Poursuite dans la nuit [fantastique]

Postez ici tous vos écrits en une partie !
Répondre
Cannelle39

Profil sur Booknode

Messages : 8
http://tworzymyatmosfere.pl/poszewki-jedwabne-na-poduszki/
Inscription : ven. 12 août, 2016 1:52 pm

Poursuite dans la nuit [fantastique]

Message par Cannelle39 »

J'étais bien cachée dans les taillis, mais je respirais avec difficultés. L'air s'échappait de ma gorge avec des bruits rauques. J'essayais de me faire la plus petite possible, pour ne pas qu'elle me voit. Il faisait nuit, mais la lune presque pleine brillait comme un lampadaire dans un ciel sans nuage. A quelques mètres, un chêne dans la force de l'âge offrait une protection contre cet éclat. Je voulus alors profiter de la sécurité que procurerait sûrement ce colosse. Mais, trop occupée à ne pas m'exposer à la lumière de l'astre de la nuit, je piétinai des brindilles qui se cassèrent son mon poids. Dans le silence des ténèbres, j'eus l'impression que cela produisait un vacarme épouvantable, surpassant même les battements effrénés de mon cœur qui battaient à mes tempes.

Un bruissement d'étoffe me signala qu'elle s'approchait. Dans un brusque élan de panique, je me levai d'un bond et je me collai au tronc solide et réconfortant. Mais un oiseau s'envola tout près de moi, et je considérai ce départ comme un signe pour me prévenir des malheurs qui s'annonçaient. Une angoisse incommensurable me submergea, je pris mon courage à deux mains et je me mis à courir à travers les sous-bois. Derrière moi, je l'entendis accélérer aussi. J'entendais sa robe claquer au vent et son bâton heurter les arbres sur son passage.

Je ne voyais aucune trace d'activité humaine, seulement à perte de vue une forêt à l'état pur qui s'endormait peu à peu dans son doux sommeil hivernal. Donc impossible d'appeler au secours. Ma détresse s'amplifia et j'allongeai mes foulées. Je courus plus vite que je ne l'avais jamais fait auparavant ! J'esquivais les arbres, sautais par dessus les obstacles qui allais du petite cours d'eau à l'imposant chablis. Cette fois, je fus reconnaissante à la lune, elle illuminait mon chemin sans m'éclairer.

Je n'avais pas de chaussures, mais la vitesse me rendait insensible aux cailloux, brindilles et autres petites choses qui auraient dû m'écorcher les pieds. Après plusieurs minutes de course effrénée, je trouvai un rythme de croisière qui me permettrait de tenir aussi longtemps qu'il le faudrait. J'en oubliai presque celle qui me poursuivait. Mais tout à coup, la bonne odeur de forêt se changea en odeur mielleuse et trop suave pour être agréable. Elle m'avait rattrapée !

Malgré moi, je ne pus qu'accélérer, même si cela signifiait ne pas pouvoir tenir très longtemps. J'avais l'impression de voler plus que de courir. Quelle sensation ! J'aurais pu croire que j'étais dans un bulle hors du temps, que cette roue d'ordinaire impitoyable et inexorable avait fini par se figer, par m'octroyer un moment de répit. Ce sentiment aurait été celui d'une liberté immense, si seulement elle ne me poursuivait pas. Ce n'était pas que je ne l'aimais pas, je la respectais, mais je ne voulais pas lui obéir tout de suite. Juste pas maintenant. Je voulais faire autre chose avant. Mais tout d'abord, il fallait que je trouve la sortie de cette satanée forêt, encore fallait-il qu'il y en ait une...

