Frayeur

[Aro46]

L'été touche à sa fin, l'automne installe doucement ses belles couleurs et ses odeurs. Les chants d'oiseaux se mêlent aux bruissements des feuilles mortes sous les pas insouciants de Léo. C'est la fin de la journée, le soleil éclaire les quelques feuilles accrochées aux arbres de ses rayons lumineux. Cela fait sourire Léo. Il est heureux de voir la nature lui offrir ce magnifique tableau. Le chemin est comme un serpent, il y a beaucoup de tournants et le jeune garçon ne sait jamais ce qu'il va trouver lorsqu'il aura passé le virage ... Soudain, alors qu'il écoute tranquillement les oiseaux, tout devient calme. Trop calme même. Cela est étrange. Les petits sifflements se sont arrêtés, tout comme les pas de Léo qui se demande ce qu'il se passe. Les feuilles perdent leur éclat d'un seul coup, tout devient sombre. Puis la surprise s'empare du jeune garçon lorsque, devant ses yeux, se dessine progressivement une silhouette : un homme, grand, très grand même, tenant quelque chose dans ses larges et grandes mains. Léo se retourne et se met à courir. Cette silhouette ne le rassure pas. Il court mais ne voit rien. La faible obscurité qui était apparue est maintenant présente dans toute la forêt. La seule lueur, le seul signe de vie, c'est cet homme, cette mystérieuse silhouette qui a surgi devant lui, comme par magie. Léo veut rentrer chez lui mais sa curiosité l'emporte sur tout le reste et il se retrouve malgré lui à revenir sur ses pas. L'homme n'a pas bougé. Le jeune garçon, voulant rester le plus discret possible, se faufile lentement derrière un chêne. De là, il peut voir sans être vu, il en est certain. Il se met donc à observer, non plus la silhouette mais l'homme en chair et en os. Léo est surpris lorsqu'il découvre que l'immense personnage est vieux, très vieux même. Ses longs et hirsutes cheveux sont gris, ses bras et ses jambes paraissent fragiles, comme s'il pouvait s'effondrer à tout moment. Cette petite surprise passée, il remarque une étrange forme qui doit sûrement être une épaule. Elle a un aspect nuageux et cela contraste alors avec le reste du personnage. Léo n'est absolument pas rassuré car cela donne à l'homme un aspect fantomatique, le fait douter sur la présence du vieil homme. Léo dirige son regard vers le visage de l'homme. Il a les yeux écarquillés et regarde devant lui l'endroit où, quelques minutes plus tôt, se tenait le garçon. Léo a l'impression que lui, petit garçon innocent, a surpris le vieil homme dans ce qu'il était en train de faire alors que c'est cet étrange homme qui est apparu devant lui. Léo voit qu'il a également la bouche grande ouverte et se rappelle alors que lorsque la silhouette est apparue, le vieil homme tenait quelque chose. Le regard du petit garçon descend de quelques centimètres et là, le dégoût s'empare de lui : un corps, inerte, est en train d'être dévoré par le vieil homme. Ce corps a l'air d'avoir appartenu à un petit garçon qui devait sûrement avoir l'âge de Léo. Le jeune garçon se demande comment un homme peut réussir à manger un petit garçon sans se sentir coupable, gêné.
Un long et aigu sifflement tire Léo de ses pensées. Le petit garçon était tellement absorbé par l'observation de cet étrange homme qu'il n'avait pas prêté attention aux bruits qui l'entouraient. Ce sifflement se rapproche rapidement, soulevant les feuilles et les faisant tourbillonner, offrant à Léo un magnifique spectacle. Le vent arrive vite et l'homme et l'enfant se dissipent dans un souffle comme le brouillard.

[Aro46]

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