Re: Au temps des Maraudeurs [Harry Potter]
Publié : ven. 11 mars, 2022 9:05 pm
Chapitre XI : Le règne des mangemorts
Enfouie sous ses couvertures, Lily se recroquevilla sur elle-même pour échapper à l'air frais de la fin octobre qui s'infiltrait dans tout le QG. A tous les coups, Sirius avait encore oublié de refermer une fenêtre après avoir fumé et le froid s'était répandu dans la vieille maison toute la nuit. Agacée, elle se replia un peu plus sur elle-même et ses pieds entrèrent en contact avec une surface chaude et ferme.
La dite surface glapit soudainement.
- Lily ! Merlin, écarte tes pieds-glaçons de moi !
- Mais j'ai froid, protesta-t-elle.
- Et bien t'as qu'à avoir froid sans moi. Distance de sécurité, Evans !
- A une époque t'aurais tout donné pour être si proche de moi. T'as changé Potter.
Pour toute réponse, James roula sur lui-même pour se détourner et Lily n'eut en champ de vision que ses épis bruns décoiffés.
- Jaaames, geignit-elle d'une voix plaintive.
- Non.
- Je vais perdre mes pieds.
- Je t'aimerais toujours, t'en fais pas.
Malgré son ton ensommeillé, Lily perçut la certitude qui émanait de lui et elle sentit son cœur se réchauffer faute des ses pieds. Elle cacha son sourire sûrement niais dans son oreiller. Si Dorcas et Alexia avaient pu la voir à cet instant, elles se seraient certainement moquées d'elle et de sa mauvaise foi. Après tout, elle avait revendiqué pendant des années être insensible au charme de James, voire trouver ses phrases de dragues niaises et agaçantes. Si ça avait été vrai un temps, elle devait bien admettre qu'elle avait fini par les apprécier pour ce qu'elles étaient, c'est-à-dire l'expression sincère des sentiments de James à son égard. Elle l'avait compris à partir de leur mise en couple : James était incapable de garder quelque chose qu'il ressentait à l'intérieur de lui. Il fallait qu'il le crie au monde ou, à défaut, à la personne concernée. Personne qui s'avérait souvent être elle-même. Cette simple constatation agrandit son sourire et elle se rapprocha de James, l'enlaçant en posant sa joue contre son dos musclé. Il ne protesta pas cette fois-ci. Encore une preuve – s'il en fallait une – que James avait un seuil de tolérance plus grand pour elle, mais il avait après tout des années de pratique. C'était la seule explication pour le fait qu'il ait réussi à supporter ses piques et ses refus sans se démoraliser.
A bien y réfléchir, il s'agissait peut-être d'une autre particularité de James : il était expansif avec ses sentiments, incapable de les garder pour lui, mais il ressentait également tout avec une intensité impressionnante. C'était aussi vrai pour son amour à son égard que sa haine vouée à Severus ; haine qu'il n'avait d'ailleurs jamais vraiment réussi à garder pour lui, même si elle supposait que Severus lui rendait bien aussi. Par bien des aspects, les deux garçons ne se rendaient pas compte à quel point il pouvait être semblable dans leur fonctionnement tout en étant diamétralement opposés, mais elle ne le percevait sans doute que parce qu'elle les connaissait si bien tous les deux.
Brusquement, elle sentit l'apaisement que la nuit lui avait amené s'envoler, remplacée par une inquiétude sourde et familière dès qu'elle songeait à Severus. Elle n'avait plus eu de nouvelles de lui depuis leur remise des diplômes à la fin du mois de juin, mais elle savait bien quel chemin il avait emprunté. Une part d'elle ne pouvait pas s'empêcher d'espérer qu'il ait renoncé à rejoindre les mangemorts. Après tout, il ne l'avait jamais évoqué explicitement. Elle savait simplement qu'il s'était intéressé à la magie noire à partir de leur cinquième année et qu'il s'était mis à fréquenter des personnes comme Mulciber ou Avery, mais ça ne voulait pas dire avec certitude qu'il s'était joint aux rangs des mangemorts. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'il travaillait en tant que laborantin potioniste chez LaboPotions, un poste tout à fait convenable à peine sorti de Poudlard mais qui ne reflétait pas les véritables aptitudes de Severus en la matière. Pourtant, Lily se considérait elle-même comme douée. Elle avait pris spécialité Potioniste pour sa formation de médicomage à St-Mangouste, mais Severus, lui, était d'un autre niveau. Il pouvait certainement devenir l'un des plus grand Maître de Potions de leur génération s'il le voulait et elle espérait qu'il ne gâcherait pas son potentiel pour la magie noire... Rien que l'idée lui donnait la nausée.
