ne s’effondre, comme s’il avait passé sa vie à faire ça, et appliqua le canon de son révolver :arrow: Je sais, ça fait cow-boy, mais pour un type de cette trempe, ça fait tellement moins classe (sauf s'il a un Magnum .47 :D ) Tu le vois recharger une par une les six ou huit cartouches du barillet en pleine fusillade ? Alors qu'avec un pistolet, il chambre un chargeur de 15 cartouches qu'il peut expulser d'un geste sec de la main et rechambrer un autre dans la seconde ;) Ouiii... mais je trouve personnellement que "pistolet" dans un texte... ça fait gamin. À la limite, trouver un nom qui fasse plus classe. Je reverrai ça ^-^contre le front de sa victime. Un cri s’éleva depuis l’arrière de la salle, vite étouffé lorsque la torche vint en chercher la source :arrow: Donc il éloigne temporairement un jeune homme, visiblement en pleine forme (tout est relatif), en tout cas en pleine possession de ses moyens, et donc capable de le désarmer et de retourner l'arme contre lui, de la menace de son arme ??? . Encore une fois, merci d'avoir relevé ^-^ La voix sous le casque se chargea d’une inflexion menaçante.
— Message à toi, Lana Schneiwäser. Si tu ne te montres pas dans les cinq secondes qui vont suivre, ton professeur meurt. :arrow: J'ai envie de poser une question : et après ? Je veux dire, une fois que tu l'auras gelé, non seulement tu n'auras plus d'otage, mais en plus, tu t'ôteras toute possibilité de te faire obéir... C'est pas faux... Décidément ! :lol:
La boule qui obstruait ma gorge, qui m’empêchait de parler, de hurler, fondit soudain. Ignorant les signes de tête furieux de mes deux amies, qui me disaient clairement de ne pas bouger, je me relevai à mon tour.
— C’est moi.
Plus que de m’être levée, je fus stupéfaite de me rendre compte que ma voix n’avait pas tremblé. Sans être aussi assurée que celle d’Apollon, précédemment, elle était demeurée ferme.
Aveuglée par la lumière blanche, je faillis détourner les yeux. Faillis, seulement.
— Mais relâchez-le.
La voix se teinta d’une sorte d’inflexion amusée. Pour peu que l’amusement puisse exister dans le registre de cet homme.
— Tu n’es pas en position de négocier. Tu tiens à sa vie ? :arrow: Que je sache, si ! Tu es non seulement en état de négocier, mais en plus, de remporter le marcher à ton avantage : les tables, les chaises et les sacs gêneront la progression du SWAT, et il n'a aucun intérêt à venir te chercher par la force. Et quand même il viendrait, c'est son otage qui le gênerait et comme on l'a vu, il ne peut pas se permettre de le libérer. La balance est clairement à ton avantage ^^ Je crois qu'en fait, je vais revoir tout ce passage, depuis l'entrée du soldat... parce que c'est le bazar total !
— Je vous suivrai sans résistance si vous le relâchez.
L’homme s’écarta d’un pas, me libérant l’accès à la sortie.
— Alors avance, m’intima-t-il.
L’idée de subir le même sort qu’Apoalo me retint quelques secondes là où j’étais. Juste assez pour que je voie le chien de l’arme :arrow: Qu'on soit bien clair sur le vocabulaire : le chien d'une arme, notamment sur un revolver, est le petit crochet en métal situé à l'arrière de la culasse qui, par l'action de la détente, met le (littéralement) le feu aux poudres, ce qui provoque la propulsion de la balle et l'éjection de la douille.
En outre, si, comme je le soupçonne, tu considères que mettre ce chien à l'arrière, c'est ôter le cran de sûreté, alors ledit chien pointe... vers le sol ^^ Donc, pour braquer le chien de l'arme sur les élèves, c'est qu'il vise le plafond avec la détente tournée vers lui :lol: Tu aurais du mettre "Juste assez pour que je voie le cran de mire de l'arme
Merci pour cette précision... Je sais pas pourquoi, j'ai toujours été dans l'optique que le chien, c'était à l'avant de l'arme... Et du coup, je n'ai jamais pris la peine de vérifier... :oops: dévier, non pas vers le professeur, mais vers les élèves.
