Riptide [Aventure/Mer/Fantasy]

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vampiredelivres

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Riptide [Aventure/Mer/Fantasy]

Message par vampiredelivres »

≈ Riptide ≈


Le vent qui soufflait depuis quelques jours sur la mer prit mes cheveux détachés en otages, les traîna vers l'avant. Ils vinrent s'écraser sur mon visage en une épaisse masse bouclée, indomptable. Je soupirai et, de guerre lasse, m'arrêtai le temps de les ramener en queue-de-cheval à l'arrière de mon crâne et de les attacher avec un ruban. Une fois sûre qu'ils n'allaient pas se balader de façon impromptue – et s'emmêler au passage – je repris ma route. Le doux roulis du bateau était à peine perceptible. Une mèche blanche, trop courte pour être prise dans le ruban, s'aventura sous mon nez. D'un geste, je la repoussai derrière mon oreille pointue.
— Capitaine, me salua mon second en me voyant approcher.
J'acquiesçai du menton, tournai mon regard vers la mer, étale pour une fois. Les courants d'air ne se trouvaient qu'en altitude, juste assez bas pour que les voiles soient gonflées, mais juste assez hauts pour ne dessiner que des moutons d'écume à la surface. Je souris. Il n'y avait pas un nuage au-dessus de nos têtes. Juste une masse sombre, encore informe, derrière laquelle le soleil se levait lentement, loin devant.
— Combien de temps ? demandai-je.
— Nous y serons ce soir.
Je hochai la tête, approbatrice. Au même moment, un mousse finit de descendre de la vigie, sur le pont supérieur, et fonça droit vers nous.
— Capitaine, appela-t-il, le souffle court, un navire approche.
— Où ça ?
— De l'ouest.
Sachant que nous cinglions droit vers l'est, je filai à la poupe du bâtiment en quelques enjambées souples. De là, je grimpai sur la rambarde, profitant de l’absence de roulis, et plissai les yeux. Effectivement, un autre navire se profilait loin derrière nous. Je portai la main à ma ceinture, dépliai ma longue-vue. Un moment, je parcourus les flots à la recherche du nouvel arrivant tant il était loin, mais je finis par le retrouver. Je fronçai les sourcils. Un galion à trois étages, quatre mats et une bannière bleue à l'arrière, attachée au fanal. Je ne pouvais pas distinguer le motif qui apparaissait sur la bannière, car en l’absence de vent bas, elle ne se dressait pas. Mais ce que je voyais surtout, c'était qu'il cinglait vers nous toutes rames dehors, et que le pavillon n'était pas hissé. Je tendis la lunette à mon second. Il prit le temps de détailler longuement le navire, puis me la rendit avec une grimace.
— À votre avis ?
Sa réponse fut lapidaire.
— Pirates.
— C'est ce que je me disais.
Je me tournai vers le mousse, dont le teint passa de sable doré à gris pâle lorsqu’il assimila ce qui venait d’être dit. Un bref coup d'œil à bâbord amena un léger sourire sur mes lèvres. Il était presque aussi blanc que l'écume, en bas.
— Va chercher le quartier-maître, lui ordonnai-je.
Je le regardai détaler en essayant de me rappeler quand est-ce qu'il avait embarqué avec nous. Ça devait être à Avaël… Ou bien était-ce à Lyssan ? Non, c'était bien à Avaël. Il cherchait à fuir une famille un peu trop tyrannique. La marine royale permettait ça, entre autres. Je soupirai. Il devait avoir une douzaine d'années… quinze au grand maximum. Clairement, avant d'entrer à mon service, il n'avait jamais mis les pieds sur un bateau. Et si le mal de mer ne l'avait pas vraiment paralysé, contrairement à d'autres, il n'en demeurait pas moins que ceci allait certainement être sa première rencontre avec des pirates. Et les légendes populaires qui couraient sur eux suffisaient à plomber l’ambiance d’une taverne animée pour un bon quart d’heure. J'espérais vivement me tromper, mais la façon dont l'autre navire fonçait vers nous ne laissait que peu de place au doute.
— Combien de temps ? demanda mon second, en écho à ma première question, juste avant.
— Ils nous auront rattrapés avant que nous n'ayons atteint le port, soupirai-je.
Je rouvris ma longue-vue, essayai de compter le nombre de rames. Une trentaine de chaque côté, déterminai-je à vue d'œil. L'Illaerys, notre galion à nous n'en possédait au total que quarante. Nous étions terriblement désavantagés.
Le quartier-maître arriva quelques minutes plus tard. Je l'accueillis d'un hochement de tête laconique, et le détaillai. Comme à son habitude, il était tiré à quatre épingles : pantalon noir, bottes cirées, chemise propre. Je me demandais souvent s'il lavait lui-même ses chemises tous les jours, pour qu'elles ne soient jamais tachées. Même moi, je n'accordais pas autant d'attention à mon apparence.
— Capitaine, vous m'avez demandé ?
J’opinai du bonnet, pointai du doigt le point sombre à l'horizon.
— Bâtiment à notre poursuite. Sans pavillon. Probablement pirate. Donnez l'ordre aux matelots de porter une arme en permanence à partir de midi. Commencez à armer les canons et à rassembler le matériel.
Il pâlit assez visiblement.
— Vous pensez que… ?
J'acquiesçai.
— Il est probable que nous ayons à combattre aujourd'hui.
Le quartier-maître prit une inspiration nerveuse, esquissa une ombre de salut en règle, et s'éloigna pour aller distribuer mes ordres. Le mousse, qui l’avait suivi tout le long, était revenu, et se tenait maintenant à quelques pas de moi, entortillant ses doigts. Je me tournai vers lui :
— Retourne à la vigie, surveille la progression du bateau. À moins que quelqu'un d'autre n’ait besoin de ton aide.
Il s'exécuta sans un mot. Je me tournai à nouveau vers mon second.
— Dites à Tori qu'elle vienne me voir dans ma cabine dès que possible. Et veillez à ce que personne ne nous dérange.
Il me fixa un moment, pensif, puis décréta d'un ton sentencieux :
— Ne criez pas à la catastrophe tout de suite. Ça pourrait provoquer une panique générale.
— Il vaut mieux être paniqué que mort, répliquai-je sombrement en me détournant.

≈≈≈


En rejoignant ma cabine, sous la dunette, je dus me baisser pour éviter de me prendre la lanterne, qui se balançait doucement. Je sentis mon dos craquer, grimaçai. Depuis que nous avions embarqué, trois semaines auparavant, je dormais mal. Et pour cause, j'avais – volontairement au début – cédé mon matelas à la personne qui résidait à côté. Ainsi, je dormais souvent sur le bois dur de la couchette. D'une main, je rattrapai la lampe éteinte, qui revenait dans un lent mouvement de pendule pour me frapper à l'arrière du crâne, de l’autre, je cherchai la chaînette qui me permit de fixer le dangereux objet au plafond. Puis, je jetai un regard circulaire à la ronde. Quelques rares rayons de lumière entraient par les grandes fenêtres poussiéreuses et sales qui donnaient sur la mer, plongeant la cabine dans une semi pénombre. Je filai à l'arrière en m'orientant plus par rapport à mes souvenirs qu'à l'aide de ma vue, ouvris en grand les battants. L'air frais matinal s'insinua lentement à l'intérieur, amenant avec lui une bonne odeur de sel et d'écume. J'inspirai plusieurs fois ce parfum familier, attendis que la pièce s'aère un peu, puis refermai les fenêtres. Ensuite, je lissai les couvertures sur ma couchette, sortis un costume propre de ma penderie. Mais, au lieu de l’enfiler, je le suspendis à un dossier de chaise, puis dégageai la grande table ronde encombrée de papiers et de livres pour ne laisser déployé en son centre qu'une carte des mers et mon journal de bord, que j'étais tenue de remplir tous les jours. Je rangeai le reste dans la bibliothèque, dont je fermai par précaution les portes à clef, et m'assis pour rédiger mon rapport journalier.

Le treize antaër de l'an trois mille neuf cent trente-sept,
Quarante-troisième année du règne du roi de Jarania, Son Altesse Karok, premier du nom.