- Je t'entends penser tellement ton cerveau est en surchauffe, marmonna James d'une voix ensommeillée. Qu'est-ce que t'as ?
Lily se raidit. Il valait qu'elle évite de lui dire qu'elle pensait à Severus, sujet tabou entre eux. Elle s'éclaircit la gorge et repoussa son ancien meilleur ami dans un coin de son esprit.
- Rien, je me demandais juste combien de baisers ça me couterait pour te soudoyer.
- Me soudoyer ?
- Pour que t'ailles me chercher mes chaussettes et que je n'ai pas à sortir de ce lit.
James émit un rire étouffé.
- T'as pas une baguette pour ça, Evans ? Tu sais un sort utile qui s'appelle Accio ?
- Ma baguette est moins agréable à embrasser que toi, rétorqua-t-elle d'un ton joueur avant de déposer un baiser léger sur l'épaule de James. S'il te plaît ?
- Rah Evans, t'auras ma peau...
- Du moment que j'ai mes chaussettes.
Pour toute réponse, James roula à nouveau sur lui-même et s'assit dans le mouvement, rejetant la couverture vers elle. Elle se retrouva avec l'édredon sur la tête, la vision obstruée, et poussa un cri mêlé d'un rire.
- James !
- Tu vas pas en plus de plaindre de ma méthode !
Amusée, Lily mit quelques secondes à se dépêtrer de la couette et émergea enfin. Elle se prit alors successivement en plein visage l'air frais du QG et une paire de chaussettes roulées en boule. Par réflexe, elle recula, surprise, et James éclata de rire.
- Potter ! s'exclama-t-elle.
- Quoi ? Tu voulais tes chaussettes, non ?
- Oui et maintenant que je les ai, je t'interdis de revenir dans ce lit !
- Comme si tu pouvais m'en empêcher avec ta force de botruc.
- J'ai ma baguette, menaça-t-elle.
C'était une affirmation un peu galvaudée, elle devait le reconnaître. Sa baguette n'était pas vraiment dans sa main, mais sur sa table de chevet et le regard de James dériva d'ailleurs vers cette dernière. Il devait tout juste en percevoir les contours sans ses lunettes, restées sur sa propre table de chevet.
Une certaine tension se suspendit entre eux.
- Potter, tu n'oserais pas...
Mais elle n'eut même pas le temps de terminer sa phrase. James s'était élancé vers la table de chevet – vers sa baguette – et Lily poussa un cri en se jetant à travers le lit pour l'attraper avant lui. Malheureusement, elle était aussi en train de passer une chaussette à son pied en même temps et son mouvement fut tout sauf gracieux. Elle s'étala sur le matelas, une jambe tordue et les bras tendus vers sa baguette. James, lui, manqua de trébucher, entraîné par son élan, et s'affaissa à moitié contre le lit près d'elle. Lily n'hésita pas à saisir sa chance : elle se jeta sur lui pour le retenir.
- Lily ! Lâche-moi !
- C'est ma baguette !
- Tu triches !
D'un mouvement d'épaule, il tenta de se dégager, mais elle s'accrocha à lui, enroulant un peu plus ses bras autour de son cou avant de le faire basculer en arrière. Il poussa un cri indigné et se mit à se débattre, bras tendus vers la table de chevet, mais il ne réussit qu'à s'étrangler lui-même. Lily resserra un peu plus sa prise et essaya de se redresser, écrasée par le poids de James au-dessus d'elle. Malheureusement, il comprit ce qu'elle voulait faire et il roula sur lui-même à nouveau pour venir la plaquer contre le matelas.
- Qui est-ce qui triches maintenant ? s'indigna-t-elle, gigotant pour tenter de se libérer.
- Être plus lourd et plus fort que toi n'est pas de la triche, rit-il.
- Plus fort ? Plus fort ? Donne-moi ma baguette Potter et tu vas voir qui est le plus fort !
A nouveau, James éclata de rire. Il ouvrit la bouche pour répliquer quand soudain la porte de leur porte s'ouvrit également. Lily dû se contorsionner pour voir qui venait les déranger de si bon matin et découvrit Sirius, Peter et Remus sur le seuil. Le premier tenait encore un bol de céréales dans les main, la cuillère suspendue dans le vide. Tout le monde se figea.
