Le Temps des Surplombs - Fin 3e Partie [Fantasy-Steampunk-Aventure]

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Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs (Chapitre 14, part.2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

DorianGray a écrit :Oh oh... Et mon sénateur, il arrivera en même temps, j'espère? :mrgreen:
Il arrive dans le chapitre 16 ou 17 normalement ;) en même temps que Félix :mrgreen:
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs (Chapitre 14, part.2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

Yo ! Bon, la suite de cet Interlude est enfin prête ! :D Mais avant ça je reposte la part.1 que j'avais lâché en preview... en voici une version corrigée ;) (bien entendu si vous l'avez déjà lu vous avez le droit de passer directement à la partie suivante, pas de chichi entre nous)
Énorme merci à Enora encore une fois ! Et sinon je commence enfin à me remettre dans le rythme (c'est pas trop tôt --") cet été et cette rentrée auront été beaucoup trop longues ^^'
Comme je l'ai dit j'ai revu le découpage du volume ! Considérez que cet Interlude se déroule avant le chapitre 14 et qu'il marque le passage de la PARTIE 2 à la PARTIE 3 ;)
Allez, je vous laisse lire !



INTERLUDE 2 (part.1)

Derrière le comptoir, le gros Momo lui jeta un mauvais regard lorsqu’il passa la porte. Dick-Tales l’ignora royalement. La taverne des quais n’était pas autant fréquentée qu’au temps de l’Amiral Ford, mais une petite assemblée s’y réunissait pourtant toujours, fumant, buvant, jouant aux dés et aux cartes, quand on ne s’échangeait pas des petits paquets louches sous les tables. Le Seigneur Vagabond tenta de se faufiler jusqu’au premier balcon, mais fut arrêté par cette colonne de muscle qu’était Fard Taille-caillasse.

— Hé, moustique, où tu crois grimper comme ça ? ricana le Quartier-maitre du Héron en lui posant ses gros doigts sur la truffe.

— Laisse-moi ! grinça le gamin. Je dois parler à Demi-Plume !

— T’es bien impoli pour quelqu’un qui a plus d’une heure de retard, dit-il en l’empoignant par les cheveux. Le Cap’tain il prend du bon temps, là, et toi tu veux le déranger ? Mauvaise idée…

— Arrête ! protesta Dick-Tales. J’ai dû éviter les soldats de Riviera en venant ! Mais j’ai quelque chose qui va l’intéresser !

Le gros-bras partit d’un rire gras, mais relâcha sa poigne.

— T’as intérêt à pas lui faire perdre son temps, le gosse… Allez, monte, demi-portion !

Il ne se le fit pas dire deux fois. Dépassant Fard, il grimpa quatre par quatre les marches menant au premier balcon. Là-haut, sous le lustre faiblard, attablé à un guéridon croulant sous le poids des pintes et d’un plat de volaille, entouré de ses lieutenants débraillés, dînait le Capitaine Demi-Plume.

La sale gueule tailladée de cicatrices du coquin étincelait de malice. Ses deux yeux verts ne quittaient pas la petite camériste qu’il faisait sauter sur ses genoux. Dick-Tales la reconnut : c’était la sœur du petit Abadi avec qui il avait parfois joué. Sur son visage on pouvait lire toute la peur qui la tétanisait. Le Capitaine des pirates l’avait coiffée du tricorne dont il tirait son nom, piqué d’une longue plume de paon sectionnée à mi-longueur. Pour l’amusement des hommes, on avait délacé le corset de la fille. Ses petits seins s’agitaient dans le vide, marqués de gros suçons rouges.

Demi-Plume se redressa sur son fauteuil en voyant le gosse arriver. Il découvrit d’un sourire ses deux canines inégales et lui fit signe d’approcher. La camériste, de honte, se couvrit le visage des deux mains alors que le voyou lui passait les doigts dans la nuque. Dick-Tale, lui, fixait d’un œil envieux le lourd manteau de velours qui reposait sur le dossier du fauteuil et duquel pendaient deux ceinturons, l’un portant le sabre, l’autre les deux volumineux pistolets et un cornet de poudre noire.

— Approche, approche… lui susurra le pirate.

Autour de lui, ses Lieutenants se retenaient difficilement de pouffer de rire. Une femme passa dans son dos et le poussa vers la table du bout des doigts. Elle riait aussi gras que le plus ivrogne des matelots et, quand il tenta de se débarrasser d’elle, elle se colla à lui dans une posture suggestive, ce qui fit éclater de rire toute la tablée mais empourpra le gamin jusqu’aux oreilles.

Le seul à ne pas s’esclaffer comme un demeuré fut Salazar Demi-Plume. Il garda la camériste sur les genoux mais d’un claquement de doigt ordonna qu’on propose une chaise au petit vagabond.

— Alors, entama-t-il en parvenant à garder son sérieux, qu’a donc donné ta pêche ?

Dick-Tale sortit de sa poche une grappe de papier qu’il avait enroulée d’une ficelle.

— Voilà tout ce que j’ai pu piquer dans le bureau de l’administrateur, exposa-t-il.

— Pas de clé ? s’étonna le Capitaine.

Autour de lui, ses hommes se fendirent de quelques railleries et son regard s’assombrit. Le gamin les haïssait tous, ces ogres bruyants et voraces, mais préférait encore leur compagnie à celle des adultes de Cathuba. Demi-Plume était un brigand, une crapule, mais lui au moins ne cachait pas la noirceur qui lui pourrissait le cœur : ce n’était ni un hypocrite ni un menteur.

— L’administrateur Riviera n’a pas les clés, j’en suis sûr à présent, s’empressa de conclure le gamin. L’Inquisition a dû les confisquer, afin que personne n’y fasse de fouilles…

— Voilà qui complique notre affaire…

Les Lieutenants du pirate s’en mêlèrent :

— Ce gosse nous fait perdre notre temps !

— J’en étais sûr, et ça fait déjà trois jours qu’on poireaute !

— Ce serait plus simple de la faire sauter, cette foutue porte !

Demi-Plume, lui, réfléchissait, le regard dans le vide. Sur l’épaule de la petite camériste, sa main tapotait quelques coups irréguliers ; puis il se mit à la peloter, sans prêter attention à ses sanglots, aussi naturellement qu’un militaire ferait les cent pas pour cogiter.

— Je vais trouver un moyen, les coupa Dick-Tale.

Le pirate tourna la tête tel un faucon ayant retrouvé son lièvre. Son sourire s’élargit, et il répondit lentement :

— Je n’en doute pas, petit, je n’en doute pas…

Quelques pirates protestèrent, mais ce fut la femme l’ayant poussé plus tôt qui rétablit le calme en sortant le plus gros des flingues à sa ceinture qu’elle colla sur le front du plus bruyant des gars.

—Fermez-là deux secondes, bande de peureux!

Encore dans la fleur de l’âge, la pirate jouait sur deux tableaux : la séduction par ses cheveux délicatement tressées, son bustier séduisant et la mise en avant de ses formes généreuses ; et la crainte, que ses armes, nombreuses à sa ceinture, et le tatouage de crâne sur sa joue droite ne faisait que renforcer.

Demi-Plume sourit de toutes ses dents.

— Cætana a raison, les gars : vous n’êtes que des pleutres ! J’en entendais claquer des dents avant même notre arrivée ! Toutes les canailles de la région évitent Cathuba depuis des années, mais les choses ont changé depuis le passage de l’inquisition…

Il saisit le petit paquet de papier que lui avait porté Dick-Tale.

— En voici la preuve : Riviera n’a même pas les moyens d’empêcher un gamin de lui dérober de la paperasse ! Il ne reste pas sur le Surplomb assez de soldats pour nous chasser non plus : Cathuba est sans défense !

Il ponctua sa remarque d’une grande claque sonore sur les fesses de la camériste tétanisée.

— Et pensez donc, simples d’esprits, à ce qu’il y a ici, tout près… Un Bastion d’Amirauté, encore entier, plein à craquer des richesses du protectorat… Tout ce que l’Amiral Ford a pu entasser d’or, le fruit des impôts et des pillages de ses Corsaires, juste sous notre nez, sans aucun soldat délégué à leur garde !

— Tu oublies la foutue porte, grimaça Zimeo, son plus jeune Lieutenant, un rouquin à la langue bien pendue. Trente centimètre d’acier noir, sur trois mètres de haut et quatre de large, solide et, surtout… verrouillée.

Demi-Plume se tourna vers Dick-Tale, et lui adressa le genre de regard qu’un maître donne à son chien obéissant.

— Mon ami Dick se propose justement de nous ouvrir cette porte. Vous n’avez pas confiance en lui ? Moi je crois mon ami Dick, je lui fais confiance… Et s’il s’en révèle digne, il aura gagné sa place à bord de mon navire, le Héron.

Les pirates eurent des sourires entendus. Cela suffisait à Dick-Tale. Il ne supportait plus ce Surplomb. Il ne supportait plus ses parents, les Gardiennes et les habitants qui crachaient dans le dos de Yulia et son père. Il voulait partir, et les pirates de Demi-Plume lui offraient cette chance.

Il n’allait pas les décevoir, non.

— Reviens me voir demain avec une idée, Dick, le congédia le Capitaine.

Les pirates reprirent leur beuverie et le gamin se pressa de redescendre, tentant d’ignorer les gémissements inconfortables de la fille Abadi.

Lorsqu’il repassa dans la salle afin de prendre la sortie, de nombreux regards s’attardèrent sur lui. Les anciens Gardes du Surplombs, les hommes et les femmes de Smath Orneels, remerciés par l’Inquisition et rejetés par le peuple rancunier de l’Amiral, écumaient eux aussi les bars et les tavernes, mais il ne devait attendre d’eux nulle sympathie pour un gosse tenté par la piraterie…

Un gros molosse, assis entre les jambes de son maître, aboya sur son passage. Il lui rappelait la façon de faire de son père quand il le voyait encore paraître à la maison. Heureusement, il n’avait plus à subir ses constantes engueulades : cela faisait une semaine qu’il n’était plus rentré chez lui.

Il passa la porte, et courut dans la nuit.

Maintenant, il devait trouver une idée.





La Brume ne quittait plus le Contrebas depuis que les Corsaires du Sans-nom avaient quitté le port. Depuis cette fameuse nuit, le Surplomb entier se comportait comme un chien battu : méchant, paranoïaque, et soumis.

A l’annonce de sa destitution, les derniers soutiens de l’Amiral Ford sur Cathuba avaient sauté : les Gardes de la ville avaient été renvoyés, leurs armes confisquées, le conseil de la cité ne siégeait plus et un nouvel administrateur avait été nommé, cumulant tous les pouvoirs le temps de « restaurer l’ordre »…

Menckim Sanche Riviera, de la famille Riviera de Cathuba, ne disposait en réalité pas d’un pouvoir absolu. L’Inquisition avait confié à ce petit bourgeois –devenu noble par son mariage– la direction du Surplomb, mais Dick-Tale, comme tout le monde, savait qu’il n’avait pas d’assez d’argent pour prendre en main l’aide aux sinistrés ou lancer les travaux de reconstruction, ni assez de soldats pour lever des impôts ou même assurer la sécurité de ses administrés. Avec le renvoi des Gardes de Smath –ordonné par crainte d’un coup d’état ou pour signifier au Sénat que le Surplomb rompait tout lien avec les anciens hommes de l’Amiral, il ne savait pas trop– il ne restait à Riviera que les rares forces Impériales que lui avait laissé l’Inquisition, c’est-à-dire à peine une cinquantaine d’hommes. C’était juste assez pour garantir une sécurité relative au Temple et aux quartiers bourgeois, mais bien trop peu pour espérer tenir tout Cathuba. Oh, ils lançaient bien des patrouilles au hasard dans les grands boulevards, mais ils ne s’aventuraient plus dans les ruelles.

Le gouvernement de Riviera opérait bien retranché dans son hôtel particulier, ses soldats contrôlant tout juste un ou deux quartiers. Le reste de Cathuba était livré à lui-même. Ou plutôt, livré à des gens comme Demi-Plume, des opportunistes attirés par l’ancien chef-lieu de l’Amirauté comme des rapaces par la charogne. Tant qu’un protecteur plus puissant que Riviera ne prendrait pas les choses en main, il arriverait de nouveaux charognards chaque semaine. Et Dick-Tale ne tenait pas à attendre que Quo Gin se décide à prendre sa part du gâteau.

Un vent frais balaya les pavés, et avec lui de petites franges de Brumes vinrent chatouiller les pieds de l’enfant. Il frissonna. C’était le genre de nuit où un gosse reste enfermé dans sa chambre, sous ses draps, la tête pleine d’histoires de monstres.

Mais Dick-Tale n’avait plus de chambre ; de chambre qu’il considérait comme sienne.
Il pressa le pas, et s’éloigna du port. Passant par les ruelles du quartier des artisans, il ne tarda pas à grimper sur les toits. Il connaissait à présent le chemin par cœur, mais faillit passer devant la bonne cheminée sans l’identifier. Ses doutes le quittèrent lorsque, la contournant, il distingua sur une de ses briques une petite croix dans un cercle, gravée par le couteau d’un enfant. Il s’y glissa.

Au cœur d’une maison abandonnée et murée, le repaire des Orphelins était le refuge idéal pour tout gosse en fugue. Dans la cheminée, juste assez large pour laisser passer ses épaules, on avait taillé de petits crans pour aider à l’escalade. A l’atterrissage on avait disposé un ensemble de vieilles couvertures pour amortir la chute de ceux qui manqueraient d’agilité. C’était un squat, éclairé à la bougie, à peine fourni en literie miteuse et nourriture volée. Mais pour un certain nombre, ce squat était un foyer.

Petit-Gris releva la tête quand Dick-Tale sortit de la cheminée, mais ne lui accorda pas plus d’attention. Cafard, lui, échangeait avec la Noiraude le fruit de son dernier cambriolage. La petite négresse à la robe déchirée lui offrit son joli sourire de dents cassées et lui lança un salut faussement enjoué :

— Bon retour parmi nous, le Prince ! Comment se portent tes pirates ?

Il ne prit même pas la peine de lui répondre. Elle lui faisait les yeux doux quand il la regardait, mais derrière son dos elle était plus cruelle encore que Dina. Les enfants qui vivaient là n’avaient pas ou plus de parents. L’administratrice Juno s’était occupée d’eux en échange de services mais, depuis sa mort, les gamins perdus de Cathuba n’intéressaient plus personne.

Dans cette communauté, le seul que Dick-Tale appréciait un minimum était Farang, d’un an son ainé, à qui il devait de connaitre la plupart de ses astuces de voleur. Lorsqu’il n’était pas au repaire, le Prince Vagabond tentait au maximum d’éviter le contact avec les autres résidents.

Les enfants qui grandissaient dans cette petite baraque se nourrissaient de petit larcins jusqu’à ce qu’ils deviennent trop grands pour passer par la cheminée. Alors, ils s’engageaient généralement dans un navire aérien et menaient une vie d’adulte tout aussi misérable que leur vie de gosse. Dick-Tale n’avait rien à voir avec eux. Lui, il ferait tout pour ne pas finir comme un minable.

Le ventre vide, il rejoignit sa couche et se rendit compte qu’on lui avait piqué le quignon de pain qu’il gardait sous son oreiller. Il savait qu’il n’aurait pas dû le laisser sans surveillance…

Il s’allongea, ne répondit pas aux appels de la Noiraude, et se laissa aller au sommeil.

Un fracas dans la cheminée le tira du lit, lui et les autres gamins.

— Apportez des couvertures ! Et un truc à boire ! criait une voix qu’identifia rapidement le fils Talenbourg.

Farang dégringola du conduit. Il portait, avec le costaud Quart-de-Pomme, un autre gamin.

Blanc comme un linge et tremblant.

On le reconnut : c’était le petit Pierron, le plus jeune des gosses du repaire. Quart-de-Pomme l’avait trouvé terrorisé sur les quais, et Farang, voyant qu’il jetait autour de lui des regards affolés, avait décidé de le ramener au repaire. Depuis, ses yeux semblaient s’être pétrifiés sur quelque chose qu’il n’avait plus devant lui. Il claquait des dents, respirait par à-coups, se griffait les bras, et suait à grosse goutes. On mit de longues minutes à le calmer.

Alors que Dick-Tale se rapprochait pour écouter, on passa au petit le quignon de pain qu’il gardait jadis sous son oreiller. Il ne s’en formalisa pas, et Pierron se mit à le mâchouiller lentement.

— Allez, Pierron, l’encouragea Farang, dis-nous ce qu’il s’est passé. Quelqu’un t’a agressé ?

Il ouvrit la bouche, mais ne réussit à rien articuler.

— On lui a pas fait du mal, décida Quart-de-Pomme, il ne porte aucune trace de coups. Non, c’est quelque chose qu’il a dû voir…

— C’est vrai ça, Pierron ? demanda Farang en se rapprochant de lui, comme une mère questionnerait son gosse.

— Les… Les Brumes, murmura-t-il… J’ai vu… J’ai vu un monstre des Brumes.

Tous se figèrent, stupéfaits. Dick-Tale pouvait lire dans les yeux de la Noiraude qu’elle prêtait alors au récit du petit la plus grande des attentions. Parmi les histoires que l’on s’échangeait au coin du feu, celles sur les montres des Brumes étaient les plus populaires, et certains devaient souhaiter avoir été la place du Pierron. A en juger par son regard terrorisé, cependant, lui, aurait bien cédé sa place.

— Il… Il est remonté du Contrebas, articula-t-il difficilement au milieu de deux tremblements. J’enten… J’entendais des bruits, sur les quais, comme des coups de pioche sur la paroi du Surplomb… Alors je me suis pen… penché… Et je l’ai vu, là, le-le monstre. J’ai voulu reculer, m’en-m’enfuir, mais je suis tombé sur les fesses et je… et je… et je suis resté là, à le re-regarder. Il a posé les griffes sur les quais et il… il… il s’est hissé sur le-le le-le le Surplomb.

