We come to fight [Mariage/Richesse/Huis-clos]

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vampiredelivres

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We come to fight [Mariage/Richesse/Huis-clos]

Message par vampiredelivres »

Hey hey, me revoilà !
Parce que, oui, j'adore toujours autant écrire des textes courts, celui-ci bien plus que les précédents. Je tiens cela dit à prévenir, aucune relecture (littéralement), écrit à trois heures du mat' sur un coup d'inspiration… Mais, bizarrement, je l'aime beaucoup. :mrgreen:
Si jamais ça vous tente, la chanson qui m'a servie de fond sonore durant toute l'écriture. Pas tant pour les paroles que pour le rythme… enfin, remarque…
Commentaires, remarques, critiques, coquilles repérées… tout avis est le bienvenu ! Bonne lecture :)



◊ We come to fight ◊


Murs beiges, boiseries et dorures. Rideaux bruns et vue sur la ville, lumières tamisées et carrelage brillant. Lit double encore fait, parfaitement arrangé, verres en cristal et champagne hors de prix sur la table basse. Ce sera notre décor, ce soir comme un autre, ce sera notre théâtre.
Les sourires des employés nous accueillent. Ils savent qui nous sommes, ils n’ont pas besoin de nous demander s’ils peuvent nous aider. Ils prennent nos bagages à la sortie du taxi, nous tiennent les portes, nous accompagnent directement à notre étage. Nous montrent les lieux importants au passage. Le lobby, le restaurant. La réception, même si nous n’y passerons qu’une fois, et tu sais déjà pourquoi.
Comme souvent, tu hoches la tête, tu complimentes sur la beauté du lieu. Tu es agréable, polie, souriante. Tu tiens ton rôle, tu le joues à merveille. Même si, au fond, ce n’est pas un rôle. Au fond, alors que personne ne le voit, tu t’extasies, encore et toujours. Certes, tu t’es habituée à ce confort. Tu t’es habituée à ce luxe. Ce qui ne veut pas dire que l’enfant en toi ne s’émerveille pas. Mais tu l’enterres, profondément. Tu sais exactement ce que tu veux, tu ne peux pas te permettre ces enfantillages. Alors tu te composes une façade.
Comme moi.
Je me contente de regarder. Je ne parle pas. J’admire les lieux, j’attends déjà le moment où nous partirons. Où sera-ce, la prochaine fois ? Un autre endroit, tout aussi richement décoré, tout aussi parfait, en surface. Bahamas ? Shanghai ? Peu importe, au fond, le lieu me rappellera toujours la première fois où nous nous sommes rencontrés. Il me rappellera toujours notre maison actuelle, son balcon avec vue sur mer, ses murs parfaitement blancs, ses jardins si bien entretenus.
D’une certaine manière, c’est un anniversaire, et tu le sais. Nous célébrons notre rencontre, nous célébrons notre mariage. Nous célébrons cette alliance étincelante à mon annulaire, ce diamant enfermé dans sa prison d’or blanc au tien. Nous célébrons nos chaînes, notre façade parfaite. Tu aimes ces instants, tout comme moi. Ces instants où nous découvrons notre nouveau terrain de jeu, où nous visualisons tous deux toutes les folies que nous pouvons y faire. Où nous devinons déjà les réactions des employés, des autres invités. La sécurité est déjà engagée, elle tiendra la presse à distance. C’est elle qui interviendra, probablement.
Tu aimes ces habitudes. Cette petite routine, rodée, qui apporte pourtant toujours avec elle quelque chose de nouveau. Il y a toujours un petit élément qui change, par rapport à la fois précédente, et tu aimes ça. Tu le cherches. Tout comme moi. C’est la guerre à celui qui le trouvera en premier. À celui qui devinera. Nous aimons tous les deux ce jeu.
Après tout, qui n’aime pas le calme avant la tempête ?