Je soupirai. Les débuts étaient invariablement les mêmes. Mais c'était assez fatigant de devoir réécrire la même formule chaque jour, simplement parce que tels étaient les protocoles. Machinalement, je détachai mes cheveux. La cascade blanche retomba librement sur mes épaules. Je déposai le ruban près de l'encrier, réfléchis un bref instant, puis je repris ma plume pour relater rapidement les conditions de la journée. Taille moyenne des vagues, ensoleillement, nuages visibles, force du vent et courants marins, tout y passa. C’étaient les paramètres de base que, protocolairement, je me devais de décrire tous les matins pour poser une base. Je fis ensuite rapidement mention du navire qui nous suivait, mais n'ajoutai pas plus de détails quant-à mes soupçons sur l'identité des marins qui naviguaient dessus. Je préférai rester courte et concise, éventuellement écrire plus ce soir, quand nous aurions accosté.
Alors que je terminais et que je refermais le carnet, trois coups secs furent frappés à ma porte. J'allai ouvrir. Une elfe s'engouffra dans la cabine en me renversant presque au passage, portée par le roulis qui s'était légèrement accentué entre temps. Je verrouillai derrière elle, un sourire aux lèvres. Tori était l’une de mes amies d'enfance. L’une des rares qui partageaient comme moi le goût des aventures en mer et ne laissaient pas les préjugés habituels les arrêter lorsqu'il s'agissait de faire quelque chose que les femmes n'étaient pas censées faire. Ainsi, elle était devenue trésorière de l'Illaerys en même temps que j'étais nommée capitaine du navire, ce qui faisait de nous les premières femmes à être aussi haut placées dans la Marine Royale. Tori avait, pour moi, toutes les capacités pour avoir mon poste. Mais elle avait dû s'arranger avec son père, qui ne voulait pas la voir exercer un tel métier. Au lieu de cela, elle avait – difficilement – pu négocier la trésorerie, qui lui assurait éventuellement une place sur la terre ferme à l'avenir.
Conformément à ses habitudes, elle me salua d'un « bonjour » à peine audible, et fila directement toquer à la cloison.
— Votre Altesse, vous pouvez sortir.
Sa voix était rauque, comme toujours. D'une certaine manière, elle allait avec sa carrure. Tori n'avait rien de féminin : un corps raide, assez trapu pour une elfe, à peine marqué de courbes. Poitrine plate et hanches presque invisibles faisaient qu'elle portait mieux l'armure que les robes. Son visage était anguleux, avec des os saillants, des lèvres fines et pâles et un nez busqué, encadré par des cheveux roux coupés court qui partaient dans tous les sens. Seuls les yeux donnaient un certain charme : ni trop larges, ni trop étroits, ils brillaient d'une acuité rare.
Une porte dérobée, savamment cachée dans la cloison, s'ouvrit sur une nouvelle frimousse. Je lui lançai un sourire avenant, et m'inclinai, une main sur le cœur.
— Votre Altesse.
La princesse Valaya me rendit mon sourire et plongea dans une révérence parfaitement maîtrisée, malgré les aléas du roulis. Je jetai un bref coup d'œil dehors, perturbée par cette modification rapide. Les vagues étaient plus grandes que quand j'étais sortie. Pour le moment, il n'y avait rien d'inquiétant, mais si ça continuait comme ça, il y aurait du mauvais temps à prévoir ce soir. Je reportai donc mon attention sur la princesse.
— Comment allez-vous ? m'enquis-je.
— Bien, merci. À vrai dire, c'est vraiment beaucoup moins inconfortable que ce à quoi je m'attendais.
Parce que vous avez mon matelas, songeai-je, sans toutefois le formuler à haute voix. Même si j'avais au début cédé volontairement pour lui assurer un peu plus de confort, je le faisais maintenant plus par devoir. Valaya était l’héritière de Karok, le roi de Jarania. La guerre qui menaçait depuis quelques années maintenant avait forcé son père à envisager une solution de secours. Et ma nomination au sein de la Marine lui avait permis de confier sa fille à une femme pour assurer la traversée de la mer en direction de Havana. Ainsi, les rebelles de Jarania ne pourraient plus atteindre Valaya lorsqu'elle serait sous la protection de son oncle.
Néanmoins, la mission que le roi m'avait confiée s'était avérée plus compliquée que prévu. Par précaution, il avait tout d'abord fallu embarquer la princesse de nuit, la veille de l’appareillage. Elle devait être invisible, même au regard de mon équipage, dont les allégations étaient parfois douteuses. J'avais donc dû me débrouiller pour acheter le silence du cuisinier, qui venait à chaque fois me livrer un repas supplémentaire. Avec Tori, nous devions être les seules au courant de sa présence. Et trois semaines de silence devant mon second, que j’appréciais énormément, ne m’avaient pas plu. Du tout.
Mais malgré les complications engendrées, j'appréciais la princesse. En plus d'avoir un charme naturel avec son visage en forme de cœur, ses yeux gris pâle et ses cheveux bruns parfaitement lisses, elle supportait sans rechigner les contraintes qui lui avaient été imposées, et gardait toujours une humeur égale. Elle ne se plaignait jamais, et m'avait aidée plus d'une fois dans ma cabine lorsque j'étais un peu trop débordée.
Valaya laissa Tori faire son inspection habituelle dans la petite chambre qui lui avait été attribuée, et se tourna vers moi.
— Est-ce que je peux vous demander une faveur ?
— Bien sûr, acquiesçai-je.
— J'aimerais… hésita-t-elle. J'aimerais une nouvelle chandelle, déjà… Ainsi qu'un de vos livres, si c'est possible.
J'allai immédiatement ouvrir la large bibliothèque que j’avais fermée à peine quelques minutes plus tôt.
— Tenez. Prenez celui que vous voulez.
Elle commença à regarder les tranches, passant parfois un doigt dessus pour les dépoussiérer. Je souris, nostalgique. Avant d'être le mien, le navire avait été celui de mon grand-père, puis de mon père. Maintenant, mon père avait cédé sa place. Il avait eu le droit à des funérailles d'officier, sa mort avait été dignement célébrée. Et j'avais repris sa place, récupérant tout au passage, des voiles usées aux livres de la cabine du capitaine, en passant par les meubles assortis en chêne roux.
Je secouai la tête pour chasser les souvenirs. La princesse avait déjà choisi. Je jetai un regard au titre, ne pus m’empêcher de pouffer discrètement. Fables, mythes et légendes de la mer orientale de Jarania. Rien de sérieux là-dedans, seulement de vieilles histoires contées à la fois par les marins dans les tavernes et les grand-mères au coin du feu. Néanmoins, en tant que lecture de plaisir, ça devait bien être le seul bon livre disponible. Les autres étaient soit des atlas maritimes, soit des traités de géopolitique, ou bien encore des livres d'histoire des continents. Que je n’avais d’ailleurs pas tous lus, alors que j’aurais dû.
Je pivotai, allai chercher le costume de capitaine que j'étais censée porter en toutes circonstances. Je me laissais souvent aller sur ce point-là, préférant nettement la chemise aux galons. C'était apparemment l'une des raisons pour lesquelles j'étais appréciée par mon équipage. Mais aujourd'hui, je n'allais probablement pas avoir le choix. Ainsi, je pris sur moi, et enfilai la veste rouge aux chevrons dorés. Pour tous les autres capitaines – des mâles – elle se terminait en queue de pie. À ma demande, ils avaient fait une exception, et m'avaient cousu une longue traîne en tissu à la place. Sans jamais toucher le sol, la traîne descendait jusqu'aux chevilles et claquait à chacun de mes pas. Ça donnait une certaine prestance… mais causait un déséquilibre et risquait à chaque fois de s'accrocher un peu partout. Sans même parler de devoir combattre avec. Par habitude, je réajustai la traîne, attachai mes boutons, réajustai le placement des épaulettes dorées.
— Quelle occasion spéciale ? me demanda Tori, légèrement surprise.
J'hésitai à lui dire, mais finalement, je me résolus à ne pas le faire. Pourquoi ? Je n'en savais rien. Une sorte d'instinct me disait que ce n'était pas encore le moment.
— Le débarquement de ce soir, répondis-je sans sourciller.
Je ne devrais pas lui mentir comme ça… Mais ça risque de la faire paniquer pour rien. Mais si la princesse est en danger…
Je me repris. Si la mission devait réellement être mise en péril, Tori savait quoi faire. Nous en avions discuté pendant des heures, avant le départ. J'allai me planter face au miroir qui était accroché dans un coin. Machinalement, je passai une main dans mes cheveux blancs, puis attrapai le tricorne en feutre noir qui traînait encore sur la table, et me le mis sur la tête. Dans le reflet, je croisai un regard ambré. Le mien. Je me détaillai encore quelques instants, puis revins m'asseoir à la table, et appelai Tori pour parler d'économie. Officiellement, nous étions chargées d'une opération commerciale entre Jarania et Havana, qui nous servait d'excuse pour amener Valaya à bon port. Mais il n'en demeurait pas moins que nous avions effectivement une grosse cargaison qui avait une certaine valeur marchande, et qu'il allait falloir négocier au mieux. Mon amie s'assit en face de moi, et sortit de la doublure de son manteau un parchemin soigneusement roulé. Voyant notre concentration, Valaya se retira dans sa petite chambre avec son nouveau livre, en prenant au passage une chandelle dans le stock que j'avais laissé à sa disposition.
Je parcourus les prix de chaque objet, formulai une ou deux objections, puis approuvai officiellement, d’une signature griffonnée au bas du parchemin, que la rousse me laissa en me demandant d'aller faire une dernière inspection dans les cales. « Pour vérifier que tout est bien en place. » J'acquiesçai, vérifiai que la porte dérobée était bien fermée, et donc invisible, et sortis avec Tori.

≈≈≈


L'inspection nous prit la plus grosse partie de la matinée, le temps de faire correctement l'inventaire de chaque objet, avec le quartier-maître qui venait me voir de temps à autre pour vérifier qu'il n'y avait pas d'ordres complémentaires. Je l'envoyai poliment voir mon second la plupart du temps. Une fois seulement, lorsqu'il revint me voir à la fin de l'inspection des marchandises, je lui demandai de vérifier que tous avaient bien une arme à portée de main. Il fila alors sans demander son reste.
Ensuite, Tori étant partie s'enfermer dans sa cabine, je remontai sur le pont supérieur. Une brise marine, fraîche et légère, m'accueillit à mon arrivée, et faillit bien emporter mon tricorne au passage. Je le rattrapai alors qu'il allait s'envoler, le gardant en main pour éviter d'autres fuites impromptues.
Un tour sur le gaillard d’arrière s’imposait, au vu du cap déviant. En suivant mes indications, le matelot en charge réorienta le navire face à l’est. Je déposai ensuite mon tricorne dans l'habitacle où étaient entreposés les compas de navigation, juste devant le gouvernail, redescendis les escaliers au pas de course, pour m'élancer ensuite dans les cordages du mât d’artimon, pour m’installer au sommet. De là, je pus apercevoir, tapi dans la vigie du grand mât, le mousse venu me voir ce matin. Il fixait résolument l’horizon, à l'arrière. J'orientai ma longue-vue vers la poupe, parcourus un moment la mer. Elle n'était décidément plus aussi plate que ce matin. Au contraire, les vagues avaient augmenté en taille et en puissance, et les premiers nuages annonciateurs d'une tempête commençaient à pointer le bout de leur nez. Je soupirai, cherchai encore nos poursuivants. Et, lorsque finalement, je le localisai, je dus étouffer un gémissement. Le navire s'était terriblement rapproché. Je détaillai à nouveau les rames sorties, en comptai trente-cinq sur le flanc gauche, puis refis un tour du bateau. La distance m'empêchait de voir correctement les visages, mais je distinguais déjà des silhouettes affairées. Trois étaient en train de hisser le pavillon. J'attendis qu'il soit correctement monté et déployé, pour ensuite me mordre les lèvres jusqu’au sang. Deux sabres croisés sur fond noir. Des pirates. Et nous n'avions aucune chance de fuir.
Je redescendis le long des cordages en quatrième vitesse, pressée d'annoncer les nouvelles, filai me camper sur la dunette. De là, je fis appeler mon second, qui se reposait dans sa cabine, et chargeai le quartier-maître de rameuter l'ensemble de l'équipage sur le pont. Le temps que mes ordres soient exécutés, je jetai un regard en arrière pour essayer d'évaluer le temps qu'il nous restait. À vue d'œil, et vu comment ils nous avaient rattrapés, nous avions un peu moins d'une heure. J'espérais seulement que, fatigués par la matinée passée à ramer, les pirates ne soient pas en grande forme. Lorsque je n'entendis plus que le silence derrière moi, ponctué par les grincements des planches, des poulies et des cordages, je me retournai. Les cent trente marins qui travaillaient sur l'Illaerys étaient presque tous rassemblés devant moi, attendant que je parle. Le quartier-maître vint se placer à mes côtés, tout comme Tori. Mon second, lui, préféra se faufiler parmi les membres de l'équipage.
— Messieurs, commençai-je, vous avez depuis ce matin reçu la consigne de porter une arme durant la journée. D'ici moins d'une heure, nous serons abordés par des pirates.
Il y eut une vague de murmures, et une voix s'éleva au sein de l'assemblée :
— Capitaine ? Ne pouvons-nous pas les distancer ?
Je secouai la tête.
— Malheureusement, non. Leur navire est plus rapide, et ils ont employé tous leurs rameurs.
Je laissai passer un temps pour d'éventuelles autres questions, mais personne ne se présenta. Aussi, je repris :
— Je souhaite que chacun de vous se remémore pourquoi il s'est engagé au sein de la marine royale. Nous faisons notre travail, et nous accomplissons notre devoir. Envers nous-mêmes, envers nos familles, mais aussi envers Jarania et le roi. Gardez cela en mémoire lorsque vous combattrez, parce que c'est ce qui vous motivera.
Encore un silence. Cette fois-ci, c'était plutôt pour rassembler mes idées. Je fis un sourire légèrement embarrassé.
— Je ne suis pas vraiment douée pour les discours qui sont censés vous donner du courage.
J'entendis quelques rires, les laissai s'éteindre avant de continuer :
— Je sais simplement une chose. Chacun de nous doit faire son devoir. Peu importe ce qu'il en coûte. En face, ils voudront saccager et piller, voler la cargaison. Tuer. Nous nous défendrons, nous les attendrons, et nous les accueillerons comme nous le devons. Ce sont des pirates. Et quel sort est réservé aux pirates ?
Le cri fut unanime.
— LA MORT !
— Alors donnez-leur ce qui leur est promis.
Les elfes commencèrent à applaudir en criant, certains en scandant mon nom. Je fis taire d’un geste les vivats, focalisée sur ce qu'il fallait faire.
— Je veux que chacun se prépare au combat. Je veux dix elfes devant la cale pour défendre les marchandises. Cinq dans la voilure pour continuer à faire fonctionner le navire. Quinze pour défendre les étages inférieurs, trente sur le pont. Vingt en embuscade dans les cabines, le faux-pont, la timonerie. Le reste, cachés.
Cachés équivalait à allongés près de la rambarde pour poignarder les assaillants dans le dos dès leur arrivée, derrière des portes à demi fermées, prêts à jaillir au moment opportun. Je soupirai. C'étaient des tactiques connues, vues et reconnues, mais il fallait bien ça pour se rassurer et maintenir l'équipage en action. Les elfes s'exécutèrent, s'arrangeant entre eux pour savoir qui ferait équipe avec qui. Je m'éloignai vers la dunette à pas lents, incapable de penser autre chose que la confrontation qui allait suivre.