— A quoi il ressemblait, Pierron ? Dis-nous ! s’impatientait la Noiraude.

— Un monstre ! cria-t-il. Sa forme changeait tout le temps ! Il était petit, puis grand, il avait trois puis cinq pattes ! Et des griffes ! Des griffes immenses !

— Qu’est-ce qu’il s’est passé, Pierron ? s’enquit Farang. Qu’est-ce qu’il a fait, le monstre ?

— Il a dis-di… disparu. Il a… arraché une grille et, et, il s’est glissé dans… les égouts… Moi, moi j’ai couru après ça, et vous m’avez trouvé.

Un sourire de mauvais augure traversa la face de Farang Main-dorée.

— Là où ça s’est passé, Pierron… Tu saurais nous y mener ?





Une heure plus tard, ils arpentaient les quais.

Sur les indications du petit Pierron, ils menèrent la marche jusqu’aux quais du Sud-Ouest. Dick-Tale pensait qu’ils ne trouveraient rien, mais il se trompait : là où les égouts se déversaient dans des rigoles menant au Contrebas, une des grilles gisait sur le sol. Difficile de dire cependant si elle avait cédé à cause de la rouille et du poids des déchets ou si une créature l’avait bien forcée.

Devant les Orphelins, un gros tuyau d’égout s’ouvrait donc, noir, insondable et juste assez grand pour les laisser passer. Farang avait allumé la lanterne qu’il sortait pour les grandes occasions.

— Où ça mène ? avait demandé Dick-Tale.

Petit-Gris, qui s’était baladé dans le grand système de canalisations de Cathuba des années durant, lui répondit.

— Cette artère-là était réservée aux militaires de l’Amirauté. On va vers les latrines et les bains Impériaux sur la colline du Bastion, je suppose.

A cette mention, le Prince Vagabond eut un regain d’intérêt pour l’affaire, et accepta d’accompagner les Orphelins qui remontèrent les tuyaux d’évacuation. La lanterne à la main, ils cherchaient des traces du monstre, se défiant à tour de rôle de jouer les appâts pour l’apercevoir, bien qu’ils manquaient tous de se chier dans les chausses à la première ombre suspecte.

Ce soir-là, ils ne trouvèrent aucun monstre et ressortirent au bout d’une heure qui en parut quatre, un peu déçu de n’avoir rien vu, mais encore grisés par leur expédition.
Dick-Tale se mêlait en apparence à leurs gamineries, mais ses sentiments étaient tout autres car il tenait à présent l’idée que lui réclamait Demi-Plume.

fin de la part.1
Dernière modification par Judas_Cris le sam. 11 nov., 2017 12:38 am, modifié 1 fois.
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs (Chapitre 14, part.2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

INTERLUDE 2 (part.2)

Un soleil timide se levait sur Cathuba, voilé par la grise couche de nuage qui touchait presque les toits. Les rues de l’ancienne cité de l’Amiral Ford bruissaient d’une crainte curieuse, mais Dick-Tales n’y prêta pas une grande attention alors qu’il arpentait les environs du port pour mettre la main sur Demi-Plume. Autour de lui, les gens se regroupaient dans l’encadrure des portes, échangeant à voix plus ou moins basse les dernières nouvelles, le visage grave et inquiet. Il entendit vaguement parler d’une Gardienne portée disparue dans la nuit, alors qu’elle devait rendre visite à un mourant.

Le gosse trouva ses pirates près de leurs navires, là où les quais sinuaient près des ruelles mal famées. Le Héron, une imposante cogue bariolée et cabossée, était entouré de deux gabares armées pour le combat et d’un baleinier équipé de solides harpons.

L’équipage de ces vaisseaux pirates avait pris possession des quais à leur manière. Les gaillards avaient installé là un mobilier sommaire, de quoi surveiller la rue et s’asseoir pour se reposer des balancements incessant des navires. Un bon tiers des gredins traînassait ainsi sur les quais, tandis que les autres s’affairaient sur les ponts de leurs maisons volantes ou patrouillaient dans le quartier.

Pendant que Salazar Demi-Plume s’entretenait à voix basse avec ses lieutenants, la plantureuse Cætana s’occupait d’un petit commerçant à qui les pirates devaient sans doute réclamer une taxe en échange de leur protection. Le pauvre petit bourgeois, terrorisé dans ses chausses colorées, bafouilla une explication bien vague. Cætana haussa un peu la voix :

— Tu cherches la merde ou quoi ? Tu vois des soldats de Riviera dans le coin, trouduc ? Nan, il se terre dans son hôtel, il s’en fout de vous ! Si tu te mets à dos nos gars, qu’est-ce qui nous empêche de te faire disparaître comme ta petite Gardienne, là ?

Le bourgeois dû lâcher un bon litre de flotte. Il se répandit en excuse et se carapata sans demander son reste. S’il était malin, ou qu’il était assez terrifié, il reviendrait verser la moitié de la recette de son commerce aux pirates. Dick-Tales s’en foutait bien, du racket de Demi-Plume ; lui, il venait pour quelque chose de sérieux. Comme il n’y avait aucun signe du Taille-caillasse, il se faufila vers le Capitaine du Héron, et surprit la fin de leur conversation :

— Tu en es sûr ? demandait ce dernier. Et le nom, il dit rien à personne ?

— Sûr et certain, chef, répondit le jeune Zimeo. Aucun de nos gars n’a fricoté avec cette Gabriella, et ceux qui sont allés au Temple l’avaient jamais vue non plus. Je connais assez bien les gars pour savoir que c’est pas eux qui ont enlevé la Gardienne…

— Ça aurait bavardé, chef, renchérit un autre. Un gars à nous qui tringle une Gardienne ? Sûr qu’il s’en vanterait ! Et il la cacherait où ? Dans nos navires ? On l’aurait déjà découverte…

Dick-Tale tira sur le manteau de Demi-Plume. Le coquin interrompit ses hommes d’un geste de la main en se rendant compte que le gamin était parmi eux.

— Hé ! Qu’est-ce que tu fous là Dick ? Toi aussi tu cherches la Gardienne Gabriella ?

Il ne prit même pas la peine de répondre à la plaisanterie –si c’en était une– et adressa immédiatement sa demande :

— J’ai besoin d’une lampe à huile, et d’une grosse bobine de fil.

Il ne voulait pas s’abaisser à demander la lanterne des orphelins –il aurait dû leur expliquer son projet et la Noiraude se serait moquée de lui comme jamais– et ne pouvait se résigner à la voler et se mettre Farang à dos. Il avait cependant besoin d’une bonne source de lumière pour explorer les égouts dans les prochains jours. C’était un véritable labyrinthe, là-dessous, et ça lui avait rappelé un vieux conte que lui lisait Yulia… Il en avait tiré l’idée de la bobine de fil.

Demi-Plume et ses lieutenants affichèrent des têtes étonnées, amusées pour certaines. Salazar cligna des yeux trois fois, plus étira son grand sourire tordu.

— Tu nous prépares quelque chose, petit ?

Dick-Tale tendit la main, paume ouverte :

— Tu veux entrer dans le Bastion de l’Amirauté, oui ou non ? Tu as dit que j’avais ta confiance…

L’autre mit les mains dans ses larges poches trouées et ne lutta pas pour cacher son agacement. Sa canine droite s’agita le long de sa lèvre inférieure, donnant à son sourire l’air de se tordre et de serpenter dangereusement. Aucun de ses lieutenant –pas même le bavard Zimeo– ne moufta pendant qu’il délibérait avec soi-même, et cela ne fut pas pour rassurer Dick-Tale qui envisagea sérieusement l’option de prendre, immédiatement, la fuite. Mais, finalement, le sourire du pirate retrouva sa tranquillité et il dit :

— C’est bien vrai, j’ai confiance en toi, petit. Mais je n’aime pas trop que tu en doutes…

Il appela soudainement :

— Cætana !

La femme rappliqua sans se faire prier, un peu intriguée.

— Apporte à mon ami Dick une de nos lanternes à huile et la plus grosse pelote de fil que tu puisses trouver.

Cela ne lui prit que quelques minutes, et le gamin repartit vite avec une lampe flambant neuve et plusieurs bobines de câble –servant d’ordinaire aux cordages des ballons à voile– qui conviendraient parfaitement à son expédition. Il ne put cependant s’en tirer qu’au prix de la promesse de revenir trouver le Capitaine Demi-Plume une fois la nuit tombée, afin qu’il contrôle son investissement –quoi que ça veuille dire.

...


Pendant plusieurs heures, Dick-Tale se perdit dans les canalisations. Depuis la grille descellée des quais du Sud-Ouest, il avait remonté la voie d’égout que les Orphelins et lui avaient suivie la veille. A la seule lumière de sa lampe sur les parois de pierres des conduits, il pataugeait dans une mince couche de bouillasse, mélange d’eau usée et de restes organiques, qui par endroit s’accumulaient en petits monticules à moitié solidifiés qui manquaient de lui filer une peur bleue. Passé la première centaine de mètres où il distinguait encore la lumière du jour derrière lui, le plafond s’était abaissé jusqu’à lui frôler le crane et il brisait régulièrement de petites stalactites de calcaire avec son cuir chevelu.

Grace au câble qu’il avait attaché non loin de l’entrée et auquel il avait noué, un à un, les câbles suivants à mesure qu’ils se déroulaient entièrement, il s’évitait l’inquiétude de bel et bien se perdre. Pourtant, la configuration des souterrains était parfaite pour le désorienter. En effet, si, pour que l’écoulement de l’eau se fasse correctement, le système d’égout était construit pour monter régulièrement et continuellement à mesure que l’on s’éloignait du bord du Surplomb, de nombreuses voies avaient été déviées au fil du temps, d’autres s’étaient effondrées, et par endroit les rénovations n’avaient rien à voir avec l’organisation de la section voisine. C’était un bordel monstre, et un vrai labyrinthe anarchique que l’on avait partiellement détruit et partiellement reconstruit des dizaines de fois, et à chaque fois d’une façon différente. Le résultat étant qu’il ne pouvait faire six pas sans se retrouver devant un embranchement sans aucun moyen de savoir quel passage allait le mener dans un cul-de-sac, une galerie non-terminée, ou une section qui l’éloignerait de son objectif.

Son objectif, pour en parler, était simple : remonter les égouts jusqu’aux quartiers militaires du Bastion d’Amirauté, et prier pour y trouver une voie d’accès exploitable.

Mais, à mesure qu’il progressait péniblement –devant parfois faire demi-tour en découvrant que le chemin qu’il suivait depuis une demi-heure menait à des latrines qui n’étaient pas celles qu’il visait– il réalisait qu’il avait sous-estimé la tâche à accomplir, et la fatigue puis la faim le forcèrent à arrêter là son effort. Il laissa en place ses bobines, s’étant assuré qu’elles ne risquaient pas d’être évacuées avec les autres déchets, et descendit en suivant l’écoulement des eaux.

Le brouillard, en pleine après-midi, se montrait encore plus dense qu’en matinée. Son estomac criant famine, Dick-Tale se mit en tête de dénicher à manger. Pour un gamin fugueur et sans le sous, « dénicher à manger » ne veut rien dire de moins que voler une miche de pain ou chiper une part de plat bien nourrissant.

Remontant les grandes rues, il se mit à l’affut d’étalages et de petits vendeurs à la sauvette vulnérables. Mais la journée était grincheuse, et il n’y avait que très peu de commerces en activité. Etait-ce la disparition de cette Gardienne qui inquiétait donc les gens ? Elle avait dû faire une fugue. Lui aussi aurait fugué loin de ces connes acariâtres et loin de cette traitresse de Grande Prêtresse ! Dick-Tale lui souhaitait d’avoir réussi à prendre un navire pour quitter Cathuba, lui aussi ne tarderait pas à la suivre.

Alors qu’il grimpait un boulevard de la colline du Bastion, il aperçut un attroupement en train de se former autour d’un cortège de soldats. Il était rare de voir les militaires de Riviera aussi loin du quartier du Temple, quelque chose n’allait pas. Trois gamins le dépassèrent en courant, accourant aux cris de leurs copains qui observaient tout cela depuis les branches d’un arbre sur la place. Une centaine de curieux suivaient la procession qui rejoignait le Temple, mais tous s’étaient figés dans un silence de mort.

Dick-Tale ne les rejoignit pas, il garda ses distances, jugeant de loin les douze soldats Impériaux, stoïques, escortant une jeune Gardienne qui lâchait de violents sanglots, les bras chargés de quelque chose enroulé dans les restes déchirés d’une toge bleu et or…

Le gamin ne voulait pas en savoir plus. Deux riverains, à la balustrade d’un petit appartement, échangeaient à voix basse des propos effarés qu’il entendit alors qu’il se glissait sous les arcades de l’immeuble pour échapper à la foule.

— Alors, c’est elle ?

— Aucun doute, sa propre sœur la pleure…

— Quelle horreur ! C’est tout ce qu’ils ont retrouvé du corps ?

— On l’a pratiquement dévorée vivante…

— Quelle horreur, quelle horreur… !

La procession se dirigeait vers le Temple. Dick-Tale n’était pas curieux de voir la réaction de la Grande Prêtresse, pas plus que de connaitre les éléments du discours qu’elle allait ensuite prononcer. Le ventre noué, à présent certain qu’il ne pourrait rien avaler, il préféra repartir vers les quais, et laisser la nouvelle se rependre dans la ville.

Voilà que les horreurs reprenaient à Cathuba. Il devait quitter ce Surplomb maudit au plus vite.

Lorsqu’il rejoignit son conduit abandonné, il ne se souciait plus de la faim ou de la fatigue. Seul comptait désormais son objectif : s’enfuir avec l’équipage du Héron, une fois qu’il leur aurait ouvert le Bastion de l’Amiral.

Yulia lui pardonnerait de livrer les richesses de son père. Elle était son amie. Peut-être sa seule amie. Elle comprendrait.

Il reprit son œuvre mais, à présent, croyait déceler dans chaque monticule, dans chaque aggloméra de déchets, les contours de bras et de jambes humaines, restes d’un festin monstrueux. Alors qu’il avait presque retrouvé l’endroit où il avait arrêté son expédition, il regarda passer au loin une forme désarticulée et morcelée, entortillée dans une étoffe en lambeaux, flottante dans l’eau rougie et poisseuse qui, ici, lui arrivait aux genoux. Il éteignit la lumière de sa lampe et attendit de longues minutes que la forme soit passée, le souffle court.

Il passa le reste du jour à se persuader qu’il n’avait rien vu.





Le soir venu, Dick-Tale alla retrouver les pirates là où il était certain de les trouver : la taverne des quais.

Un vent glacial soufflait sur le Surplomb, si bien que les badauds ne s’attardaient plus à l’extérieur comme ils en avaient l’habitude mais se pressaient à l’intérieur. La salle ne désemplissait pas, mais l’affluence se faisait moins forte qu’à l’accoutumée : on ne voyait plus le moindre enfant, les vieillards ne se montraient pas, et –Dick-Tale eut beau la chercher longuement des yeux– la petite camériste n’occupait pas son poste. Craintive, la populace ne sortait plus le soir. Malgré quelques exceptions, l’assistance se résumait à deux groupes : les pirates de Demi-Plume, attablés à l’étage, occupés à dépenser le fruit des rackets du jour, et les anciens Gardes de Cathuba, gens d’armes sans affectation, se regroupant chaque soir autour de la cheminée et de bières fades, en quête de leur camaraderie perdue.

Ce second groupe, Dick-Tale veillait à ne pas s’y mêler de trop près. Le corps des Gardes de Cathuba, jadis exclusif à la noblesse, avait été ouvert aux citoyens méritants par l’Amiral Ford lorsqu’il avait placé Smath à leur tête. Devenir Garde était un prestige que les nobles du Surplomb les plus fortunés avaient depuis longtemps délaissé, troquant épée contre tables de commerces, mais cette fonction allait avec une solde importante qui faisait vivre de nombres familles depuis son ouverture. Aujourd’hui composé de petits nobles sans fortune et de fils d’ouvriers dédiant leur vie à protéger la communauté, le corps des Gardes se retrouvait subitement à la rue, leurs armes confisquées, leur caserne occupée, leur solde suspendue. Chez ces hommes pour qui la Garde était tout, prestige et pitance, cette situation était une mise à mort.

Dick-Tale se rappelait Smath, administrateur et chef des Gardes, plus imposant dans son armure que n’importe qui, dont l’Inquisition avait annoncé l’exécution pour trahison. Le gamin ne savait pas si le père de Yulia avait bel et bien mêlé les Gardes du Surplomb à ses machinations, mais une chose était cependant certaine : s’il y avait des hommes qui haïssaient aussi bien l’Inquisition Impériale que le nouvel administrateur Riviera, c’étaient bien ces gaillards-là, aux visages graves, sourcils froncés, attroupés dans le fond de la salle autour du feu, dont les chiens gueulaient dès que quiconque passait la porte.

Le tavernier, un petit bourgeois à la barbe brune, courait en tous sens pour servir la boisson, et le gosse finit par comprendre qu’aucun de ses employés n’était venu travailler ce soir-là. Sans doute que plus personne de sensé n’acceptait de sortir la nuit. Le bonhomme attrapa Dick-Tales par la manche alors qu’il essayait de se faufiler sans être vu :

— Tu devrais être chez toi, Georges, ton père te cherche…

Le gamin lui décrocha un mauvais regard et ne lui répondit pas un mot. Vite appelé par un ivrogne réclamant sa boisson, le tavernier le lâcha finalement et il put filer jusqu’à l’étage.

Cette fois, Fard Taille-caillasse ne tenta pas de l’intimider car, avec les autres, il disputait une partie de cartes autour de trois tables qu’on avait poussées côte à côte.