- On dérange peut-être ? railla Sirius.
- Oh Merlin, je t'avais dit de toquer espèce d'imbécile ! renchérit Remus en se couvrant les yeux d'une main.
Peter, lui, se mit à regarder le plafond en se retenant visiblement de rire.
Lily mit une seconde à comprendre ce qu'ils insinuaient et à prendre conscience de leur position. Elle était toujours allongée sur le dos au travers du lit, tandis que James se trouvait au-dessus d'elle et la maintenait en étant assis à califourchon sur ses cuisses. En une seconde, elle sentit son visage s'embraser et se mit à frapper James au torse.
- Crétin ! s'écria-t-elle. Allez, bouge de là !
- Aïe ! C'est comme ça que tu me remercies de t'avoir passé tes chaussettes ? Je ne te savais pas si ingrate, Evans !
Pourtant, il se releva et lui tendit même une main pour l'aider à en faire de même. Par fierté, elle l'ignora. Drapée dans sa dignité bafouée, elle récupéra enfin sa baguette sur la table de chevet et envisagea une seconde de vraiment envoyer un sort à James, mais le rappel de ses chaussettes qui réchauffaient désormais ses pauvres orteils l'arrêta dans son élan. Au lieu de ça, elle se passa une main dans les cheveux pour essayer de les discipliner alors que James mettait enfin ses lunettes. Il plissa d'ailleurs les yeux vers ses trois meilleurs amis, toujours plantés en ligne à les observer entre gêne et moquerie.
- Et vous êtes dans notre chambre à 8h du matin un dimanche parce que... ? leur lança-t-il.
- Eh, nous blâme pas ! se défendit Peter. On a été envoyés vous chercher.
- Quoi ?
- Réunion avec les Prewett ! Ils nous envoient chercher tout le monde.
- Tout le monde ? s'étonna Lily. Mais Alexia et Marlène n'ont pas dormi ici, non ? Elles étaient chez leurs parents ?
- Emmeline est partie transplaner chez elles pour les faire venir, informa Remus. Je pense qu'on a une bonne demi-heure devant nous avant qu'elles ne reviennent.
James laissa échapper un nouvel éclat de rire.
- J'imagine Marlène ouvrir en pyjama à Emmeline, se moqua-t-il.
- J'imagine surtout Janice McKinnon ouvrir à Emmeline, corrigea Peter en se hissant sur le rebord de fenêtre. Ça doit être drôle à voir, surtout qu'Em' va devoir inventer une excuse pour débarquer un dimanche et emmener Marlène avec elle.
- Eh, c'est moi qui l'appelle Em' ! protesta Sirius.
- T'as posé un brevet sur le surnom ?
En réponse, Sirius lui envoya une céréale qu'il évita. Lily se plaça entre eux.
- Eh ! Eh ! protesta-t-elle. C'est ma chambre ici, pas de bataille de nourriture ou je vous fait faire le ménage ! D'ailleurs, dehors tous les trois ! Je veux prendre une douche avant la réunion.
- La salle de bain est au bout du couloir, indiqua Remus.
- Merci pour ta perspicacité, mais je veux revenir dans ma chambre ensuite sans avoir trois idiots qui m'attendent. Allez !
- Seulement trois ? releva James. Ça veut dire que tu ne me comptais pas dedans ?
- C'est Remus que je ne comptais pas.
Des éclats de rire et des cris indignés mêlés lui répondirent et elle s'enfuit vers la salle de bain, fière d'elle.
**
*
Sortie de sa douche plusieurs minutes plus tard, Lily entra à nouveau dans sa chambre. Visiblement, son autorité de préfète faisait encore effet car trois des Maraudeurs étaient partis, ne laissant que James en train d'enfiler un pull.
- Désolé, ce n'est que moi, dit-il dès que sa tête émergea de l'encolure, cheveux en bataille. Je crois que tu aurais préféré Remus, hum ?
- Oh arrête de faire ton susceptible, Potter.
Pour adoucir ses mots, elle se hissa sur la pointe des pieds et déposa ses lèvres sur celles de James. En retour, il passa un bras autour de sa taille, approfondissement le baiser et elle se mit à sourire, une bulle d'euphorie coincée dans la poitrine.