Tout à coup, elle fut sur moi. Mon souffle se bloqua. Elle m'enveloppa de ses bras gigantesques avec une force surhumaine, m'empêchant tout mouvement. Pourtant, je me débattis avec tout le vigueur que je possédais encore, mais rien n'y fit. Je criais, hurlais et appelais vainement au secours. Mon cœur battait à tout rompre. Elle me maintenait les bras dans le dos, me faisait presque mal. Lentement, elle m'emmena à travers bois. Elle semblait suivre une route tout à fait définie : elle ne s'arrêtait jamais, contournait des bosquets et des arbres solitaires pour cheminer en ligne droite. Étrangement, ses enjambées ne produisaient aucun bruite, je ne les entendais pas.

Nous marchions ainsi depuis un temps qui me parut infini lorsque nous nous arrêtâmes enfin. La petite clairière était illuminée par la lune parfaitement dégagée. Elle me poussa alors à terre et je tombai à genoux dans l'herbe haute. Je me retournai vivement et je la vis réellement pour la première fois. Je retins ma respiration et l'observai à la dérobée. Je n'arrivais pas à distinguer ses yeux. Toute ma vie, j'avais entendu parler d'elle. Toute ma vie, sa présence avait hanté mes nuits. Cette nuit-là, je me tenais devant elle et, pourtant, je ne ressentais plus aucune peur. Elle était presque majestueuse, toute de noir vêtue pour se fondre dans l'obscurité, et son étrange bâton lui faisait comme un sceptre royal. Elle me dominait de toute sa hauteur, me regardait d'un air dédaigneux et hautain, sûre d'elle et de ce qu'elle allait faire. Je pris une grande inspiration et j'expirai très lentement. Finalement, j'étais résignée ; je n'avais de toute manière aucune autre issue. J'étais prête à offrir ma vie à cette impératrice. Elle ne me laissa pas le choix : sans prévenir, elle bondit sur moi, m'enveloppant de son grand manteau noir. Instantanément, la douceur et les odeurs agréables des sous bois s'envolèrent et furent remplacés par le froid et l'absence de toutes autres sensations. Je sentis que je bougeai, que je changeai d'endroit, mais c'était plus une impression qu'une sensation à proprement parler.

Et ce fut tout.
vampiredelivres

Profil sur Booknode

Messages : 2887
Inscription : dim. 03 févr., 2013 3:54 pm

Re: Poursuite dans la nuit [fantastique]

Message par vampiredelivres »

Hello !

Preums à commenter, sur un texte comme celui-ci, ça fait plaisir :lol:

J'ai beaucoup apprécié cette nouvelle. Déjà, j'ai été très intriguée par le titre, ce qui m'a en fait poussée à venir ici. Parce que ça donne directement le ton, et ensuite, parce que c'est du fantasy, et que moi et le fantasy...
Bref.
Ton texte est bien écrit, fluide, ça s'enchaîne bien. Les descriptions sont bien faites, idem pour l'action. Pas de dialogue, mais ce n'est pas dérangeant. Il y a aussi quelques fautes, quelques incohérences, quelques tournures de phrase un peu bizarres, pas dans le rythme, mais globalement, ça reste très bon.
J'aime surtout le fait que, malgré quelques impressions, on ne sache pas qui est cette impératrice. On ne sait pas ce qu'elle veut, pourquoi elle poursuit la narratrice... Mais c'est intéressant, parce que ça laisse vraiment libre cours à l'imagination du lecteur.

Il y aurait des petites retouches à faire, quelques corrections à apporter. Mais sinon, c'est très bien. :)
Si tu postes quelque chose d'autre, n'hésite pas à me prévenir ^-^
vamp'
Cannelle39

Profil sur Booknode

Messages : 8
Inscription : ven. 12 août, 2016 1:52 pm

Re: Poursuite dans la nuit [fantastique]

Message par Cannelle39 »

vampiredelivres, merci beaucoup pour tes compliments et surtout de m'avoir dit ce que tu en penses ! ^^ En fait, c'est une réécriture d'une nouvelle dont on m'avait signalé les défauts (on me reprochait surtout des erreurs de rythme) mais personnellement, je préfère quand même la version initiale. En tout cas, j'essaierai de retoucher ce texte-là ! ;)
Cannelle39

Profil sur Booknode

Messages : 8
Inscription : ven. 12 août, 2016 1:52 pm

Re: Poursuite dans la nuit [fantastique] (version initiale)

Message par Cannelle39 »

Voilà la version initiale de la nouvelle "Poursuite dans la nuit". Dîtes-moi ce que vous en pensez et surtout quelle version est la meilleure !