Les claquements de tes talons s’étouffent sur la moquette rouge de l’ascenseur. Tout en dorures, là encore, de grands miroirs, dans lesquels j’ai l’occasion d’admirer ton maquillage parfait. Discret, élégant. D’ici deux heures, il aura un peu changé. Toi, tu souris, tu admires mon costume taillé sur mesure, que tu n’as pas encore eu l’occasion de voir. Nos voitures sont arrivées en même temps, nous avons atterri presque à la même heure à l’aéroport. Tu viens de… Berne ? Berlin ? Paris ? Londres ? J’arrive de… Rio ? Mexico ? Santiago ? Sydney ?
Qu’importe le point de départ, si nous savons tous deux où nous allons ?
Je te souris, te réponds que je l’ai fait en dernière minute. Qu’ils ont failli ne pas le finir. Je te demande comment tu vas, pendant que l’employé détourne poliment la tête et fait semblant de ne pas écouter notre conversation. Pas que ça importe, de toute façon. Tu me réponds que les maquettes n’ont pas été terminées à temps. Que tu ne regrettes pas de t’être déplacée en personne malgré tout. Tu as pu voir le site de tes yeux, tu as aimé la vue. Tu as eu de nouvelles idées. Nous échangeons des banalités, nous parlons de nos enfants. Oui, nous avons tous deux eu de leurs nouvelles. Elle a réussi ses examens de fin de semestre haut la main, elle vient d’avoir ses résultats. Elle peut poursuivre. Sa meilleure amie a échoué, mais il y a les rattrapages, donc elle lui a proposé de l’aide. Lui vient de rencontrer une jeune fille qu’il apprécie déjà beaucoup. Il hésite à l’inviter à prendre un café. Je lui ai dit que c’est une excellente idée, tu lui as dit qu’un verre serait peut-être plus adapté, vu leurs âges respectifs. Nous nous mettons d'accord qu’un café, puis un verre à la soirée suivante, n’est pas une mauvaise idée.
La porte de notre chambre apparaît à l’horizon, l’employé nous tend une carte magnétique à chacun, nous informe que nos bagages arriveront d’ici une ou deux minutes. Il nous souhaite une bonne soirée, nous dit qu’il nous verra probablement au dîner. Nous le remercions, il s’éloigne. Après un regard, j’utilise ma clé, te tiens la porte. Tu ris, inaugures le terrain de jeu d’un cliquetis de stilettos rythmé. Je te suis du regard, me glisse derrière toi, ferme la porte.
Première direction, les toilettes. Je te vois vérifier ton maquillage, te laver les mains. Je me débarrasse de ma veste, récupère le manteau que tu as négligemment jeté sur une chaise, le range dans l’armoire, enlève mes chaussures.
Quand tu ressors, tes cheveux auparavant attachés cascadent sur tes épaules. Tu t’assois sur le lit, ôtes tes talons aiguilles à ton tour, me regardes avec ce sourire en coin que j’aime tant. Nous savons déjà où ça mène, il suffit de nous regarder pour le voir. Une étincelle dans tes yeux, une flamme dans les miens. Je nous sers une flûte de ce champagne gentiment laissé à notre attention. Nous trinquons, « à nous deux ». À ton succès, au mien. À nos enfants qui grandissent. À ces promesses réalisées, à ces objectifs achevés.
Après le premier verre viennent les souvenirs. De simples échos, des évocations discrètes. Tu te rappelles tes années de collège, où tu aurais rêvé d’une telle vie. Je me rappelle des miennes, passées dans l’ombre d’un père abusif. Tes amies, mes combats. Ma bourse, dans une prestigieuse université. Tes parents qui refusent de te financer, au début. Nos déboires à chacun, nos petites batailles personnelles, livrées avec acharnement. Notre rencontre, totalement fortuite, un jour comme un autre, dans un café. Cliché vivants que nous sommes, mais pas totalement. Ton chocolat sur ma chemise, mon latte sur ta jupe. Grognements mutuels, remarques acides qui fusent. Déjà à l’époque, l’orage gronde.
Et puis, un simple regard, et nous éclatons tous les deux de rire. Ici, maintenant, comme là-bas, dans ce café, vingt ans en arrière. Je te propose de te repayer un chocolat. Tu acceptes, devines le latte qui a fui de mon propre gobelet, me l’achètes spontanément. Nous nous asseyons, même si nous sommes tous les deux pressés. Nous ne parlons pas de nos vies, mais nous parlons de nos rêves. Nous savons que nous ne nous reverrons peut-être jamais, à moins de le vouloir.
Tu me racontes, je te raconte. Et, narquois et sarcastiques, nous nous mettons d’accord. Si, dans cinq ou dix ans, nous en sommes là où nous voudrions être, nous nous prenons une nuit, ensemble, dans un hôtel.
Ce jour-là, cette promesse paraît totalement absurde.
Nous nous retrouvons, une demi douzaine d’années plus tard, à une fête d’inauguration de bâtiment. Tu l’as dessiné, je l’ai financé. Comme la fois précédente, le contenu de nos verres finit sur les vêtements de l’autre. Une bonne excuse pour les enlever, à l’abri d’une petite chambre discrète. Discrète, mais déjà luxueuse, à l’époque.
À partir de là, les choses deviennent évidentes, d’autant plus que, trois mois plus tard, tu tiens en main le résultat d’un test de grossesse. Une chance sur… mille ? Un million ? Moins, plus ? Tant pis. Les affaires marchent de toute façon bien, chez toi comme chez moi. Tu viens d’une famille conservatrice, qui n’approuve pas la situation. Pour la régulariser, je fais la chose la plus simple au monde. Un genou en terre, un joli écrin en main, et le bijou le plus cher que je puisse t’offrir avec mon salaire actuel sans me ruiner. Ce qui n’est déjà pas une breloque, même à l’époque.
En voyant notre futur standard de vie, tes parents s’inclinent sans mot dire. Ton père aime parler économie et politique avec moi, ta mère adore les virées en voiture que je lui propose de temps à autre.
Six mois de grossesse, marche à l’autel. Une belle robe blanche, un costume encore jamais porté. Une nouvelle maison, que tu n’as pas dessinée, mais nous savons que ce sera pour bientôt.
Les années filent. Elle, puis lui. Nos enfants, nos soleils. Peu de dissonances, peu de disputes. Pendant quelques temps, tout va bien. Mais nous vieillissons, et nous nous connaissons assez pour savoir que ça peut dérailler à tout moment. Aucun de nous n’a réellement le bon tempérament pour céder à l’autre, reculer sans avoir fait valoir son opinion.
À cette évocation, nous nous regardons avec un sourire, hochons tous deux la tête. Je change de pantalon, toi de robe, et nous descendons dîner.
Verres au bar, sourires. Regards admiratifs des autres, employés comme invités. Ils savent tous qui nous sommes, ils connaissent notre richesse et notre puissance. Pourtant, nous sommes relativement discrets. Nous ne nous étalons pas. Nous sommes beaux, nous sommes intouchables. Nous sommes ce couple que tout le monde voudrait être. Après avoir discuté avec d’autres paires du même acabit, au bar ou dans le lobby, nous revenons dans notre chambre. Je te tiens les portes, tu me souris et me remercies. Nous nous affalons sur le lit, vêtements déjà perdus dans la course.
Première nuit calme, ou presque.

