Un remplaçant pas comme les autres

[J0305]

La craie crissait contre le vieux tableau criblé de craques, ravagé par les années, la poussière et le manque flagrant d’entretien qu’on pourrait presque qualifier d’antiquité. Mal à l’aise, le jeune remplaçant regrettait la commodité devenue indispensable de la technologie moderne. N’ayant guère prévu cet inconvénient, il se rabattait sur cette horrible craie qui martirisait ses pauvres oreilles ainsi que celles des élèves qui manifestaient ouvertement leur désapprobation. Indisciplinés, certains faisaient voltiger des avions en papier à travers la classe, l’emplissant de leurs éclats de rire, leurs cahiers demeurant toutefois obstinément vides. D’autres avaient, sans grande conviction, recopié distraitement les quelques phrases qui ornaient le misérable tableau.
Ne disposant d’aucune autorité, le suppléant inexpérimenté subissait injustement les remarques désobligeantes des enfants. Voyant son égo fortement offensé, ses pensées de plus en plus négatives le menèrent à remettre en doute sa carrière tout juste entamée. Un soulagement indicible vint mettre fin à ses cogitations intérieures lorsque la cloche de la récréation remplaça le malaise devenu palpable qui sévissait dans le local par le raclement caractéristique des chaises sur le sol. Les fenêtres n’étouffaient que partiellement les cris et le brouhaha extérieur, mais la détermination de l’enseignant à ne pas sacrifier son avenir et ses années d’études intensives pour une bande d’étudiants mal élevés l’emporta sur sa peur de se faire ridiculiser à nouveau. Son regard s’attarda sur un bureau en particulier. D’une calligraphie raffinée, les phrases qu’il avait rédigées à la hâte, peu de temps auparavant, avaient été retranscrites sans la moindre erreur. Sa curiosité exigeant d’être satisfaite, le professeur se mit à fureter entre les pages. Il tomba sur une composition datant de la semaine précédente. Saisissant un cahier au hasard, il dénicha un autre texte écrit le même jour. Une esquisse de sourire se dessina sur son visage, alors qu’une idée émergeait de son esprit.

La récréation achevée, les couloirs se vidèrent et les « petits morveux » revinrent en classe. Ayant regagné un peu de confiance en lui, le jeune homme s’arma de courage et adressa un grand sourire au vingt-quatre paires de yeux qui le fixaient d’un air blasé. Il commença son cours par le sempiternel « Bonjour les amis! », puis enchaîna en leur disant qu’il s’excusait pour le bruit fort désagréable qu’avait causé la craie durant la période précédente, mais qu’il avait prévu autre chose et donc, que plus personne n’aurait à l’endurer. Profitant des quelques secondes d’attention qu’il lui restait avant que des chuchotements ne s’élèvent des quatre coins de la classe, l’enseignant annonça sans préambule que les élèves iraient lire leur production écrite en avant. Une vague de protestations s’éleva tandis que tous s’indignaient. Malheureusement pour eux, ils furent ignorés ostensiblement et le lanceur d’avion fut envoyé en premier. Alors qu’il lisait d’une voix traînante et ennuyeuse, le professeur se replongea dans ses souvenirs d’enfance lorsque lui-même n’était qu’un gamin désobéissant. Ses doigts se rappelaient parfaitement comment faire et quelques instants plus tard un avion en papier vint percuter le pauvre petit garçon mortifié. L’éclat de rire de ses camarades se propagea comme une traînée de poudre et bien qu’il fût professeur et par conséquent, responsable de faire taire les enfants turbulents, le suppléant entendit son propre rire se mêler aux autres.

Une fois la victime retournée à son bureau, l’hilarité générale se dissipa. Reprenant son sérieux de peine et de misère, le remplaçant promit de ne plus humilier personne, mais il voulait se faire respecter. Les étudiants acquiescèrent en silence redoutant de se faire ridiculiser à leur tour. Cependant, ils n’étaient pas les seuls à craindre une mauvaise surprise, car celui qui se trouvait face à eux savait très bien qu’il ne pouvait pas se moquer du lanceur d’avion en papier en toute impunité, même si ce dernier était insolent et avait blessé son amour-propre. Alors, pour éviter toutes sanctions ultérieures, le jeune homme entreprit de combler la demi-heure restante en lisant un livre drôle aux enfants. Il s’amusa à changer sa voix de façon comique et gesticula exagérément ce qui eut le résultat escompté. Lorsque la cloche du dîner résonna, un sourire s’étirait sur tous les visages autour de lui. Son travail s’achevait ici et il jugea qu’il ne s’en était pas si mal sorti, considérant son départ catastrophique!

[Lumione]

Ton histoire est géniale, elle fait très réaliste.
Est-ce que tu as déjà été remplaçant ?
Si oui: tu as très bien su retranscrire tes émotions.
Si non: tu as très bien su imaginer ce que c'était.

[J0305]

Ton histoire est géniale, elle fait très réaliste.
Est-ce que tu as déjà été remplaçant ?
Si oui: tu as très bien su retranscrire tes émotions.
Si non: tu as très bien su imaginer ce que c'était.

Merci beaucoup, mais non je n’ai jamais été remplaçante