J’étais bien cachée dans les taillis, mais je respirais avec difficulté. L’air s’échappait de ma gorge avec des bruits rauques. Malgré cela, j’essayais de me faire la plus petite possible, pour ne pas qu’elle me voit. Il faisait nuit, mais la lune presque pleine brillait comme un lampadaire dans un ciel sans nuage. Je voulu me déplacer vers la droite pour atteindre le large tronc d’un chêne dans la force de l’âge, mais, trop occupée à ne pas m’exposer à la lumière de l’astre de la nuit, je piétinai des brindilles qui se cassèrent sous mon poids. Dans le silence des ténèbres, j’eus l’impression que cela produisit un vacarme épouvantable, surpassant même les battements effrénés de mon cœur qui battaient à mes tempes.
Un bruissement d’étoffe me signala qu’elle s’approchait. Dans un brusque élan de panique, je me levai d’un bond et je me collai au tronc solide et réconfortant. Mais un oiseau prit son envol tout près de moi, et je pris ça comme un signe pour me prévenir des malheurs qui s’annonçaient. Prise d’une angoisse incommensurable, je pris mon courage à deux mains et je me mis à courir à travers les sous-bois. Derrière moi, je l’entendis accélérer aussi. J’entendais sa robe claquer au vent et son bâton heurter les arbres sur son passage. Je courus plus vite que je ne l’avais jamais fait auparavant ! J’esquivais les arbres, sautais par dessus les obstacles tels que des cours d’eau ou des chablis. Cette fois, je fus reconnaissante à la lune, elle éclairait mon chemin sans trop m’éclairer.
Je ne voyais aucune trace d’activité humaine, seulement à perte de vue une forêt à l’état pur qui s’endormait peu à peu pour son doux sommeil hivernal. Pourtant, je n’avais pas froid. La course me faisait transpirer et, curieusement, je trouvais le vent d’une chaleur agréable alors qu’il aurait dû être glacial, à cette période de l’année et surtout à cette heure. Je n’avais pas de chaussures, mais j’étais insensible aux cailloux, brindilles et autres petites choses qui auraient dû m’écorcher les pieds. Tout comme je ne paraissais pas affectée par mon cœur réfractaire et ses respirations désordonnées. Après plusieurs minutes de course effrénée, je trouvai un rythme de croisière qui me permettrait de tenir aussi longtemps qu’il le faudrait. Quelle sensation ! J’en oubliai presque celle qui me pourchassait. J’avais l’impression d’être dans une bulle hors du temps, que cette roue d’ordinaire impitoyable et inexorable avait fini par se figer, par m’octroyer un moment de répit. Mais tout à coup, la bonne odeur de forêt se changea en odeur mielleuse et trop suave pour être agréable. Elle m’avait rattrapé !
Malgré moi, je ne pus qu’accélérer, même si cela signifiait ne pas pouvoir tenir très longtemps. J’avais l’impression de voler plus que de courir. Ça aurait été une impression de liberté immense, si seulement elle ne me poursuivait pas. Ce n’était pas que je ne l’aimais pas, je la respectais, mais je ne voulais pas lui obéir tout de suite. Juste pas maintenant. Je voulais faire autre chose avant. Mais tout d’abord, il fallait que je trouve la sortie de cette satanée forêt, encore fallait-il qu’elle en ait une…
Tout à coup, elle fut sur moi. Elle m’enveloppa de ses bras gigantesques avec une force surhumaine, m’empêchant tout mouvement. Pourtant, je me débattis avec toute la vigueur que je possédais encore, mais rien n’y fit. Je criais, hurlais et appelais au secours. En revanche, je n’entendis pas un mot, même pas un son, sortir de sa bouche. Elle me maintenait les bras dans le dos, me faisant presque mal. Lentement, elle m’emmena à travers bois, sans suivre de chemin défini : elle contournait un petit bouquet d’arbres par la droite pour ensuite marcher plus d’une dizaine de mètres vers la gauche, elle sinuait entre les sapins, elle fit même demi tour, pour finalement revenir sur ses pas. D’ailleurs, étrangement, ses enjambées ne produisaient aucun bruit, je ne les entendais pas. Nous marchions ainsi depuis un temps qui me parut infini lorsque nous nous arrêtâmes enfin dans une petite clairière illuminée par la lune parfaitement dégagée. Elle me poussa alors à terre et je tombai à genoux dans l’herbe haute. Je me retournai vivement et je la vis réellement pour la première fois. Toute ma vie, j’avais entendue parler d’elle. Toute ma vie, sa présence avait hanté mes nuits. Cette nuit-là, je me tenais devant elle et, pourtant, je ne ressentais aucune peur. Elle était presque majestueuse, toute de noir vêtue pour se fondre dans l’obscurité, et son étrange bâton lui faisait comme un sceptre royal. Elle me dominait de toute sa hauteur, me regardant d’un air dédaigneux et hautain, sûre d’elle et de ce qu’elle allait faire. Moi, finalement, j’étais résignée. J’étais prête à offrir ma vie à cette impératrice. De toute façon, elle ne me laissa pas le choix : sans prévenir, elle bondit sur moi, m’enveloppant de son grand manteau noir. Instantanément, la douceur et les odeurs agréables des sous bois s’envolèrent et furent remplacés par le froid et l’absence d’autres sensations. Je sentis que je bougeai d’endroit, mais c’était plus une impression qu’une sensation à proprement parler. Et ce fut tout.