Au bout du compte, le pire fut réellement l'attente. L'heure qui s'écoula entre mon discours et l'abordage fut un cauchemar. Je parcourus le pont de plus en plus nerveusement, allant de la proue à la poupe, faisant des cercles qui donnaient le tournis à mon équipage. J'en devenais malade d'inquiétude quant-à l'issue de la rencontre, et songer à Valaya ne faisait qu'empirer les choses. J'avais déjà croisé des pirates au cours de mes voyages en mer, mais jamais un aussi gros navire. Jamais un équipage, en face, qui semblait aussi important.
Épée au flanc, armée comme tous mes hommes – et débarrassée de mon ignoble costume, que je m’étais résignée à abandonner – je fis les cent pas sans interruption, à part pour surveiller la progression des pirates, qui s’étaient terriblement rapprochés. Assez pour que je donne l’ordre à Tori de rester dans ma cabine, et de protéger la princesse au péril de sa vie. Même si elle connaissait déjà ces ordres, les répéter me rassura quelque peu. J’eus l’impression de faire réellement quelque chose, alors que depuis ce matin, je tournais en rond comme un requin sous une planche.
Enfin, le navire nous aborda par le côté, mettant fin à mon calvaire silencieux. Je détaillai rapidement la silhouette du bâtiment. Étroit, fuselé, doté de larges voiles gonflées, apte à fendre les vagues rapidement. Il se faufilait entre creux et dunes avec l’aisance d’un félin se glissant entre les fougères. Je reconnus la forme générale des navires Havana, rapides, taillés pour des combats brefs, mais lourdement armés.
— Soumettez-vous ou mourez !
À la menace venant d’en face s’ajoutèrent des cris sauvages, farouches, emplis d’une violence à peine contenue qui promettait un bain de sang horrible aujourd’hui. Mes hommes répondirent par un silence provocateur. Je me mordis les lèvres, tenaillée par l’angoisse.
La réponse ne tarda pas. Les grappins fusèrent, s’enroulèrent autour des mâts de l’Illaerys. Certains déchirèrent nos voiles. Des chocs sourds ébranlèrent le pont. Je demeurai là où j’étais, sur la dunette. À côté de moi, le mousse que j’avais chargé de maintenir le cap tremblait de tous ses membres. Je posai une main sur son épaule, apaisante, jetai un regard sur le côté. Arrimé à notre bateau par les cordes, le navire adverse se rapprochait dangereusement. Bientôt, les pirates purent monter une passerelle, certes fragile, mais une passerelle malgré tout. Et ce fut la ruée.
En un clin d’œil, les membres de mon équipage furent acculés, encerclés. Ils étaient trop peu nombreux pour donner l’impression d’être dangereux, et les pirates ricanaient déjà à l’idée d’une victoire facile. Mais heureusement, ceux tapis en embuscade firent leur travail correctement. Ils jaillirent de tous les angles, de tous les coins d’ombre, pour fondre sur les assaillants en silence, comme un raz de marée destructeur, transperçant leurs adversaires alors que ceux-ci étaient de dos. Et peu importent les codes de conduite, d’honneur et de combat. Quand il s’agissait de protéger un navire de la marine royale, tous les coups étaient permis. Ou du moins sous mon commandement.
Je n’avais qu’une vague vue sur le pont supérieur, puisque je surveillais surtout l’autre navire, mais je devinai aux hurlements qu’une fois l’instant de surprise passé, les pirates se retournèrent, et les épées s’entrechoquèrent. Je retins plusieurs fois des frissons, lorsque des cris de douleur fusèrent, ou lorsque j’assistai à un choc particulièrement violent.
Soudain, alors que je croyais qu’il n’y avait plus personne sur le pont adverse, une silhouette se détacha sur le gaillard d’arrière, et lança son grappin pile au-dessus de ma tête. D’un bond, l’elfe se propulsa dans le vide, traversa en un temps record l’espace qui séparait les navires, et se réceptionna souplement sur le pont. Je dégainai instinctivement, tandis qu’il se redressait dans un froufrou de cape noire.
Je devinai sans difficulté que c’était le capitaine adverse. Il avait cette prestance des elfes sûrs d’eux, un sourire grimaçant et une arrogance à toute épreuve. Me voyant, il s’inclina, pointe de son sabre vers le bas.
— Milady… je vous demanderai de reculer, pour votre propre sécurité.
Parce que tu crois vraiment que je vais me laisser faire comme ça ?
Je me mordis les lèvres, retenant de justesse la question, et, au contraire de son injonction, avançai d’un pas. Son front se plissa.
— Je suis navré, Milady, mais je ne combats pas les dames.
— C’est dommage, parce que je n’ai aucun problème de ce côté, moi.
Ma lame fila vers lui, meurtrière. Je n’avais aucun regret. Je n’en aurais pas eu, même si je l’avais tué. J’étais capitaine. Je devais protéger ce navire, je devais protéger cette cargaison. Je devais protéger Valaya.
Il arrêta le coup, à quelques centimètres seulement de sa gorge, mais ne répliqua pas. Il se contenta d’esquisser un pas dansant sur le côté. Je refis une tentative. Il esquiva, attaqua à son tour. Mais il manquait d’entrain. Il se bornait à des coups simples, sans grand intérêt. Il ne s’ennuyait pas, non, mais je le perturbais. Ses yeux, au lieu d’être fichés dans les miens, voletaient à droite et à gauche, s’arrêtaient sur mon costume, revenaient à mon visage… Ils étaient troubles, étonnés. Je ne parvins à accrocher son regard que durant un instant. Et il me perturba instantanément. Bleu turquoise, intense et profond, comme l’eau d’un lagon paisible. Je cillai, avec le vague souvenir d’un regard similaire qui essayait de se frayer un chemin jusqu’à la surface de ma conscience.
La lame siffla à mes oreilles, un peu plus rapide que la fois précédente. Je m’esquivai d’un pas chassé, réalisai qu’il reprenait progressivement ses moyens. Et qu’il fallait que je gagne maintenant, si je ne voulais pas risquer de perdre.
Sous le regard ahuri du mousse, qui peinait à se détacher de nous pour se concentrer sur le cap – il faudrait que je lui en touche deux mots à l’occasion – nous parcourûmes le pont en long et en large, enchaînant bottes, feintes et parades de plus en plus vite. Je me concentrais pour garder le rythme, sans rester statique. Si l’Académie de la Marine m’avait enseigné deux choses, c’étaient bien mouvement et rythme.
Puis, brusquement, le navire s’inclina sur bâbord. Déséquilibrée, je posai un pied de travers, chutai. Ma rencontre avec la rambarde fut dure, tant pour mes côtes que pour mes poumons, qui se retrouvèrent soudainement vidés de tout air. Je pris une inspiration saccadée. Le navire pencha encore un peu. Je voulus hurler au mousse de le redresser. Au lieu de cela, quelqu’un s’affala violemment sur moi. Mon crâne cogna contre le bois dur, des ponts noirs vinrent danser devant mes yeux. Un bourdonnement envahit mes oreilles, couvrant le rugissement de la mer.
Un rugissement ?
Je ne le réalisais qu’après-coup, mais la mer était devenue particulièrement agitée. Depuis l’abordage, je n’y avais pas fait attention, parce que j’étais entièrement focalisée sur les pirates. En jetant un regard perdu et vaguement nauséeux par-dessus le bastingage, je faillis bien basculer par-dessus bord. Droit vers un sourire charmeur et un regard gris acier aussi glacial que les océans polaires au nord du continent. J’eus quelques instants pour distinguer le bleu étincelant d’une queue de poisson qui émergeait juste derrière le visage d’ange.
Un chant s’éleva. Si pur, si magnifique, que je m’arrêtai. Seulement pour écouter. Je n’étais pas touchée par la folie de l’eau. Mais c’était si beau que je ne pus qu’écouter. Une mélodie simple et envoûtante, hypnotique. Terriblement familière. Par ses accents, elle évoquait l’eau, la douceur des vagues, la tendresse d’une mère attentive…
Mes yeux se posèrent à nouveau sur le visage qui émettait ce chant superbe. La sirène – car c’était bien une sirène – ouvrit grand la bouche pour tirer une note aiguë, dévoilant des dents acérées, puis me fit un clin d’œil. Je sentis vaguement que mon regard devenait vitreux.
Le capitaine adverse, qui s’était affalé sur moi quelques instants plus tôt, en se redressant pour suivre l’appel impétueux, me donna un violent coup dans les côtes. Il ne faisait plus attention à moi. Il subissait seulement la folie de l’eau, à l’instar du mousse, qui avait abandonné le gouvernail, et qui enjambait déjà la rambarde. J’en profitai pour récupérer la dague à la ceinture du pirate, lui assénai un coup de manche dans le front, juste assez fort pour l’assommer, me jetai sur le mousse pour l’arrêter.
J’avais mal calculé mon bond. Ensemble, nous roulâmes dans roulâmes dans les escaliers, atterrîmes parmi les combattants maintenant hypnotisés. Je fermai les yeux. Une fraction de seconde seulement, pour décider de ce que je devais faire.
À l’aveuglette, je frappai, distribuai des coups sur la tête de tous ceux que j’avais à portée de dague. Du plat de la lame, du manche, du poing… tout était bon pour les empêcher d’entendre les voix. Parce qu’il n’y en avait plus une seule. D’autres – une dizaine, d’après les chants – s’étaient jointes à la mélopée, et les marins des deux camps se battaient presque pour être les premiers à sauter à l’eau. À sauter droit vers leur mort.
À l’Académie de la Marine, j’avais juré de combattre les pirates. De les mener à la mort. Pourtant, ici, je les sauvais. Assez ironique. En les assommant, je les empêchais d’entendre l’appel.
J’allais probablement les mener vers la potence ensuite. Mais ce serait légal. La mort réservée aux hors-la-loi. Pas celle qui était la hantise de tous les marins. Tellement douce qu’on ne se rendait pas compte qu’on quittait le monde des vivants.
Et c’est à ce moment que Valaya apparut sur le pont, accompagnée de Tori. Toutes deux marchaient comme des somnambules. Elles se frayèrent un passage difficile à travers les masses, enjambèrent les rambardes des deux côtés opposés. Et je me retrouvai prise par le dilemme le plus ignoble du monde.