Le gosse voulut se glisser vers Demi-Plume, mais ce dernier lui fit signe dès qu’il l’aperçut de rester à distance. Le Pirate terminait son pli, et les sommes pariées se révélaient grosses. Alors que Cætana poussait les adversaires du Capitaine à l’audace en leur promettant certaines faveurs, le coquin adressa un sourire en coin à son jeune complice et, avec un clin d’œil, lui montra sous la table les quelques cartes qui dépassaient de sa botte et que les autres ne pouvaient voir. Profitant de la distraction offerte par Cætana qui délaçait son corset, il plongea la main sous la table et échangea ses cartes contre la main supérieure qu’il avait préparée.

Il y avait plus d’argent sur la table que Dick-Tale en ait jamais vu. Avec une telle somme, il pourrait faire sa vie hors de Cathuba sans avoir à dépendre de ce genre de bandits. Alors que Demi-Plume allait récolter les fruits de sa roublardise le jeune Lieutenant Zimeo déboula avec deux comparses :

— Y’a eu un nouveau mort, chef ! annonça-t-il.

On déposa instantanément les cartes. L’air grave, le Capitaine demanda :

— Qui ? Où ?

— Un garçon, fils de bourgeois, il s’est fait éventrer dans une ruelle, toujours dans le même quartier. Personne n’a rien vu, il a été retrouvé par une patrouille à Riviera. Ils disent partout que c’est l’œuvre d’une bête ou d’un cannibale alors il devait pas en rester beaucoup plus de bouts que la Gardienne…

Un terrible brouhaha éclata avant même qu’il ait finit son exposé. Salazar Demi-Plume attendit que le ton redescende et, se grattant le poil du menton de l’index, marmonna :

— Maintenant on en est sûr : le meurtre de la Gardienne n’était pas un acte isolé… Quelqu’un tue des citoyens, avec une mise en scène macabre pour effrayer le Surplomb qui plus est… Les amis, ça commence à sentir mauvais !

— Tu ne crois pas au cannibale ? demanda le jeune Lieutenant dont c’était manifestement la thèse préférée.

— Abruti, il n’y a bien qu’au Nouveau Monde que ça existe des trucs pareils ! Garde tes conneries pour toi-même : s’il y avait un barjo dans le genre à Cathuba ça aurait fait du bruit depuis longtemps...

— Il a peut-être débarqué ces derniers jours…

Le Capitaine Demi-Plume eut un sourire crispé des plus sinistre.

— Tu insinues qu’il y a un putain de cannibale dans mon équipage, Zim ?

Ziméo bafouilla de vagues excuses et son chef ne lui exprima que son dédain :

— La prochaine fois ferme ta gueule. Ce qui est sûr c’est que si quelqu’un veut que Riviera chie dans ses chausses, il s’y prend sacrément bien…

— C’est pas bon pour nous, fit remarquer Cætana , pas bon du tout. Quand un lâche est terrifié, il fait des conneries ; Riviera pourrait nous envoyer des soldats s’il devenait parano…

— Exactement, valida son Capitaine. Il va falloir faire beaucoup plus attention maintenant les gars. Dick !

Surpris d’être convoqué aussi brusquement, le gosse eut un temps d’hésitation mais finit par s’avancer.

— Avec tes câbles et ta lanterne, tu comptes nous faire rentrer comment ? Par les toits ?

— Par les égouts, articula-t-il avant de s’être posé la question de savoir s’il devait encore garder cette information secrète pour l’instant. Il hésitait toujours à confier tous les détails de son plan au Capitaine, aussi ne dit-il rien de plus.

— Dans combien de temps tu seras prêt ? lui demanda-t-il simplement.

Parti pour parti, le gamin décida d’en dire plus, pour se justifier :

— Je pensais que ça irait vite, mais là-dessous c’est beaucoup plus compliqué que prévu. Je saurais pas dire quand j’aurais trouvé le chemin mais je sais qu’il existe. C’est l’affaire de quelques jours…

Demi-Plume hocha la tête, compréhensif.

— Fais au plus vite, petit, le temps joue contre nous. Si tu as besoin de plus de matos, viens trouver Cætana et tu l’auras. Ziméo !

Le jeune Lieutenant s’avança, sans pour autant oser rouvrir la bouche.

— Tu as exprimé le souhait d’explorer ta propre méthode pour pénétrer le Bastion… Je te donne carte blanche, mais surtout ne te fais pas remarquer, ok ? Le premier de vous deux qui me trouve une entrée reçoit une promotion. Bien compris ?

Ils acquiescèrent de concert.

— Que Vapeur nous soit favorable, lança le pirate à la plume avant de les congédier pour retourner à sa partie.

Il ne riait plus et avait renoncé à tricher. Fard Taille-caillasse, indifférent à l’inquiétude générale, se tapait sur le ventre et en profitait pour remporter le pli.

Dick-Tale, lui, se pressa de quitter les pirates avant que Cætana ne le coince dans un coin. Au bas de l’escalier, il se rendit compte qu’il n’y avait pas que les pirates qui avaient été secoués par la nouvelle. Les Gardes s’étaient levés et discutaient vivement entre eux. Leurs gros chiens, à leurs pieds, grondaient avec des airs menaçants. Le gosse se garda bien d’aller leur chercher querelle et sortit dans la nuit.

Il grimpa sur les toits pour rentrer chez les Orphelins afin d’échapper aux ruelles qui, à présent, ne se faisaient plus sûres. Le brouillard, épais, rendait ses repères visuels flous et les tuiles glissantes. Il s’arrêtait souvent, incertain, et prenait quelques instants pour réfléchir.

Depuis sa naissance, Cathuba avait toujours été un Surplomb tranquille, agité par quelques affaires de mœurs un peu étranges de temps en temps, par le vol à l’étalage des gosses de rues, et par ses propres pitreries volantes ou galopantes. Mais depuis que Yulia était partie, voilà que l’on parlait de meurtres et de vengeance sanglante. L’innocence les avait-elle quittés avec la fille de l’Amiral ? Comment un être humain pouvait-il être derrière des actes aussi sauvages ? On parlait de marques de morsures sur les os, de membres broyés par des mâchoires… Jamais on avait vu telle violence à Cathuba autrement que sur des bêtes. Le gamin, par exemple, se souvenait parfaitement du roquet de sa voisine, la vielle Faama, qui sur son ordre pouvait se jeter sur les poules, en attraper une dans sa gueule et l’ouvrir à coups de dents pour en engloutir un large bout de viande…





Les jours qui suivirent, Dick-Tales les passa dans les égouts, à explorer son chemin jusqu’à tomber à court d’huile. Forcé de sortir, il ne put alors échapper aux nouvelles.

Riviera avait presque doublé ses patrouilles, recrutant tout citoyen volontaire pour les faire soldats, mais aucune de ses mesures ne semblait menacer le tueur. Le second jour, ce fut une autre Gardienne qui disparut, en plein jour, à la faveur de ce brouillard qui persistait à s’attarder sur la région. Le troisième, deux soldats de ces patrouilles inefficaces subirent le même sort, égorgés avant d’avoir pu même tirer un coup de fusil.

On ne quittait plus son chez-soi ; les commerces n’ouvraient plus ou presque : seule la taverne des quais et quelques courageux persistaient à tenir leur boutique, pour une clientèle rachitique. Même les Orphelins n’osaient plus arpenter les rues, et priaient pour avoir assez de provisions jusqu’à la fin des troubles. Le Temple, meurtri, avait fermé ses portes et les Gardiennes arrêtèrent même de visiter les malades, signe que la situation tournait vraiment à la paranoïa.

Demi-Plume devenait chaque jour plus anxieux. Aucun de ses hommes n’avait encore été touché par le tueur en série, qui semblait seulement opérer dans l’ancien quartier de l’Amirauté, mais à chaque fois que Zimeo revenait de ses expédition il semblait soulager de constater que son jeune Lieutenant soit encore entier. Celui-ci arpentait les environs du Bastion en quête d’un moyen d’en forcer l’entrée. Dick-Tales savait d’ores et déjà que c’était peine perdue : les murs étaient des plus solides, les fenêtres trop hautes, et la façade que le crash de l’aéronef avait ouverte ne donnait que sur la salle de réception et non sur les quartiers des militaires.

Son propre plan se mettait en place plus lentement, mais il était persuadé de tenir une bonne piste. S’il parvenait à faire entrer les pirates dans la salle des coffres, il aurait sa place sur le Héron et adieu Cathuba ! Adieu, Surplomb de malheur !

Bien entendu, ce ne fut pas si facile.

Il déblaya un matin, après trois jours entiers à avancer dans la zone, une nouvelle voie praticable. Rien qu’à l’odeur, il sut qu’il avait atteint des latrines. La pierre des voûtes, grisâtre et lisse, était caractéristique du Bastion de l’Amirauté qu’avait fait bâtir Ford. S’il levait la tête, il pouvait distinguer, six par six, les rangées de chaises percées.

Seulement voilà, une trappe verrouillait chacun des orifices.

Dick-Tales allait avoir besoin de gros-bras s’il voulait en forcer l’ouverture.

Le moment était venu de donner le feu-vert à Demi-Plume.

fin de la part.2
Dernière modification par Judas_Cris le sam. 11 nov., 2017 5:11 pm, modifié 2 fois.
DanielPagés

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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par DanielPagés »

Héhé ! super ! j'aime beaucoup ! Beau boulot !!
J'adore la description des latrines vues par en-dessous !! :lol:

Allez, j'ai noté pour cette fois quelques bizarreries, je fais mon prof :lol: :

- on avait délassé le corset de la fille. Délasser c'est ôter la lassitude, délacer, desserrer ou ôter un lacet
- Sûr qu’il s’en venterait ! rien à voir avec le vent, il se vante !
- Dick-Tale ne les rejoint pas, il garda ses distances, Alors là, vous êtes nombreux à fauter sur le passé simple de rejoindre qui fait rejoignit
- Le Pirate terminait son plis pourquoi un s à plis ? un pli des plis, non ?
- Cætana qui délassait son corset idem que plus haut
- se jeter sur les poules, en attraper une dans sa gueule et l’ouvrir par les dents pour en engloutir un large bout de viande… là j'ai pas trop compris...
- et priaient pour avoir assez de provision jusqu’à la fin des troubles. assez de provisions c'est toujours plusieurs quand il s'agit de bouffe, au singulier c'est pour la banque > chèque sans provision
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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

DanielPagés a écrit :Héhé ! super ! j'aime beaucoup ! Beau boulot !!
J'adore la description des latrines vues par en-dessous !! :lol:

Allez, j'ai noté pour cette fois quelques bizarreries, je fais mon prof :lol: :

- on avait délassé le corset de la fille. Délasser c'est ôter la lassitude, délacer, desserrer ou ôter un lacet
- Sûr qu’il s’en venterait ! rien à voir avec le vent, il se vante !
- Dick-Tale ne les rejoint pas, il garda ses distances, Alors là, vous êtes nombreux à fauter sur le passé simple de rejoindre qui fait rejoignit
- Le Pirate terminait son plis pourquoi un s à plis ? un pli des plis, non ?
- Cætana qui délassait son corset idem que plus haut
- se jeter sur les poules, en attraper une dans sa gueule et l’ouvrir par les dents pour en engloutir un large bout de viande… là j'ai pas trop compris...
- et priaient pour avoir assez de provision jusqu’à la fin des troubles. assez de provisions c'est toujours plusieurs quand il s'agit de bouffe, au singulier c'est pour la banque > chèque sans provision
Merci beaucoup Daniel !
Ok ok, c'est corrigé !
Pour "se jeter sur les poules, en attraper une dans sa gueule et l’ouvrir par les dents pour en engloutir un large bout de viande… " peut-être que la fin de la phrase ("pour en...") est de trop ?
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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par DanielPagés »

dark-vince a écrit :
DanielPagés a écrit : Pour "se jeter sur les poules, en attraper une dans sa gueule et l’ouvrir par les dents pour en engloutir un large bout de viande… " peut-être que la fin de la phrase ("pour en...") est de trop ?
Non, ce que je comprends pas c'est ce que tu veux dire en écrivant "ouvrir par les dents" : ouvrir avec les dents ou à coups de dents ? ;)
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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

DanielPagés a écrit :
dark-vince a écrit :
DanielPagés a écrit : Pour "se jeter sur les poules, en attraper une dans sa gueule et l’ouvrir par les dents pour en engloutir un large bout de viande… " peut-être que la fin de la phrase ("pour en...") est de trop ?
Non, ce que je comprends pas c'est ce que tu veux dire en écrivant "ouvrir par les dents" : ouvrir avec les dents ou à coups de dents ? ;)
Aaaaah ! :lol: Ok, je change pour à coups de dents ;)
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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

Marjogch a écrit :Ahhhhhhhhh Dickiiiiiii est de retour :lol: .. oui je lui ai donné un tit surnom chouchou. Je l'adore ce personnage et je suis super heureuse de le retrouver.

Alors là, tu nous laisses sur notre fin devant une intrigue croustillante et sanglante. Qui tue ces personnes? Pourquoi? Qui sera la prochaine victime? Dick n'est pas entouré que d'amis et j'aime beaucoup l'idée qu'il s'attache à la pensée de notre jeune héroïne pour l'aider à tenir le coup. Il lui faudra beaucoup de courage pour y arriver.

Très bon chapitre en tout cas, et du bon travail. Ca valait, comme toujours, le coup d'attendre ;) .

Plus les chapitres passent et plus tu t'améliores. Tu as raison de prendre ton temps pour poster ton travail. Le résultat est encore plus visible.

A quand la suite??? :D

Je suis prête en tout cas
Merci beaucoup !! :D Ah, Dick Je te cache pas que je l'aime de plus en plus ^^ Plus j'écris sur lui plus j'aime le manier 8-)
Héhé, cool que mon intrigue marche ! :D (je crois que KoinKoin a deviné la fin, mais il doit être le seul ^^)
Au niveau écriture, j'en suis à la dernière scène de l'Interlude 2 ;) dooooonc... ça arrive peut-être ce week-end si Enora est dispo pour la correction :mrgreen:
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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

Ne t'en fais pas, le chapitre est en correction mais j'ai pris du retard car j'en ai réécrit une grande partie ^^ (j'étais vraiment pas content de ce que j'avais écris) Et puis ces jours-ci je suis malade, j'ai pas l'esprit très clair ^^'
Je suis très heureux que le chapitre t'ait plut ! :D Les réactions et interactions des différents personnages sont plaisir à écrire, et apparemment un plaisir à lire aussi :lol:
Pour moi, c'est l'intérêt de la fiction : paradoxalement, on peut parler de choses sans les nommer, et ça donne une liberté assez libératrice je trouve :) pas besoin de coller des étiquettes, comme tu dis, expliquer en quelque mot suffit, voir même ne pas l'expliquer du tout et le faire comprendre autrement... Quand on fait de la littérature (quand on veut raconter une histoire immersive) au lieu d'écrire de but en blanc, on ne va pas nommer une action, mais on va la raconter, et bien c'est la même chose pour la sexualité ou le genre des personnages : on ne va pas définir, on va raconter.
Merci pour mes sonorités, j'aimerais en faire plus car j'adore ça mais j'en ai qui me vienne finalement assez rarement ^^'
Ah, marrant car j'avais aussi en tête du Tarantino quand j'ai écrit cette scène ! :lol:
Merci beaucoup !! :D La suite devrait arriver dans les prochains jours ;) Puis on retournera à Yulia et Angora ! :mrgreen:
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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par louji »

Il fait beau dehors, hein... ?
Bon, on arrête de se défiler. Du coup : je suis désolée de pas être revenue pendant deux mois !! :cry: Je pensais pas m'arrêter aussi longtemps, mais procrastination + cours = pas grand-chose de productif. :oops:
Du coup, me revoilà pour suivre les aventures de l'Eclat !

dark-vince a écrit : Chapitre 15 : la Capitale

Ils se mêlèrent à la foule avant que le soleil ne disparaisse derrière l’horizon. Les ex-Corsaires se couvrirent de toiles usées et dissimulèrent leurs visages sous de larges capuches afin qu’on ne leur pose pas de question sur la propreté de leurs habits ou leur figure bien portante. Passant furtivement un œil par-dessus la sienne, Yulia examinait les travailleurs parmi lesquels ils se fondaient, et constatait pour la première fois leur misère.

Sur Cathuba, tout le monde exerçait un métier à échelle humaine : on était artisan, boulanger, commerçant, parfois on cultivait ses légumes sur son toit et on dégorgeait les gouttières des feuilles tombées en automne. Le travailleur était, là-bas, à la fois tout le monde et personne, dans cet état qui semblait naturel, où on travaillait en famille, à deux, à trois, mais guère plus.

Ici, à la Capitale, elle pouvait voir les usines au loin cracher d’énormes colonnes de fumées, elle pouvait constater l’étendue immense des champs, organisés en rangs nets et serrés. Une seule famille n’aurait jamais pu s’occuper de choses aussi gigantesques. Ceux qui le faisaient étaient tout autour d’elle, et ils étaient des milliers. :arrow: Industrialisation ! Bref, juste pour dire, qu'avec la musique, ça rend très très bien !

Les hommes qui marchaient vers la ville sortaient des champs et des usines. En bleu de travail :arrow: Même là-bas, c'est bleu ? :lol: C'est dommage, la suie et la cendre doivent tacher les vêtements...
Pourquoi pas du gris ou du noir ? :D Enfin, tu fais bien comme tu veux évidemment !
usé, fatigués, couverts de boue, de suie ou de cambouis, parfois porteurs de cicatrices fraiches sur les avant-bras, quand ils n’avaient pas perdu un doigt ou deux, broyés ou tranchés par une machine. Ils courbaient le dos, à bout de force physique ou mentale. Ils avançaient à la manière d’automates, fondus dans une masse abattue et résignée. :arrow: J'ai du Chaplin en tête...

Parmi les philosophes que lui faisait lire Senex, il en était un ou deux qui parlaient du travail en des termes extrêmement durs et violents. Elle ne les avait jamais véritablement compris jusqu’à ce jour. Ces gens autour d’elle n’étaient pas des hommes complets. Ils ne se réalisaient pas par leurs actions, car leur force de travail était achetée, ils l’avaient cédés aux usines, aux champs, et ceux-ci les vidaient, leur suçaient le sang jusqu’à ce qu’ils n’aient plus la force de rien entreprendre. C’était cela l’aliénation : le travail n’appartenait plus à l’humain, mais l’humain appartenait au travail.