Le lendemain, déjà, nous guettons. Dès notre réveil, nous savons que l’heure approche. Le calme est passé, et si la véritable tempête n’est pas encore là, les pluies menacent. La moindre occasion sera la bonne. Le moindre petit frottement, et l’allumette peut embraser toute la forêt. Nous sommes beaux, nous sommes dangereux. Pour les autres, pour nous.
Petit déjeuner en silence. Je file au lobby, mon ordinateur en main, tu te diriges vers le spa. J’ai une conférence, toi un appel d’un collaborateur. J’analyse des graphes, tu dessines. Nous nous voyons à peine de toute la journée. Nous nous retrouvons seulement au soir, à l’heure convenue, au restaurant. Tu es encore plus belle que la veille, je suis nettement plus que présentable. Les couverts crissent contre les assiettes, les plats défilent, et nous sommes assis droits, en chiens de faïence. Plus de conversations polies. La tension est perceptible. Tu la recherches, je la désire. Nous guettons, affamés de guerre, de violence. Mais pas ici.
Ce soir, pas de bar. Pas de verres. Ce n’en serait que pire. Nous le savons. Tu te lèves, je t’aide à enfiler ton chandail. Nous quittons la salle, et les grondements de nos pas semblent résonner à l’infini dans les couloirs vides. Personne à l’horizon, personne pour voir la tempête qui approche. Elle est là.
La porte de la chambre se referme sur nous. L’ambiance, déjà tendue, devient oppressante. Tu te mordilles les lèvres, affectes le détachement, alors que tu peines à maintenir ta façade. Je vais ranger mon ordinateur, le glisse sous le lit par précaution. Je sais déjà jusqu’où ça peut aller.
Puis, je m’approche de toi. Tu es encore dans la salle de bains, je détache ton collier. Tu te crispes au contact de mes mains sur ta peau, alors que hier encore tu aurais tué pour les sentir là. Ta voix s’élève. Basse, cassante. Blessée. Peu importe le reproche, puisqu’ils ressortiront tous ce soir. Je te réponds que tu sais très bien pourquoi, qu’on s’en moque. Mais on ne s’en moque pas. Pas ce soir, pas cette fois. Demain, ce sera une autre histoire. Demain, il faudra recoller les pots cassés. Mais ce soir, il faut les briser en mille morceaux.
Alors tu grognes, tu attaques à nouveau. Et, déjà las de devoir faire face à tes accusations, je réplique en t’en envoyant d’autres à la figure. Le ton monte. Tes mains agrippent le rebord du lavabo en marbre, mes ongles frappent le mur. Le son cadencé rythme nos coups de couteau verbaux. Dans ce petit espace fermé, chaque mot compte, chaque mot est choisi pour faire mal. Chacun fait son effet. Tu agrippes le verre dans lequel tu as rangé ta brosse à dents. Je vois mon reflet dans le miroir, je vois ce que tu vois. Je vois la fatigue, la colère, l’angoisse. Tout ce qui ne ressort que les soirs comme celui-ci.
J’étouffe. Toi aussi. Mais c’est à celui qui craquera le premier. C’est à celui qui baissera temporairement les armes d’abord. Peu importe, non ? Si, ça importe. Aujourd’hui, ça importe.
J’étouffe. Toi aussi. Mais c’est moi qui lâche prise en premier. Je sors, je vais me planter face à la fenêtre, fixe la ville paisible. Une patrouille de police passe au loin, sirènes hurlantes, audibles même à cet étage. La voir me fait sourire brièvement. Juste avant que ta voix ne résonne à nouveau. Je réponds. Je gronde. J’aboie, mais je ne mords pas. Pas encore. Tu tiens encore ce verre, même si la brosse à dents l’a quitté. Ou est-ce un autre verre ? Nous ne le savons pas.
Un reproche, un autre. Encore un.
Un de trop.
Le verre vole, s’écrase sur la vitre de la fenêtre, qui tient heureusement bon. Le verre, en revanche… Les éclats, tranchants, m’aspergent. Certains déchirent ma chemise, m’effleurent peut-être. Je n’y fais pas attention. Ces débris sont comme tes mots. Quand ils touchent leur cible, ils font saigner.
Je crie. Folle, inconsciente. Tu l’es, ce soir. Je le suis aussi. Mais je me contrôle encore. Même si mon âme réclame le sang de notre relation, je me contiens. Pas pour longtemps. Il suffira d’un autre verre, d’un autre choc. Par précaution, je m’écarte de la fenêtre. Ne sait-on jamais. S’il y a bien une chose que je ne veux pas avoir à payer, c’est ça.
Tu me suis du regard. Tu guettes. Je vois le danger, et je m’en approche. Je te fais face. Je te hurle au visage ce que je déteste chez toi. Tu me réponds, venimeuse, violente. Une flûte de champagne vient se loger dans ton poing fermé, l’autre dans le mien. Tu es la première à me jeter le contenu à la figure, et tes yeux crient que tu voudrais que ce soit de l’acide. Je ne tarde pas. La colère aveugle, cache tout le reste. La bouteille, que j’adorerais verser dans tes beaux cheveux lâches, à force d’être tirée dans les deux sens, finit par nous échapper à tous les deux. Elle s’écrase sur le carrelage, asperge nos pieds nus. Je gueule, tu cries. Et ça dégénère.
Verres, miroirs, télévision, le carnage est monstrueux. La chambre est devenue un véritable champ de bataille. Confinés dans un même lieu, nous cherchons les armes qui pourraient encore nous servir. Le verre brisé jonche le sol, la sécurité est dehors, à nous crier de cesser et d’ouvrir la porte, mais j’ai tiré le verrou. Il n’y a pas d’échappatoire à notre guerre, pas de fuite possible dans cet espace confiné. Aucun de nous ne veut fuir. Il y a trop de haine dans nos cœurs, trop de colères et de rancœurs accumulées. Nous ne partirons pas sans avoir arraché à l’autre ce que nous pouvons.
Je te rappelle que, sans moi, tu serais seule à l’élever, elle. Notre fille. Que c’est mon salaire qui nous assure le confort, même si le tien y contribue aussi. Tu me hurles que sans ton magnifique projet de fin d’études, je serais encore en train de chercher le bon bâtiment dans lequel investir. Que je ne suis rien sans toi, parce que ma richesse vient en partie de ton nom, des contacts de tes parents. Nos erreurs respectives ressortent toutes, une à une. Les miroirs sont fendus, les tables renversées, les oreillers éventrés. Tes ongles laissent leur marque dans ma chemise blanche, mes doigts sur tes poignets quand je te retiens. Nous ne nous frappons pas, mais tu griffes, et j’aboie presque autant que je mords.
Dehors aussi, c’est un bazar monstrueux. Ça fait une heure que ça dure, peut-être deux. Les invités voudraient dormir. Le gérant ne veut pas qu’on détruise les portes de son hôtel. La sécurité veut nous séparer. Tout le monde veut quelque chose, mais personne ne l’a. Sauf nous, peut-être. Nous qui voulions la guerre, nous qui voulions évacuer ce surplus d’émotions.