- Merci pour les chaussettes... souffla-t-elle sans cesser de sourire.
- Ah Evans, qu'est-ce que je ne ferais pas pour toi ! (Il l'embrassa à nouveau, puis se décala). On descend ? Gideon ne pourra pas nous accuser d'être en retard pour une fois !
- Je suis toujours à l'heure, objecta-t-elle pour la forme. Et tu sais ce qui ne me manque pas ? ajouta-t-elle alors qu'ils sortaient dans le couloir.
- Non ?
- Les escaliers mouvants ! Regarde ! (Elle posa le pied sur la première marche de l'escalier qui menait au rez-de-chaussée du QG). Pas de détours, tout droit vers là où on veut !
- J'aimais bien ces escaliers, dit James avec une moue.
- C'est ta nostalgie de Poudlard qui parle.
- Peut-être...
Pendant un instant, le regard de James se perdit dans le vide, et Lily regretta presque d'avoir évoqué le château. Elle se creusa la tête pour changer de sujet, mais un seul lui vint à l'esprit, justement en lien avec Poudlard.
- Et la Carte ? demanda-t-elle. Qu'est-ce qu'elle est devenue ?
- Oh... On l'a laissé dans le bureau de Rusard, la dernière semaine.
Elle manqua de s'arrêter net au milieu des escaliers.
- Quoi ? Mais... pourquoi ?
- Pour les futures générations de blagueurs bien sûr ! Ils devront braver Rusard, trouver la Carte dans le tiroir des objets dangereux, et deviner la formule pour l'ouvrir ! Être nos dignes successeurs en somme.
- A ce rythme, il faudra au moins quinze ans !
James haussa les épaules, l'air tranquille.
- J'ai confiance en l'avenir, assura-t-il.
Cette déclaration – pourtant si simple – prit Lily de cours. Avoir confiance en l'avenir, c'était une notion presque étrange à entendre en temps de guerre. Elle tenta d'envisager le sien et de se projeter dans dix ans. Être avec James lui paraissait une évidence, mais sa mère lui dirait qu'elle pensait comme une jeune fille amoureuse pour la première fois... Médicomage ? Certes, elle aimerait le devenir, mais ça lui paraissait encore tellement loin. Il y avait des choses plus importantes aujourd'hui. A choisir, elle préférait que les mangemorts et Vous-Savez-Qui aient disparu dans dix ans...
- Eh Lily tu vas rester à penser dans l'escalier pendant une heure ? lui lança James, arrivé en bas.
Tirée de ses pensées, Lily se remit en mouvement. Quand ils entrèrent dans le salon du QG, le reste des Maraudeurs, les frères Prewett et même Marlène, Alexia et Emmeline étaient déjà présents. Etonnement, Gideon ne fit aucune remarque sarcastique sur leurs quelques minutes de retard, la tête plongée dans un parchemin et Lily vint s'assoir sur le canapé près d'Alexia.
- Emmeline est vraiment venue te chercher ? lui souffla-t-elle.
- M'en parle pas, maugréa Alexia. Toute ma famille la maudit je crois.
- Pourquoi ?
- Elle a sonné à la porte. Le problème, c'est que ma sœur a passé le week-end chez nous et donc Ellie était là aussi.
- Oh... Elle l'a réveillée ?
- Ouais... Déjà qu'on n'avait presque pas dormi parce qu'elle est malade, elle n'arrêtait pas de pleurer... Et là quand elle s'était enfin endormie...
Alexia imita le carillon d'une sonnerie avec une grimace et Lily fit une moue compatissante.
- Et toi ? Tu sais pourquoi ils ont programmé une réunion ?
- Aucune idée, on vient d'être réveillés avec James. Un dimanche en plus...
- C'est la dure vie d'un membre de l'Ordre, chantonna Emmeline en arrivant à leur hauteur. Encore désolée pour ta nièce, Cassidy, d'ailleurs.
- Pas de problème... Tu sais pourquoi on est là toi ?
- Gideon va bientôt vous le dire. Mais ça y est, vous rentrez dans la cour des grands. Enfin certains d'entre vous...
Lily fronça les sourcils. Elle s'apprêtait à demander à Emmeline ce qu'elle entendait par là quand les frères Prewett se plantèrent enfin au milieu de la pièce pour réclamer l'attention. Elle remarqua que la barde mal rasée de Fabian ne suffisait pas à cacher ses traits fatigués et que Gideon avait un bandage à la main...
