Le Cycle du Serpent [I-III] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

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vampiredelivres

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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par vampiredelivres »

C'est toujours drôle, surtout pour l'auteur-e qui voit les réactions de ses lecteurs.
Ouais, en fait, en réalisant que RR allait écrire sur un truc qui me tenait pas mal à cœur, j'ai un peu – beaucoup – déprimé. Mais à l'époque, on sentait encore que mon histoire était vraiment tirée de PJ, du coup, au bout d'un moment, j'ai changé d'avis, j'ai gardé mes trois personnages principaux et j'ai mis l'univers à la poubelle. Quelques semaines de brainstorming et les Maisons étaient nées. :mrgreen:
Elle est surtout très sympa à écrire, elle fait un peu les montagnes russes émotionnelles de temps en temps, mais globalement, je n'ai pas à me prendre la tête pour elle. Et puis, tu l'auras remarqué, j'aime pas trop les héroïnes geignantes qui changent d'avis toutes les deux secondes. :lol:

Tu m'étonnes… j'ai envie de te dire, laisse-le respirer, prends du recul, avance sur la suite. Tu reviendras dessus plus tard, ce n'est pas urgent. Il paraît même qu'il y a pas mal d'auteurs qui écrivent leur prologue en dernier… :roll:
J'ai l'impression qu'elle aime bien insister là-dessus, oui. Pourtant, j'adore comment tu retranscris les émotions d'Al et d'Alice (avec un peu de préférence pour le premier :mrgreen: ), je ne vois pas vraiment ce qui la dérangeait vraiment… Merci ^-^
Ouais, je sais déjà comment la Faction va débarquer (faut quand même que je vérifie deux trois trucs, scientifiquement parlant), mais globalement, ouais, les Maisons connaissent déjà l'existence de la Faction depuis longtemps, et l'inverse est quasiment vrai aussi, même si la Faction a moins de renseignements parce que les Maisons ont l'avantage de la magie. Et je te parle même pas des assassins métamorphes comme Lilith, avec quinze mille fausses identités et visages différents, la pauvre Lana, elle galère à les retrouver et à établir le contact. :lol:
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Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki

Message par vampiredelivres »

Tiens, petite question de réflexion, elle a quel âge, à votre avis, Lilith, dans le flash-back au début de ce chapitre ? :mrgreen:

CHAPITRE 7


— Pour le moment, je ne t’ai pas encore laissée participer aux soirées.
Je fixe mon mentor, cherchant à deviner ce qu’il essaye de me dire. Sans y parvenir. Effectivement, il ne m’a pas encore autorisée à aller à ces évènements. J’ai toujours pensé que c’était pour m’éviter de me retrouver en position de faiblesse, dans un cadre que je ne connaissais pas.
— Métamorphose-toi, m’intime-t-il. Âge adulte.
Je souris, me coulant sans difficulté dans la forme imposée, change de vêtements au passage. Ce n’est pas la première fois, ni la dernière, que je prends une apparence d’une dizaine d’années plus vieille que mon âge réel. De toute façon, je me comporte toujours comme si j’étais plus âgée. C’est la seule manière de survivre, ici.
— Est-ce que tu sais pourquoi ?
La question est décalée, par rapport à son contexte. Elle ne porte pas sur la transformation, mais sur les soirées qu’il vient de citer. Et je n’ai aucune idée de la réponse véritable. Aussi, je secoue la tête, honnête.
— Tu n’es pas encore familière avec les Jeux.
Je hausse un sourcil.
— Qu’est-ce que c’est ? Pourquoi tu n’en parles que maintenant ? Et quel rapport avec les soirées ?
Ekrest esquisse un fin sourire, passe une main dans mes cheveux.
— Je te l’expliquerais bien… mais encore faudrait-il que je puisse parler.
Je me tais aussitôt, hoche la tête dans sa direction.
— Les Jeux sont… une sorte de compétition. Comme une partie d’échecs géante, avec des personnes réelles, et qui dure depuis des siècles. Seuls les meilleurs y participent consciemment. Les autres n’ont qu’une vague idée de ce que c’est, mais ils y jouent tous sans le savoir.
Silence. J’assimile. Clairement, il veut que je fasse partie de la première catégorie, sinon il ne m’en aurait pas parlé.
— Dans les Jeux, tu as une partie tactique, avec des intermédiaires que tu peux utiliser à ta guise…
— Comme toi qui fais modifier les ordres de mission de certains de tes alliés ou ennemis ?
— Je ne te demanderai pas d’où tu es au courant. Mais oui.
Je me mordille l’intérieur des joues, réprimant un sourire. J’ai espionné. Ce n’est pas forcément juste, ni moral, mais la justice n’existe pas, et la moralité est souvent plus que douteuse, dans ma famille. Ne jamais se fier à personne, une règle apprise au prix du sang. Même si j’ai en Ekrest une confiance aveugle, je vérifie par principe. Et j’apprends aussi de mon côté, quand il me laisse seule. Je mène mes propres enquêtes.
— Et une partie… pratique, on va dire, qui se joue la nuit, par convention, dans une chambre. À deux, et, un peu plus rarement, à trois ou plus.
— Ils couchent ensemble ?
Ekrest hoche la tête. Ce n’est pas un sujet tabou, entre nous deux. Plus depuis quelques mois, en tout cas.
— Mais il y a une condition tacite. Ils doivent avoir bu avant. Tous les deux, et beaucoup.
— C’est débile, je marmotte dans ma barbe, me rappelant des effets qu’a l’alcool sur moi.
Là encore, un sourire me tient lieu de réponse.
— Ce n’est intéressant qu’entre deux Joueurs de haut niveau. Parce que ça veut dire qu’il y a des informations à glaner.
— Comme des confidences sur l’oreiller ?
— Exactement. Et là, le but, c’est de pousser l’autre à parler, en essayant de taire le plus possible de son côté.
Je hausse un sourcil.
— Et l’alcool, c’est pour ?
— Égaliser un peu le niveau des Joueurs. Augmenter la difficulté, aussi.
Une bouteille et deux verres apparaissent sur la table. Du rhum. De mauvais souvenirs se bousculent aux portes de ma mémoire, je fronce le nez.
— Prête ? fait mon mentor en me servant.
J’acquiesce. Si c’est lui qui me le demande, je suis toujours prête.
— Alors jouons.