Sauver Tori, ou sauver Valaya.
L’amitié ou le devoir.
La raison ou le cœur.
Que les dieux me pardonnent.

Je fis le choix difficile.
Je me précipitai à gauche, attrapai la princesse à bras-le-corps.
Tori, je suis désolée.
Elle voulut résister. J’appuyai sur un point sensible, juste assez fort pour l’envoyer dans les limbes sans qu’elle ne se retrouve avec une bosse sur le front ou à l’arrière du crâne au moment où elle débarquerait à Havana. Ce serait disgracieux, et j’aurais eu du mal à me justifier. Elle s’effondra, et je la laissai sur le pont pour bondir de l’autre côté. Trop tard. Elle avait déjà sauté. Les larmes voulurent jaillir. Je les repoussai, me mordis la langue. Frappai encore, tout autour de moi, pour sauver les autres. Pour oublier que, à quelques mètres de moi, ma meilleure amie était probablement en train de se faire déchiqueter à coups de crocs. Par mes congénères.
Ce n’était pas un hasard si, de ces deux équipages, j’étais la seule à être immunisée contre le chant des sirènes. La réponse à la question « pourquoi ? » était simple. Elle tenait en un seul objet. Un simple petit pendentif à mon cou, toujours caché sous mes chemises. Un coquillage nacré, offert par ma mère.
Ma mère, qui s’était éprise d’un humain. Qui m’avait confiée à lui.
Au fond, malgré ma forme de bipède, je n’étais pas totalement une elfe.
J’étais comme ces sirènes. Une tueuse. Masquée sous des allures de capitaine de navire.
En quelques minutes, je me retrouvai submergée de corps assommés. Ils mettraient probablement une dizaine de minutes à reprendre conscience. Je serrai les dents, récupérai Valaya, et la ramenai le plus vite possible à ma cabine. Puis, je revins sur le pont et, de rage, arrachai mon pendentif. Sans le jeter à la mer, cependant. Pas folle. La transformation prenait quelques minutes. Mais je ne voulais pas revenir à ma forme initiale. Je voulais juste retrouver ma voix. La voix de mes semblables. C’était la première chose qui revenait.
Je la ressentis, comme si une boule qui obstruait ma gorge avait fondu, diffusant au passage une douce chaleur dans l’ensemble de mon corps. C’était plaisant. Rassurant, même. Mais le souvenir de Tori m’empêcha de céder à l’appel de la mer.
— Laissez-les !
La fausse note dans le chant. La petite note discordante. La mélopée s’interrompit, au profit d’un grand vide. Même le vent s’était tu.
— Qui es-tu ? me répondit l’une des voix chantantes.
— L’une des vôtres.
— Alors viens avec nous, petite sœur.
— Non. Partez.

Un silence surpris. La mer se calma, sans que le ciel ne s’éclaircisse. Je me mordillai les lèvres, sentant mes dents s’étirer progressivement pour se transformer en crocs. Il fallait que je me dépêche, ou alors j’en reviendrais à ma forme initiale.
— Tu protèges ces elfes ? finit par s’enquérir la sirène avec laquelle je dialoguais.
— Oui.
Nouveau silence. Quand elle parla à nouveau, je distinguai un sourire dans sa voix.
— Très bien. Bonne route, petite sœur.
Les vagues s’apaisèrent. Il y eut des clapotis, puis je n’entendis plus que le vent. Je remis mon pendentif à la hâte, jetai un regard par-dessus le bastingage. Les sirènes avaient disparu. Et elles avaient emporté avec elles ceux qui étaient déjà passés par-dessus bord.
Je laissai couler une larme solitaire, en silence. Revins sur le gaillard d’arrière, récupérai une corde au passage, et attachai solidement le capitaine pirate. Puis, je fis de même pour tous ses compagnons, les débarrassant au passage de leurs armes. Pour ceux qui menaçaient de se réveiller, je les frappais à nouveau. J’étais volontairement trop violente ; c’était un moyen comme un autre d’évacuer l’angoisse et la tristesse.
Une fois mon travail accompli, je parcourus les corps du regard, à la recherche de mon second. Il était là, allongé au sol, encore dans les vapes. En revanche, aucun signe du quartier-maître. Majoritairement, mes marins avaient survécu à l’attaque. Pour s’être battus entre eux, pour s’être mutuellement faits des croche-pieds pour être les premiers à l’eau, ils s’étaient inconsciemment mutuellement sauvés. Pas tous, mais en grande partie. Je notai environ une douzaine d’absents. Pas assez pour entraver la marche du navire, mais assez pour donner une impression de vide dans l’équipage. Impression de vide qui, chez moi, se manifesta par un creux dans ma poitrine. Machinalement, je réajustai mes galons, fichai mon regard sur l’horizon. Constatai que nous avions dévié de notre course. Revins à la barre pour réorienter le navire dans la bonne direction en ignorant délibérément cette douleur sourde.
Tori.
Elle était morte. Je me mordis la langue, jusqu’au sang. Le goût de fer s’infiltra dans ma bouche, fit jaillir les larmes jusqu’alors étouffées. Le ciel s’était éclairci, mais je le distinguais à peine, la vue brouillée par l’iode.
Je pleurai en silence. Longtemps. Trop longtemps. Secouée de sanglots silencieux, je ne réalisai même pas que l’elfe à côté de moi avait repris conscience. Je m’obligeais à ne fixer que la ligne de séparation entre le ciel et l’eau, comme un point d’ancrage.

≈≈≈
Dernière modification par vampiredelivres le ven. 16 juin, 2017 4:29 pm, modifié 1 fois.
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Riptide [Aventure/Mer/Fantasy] — 2

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≈≈≈


— Capitaine ?
Pour l’occasion, ma cabine s’était transformée en quartier général. Une fois mon équipage réveillé, j’avais distribué les ordres, mécaniquement. J’avais fait mettre les pirates aux fers, j’avais réparti les tâches, et j’avais convoqué mon second chez moi. En prenant soin de rassurer Valaya au passage. Valaya, qui avait manqué de faire une crise de nerfs en comprenant ce que j’avais sacrifié pour elle. En ce moment, elle était en train de verser des larmes silencieuses. Elle avait passé quinze minutes à s’excuser en boucle de sa présence, de sa faiblesse, de son existence même, puisque ça m’avait obligée à abandonner mon amie. Elle s’en voulait. Elle croyait avoir une mort sur la conscience, croyait en être responsable.
Elle ne l’était absolument pas. J’avais fait mon choix. J’avais fait mon devoir. J’avais trahi mon amie, mais pas la couronne de Jarania.
J’étais la seule à blâmer de la mort de Tori.
— Des elfes mourront encore pour vous, princesse. C’est la loi des choses. C’est à vous de faire en sorte qu’ils soient le moins nombreux, dans la mesure de vos capacités. Mais vous n’aviez aucune influence sur ce qui vient de se passer. C’est stupide de vous en vouloir. Je suis la seule responsable.
Elle hoqueta, son regard gris troublé par les larmes et le regret.
— Comment… comment parvenez-vous à rejeter toute la faute sur vous ? Ce n’est pas…
Elle s’interrompit, incapable de conceptualiser son idée. Je poussai un soupir, obligée d’ignorer mon second, qui depuis le début essayait de me poser une question.
C’est de ma faute, princesse. C’est ma faute d’avoir privilégié mon devoir. Enfin, si on peut parler de faute, puisque vous êtes encore saine et sauve. Vous ne pouvez pas vous sentir responsable.
Soudain, elle sauta de sa chaise, et, en un clin d’œil, fut sur mes genoux, agrippée à mes épaules, secouée de sanglots. Je passai une main dans ses cheveux. Elle avait à peine quinze années. Une gamine, au fond. Une gamine terrorisée par la mort.
— Ce serait faux de dire que vous oublierez, lui soufflai-je à l’oreille. On oublie rarement ce genre d’évènement. Mais avec le temps, vous verrez, vous comprendrez.
Puis, je tournai la tête vers mon second.
— Oui ?
— Qui d’autre est au courant ? s’enquit-il.
— Tori était la seule. Mais ce n’est pas pour ça que vous ai fait venir.
Il attendit.
— Vous allez prendre la moitié des elfes qui restent, et prendre le commandement du navire pirate.
— Capitaine ?
— Il faut que nous le ramenions à Havana, expliquai-je. Je prendrai un autre second, temporairement, le temps de finir ce voyage. Et il faudra que vous m’aidiez ce soir.
Je baissai les yeux sur Valaya, accrochée à moi. Il acquiesça lentement.
Personne ne doit être au courant.
— Bien sûr, capitaine.
Je souris.
— Allez-y, alors.
Il se leva, salua, et sortit de ma cabine avec un air pensif. Je levai les yeux vers le plafond, soudain tenaillée par un doute. Est-ce que ce n’était pas dangereux de le laisser ainsi ? Non. C’était un soldat de la Marine, après tout. Et il n’y avait personne d’autre en qui j’aie assez confiance pour cela. Il ne se mutinerait pas.
Après le départ de mon second, Valaya demeura dans mes bras encore un long moment. Je la berçai longuement, au rythme des vagues et du roulis, en espérant peut-être me rassurer en même temps que je l’avais rassurée, elle. Je sentais que, après le départ de Tori, je manquais de confiance. Il me faudrait nommer un nouveau trésorier. Et je ne voulais pas. Au fond de moi, je ne désirais ardemment qu’une seule chose. Le retour de mon amie.
— Alynn ? fit une petite voix.
— Oui, Votre Altesse ?
Valaya devait bien être la seule, à part Tori, à connaître mon véritable prénom sur ce navire.
— Je peux rester avec vous ?
Je mis un moment à comprendre le sens de la question. Puis hochai la tête.
— Bien sûr.
Elle esquissa une sorte de demi-sourire attristé, sauta de mes genoux et fila chercher son livre dans le petit recoin qui lui servait de cachette. Puis, elle revint s’installer sur la chaise en face de moi, se plongea dedans. En quelques instants, je sus qu’elle était partie dans le monde des fables de Jarania. Autant pour elle.
Je baissai les yeux, avisai le journal de bord qui n’avait pas été rangé depuis ce matin. Avec un soupir silencieux, je rapprochai ma chaise de la table, attrapai une plume, et me remis à écrire. Je narrai la rencontre avec les pirates, puis avec les sirènes, laissai un espace vide pour citer les dommages que l’Illaerys avait subis. Je restai ainsi à travailler aux côtés de la princesse. Par moments, elle levait les yeux vers moi, une sorte de question au fond de ses iris gris, mais se replongeait toujours dans sa lecture sans me la poser. Un moment étonnée, je finis par ne plus y prêter attention, focalisée sur ma tâche.