Et, quoi que je doive subir ensuite, je ne pouvais pas mettre en danger la vie de trente élèves pour assurer ma sécurité. Je l’avais à moitié réalisé en me levant, mais je le comprenais réellement maintenant. Je devais m’assumer, comme les héroïnes de ces livres d’aventure que j’adorais. Même si c’était accepter de perdre ma propre vie. Le choix aurait pu paraître cornélien, pour certains. Chez moi, il s’imposa comme une évidence. Je n’avais pas le droit de penser à moi dans cette situation. Absolument pas.
Dehors, je découvris un petit groupe de quatre individus, aux uniformes noirs unis identiques à celui de l’homme qui avait pénétré dans la classe. Qui, d’ailleurs, me suivait, en tenant toujours Apoalo sous les aisselles :arrow: Même chose, qu'a-t-il fait de son arme ?. Deux des soldats se glissèrent derrière moi, un troisième aida son collègue à porter mon professeur à demi inconscient.
— Si tu fais un seul geste de travers… m’avertit celui apparaissait comme le capitaine :arrow: On dit chef d'escouade (un capitaine, c'est pour une compagnie), même s'il a le grade de capitaine ^^" Je prends note ! ;) de l’escouade, toujours armé.
Je hochai la tête. La porte de la salle de classe resta ouverte, mais le quatrième soldat se planta dans l’embrasure, veilleur silencieux, pendant que ses collègues m’escortaient à travers les couloirs, traînant leur poupée de chiffon à ma suite. À chaque embranchement, le capitaine me donnait la direction, d’un simple mot. Et je réalisai qu’ils connaissaient le bâtiment.
Ils utilisèrent notamment une issue de secours que personne n’empruntait jamais, qui donnait sur la cour arrière. Là où était garée une camionnette. Enfin, plus fourgon blindé que camionnette… songeai-je brièvement, avant de me demander comment je pouvais me faire des réflexions sarcastiques alors que ma vie et celle d’un autre étaient en jeu. Mais je n’avais pas pu m’empêcher de le remarquer. J’avais observé le déchargement des caisses depuis cette même camionnette, moins d’une heure plus tôt. Là, ce que je voyais, c’était un fourgon de transport de prisonniers tout droit sorti d’un film d’action.
En suivant les instructions du capitaine, je grimpai à l’intérieur, et m’installai au fond. Apoalo me suivait de près, d’un pas encore hésitant. Il s’assit sur la banquette en face de moi, et le chef de l’équipe se posa à côté de lui.
— Vous m’excuserez de vous imposer ça, mais je vais devoir vous menotter par mesure de sécurité.
Son ton, malgré la formulation, n’exprimait aucun regret. Juste la certitude d’un homme qui faisait son travail, sans suffisance dans la voix. Je ricanai, décochai un regard sceptique dans sa direction. Attacher un professeur et une adolescente, alors qu’il avait clairement montré qu’il pouvait nous mettre tous les deux à terre en moins de deux secondes, c’était quand même se moquer du monde. Mais pour toute réponse, il décrocha une paire de menottes de sa ceinture et se pencha en avant pour me les passer aux poignets, avant de faire de même pour son voisin de banquette. Je poussai un soupir agacé, me laissai tomber en arrière. :arrow: Par mesure de sécurité, et il attache les menottes devant... ? Amateur !! Mettons que tu te rebelles et que tu réussisses à te glisser derrière un des types. Si tu as les mains attachées devant, tu peux facilement l'étrangler ou lui tordre le cou. Si tu les as derrière, ça devient nettement plus... sportif :D Encore une fois merci, des révisions s'imposent...
Les portes claquèrent. Un néon s'alluma sur la paroi au-dessus de nos têtes, éclairant faiblement l’espace réduit. Les gouttes de pluie tambourinaient sur le métal au-dessus de ma tête. Dans ce cadre digne d’un Tim Burton, la terreur qui pendant quelques minutes avait disparu, revint à la charge. Je réalisai d’un seul coup toute l’absurdité de la situation, que je m’étais obligée à occulter pour garder la tête froide. J’étais en train de me faire kidnapper.
Bordel de merde, en pleine journée de cours, j’étais en train de me faire kidnapper ! Et qui plus est par un escadron qui semblait être la version terroriste du SWAT !
Je fermai les yeux.