- Désolé de perturber votre du Jour du Seigneur, commença celui-ci avec sarcasme, mais on a une grande nouvelle pour vous !
- T'es enceinte ? lui lança Sirius, goguenard.
- Quel esprit, Black, merci pour cette intervention. (Il lui fit un signe grossier de la main et Lily retint un soupir). Non, on vient simplement vous annoncer votre première mission.
Aussitôt, tout le monde se redressa, piqué par la curiosité. Lily aurait pourtant dû s'y attendre. Leur introduction officielle dans l'Ordre datait maintenant d'une dizaine de jours, ça n'avait été qu'une question de temps avant que l'occasion se présente.
- Pour certains d'entre vous, nuança toutefois Emmeline près d'elle avec un regard entendu. On est justement ici pour déterminer qui participera de manière... disons active. Les autres aideront à préparer. On a décidé que c'était plus simple de vous travailler en équipe pour la première mission, ça vous aidera à voir comment on se prépare, ce qu'on doit faire, les procédures à suivre. Après ça, vous aurez des missions individuelles.
Intérieurement, Lily approuva. Elle se sentait plus à l'aise de commencer avec les autres avant d'être jetée dans la « cour des grands ».
- Et ça consiste en quoi exactement ? voulut-elle savoir. La mission ?
- C'est très simple : c'est une mission d'infiltration, annonça Fabian. C'est le meilleur moyen pour en apprendre plus sur les activités des mangemorts et en l'occurrence nous allons avoir une cible de choix.
- Une cible plus brillante qu'une étoile, railla Gideon avec un coup d'œil vers sa gauche.
Vers Sirius. Le jeu de mot ne lui échappa pas car Lily le vit se tendre et elle échangea un regard inquiet avec James au moment même où Gideon laissait tomber l'information avec délectation :
- On va investir la fête de fiançailles de Narcissa Black, bientôt Malefoy !
Un lourd silence tomba sur la pièce. Presque par automatisme, ils s'étaient tous tournés vers Sirius, jugeant sa réaction, mais celui-ci restait adossé au mur près de la fenêtre, son masque bien en place.
Lily en était venue à détester ce masque. Il était froid et détaché, tout le contraire du Sirius qu'elle avait appris à connaitre, habitée d'une énergie brûlante. Ce n'était peut-être pas étonnant que son prénom signifie « ardent » en grec. Après tout, Sirius n'était pas censé être le mesuré de leur groupe : il était sans doute celui dont les convictions finiraient par le consumer jusqu'aux cendres.
Ce masque froid n'était qu'une façade qui se craquela d'ailleurs bien vite, attisé par l'air de Gideon qui toisait Sirius, attendant une réaction.
- Tu ne peux pas infiltrer la fête de Narcissa, dit-il brusquement. Elle aura une liste d'invités tellement précise que même la Reine n'arriverait pas à entrer si elle se pointait. Et surtout, elle aura le meilleur système de protection au monde.
- C'est-à-dire ?
- Bellatrix.
Le nom de la seconde cousine de Sirius, craché avec animosité, fit grimacer Gideon et il porta sa main mécaniquement à son nez tordu, celui que Bellatrix lui avait justement cassé l'année dernière.
- Tu te doutes bien qu'on y a déjà pensé, répondit Fabian, imperturbable. Mais justement, certains d'entre nous seront invités par convenance, comme Dorcas ici présente. Quant à Bellatrix, elle n'a aucune raison d'agir contre ceux qui seront infiltrés, ils ne sont pas officiellement identifiés comme membres de l'Ordre, du moins pas encore.
- Contrairement à nous, ajouta Gideon. Malheureusement, pas de petites fours ni de champagne pour les braves. Notre tante Lucretia nous a interdit de mettre un pied au Manoir Malefoy de toute façon.
- Pourtant elle aurait adoré la distraction... marmonna Sirius.
Lily, elle, avait pourtant tiqué sur une autre information.
- Donc Dorcas fera la mission ? Sur le terrain ?
- C'est l'idée, confirma Emmeline avant de se tourner vers la concernée. Encore une fois, tu ne seras pas seule, tu auras toujours d'autres membres de l'Ordre avec toi. L'idée est vraiment de laisser traîner tes oreilles et de parler avec plein d'invités pour savoir ce qui se trame... Dans certaines sphères, les mangemorts ne se cachent qu'à moitié, voire ils revendiquent leurs activité. Tant que Minchum et le Ministère ne les déclareront pas comme organisation illégale...