| † | † |


Deux heures de course libératrice, une douche glacée et des préparations minutieuses plus tard, j’étais au troisième étage, en compagnie des basses puissantes. À côté d’aujourd’hui, la fête de mercredi aurait ressemblé à une petite soirée entre amis. Ma famille devait avoir prévu le coup, puisque le nombre de bouteilles qui circulaient était environ dix fois supérieur à la dernière fois. Cette fois-ci, même les plus gros buveurs mettraient un bon moment avant de se relever de cette soirée à laquelle je n’avais pas envie d’être. Je détestais voir ces gens s’amuser aux dépens de mon propre malheur, mais les Jeux m’obligeaient à être présente, en plus de mon rôle de première Élite. Au temps en profiter.
On m’acclama dès mon entrée, on me félicita. Personne ne me rappela le cuisant échec qu’avait été le reste de la cérémonie. Et, pour cause, la moitié des gens étaient déjà trop ivres pour s’en rappeler, et ceux qui étaient encore assez lucides pour s’en souvenir n’étaient pas suicidaires. Le regard assassin que j’avais adressé à Levi dès que Loki était parti avait tout de suite mis les points sur les i.
Tout le monde buvait et discutait allègrement — enfin, gueulait par dessus la musique, plutôt — par petits groupes. Je localisai d’abord Sam, puis Selvigia et Adam en même temps. Le premier était au bar, en compagnie de ce qui semblait être un whisky à moitié vide, et la seconde se déhanchait sur la piste… dans les bras du troisième. Je fronçai d’abord les sourcils, étonnée, puis, en les observant un peu, devinai qu’ils se murmuraient des choses en même temps. Ils Jouaient. La possibilité d’assister à une partie entre eux amena une ombre de sourire sur mes lèvres. Mais la rage venimeuse qui bouillonnait toujours dans mes veines me rappela bien vite que j’étais là pour quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui, vu le boucan autour de lui, ne fut pas difficile à repérer.
Entre deux tapes approbatrices sur l’épaule, je m’approchai du comptoir bondé, chipai deux verres sous le nez de Sam qui, en me voyant, émit un « Oh, oh… » de circonstance. Il me connaissait. Il voyait l’éclat meurtrier dans mes yeux, invisible aux autres. Il savait qu’il valait mieux ne pas m’approcher ce soir. Je lui fis un clin d’œil narquois, trinquai avec lui, avalai cul sec le premier verre, le reposai, et me frayai un passage jusqu’au groupe bruyant qui entourait Levi.
— Oooh, mais regardez qui est là ! s’exclama-t-il en m’apercevant.
Clairement, il n’était plus sobre. Ça n’allait que me faciliter la tâche. Je ravalai un grondement de haine, lui rendis un sourire fielleux.
— Félicitations, Levi, clamai-je dans le bref silence qui tomba quand les autres me remarquèrent. Pour ce soir, je vais prétendre que tu le mérites. À notre Élu !
Les autres, même bourrés, ne semblaient pas savoir sur quel pied danser. Ce fut Levi qui, finalement, se drapa dans un semblant de dignité, et hocha la tête.
— Merci.
Il entrechoqua son verre de rhum avec mon shooter de vodka, le vida, hoqueta, rougit encore un peu plus, sous les acclamations de son public ivre. Je lui adressai un sourire de requin, fis dégager la midinette assise à côté de lui d’un simple geste.
— Je serais curieuse de voir combien tu tiens…
Le barman, qui me connaissait plutôt bien, comprit tout de suite ce que j’avais en tête. Il nous resservit immédiatement, et abandonna une poignée de secondes ses autres clients pour sortir une rangée de shooters.