Le lendemain matin, un employé aux yeux cernés fait l’inventaire des dégâts. Aucune honte dans nos yeux. Plus d’orage dans l’air. La tempête est passée. Les regards sombres, assassins, de tout le monde autour de nous, nous garantissent que nous avons atteint notre but. La presse hurle, à l’extérieur, elle demande à voir. Attirée par la police qui stationne à l’entrée du building, elle s’est empressée de faire des suppositions. Les premiers titres sont déjà parus. Un de plus, un de moins, ça ne changera rien pour nous.
La réceptionniste, fatiguée elle aussi, nous accueille malgré tout avec une certaine politesse. Après tout, nous savions dès le début que nous allions payer bien plus que le logement. Même elle, elle semble habituée. Après tout, plus l’établissement est riche, plus ces scènes font partie du quotidien des employés. Ils savent. Ils s’y attendent. Chaque couple qui vient peut être là pour ça, comme nous. Et, plus l’établissement est riche, plus la destruction est importante. Et, si ce n’est pas nous, ce sera un autre couple qui offrira ce spectacle d’une nuit. Parce que nous sommes brisés, parce que nous sommes perdus dans un autre univers. Parce que nous ne communiquons pas assez au quotidien.
Nous venons pour nous affronter. Pour nous haïr, le temps d’une nuit, nous arracher les cheveux, briser tout ce qui passe à notre portée. Nous briser, nous. Nous fêler mutuellement, nous détruire. Nous venons pour nous faire la guerre, nous venons pour combattre. Nous venons pour nous jeter nos erreurs à la figure, ne pas avoir à le faire dans cette belle propriété que tu as imaginée pour nous. Nous venons pour nous affronter et enterrer la hache de guerre hors de chez nous, une fois de temps en temps.
Nous venons pour nous reconstruire.
Nous venons pour mourir.
Nous venons pour revivre. Pour faire durer cette relation qui a mille et une chances de s’effondrer chaque jour.
Nous viendrons encore une fois. Un autre jour, un autre lieu. De nouvelles récriminations, de nouveaux verres brisés, de nouveaux visages pour nous faire face le lendemain. Demain ou dans un an, nous viendrons. Nous viendrons pour nous détester, nous aimer, nous combattre. Nous viendrons parce que notre amour est une guerre.

◊ ◊ ◊
Dernière modification par vampiredelivres le mer. 21 févr., 2018 2:13 pm, modifié 1 fois.
louji

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Re: We come to fight [Mariage/Richesse/Huis-clos]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit :Hey hey, me revoilà !
Parce que, oui, j'adore toujours autant écrire des textes courts, celui-ci bien plus que les précédents. Je tiens cela dit à prévenir, aucune relecture (littéralement), écrit à trois heures du mat' sur un coup d'inspiration… Mais, bizarrement, je l'aime beaucoup. :mrgreen:
Si jamais ça vous tente, la chanson qui m'a servie de fond sonore durant toute l'écriture. Pas tant pour les paroles que pour le rythme… enfin, remarque…
Commentaires, remarques, critiques, coquilles repérées… tout avis est le bienvenu ! Bonne lecture :)



◊ We come to fight ◊


Murs beiges, boiseries et dorures. Rideaux bruns et vue sur la ville, lumières tamisées et carrelage brillant. Lit double encore fait, parfaitement arrangé, verres en cristal et champagne hors de prix sur la table basse. Ce sera notre décor, ce soir comme un autre, ce sera notre théâtre.
Les sourires des employés nous accueillent. Ils savent qui nous sommes, ils n’ont pas besoin de nous demander s’ils peuvent nous aider. Ils prennent nos bagages à la sortie du taxi, nous tiennent les portes, nous accompagnent directement à notre étage. Nous montrent les lieux importants au passage. Le lobby, le restaurant. La réception, même si nous n’y passerons qu’une fois, et tu sais déjà pourquoi.
Comme souvent, tu hoches la tête, tu complimentes sur la beauté du lieu. Tu es agréable, polie, souriante. Tu tiens ton rôle, tu le joues à merveille. Même si, au fond, ce n’est pas un rôle. Au fond, alors que personne ne le voit, tu t’extasies, encore et toujours. Certes, tu t’es habituée à ce confort. Tu t’es habituée à ce luxe. Ce qui ne veut pas dire que l’enfant en toi ne s’émerveille pas. Mais tu l’enterres, profondément. Tu sais exactement ce que tu veux, tu ne peux pas te permettre ces enfantillages. Alors tu te composes une façade.
Comme moi.
Je me contente de regarder. Je ne parle pas. J’admire les lieux, j’attends déjà le moment où nous partirons. Où sera-ce, la prochaine fois ? Un autre endroit, tout aussi richement décoré, tout aussi parfait, en surface. Bahamas ? Shanghai ? Peu importe, au fond, le lieu me rappellera toujours la première fois où nous nous sommes rencontrés. Il me rappellera toujours notre maison actuelle, son balcon avec vue sur mer, ses murs parfaitement blancs, ses jardins si bien entretenus.
D’une certaine manière, c’est un anniversaire, et tu le sais. Nous célébrons notre rencontre, nous célébrons notre mariage. Nous célébrons cette alliance étincelante à mon annulaire, ce diamant enfermé dans sa prison d’or blanc au tien. Nous célébrons nos chaînes, notre façade parfaite. Tu aimes ces instants, tout comme moi. Ces instants où nous découvrons notre nouveau terrain de jeu, où nous visualisons tous deux toutes les folies que nous pouvons y faire. Où nous devinons déjà les réactions des employés, des autres invités. La sécurité est déjà engagée, elle tiendra la presse à distance. C’est elle qui interviendra, probablement.
Tu aimes ces habitudes. Cette petite routine, rodée, qui apporte pourtant toujours avec elle quelque chose de nouveau. Il y a toujours un petit élément qui change, par rapport à la fois précédente, et tu aimes ça. Tu le cherches. Tout comme moi. C’est la guerre à celui qui le trouvera en premier. À celui qui devinera. Nous aimons tous les deux ce jeu.
Après tout, qui n’aime pas le calme avant la tempête ?