≈≈≈


— Je suis fière de vous. Vous avez mené cette mission à bien, sans faillir. Par vents et marées, pirates et sirènes… Vous avez tenu bon, là où bien d’autres auraient abandonné.
Les elfes s’entre-regardèrent, à la fois surpris et amusés. J’esquissai une ombre de sourire. Un vent chaud en provenance de la ville, chargé des odeurs nauséabondes de fumée et de viande grillée, vint ébouriffer mes cheveux. Je les repoussai en arrière, regrettant soudain mon tricorne, qui s’était perdu dans la bataille. J’en avais certes un autre, de rechange, mais celui-ci, je ne le sortais jamais. Parce que je ne voulais pas le perdre, justement. C’était celui de mon père. Mon souvenir le plus précieux.
Je me secouai.
— Vous connaissez les règles du débarquement. J’espère ne plus avoir à vous les rappeler. À partir de l’aube, vous aurez trois jours pleins. Dans trois jours, au soir, je vous veux tous ici, sur ce pont, pour charger les vivres et les marchandises, et être prêts à appareiller avant le lever du soleil. Sobres, ajoutai-je après coup.
Quelques éclats de rire. La discipline n’était décidément pas mon point fort. Mais je ne considérais pas ça comme un mal, même au sein de la Marine Royale de Jarania. Un peu de détente, surtout après des évènements comme ceux d’aujourd’hui, ne nous feraient pas de mal.
— Nous avons levé l’ancre comme un seul navire, nous avons débarqué comme deux. Au retour, nous repartirons avec l’Illaerys uniquement.
— Capitaine, et les pirates ? demanda quelqu’un.
— Leur sort sera laissé à Son Altesse Ikrav de Havana.
En parlant de Havana… Je croisai le regard de mon second, qui hocha la tête imperceptiblement. Je levai les yeux vers le ciel. Il faisait nuit, les étoiles scintillaient de leur éclat froid, loin au-dessus de moi, sur la voûte sombre. Il était temps de faire sortir Valaya.
— Pas d’autres questions ? Alors au travail !
Les hommes se dispersèrent. Je les imitai. Pour rejoindre ma cabine, je dus traverser le pont encore ensanglanté, marqué des traces de combats sauvages. Le médecin de bord avait eu de quoi faire. Il avait soigné une quantité incalculable de coupures, quelques bras cassés, des côtes fêlées… J’avais été l’une des rares à plutôt bien m’en sortir
Une fois chez moi, je toquai à la cloison cachée, qui s’ouvrit sur une petite silhouette encapuchonnée. Elle esquissa un geste pour ramener une mèche brune rebelle derrière son oreille pointue, puis sortit le livre des replis de sa cape.
— Merci beaucoup, fit-elle en me le rendant.
Je le déposai sur la table, ôtai mon uniforme de capitaine. Habillée d’une simple chemise de lin et d’un pantalon de cuir souple, j’ouvris la fenêtre, jetai un bref regard en bas. Le canot était là. Parfait. J’avais convenu avec mon second qu’il jouerait le rôle que Tori aurait dû avoir. Il était en bas, lui aussi caché sous une capuche, à attendre que je descende avec la princesse.
À mon tour, j’attrapai une cape, la rabattis sur mes épaules, attachai mes cheveux blancs avec un ruban, et déroulai une longue échelle de corde depuis la fenêtre. Je souris lorsqu’elle s’arrêta pile à la bonne hauteur, juste au-dessus de la barque à flot.
— Après moi, soufflai-je à la princesse à voix basse, bien qu’il n’y ait personne pour nous entendre.
Elle hocha la tête, et je m’engageai la première le pied dans le vide.
Ma descente fut simple. La sienne aussi. Probablement parce que, lors de l’appareillage, elle avait fait la même chose en sens inverse. Une fois réceptionnée dans la barque, elle ramena ses bras autour de ses genoux, s’enroula encore un peu plus dans sa cape. J’attrapai la deuxième paire de rames, et, en rythme avec mon second, nous propulsai vers l’ombre d’un autre navire. Là, nous pûmes arrimer la barque à un ponton, faire grimper Valaya sur la terre ferme, et nous engager à sa suite. Puis, toujours intégralement couverts de noir, nous nous engageâmes dans la ville en silence, droit vers le château.

Au détour d’une ruelle sombre – il fallait évidemment que ce soit une ruelle sombre – se profila soudain une silhouette solitaire. Solitaire, certes, mais vaguement familière. Encapuchonnée, comme nous. Je ralentis le pas, mais continuai à avancer, déterminée à gagner le château au plus vite. Quand soudain, un cri étouffé se fit entendre derrière moi. Je pivotai. Un mauvais pressentiment me glaçait déjà le sang. Je faillis hurler en découvrant que mon second avait agrippé Valaya, et la maintenait bâillonnée d’une main, tout en pointant son épée vers moi de l’autre. Je me figeai.
Du coin de l’œil, je discernai l’autre silhouette qui s’approchait. Je n’eus pas de mal à faire l’équation. Et le résultat me faisait frémir d’horreur. Trahison. Et il n’était apparemment pas le seul. Cet autre elfe… il venait de l’Illaerys aussi. Je ne parvenais pas à mettre un nom sur la forme, mais je savais instinctivement que je le connaissais.
Les yeux gris, paniqués, de Valaya, se fichèrent dans les miens. La terreur dans son regard me happa, faillit me faire perdre pied un moment. Mais je me repris.
— Capitaine, ne bougez pas. Je m’en voudrais de vous faire du mal.
Je faillis ricaner, tellement la remarque était ironique. Il n’y avait aucun regret dans son ton, juste le sérieux d’un elfe convaincu. Et l’autre… L’autre s’approchait encore. Il se faufila derrière moi.
La solution s’imposa. Ignoble, mais motivée par le souvenir de cette journée. Je savais les contenir. Il fallait juste que je gagne du temps. En souvenir de Tori. Pour ne pas l’avoir sacrifiée en vain. Pour ne pas tout perdre, échouer sur toute la ligne.
J’arrachai mon pendentif, les yeux toujours fichés dans ceux de Valaya. Qui, d’une étrange manière, parut comprendre ce que je faisais.
— Rebelles ? interrogeai-je.
Ma voix me parut distante, comme si je ne m’en préoccupais même pas. Il n’y avait pas de haine dans mon ton. Juste une morne interrogation. Le second hocha la tête.
— Pas au début. Mais certaines personnes savent être… convaincantes.
Son regard glissa vers l’autre silhouette. Et je compris brusquement. Le cuisinier. Cette espèce de…
Je fermai les yeux. La boule dans ma gorge était toujours là. Mais elle fondait progressivement. Trop lentement, encore.
Le cuisinier, en silence, s’approcha du second, qui jeta Valaya dans ses bras comme un sac de toile. Elle essaya bien de se débattre, mais elle n’était pas assez robuste face à un marmiton habitué à porter des casseroles remplies toute la journée. Face à un soldat de la marine, tout simplement. Le cuisinier l’entraîna sur le côté, dans l’autre sens, tandis que mon ancien second, débarrassé de sa charge, me maintenait en respect. Les cris de Valaya étaient trop étouffés.
Et c’est alors qu’une ombre jaillit des toits. Elle se réceptionna souplement au sol en roulé-boulé, tira une épée, et se jeta droit sur le cuisinier. Qui, par réflexe, lâcha la princesse, et tira à son tour son arme. Les lames s’entrechoquèrent, tintèrent. Valaya recula avec un cri aigu, contre un mur. Mon second, m’ignorant totalement, s’élança vers elle. L’avisant, elle se détourna, se mit à courir.
La boule dans ma gorge se dissipa enfin. Je retrouvai ma voix. Ma vraie voix. Que, en ce moment même, je bénissais et détestais, tout en même temps.
— Arrêtez.
Ce n’était qu’un souffle, pourtant, les quatre elfes s’immobilisèrent immédiatement. Je pris une inspiration profonde, repris une lente mélopée, à voix basse, dans un murmure à peine audible. Valaya, rassérénée, revint vers moi. Mon second se projeta droit vers un mur, sur lequel il s’assomma. L’inconnu qui avait volé à notre secours frappa le cuisinier, qui ne se défendit pas, à la tempe. Puis se présenta en face de moi, alors que je remettais précipitamment mon collier, sentant mes jambes disparaître lentement. L’effet du coquillage enchanté fut fulgurant. Ma voix redevint rauque, purement elfique. Mes canines se résorbèrent. Je posai une main sur l’épaule de Valaya.
Notre sauveur était connu, lui aussi. C’était le capitaine pirate qui, par je ne savais quel miracle, avait réussi à s’échapper. En reprenant lentement ses esprits, il me fixa comme s’il me voyait pour la première fois. Mais il n’eut pas le temps de parler.
Dans un fracas d’armes, de sabots et de hennissements, une patrouille débarqua au pas de course dans la ruelle. Une demi-douzaine de soldats, armés jusqu’aux dents, nous encerclèrent presque immédiatement. Trois d’entre eux pointèrent leurs lances droit sur le pirate.
— Mesdemoiselfes… vous n’êtes pas blessées ? On vous importune ?
Le temps de reprendre mes esprits, je secouai la tête.
— Non… non, tout va bien. Ces deux elfes (je désignai le cuisinier et mon second) ont cherché à nous faire du mal, mais il nous a sauvés.
Surpris, le pirate leva les yeux vers moi, mais ne pipa mot. Je lui fis un signe de tête à peine perceptible.
— Pourriez-vous nous mener au château, je vous prie ? fis-je à celui qui avait parlé. Je dois voir le roi en urgence.
Le soldat parut d’abord vouloir protester. Mais je sortis de ma poche l’une des deux choses que j’étais la seule à détenir : une bague portant l’emblème du roi de Jarania, le père de Valaya. Avisant le symbole, le chef de l’escouade hocha la tête. Il lança une série d’ordres à ses subordonnés. Deux descendirent de cheval, entourèrent les deux traîtres, et les attachèrent, tandis qu’il me faisait signe de prendre leur place.
Je mis un pied dans l’étrier, me propulsai en selle d’un bond. Cela faisait tellement longtemps que je n’avais pas monté… Ça ne m’avait pas vraiment manqué. J’aimais les chevaux, mais je leur préférais de loin l’Illaerys et le doux va-et-vient des flots. Je tendis une main à Valaya, la fis grimper derrière moi, lui conseillai de s’accrocher fermement. Le pirate fut désigné pour prendre l’autre cheval. Et, dans un nouveau concert de sabots, nous nous en fûmes vers la colline sur laquelle se dressait l’ombre menaçante du château de Havana.