Ils étaient des travailleurs.

Yulia rabattit la toile sur sa tête quand la cendre se remit à tomber. La foule devenant plus compacte, Angora lui prit la main discrètement. Profiter de la fin de la journée ouvrière leur permettait sans doute de passer inaperçu, mais en contrepartie la jeune fille connut une marche laborieuse et éprouvante. Les flocons de cendre humides qui tombaient du ciel se mélangeaient à la terre qui, labourée par des milliers de bottes, se changeait en boue. Dépourvus de chaussures, les petits pieds de la fille de l’Amiral s’enfonçaient dans le sol jusqu’à la cheville. Le pantalon ample qu’elle avait retroussé aux tibias se retrouva bien vite souillé et éclaboussé comme tout le bas de son corps. Elle avait l’impression que sa peau devenait poisseuse, collant ses poils, attrapant chaque poussière et chaque saleté. Sous la toile, son visage était peut-être protégé de la suie, mais elle sentait remonter les odeurs de sueur et de crasse. Les choses devaient être encore pires les jours de grande chaleur, admit-elle, mais la chose était déjà suffisamment affreuse avec cet air humide. A un moment, son pied frappa quelque chose de solide, et elle resta pétrifiée lorsqu’elle constata qu’il s’agissait d’un cadavre de corbeau, éventré et couvert de boue grasse.

Son calvaire commença à prendre fin lorsqu’ils entrèrent dans les faubourgs. La route se mit à présenter un pavage rudimentaire, et elle pouvait souvent poser le pied sur un galet accueillant, bien que nombre d’entre-eux soient instables ou glissant. Levant les yeux, elle distingua le sommet de grandes colonnes en pierre : des tours de garde, aux sommets desquelles les soldats Impériaux surveillaient la foule. Elle rebaissa instantanément les yeux. Un mouvement de foule les approcha du bord de route, et Yulia aperçut plusieurs échoppes de fortune, proposant friandises, pains aux graines, et vin bon marché aux travailleurs épuisés. Dans ces faubourgs, il y avait à la fois des bâtiments solidement bâtis, comme des tours, des casernes ou des moulins, et des constructions précaires : des cabanes, des enclos à bétail, des entrepôts.

La route finit par croiser un fleuve –qu’elle supposa être l’Azurite qui couvrait l’entrée des cavernes de Tort’uggram, à plusieurs kilomètres de là– et la foule s’engagea sur un large pont. Le cours d’eau, après un dernier coude, se rangea à leur gauche et suivit les travailleurs dans le faubourg jusqu’à ce qu’ils arrivent à la Capitale.

Yulia fut frappée par la hauteur démesurée des murs de la Capitale : les tours de garde qu’ils avaient croisées plus tôt n’étaient rien en comparaison de la Muraille. Faite de gros blocs de pierre noire, sa face paraissait lisse et s’élevait sur près d’une centaine de mètres. Son aspect massif et autoritaire devait être renforcé par sa couleur, se dit la jeune fille, la seule à ne jamais être salie par la suie.

Ils passèrent les portes à l’instant même où le soleil disparaissait. Les soldats en faction étaient alors plus occupés à allumer les lanternes qu’à examiner la foule. Le cortège de travailleur pauvre était tel qu’il était, de toute manière, vain d’espérer pouvoir surveiller qui entrait à la Capitale. Couverts de toiles et de capes usées, Taylor et ses hommes firent passer Yulia et Angora sans aucun problème.

Avec la nuit se mit à tomber une petite bruine qui acheva de les tremper. C’était une pluie très fine, mais poisseuse, chargée de suie et d’eau viciée. Elle formait sur la peau des petites gouttes aussi noires que la Muraille, qui glissaient et tombaient lourdement, laissant derrière elles des trainées de dépôts noirs puant la fumée.

La fille de l’Amiral resserra sa toile autour d’elle et se laissa guider par le groupe. Une fois passées les deux enceintes de la Muraille, ils entrèrent à la Capitale. Elle ne savait pas à quoi elle s’était attendue –sans doute avait-elle en tête certains résidus des histoires de Marisa– mais la réalité en fut très éloignée.

Le sud de la Capitale était une zone de construction anarchique, et Yulia ne comprit pas immédiatement ce qu’elle avait devant les yeux. Elle crut tout d’abord avancer entre d’abruptes collines avant de se rendre compte qu’il s’agissait d’entassements de cabanes. La première –et étrange– image qui lui vint en tête fut celle des termitières, qu’elle avait étudiées dans un livre de zoologie : à la manière des termites, les travailleurs avaient assemblés leurs maisons les unes sur les autres, s’agglomérant peu à peu jusqu’à former de véritables villes à étage, entassées contre la Muraille, puis en pyramides grossières à mesure que l’on avançait dans la ville.

A présent qu’ils marchaient à l’intérieur de l’enceinte, sur les berges du fleuve, Yulia pouvait pleinement se rendre compte des conditions de vie de tous ses gens : ils vivaient entassés, dans l’humidité, ayant assemblé un logis avec du vieux bois, de la tôle, de la brique. Dans l’obscurité naissante s’allumaient des lanternes de fortune, éclairant chaque alcôve de ces montagnes de misère. La jeune fille apercevait tantôt un volet brinquebalant, tantôt une porte sans gond, et parfois un simple drap usé passé en travers d’une ouverture. Les travailleurs quittaient un à un la route, et disparaissaient entre deux montants, grimpant par un escalier dérobé jusqu’à rejoindre leur logement, retrouver leur famille. On apercevait des enfants aux fenêtres, des mendiants aux coins des rues et des bandes de jeunes s’échangeant des bricoles.

C’était la première fois que Yulia était confrontée à l’extrême pauvreté, et elle en demeura horrifiée. Comment pouvait-on laisser vivre des gens dans de telles conditions ? C’était comme s’ils étaient des animaux, semblables à ces poules que l’on entassait dans des cagettes sur le port de Cathuba. :arrow: Biouf, ça fait froid dans le dos... C'était vraiment très bien décrit, avec justesse, sans que tu aies grossi le tableau. Puis cette musique est vraiment envoûtante !
Taylor les arracha au fleuve avant qu’elle ne se rende compte de tous les déchets qu’il transportait et d’un signe de la main les invita à le suivre dans une ruelle.

Entre les bâtisses, les ruelles étaient semblables aux galeries qu’avait connu :arrow: connuES la fille de l’Amiral à Cathuba : une dizaine d’étages couraient au-dessus de leur tête :arrow: leurS têteS, et on entendait à peine les bruits du dehors. Pour autant, les bâtiments constituaient un abri imparfait puisque Yulia pouvait voir et sentir couler le long des poutres l’eau poisseuse et noire de la bruine s’infiltrant entre les planches et les briques.

A la lumière de quelques lampes à huile, le groupe progressa à travers un dédale de ruelles couvertes, faites de bric et de broc, entre poubelles ouvertes et panneaux de bois ou de tôles, croisant quelques riverains et des travailleurs rentrant chez eux, passant devant des épiceries clandestines, des enseignes à néo invitant à entrer dans des bars à opium, des caves devant lesquelles une courtisane appâtait la clientèle. Il y avait dans les ruelles une odeur constante de vomi et rats morts ; si on ne faisait pas attention à où on mettait les pieds, on pouvait vite se couper avec les restes d’une bouteille en verre ou des bouts de ferrailles rouillées. Tout du long, Yulia se couvrit le visage avec sa toile et tenta d’ignorer le sentiment de malaise qui la gagnait. Elle serrait dans sa main la crosse du petit pistolet d’Angora, à moitié caché dans sa culotte.

Était-ce donc cela, un quartier de la Capitale ? Une décharge puante, où s’échouait toute la misère de l’Empire ? Cette pensée morbide ne la quitta pas alors qu’ils progressaient, et même le chanteur de rue qu’ils croisèrent peu après ne suffit pas à dissiper le dégoût profond que lui inspirait cet endroit.

Senex lui avait un jour demandé si c’était :arrow: c'étaiENT les habitants qui construisaient le lieu à leur image, ou si c’était le lieu qui pliait les habitants à son image. Yulia ne connaissait pas la réponse à cette question, mais elle plaignait ceux qui habitaient ce quartier-ci de la Capitale : quand la misère est tout ce que croise le regard, comment avoir espoir en l’avenir ?

A mesure que Taylor menait leur petit groupe, cependant, les fenêtres manquantes et les murs en tôle se firent plus rares. Le sol se solidifiait sous leurs pieds, et les briques se généralisèrent. Yulia mit un moment à s’en rendre compte, mais ils laissaient derrière eux le ghetto des travailleurs pour entrer dans un nouveau quartier. Sur les murs, les insultes écrites à la pierre de chauffe laissèrent place à des affiches collées maladroitement. Le plus souvent on y lisait également des insultes, mais c’était moins grossier. L’odeur de pisse avait remplacé celle de mort.

Ils sortirent un instant à l’air libre, puis replongèrent dans les rues sous un nouvel ensemble de bâtiments anarchiques. De celui-ci, elle en vit très peu, la nuit devenant bien plus sombre à mesure que l’heure avançait, mais l’ambiance y était toute autre. La plupart des parois étaient tout aussi délabrées, mais les constructions étaient plus solides, avec de vrais matériaux et des bases en pierre taillées. Çà et là, des lanternes éclairaient le chemin, sur le pas d’une porte ou devant un commerce, une auberge ou un bar à chicha. Au-dessus d’eux, il n’y avait plus simplement des planches et des poutres brinquebalantes, mais une petite voûte faite de poutrelles de métal, de pierre et de mortiers, abîmée par endroit mais un peu plus étanche. Yulia commença à desserrer sa prise sur sa capuche de fortune.

Taylor s’arrêta un peu plus loin, relevant sa lanterne pour révéler une enseigne assez discrète :

Lynch Bar - Bar et Auberge

L’inscription placardée sur un bloc de ciment était suivit :arrow: suiviE d’une petite flèche invitant les intéressés à descendre une volée de marches dans le sol qui menait à une petite porte rouge à la peinture écaillée. Le Capitaine de l’Eclat ouvrit la marche, non sans leur donner une brève instruction :

— Laissez-moi parler et, par pitié, ne fixez pas trop longtemps sa verrue des yeux.

Ils durent baisser la tête pour passer sous la traverse –Leoda plus que les autres– et furent introduits dans une pièce souterraine, semblable à une cave. Le Lynch bar était pourvu d’une longue salle, dont le plafond se composait de voûtes de pierre quand le sol et les murs étaient entièrement revêtus de panneaux de bois. Sur la gauche, un long comptoir en chêne, au plateau couvert d’une feuille de zinc, derrière lequel un jeune homme récurait des verres au torchon. Sur la droite, une série de tables enfoncées dans de petites alcôves où étaient attablés quelques clients, fumant le narguilé ou buvant de l’alcool en petits comités.

Le garçon leur lança un drôle de regard alors qu’ils se débarrassaient de leurs toiles usées et sales. Le fond de la salle était délimité par un lourd rideau de coton rouge qui ondulait doucement au rythme des grands ventilateurs qui brassaient l’air au plafond. Si Angora conserva sa capuche par peur d’être reconnue, Taylor et les autres ne se gênèrent plus avec les leurs, et Yulia décida de les imiter. Elle ne savait pas si c’était particulièrement sage, mais elle en avait plus qu’assez de s’encombrer avec ce tissu écœurant et plein de traces de suie.

— Emy, de la visite ! annonça le garçon après avoir visiblement reconnu Taylor.

Une femme apparut depuis l’arrière-boutique, un fût de bière dans les bras. Elle prit le temps de le déposer sur le comptoir puis se retourna vers le groupe. Jeune au corps sec et tonique, ses longs cheveux roux, tressés et garnis de bagues en métal, tombaient jusqu’au bas de son dos. Son visage possédait des traits rudes et anguleux, non dénués d’une forme brute de beauté. Mais ce qui attirait particulièrement le regard se situait au niveau de sa lèvre supérieure où poussait une imposante verrue, charcutée par de nombreuses cicatrices, témoignant de la fureur avec laquelle sa propriétaire avait tenté de l’arracher. Il était impossible de ne pas la remarquer, pourtant la jeune fille tenta de faire comme si elle n’avait rien vu, se souvenant de l’instruction de Taylor. Ce ne fut pas le cas d’Ashä qui se retient :arrow: retint à peine de glousser.

Emy s’essuya les mains sur son tablier, dévisagea la petite troupe d’un œil sévère et salua le Capitaine de l’Eclat avec un clin d’œil :arrow: petite répétition ^^ appuyé.

— Que puis-je pour vous, voyageurs ? demanda-t-elle poliment.

— Nous aimerions vous louer quelques chambres, répondit le Sans-nom d’un ton égal. Ainsi que faire un peu de commerce…

La dénommée Emy sourit en coin, et leur fit signe de la suivre. Passant devant le garçon au comptoir, elle lui jeta négligemment un trousseau de clés.

— Tiens le bar jusqu’à mon retour, Yorik. S’il y a un problème, sonne Mikhaïl mais ne me dérange pas. Compris ?

Il hocha bien précipitamment la tête et resta un moment les bras ballants avant de reprendre son travail comme si de rien n’était. Emy les fit passer derrière le rideau rouge.

Là, entre les tonneaux de bière et de whisky, les bacs à vaisselles et les cartons de provisions, il y avait trois portes. La première, entrouverte, semblait montait vers l’étage supérieur. La deuxième, visiblement la porte des toilettes, présentait un pictogramme grossier dessiné à la craie. La troisième était blindée, entièrement métallique et lourdement barrée par trois verrous.

La rousse sortit un long collier de son corsage auquel pendait une clé noire. D’un coup de main expert, elle déverrouilla la troisième porte qui s’ouvrit en un grincement lugubre. Le groupe s’engagea dans un long escalier sombre et descendant. Taylor ralluma sa lampe. Derrière eux, Emy referma la porte, et remit les verrous en place.
Pendant qu’ils descendaient, le Capitaine de l’Eclat se mit à faire la conversation :

— Alors, on a un nouvel associé à ce que je vois ?

— Géon a essayé de me doubler, il y a trois mois. Le petit nouveau, Yorik, est un peu lent, mais c’est un gars fiable.

— J’ai toujours pensé que Géon était un sale con, approuva Taylor. J’avais promis de lui casser un doigt, où est-ce que je peux lui envoyer mes invitations ?

Cherche au fond du fleuve, conseilla Emy, il doit toujours y être. :arrow: J'aime beaucoup la nonchalance de cette phrase :D

Personne ne fit de commentaire, et Yulia fut parcouru :arrow: parcouruE d’un frisson glacial. D’apparence joviale, la tavernière semblait tenir un double-langage qui l’invitait à ne pas baisser sa garde. A ses côtés, Angora questionna d’un regard Hellshima qui lui fit signe de la main que tout allait bien.

Lorsqu’ils arrivèrent au bas des marches, Emy passa devant et alluma les lanternes au plafond à l’aide d’un petit briquet à amadou. Enfin éclairée, la pièce leur apparue, et il s’agissait d’une grande salle souterraine entièrement faite de pierres larges et solides. Ils se trouvaient dans une sorte de sas, face à un comptoir semblable à celui du bar au-dessus mais équipé de toute une vitrine en verre armé. Sur leur droite, une porte métallique permettait de passer à l’intérieur de cette seconde zone. Impressionnée par tout ce dispositif, Yulia commençait sérieusement à se demander où elle avait mis les pieds.

Emy sortit un revolver d’entre les plis de sa robe. Si Yulia retint son souffle un court instant, la femme se retourna vers eux sans marquer d’émotion particulière, comme si tout ceci faisait partie d’une routine bien huilée :

— Allez, vous connaissez la procédure : à poil tout le monde. Vos armes dans ces coffres, et pas de coup fourrés si vous voulez faire affaire.

Elle leur désigna deux grands coffres, et ce fut Taylor qui montra l’exemple en se séparant de son revolver et de son sabre court. La jeune fille avait vu l’importance qu’il accordait à cette arme lorsqu’il l’avait confiée à Ashä, pendant de leur évasion : ce n’était pas une lame dont il se séparait d’ordinaire. Inspirés par la confiance de leur Capitaine, ses membres d’équipages firent de même : l’Eclair de Jade ôta sa ceinture et remit ses deux sabres à l’aubergiste ; Hellshima donna sa carabine à long nez, ainsi que ses pistolets à silex ; Nadejda sortit le fusil impérial qu’elle conservait auparavant sous sa cape ; Leoda rechigna quelques instants mais finit par céder sa large épée ; Hikari se défit de son tantō gravé et du petit fusil à canon scié qu’il dissimulait sous son manteau ; Irïllan, lui, exposa ses deux paumes bien ouvertes pour signifier qu’il n’était pas armé.

Angora fixa Emy droit dans les yeux un court instant, réticente, mais finit par lui confier sa carabine et son sabre de Dragon. Yulia pouvait sentir la présence du petit pistolet caché dans sa propre ceinture, mais préféra ne pas faire état de sa présence.

La rousse vida leurs chargeurs, puis leur rendit leurs armes à feu une fois désarmées. Leurs lames, par contre, finirent dans les coffres qu’elle verrouilla d’un tour de clé.

— Les sacs, ici, enchaina-t-elle en désignant la bandoulière de la Dragon, ainsi que les nombreuses sacoches que transportaient les ex-Corsaires.