Les claquements de tes talons s’étouffent sur la moquette rouge de l’ascenseur. Tout en dorures, là encore, de grands miroirs, dans lesquels j’ai l’occasion d’admirer ton maquillage parfait. Discret, élégant. D’ici deux heures, il aura un peu changé. Toi, tu souris, tu admires mon costume taillé sur mesure, que tu n’as pas encore eu l’occasion de voir. Nos voitures sont arrivées en même temps, nous avons atterri presque à la même heure à l’aéroport. Tu viens de… Berne ? Berlin ? Paris ? Londres ? J’arrive de… Rio ? Mexico ? Santiago ? Sydney ?
Qu’importe le point de départ, si nous savons tous deux où nous allons ?
Je te souris, te réponds que je l’ai fait en dernière minute. Qu’ils ont failli ne pas le finir. Je te demande comment tu vas, pendant que l’employé détourne poliment la tête et fait semblant de ne pas écouter notre conversation. Pas que ça importe, de toute façon. Tu me réponds que les maquettes n’ont pas été terminées à temps. Que tu ne regrettes pas de t’être déplacée en personne malgré tout. Tu as pu voir le site de tes yeux, tu as aimé la vue. Tu as eu de nouvelles idées. Nous échangeons des banalités, nous parlons de nos enfants. Oui, nous avons tous deux eu de leurs nouvelles. Elle a réussi ses examens de fin de semestre haut la main, elle vient d’avoir ses résultats. Elle peut poursuivre. Sa meilleure amie a échoué, mais il y a les rattrapages, donc elle lui a proposé de l’aide. Lui vient de rencontrer une jeune fille qu’il apprécie déjà beaucoup. Il hésite à l’inviter à prendre un café. Je lui ai dit que c’est une excellente idée, tu lui as dit qu’un verre serait peut-être plus adapté, vu leurs âges respectifs. Nous nous mettons qu’un café :arrow: Il ne manquerait pas un mot ?, puis un verre à la soirée suivante, n’est pas une mauvaise idée.
La porte de notre chambre apparaît à l’horizon, l’employé nous tend une carte magnétique à chacun, nous informe que nos bagages arriveront d’ici une ou deux minutes. Il nous souhaite une bonne soirée, nous dit qu’il nous verra probablement au dîner. Nous le remercions, il s’éloigne. Après un regard, j’utilise ma clé, te tiens la porte. Tu ris, inaugures le terrain de jeu d’un cliquetis de stilettos rythmé. Je te suis du regard, me glisse derrière toi, ferme la porte.
Première direction, les toilettes. Je te vois vérifier ton maquillage, te laver les mains. Je me débarrasse de ma veste, récupère le manteau que tu as négligemment jeté sur une chaise, le range dans l’armoire, enlève mes chaussures.
Quand tu ressors, tes cheveux auparavant attachés cascadent sur tes épaules. Tu t’assois sur le lit, ôtes tes talons aiguilles à ton tour, me regardes avec ce sourire en coin que j’aime tant. Nous savons déjà où ça mène, il suffit de nous regarder pour le voir. Une étincelle dans tes yeux, une flamme dans les miens. Je nous sers une flûte de ce champagne gentiment laissé à notre attention. Nous trinquons, « à nous deux ». À ton succès, au mien. À nos enfants qui grandissent. À ces promesses réalisées, à ces objectifs achevés.
Après le premier verre viennent les souvenirs. De simples échos, des évocations discrètes. Tu te rappelles tes années de collège, où tu aurais rêvé d’une telle vie. Je me rappelle des miennes, passées dans l’ombre d’un père abusif. Tes amies, mes combats. Ma bourse, dans une prestigieuse université. Tes parents qui refusent de te financer, au début. Nos déboires à chacun, nos petites batailles personnelles, livrées avec acharnement. Notre rencontre, totalement fortuite, un jour comme un autre, dans un café. Cliché vivants que nous sommes, mais pas totalement. Ton chocolat sur ma chemise, mon latte sur ta jupe. Grognements mutuels, remarques acides qui fusent. Déjà à l’époque, l’orage gronde.
Et puis, un simple regard, et nous éclatons tous les deux de rire. Ici, maintenant, comme là-bas, dans ce café, vingt ans en arrière. Je te propose de te repayer un chocolat. Tu acceptes, devines le latte qui a fui de mon propre gobelet, me l’achètes spontanément. Nous nous asseyons, même si nous sommes tous les deux pressés. Nous ne parlons pas de nos vies, mais nous parlons de nos rêves. Nous savons que nous ne nous reverrons peut-être jamais, à moins de le vouloir.
Tu me racontes, je te raconte. Et, narquois et sarcastiques, nous nous mettons d’accord. Si, dans cinq ou dix ans, nous en sommes là où nous voudrions être, nous nous prenons une nuit, ensemble, dans un hôtel.
Ce jour-là, cette promesse paraît totalement absurde.
Nous nous retrouvons, une demi douzaine d’années plus tard, à une fête d’inauguration de bâtiment. Tu l’as dessiné, je l’ai financé. Comme la fois précédente, le contenu de nos verres finit sur les vêtements de l’autre. Une bonne excuse pour les enlever, à l’abri d’une petite chambre discrète. Discrète, mais déjà luxueuse, à l’époque.
À partir de là, les choses deviennent évidentes, d’autant plus que, trois mois plus tard, tu tiens en main le résultat d’un test de grossesse. Une chance sur… mille ? Un million ? Moins, plus ? Tant pis. Les affaires marchent de toute façon bien, chez toi comme chez moi. Tu viens d’une famille conservatrice, qui n’approuve pas la situation. Pour la régulariser, je fais la chose la plus simple au monde. Un genou en terre, un joli écrin en main, et le bijou le plus cher que je puisse t’offrir avec mon salaire actuel sans me ruiner. Ce qui n’est déjà pas une breloque, même à l’époque.
En voyant notre futur standard de vie, tes parents s’inclinent sans mot dire. Ton père aime parler économie et politique avec moi, ta mère adore les virées en voiture que je lui propose de temps à autre.
Six mois de grossesse, marche à l’autel. Une belle robe blanche, un costume encore jamais porté. Une nouvelle maison, que tu n’as pas dessinée, mais nous savons que ce sera pour bientôt.
Les années filent. Elle, puis lui. Nos enfants, nos soleils. Peu de dissonances, peu de disputes. Pendant quelques temps, tout va bien. Mais nous vieillissons, et nous nous connaissons assez pour savoir que ça peut dérailler à tout moment. Aucun de nous n’a réellement le bon tempérament pour céder à l’autre, reculer sans avoir fait valoir son opinion.
À cette évocation, nous nous regardons avec un sourire, hochons tous deux la tête. Je change de pantalon, toi de robe, et nous descendons dîner.
Verres au bar, sourires. Regards admiratifs des autres, employés comme invités. Ils savent tous qui nous sommes, ils connaissent notre richesse et notre puissance. Pourtant, nous sommes relativement discrets. Nous ne nous étalons pas. Nous sommes beaux, nous sommes intouchables. Nous sommes ce couple que tout le monde voudrait être. Après avoir discuté avec d’autres paires du même acabit, au bar ou dans le lobby, nous revenons dans notre chambre. Je te tiens les portes, tu me souris et me remercies. Nous nous affalons sur le lit, vêtements déjà perdus dans la course.
Première nuit calme, ou presque.