C’est un cauchemar. C’est juste un cauchemar. Je vais me réveiller, et rien ne se sera passé. Maman sera en train de faire ses valises. Tout ira bien. Il n’y a pas du tout UN GROUPE DE FOUS FURIEUX QUI M’ONT MENACÉE AVEC UNE ARME !

Retour à la réalité. Le fourgon démarrait. Ainsi banalisé, il n’y avait probablement aucune chance :arrow: La plupart des véhicules sont équipés de ce qu'on appelle une plaque minéralogique qui donne un numéro d'immat' grâce auquel on peut retrouver n'importe qui, tu sais ^^ Et quand même l'administration serait lent à réagir, la scène n'est pas vraiment discrète, donc n'importe qui pourra prendre la plaque ^^ Toujours ma faute – en même temps, je suis l'auteure, donc je vois pas qui d'autre pourrait être responsable :lol:. En fait, ce que je n'ai pas précisé, c'est que d'autres types surveillent toute la zone administrative, bureaux, locaux... bref, c'est des maniaques. Et, quand-à la discrétion... ils sortent d'une cour, à l'arrière d'un bâtiment, avec une camionnette de livraison de nourriture... a priori, personne n'est censé hurler au scandale, non ? que quiconque nous reconnaisse dans la rue, et le temps que l’administration du lycée se reprenne et appelle la police…
— Lana, ton téléphone. Et vous aussi, monsieur… ? :arrow: On en revient à ce que je disais, ce type est un amateur. Si tu as les mains attachées devant, qu'est-ce qui t'empêcherai de sortir le couteaux qui ne quitte jamais ta poche ou les ciseaux que tu as prit soin d'emmener au moment où tu es sortie ? Si tu as les mains attachées derrière, je te mets au défi ne serait-ce que d'atteindre ta poche x) Et je doute que ce soit le genre de mec à s'embarrasser de savoir si la personne qu'il fouille soit une fille, fût-elle sa patronne. ;) Et, comme d'hab', tu as entièrement raison !
Apoalo garda le silence face à la question laissée en suspens, se contenta de sortir l’appareil de sa poche. Je l’imitai, tendis mon propre téléphone à l’homme. De toute façon, au stade où on en était…
— Lana, ça va ?
Ce n’était plus la voix de « Sécurité nationale ». C’était mon prof, mon beau et gentil prof. Qu’est-ce que j’étais censée répondre dans ce genre de situation ? « Évidemment, tout est nickel ? »
— Pfff… Entre nous, ça pourrait être pire :arrow: Ah oui ? Du genre ? :D Aha, ça, c'est le grand secret d'Apoalo... :lol: . Vous ?
Les larmes menaçaient maintenant de couler. Je luttais pour garder une voix égale, un brin blasée. Je passais sans transition d’un état d’esprit à un autre. Oui, j’avais peur. Ou plutôt non, j’étais terrifiée. Mais ça, je n’allais pas l’admettre autrement que par mon regard. Et encore. Je me mordillai les lèvres, baissai les yeux pour ne plus sentir ce regard scrutateur dans le mien. Le pire, c’était que je ne pouvais même pas savoir si l’autre homme m’observait.
— Tu sais, sans avoir un doctorat en psychologie, je pense pouvoir t’affirmer que, dans cette situation, la panique est une réponse tout à fait adaptée.
Apollon avait un mince sourire. Comment faisait-il ? À croire que ça lui était déjà arrivé :arrow: Trop parfait pour être honnête, je l'ai toujours su x)) ;) Entre nous, tu avais raison de te méfier de lui.... Il paraissait si calme, tellement maître de lui-même… Puis, je remarquai sa main. Ses doigts, posés contre sa jambe gauche, dans l’angle mort du soldat :arrow: qui, je le rappelle, est assis en face de vous :lol: *Facepalm de l'auteure, qui en se relisant se rend compte qu'elle est débile*, tapotaient nerveusement sur son jean, dans un rythme effréné. Le constat me rassura étrangement. Je n’étais pas la seule à être au bord de la crise de nerf. Aussi, je n’hésitai pas à me replier en position fœtale, lovée dans l’angle. À nouveau, je fermai les yeux, la tête entre les genoux. Ne serait-ce que pour oublier quelques secondes avec qui je me trouvais, où je me trouvais.