Je l’appris plus tard mais, en réalité, j’étais restée allongée sur mon lit d’hôpital, en pleine hallucination dans une chambre d’un blanc immaculé, entourée de divers instruments médicaux colorés et bipant joyeusement. C’est en ce doux samedi après-midi que la Mort décida de m’emporter, de m’arracher à la vie, qui pourtant avait été si courte dans mon cas. Les machines n’y purent rien lorsque je poussai mon dernier soupir, lorsque j’expirai pour la toute dernière fois l’air qu’elles m’avaient aidé à inspirer. La Mort prenait ma vie de force, insensible à mes vains efforts de lutte contre la maladie.
Dernière modification par Cannelle39 le sam. 30 sept., 2017 6:41 pm, modifié 1 fois.
vampiredelivres

Profil sur Booknode

Messages : 2887
Inscription : dim. 03 févr., 2013 3:54 pm

Re: Poursuite dans la nuit [fantastique]

Message par vampiredelivres »

Hello !
Honnêtement, je préfère de loin cette version. Le découpage des paragraphes me paraît déjà beaucoup plus logique... Mais surtout, la fin *-*
La fin est déjà beaucoup plus compréhensible, et on se rend compte que toute la première partie du texte est en fait une sorte de grande métaphore filée, très bien écrite. Et il y a une phrase qui me plaît vraiment, qui a beaucoup plus de sens, dans cette version initiale, c'est celle-ci : « Ce n’était pas que je ne l’aimais pas, je la respectais, mais je ne voulais pas lui obéir tout de suite. Juste pas maintenant. Je voulais faire autre chose avant. » Quand on lit la fin, on comprend, on revient dessus, et c'est ce moment où on re-regarde, avec une tête comme ça : :shock: :o
J'ai juste une question, plus rhétorique qu'autre chose, mais qui pourrait peut-être être creusée... La narratrice dit « Je l’appris plus tard mais... », elle explique sa situation au moment où toute cette – fausse – poursuite se déroulait. Mais en fait, puisqu'elle est morte... Comment elle a pu l'apprendre ? Est-ce que tu supposes qu'il y a un monde après la mort, et qu'en mourant, tu vois ce qui arrivait à ton corps dans ses derniers instants ?
Mais là, ça part vraiment en question philosophique, et tu n'es absolument pas obligée de me répondre. ;)
En tout cas, félicitations, vraiment, pour la qualité de ce texte ^-^
vamp'
Cannelle39