Le lendemain, déjà, nous guettons. Dès notre réveil, nous savons que l’heure approche. Le calme est passé, et si la véritable tempête n’est pas encore là, les pluies menacent. La moindre occasion sera la bonne. Le moindre petit frottement, et l’allumette peut embraser toute la forêt. Nous sommes beaux, nous sommes dangereux. Pour les autres, pour nous.
Petit déjeuner en silence. Je file au lobby, mon ordinateur en main, tu te diriges vers le spa. J’ai une conférence, toi un appel d’un collaborateur. J’analyse des graphes, tu dessines. Nous nous voyons à peine de toute la journée. Nous nous retrouvons seulement au soir, à l’heure convenue, au restaurant. Tu es encore plus belle que la veille, je suis nettement plus que présentable. Les couverts crissent contre les assiettes, les plats défilent, et nous sommes assis droits, en chiens de faïence. Plus de conversations polies. La tension est perceptible. Tu la recherches, je la désire. Nous guettons, affamés de guerre, de violence. Mais pas ici.
Ce soir, pas de bar. Pas de verres. Ce n’en serait que pire. Nous le savons. Tu te lèves, je t’aide à enfiler ton chandail. Nous quittons la salle, et les grondements de nos pas semblent résonner à l’infini dans les couloirs vides. Personne à l’horizon, personne pour voir la tempête qui approche. Elle est là.
La porte de la chambre se referme sur nous. L’ambiance, déjà tendue, devient oppressante. Tu te mordilles les lèvres, affectes le détachement, alors que tu peines à maintenir ta façade. Je vais ranger mon ordinateur, le glisse sous le lit par précaution. Je sais déjà jusqu’où ça peut aller.
Puis, je m’approche de toi. Tu es encore dans la salle de bains, je détache ton collier. Tu te crispes au contact de mes mains sur ta peau, alors que hier encore tu aurais tué pour les sentir là. Ta voix s’élève. Basse, cassante. Blessée. Peu importe le reproche, puisqu’ils ressortiront tous ce soir. Je te réponds que tu sais très bien pourquoi, qu’on s’en moque. Mais on ne s’en moque pas. Pas ce soir, pas cette fois. Demain, ce sera une autre histoire. Demain, il faudra recoller les pots cassés. Mais ce soir, il faut les briser en mille morceaux.
Alors tu grognes, tu attaques à nouveau. Et, déjà las de devoir faire face à tes accusations, je réplique en t’en envoyant d’autres à la figure. Le ton monte. Tes mains agrippent le rebord du lavabo en marbre, mes ongles frappent le mur. Le son cadencé rythme nos coups de couteau verbaux. Dans ce petit espace fermé, chaque mot compte, chaque mot est choisi pour faire mal. Chacun fait son effet. Tu agrippes le verre dans lequel tu as rangé ta brosse à dents. Je vois mon reflet dans le miroir, je vois ce que tu vois. Je vois la fatigue, la colère, l’angoisse. Tout ce qui ne ressort que les soirs comme celui-ci.
J’étouffe. Toi aussi. Mais c’est à celui qui craquera le premier. C’est à celui qui baissera temporairement les armes d’abord. Peu importe, non ? Si, ça importe. Aujourd’hui, ça importe.
J’étouffe. Toi aussi. Mais c’est moi qui lâche prise en premier. Je sors, je vais me planter face à la fenêtre, fixe la ville paisible. Une patrouille de police passe au loin, sirènes hurlantes, audibles même à cet étage. La voir me fait sourire brièvement. Juste avant que ta voix ne résonne à nouveau. Je réponds. Je gronde. J’aboie, mais je ne mords pas. Pas encore. Tu tiens encore ce verre, même si la brosse à dents l’a quitté. Ou est-ce un autre verre ? Nous ne le savons pas.
Un reproche, un autre. Encore un.
Un de trop.
Le verre vole, s’écrase sur la vitre de la fenêtre, qui tient heureusement bon. Le verre, en revanche… Les éclats, tranchants, m’aspergent. Certains déchirent ma chemise, m’effleurent peut-être. Je n’y fais pas attention. Ces débris sont comme tes mots. Quand ils touchent leur cible, ils font saigner.
Je crie. Folle, inconsciente. Tu l’es, ce soir. Je le suis aussi. Mais je me contrôle encore. Même si mon âme réclame le sang de notre relation, je me contiens. Pas pour longtemps. Il suffira d’un autre verre, d’un autre choc. Par précaution, je m’écarte de la fenêtre. Ne sait-on jamais. S’il y a bien une chose que je ne veux pas avoir à payer, c’est ça.
Tu me suis du regard. Tu guettes. Je vois le danger, et je m’en approche. Je te fais face. Je te hurle au visage ce que je déteste chez toi. Tu me réponds, venimeuse, violente. Une flûte de champagne vient se loger dans ton poing fermé, l’autre dans le mien. Tu es la première à me jeter le contenu à la figure, et tes yeux crient que tu voudrais que ce soit de l’acide. Je ne tarde pas. La colère aveugle, cache tout le reste. La bouteille, que j’adorerais verser dans tes beaux cheveux lâches, à force d’être tirée dans les deux sens, finit par nous échapper à tous les deux. Elle s’écrase sur le carrelage, asperge nos pieds nus. Je gueule, tu cries. Et ça dégénère.
Verres, miroirs, télévision, le carnage est monstrueux. La chambre est devenue un véritable champ de bataille. Confinés dans un même lieu, nous cherchons les armes qui pourraient encore nous servir. Le verre brisé jonche le sol, la sécurité est dehors, à nous crier de cesser et d’ouvrir la porte, mais j’ai tiré le verrou. Il n’y a pas d’échappatoire à notre guerre, pas de fuite possible dans cet espace confiné. Aucun de nous ne veut fuir. Il y a trop de haine dans nos cœurs, trop de colères et de rancœurs accumulées. Nous ne partirons pas sans avoir arraché à l’autre ce que nous pouvons.
Je te rappelle que, sans moi, tu serais seule à l’élever, elle. Notre fille. Que c’est mon salaire qui nous assure le confort, même si le tien y contribue aussi. Tu me hurles que sans ton magnifique projet de fin d’études, je serais encore en train de chercher le bon bâtiment dans lequel investir. Que je ne suis rien sans toi, parce que ma richesse vient en partie de ton nom, des contacts de tes parents. Nos erreurs respectives ressortent toutes, une à une. Les miroirs sont fendus, les tables renversées. Tes ongles laissent leur marque dans ma chemise blanche, mes doigts sur tes poignets quand je te retiens. Nous ne nous frappons pas, mais tu griffes, et j’aboie presque autant que je mords.
Dehors aussi, c’est un bazar monstrueux. Ça fait une heure que ça dure, peut-être deux. Les invités voudraient dormir. Le gérant ne veut pas qu’on détruise les portes de son hôtel. La sécurité veut nous séparer. Tout le monde veut quelque chose, mais personne ne l’a. Sauf nous, peut-être. Nous qui voulions la guerre, nous qui voulions évacuer ce surplus d’émotions.