J’avais laissé les larmes couler. Mais en silence.
Pas le choix. C’était ça ou éclater en sanglots devant les deux autres. Hors de question, ça, en revanche.
Ça se verrait probablement sur mon pantalon, vu les taches énormes qu’il devait y avoir, à force d’avoir absorbé l’iode. Mais quand la camionnette ralentit enfin, j’étais vide. Prête, peut-être, à faire face à la situation qui allait suivre. Peut-être. Pas forcément. En tout cas, je n’étais plus aussi nerveuse. Une sorte d’instinct de conservation avait pris le dessus. Avec un seul objectif : faire le nécessaire pour survivre, en évitant au maximum les coups, et en gardant Apoalo en vie. Puisque, apparemment, ils se basaient sur mes choix pour décider de son sort, pour l’instant. Là, tout de suite, il leur servait de levier. Mais plus tard ?
Pourtant, malgré le nettoyage que je m’étais obligée à faire dans ma tête, je n’avais pas été préparée à débarquer sur une petite piste de décollage, cachée au beau milieu d’une forêt. Le pire étant que, lorsque je pivotai sur mes talons, encore éblouie par l’afflux de lumière soudain :arrow: Il me semble avoir lu qu'il y avait de la lumière dans le fourgon..., je distinguai une route bétonnée qui s’éloignait en sinuant entre les arbres.
On m’indiqua d’avancer. Je le fis lentement, sans que ça ne paraisse déranger quiconque dans l’escadron :arrow: Euh... Ils ont ramassé des types en chemin ? Une escouade, c'est une poignée d'hommes commandés par un chef ; un escadron c'est 120 personnels commandés pour le coup par un capitaine ^^" (l'escouade est la plus petite unité qu'on puisse faire) ...
Petite voix de la conscience : Tu es débile.
Moi : Merci, je sais.
Petite voix de la conscience : Va ouvrir un dico la prochaine fois que tu écris un truc. Et renseigne-toi !
Moi : Oui maman.
Petite voix de la conscience : Et ne sois pas insolente !
Moi : J'te signale que c'est quand même à moitié de ta faute... quand j'écris, c'est 50/50 entre réflexion et instinct !
Petite voix de la conscience : Hum...
. De toute façon, la piste était vide. Et il avait arrêté de pleuvoir, même si le ciel restait gris. Mais quelques minutes plus tard, dans un sifflement assourdissant, un avion vint se poser juste sous mon nez. Et pas juste un simple avion, mais un jet privé.
Je cillai, croyant halluciner.
Un jet privé. C’est quoi ce foutoir ?
La rampe se déploya sans que les moteurs ne s’éteignent. Je dus monter les marches. À l’intérieur, je découvris une cabine joliment meublée, dans les tons de beige et de blanc, avec des fauteuils larges aux accoudoirs en imitation de bois verni. Une décoration de salon mondain que même ma mère, avec son excellent salaire, ne pouvait probablement pas se payer. Sans même parler d’avoir un jet privé.
Je me tournai en direction du capitaine de l’escadron, qui me suivait toujours, et levai un sourcil.
— On m’explique ce qui se passe, s’il vous plaît ?
Il était temps que je pose cette question, décidément ! :arrow: Effectivement xD !! :lol: Elle tournait en boucle dans ma tête depuis le début, mais la formuler à voix haute m’avait fait peur pendant la majeure partie du trajet. Parce que la réponse rendrait tangible quelque chose qui me paraissait pour l’instant être un mauvais rêve.
« Sécurité nationale » enleva son casque. Le geste était tellement assuré, tellement tranquille, et tellement déplacé, dans ce contexte, que je faillis esquisser un pas en arrière. Pourtant, il le fit tout naturellement, comme s’il ôtait sa veste après une longue journée de travail.
En dessous, le visage était à l’image de la voix : grave, tanné par les ans. Un regard vif, malgré l’âge – il avait certainement la cinquantaine, mais pas beaucoup plus – avec quelques pattes d’oie au coin des yeux.
— Tu te trouves dans le Faucon, l’une des bases secondaires :arrow: l'avion est une base ??? Yep ! Secondaire, mais quand même. C'est ça qui est cool : elle est mobile, donc officiellement introuvable à un endroit précis, donc plus dure à faire exploser. de la Faction, répondit-il d’une voix posée.
À la manière dont il prononçait les mots « faucon » et « faction », j’y ajoutai automatiquement des majuscules dans mon esprit.
— L’opération qui vient de se dérouler était un peu précipitée, excuse-nous. Mais le temps nous manquait pour faire les choses correctement.
— Et mon professeur ?
Je venais seulement de remarquer qu’il n’avait pas pénétré dans l’avion à ma suite. Je me collai immédiatement au hublot, et vis que la camionnette avait disparu.
— Nous ne lui ferons aucun mal. Il va recevoir un amnésique, et il sera reconduit chez lui.
— Et mon lycée ? relevai-je, sceptique. Vous comptez leur faire oublier mon existence, à eux aussi ?
— Oui.
Je pris la réponse comme une gifle en pleine figure. Le type ne paraissait pas particulièrement dérangé. Je mis un moment à le digérer. Une fois que je fus certaine qu’il m’avait bel et bien dit qu’il avait les moyens de me faire disparaître certains évènements des mémoires des gens – pour peu qu’une telle technologie existe – je pus reprendre :
— Et… moi ?
Il se rapprocha de moi. J’eus un mouvement de recul, mais il me suivit, jusqu’à m’attraper les mains. Une dizaine de possibilités de suite, toutes différentes, défilèrent dans mon esprit à toute allure. Aucune ne coïncida avec la réalité. L’homme se contenta de m’enlever mes menottes, et de me faire signe de le suivre vers une petite table, sur laquelle était posée une petite enveloppe blanche. Et sur la face supérieure, deux lettres. L.S., mes initiales.
— Lis ceci. Et ensuite, on en reparle.
Et il se détourna. Je restai un moment statufiée, sous le choc. Par instinct, mes doigts s’étendirent vers l’enveloppe. En la soulevant, je constatai qu’elle était assez lourde. Au jugé, j’aurais dit qu’elle contenait quatre feuilles A4, au strict minimum. Je m’assis sur le fauteuil le plus proche, l’ouvris, en sortis la première page.
Les lignes parurent s’entremêler immédiatement. Ce n’était pas un alphabet normal. Pas du russe, pas du latin, pas du grec, pas même de l’arabe :arrow: Du chinois ? ^^ Nan, mais on n'est pas si loin que ça... :lol: … Non, c’était un mélange de symboles étranges, qui ne se rattachaient à aucune langue que je connaisse. Ils étaient courbes, puis droits, formés de lignes, puis de petits cercles, de points et d’arabesques… Je levai la tête vers l’inconnu. Mais il était occupé à faire remonter la passerelle, et ne répondit pas à mon appel. Une fois la porte de l’avion verrouillée, il toqua trois coups secs sur le mur qui le séparait de la cabine de pilotage. Presque immédiatement, le jet se remit en mouvement.
Je baissai les yeux sur ma feuille. J’aurais pu ignorer la demande, abandonner tout de suite. Mais, premièrement, la menace du holster :arrow: Un holster en soi n'est absolument pas dangereux (même si on décide de te l'envoyer à travers la figure ^^). Je taquine un peu, on comprend parfaitement que tu utilises une métonymie, c'était juste histoire de t'embêter ^^ ;) toujours à la ceinture du soldat demeurait présente, et deuxièmement, c’était une énigme. Or, depuis que j’avais commencé le codage, j’étais devenue totalement dingue de ces petites devinettes. Souvent, j’en avais fait juste pour m’amuser. Les romans policiers, les films d’horreur, tout était bon pour solliciter un raisonnement logique de ma part. Et cette feuille était une énigme qui, d’après le type qui m’accompagnait, m’était adressée. Des L.S., il aurait pu y en avoir des milliers dans le monde, pourtant il m’avait choisie moi. Pourquoi ? Aucune fichtre idée. Mais vu que je n’avais rien d’autre à faire, autant m’y coller.