Parvenus devant les portes, un intendant nous reçut. Je le chargeai de porter la bague au roi. Il disparut dans les couloirs, nous laissant sur le parvis. Le capitaine des gardes du palais étant parti, lui aussi, je me tournai vers mes deux compagnons.
— Votre Altesse…
— J’avais deviné juste, fit-elle simplement, sans paraître avoir peur. Mais comment… ?
Elle désigna le lacet du coquillage, qui dépassait de ma chemise. Je souris.
— Magie ancestrale des eaux. Je n’en sais moi-même pas plus.
Valaya médita un moment la réponse, pensive, puis finit par hocher la tête.
— Je prierai la Déesse pour Tori tous les jours.
Mon visage s’assombrit, mais j’acquiesçai en lui tendant la lettre que je gardais dans une poche intérieure de ma cape. C’était la dernière missive de son père, que j’avais reçue juste avant d’embarquer.
— Ça a été un honneur pour moi de vous servir. Et pour elle aussi.
Les portes se rouvrirent à nouveau sur un elfe enveloppé d’un manteau pourpre. Il n’avait pas de couronne sur la tête, mais rien qu’à sa prestance, je devinai que c’était Ikrav de Havana, le roi. Dès l’instant où il avisa Valaya, son air sombre se dissipa, son visage se fendit d’un grand sourire soulagé, et il tendit les bras vers sa nièce. Je me détournai pudiquement pour les laisser à leurs retrouvailles, fixai le pirate en silence. Celui-ci leva un sourcil.
— Zvaln… laissai-je échapper soudain, stupéfaite.
Il laissa échapper un sourire narquois.
— Alynn.
Je voulus dire quelque chose. M’excuser, peut-être, de ne pas l’avoir reconnu tout de suite. L’insulter, pour avoir été un capitaine pirate, aussi. Mais mes retrouvailles avec mon vieil ami furent interrompues par Son Altesse Ikrav.
— Capitaine Myr, je ne sais comment vous remercier. Vous avez amené ma nièce à bon port. Et je vous présente toutes mes condoléances pour votre amie.
Je rejetai ma capuche en arrière, m’inclinai poliment, avant de répondre :
— Je n’ai fait que mon devoir, Votre Majesté. Cependant, si je puis me permettre…
— Oui ?
— Il y a deux choses. Tout d’abord, en cours de route, nous avons été attaqués par des pirates.
Il hocha la tête.
— Valaya me l’a dit. Je suis heureux que vous en ayez réchappé.
— Ce qu’elle ne vous a peut-être pas dit, souris-je, c’est que leur vaisseau – qui était l’un des vôtres, auparavant – a été ramené au port par mon équipage.
Le roi, dans sa digne splendeur, cilla. Probablement l’une des seules marques de surprise et de reconnaissance que je pourrais tirer de sa part. Mais c’était déjà ça.
— Je ne vous demanderai rien, puisque ce n’est que justice que ce navire vous soit rendu. En revanche, l’un de ces mêmes pirates a aujourd’hui contribué à sauver votre nièce des rebelles qui étaient infiltrés parmi mes matelots.
Zvaln voulut protester, je levai une main pour le faire taire. Étonnamment, il s’exécuta.
— Si vous acceptez – et s’il accepte aussi – j’aimerais l’enrôler dans mon équipage. J’ai perdu plusieurs matelots dans l’assaut des sirènes. Un marin expérimenté, même un ancien pirate, vaut mieux que cinq nouveaux mousses à bord.
Le roi me considéra gravement. Son air pensif ressemblait tellement à celui de Valaya que j’en eus presque mal. Après trois semaines de voyage, à penser à la princesse au quotidien, l’oublier allait être plus que difficile.
— Je ne vous demanderai pas comment vous avez fait pour réchapper aux sirènes. Mais êtes-vous certaine de sa bonne volonté ?
La réponse, je l’avais prévue, repensée et reformulée quinze fois sur le trajet vers le château, alors que je ne savais pas encore que c’était Zvaln. Maintenant, sachant que c’était l’un de mes amis qui se tenait à côté de moi, elle fusa toute seule.
— Je ne suis sûre de rien, venant d’un pirate. Mais je suis sûre d’une chose, venant de lui. S’il n’avait pas été là, Valaya ne serait pas dans votre palais en ce moment même. Je le surveillerai, Votre Altesse. Ce que je demande, c’est votre clémence.
Ikrav pencha la tête sur le côté, m’observa longuement. Il avait les mêmes yeux que son frère, réalisai-je. Les mêmes yeux que sa nièce. Ils avaient tous un air de famille.
— Très bien, finit-il par déclarer. Il sera pardonné. En revanche, deux traîtres ainsi que les autres pirates…
— Seront pendus haut et court, complétai-je sans hésitation.
— J’enverrai mes troupes les chercher demain.
Je m’inclinai une nouvelle fois, sous le regard stupéfait de Zvaln.

≈≈≈


— Capitaine Alynn Myr… je vous dois ma vie.
Je souris, m’adossai à la chaise.
— Qu’est-ce qui t’a amené à la piraterie ? soufflai-je avant de boire une gorgée de vin chaud.
Après avoir salué le roi, nous avions été reconduits à l’Illaerys sous escorte, « pour qu’il ne nous arrive rien ». Pour que Zvaln reste à bord du navire, aussi, même si officiellement, cela n’avait pas été formulé ainsi. En chemin, nous avions croisé mon cuisinier et mon second qui, sous bonne garde, descendaient vers les prisons royales. Je les avais délibérément ignorés. Une purge de mon équipage s’imposait. Mais seulement à notre retour à Jarania.
D’ici-là, je m’étais posée dans ma cabine, avec mon nouveau matelot, et l’avais invité à boire une coupe avant d’aller dormir. Les autres elfes s’occupaient encore du débarquement des marchandises.
Zvaln était un ami d’enfance. Nous avions grandi ensemble, lui, Tori et moi. Nos deux pères se connaissaient. Il devait avoir quelques années de plus que moi, avait fini son éducation dans la marine il y avait de cela sept ans. Et je l’avais perdu de vue à ce moment-là. Parti sur un petit navire d’exploration affrété en direction des contrées sauvages, il s’était fait capturer par des pirates. « Le choix était simple » racontait-il, « l’engagement, ou la planche. » Il n’avait pas vraiment hésité, avait passé trois ans à osciller entre le statut de mousse et celui de membre d’équipage à part entière. Puis, lors d’un accrochage avec un autre vaisseau pirate, il avait tué les deux capitaines, s’était adjugé leur place, et avait rassemblé les survivants sous sa bannière.
Aujourd’hui, pour s’enfuir, il avait crocheté la serrure de son cachot. Rien de sorcier, d’après lui, avec les outils adéquats. Il disait avoir voulu me retrouver, pour me parler, avant son exécution. Mais…
— Tu es une saleté de sirène, en fait ! s’exclama-t-il avec un éclat de rire.
Je pouffai.
— Tu me pardonneras cet affront ?
— Quoi, celui de m’avoir sauvé la peau ? Deux fois d’affilée en plus ? Ne t’inquiète pas, je devrais pouvoir survivre avec ça sur la conscience.
Il émit un ricanement moqueur. Je levai ma coupe de bois verni avec un sourire.
— À ta survie en ces mers hostiles, alors, en compagnie d’une saleté de demi sirène.
Il éclata de rire, trinqua avec moi :
— À tes longues années en tant que capitaine. Et puisses-tu encore protéger ma vie deux ou trois fois…
— Espèce d’ingrat !
À force de rire, je faillis bien m’étouffer avec mon vin. Larmes aux yeux, je hoquetai. Il esquissa un geste dans ma direction, puis finalement s’abstint de faire quoi que ce soit en voyant que je me reprenais.
Avec lui, j’évoquai mon enfance. J’oubliai mes devoirs, les morts de cette après-midi, les papiers et les négociations qui m’attendaient durant les quelques prochains jours. Je me contentai d’être moi, de sourire et de rire avec un vieil ami. J’étais heureuse de découvrir qu’au fond, il n’avait pas changé. Qu’il était toujours ce plaisantin qui se fichait de tout et de rien, qui faisait tourner les instructeurs de l’Académie en bourriques simplement pour amuser la galerie. Ce Zvaln que je connaissais, qui ne cherchait pas à me séduire. Il avait essayé une fois, quelques années avant sa disparition, plus par jeu qu’autre chose. Comme tous les autres. Je l’avais envoyé balader, mais heureusement, il ne l’avait pas mal pris, et il était resté à mes côtés sans que notre relation ne change.
Au bout du compte, il finit tout de même par quitter ma cabine. Je lui écrivis une lettre signée en guise de sauf-conduit pour qu’il puisse circuler librement sur le pont, le redirigeai vers un tailleur de la ville que je connaissais pour qu’il ait déjà un semblant d’uniforme, le temps de réintégrer officiellement la Marine. Nous convînmes que l’histoire que nous allions servir à Jarania serait élaborée en cours de route. Puisque personne à part le mousse ne savait qu’il avait été le capitaine du navire pirate, nous pouvions très bien le faire passer pour un prisonnier sauvé en cours de route. Ou pas. Nous décidâmes d’aviser plus tard. Ce n’était pas une urgence.
Une fois qu’il fût dehors, je m’activai. Il se faisait tard, mais je n’avais pas sommeil. Les évènements de la journée tourbillonnaient en boucle dans mon esprit, dans le désordre, se mêlant et s’intercalant les uns entre les autres, si bien que ce fût très vite le désordre. Alors, consciencieusement, je me mis à ranger ma cabine. Je remis mon uniforme dans la penderie, récupérai mon matelas dans la petite chambre invisible et inconnue de tout mon équipage, vérifiai l’ajustement de la cloison pour éviter que quelqu’un la découvre après coup, attrapai le livre que Valaya avait laissé sur ma table.
Un morceau de parchemin en glissa. Je le rattrapai au vol, l’ouvris, curieuse.
Capitaine,
Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi. Les leçons que vous m’avez apprises resteront gravées pour l’éternité. Je ne sais comment vous montrer toute ma gratitude. Si un jour, vous avez besoin de moi, n’hésitez pas. Ma porte vous sera toujours ouverte.
Sincèrement,
Valaya de Jarania