Le lendemain matin, un employé aux yeux cernés fait l’inventaire des dégâts. Aucune honte dans nos yeux. Plus d’orage dans l’air. La tempête est passée. Les regards sombres, assassins, de tout le monde autour de nous, nous garantissent que nous avons atteint notre but. La presse hurle, à l’extérieur, elle demande à voir. Attirée par la police qui stationne à l’entrée du building, elle s’est empressée de faire des suppositions. Les premiers titres sont déjà parus. Un de plus, un de moins, ça ne changera rien pour nous.
La réceptionniste, fatiguée elle aussi, nous accueille malgré tout avec une certaine politesse. Après tout, nous savions dès le début que nous allions payer bien plus que le logement. Même elle, elle semble habituée. Après tout, plus l’établissement est riche, plus ces scènes font partie du quotidien des employés. Ils savent. Ils s’y attendent. Chaque couple qui vient peut être là pour ça, comme nous. Et, plus l’établissement est riche, plus la destruction est importante. Et, si ce n’est pas nous, ce sera un autre couple qui offrira ce spectacle d’une nuit. Parce que nous sommes brisés, parce que nous sommes perdus dans un autre univers. Parce que nous ne communiquons pas assez au quotidien.
Nous venons pour nous affronter. Pour nous haïr, le temps d’une nuit, nous arracher les cheveux, briser tout ce qui passe à notre portée. Nous briser, nous. Nous fêler mutuellement, nous détruire. Nous venons pour nous faire la guerre, nous venons pour combattre. Nous venons pour nous jeter nos erreurs à la figure, ne pas avoir à le faire dans cette belle propriété que tu as imaginée pour nous. Nous venons pour nous affronter et enterrer la hache de guerre hors de chez nous, une fois de temps en temps.
Nous venons pour nous reconstruire.
Nous venons pour mourir.
Nous venons pour revivre. Pour faire durer cette relation qui a mille et une chances de s’effondrer chaque jour.
Nous viendrons encore une fois. Un autre jour, un autre lieu. De nouvelles récriminations, de nouveaux verres brisés, de nouveaux visages pour nous faire face le lendemain. Demain ou dans un an, nous viendrons. Nous viendrons pour nous détester, nous aimer, nous combattre. Nous viendrons parce que notre amour est une guerre.

◊ ◊ ◊

Tu écris à 3h du mat' toi ? :lol: Y'en a qui ont du courage !

Ben dis donc, drôle d'histoire que tu nous as sortie là ! :o
Mais j'ai adoré :D
Je ne m'attendais pas trop à ça de ta part (ce n'est pas le genre de textes que j'ai pu lire de ta main jusque là), mais je suis agréablement surprise :) Avec le titre, je ne savais pas trop à quoi m'attendre, mais il correspond très bien à l'histoire de ce couple inconnu et familier.
On ne sait pas du tout ce qui va se passer jusqu'à la fin, c'est angoissant, excitant, et la chute est prenante. J'aime bien ce couple, il est totalement hors de portée et ultra courant à la fois...
La relation amour-haine qui les unit est assez touchante, ils sont honnêtes, entêtés, et tu le fais très bien ressortir.

La lecture est fluide, ta plume toujours aussi prenante et perçante, je n'ai pas vu de fautes (franchement, bravo, surtout en ayant écrit à 3h du mat :lol: ), et le rythme s'adapte à la tension des différentes scènes...

Voilà, je file lire le chapitre 4 du Cycle du Serpent ! ^^
vampiredelivres

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Re: We come to fight [Mariage/Richesse/Huis-clos]

Message par vampiredelivres »

#louji
louji a écrit :
vampiredelivres a écrit :Je te souris, te réponds que je l’ai fait en dernière minute. Qu’ils ont failli ne pas le finir. Je te demande comment tu vas, pendant que l’employé détourne poliment la tête et fait semblant de ne pas écouter notre conversation. Pas que ça importe, de toute façon. Tu me réponds que les maquettes n’ont pas été terminées à temps. Que tu ne regrettes pas de t’être déplacée en personne malgré tout. Tu as pu voir le site de tes yeux, tu as aimé la vue. Tu as eu de nouvelles idées. Nous échangeons des banalités, nous parlons de nos enfants. Oui, nous avons tous deux eu de leurs nouvelles. Elle a réussi ses examens de fin de semestre haut la main, elle vient d’avoir ses résultats. Elle peut poursuivre. Sa meilleure amie a échoué, mais il y a les rattrapages, donc elle lui a proposé de l’aide. Lui vient de rencontrer une jeune fille qu’il apprécie déjà beaucoup. Il hésite à l’inviter à prendre un café. Je lui ai dit que c’est une excellente idée, tu lui as dit qu’un verre serait peut-être plus adapté, vu leurs âges respectifs. Nous nous mettons qu’un café :arrow: Il ne manquerait pas un mot ? Effectivement, merci ^-^, puis un verre à la soirée suivante, n’est pas une mauvaise idée.
Pour ma défense, j'arrivais pas à dormir ! XD
C'est vrai que ce n'est absolument pas mon genre, vu que je verse généralement dans un fantasy/sci-fi un peu tordu… Mais ici, non, je suis partie full réalisme. Je voulais donner à ce couple à la fois un côté M.-tout-le-monde, mais aussi une certaine aura un peu particulière. J'ai l'impression que le texte va bien dans ce sens…?
Ehehe, j'ai eu d'excellents exemples pour m'inspirer de cette relation amour-haine… :lol:
Merci pour ton passage, en tout cas ! :)
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Re: We come to fight [Mariage/Richesse/Huis-clos]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : Pour ma défense, j'arrivais pas à dormir ! XD
C'est vrai que ce n'est absolument pas mon genre, vu que je verse généralement dans un fantasy/sci-fi un peu tordu… Mais ici, non, je suis partie full réalisme. Je voulais donner à ce couple à la fois un côté M.-tout-le-monde, mais aussi une certaine aura un peu particulière. J'ai l'impression que le texte va bien dans ce sens…?
Ehehe, j'ai eu d'excellents exemples pour m'inspirer de cette relation amour-haine… :lol:
Merci pour ton passage, en tout cas ! :)
Et ça va, t'es pas trop fatiguée ? x')