Profil sur Booknode

Messages : 8
Inscription : ven. 12 août, 2016 1:52 pm

Re: Poursuite dans la nuit [fantastique]

Message par Cannelle39 »

Coucou vampiredelivres !
Merci beaucoup pour ton avis très complet ^^ (et pour tes compliments ! ;) )
En fait, j'ai écrit ce texte presque d'une traite (avec bien sûr des retouches après), mais la fin m'est venue naturellement à l'esprit. Pour moi, cette nouvelle pourrait presque faire partie d'un texte plus grand, dans lequel elle pourrait être tout au début comme tout à la fin.
Comme je l'ai indiqué dans le titre, ce texte est à mon avis à la lisière entre le fantastique et le réel : réel puisqu'elle meurt de maladie, et fantastique avec la personnification de la Mort et le fait que l'héroïne parle après avoir trépassé. Mais j'aurais du mal à te dire comment elle l'apprend exactement ! C'est à chaque lecteur d'imaginer par lui-même comment elle l'a appris, comme ça chaque lecteur lira une histoire différente avec le même texte de départ ! D'ailleurs, à mon sens, chaque lecture est une création puisque chaque lecteur voit l'histoire différemment en fonction de son expérience vécue, de ses précédentes lectures, de ses propres définitions des mots... Je trouve ça génial ! ^^
Cannelle39
Chiron52

Profil sur Booknode

Messages : 443
Inscription : jeu. 05 mai, 2016 9:42 pm

Re: Poursuite dans la nuit [fantastique]

Message par Chiron52 »

Salut ! Ce matin j'étais sur Booknode, dans cette catégorie pour poster un de mes textes.Et j'ai cliqué sur le tien parce que ton titre correspondait parfaitement à l'histoire que je voulais poster. Et au final, l'histoire aussi correspond,sauf qu'il n'y a pas la personnification de la Mort, etc...(en fait, peut-être qu'en cherchant bien...)Je ne regrette pas d'avoir cliqué ! Ton texte est super bien écrit, j'ai été plongée dedans dès le premier paragraphe ! J'ai beaucoup aimé, c'est super bien écrit, rythmé... magnifique ! Je n'ai pas vraiment de critique à faire, si ce n'est que j'ai adoré. Bravo !
boscos

Profil sur Booknode

Messages : 343
Inscription : lun. 15 nov., 2010 8:04 am

Re: Poursuite dans la nuit [fantastique]

Message par boscos »

salutation , juste pour t'indiquer que moi aussi j'ai bien apprécié ce texte.
Je ne trouve pas le rythme mauvais dans le second texte . Des phrases un peu longue qui comme pas trop a un situation de panique/stress mais ce n'est pas choquant.
Je préfère cependant la première au point de vu matière car le fait qu'elle l'apprenne" plus tard " me dérange .
Après comme tu l'as expliqué , cela peut introduire et conclure un récit plus grand :)
Bref , pas mal du tout
Fait moi signe si tu postes d'autre choses, je lirais avec plaisir .