- Jusqu'à quand ils vont se voiler la face ? ragea Alexia.
Gideon eut un rire méprisant.
- Jusqu'à ce que les sorciers soient touchés, dit-il sur le ton de l'évidence.
- Mais c'est déjà le cas !
- Non, ils s'en prennent aux moldus et aux né-moldus, nuance. Le Ministère, et même la société sorcière, ne sont pas prêts à s'indigner pour ça. Après tout, les mangemorts revendiquent une idéologie que beaucoup de personnes pensent tout bas : les vrais sorciers méritent plus, la magie leur appartient de façon plus légitime. A partir de là, les choses peuvent mettre du temps à bouger...
Sur ses genoux, Lily crispa les poings. Les nés-moldus... La Sang-de-Bourbe. Une boule chauffée à blanc se glissa dans sa gorge et se mit à grossir. Elle avait toujours su qu'elle était visée plus que quiconque dans cette guerre qui taisait son nom, mais la réalité venait la heurter certains jours. A côté d'elle, James paraissait furieux, mais il prit la peine de tendre la main vers la sienne et de nouer leurs doigts ensemble dans un geste étonnamment doux. Leurs regards se croisèrent et Lily y vit toute la détermination de James, tout ce qu'il ne pouvait pas lui dire à voix haute : il serait là avec elle jusqu'au bout à se battre et à la protéger, même s'il devait être le dernier rempart entre elle et Voldemort. Brusquement, la boule dans sa gorge changea de nature. Jamais elle ne s'était sentie aussi aimée de toute sa vie... Le sentiment était vertigineux.
Elle aurait pu rester emprisonnée dans les yeux noisette de James encore longtemps si la voix de Fabian n'avait pas fait éclater sa bulle.
- Ne vous en faites pas, le Ministère finira bien par réagir. Même Minchum ne peut pas ignorer la situation éternellement... En attendant, c'est juste à nous d'agir.
- Et alors ? Qu'est-ce que je vais devoir faire à la fête de la future mariée ? demanda Dorcas, bras croisés contre son ventre.
Lily aurait pu croire qu'elle était confiante si elle ne la connaissait pas si bien.
- Danser, faire la conversation, explorer le Manoir pour trouver des preuves, parler de rumeurs et de ragots avec les autres invités... Et la partie la plus dure pour toi : avoir l'air aimable.
- Très drôle, marmonna Dorcas.
- Attendez, attendez, intervint Remus, sourcils froncés. Elle sera la seule d'entre nous à entrer à proprement parler ?
- A moins que tu sois digne d'être invité, Lupin, tu restes dehors, c'est l'idée, confirma Gideon.
- Mais je pourrais y aller avec elle, protesta Sirius.
A cette affirmation, Gideon éclata d'un rire cynique.
- Toi ? Black, comme tu l'as dit toi-même, la fête sera déjà assez dure à infiltrer. Tu serais la pire personne pour le job !
- Mais je connais les invités, je connais le Manoir...
- Et ils te connaissent aussi, souligna Fabian. Non vraiment, t'es hors-jeu sur ce coup.
Lily retint une grimace en voyant son ami se redresser, l'air agacé. Il était là, le feu ardent qui habitait Sirius : elle le voyait dans ses yeux gris.
- Comme si on n'allait pas utiliser du polynectar ! lança-t-il. Qui est-ce que vous voulez envoyer avec elle sinon ? Soit ils vous connaissent, soit vous serez refoulés avant même d'avoir franchi la grille.
- Pas tous, contra Gideon. Emmeline n'est pas compromise, Benjy et les Londubat non plus.
- Ils ne seront jamais invités par les Malefoy, protesta Sirius sur un ton qui indiquait clairement qu'il prenait les frères Prewett pour des idiots.
A sa droite, Lily sentait la tension qui émanait d'Alexia. La pauvre ne devait pas en mener large entre le fait que Sirius était prêt à se jeter tête baissée dans une mission dangereuse et surtout qu'il le faisait pour prendre la défense de Dorcas. Elle n'avait pas oublié sa discussion avec Alexia il y a plusieurs semaines, ni l'aveu de ses doutes et de ses insécurités. Il fallait impérativement qu'elle trouve le temps de lui reparler.