[...]

† FIN †
[/quote]
Nan, sérieusement, merci. Vraiment. Je suis très contente que ça t'ait plu. Et que tu aies relevé des incohérences. Au moins, j'y réfléchirai à deux fois la prochaine fois que j'écrirai "escadron" !
En fait, petit secret : c'est de la lettre qu'est venue toute l'idée. Enfin, de la lettre et de l'alerte intrusion, mais tu me comprends... :mrgreen:
À une prochaine, peut-être ?
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Re: Ne m'oublie pas [Mystère/Action/Secrets]

Message par GoldAngels »

Bonswar :)

Content de voir que j'ai rempli ma mission, chèfe ! Pour ce qui est de la logique, honnêtement, quelqu'un qui n'irait pas dans le détail ne se perdrait pas : comme je te l'ai dit, ton texte est cohérent et sa construction est fluide. Mon frère me dit d'ailleurs que je suis un vrai c***d parce que je rentre dans des détails qui n'ont absolument aucune importance (comme le point sur le capitaine) ^^". La seule chose que tu as raté, éventuellement, c'est de te faire lyncher parce que t'a foiré ;) Je vais revenir sur certains de tes commentaires :
-
Voilà, c'est exactement ce dont je parlais juste au-dessus. En fait, dans ma tête, c'est clair, parce que j'ai eu affaire à cette situation. C'est une nouvelle législation, en fait, relative aux attentats qui sont de plus en plus nombreux. Chaque école/collège/lycée ajoute aux PPMS un exercice "attentat/intrusion", qui consiste à se barricader dans les salles, se planquer, et, si l'occasion se présente, de courir. Mais dans les lycées, on applique seulement les deux premières parties. Et certains lycées utilisent des sonneries spécifiques.
Ce qui est très drôle - il doit y avoir quelqu'un qui s'amuse là-haut à me contredire pour me signifier que je chipote parfois peut-être un peu trop x), c'est que quelques jours après que j'ai lu ton texte (je crois même que c'était le lendemain ^^), j'ai découvert ces fameuses sonneries :'D Même chose pour les kts de survie... Du coup, je te présente humblement mes excuses :D