Oui, mais ce n'est pas plus mal de faire quelques écarts de temps en temps... :D Puis, tu t'en es très bien sortie je trouve ;)
Yep, c'est bien le sentiment que j'ai eu, de banalité et d'hors du commun en même temps...
Ah, expériences personnelles ? :roll:

De rien, au plaisir de la prochaine fois (bientôt, faut que j'aille lire le chap 4 (ouais, je sais, je l'ai déjà dit dans mon com précédent... :roll: )) !
vampiredelivres

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Re: We come to fight [Mariage/Richesse/Huis-clos]

Message par vampiredelivres »

#louji
Ben en fait, je me suis endormie vers 7h du mat… et me suis réveillée à 14h30 :lol:
Merci ! J'adore faire des trucs bizarres, de toute façon, sortir un peu de l'ordinaire de temps à autre. Je dois encore avoir plein de textes qui traînent dans ma clé USB, qui attendent d'être réécrits/finis, donc en fonction de mes inspirations nocturnes, ça peut venir n'importe quand… :mrgreen:
Yep, malheureusement. Mais faut voir le côté positif, on écrit d'autant mieux qu'on connaît son sujet. XD
Haha, pas de souci, au plaisir :)
Roomsinside852456

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Re: We come to fight [Mariage/Richesse/Huis-clos]

Message par Roomsinside852456 »

Je ne sais pas trop comment comprendre ce couple. Et c'est ça qui est cool ! On ne s'embarrase pas de comprendre. Ces deux personnes sont indéniablement humaines avec des qualités et des faiblesses. Ils sont anonymes donc on peut vraiment mettre n'importe qui sur cet homme et cette femme qui s'aiment et se détestent tout autant. Ils ont une drôle de "tradition" presque un rituel mais si ça leur permet de continuer ensemble pourquoi pas ? Y a pas de définition en série de l'amour. Leur recette est vraiment spéciale mais bon, qui suis-je pour juger. En tout ce n'est pas à la portée de tout le monde. XD Mon porte-monnaie ne survivrai pas à ces déchaînements à la maison et encore moins dans un hôtel de luxe.
J'aime beaucoup le scénario puisqu'il laisse planer le mystère dès le début. Que viennent-ils faire là ? Au début, j'ai pensé à un truc à la FSOG (surtout avec la chanson) mais là, j'ai presque explosé de rire tellement c'est..."normal" (?). Dans ce genre de scénario, non mais les disputes de couple, c'est tellement commun ! Il a l'air quand même assez froid, le narrateur. Enfin, moi je l'ai ressenti comme assez détâché...
En bref, j'ai beaucoup aimé, c'est tout à fait original venant de toi. Une surprise agréable !
Des bisous :3
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Re: We come to fight [Mariage/Richesse/Huis-clos]

Message par vampiredelivres »

#Roomsinside
Hey hey !
Contente de te voir ^-^
C'est ça, ils sont à la fois très bizarres, et très normaux, dans la mesure où chacun peut (je pense) se retrouver un peu en eux. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai voulu les laisser anonymes. Pas de noms, pas d'identité réelle, juste deux personnes parmi tant d'autres. Et c'est vrai que le narrateur est assez froid et détaché, mais c'est parce que, à force, il ne vit plus vraiment les évènements, puisqu'ils se répètent régulièrement, il se contente de les observer. Il ressent, mais il sait que ça va se répéter encore et encore.
Oui, je sais, pour FSOG, c'était volontaire :mrgreen: Je voulais laisser des doutes jusqu'au moment où ils commencent à se taper dessus, et en plus avec la chanson… :lol:
On est d'accord, nos pauvres porte-monnaies… XD
Merci pour ton commentaire, bises !
Roomsinside852456

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Re: We come to fight [Mariage/Richesse/Huis-clos]

Message par Roomsinside852456 »

Du coup c'est assez triste pour lui et elle. :( En plus, je viens de remarquer qu'ils parlent pas du tout (genre pas de discours direct-désolée déformation scolaire :lol: ), ça donne l'impression qu'il y a une barrière entre dehors et l'esprit du narrateur. Tout nous parvient par lui et à travers lui. Comme si il s'était bariquadé. Le pauvre ! LES pauvres !
Dernière modification par Roomsinside852456 le sam. 03 mars, 2018 1:43 am, modifié 1 fois.
DanielPagés

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Re: We come to fight [Mariage/Richesse/Huis-clos]

Message par DanielPagés »

Voilà je suis venu. tu étais sur ma liste avant Louji et Normalement !! :D
My god !! Sarah c'est une folle histoire ! et j'aime ce grain de folie qui t'a emportée. ;)
Je me suis laissé complètement prendre par le rythme que tu as donné à ton texte.
Comment dire... tu es très très douée et tu as un vrai bonheur de style.

Un jour où j'aurai le temps et la disponibilité d'esprit, je récupérerai La confrérie de Loki pour le lire...
vampiredelivres

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Re: We come to fight [Mariage/Richesse/Huis-clos]

Message par vampiredelivres »

#Roomsinside
Ehehe, tu as remarqué ? :mrgreen: Pas de dialogues, pas de mots, tout est filtré par le narrateur…

#Daniel
Coucou Daniel !
Merci beaucoup d'avoir pris le temps de passer, ça me fait vraiment très plaisir :) Et je suis vraiment contente que ça t'ait plu ! Mais pas de souci, prends ton temps, La Confrérie peut bien attendre un peu…
À une prochaine ;)
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