En dessous, un coquillage était dessiné à la plume, impressionnant de détails. Je reconnus le mien, poussai un sifflement admiratif devant la mémoire visuelle de cette princesse, qui ne l’avait vu qu’une fois, et encore, dans un état second.
Je refermai la lettre avec une sorte de regret, la rangeai dans le tiroir où je ne mettais que mes affaires personnelles. Puis, j’allai remettre le livre là où il devait être, dans la bibliothèque fermée. C’est alors que je l’entendis. L’appel de l’eau. Et je devais être la seule, parce qu’il chantait mon nom, et mon nom seulement. Je le ressentais jusqu’au plus profond de mon cœur, comme une douce mélodie. Envoûtante mais pas ensorcelante. Pas une folie, non. Juste un appel. Sans même réfléchir, j’allai me pencher à la fenêtre laissée ouverte après le départ de Valaya. Je n’avais pas peur. J’étais déjà étrangement apaisée. Comme si je savais ce que j’allais découvrir.
Là, dans les eaux calmes du port, une tête aux cheveux courts émergeait de l’eau. Une tête trop familière, même si elle était déjà différente. Elle me sourit, un éclat étrange, à la fois amusé et satisfait dans le regard. Je devinai que la transformation l’avait changée. En profondeur, mais aussi en surface. Son visage était plus fin, ses traits, plus harmonieux. Même si elle n’avait pas encore la longue chevelure traditionnelle, elle avait déjà un air plus féminin. Plus doux. Un air de sirène.
— Tori… murmurai-je.
— Alynn. Elles m’ont permis de venir te voir. Juste pour que tu saches.
Un silence.
— Comment va Valaya ?
— Elle est avec son oncle.
— Tu as fait le bon choix. Ne regrette pas.
Elle me jaugea un instant, puis me fit un clin d’œil.
— De toute façon, je t’attendrai.
Son rire était si communicatif que je pouffai à mon tour, et hochai la tête.
— C’est l’un des désavantages de l’éternité…
Tori acquiesça, un sourire malicieux aux lèvres. Puis, avec un éclat de rire, elle se propulsa hors de l’eau dans une gerbe d’éclaboussures. Une longue queue de poisson turquoise étincela sous l’éclat des deux lunes, se parant de reflets métalliques. Lorsqu’elle replongea, l’eau forma pendant un bref instant un entonnoir là où elle avait disparu, qui se combla rapidement. Et l'eau redevint lisse. Je levai une main en signe d’adieu, apaisée.

≈ FIN ≈


Waaah... ça fait un moment que je voulais le poster, celui-ci ! J'espère qu'il vous aura plu... en tout cas, moi, j'ai vraiment adoré l'écrire. Par contre, accessoirement, Booknode m'a totalement grillée au niveau de la limite de caractères ! :lol:
N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, je prends toutes les critiques avec plaisir :)
louji

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Re: Riptide [Aventure/Mer/Fantasy]

Message par louji »

La vache, cette nouvelle était vraiment super! :D

J'ai beaucoup aimé la lire... L'immersion dans l'Illaerys (super classe comme nom, au passage) était top. Tes descriptions étaient très vivantes et j'ai très facilement imaginé les personnages, l'action, le navire... ;)

Les noms des personnages sont très beaux, et même si on ne les a pas fréquentés longtemps, on s'attache très facilement.

La capitaine m'a séduite, et j'ai beaucoup apprécié la suivre dans cette courte, mais envoûtante, aventure!
La princesse était très sympa aussi, tout en douceur.
Zvaln, bien qu'il n'ait pas eu beaucoup d'apparition, m'a aussi séduite. L'espèce de doute qu'il a fait planer au moment où il a atterri près de Alynn a encore plus retenu mon attention :D

Ton écriture est maîtrisée, c'est très agréable à lire et il n'y a presque pas de faute... J'aime! :mrgreen:

Vraiment, n'hésite pas à partager d'autres nouvelles comme ça x)
DanielPagés

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Re: Riptide [Aventure/Mer/Fantasy]

Message par DanielPagés »

Zut, je me suis fait doubler pas Louji ! :lol:
Merci pour ton invitation, je supporte bien la pub, si c'est pour une histoire sur BNode... ;)
Je viens de lire tout ça. Et, comment dire... j'ai pas regretté d'y avoir passé le début de mon aprèm !
(je fais du blabla pendant que mon cerveau cherche quoi dire d'intelligent ! :lol: )

D'abord, c'est super agréable de te lire... Ensuite j'aime bien l'idée de base de l'aventure que tu nous racontes.
Après, je suis un peu frustré parce que ça me fait un peu l'effet d'un résumé d'un roman (On ne peut pas vraiment appeler ça une nouvelle. Certains morceaux manqueraient d'intensité, pour ça.) beaucoup plus long (pas forcément 500 pages !!) qui nous ferait rentrer dans la problématique du royaume de Jarania et l'histoire personnelle d'Alynn... Faudrait peut-être y réfléchir ! ;)

Question qui me passe parla tête : tu as lu Les Aventuriers de la mer de Robin Hoob ? Je ne sais pas pourquoi, mais dans ma tête j'ai fait le lien entre les ambiances de ton histoire et de cette série... même si c'est très différent j'y ai pensé tout de suite. Difficile à définir.

En ce qui concerne plus ma spécialité, (tiens je suis invité le we prochain au Salon du livre de mer de Noirmoutier, venez me voir les voisins !) les grands voiliers et l'aventure maritime... Je dirais qu'il y a quelques problèmes de vocabulaire qui seraient facilement réglés. Tu n'as pas essayé d'écrire un roman maritime, bien sûr, mais une bonne vue sur la vie des marins, les manœuvres, le comportement du navire sur l'eau, le combat naval, le vocabulaire de base, apporterait un plus. Je peux peut-être t'aider là-dessus et te conseiller quelques sites ou bouquins... si tu as l'intention d'aller plus loin sur ce thème.

Donc, en résumé, tu as du talent, mais ça va un peu trop vite et je regrette de ne pas avoir eu le temps de me glisser voluptueusement dans un roman un peu plus étoffé. Mais (tant pis j'en rajoute une couche) c'est super agréable, fluide, sans fautes (génial !). Donc de donc ! Sarah, faut vraiment que tu te mettes au roman, le vrai qui sort direct des profondeurs de ton cerveau ! pas la fanfiction ! ;) Et qui un jour peut se retrouver publié !!

Tiens-moi au courant de tes projets...
vampiredelivres

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Re: Riptide [Aventure/Mer/Fantasy]

Message par vampiredelivres »

#louji
Waah, merci, tous ces compliments font vraiment chaud au cœur ! Contente que tu aies apprécié mes personnages... moi, j'ai adoré évoluer avec eux.
Au niveau des noms, je cherchais à faire des trucs classes, assez fluides, pour rester dans l'ambiance "elfique". Enfin, sauf pour l'Illaerys, où ça s'est vraiment imposé, comme nom de navire. À ce stade, je n'avais pas vraiment le choix, mon subconscient a dit « Ce sera Illaerys, et ne discute pas » ... :lol:
Breeef, merci beaucoup encore une fois d'être passée. À chaque fois, je me sens comme une idiote à aller faire de la pub... Faut croire que ça paie quand même, au bout du compte !
Je te garde dans mon répertoire pour de futures publications ;)

#Daniel
Alors déjà, un énorme merci, des commentaires d'auteur avéré, c'est vraiment top !
Ensuite, merci de relever les détails. Parce que moi-même, je me rends compte que ça peut faire très narratif à certains moments. Problème, je ne voulais pas trop m'étaler, mais en même temps situer le contexte politique de Jarania et Havana, qui reste dans mon esprit assez chargé et assez bordélique... :lol: Bref, j'ai peur d'avoir fait trop narratif à certains moments... qu'est-ce que tu en penses ?
Roman ? J'y réfléchirai, promis, mais j'ai un tout autre projet sur le feu pour l'instant. Ce qui me permet d'ailleurs de répondre à ton dernier paragraphe : roman, oui. J'y travaille. Jamais publié sur Booknode, mais en cours de première correction, actuellement. Cela dit, je ne me sens pas encore prête pour le publier. Il a besoin d'énormément de révisions, de travail complémentaire, et comme ça risque d'être un premier tome de série... Hum ! :lol:
Alors, non, je n'ai pas lu de Robin Hoob du tout, pour l'instant. Même si vu les avis qui fusent un peu partout, je sens qu'il faudrait sérieusement que je m'y mette. En fait, entre nous, j'ai été inspirée par quelque chose de totalement différent. La première scène d'Alice de l'Autre Côté du Miroir. Et à partir de là... mon imagination a ramené les pirates, les sirènes, et a transporté tout ce petit monde au pays des elfes.
Pour des sites/livres qui traitent de mer, je suis toujours preneuse, ça peut servir un jour ou l'autre.
Promis, je te tiens au courant ! Merci encore ! :)
louji

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Re: Riptide [Aventure/Mer/Fantasy]

Message par louji »

Pas de soucis, j'ai passé un très bon moment de lecture ! =)
Le rythme au niveau des descriptions, des dialogues et de l'action était bien géré :D

Oui, pour la pub je te comprends ! :lol: Je n'ose pas encore en faire (peut-être un jour...), mais, comme tu dis, c'est payant ;)
Puis après tu restes très polie et agréable dans ta démarche, pas comme certains... :roll: Donc, c'est avec plaisir que je reçois ce genre de pub/annonce !

Haha, Daniel, et oui, je t'ai doublé ;)
Je pensais aller te donner le lien de "Riptide" sur ton mur si vamp/Sarah (je me permets...?) n'était pas allée te le dire :D Je me disais "Woh, une nouvelle avec un thème sur les bateaux, la mer... Je sais à qui ça va plaire :mrgreen: "

Enfin, à très bientôt, j'espère pour d'autres nouvelles (ou romans... ;) )
Dernière modification par louji le jeu. 22 juin, 2017 1:07 pm, modifié 1 fois.
Roomsinside852456

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Re: Riptide [Aventure/Mer/Fantasy]

Message par Roomsinside852456 »

Tout d'abord, merci pour la publicité. C'est vraiment un plaisir de te lire encore. Et je ne dirais certainement pas non pour les prochaines pépites que tu écriras ;)

En ce qui concerne l'histoire en elle-même, je l'ai trouvé plutôt culottée. Bon je n'ai jamais vraiment lu de roman fantasy mais quand même, elfes et marins ? J'en ai pas beaucoup entendu parlé. De plus, j'ai réussi à me retrouver dans cette nouvelle parce qu'elle a des bases dans la réalité. Je ne sais comment expliquer ça vraiment mais dans la fantasy (en tout cas que j'ai lu), les auteurs sortent complètement de notre réalité. Donc on se retrouve avec un monde nouveau de À à Z auquel il faut s'habituer, des nouveaux objets qu'il faut connaître. Tu as su rester dans la modération au niveau de la fantasy et ça sonne juste car c'est une nouvelle et pour être happé dès le début, il faut se retrouvé dans l'environnement. Je ne sais pas si me suis bien fait comprendre mais en tout cas La partie fantasy (créatures fantastiques) et l'autre assez réaliste se marient bien. J'ai plongé tête La première (haha jeu de mot) dans ton histoire !