Tout fut déposé au sol, près des coffres, et on se tourna vers la vitrine. Sans lâcher son pistolet, la maîtresse des lieux déverrouilla la porte, et les introduisit dans le magasin. Ici, l’air sentait la poudre. Autour d’un plan de travail en zinc, se trouvait un ensemble de casiers à tiroirs et de vitrine dans lesquelles on pouvait tantôt admirer un long fusil, tantôt un ensemble de revolvers imposants. Au fond de la pièce, une autre porte blindée laissait à penser que le repère d’Emy abritait beaucoup plus que ce qu’il en laissait paraître. Celle-ci se positionna derrière son plan de travail et sortit un calepin plein de notes qu’elle parcourut rapidement du regard avant de prendre la parole :

— Bien, vous venez essayer de nouveaux produits ou simplement vous réapprovisionner ?

— Principalement faire le plein de munition et de poudre, mais je suis ouvert à toute proposition, répliqua Taylor sans marquer d’hésitation.

— On va commencer par vos munitions, décida la rousse en se saisissant d’une plume et d’un encrier.

Yulia tendit le cou pour tenter de déchiffrer ce qu’elle écrivait, mais son écriture fine et délicate n’employait pratiquement que des abréviations, si bien qu’elle n’était pas sûre de comprendre.

— Tu as toujours cette vieille série de canon depuis la dernière fois ? demanda-t-elle sans lever le nez de ses papiers.

— Toujours, certifia Taylor. Ils sont fiables et efficaces.

— Ce sont des vieux modèles, du 24 :arrow: je suis chiante, mais vingt-quatre :lol: livres si je ne m’abuse. Je dois pouvoir te fournir une cinquantaine de boulets en fonte, mais guère plus. Tu diras par contre à Kurd que j’ai mis la main sur six canons à obus flambants neufs, ça devrait le faire bander…

— Il est mort, la coupa le Capitaine, et les 24 livres me vont très bien.

Elle haussa les épaules, apparemment indifférente.

— J’en déduis que tu recherches un nouveau maître Canonnier ? Je peux faire jouer mes contacts…

— Ce n’est pas la priorité, éluda le Sans-nom, visiblement mal à l’aise. Les trois asticots se débrouillent bien, et Gros-Tom peut les diriger.

L’autre tira un trait sur son calepin.

— On repart sur des boulets de 24 alors…

— C’est ça.

Elle se redressa et ouvrit un de ses tiroirs. D’une main, elle se saisit de trois petits sachets qu’elle lança sur son plan de travail. Taylor les attrapa, et plongea la main alternativement dans chacun d’eux.

— Passons à vos fusils, maintenant. J’ai qu’une seule sorte de poudre noire, mais je vends trois types de plombs, à toi de choisir.

Taylor prit dans sa paume un petit tas de billes noires, qu’il fit rouler entre ses doigts. Curieuse, Yulia se montra très attentive. Elle remarqua immédiatement qu’elles étaient du même diamètre que celles qu’Angora lui avait données pour charger son pistolet. Le Sans-nom répéta l’opération pour les trois sachets, s’assurant de leur poids et de leur composition.

— Les deux premiers sont entièrement composés de plomb, expliqua l’armurière, mais je fais une réduction sur le second type car c’est de la contrebande fait avec les chutes des usines, elle a pas mal d’impuretés et de corpuscules. Le troisième est un alliage de plomb, d’antimoine et d'arsenic : c’est du costaud, mais ça coûte aussi plus cher.

— Je les connais, ces plombs de récup’, grimaça Taylor, une balle sur trois éclate dans le canon et on est bon pour jeter l’arme… Je te prendrais de celui-là et de la poudre en quantité, mais mets-moi le double de nos réserves habituelles : nous partons pour une longue expédition.

Il poussa devant lui le premier sachet, celui contenant le plomb pur. Emy acquiesça et prit note.

— Voilà, fit-elle ensuite, ça c’étaient les commandes de l’Eclat. Maintenant, je vais prendre les commandes individuelles… Tu as des requêtes de ton équipage ?

— Käsh a constitué une petite liste, dit-il en sortant de son manteau rouge un bout de parchemin plié.

La rousse le saisit, en parcourut rapidement le contenu, et le glissa dans son calepin.

— Ok, rien de bien compliqué. A toi, maintenant : j’ai vu que tu portes toujours le beau bébé que je t’ai vendu !

Le Capitaine sourit et sortit le revolver qu’il avait passé à la ceinture. Emy le prit délicatement et l’examina quelques instants.

— Non seulement tu as épuisé toute tes munitions, mais en plus tu l’as bien rayé, soupira-t-elle, visiblement plus peinée par l’usure d’une arme que par la mort d’un homme.

— Si ses munitions ne coûtaient pas aussi cher, je n’aurais pas été obligé de taper avec, plaisanta Taylor en haussant les épaules.

Yulia fronça les sourcils. Il y avait quelque chose qu’elle n’arrivait pas à comprendre…

— L’Eclat manque de munition ? On a pourtant beaucoup de plomb…

Elle se rendit compte trop tard qu’elle avait parlé à voix haute, comme si elle interrogeait encore Senex au quotidien. Emy haussa un sourcil et tous tournèrent la tête vers la fille de l’Amiral. Elle faillit perdre contenance, mais garda la tête droite, comme elle faisait face aux nobles qui toisaient son père jadis. Quand on sort du rang sans faire exprès, autant sauver la face.

— Non, voulut la corriger le Sans-nom, ce n’est pas…

— Taylor, l’interrompit la tenancière d’un ton impérieux.

Le Capitaine lui lança un regard interrogateur. La rousse y répondit par un sourire découvrant ses canines, qu’elle avait grosses et inégales. Sa verrue écorchée dansait sur sa babine comme une poulie dans le vent, et Yulia eut beaucoup de mal à ne pas la fixer maladroitement du regard.

— Un client a besoin d’explications, susurra la rousse, se croyant sans doute dans un aparté de théâtre, alors laisse la professionnelle s’en occuper !

Taylor soupira, mais accepta de se prêter au jeu.

Emy Lynch se retroussa les manches, et se tourna vers ses vitrines.

— Laisse-moi tout t’expliquer, ma petite !

Elle s’empara d’un fusil en exposition qu’elle allongea sur la table. C’était un modèle semblable à ceux que Yulia avait vu aussi bien aux mains des Corsaires que des soldats Impériaux.

— Ça, c’est le fusil Impérial le plus classique qu’on puisse trouver, exposa l’armurière. On en a fabriqué en grand nombre, avec quelques variantes mineures, tout au long du siècle précédent. Longueur d’un mètre quarante à un mètre soixante-dix, platine à silex, et cætera.

Elle amena ensuite sur la table un pistolet à silex.

Même platine, mais fait pour tenir dans la main. De nombreux modèles très différents depuis des siècles, entre vingt et cinquante centimètres, au canon soutenu par le bois ou fixé par une capucine, de qualité très variable. Tu connais le point commun de ces armes ? :arrow: La vache, on sent que tu t'y connais :lol:

— La platine ?

Elle ne savait pas vraiment ce que signifiait ce mot, mais avait décidé de tenter sa chance.

— Ça a un rapport, admit-elle, mais je t’aurais aussi montré des modèles à mèches si j’en avais. Non, je vais te le dire : c’est leur munition.

Elle posa sur la table des billes de plomb, ainsi qu’une petite gourde à poudre.

— Pour tirer avec ces armes, tu dois remplir le bassinet d’un peu de poudre noire, te servir de la baguette pour tasser le tout dans le canon, bourrer avec du papier ou du tissu, puis glisser la balle dans le canon et armer le chien.

— C’est long, fit remarquer la petite qui connaissait déjà approximativement le fonctionnement de tout ceci.

Les yeux d’Emy pétillèrent de joie.

— Exactement ! Avec ce système, tu passes plus de temps à recharger qu’à te servir de ton arme ! Souvent, les troupes impériales ne tirent qu’une salve à mi-distance avant de charger au corps-à-corps à coup de baïonnettes.

Elle brandit alors son propre revolver et prit une pose mystique.

— Mais voici le fruit de cette décennie de progrès en armement ! Regarde…

La rousse ouvrit le barillet de son arme, et la lui fit examiner. Dans chacune des six chambres, une balle en cuivre. Emy en sortit une, et la tint entre son pouce et son indexe.

— Ceci, exposa-t-elle, est une cartouche. Tu te souviens de la poudre noire ?

La petite hocha la tête.

— Ici, on utilise une poudre différente, souvent du fulminate de mercure, contenue directement dans la cartouche, dans son cul, là. A la moindre percussion, paf ! ça explose ! Tu me suis ? Une cartouche contient et la balle et la poudre. On peut en charger plusieurs dans une arme pour tirer plusieurs coups.

La petite commençait à comprendre :

— Le revolver de Taylor ne tire pas du plomb, conclut-elle.

Emy hoche la tête, fière de sa leçon.

— Les billes de plomb ne coûtent pratiquement rien, précisa-t-elle, on peut en produire autant qu’on veut et le diamètre des canons est standardisé. Par contre, les carabines et revolvers à cartouches sont aussi rares que divers : il y a tout un tas de calibres différents et les balles sont produites en petite quantités… alors les prix sont élevés. Le business, en somme, rien de plus normal, on se crée un monopole.

Yulia agita la tête pour faire signe qu’elle avait compris l’explication, et le groupe reprit ses transactions. Chaque membre de l’Eclat bénéficiait de sa solde, et procéda à ses achats. Taylor acheta vingt balles pour son revolver, mais ne dépensa pas plus disant devoir garder des fonds pour leurs affaires en ville.

Nadjeda demanda à voir les modèles de carabines vendus par l’armurière, et celle-ci lui proposa d’essayer trois modèles. Contre le mur, une vieille paillasse servit de cible. Emy chargea une balle dans chaque fusil, puis laissa la renégate procéder. Alors que les tirs résonnaient dans la pièce, Yulia nota que pas une fois la rousse n’écarta sa main de sa propre arme. Le choix de la pilote en second de l’Eclat se porta un modèle au nez court, celui au recul le plus violent mais également celui qu’elle pouvait au besoin manier d’une seule main. Elle voulut revendre son vieux fusil Impérial, mais l’autre le jugea trop endommager :arrow: endommagé et le refusa.

Hellshima commanda très précisément soixante cartouches de 7,62 sur 63 mm :arrow: tu sais ce que je vais te dire ? :lol: :arrow: EDIT : j'ai tort ! Il faut bien écrire en chiffres, désolée ! :oops: (et merci Daniel). En revanche, il faut écrire 7,62 x 63, toujours d'après notre Daniel préféré :D pour sa carabine à long nez. L’arme du Vigie de l’Eclat présentait non seulement une longueur hors du commun –presque aussi grande que Yulia elle-même– mais également de nombreuses modifications et ajouts que l’on devinait réalisés par Hellshima lui-même. Lorsqu’Emy posait le regard sur ce fusil, on pouvait lire dans son regard tout le respect teinté d’envie qu’il créait en elle.

Angora posa sa propre carabine sur la table, et avoua ne pas en connaître le calibre. La rousse ne parut pas s’en formaliser, et examina l’arme quelques instants. C’était un fusil au bois usé, rayé et abîmé par les chocs. L’armurière ne put s’empêcher d’y passer un coup de chiffon, puis annonça qu’il s’agissait d’une des premières séries de carabines produites par les forges Impériales. Yulia ne sut pas si en cet instant Emy Lynch se doutait de l’identité d’Angora, si elle savait qu’elle avait affaire à un Dragon Impérial, mais si c’était le cas elle le cacha parfaitement, terminant simplement sa transaction par un regard appuyé.

Les achats lui furent réglés immédiatement, chacun s’étant munis de sa bourse –Nadejda y passa jusqu’à son dernier sou–, et pour les plombs comme les munitions des canons, Emy fit savoir à Taylor qu’elle enverrait la cargaison jusqu’aux cavernes de Torth’uggram dès qu’elle aurait réuni l’ensemble de leur commande. Taylor lui assura que Käsh réglerait la note à son émissaire une fois la livraison effectuée, et ils se serrèrent la main.

La jeune femme les fit repasser derrière la vitre et verrouilla la porte de son armurerie. Elle leur ouvrit les coffres, et chacun put récupérer ses affaires. Sans s’attarder, Emy Lynch les fit remonter au bar, et ordonna à son associé de leur offrir un remontant.
Les neuf membres de l’Eclat finirent donc assis dans une alcôve de la salle, et l’armurière cuisina un moment Taylor pour connaître ses projets. Ce dernier, parfaitement détendu, n’en laissa pas échapper le moindre mot. Il évitait les questions avec des réponses générales ou en les retournant à la jeune femme. Si Yulia craignait qu’elle ne se vexe, elle semblait au contraire y prendre un certain plaisir. Peut-être que lorsque l’on cache sa véritable activité derrière une façade, on en vient à considérer les secrets comme un jeu ?

— J’imagine que vous avez besoin d’un endroit où dormir le temps de mener vos petites affaires, finit-elle par avancer.

— C’est gentil à toi de te proposer si promptement, se moqua le Capitaine.
Cela la fit rire. Yulia plongea le nez dans son verre d’eau pour ne pas refaire une fixation sur la verrue et couper cet élan de bonne humeur.

— Mais bien sûr, prends-moi pour une âme charitable aussi ! S’il te reste de quoi payer, j’ai actuellement trois chambres de libre, il faudra vous entasser un peu mais j’ai assez de literie.

Taylor consulta rapidement Hellshima du regard puis hocha la tête.

— Quatre croissants d’argent par nuit, poursuivit la jeune femme, vous cassez rien et vous payez vos repas. Quant à l’assurance, tu sais comment je fonctionne…

— Plus il te rapporte d’argent, moins d’intérêt tu as à vendre un client, résuma l’ex-Corsaire. Si je te laisse quelques pièces sous l’oreiller, ça rallonge notre espérance de vie ?

— Assurément, acquiesça la rousse en empochant rapidement ce qu’il lui présenta. Si un de tes rivaux se pointe à ta recherche, je dirais que je ne t’ai pas vu. Enfin, sauf s’il me propose plus d’argent que toi, bien entendu, mais tu as une bonne avance… pour l’instant.

Elle leur offrit encore une bière, puis se proposa de les conduire à l’étage, voyant que Yulia commençait à piquer du nez comme il se faisait tard. La jeune fille ne refusa pas, et ainsi ils empruntèrent la première porte derrière le rideau.

Le Lynch Bar donnait accès à un petit ensemble de pièces de l’immeuble au-dessus. Séparés du reste des logements par des murs en chaux et en briques, les appartements dont disposaient Emy Lynch s’organisaient en deux couloirs serrés disposant de huit chambres. Si le sous-sol et le bar avaient été parfaitement silencieux, ici les murs irréguliers et le revêtement effrité laissaient entendre des éclats de voix, des bruits de pas et les multiples désagréments sonores de la promiscuité. Le plafond était bas, les fenêtres fendues, mais par contre :arrow: la tournure est un peu lourde je trouve chaque porte disposait de son propre verrou.

Emy leur ouvrit trois chambres au bout du petit couloir. Elle-même logeait à deux portes de là, et leur dit de frapper s’il y avait un problème. Les neufs membres de l’Eclat se répartirent alors les places, et il fut décidé que Yulia et Angora partageraient la plus petite.

L’intérieur ressemblait cependant plus à un amas de mobilier de récup qu’à une chambre d’hôtel et la Dragon insista pour s’assurer minutieusement que les matelas ne renfermaient aucun nuisible. Les paupières lourdes, épuisée de sa journée, la fille de l’Amiral se plongea dans le lit et dans un profond sommeil avant que sa protectrice n’ait put la rejoindre.

à suivre
Bon ! Ce chapitre était vraiment sympa, j'ai aimé les deux temps : l'arrivée à la Capitale, les descriptions, puis le passage dans le Lycnh Bar, avec toutes les explications sur les armes, le trafic... Arf, j'ai hâte de savoir ce qui va se passer après !
Encore bravo pour ton histoire, riche, intrigante, recherchée et basée sur un univers vraiment sympa et des personnages très riches :D
Dernière modification par louji le lun. 27 nov., 2017 6:48 pm, modifié 1 fois.
DanielPagés

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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par DanielPagés »

Coline, si ce que tu veux lui dire au sujet du calibre des cartouches ( soixante cartouches de 7,62 sur 63 mm) qu'elle achète c'est du style "faut écrire en toutes lettres" ben abstiens-toi parce que le calibre des armes s'écrit en chiffres ! Par contre on écrirait 7,62 x 63 (et pas sur 63)
C'est marrant de retrouver là cette vieille munition que les américains ont utilisé du début du 20e siècle jusqu'à la fin de la guerre de Corée ! :D
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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par DisneyClochette »

Ton interlude est trop bien! Je suis super contente de retrouver Dick-Tale! C'est un bon personnage (d'un autre côté, quand c'est toi qui écrit, ils sont tous bons). :D
En espérant le retrouver plus souvent, car ses aventures valent au moins autant le coup d'être lues que celles de Yulia! Le genre de personnage qui mériterai son propre roman! ;)

Mais j'ai tout de même hâte de retrouver ta jeune héroïne.

Tiens moi au courant de la publication de la suite.
Bisous
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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par louji »

DanielPagés a écrit :Coline, si ce que tu veux lui dire au sujet du calibre des cartouches ( soixante cartouches de 7,62 sur 63 mm) qu'elle achète c'est du style "faut écrire en toutes lettres" ben abstiens-toi parce que le calibre des armes s'écrit en chiffres ! Par contre on écrirait 7,62 x 63 (et pas sur 63)
C'est marrant de retrouver là cette vieille munition que les américains ont utilisé du début du 20e siècle jusqu'à la fin de la guerre de Corée ! :D
Oh ! Ben je savais pas du tout, ça :o Je me coucherai moins bête ! :oops:
Et, en plus des années et du calibre, est-ce qu'il y a d'autres exceptions ?
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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par DorianGray »

J'attends toujours les Ides de Mars.
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Message par DanielPagés »

louji a écrit : Et, en plus des années et du calibre, est-ce qu'il y a d'autres exceptions ?
On écrit en toutes lettres les nombres simples (quantité, âge, heure, distance, durée, rang…). On écrit en toutes lettres les nombre employés substantivement :
Je mise sur le huit (sous-entendu le cheval n°8).