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En fait, tout le monde croît à un exercice.
C'est pas un raison x) !!!

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Beeen... en fait, le temps que les intrus en question sécurisent l'ensemble du bâtiment...
Sécurisent... x) ? Ils ont un objectif clair, ils savent visiblement où aller, et je doute que des lycéens représentent une réelle menace, surtout pour ce genre de gugus :mrgreen:

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Ouiii... mais je trouve personnellement que "pistolet" dans un texte... ça fait gamin. À la limite, trouver un nom qui fasse plus classe. Je reverrai ça ^-^
Je vois ce que tu veux dire (j'ai moi même ce petit problème) ^^ Mais au risque de te décevoir, revolver et pistolet ne sont pas vraiment synonymes, ils désignent deux choses bien distinctes
Image (revolver)


Image (pistolet)


J'en profite pour te montrer ce que c'est le chien d'une arme ^^
Image

Après, je te l'accorde, il y a pas beaucoup de synonyme assez stylé (calibre, pétard...) ^^"


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Toujours ma faute – en même temps, je suis l'auteure, donc je vois pas qui d'autre pourrait être responsable :lol:. En fait, ce que je n'ai pas précisé, c'est que d'autres types surveillent toute la zone administrative, bureaux, locaux... bref, c'est des maniaques. Et, quand-à la discrétion... ils sortent d'une cour, à l'arrière d'un bâtiment, avec une camionnette de livraison de nourriture... a priori, personne n'est censé hurler au scandale, non ?
Pour le coup, oui xD Ils ont beau être des maniaques, ils ne peuvent pas empêcher les gens de voir leur plaque, surtout s'ils sont arrivés tranquillement. Et puis s'ils sont si maniaque que ça, comment se fait-il que quelqu'un ait eu le temps de sonner l'alarme *vérifie sur Internet que les lycée n'ont pas installé des systèmes de détection et d'alerte automatiques* ^^ ? Quand ils sont sortis du camion, les gens ont bien du voir qu'il ne s'agissait pas des cuistots, non :D
? Et c'était donc là que se cachaient les gars de l'escadron :mrgreen: !!!


-
Aha, ça, c'est le grand secret d'Apoalo...
J'avoue que cette remarque m'a laissé un peu... perplexe ^^" Tu avais donc prévu une suite (nous y reviendront ^^) ?

J'avoue également que ton facepalm et ton monologue intérieur m'ont bien fait marrer :lol: J'ai envie de dire que non, tu n'es pas débile, puisque tu t'en rends compte :lol: Disons, que c'est juste de l'inattention ;) :lol:
Pour ce qui est de la suite, je ne vais pas dire que je ne suis pas pour, mais franchement, ton récit se suffit à lui-même (ce n'est pas méchant, bien sûr). La fin de ton texte est construite de telle façon qu'on imagine très bien sa future vie, ses missions, l'organisation, etc. Tu vois ce que je veux dire ? À mon sens, tes persos ont atteint leur plénitude. Et tu vois si Apoalo m'avait paru un peu trop empressé à se constituer otage, je ne m'attendais pas à une suite en tant que telle ^^ Mais je ne peux pas dire que je sois contre non plus (bien au contraire :D ) Et ce sera avec plaisir que je viendrais lire la suite, si suite il y a ^^
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Re: Ne m'oublie pas [Mystère/Action/Secrets]

Message par DocMoule-Frite »

C'était bien.

(non, en fait, j'arrive en retard (comme d'habitude (mais bon c'est pas le sujet) ) et il y a déjà tout plein de monde qui a répondu avant moi (genre, vraiment. C'est énorme (ou je me monte le choux toute seule ( à voir )) et du coup... Bah j'avais pas grand-chose à rajouter. Mais oui, j'ai bien aimé.)


Dernière remontée par vampiredelivres le lun. 18 sept., 2017 5:45 pm.
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