Garance
Icy refusa mon offre et repartit sans attendre. C'était sans doute la bonne décision. En fait je l'enviais un peu. Elle n'aurait pas à essayer de calmer ma cousine tout en ménageant sa susceptibilité, endurer mon détestable cousin ou manger des sardines au petit déjeuner.
Parce que oui, mon cousin Ray, celui qui élevait des alligators en Floride, le frère de Pétra était apparemment également présent. Pour un obscure raison qui remontait à notre enfance, il avait à mon encontre une rancune tenace qui faisait par extension que je ne pouvais pas le supporter non plus.
En plus, avec un réveil pareil, il allait forcément être de mauvaise humeur. Surtout que Pétra ne prêta aucune attention à Léo qui proposa que nous nous occupions nous même de nos bagages et cria une seconde fois en direction du chalet pour le faire venir.
"
Moi aussi je suis absolument ravie de vous accueillir ! On va tellement s'amuser ! Mais ne dites pas de bêtises, vous êtes blessés, allons plutôt dans le garage et laissez Ray s'occuper de vos affaires. Il a bien assez dormi comme ça !" sourit-elle.
A ce moment, mon cousin sortit du chalet vêtu d'un vieux jean, d'un vieux tee-shirt blanc et d'une vieille veste en cuir d’alligator tannée qu'il avait fait lui-même tout en arborant une barbe de trois semaines. Il n'avait rien de la fashion victime et tout du misanthrope revêche qui vivait reclus en ermite dans les marécages.
Il avait l'air particulièrement grincheux, comme quelqu'un que l'on venait de réveiller en hurlant sous sa fenêtre pour lui demander de faire le valet pendant ses vacances. Bien entendu, ça ne s'arrangea pas lorsqu'il posa les yeux sur moi. Je lui fis un large signe de la main avec un grand sourire pour le narguer un peu. Après tout, il devait être tout aussi ravi que moi de ma présence ici. Et oui, c'était un peu puéril.
Il m'ignora et me bouscula même en passant à côté de moi pour récupérer nos bagages sans prononcer un mot. Mais il finit par se décider à saluer le trio en croisant le regard de ma cousine.
"'
Bonjour. Moi, c'est Ray, le frère de Pétra. Enchanté de vous rencontrer," dit-il au trio en faisant un effort pour être avenant et poli. "
Ravi de te revoir en vie cousine," lança-t-il ensuite à mon intention d'un ton plat et d'un air très peu convaincu. Ce qui m'amenait à l'éternelle question. Qu'avais-je bien pu lui faire pour qu'il m'en veuille autant ?
Sur ce, Pétra fit un joli sourire à son frère avant de commencer à pousser Léo et Heaven en direction du garage.
"
Allez, dépêchons nous de nous occuper de tous ces vilains bobos, sinon il n'y aura plus de sardines pour le petit déjeuner et c'est très triste un repas sans poisson. Vous ferez connaissance avec Ray tout à l'heure, il est génial, vous allez voir !"
Avis que je ne partageais absolument pas.
En fait, je me doutais que toute la famille, qui était forcément réveillée maintenant, allait profiter de l'absence de Pétra pour consommer des aliments un peu plus conventionnels à cette heure de la journée. Oui, parce que Pétra était la raison pour laquelle nous nous forcions tous à manger du poisson au réveil. Malgré tout ce qu'on pouvait croire, c'était Pétra à qui personne ne disait jamais non et dont la parole faisait force de loi dans la famille. Ça n'avait rien à voir avec de l'autorité, c'est juste que personne ne voulait la contrarier de peur de la faire pleurer parce que c'était très dérangeant. Donc tout le monde faisait avec. Enfin tout le monde sauf sa mère, ma tante paternelle, qui trouvait parfaitement stupide son rêve de cirque et qui pensait qu'elle aurait dû garder son cabinet à Genève et son ex petit ami comptable au lieu de tout plaquer pour dresser des loutres dans la montagne. Ma tante était très terre à terre et habituée aux crises de larmes de sa fille. Il était même possible qu'elle ne soit pas venue, ce qui allégerait un peu les tensions dans l'air.
"
Désolée..." soufflai-je au trio avec une légère grimace, profitant de la brève absence de Pétra partie chercher ses outils chirurgicaux au fond de la pièce.
Le garage était lumineux et ressemblait presque à un cabinet vétérinaire conventionnel en un peu plus petit. Enfin, si on faisait exception du mur entièrement recouvert de photos individuelles et encadrées de loutres en costumes bariolés et/ou à paillettes avec le nom de la loutre en question gravé sur le cadre. Il y avait aussi un bon nombre de portants entassés dans un coin qui croulait sous les costumes des loutres ainsi que sur les costumes assortis de ma cousine. Apparemment, cette pièce servait aussi de dressing aux loutres. Ces dernières bénéficiaient aussi d'un bassin d'eau tiède, de ballons de toutes tailles et autres jouets ainsi qu'un grand frigo et d'un immense congélateur, sans doute tous deux remplis de poissons.
J'espérai que ça ne ferait pas trop peur aux autres, malgré les apparences, ma cousine était très compétente et son matériel chirurgical était tout ce qu'il y avait de plus conventionnel. Elle avait tout récupéré de son ancien cabinet et avait donc le nécessaire pour faire face à n'importe quelle situation. Elle avait même transplanté un rein d'une loutre à une autre une fois. Honnêtement, les soins médicaux était bien la seule chose pour laquelle je ne me faisais pas de soucis.
"
Alors ?" s'exclama ma cousine joyeusement en apportant un plateau couvert d'outils rutilants, de fil et de quelques seringues. Elle avait l'air impatiente de s'y mettre. Ma cousine adorait son ancien métier de vétérinaire mais sa passion pour les loutres et le cirque supplantait tout. "
Qui veut commencer ?"