On écrit en chiffre les nombres compliqués ou à décimale :
Il y avait précisément 28 243 manifestants, le train de 17 h 27, une vitesse moyenne de 17,23 Km/h.

On écrit également en chiffres :
– le calibre des armes : un colt de calibre 45 ;
– les alliages : 250 millièmes d’or fin ;
– les dates : mardi 24 mai 2011 ;
– la température : 35 degrés à l’ombre ;
– les échelles : une maquette au 1/8 ;
– la longitude : 20° ouest ;
– les numéros dans les adresse : il habite au 22, rue des carottes ;
– les vitesses, les puissances de moteur, les statistiques, les pourcentages, etc.

Monnaie
Dans un texte littéraire, on n’utilisera pas les abréviations ni les majuscules :
Correct : 40 euros ou 40 dollars.
Incorrect : 40 €, 40 $, 40 Euros , 40 Euro.

:?
louji

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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par louji »

DanielPagés a écrit :
louji a écrit : Et, en plus des années et du calibre, est-ce qu'il y a d'autres exceptions ?
On écrit en toutes lettres les nombres simples (quantité, âge, heure, distance, durée, rang…). On écrit en toutes lettres les nombre employés substantivement :
Je mise sur le huit (sous-entendu le cheval n°8).

On écrit en chiffre les nombres compliqués ou à décimale :
Il y avait précisément 28 243 manifestants, le train de 17 h 27, une vitesse moyenne de 17,23 Km/h.

On écrit également en chiffres :
– le calibre des armes : un colt de calibre 45 ;
– les alliages : 250 millièmes d’or fin ;
– les dates : mardi 24 mai 2011 ;
– la température : 35 degrés à l’ombre ;
– les échelles : une maquette au 1/8 ;
– la longitude : 20° ouest ;
– les numéros dans les adresse : il habite au 22, rue des carottes ;
– les vitesses, les puissances de moteur, les statistiques, les pourcentages, etc.

Monnaie
Dans un texte littéraire, on n’utilisera pas les abréviations ni les majuscules :
Correct : 40 euros ou 40 dollars.
Incorrect : 40 €, 40 $, 40 Euros , 40 Euro.

:?
Je pleure ! :lol:
Désolée d'avoir amené ça ici Vincent... :?

Et merci Daniel pour ces précisions (je les copie dans un Word...) ;)
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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

louji a écrit :Il fait beau dehors, hein... ?
Bon, on arrête de se défiler. Du coup : je suis désolée de pas être revenue pendant deux mois !! :cry: Je pensais pas m'arrêter aussi longtemps, mais procrastination + cours = pas grand-chose de productif. :oops:
Du coup, me revoilà pour suivre les aventures de l'Eclat !

En bleu de travail :arrow: Même là-bas, c'est bleu ? :lol: C'est dommage, la suie et la cendre doivent tacher les vêtements...
Pourquoi pas du gris ou du noir ? :D Enfin, tu fais bien comme tu veux évidemment !


Même platine, mais fait pour tenir dans la main. De nombreux modèles très différents depuis des siècles, entre vingt et cinquante centimètres, au canon soutenu par le bois ou fixé par une capucine, de qualité très variable. Tu connais le point commun de ces armes ? :arrow: La vache, on sent que tu t'y connais :lol:

Bon ! Ce chapitre était vraiment sympa, j'ai aimé les deux temps : l'arrivée à la Capitale, les descriptions, puis le passage dans le Lycnh Bar, avec toutes les explications sur les armes, le trafic... Arf, j'ai hâte de savoir ce qui va se passer après !
Encore bravo pour ton histoire, riche, intrigante, recherchée et basée sur un univers vraiment sympa et des personnages très riches :D
Salut !! :D Super de te revoir ^^ (ne t'en fais pas, moi j'ai des problèmes avec mes cours et j'ai avancé beaucoup moins vite dans l'écriture que ce que j'espérais ^^')
- Tu es la seconde personne à me faire cette réflexion ! :lol: peut-être que le symbole est trop décalé dans ce monde... je réfléchirai à le modifier dans la réécriture :)
- J'ai fait des recherches en balistiques pour ça, c'est indispensable si on veut expliquer un minimum et ne pas faire trop d'incohérence sur les armes ^^
Merci ! Du coup tu es presque au bout de ce que j'ai publié pour l'instant :lol: Il te reste un chap et l'Interlude 2... hâte que tu les lises aussi ;)
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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

DanielPagés a écrit :Coline, si ce que tu veux lui dire au sujet du calibre des cartouches ( soixante cartouches de 7,62 sur 63 mm) qu'elle achète c'est du style "faut écrire en toutes lettres" ben abstiens-toi parce que le calibre des armes s'écrit en chiffres ! Par contre on écrirait 7,62 x 63 (et pas sur 63)
C'est marrant de retrouver là cette vieille munition que les américains ont utilisé du début du 20e siècle jusqu'à la fin de la guerre de Corée ! :D
DanielPagés a écrit :
louji a écrit : Et, en plus des années et du calibre, est-ce qu'il y a d'autres exceptions ?
On écrit en toutes lettres les nombres simples (quantité, âge, heure, distance, durée, rang…). On écrit en toutes lettres les nombre employés substantivement :
Je mise sur le huit (sous-entendu le cheval n°8).

On écrit en chiffre les nombres compliqués ou à décimale :
Il y avait précisément 28 243 manifestants, le train de 17 h 27, une vitesse moyenne de 17,23 Km/h.

On écrit également en chiffres :
– le calibre des armes : un colt de calibre 45 ;
– les alliages : 250 millièmes d’or fin ;
– les dates : mardi 24 mai 2011 ;
– la température : 35 degrés à l’ombre ;
– les échelles : une maquette au 1/8 ;
– la longitude : 20° ouest ;
– les numéros dans les adresse : il habite au 22, rue des carottes ;
– les vitesses, les puissances de moteur, les statistiques, les pourcentages, etc.

Monnaie
Dans un texte littéraire, on n’utilisera pas les abréviations ni les majuscules :
Correct : 40 euros ou 40 dollars.
Incorrect : 40 €, 40 $, 40 Euros , 40 Euro.

:?
Hé bien, j'en savais pas tant sur les conventions d'écriture des munitions, merci beaucoup !! (j'adore ce genre de détails ^^)
Oui je suis allé chercher une munition particulière, et dans mes recherches celle-ci me plaisait bien, j'aimais son histoire et elle correspondait bien à l'arme d'Hellshima qui est assez moderne :) (j'aimais son histoire pas au sens adulation, hein, ça m'a intéressé)
Merci aussi pour toutes ces conventions, je prends note !! :D
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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

DisneyClochette a écrit :Ton interlude est trop bien! Je suis super contente de retrouver Dick-Tale! C'est un bon personnage (d'un autre côté, quand c'est toi qui écrit, ils sont tous bons). :D
En espérant le retrouver plus souvent, car ses aventures valent au moins autant le coup d'être lues que celles de Yulia! Le genre de personnage qui mériterai son propre roman! ;)

Mais j'ai tout de même hâte de retrouver ta jeune héroïne.

Tiens moi au courant de la publication de la suite.
Bisous
Merci beaucoup !! :D Je me suis mis à beaucoup aimer Dick-Tale également, je l'avoue :) Dans la troisième partie de l'Interlude à venir je suis d'ailleurs très content de son développement, et content de ce que je vais en faire ! Mais *chut* je ne vais pas en dire plus ;)
Yulia reviendra vite !! J'ai finiolé tout le scénario précis de la Troisième Partie et de là je commence l'écriture en longue run ! :D Je suis très content de commencer !!
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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

DorianGray a écrit :J'attends toujours les Ides de Mars.
Wesh, j'ai même pas publié de chapitre depuis ton dernier message, ingrat !
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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

louji a écrit :Je pleure ! :lol:
Désolée d'avoir amené ça ici Vincent... :?

Et merci Daniel pour ces précisions (je les copie dans un Word...) ;)
Ne t'excuse pas, j'adore quand Daniel fait ça :mrgreen:

Au fait, pour ceux que ça intéresse, j'ai créé un petit serveur discord autour de mon univers : c'est sur discord que je suis le plus actif, donc ça me sert à centraliser tout ce que je poste (forum, facebook, etc.) et vous y retrouverez les chap en pdf, les dessins de Lola, ainsi que des rôles rigolos si vous venez discuter :p
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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par louji »

dark-vince a écrit : Salut !! :D Super de te revoir ^^ (ne t'en fais pas, moi j'ai des problèmes avec mes cours et j'ai avancé beaucoup moins vite dans l'écriture que ce que j'espérais ^^')
- Tu es la seconde personne à me faire cette réflexion ! :lol: peut-être que le symbole est trop décalé dans ce monde... je réfléchirai à le modifier dans la réécriture :)
- J'ai fait des recherches en balistiques pour ça, c'est indispensable si on veut expliquer un minimum et ne pas faire trop d'incohérence sur les armes ^^
Merci ! Du coup tu es presque au bout de ce que j'ai publié pour l'instant :lol: Il te reste un chap et l'Interlude 2... hâte que tu les lises aussi ;)
(Arg, courage !)

- Après, c'est une expression passée dans le langage courant pour désigner des ouvriers, donc, en soi, c'est pas choquant, mais ce serait peut-être amusant de jouer sur l'expression et dire "en gris/noir/autre couleur de travail" :P Après, encore une fois, tu es le maître-mot de l'histoire (je crois qu'il y a une expression comme ça, si c'est pas ça, désolée :roll: ) !

- Oui, j'imagine bien, ça devait être intéressant *^*

Oui, snif, je subirai l'attente après :( :lol:
dark-vince a écrit : Ne t'excuse pas, j'adore quand Daniel fait ça :mrgreen:

Au fait, pour ceux que ça intéresse, j'ai créé un petit serveur discord autour de mon univers : c'est sur discord que je suis le plus actif, donc ça me sert à centraliser tout ce que je poste (forum, facebook, etc.) et vous y retrouverez les chap en pdf, les dessins de Lola, ainsi que des rôles rigolos si vous venez discuter :p
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Je vais checker ça :D
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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

louji a écrit :
dark-vince a écrit : Salut !! :D Super de te revoir ^^ (ne t'en fais pas, moi j'ai des problèmes avec mes cours et j'ai avancé beaucoup moins vite dans l'écriture que ce que j'espérais ^^')
- Tu es la seconde personne à me faire cette réflexion ! :lol: peut-être que le symbole est trop décalé dans ce monde... je réfléchirai à le modifier dans la réécriture :)
- J'ai fait des recherches en balistiques pour ça, c'est indispensable si on veut expliquer un minimum et ne pas faire trop d'incohérence sur les armes ^^
Merci ! Du coup tu es presque au bout de ce que j'ai publié pour l'instant :lol: Il te reste un chap et l'Interlude 2... hâte que tu les lises aussi ;)
(Arg, courage !)

- Après, c'est une expression passée dans le langage courant pour désigner des ouvriers, donc, en soi, c'est pas choquant, mais ce serait peut-être amusant de jouer sur l'expression et dire "en gris/noir/autre couleur de travail" :P Après, encore une fois, tu es le maître-mot de l'histoire (je crois qu'il y a une expression comme ça, si c'est pas ça, désolée :roll: ) !

- Oui, j'imagine bien, ça devait être intéressant *^*

Oui, snif, je subirai l'attente après :( :lol:
dark-vince a écrit : Ne t'excuse pas, j'adore quand Daniel fait ça :mrgreen:

Au fait, pour ceux que ça intéresse, j'ai créé un petit serveur discord autour de mon univers : c'est sur discord que je suis le plus actif, donc ça me sert à centraliser tout ce que je poste (forum, facebook, etc.) et vous y retrouverez les chap en pdf, les dessins de Lola, ainsi que des rôles rigolos si vous venez discuter :p
=> https://discord.gg/EBRf8xH
Je vais checker ça :D
- Ok, j'y réfléchis :) (je crois qu'on dit avoir le maitre-mot)
- J'ai vu que tu avais rejoint, super ! :D
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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

Salut les gens ! :D Allez, voici la dernière ligne droite de cet Interlude interminable ;) :lol: Il m'aurait prit beaucoup trop de temps :roll: Mais la suite est en écriture et je progresse très bien dans le chapitre 17 ^^ Le plan de Taylor est bien huilé dans ma tête...
Sinon, ce que je voulais vous partager c'est une invitation à rejoindre un serveur discord centré sur Le Temps des Surplombs, où je serais plus actif que sur facebook et Booknode, et où je peux regrouper un peu toute la communauté qui me lit en un seul endroit conviviale (il sera conviviale si j'arrive à mute le Chêne). Donc n'hésitez pas à rejoindre, vraiment ! Discord c'est skype en infiniment mieux, vous verrez essayer c'est l'adopter ;) Hop pour rejoindre cliquer sur ce lien DISCORD LE TEMPS DES SURPLOMBS
Bon, sans plus vous faire patienter, voici le dénouement de l'Interlude 2 !! :mrgreen:






INTERLUDE 2 (part.3/3)

Quand Dick-Tale se glissa dans le repère des Orphelins ce soir-là, Farang l’attendait. Les autres gamins restèrent dans leur coin et il aurait aimé que son mentor fasse de même. Mais non, ce casse-couilles de métis ne voulait pas le laisser tranquille. Assis sur la paillasse du fils Talenbourg, Farang jouait attentivement avec un bout de papier qu’il pliait et dépliait pour mimer le vol d’un oiseau. Dick-Tale vient se poster face à lui.

— Vire de ma couche, Farang, je veux dormir.

L’autre décolla les yeux de son pliage, sans que son expression ne s’anime d’un quelconque sentiment. Il feignit le détachement.

— Dick… Ça fait un moment qu’on a plus discuté tous les deux. Je venais simplement prendre des nouvelles. Tu sais, pour entretenir notre amitié, ce genre de choses…

— J’ai aucune nouvelle à donner, mentit le gosse, il se passe rien dans ma vie, exactement pareil que dans tout ce putain de Surplomb. Maintenant dégage, j’ai sommeil.

Farang soupira. Ses mains arrêtèrent de tripoter son pliage.

— Ok, admit-il, des nouvelles, j’en ai pas besoin, car je sais exactement ce que tu fabriques depuis une semaine.

Dick-Tale le défia du regard. L’autre ne rentra pas dans son jeu.

— Ecoute, d’ordinaire je m’en fous de tes fréquentations, tu fais ta vie et j’ai pas de leçons à te donner, d’accord ? Mais là c’est différent, Dick.

D’une main, il lui tendit le papier.

— Tu avais demandé mon aide pour infiltrer le bastion de Riviera il y a une semaine, tu te souviens ? Je sais pas ce que t’as fait de la paperasse qu’on lui a dérobé, mais j’y suis retourné régulièrement depuis notre première entrée. Ils ont modifié la sécurité deux-trois fois, mais rien qui soit vraiment infranchissable… Bref, regarde ça.

— J’en ai rien à foutre de ton papier de merde, laisse-moi tranquille Farang.

Il continua malgré tout, le tenant sous un regard lourd.

— C’est une copie de la lettre télégraphique que Riviera a envoyé à l’Amiral Léopold d’Œcar, il y a trois jours. Il lui demande d’intervenir à Cathuba, d’assurer la défense de la région et rallier le Surplomb à son Protectorat. Tu comprends ce que ça veut dire ?

— Laisse-moi seul.

— Dick ! Tout le monde sait que ça fait des années que l’Amiral Rouge convoite les territoires de Ford. Maintenant que son concurrent a disparu, et que Riviera l’appelle à l’aide, ce n’est qu’une question de jours avant que sa flotte ne débarque ! Ecoute-moi ! Je sais que t’as envie de quitter le Surplomb, je te comprends, mec… Mais là tes Pirates vont pas faire long feu avec Léopold : il va tous les faires pendre, et je veux pas que tu te balances avec eux, ok ? Si tu veux vraiment te barrer de Cathuba, engage-toi plutôt dans la Marine d’Œcar quand ils débarqueront.

Dick-Tale serra les poings. C’était donc là qu’il voulait en venir… Celui qui se prétendait son ami ne le confrontait plus, c’était presque comme s’il le suppliait. Qui croyait-il donc tromper ? Il n’était pas différent des autres, après tout. Au nom du bon sens, on avait toujours voulu lui imposer sa vie. La Marine ? Et puis quoi encore ? Ce ne serait qu’un autre Cathuba, une autre prison de codes et de conformisme. Il finirait comme sa mère : ne pas faire de vague, non, surtout ne pas faire de vagues…

Il serra les dents.

— Et tu te prétends mon ami, Farang ? cracha-t-il. Tu manques pas d’air, connard ! Tes comme les autres : tu voudrais que j’ai une vie aussi minable que la tienne !

L’Orphelin se redressa d’un bloc.

— Arrêtes de jouer au con, Dick ! Je voulais te prévenir, ok ? Ça peut pas se terminer bien ton histoire de piraterie !

— Tu crois que je peux pas mener ma vie tout seul, c’est ça ? Que je peux rien faire sans ton aide ? Que j’ai besoin de ton putain d’avis éclairé ?

— Tu fais une énorme connerie, abruti ! Et si t’ouvres pas les yeux rapidement, tu l’auras ta fin de minable ! Ecoutes moi un peu !

— J’ai pas envie de t’écouter, Farang ! Tu t’es toujours cru meilleur que moi, et ça a pas changé ! Je t’emmerde, j’ai pas besoin de toi ! J’ai besoin de personne !

Alors qu’ils allaient en venir aux mains devant les mines interloquées des Orphelins, une petite fille noire comme le charbon atterrit souplement dans la cheminée. La Noiraude avait visiblement couru pour arriver au plus vite.

— Hé, les amoureux, persifla-t-elle, faites une pause : il se passe quelque chose dehors !



La grande Avenue du Temple était éclairée comme en plein jour : on avait allumé les grands réverbères, et chaque habitant tenait à la main une lanterne. Depuis les toits, le spectacle était impressionnant : il y avait une foule telle qu’on n’en avait plus vue depuis les foires de l’été. Dick-Tale et les Orphelins peinaient à en croire leurs yeux :

— Depuis quand Riviera a autant de soldats ?