- Détrompe-toi, jeune recru impertinente, rétorqua Gideon, visiblement heureux de pouvoir contrarier Sirius un peu plus. Alice et Frank sont conviés, tout comme Marlène au passage. Mais on a décidé que de votre groupe, Dorcas aurait le plus de chance de ne pas se faire remarquer à une fête de cette ampleur et de ce « milieu ».
- Tu parles ! Je pourrais être plus utile, je pourrais...
- Tu peux surtout poser tes fesses sur une chaise et arrêter de geindre, mon garçon, aboya soudain une voix.
Lily sursauta en même temps que les autres. D'un bloc, ils se tournèrent vers la porte d'entrée, celle qui débouchait sur le couloir reliant l'entrée de la maison près de la cuisine au reste des pièces du rez-de-chaussée, et Maugrey en personne fit son apparition.
- Evidemment que tu pourrais être plus utile que tout le monde sur ce terrain ! continua-t-il sans prendre la peine de les saluer. Mais tu es trop compromis sur tous les plans. T'envoyer dans ce manoir serait une mission suicide. Rappelles-toi une chose : tu les connais, mais ils te connaissent aussi. Même sous polynectar, le danger d'être intercepté demeure, et tu serais capable de dévier de la mission confiée par intérêts personnels. Meadowes est un choix plus neutre que ça te plaise ou non ! Elle infiltrera la soirée et vous allez l'y aider.
- Nous tous ? fit Marlène.
Maugrey promena son regard pénétrant sur chacun d'eux.
- Ceux qui pourront apporter quelque chose. Black, tu as soulevé un point important : tu seras une pièce maîtresse dans la préparation de Meadowes. Je veux qu'elle entre dans ce Manoir comme si elle y avait grandi, tu m'entends ?
- Traumatisée, vous voulez dire ? nargua Sirius, l'air renfrogné et provocateur.
Maugrey ne prit même pas la peine de lui répondre. Il continua à les observer, puis son œil magique d'un bleu profond s'arrêta sur elle.
- Evans, tu sais faire du polynectar ? demanda-t-il de but en blanc, la prenant au dépourvu.
- Hum... oui, balbutia-t-elle. En théorie, oui...
- Tu referas les stocks ! Je veux qu'on en ai assez pour le soir de la fête au cas où. Lupin t'assistera et ira acheter ce dont tu as besoin.
Lily hocha la tête vers Remus. S'il lui fallait un assistant, il était le mieux placé pour le rôle.
- Potter, Cassidy, et McKinnon, vous vous occuperez de préparer Meadowes pour qu'elle retienne le nom de chaque invité, de chaque membre des familles proches, de chaque partenaires financiers, de chaque animal de compagnie, vous m'entendez ? Faites de recherches ! (Il fit ensuite volte-face). Et toi, Pettigrew...
Peter se tassa sur lui-même.
- Oui ? dit-il dans un filet de voix.
- Tu sais dessiner les cartes si je me souviens bien ?
- Oh... Oui, oui, c'est ça... J'aime dessiner et je ne suis pas mauvais en cartographie.
- Parfait, tu feras un plan détaillé du Manoir Malefoy en indiquant tous les points d'entrée et de sortie, toutes les pièces, tous les mètres carrés de cette foutue propriété ! Black, tu l'aideras en supervisant le tout, c'est clair ?
Toujours posté près de la fenêtre, Sirius acquiesça, mâchoire crispée. Visiblement, il n'aimait toujours pas l'idée d'être mis à l'écart, mais Lily voyait bien que son rôle de « superviseur » aidait à faire passer la pilule.
Au milieu d'eux, Dorcas était rigide sur sa chaise, comme si elle ne savait soudain pas quoi faire de cette soudaine responsabilité. Lily admira pourtant sa posture, droite et fière, et surtout son visage impassible. Seule l'expérience permettait de percevoir la tension dans ses épaules.
Merlin, leur première mission... songea-t-elle. Emmeline avait raison. Ils rentraient dans la cour des grands. Et comme pour souligner un peu plus cette idée, Fabian reprit la parole avec sévérité :
- N'oubliez pas une chose, déclara-t-il. C'est le règne des mangemorts qui a commencé, mais nous ne sommes pas leurs sujets. (Il marqua une pause, solennel). Nous sommes la révolution.
Lily espéra simplement qu'ils n'y laisseraient pas leur tête...