B/L
Cannelle39

Profil sur Booknode

Messages : 8
Inscription : ven. 12 août, 2016 1:52 pm

Re: Poursuite dans la nuit [fantastique] (version finale)

Message par Cannelle39 »

Voici la version finale de ce texte ! :D

J’étais bien cachée dans les taillis, mais je respirais avec difficulté. L’air s’échappait de ma gorge avec des bruits rauques. J’essayais de me faire la plus petite possible, pour qu’elle ne me voie pas. Il faisait nuit, mais la lune presque pleine brillait comme un lampadaire dans un ciel sans nuage. A quelques mètres, un chêne dans la force de l'âge offrait une protection contre cet éclat, d’un blanc froid et oppressant qui me mettait mal à l’aise. Je voulus alors profiter de la sécurité que procurerait sûrement ce colosse. Mais, trop occupée à éviter la lumière de l’astre de la nuit, je piétinai des brindilles qui se cassèrent sous mon poids. On aurait dit le déchirement de la fin du monde, quelque chose qui venait de se briser définitivement, une fêlure irrévocable. Dans le silence des ténèbres, j’eus l’impression d’un vacarme épouvantable, surpassant même les battements effrénés de mon cœur qui martelaient mes tempes.
Un bruissement d’étoffe me signala qu’elle s’approchait. Dans un brusque élan de panique, je me levai d’un bond et je me collai au tronc solide et réconfortant. Soudain, un oiseau prit son envol tout près de moi. Lorsqu’il s’élança, des voix jaillirent autour de moi, inquiètes et précipitées. Avec elles apparut une impression dérangeante, comme si leurs propriétaires me toisaient et m’observaient d’en haut, sans que je puisse les voir. Une angoisse incommensurable me submergea. Je rassemblai tout mon courage et me mis à courir à travers les sous-bois. Derrière moi, je l’entendis accélérer aussi. J’entendais sa robe claquer au vent et son bâton heurter les arbres sur son passage.
Je ne voyais aucune trace d’activité humaine, aucune lumière artificielle. Impossible d’appeler au secours. Seulement à perte de vue une forêt à l’état sauvage qui s’endormait peu à peu pour son doux sommeil hivernal. Les arbres pleuraient leurs couleurs flamboyantes, du rouge et du orange qui recouvraient le sol d’un manteau chaleureux. De toutes parts, les bruits des animaux nocturnes affairés dans leur routine m’encerclaient. Ma détresse s’amplifia, et j’allongeai mes foulées. Je courus plus vite que je ne l’avais jamais fait auparavant ! J’esquivais les arbres, sautais par dessus les obstacles, des cours d’eau ou des chablis. Heureusement, ma robe informe avait au moins l’avantage d’être assez courte pour ne pas me gêner dans ces folles acrobaties. Cette fois, je fus reconnaissante à la lune, elle dessinait mon chemin sans trop m’éclairer. Je n’avais pas de chaussures, mais j’étais insensible aux pierres et aux brindilles. Tout comme je ne paraissais pas affectée par mon cœur réfractaire et ses respirations désordonnées. Après plusieurs minutes de course effrénée, je trouvai un rythme de croisière qui me permettrait de tenir aussi longtemps qu’il le faudrait. J’en oubliais presque celle qui me pourchassait. Mais tout à coup, la bonne odeur de forêt se changea en odeur mielleuse et trop suave pour être agréable. Elle se rapprochait encore !
Malgré moi, je ne pus qu’accélérer, même si cela signifiait ne pas pouvoir tenir très longtemps. Je volais plus que je ne courais. Quelle sensation ! J’avais l’impression d’être dans une bulle hors du temps, que cette roue d’ordinaire impitoyable et inexorable avait fini par se figer, par m’octroyer un moment de répit. Ce sentiment aurait été celui d’une impression de liberté immense, si seulement elle ne me poursuivait pas. Ce n’était pas que je ne l’aimais pas – je la respectais – mais je ne voulais pas lui obéir tout de suite. Juste pas maintenant. Je voulais faire autre chose avant. Mais tout d’abord, il fallait que je trouve la sortie de cette satanée forêt, encore fallait-il qu’il y en ait une…