— Il doit tous les avoirs réunis pour cette opération…

— Regardez tous ces gens : voilà encore deux heures ils étaient trop couards pour oser sortir…

Sur les pavés, avançait une procession, encadrée d’une double rangée de militaires en guenilles. Les mains liées, attachés deux par deux à la même longue chaîne, les anciens Gardes du Surplomb claudiquaient en silence, ruminant leur haine. On leur jetait des fruits pourris, des cailloux et des déchets, on les huait. En tête, des soldats conduisaient les chiens, le cou serré au bout de bâtons, enragés et agressifs.

Les Orphelins suivirent la procession en passant de toit en toit. Pris de court par la démonstration de force de l’Administrateur, Dick-Tale et Farang en oublièrent leur différent.

Tous n’avaient d’yeux que pour les Gardes, en bas, et la fureur de la populace.

On fit s’avancer les prisonniers jusqu’au parvis du Temple où les attendait la Grande Prêtresse, sur une estrade. Menckim Sanche Riviera, qui menait le cortège, la rejoignit, et ils prirent tous deux la parole. Les choses étaient on ne peut plus claires.

On présenta à la foule un homme à la chemise arrachée, le dos strié de coups de fouets. Il avançait le regard chargé de haine, et crachat aux pieds de Riviera. On le fit s’agenouiller à coup de crosse. La Grande Prêtresse ne lui accorda pas un regard alors qu’elle faisait son réquisitoire :

— Fethi Moldovan, vous étiez le maître-chien de Smath Orneels, complice du traître Francis Ford Mangora. Vous avez pris la tête d’une milice illégale, ici, à Cathuba, avec pour but d’assassiner l’Administrateur légalement désigné, Monsieur Riviera. Au court des six derniers jours, vous avez assassiné cinq concitoyens que vous aviez juré de protéger. Dans votre perversion sadique, vous avez poussé vos chiens à mutiler atrocement vos victimes, établissant la preuve de votre barbarie par des crimes que nous ne pouvons pardonner. Au nom de la communauté pieuse de Cathuba, je demande votre exécution immédiate.
L’homme ouvrit la bouche, et tous purent voir qu’on lui avait coupé la langue.

Il n’obtient nul soutient du peuple, qui ne se retenait plus de crier sa haine au leader des Gardes. Les molosses, tenus fermement par les soldats, se mirent à hurler à la mort. Riviera, lorsqu’il prit la parole, tremblait légèrement, mais à la lueur des torches on ne distinguait presque pas les cernes qu’il avait sous les yeux, ni les griffures qu’il s’était faites aux poignets.

— En ma qualité d’Administrateur, et au nom du peuple de Cathuba, je vais à présent rendre la justice. Fethi Moldovan, je vous condamne à mort !

Une longue corde de chanvre avait été enroulée autour d’un arc-boutant du Temple, laquelle pendait en un nœud coulant, à six pieds du sol. Trois soldats furent nécessaire pour traîner le solide gaillard jusqu’à sa potence, et deux de plus pour le hisser jusqu’à la corde.

Avec les vociférations de la foule, on n’entendit pas son cou se rompre, mais les yeux du condamné roulèrent dans leurs orbites et son corps fut ébroué par un long spasme avant de s’immobiliser. Riviera soupira de soulagement, puis ordonna :

— Abattez les chiens !

Les soldats sortirent leurs fusils. Dès qu’une détonation retentissait, un cabot s’écroulait, le crâne explosé. Dick-Tale en fut secoué dans ses tripes mais, en même temps, se laissa aller à un soulagement profond. Ces bêtes ne feraient plus de mal à personne…

— Une bonne chose de faite, déclara-t-il.

A côté, Farang bouillait de rage.

— Putain, Moldovan… je connaissais ce gars depuis ma naissance… et dire que ses chiens ont dévoré tous ces gens… !

La Noiraude restait silencieuse, mais le petit Pierron, derrière eux, s’était recroquevillé entre deux cheminées. Il tremblait et, sans que personne n’y prête attention, marmonnait :

— Pas les chiens, non… pas les chiens…

Farang se redressa alors que les soldats conduisaient les anciens Gardes vers les prisons du Surplomb et que la foule commençait à se disperser.

— Allez, on se casse, il n’y a plus rien à voir.

Leur petite troupe se laissa glisser le long d’une gouttière. Dick-Tale suivait Farang mais, au pied de l’immeuble, il reconnut un visage.

Ziméo, le jeune Lieutenant de Demie-Plume, venait vers lui. Il arrêta les Orphelins avant qu’ils ne décampent.

— Hey, gamin ! Le Capitaine te cherche ! Viens avec moi !

Farang attrapa Dick-Tale par l’épaule. Leur regard se croisèrent un instant. Il sut ce qu’il allait dire avant même qu’il ouvre la bouche.

— N’y vas pas, Dick…

Son cœur se serra, mais il balaya sa main d’un revers. Elle resta en suspens dans l’air, comme si le métis ne voulait pas y croire.

Dick-Tale se retourna sans lui accorder un regard de plus.

Alors qu’il suivait Ziméo, le Seigneur-Vagabond de Cathuba sentait en son cœur un grand vide prendre la place de l’Orphelin.



Les pirates de Demie-Plume étaient sur le pied de guerre. Un tireur avait été posté à chaque coin de rue, comme s’il craignait que l’on attaque le Héron –ce qui était certainement le cas. Déjà, les équipages s’affairaient à préparer les navires au départ. Sur le quai, cependant, Salazar avait réuni une vingtaine d’hommes et de femmes de ses équipages, tous en arme, un grand sac en toile sur l’épaule. Lorsque Ziméo débarqua avec Dick-Tale, Cætana les amena directement au Capitaine.

— Ah, te voilà enfin ! Heureux que Zim t’ai trouvé si vite...

— Qu’est-ce que ça veut dire ? interrogea le gamin. Qu’est-ce qui se passe ?

— Ce qui se passe ? railla le pirate avec un sourire tordu. Ce qui se passe c’est qu’il a poussé une paire de couilles à Riviera, et c’était pas prévu au programme ! Il a dû se passer quelque chose, c’est pas normal. Un truc arrive, et il est hors de question qu’on se fasse piéger à Cathuba !

— Tu t’inquiètes trop, chef, voulu plaisanter Ziméo…

— Toi, tu aurais un brin de jugeote tu te marrerais pas : personne pensait qu’il se risquerait à arrêter les Gardes, et il vient de le faire ! Qu’est-ce qui l’empêche de lancer ses soldats nous reprendre les quais, maintenant ?

— On est plus nombreux qu’eux…

— Mais dans la tête d’un abruti, ça ne compte pas, et Riviera en est assurément un ! La dernière chose que je souhaite est qu’un assaut de malades nous laisse une partie des gars sur les carreaux, tu captes ? On a besoin de mains pour faire voler des navires : si on perd trop de monde à Cathuba on est baisés, même si on gagne une ou deux bastons. Maintenant c’est bon ? Tu as fini d’ouvrir ta gueule ? Bien !

Il se retourna vers Dick-Tale :

— Petit, on entre dans le Bastion cette nuit, on prend le butin, et on se casse avant le jour. Ton passage est prêt ?

Le gosse hocha la tête.

— Parfait. Vous avez entendu, vous autres ? On part pour les égouts ! Le premier qui se plaint de l’odeur est privé de sa part de trésor. Allez, en route !



Les pirates enjambèrent la grille descellée et baissèrent la tête pour entrer dans les souterrains. Demie-Plume les avait répartis en file indienne, mais ils n’avaient pas assez de lanternes, si bien que les derniers de la bande devaient se repérer à la lumières des premiers. Il était alors difficile pour eux de suivre le rythme sans trébucher par mégarde sur un monticule de déchets ou de se fracasser le crâne contre une stalactite de calcaire ou une voûte irrégulière.

Dick-Tale menait la marche, en suivant son câble du bout des doigts. Salazar Demie-Plume tenait la lanterne juste dans ses pas. Cætana le suivait immédiatement, puis venait Ziméo. Lorsque le passage était assez large, ils progressaient deux par deux et le Capitaine lui parlait alors, demandant s’il était certain de leur route, ou s’il avait vérifié où menait telle ou telle galerie… A sa grande surprise, une fois plongé dans les égouts, le Capitaine montrait une grande curiosité pour la disposition des lieux. Sans doute que l’idée d’un labyrinthe sous la ville émoustillait l’esprit du brigand. Tous les autres pirates étaient cependant silencieux quand ils ne lâchaient pas des injures à cause de l’odeur ou d’un carambolage de crâne. Après avoir passé plusieurs jours dans ces tunnels, Dick-Tale s’y sentait étrangement chez lui, et ça le gênait presque de faire visiter les galeries à des invités.

Ils avancèrent tous pendant près d’une heure, sans jamais s’arrêter ou prendre de repos. Le gosse était surpris de leur endurance alors qu’ils devaient avancer le dos voûté, collés les uns contre les autres, dans un espace très réduit. Personne ne se plaignit trop fort, et aucun ne fit demi-tour.

Quand Dick-Tale les fit entrer dans la fosse des latrines, ils tournèrent quelques secondes avant de comprendre qu’il fallait lever la tête.

— C’est ici, dit le gamin. Il faut ouvrir les trappes.

On sorti les sabres, et ce fut fait plus vite qu’il ne l’aurait cru possible. Les bouts de bois tombèrent dans la mélasse à leurs pieds, ouvrant au plafond de minces orifices dont la lueur des torches ne révélait que l’obscurité. Salazar affichait toujours une mine incertaine, ne sachant trop s’il devait se réjouir ou encore se méfier.

— Ziméo, t’y va en premier, ordonna-t-il.

Le pauvre Lieutenant n’eut pas le temps de protester que, déjà, Cætana lui vissait une lanterne entre les pattes et que deux loubars le saisissaient par les cuisses pour le faire monter. Le jeune homme, grimaçant, fit tout d’abord passer la lanterne, puis se hissa au-dessus à la seule aide de ses bras. En bas, tous avaient le groin levé et l’oreille dressée à l’écoute des pas timides du Lieutenant sur les dalles au-dessus. Une voix leur parvint :

— Hé ben, ils sont vachement plus à l’aise pour chier que nous, ici !

Cela réussit à arracher un sourire au Capitaine, mais il le reprit néanmoins :

— Arrête de faire le con, Zim, et dis-nous plutôt ce que tu vois.

— On est bien dans les latrines du Bastion d’Amirauté, Cap’tain, j’vois des uniformes aux murs. Il ne reste que quelques affaires et la porte est fermée à clé.

Demie-Plume donna le signal pour monter. Le groupe s’autorisa enfin à sourire. On hissa Dick-Tale juste après le Capitaine, et il manqua de glisser dans les flaques de liquide poisseux qui leur dégoulinaient tous des fringues. L’odeur n’étaient pas trop infecte, pour lui qui explorait les égouts depuis des jours, mais nombreux furent les pirates à se précipiter sur les serviettes qui traînaient dans la salle. Aux murs, quelques étagères rassemblaient les effets personnels des soldats disparus. Dans un coin de la salle, un petit bassin d’eau pour les ablutions avait croupi. Les rangées de chaises percées étaient taillées dans un bois sombre qui s’accordaient bien avec le reste de la pièce et ses murs de marbre noir.

Les pirates butèrent en premier lieu sur la porte, verrouillée. Il s’agissait d’une lourde serrure, qu’ils auraient bien du mal à forcer. Heureusement pour eux, Cætana n’eut à farfouiller que quelques secondes dans les casiers des soldats avant de se redresser, fièrement, un trousseau de clé à la main.

— Ces idiots ne ferment des portes que pour donner des clés aux gradés, fit-elle remarquer… depuis quand il faut être sous-officier pour pouvoir ouvrir des toilettes ? Voici pour vous Capitaine !

Ce dernier saisit le trousseau au vol, et sourit férocement. Il essaya les clés jusqu’à trouver celle qui rentrait dans la serrure, et prit la parole avant d’ouvrir à ses hommes :

— Parfait, tout le monde se souvient du plan du bâtiment ? Alors on fonce droit vers les coffres, et pas de traînard !

D’une torsion du poignet, il déverrouilla l’accès et laissa ses pirates s’engouffrer dans le couloir. Il regarda passer, avec une grande joie, sa plantureuse seconde entrainer ses fiers gaillards. Dick-Tale resta quelques instants dans la salle, ne sachant trop s’il devait les suivre. Demie-Plume, qui entendait fermer la marche avec sa propre lanterne, fit signe au gosse de lui emboiter le pas.

A peine avait-il mit le nez dehors que le Capitaine Pirate fermait la porte derrière lui et la verrouillait à nouveau d’un doigté agile. Le gamin dût être l’un des seuls à surprendre son action, les autres étant déjà quelques longueurs devant avec Cætana.

— Pourquoi vous… ?

Demie-Plume lui glissa un clin d’œil et lui fit signe de parler moins fort alors qu’il fourrait le trousseau de clé au fond d’une des poches de son manteau.

— Je ne fais pas confiance à la moitié de mes lascars, expliqua-t-il à voix basse, pourquoi leur laisser l’occasion de filer avec mon pognon pendant que j’aurai le nez tourné ? Allez, suis-moi…

Il l’entraîna à sa suite dans le couloir. C’était un long corridor, au plafond si haut qu’il se perdait dans les ombres sinistres que projetait la lampe du pirate. Si ce dernier ne fixait pratiquement que le bout du couloir et la progression de leur troupe, Dick-Tale jetait un regard sur chacune des salles qui s’ouvraient sur la galerie, à la faveur du rai de lumière qui les balayait lorsqu’ils les dépassaient.

Immédiatement face à eux il y avait eu une autre salle de latrines, identiques à la différence que la porte en était ouverte, donnant à voir ses mêmes rangées de chaises percées, dont une cependant était dépourvue de sa trappe. Elle devait également donner sur les égouts, mais Dick-Tale n’avait pas encore assez exploré pour pouvoir dire où, il était tombé sur les autres latrines par coup de chance. Salazar Demie-Plume en avait immédiatement clos et verrouillé la porte, glissant à son jeune acolyte un clin d’œil complice.

Plus loin, l’enfant découvrit une salle d’arme, puis une cuisine abandonnée, et une cantine où trainaît encore le repas servit le jour de l’arrivée de l’Inquisition. Aux murs, des portraits de militaires fixaient les deux hommes du regard, déformés par les ombres qui couraient le long des colonnes de marbre. Leurs pas avaient beau être étouffés par les tapis de laine bleue sombre qui ornaient la galerie, l’enfant éprouvait le vilain sentiment d’être bruyant, de respirer fort au milieu du silence.

Le Capitaine, peu sensible à son trouble, lui posa une main sur l’épaule et le garda auprès de lui alors qu’il marchait. Le coquin souriait, visiblement soulagé d’être enfin parvenu à son but. Ce fut à sa grande surprise qu’il commença alors à lui parler, à se confier même, comme ils étaient encore loin des oreilles de son équipage :

— Très bon boulot, petit. Je voulais te remercier, vraiment, sans toi on frôlait la catastrophe… Je t’en dois une, et saches que tu as désormais ta place à bord du Héron et parmi mes hommes.

Cette déclaration prit Dick-Tale de court. Il hésita. Il avait réussi ? Il peinait encore à le réaliser, et pourtant ils étaient là : dans le Bastion de l’Amiral Ford, là où il avait promis de les faire entrer en échange de… en échange de…

Il allait enfin pouvoir quitter Cathuba ? Pour de vrai ? Enfin !

Un frisson glacé le parcourut. Les murs froids et les ombres menaçantes autour de l’enfant semblaient impatients de se refermer sur lui. Une gêne étrange, comme une honte, le prit, et ne le quitta plus.

— Tu sais, continuait Demie-Plume, tu me rappelles moi quand j’étais gosse : je ne reculais devant rien, je ne laissais rien ni personne…

— … décider de ma vie.

Le gamin avait ouvrit la bouche sans réfléchir, comme si c’était lui-même qui avait commencé la phrase. Le pirate lui offrit un sourire compréhensif.

— Exactement, petit. Tu as tout pour faire un bon pirate, je...

Il allait ajouter quelque chose, mais ses hommes s’étaient arrêtés devant une grande porte verrouillée. Sur les battants, quelques dorures inscrivaient en lettre d’or la devine du Protectorat : Fidélité & Raison. Cætana joua dans la fente avec un petit sabre puis, après avoir pris une grande inspiration, y balança son pied.

La porte s’ouvrit en grand, et les pirates se précipitèrent dans la pièce avec des ricanements impatients. Ils s’immobilisèrent après quelques pas.

Salazar Demie-Plume prit Dick-Tale par l’épaule et se fraya un chemin vers le premier rang en beuglant :

— Du calme, les gars ! Laissez mon ami Dick et moi jeter un œil sur ce que nous avons là ! Allez, allez…

Le dernier des gars s’écarta, et ils furent aux côtés de Cætana, face à la grande salle des coffres.

Sur le sol, face à eux, un certain nombre de pièces d’or et de croissants d’argent étaient éparpillés, comme s’ils avaient roulé au hasard. Dans le fond de la pièce, il y avait de grands coffres, certains ouverts, éventrés et striés de griffures, d’autres intacts comme on n’y avait pas encore touché. Le haut dôme de la rotonde ouvrait en son sommet une rosace par laquelle les rayons de la lune éclairaient doucement la pièce de teintes rouges.