Ensuite, je commence à te connaître et je sentais venir les surprises et les coups de théâtre comme le capitaine pirate ou La trahison du cuisinier (c'est toujours ceux qu'on oublie qui sont faux).

Le rythme de la nouvelle est lente là où il faut (présentation des personnages, pose des bases, contexte ) et rapide dans les moments de grandes haleines (batailles). Grâce à cela, ton histoire m'a un peu fait pensé à un bâteau sur l'eau. Je me tenais sur ce navire avec cette capitaine elfe/sirène.

D'ailleurs parlons en des sirènes ! Pendant La lecture, je me disais que c'était bien beau des elfes marins et des pirates mais que comme ils sont en mer il fallait quand même utiliser le lieu et ce qu'il peut impliquer. Et pil à ce moment, des sirènes débarquent ! C'est fou mais tu as su répondre à un besoin du lecteur (Si je peux dire comme ça) pas avant ni après mais au moment où il fallait. Ça rajoute du piment à l'histoire. En plus tu fais le sacrifice de Tori ! Comment t'as pû? J'ai cru que j'allais pleuré parce que celle-là je l'ai adoré avant de l'avoir connue. C'est pas une blague, j'étais sur le point de pleurer ! M'enfin, c'était un super coup de fouet pour me tenir encore plus à l'histoire. Et puis je me suis dis que c'était pas possible que ça se finisse comme ça. D'ailleurs au moment où Zvaln sauvé Alynn et La princesse, j'ai vraiment cru que c'ètait Tori. Et ouais je suis optimiste même dans l'impossible. Mais ce qui lui est arrivé à la fin est encore plus cool 8-) D'ailleurs, je m'en doutais ou en tout cas j'espérais fort fort fort que les choses se déroulent comme ça.

Bref, en résumé, j'ai vraiment aimé cette petite aventure. Mais je rejoins DanielPagés pour dire que c'est un poil trop court. Dans le sens où, certains aspects des pesonnages qui ont été effleurés auraient mérité plus de détails. Je pense notemment au faite que La famille de Tori ait refusé qu'elle soit capitaine. On suppose qu'elle doit appartenir à l'aristocratie ou quelque chose comme ça. Elle ne peut donc pas trop se mettre en danger, en tout cas pas plus qu'elle ne l'est déjà en étant marin. Mais vraiment bravo, pour le rythme, La justesse, les personnages tous attachants car ils sont tous différents.
Je ne sais pas si ce pavé va t'aider en quoi que ce soit mais c'est ce que je retire de ma lecture sur le coup...peut-être qu'après, j'aurai d'autres choses à dire :lol: . Désolée je m'étale et c'est pas le but.
Des bisous
Dernière modification par Roomsinside852456 le ven. 23 juin, 2017 1:06 pm, modifié 1 fois.
vampiredelivres

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Re: Riptide [Aventure/Mer/Fantasy]

Message par vampiredelivres »

#louji
Il faut oser, parfois... surtout avec une belle histoire comme la tienne ^-^
Oui, vas-y pour le prénom, ça ne m'embête pas. Je me suis habituée au vamp', que j'aime bien, mais Sarah, ça passe aussi ;)
Merci beaucoup pour ton passage, en tout cas, et à bientôt pour la prochaine (déjà en cours d'écriture XD )

#Roomsinside
Heyy, merci d'être passée ! Je prends note pour les prochains textes, je penserai à toi :)
Ensuite, ouais, elfes et marins, ça se mêle rarement dans la fantasy, vu qu'on a tendance à voir les elfes comme des créatures de la forêt, avec toutes les légendes, les images, etc. En fait, de base, j'étais partie sur une histoire d'humains... puis j'ai changé d'avis en cours de route... et tous les humains se sont transformés en elfes !
Et, en ce qui concerne la base dans la réalité... j'ai hésité à changer les noms des navires, par exemple, en basculant dans un univers elfique alternatif, en me disant qu'on n'allait pas appeler un galion « galion » chez des elfes qui ne connaissent pas la culture humaine. Problème, si je faisais ça, je pouvais aussi me mettre à renommer tous les outils et ustensiles du quotidien, et là, ça devient très vite la galère. :? Donc j'ai préféré rester simple (et vu ton commentaire, je pense que ce n'est pas plus mal).
Haaa, j'aime bien les traîtres et les personnages-qui-sortent-de-nulle-part-mais-qui-ont-un-passé-commun-avec-le-héros. C'est plus ou moins ma spécialité. :mrgreen: (faut juste que je fasse gaffe, maintenant, à ce que ça ne devienne pas trop récurrent, et donc prévisible... Hum...)
Tori, je l'ai adorée dès que je l'ai pensée pour la première fois. Un personnage pas tellement habituel, moins charismatique qu'Alynn, mais tout aussi efficace et important, d'une certaine manière. Et son sacrifice... Une attaque de sirènes sans pertes, ça ne sonnait pas juste. Je me sentais plus ou moins obligée de faire perdre quelqu'un à Alynn. Et comme il était hors de question qu'elle lâche Valaya...
Et le côté figure masqué de Zvaln, c'était justement pour laisser le doute entre lui et Tori. :lol:
Merci, vraiment. Je prends note de tous les commentaires à propos de la longueur, des aspects effleurés. Si jamais ce texte revient un jour à la surface comme ébauche de roman, ou nouvelle plus longue, ce sont les premiers aspects que je travaillerai.
À une prochaine ^-^
Roomsinside852456

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Re: Riptide [Aventure/Mer/Fantasy]

Message par Roomsinside852456 »

Il n'y a pas de soucis vraiment ! Tu nous fais des histoires originales, j'adore !
Oui, ne t'inquiètes pas pour le vocabulaire "elfique" ou fantasy, vraiment pour une nouvelle, mieux vaut rester simple, avoir des bases solides. On est dans du connu, donc on se concentre moins sur les détails et plus sur les personnages et leurs aventures, leurs sentiments. Cependant Si tu comptes le mettre en roman, peut-être serait-il possible alors d'ajouter du vocabulaire typiquement "elfique"...
Ça ne fait que deux textes que je lis de toi, mais j'ai bien compris que les personnages "badass" et les retournements de situations, tu aime ça. ;)
Tori me fait un peu pensé à Bêta de ta nouvelle "n'oublies pas" ou un truc comme ça (désolée j'ai pas retenu :cry: ). Ils sont un soutien discret et silencieux pour le personnage principal.
Bise
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Re: Riptide [Aventure/Mer/Fantasy]

Message par ChloPlume »

Bonjour. Tout d'abord, cela ne me dérange pas que l'on se fasse de la pub sur ma page perso'. Donc pas de souci de ce côté.
Ensuite.
Tu écris bien. Très bien. Ton écriture est fluide et légère, avec une pointe d'emphase juste comme il faut pour mettre les événements importants en valeur. Je pense que tu peux encore progresser de ce point de vue-là, avec le temps. Mais tu as du talent.
Concernant ton histoire, pour la forme : on sent que tu connais le vocabulaire marin, du moins en partie, que tu sais comment se passe la vie des marins, des pirates, que tu as cherché des renseignements. Bref, c'est travaillé, cohérent et bien construit. Là encore, des progrès à faire, comme partout.
Concernant le fond. Bon sang. Bon sang ce que c'est bon ! Ton histoire me fait un peu penser à la saga des Aventuriers de la mer, en tout cas du peu que j'ai lu. C'est vraiment bien fait. Tu as une super histoire, tu la mènes avec brio.
Mais j'aurais aimé que tu t'attardes encore davantage sur la vie des marins. Sur le quotidien, par exemple, le repas, ou le nettoyage du pont, la réparation des voiles, ou ce genre de chose. Ou encore sur l'activité grouillante du port, le déchargement des marchandises qui donne toujours lieu à une grande activité. Cela aurait permit d'étoffer encore l'univers que tu dessines avec Valaya et le côté hybride de ton héroïne. Prend ton temps. Ton histoire n'en sera que meilleure.
Si tu écris la suite, préviens-moi. Il est hors de question que je manque ça.
vampiredelivres

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Re: Riptide [Aventure/Mer/Fantasy]

Message par vampiredelivres »

#Roomsinside
Merci, vraiment, ça fait très plaisir. :)
Si jamais je tourne ça en roman, peut-être... j'y penserai.
Ouiii, j'adore ce type de personnages assez forts, même si derrière, ils ont un passé qui n'est pas forcément simple. Et j'adore surtout ceux qui sont effacés, qu'on ne voit quasiment pas, mais qui demeurent des soutiens inébranlables pour le héros. Parce que, au bout du compte, un véritable héros n'est jamais totalement solitaire.
Breef, merci encore !

#ChloPlume
Coucou ! Merci d'être passée, d'avoir commenté, ça fait très plaisir !
Oui, effectivement, j'ai fait mes recherches – un minimum en tout cas – sur tout ce qui traite de la mer, des pirates, des bateaux... C'est sûr que ça demande encore du travail de fond, mais comme c'était une nouvelle et pas un gros roman, et que ce n'était au bout du compte pas totalement ce sur quoi je voulais concentrer l'histoire en entier, j'ai fait seulement le nécessaire.
Wah, merci ! Décidément, la référence avec les Aventuriers de la Mer revient... Je penserai à le lire.
Effectivement, si jamais ça devient un roman, il y a des points sur lesquels je m'attarderais plus, notamment ceux que tu as cités. Mais c'est comme pour Roomsinside ci-dessus, pour l'instant, je me cantonne aux nouvelles.
Mais en tout cas, merci, vraiment. :)
Mimori

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Re: Riptide [Aventure/Mer/Fantasy]

Message par Mimori »

Lecture très agréable, j'apprécie toujours beaucoup les récits de Fantasy qui s'aventurent sur les eaux troubles... J'ai tendance à fuir les nouvelles car elles ont le don de m'en faire vouloir plus, plus de détails et plus d'informations pour satisfaire mon insatiable curiosité, mais aussi plus de longueur, pour repousser le plus possible ce pincement de cœur quand on arrive déjà si vite à la fin.
Ton récit n'échappe pas à la règle : j'ai très vite été charmée par son contenu, même si je regrette un peu l'entrée en matière brusque et le manque de précision dont souffre parfois ce format, comme je l'ai expliqué plus haut. Dans tous les cas, ce qui compte le plus, c'est la qualité de ta plume, bel et bien présente. ;)
vampiredelivres

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Re: Riptide [Aventure/Mer/Fantasy]

Message par vampiredelivres »

#Mimori
Coucou !
Merci à toi de t'être aventurée sur les eaux troubles que sont celles de cette nouvelle. :) C'est vrai d'ailleurs que les nouvelles laissent souvent un arrière-goût de non-terminé. Pour ce qui est de l'entrée en matière brusque et du manque de précision, c'est quelque chose que je penserai à retravailler si je reviens un jour sur ce texte, puisqu'on me l'a signalé plusieurs fois.
En tout cas, merci beaucoup pour ta lecture et ton retour. Je suis très heureuse que ça t'ait plu !
À une prochaine fois peut-être... ;)
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