Tout à coup, elle fut sur moi. Ça y est, c’en était fini. Mon souffle se bloqua. Elle m’enveloppa de ses bras gigantesques avec une force surhumaine, m’empêchant tout mouvement. Je me débattis avec toute la vigueur que je possédais encore, mais rien n’y fit. Je criais, je hurlais, j’appelais au secours. En revanche, je n’entendis pas un mot, pas même un son, sortir de sa bouche. Mon cœur battait à tout rompre. Elle me maintenait les bras dans le dos, elle me faisait presque mal. Lentement, elle m’emmena à travers bois. Elle semblait suivre une route tout à fait définie : elle ne s'arrêtait jamais, contournait des bosquets et des arbres solitaires pour cheminer toujours dans la même direction. Étrangement, ses enjambées ne provoquaient aucun bruit, je ne les entendais pas. Par contre, comme j’avais ralenti, les multiples échos de la forêt m’emplissaient les oreilles. Au loin, j’entendais distinctement le clapotement des gouttes d’eau qui tombaient à intervalle régulier, presque aussi bien réglé que du papier à musique allegretto. Parfois, un courant d’air passait et, quelle qu’en fût son origine, son odeur entêtante me faisait frissonner de dégoût. Elle me rappelait la lumière bienveillante mais si froide de la lune.
Nous marchions ainsi depuis un temps qui me parut infini lorsque nous nous arrêtâmes enfin dans une petite clairière illuminée par la lune parfaitement dégagée. Tout à coup, sans prévenir, elle me lâcha et recula. Je me retournai vivement et je la vis réellement pour la première fois. Je retins ma respiration et l’observai à la dérobée. Toute ma vie, j’avais entendu parler d’elle. Toute ma vie, sa présence avait hanté mes nuits. Cette nuit-là, je me tenais devant elle et, pourtant, je ne ressentais plus aucune peur. Elle était presque majestueuse, toute de noir vêtue pour se fondre dans l’obscurité, et son étrange bâton comme un sceptre royal. Elle me dominait de toute sa hauteur, me regardant d’un air dédaigneux et hautain, sûre d’elle et de ce qu’elle allait faire. Je pris une grande inspiration et j'expirai très lentement. Finalement, j'étais résignée ; je n'avais de toute manière aucune autre issue. J’étais prête à offrir ma vie à cette impératrice. Mais elle ne me laissa pas le choix : soudain, elle bondit sur moi, m’enveloppant de son grand manteau noir. Instantanément, la douceur et les odeurs agréables des sous bois s’envolèrent et furent remplacées par le froid et l’absence d’autres sensations. Je sentis que je changeais d’endroit, mais c’était plus une impression qu’une sensation à proprement parler. Le clapotis régulier et apaisant des gouttes d’eau cessa.
Et ce fut tout.


Bip-bip-bip-bip-biiiiiiiiiiiiiip…


« Heure du décès : 16 heures 22. Allez prévenir la famille.
— Oui, Docteur. »
Charmimnachirachiva

Profil sur Booknode

Messages : 515
Inscription : lun. 30 avr., 2018 6:22 pm

Re: Poursuite dans la nuit [fantastique]

Message par Charmimnachirachiva »

Fascinante, il y a des histoires où une fois que tu as commencé tu ne peux plus t'arrêter, celle la en fait partie, si je doit mettre un défaut ( et encore, il faut chipoté et creusé très très loin ) peut-être décrir avec un peu plus de détails l' Impératrice, mais après ces mon avis perso et surtout, surtout c'est génial, véritablement !! :D :D :D :D :D
Charmimnachirachiva

Profil sur Booknode

Messages : 515
Inscription : lun. 30 avr., 2018 6:22 pm

Re: Poursuite dans la nuit [fantastique]

Message par Charmimnachirachiva »

Je préfère de loin la dernière, plus accrochant, mais toutes sont trop bien ( alors la dernière tu imagines ...) ;) !
Répondre

Revenir à « Autres textes en une partie »