Là, au centre de la lumière du vitrail, était ce qui attirait immédiatement le regard. Empilés les uns sur les autres, tordus, mordus, découpés, des bouts de corps humains gisaient, parfois encore dégoulinants de sang. Des bouts t’étoffes et de vêtements déchirés s’enroulaient autour des membres et des carcasses. Il se trouvait là une jambe, un os à moitié rongé, une main encore crispée par la peur, tant et tant de morceaux qu’ils devaient avoir appartenu à une dizaine d’individus. De longues traînées de sang allaient et venaient de l’amas macabre, les plus vives entrant et sortant par la porte qu’ils avaient ouverte.
Un silence horrifié coiffa l’entreprise des pirates. Tous comprirent avec horreur qu’ils avaient sous les yeux les restes des victimes du tueur de Cathuba.
Nichée au cœur du cairn, une chose remuait, réveillée par l’arrivée des intrus. Entre les corps charcutés, on devinait soudain une bête humaine. Sa bouche, énorme, pleine de dents, était encore barbouillée de sang. Ses deux bras pendaient : l’un, long, désarticulé, se finissait sur trois grandes griffes de métal rouillé ; l’autre, court, rachitique, s’avérait atrophié. Il ouvrit les yeux, sa pupille gauche se figeant sur ses visiteurs tandis que son orbite droite s’agitait dans une bouillie incomplète. Son nez fracassé remuait, reniflant l’air à la manière des chiens, et il grogna, dévoilant ses canines affûtées.

Il se redressa, dérangeant l’empilement de ses victimes, et la lueur des lampes projeta son ombre d’être tordu, humain brisé et créature bestiale.

Demie-Plume ouvrait de grands yeux incrédules sur l’orgie du monstre dont ils pénétraient la tanière. Cætana, tremblante, dégaina et tient la bête en joue. Ses compagnons l’imitèrent, et la pièce résonna du bruit des armes que l’on charge.

Délassant ses membres, la créature posa un pied déformé hors de son lit de viande. La plantureuse pirate se crispa d’un bloc :

— Bouge plus, connard ! Bouge plus ou j’te crève !

Les ombres jouèrent sur les traits de la bête, et elle avança d’un autre pas.

— Bute-le ! beugla Demie-Plume.

Les pirates pressèrent la détente et l’air éclata. Dick-Tale plaqua ses mains sur ses oreilles, secoué par les détonations. La créature reçut de plein fouet les tirs : secouée par un court spasme, elle s’effondra parmi ce qu’il restait de ses repas.

Le canon du flingue encore fumant, Cætana et les autres haletaient, encore sous le choc. Il y eu quatre terribles secondes de silence.

Puis la bête hurla de douleur. Elle bondit, debout à nouveau, et chargea les bandits. Ses plaies béantes se refermaient à vue d’œil, et son front éclaté ne semblait que le gêner. Il suffit à Dick-Tale de croiser son œil fou et furieux pour prendre ses jambes à son cou.

Déjà, la bête se jetait sur Cætana, lui plantant ses griffes en plein torse, et la mordait à la gorge. Avec une force abominable, il la déchiqueta.

Demie-Plume criait d’horreur.

D’autres pirates tentèrent de s’enfuir avec le gamin. Ils se bousculèrent en désordre alors que, derrière eux, le sang coulait à flot dans la salle des coffres. Les hommes jetaient leurs sacs, s’accrochaient à leurs armes, et jetaient des regards paniqués au monstre qui dévorait leurs camarades.

Dick-Tale courait à présent dans la galerie. Les pirates qui le suivaient étaient cependant trop loin pour bien éclairer son chemin de leur lanterne, alors il appuyait ses mains contre les murs, courant presque à l’aveugle. Des coups de feux éclataient dans tous les sens, mais le gamin comme les fuyards n’avaient plus qu’une idée en tête –survivre– et qu’un but : regagner les égouts.

Déjà affolé, les tripes nouées par une terreur sans nom, le gamin fut frappé par la réalisation soudaine qu’il était pris au piège : Demie-Plume avait verrouillé les portes ! Les pirates courraient dans un cul de sac, tout comme lui !

Dans son dos, les fuyards avaient commencé à tirer à leur tour. Terrifié, Dick-Tale n’écouta que son instinct de survie et se jeta dans la première pièce qui s’ouvrait à sa droite. Il trébucha et tomba lourdement sur le sol en marbre froid. Paniqué, il s’aida de ses poings et de ses genoux pour avancer, dans le noir, rampant dans la cantine des soldats. Il se tapa la tête contre le montant d’une table, et se glissa sous un banc.

Tremblant de tous ses membres, le petit se recroquevilla et vit une demi-douzaine de pirate traverser le couloir, courant à en perdre haleine, ne jetant pas même en regard en direction de sa cachette. Il les entendit arriver aux latrines, jurer, et pousser des cris d’horreur.

Dans la salle des coffres, on avait arrêté de se battre.

Dick-Tale était pétrifié d’horreur. Avait-il bien vu ? Tout cela n’était-il pas un rêve ? Cætana était morte sous ses yeux. Demie-Plume s’en était-il sorti ? Il… Il devait le prendre avec lui sur le Héron… Tout allait s’arranger, il allait quitter Cathuba ! Pourquoi ? Pourquoi tout avait-il dérapé aussi vite ?

L’enfant éclata en sanglot.

Hors de la cantine, dans le couloir, un long raclement annonçait la venue du monstre. Il dépassa sa porte sans se détourner et se dirigea vers les latrines. De nouveaux coups de feu éclatèrent, immédiatement suivis de hurlements.

La terreur chassa le désespoir, et Dick-Tale réussit à reprendre le contrôle de lui-même. Il ne devait pas rester là ! Il devait y avoir une autre sortie… la grande porte ! L’entrée principale était peut-être fermée de l’extérieur, mais de l’intérieur… il y avait une chance ! Il devait faire vite !

Il se releva, et ignora la protestation de ses jambes qui ne cessaient de trembler. L’encadrement de la porte donnant sur la galerie se détachait nettement au milieu de la pièce plongée dans le noir. D’elle venait la lumière et le son du massacre. S’il voulait s’en sortir, le gamin devait leur tourner le dos, et avancer à l’aveugle. Il préféra fermer les yeux, pour ne plus voir les terribles ombres que projetait la lanterne des pirates, et s’aida de ses mains pour contourner chaises et tables de repas.

Il trouva la sortie par chance, en tâtonnant le long d’un mur et, lorsque ses doigts se refermèrent sur la poignée, il pria la Vapeur qu’elle ne soit pas verrouillée. Son vœu fut exhaussé, et Dick-Tale passa la porte au moment où le dernier des cris de pirate mourrait dans une gorge noyée de sang.

Alors il courut.

Il ne connaissait pas le bâtiment, n’avait aucune idée de son orientation, mais il courrait malgré tout, avec l’énergie du désespoir. Il était entré dans une nouvelle série de couloir, qu’il suivit un peu au hasard, jusqu’à apercevoir au loin une lueur qui mettait fin aux ténèbres. Il déboucha dans une grande salle, timidement éclairée par d’étroites meurtrières, tout en haut des murs. Encombré de caisses, de bureaux et de piles de papiers, ce hall était la dernière chance de Dicke-Tale. Face à lui, haute de plus de trois mètres, une grande double porte en métal, frappée aux écussons de l’Amiral Ford.

Le gamin s’y précipita. Il y pressa ses mains, ne trouvant aucun mécanisme pour la déverrouiller. En désespoir de cause, il se mit à cogner. Il tapa du poing, s’y projeta l’épaule en avant, sans obtenir plus de résultat qu’un tintamarre métallique.

Cela attira le monstre.

Il apparut, au bout du couloir. La lueur des meurtrières coula sur ses griffes, sur son visage déformé, et colora de rouge l’empreinte de ses pas. Sa peau nue exposait sa chair à vif là où il avait été blessé, mais le sang était beaucoup trop abondant pour ne venir que de ses propres blessures. Il s’écoulait, en de longs filaments gluants ; tombait en grosse goute sur le carrelage, poisseux. La bête découvrit ses dents, pointues, difformes, brillantes.

Ce fut alors qu’il entendit la clameur de soldats derrière la porte. On tambourina au battant.

— Que veulent dire ces coups de feu ? Vous êtes dans une zone interdite ! Par ordre de l’Administrateur Riviera, ouvrez !

Le sang de l’enfant ne fit qu’un tour.

— A l’aide ! cria-t-il. A l’aide !

Le monstre gronda, et se jeta sur lui. Dick-Tale fut renversé et plaqué violement au sol avant de pouvoir faire le moindre mouvement. Il eut, en un instant, la terrible lucidité de ce qui allait lui arriver. La bête l’empoigna, et ses trois griffes raclèrent le sol puis foncèrent vers sa gorge.

Il aurait dût l’égorger comme un poulet.

Au lieu de cela, la créature suspendit son geste. Son nez tressauta une, deux fois, puis il se mit à rire. Un rire inhumain, crachotant, malade. Un rire rouillé.

Le monstre se pourlécha les babines. Sa gueule était si fracassée qu’elle ne fermait pas tout à fait. Un filet de bave dégoulina sur l’épaule du gamin, qui attendait toujours dans l’angoisse le coup qui allait mettre fin à sa vie.

Ce furent des paroles qui le cueillirent, déformées par sa voix grinçante et sifflante :

— Tu sens comme… une vieille amie à moi…


Terrorisé par l’être difforme qui le tenait à sa merci, Dick-Tale ne fit plus attention à rien d’autre qu’à l’œil injecté de sang qui le fixait, et à cette griffe en fer qui lui caressait la joue. Une violente migraine balayait son esprit, et il ne pouvait plus que lutter pour ne pas s’évanouir.

On tambourina de nouveau à la porte, puis un ordre tonna :

— Il suffit ! Qu’on abatte cette porte !

Ils employèrent un bélier de fortune et, après trois coups infructueux, forcèrent la porte. Les deux battants s’ouvrirent, et la salle s’emplit immédiatement de soldats de Riviera. La lumière violente de leurs torches éclaira ce qui se tenait sur les dalles de marbres. Ils ouvrirent de grand yeux à la vue de cette créature qui n’avait plus d’humain que quelques traits abîmés, sanguinolente, et qui tenait un enfant contre le sol. Une vague de terreur indescriptible traversa les militaires, qui s’accrochèrent alors à leurs fusils comme un pendu à sa corde. Un officier réunit assez de courage pour lui ordonner de se rendre.

Le monstre, lui, rigolait doucement. Il fixait toujours Dick-Tale comme s’il avait trouvé une pépite d’or dans de la boue.

L’officier répéta son ordre. Les soldats raffermirent leur prise sur leurs mousquets.

Une silhouette fendit alors les rangs des militaires.

— Ne tirez pas, dit-elle simplement.

L’officier se retourna, éberlué. C’était une grande femme à la peau d’acajou striée de milles petites cicatrices pâles. Ses cheveux bruns, tressés en de longues nattes, noués par des pièces de cuivre, tombaient sur le bustier de cuir qui la ceignait du haut du cou au bas des seins. Une large ceinture lançait un ample pantalon typique des troupes nomade de Thäma, dont elle portait également les bandages, gants et bottes. A son cou pendait un insigne impérial dont nul ne pouvait ignorer la signification à Cathuba : le gradé comprit immédiatement à qui il avait affaire.

— Guerrière Dragon Samarä ! Je… On annonçait votre arrivée seulement pour demain ! Je…

— Considérez que je suis arrivée en avance et taisez-vous, le coupa-t-elle sèchement. Fermez également ces portes : ce qu’il se passe ici tient des affaires privées du Sanctuaire.

Le monstre au centre du hall releva la tête, et parut reconnaitre celle qui s’avançait. La Dragon lui jeta un regard amusé.

— Eh bien, voilà donc ce cher Sagaryn ! Je me disais bien que tu n’avais pas pu crever comme un minable ordinaire ! Encore quelques jours sans nouvelles de ta part et on envoyait les nouveaux arpenter le Contrebas pour retrouver ta gemme, tu sais ?

Le monstre lâcha enfin Dick-Tale. Le gosse resta au sol, bien trop terrorisé pour oser bouger. La créature se releva, non sans difficulté : ses os craquaient, ses articulations se déboitaient et il saignait encore. La Dragon le détailla de la tête au pied, grinçant des dents.

— Tu es sacrément amoché, dis-moi… Viral plaisantait pas quand il disait que tu étais tombé d’assez haut… Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Il eut de la peine à articuler, sa mâchoire étant visiblement brisée :

— Angora… cette sale traître… Je l’ai sous-estimée… Je la mordais, et elle a utilisé son sang pour me briser la mâchoire. Le reste…

Il désigna ses membres tordus et sa peau en pleine cicatrisation.

— … c’est la chute qui l’a fait. J’ai jamais eu aussi mal de ma vie… Remonter les parois du Surplomb a été un calvaire, j’ai failli y laisser ma peau… et quand je suis parvenu à me hisser sur Cathuba, j’étais trop faible pour guérir par moi-même… J’ai trouvé refuge ici, et je me suis mis à chasser pour reconstituer mes forces… Encore quelques jours, quelques proies, et j’aurais pu rejoindre le Sanctuaire…

L’autre se moqua :

— Ouais, t’avais tout sous contrôle, je le vois bien…

Elle lança un regard amusé aux soldats qui les entouraient. Les militaires ne savaient plus comment réagir, et ils surveillaient toujours le monstrueux Sagaryn avec effroi.

— Si je n’étais pas arrivé, ces gars-là t’aurais sans doute re-balancés en Contrebas, s’ils ne t’avaient pas simplement achevé… Te cacher était une bonne idée, les humains de Cathuba n’auraient pas compris ta nature, mais tu t’es montré trop gourmand en nourriture… Et qu’est-ce qu’il y a avec ce gosse ? Pourquoi tu ne l’as pas bouffé aussi ?

Dick-Tale était trop choqué pour afficher autre chose qu’un regard apeuré. Sagaryn recula d’un pas et laissa Samarä attraper l’enfant par le bras, puis le remettre debout par la force. Le monstre sourit de sa gueule tordue, et répondit :

— Lui, on le ramène au Sanctuaire. Je suis certain que Viral se fera une joie de lui poser quelques questions. Ensuite, je pense l’offrir à Rikke…

La Dragon le dévisagea, dubitative.

— Vraiment ? Il ne me semble pas très robuste…

— Fais-moi confiance, j’ai lu en lui, il a le potentiel…

Elle haussa les épaules, l’air de lui dire que le sujet lui était indifférent. Elle se tapa les mains :

— Assez perdu de temps, cassons-nous d’ici ! Officier !

L’homme n’osa pas s’approcher davantage de Sagaryn, mais répondit d’une petite voix emplie de trouille.

— Au nom de l’Empereur, lui ordonna-t-elle, je vous charge de nettoyer l’endroit et d’étouffer l’affaire : dites à Riviera de trouver un bouc-émissaire arrangeant et foutez-lui tout ça sur le dos. Si j’apprends que la moindre chose que vous ayez vue et entendue ce soir fuite sur Cathuba, soyez assuré que vous recevrez une visite expéditive du Sénat. Me suis-je bien faite comprendre ?

On lui répondit quelque chose de confus qu’elle considéra comme satisfaisant.

— L’Amiral d’Œcar viendra prendre le contrôle de Cathuba dans deux jours, mais moi je repars ce soir, et ces deux-là m’accompagnent. Vous ne savez rien de ma venue, c’est clair ? Parfait.

Les griffes sanglantes du monstre se refermèrent sur l’épaule de l’enfant, et il le fit marcher à ses côtés. Dick-Tale restait muet, le regard pétrifié. Il avançait un pied après l’autre, mais son esprit avait perdu toute attache au réel. Il était devenu aussi froid que le marbre du Bastion d’Amirauté. Les visages de ses parents, de Farang, la Noiraude, de Demie-Plume, Cætana et Ziméo, le hantaient.

Alors qu’ils fendaient la troupe de soldats et sortaient dans la nuit, Sagaryn lui adressa un sourire encore sanglant, et lui murmura :

— Je vais t’offrir une nouvelle vie, petit. Tu n’auras plus à être un minable sur ce caillou, c’est ce que tu souhaitais, non ? Ce soir, on dit adieu à Cathuba… alors souris avec moi !
Dick-Tale avait envie de pleurer.


Alors que les soldats de Riviera découvraient le massacre du Bastion, celui qui fut le Seigneur Vagabond des rues de Cathuba était emmené par les Dragons de l’Empereur, vers le lointain Sanctuaire.

fin de l'Interlude 2.
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

Marjogch a écrit :fiouuuuu, super top mais cette fin ouvre encore pleins de possibilités et me fait me poser un tas de questions.
Que va t'il arriver à Dick? Quel lien entre ce dragon et Angora? Comment tout ceci va se finir????
Dick est vraiment mon chouchou et j'espère qu'il ne va rien lui arriver de fâcheux surtout...
C'est toujours aussi bien écrit et agréable à lire. Tu sais nous maintenir en haleine et nous rendre addict à l'histoire. :lol:

En attendant, on la retrouve quand notre jeune héroïne? Et Angora? Et les autres????

La suite, la suite, la suite please :D :lol:
Merci !! :D
Ahah, j'adore ces questions :mrgreen:
Oh, pour la suite c'est en bon chemin ^^ bon, là je suis dans ma période de partiels à la fac donc je ne pense pas que le chapitre 16 (c'est bien 16 ? j'ai revu mon découpage mais même moi je me suis perdu, j'ai un ou deux chapitres de plus ?) arrivera avant les vacances... déjà s'il arrive avant la fin du mois je suis méga content ^^ Mais la suite arrive, donc, avec Yulia et Angora :p
DisneyClochette

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Re: Le Temps des Surplombs (Interlude 2) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par DisneyClochette »

Je me doutais bien que Sagaryn ne pouvait pas être mort aussi facilement. Tu avais créé un méchant bien trop parfait pour qu'il tombe aussi facilement. Et je dois avouer quelque chose : je me suis doutée que c'était lui qui tuait sur le surplomb. C'était trop sauvage.
Et je crois que je sais aussi ce qu'il compte faire de Dick-Tale. J'espère que tu ne vas pas mettre Youlia, Angora ou Dick-Tale face à un choix trop corneilien.

J'ai hâte de lire la suite. Tiens moi au courant de la publication.

Bisous !
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