— Tu veux tester ? provoqua Levi, oubliant à qui il avait affaire.
— Avec plaisir. Mais attends, ce n’est pas juste, je viens d’arriver. Tu as déjà bu… combien ?
— Bah… trois ou quatre verres ?
— Cinq ! cria quelqu’un.
— Va pour cinq, acquiesçai-je. On ne dira pas que je ne suis pas fair play. Dix pour moi, cinq pour lui.
Aussitôt dit, aussitôt fait, les shooters de vodka s’alignaient devant nous. Levi eut la décence d’attendre que je vide mes cinq premiers à la chaîne avant de s’attaquer aux siens. La gorge déjà en feu à cause de l’enchaînement rapide, je tins vaillamment. Levi aussi, pour sa défense, même s’il devint vermeil sur la fin. Quand nous reposâmes nos verres en même temps, il y eut quelques applaudissements. Un bon tiers de la salle nous observait, ouvertement ou discrètement. Et les deux autres tiers n’allaient pas tarder.
Je laissai échapper un rire. Je trichais et je mentais actuellement comme une arracheuse de dents, et ça me faisait exulter. J’avais un filtre buccal magique fait par Ekrest, et un métabolisme divin de toute façon habitué à mes excès. Levi n’avait pas l’ombre d’une chance.
La tournée suivante, nous eûmes le droit à dix verres chacun. Cette fois-ci, je pris mon temps pour les vider. Ce n’était pas une compétition de vitesse. Et, de toute façon, mes précautions étaient inutiles, puisque je ne ressentais rien. Le filtre, un voile de tissu rigidifié qui épousait parfaitement la forme de mon palais, avait été gorgé d’une potion spécifique – dont je ne connaissais même pas les ingrédients – qui contrait les effets de l’éthanol. Entre deux gorgées, je me fis une note mentale d’aller chercher ça à la bibliothèque un jour ou l’autre, puisque la réserve que m’avait laissée Ekrest n’était malheureusement pas inépuisable.
Les clameurs qui suivirent la troisième ronde furent déjà un peu plus éloquentes. La musique baissa d’un cran, et un de mes demi-frères passablement ivres, qui s’improvisait présentateur, prit le micro :
— Bonsoir, bonsoir, mesdames et messieurs, votre attention s’il vous plaît, nous avons un dangereux concours de beuverie qui s’organise au bar… J’crois que je vais pas tarder à les rejoindre, moi, mais je ne suis pas sûr de tenir le coup… Qu’est-ce que vous en pensez ?
Il fut acclamé, encouragé. Je souris, lui fis coucou de la main pour qu’il vienne. Pour autant, je ne savais absolument pas de qui il s’agissait. De toute façon, sous cette lumière stroboscopique, reconnaître quelqu’un que j’avais peut-être vu une fois, ou deux au maximum, aurait relevé du miracle, et il n’en prit pas ombrage. Déjà, on ouvrait une quatrième bouteille pour l’accueillir dignement. Il s’installa à côté de moi, me fit un sourire.
— Ça ne te dérange pas si on t’en file cinq par tour ? criai-je à son oreille.
— Hein ?
— Toi. Cinq. Nous, dix. Ok ?
Le pire était qu’avec cette formulation stupide, il parut comprendre. Je secouai la tête, désespérée, fis un signe au barman, qui n’avait évidemment rien entendu de notre échange. Je lui montrai cinq, puis indiquai le nouvel arrivant. Il acquiesça, aligna nos vingt verres à shot – il n’allait pas s’embêter à nous en sortir de nouveaux à chaque coup, non plus – en rajouta cinq. Je souris, amusée. À nous trois, avec des verres standard nous vidions une bouteille d’un litre. Magnifique.
Je fis semblant de peiner au quatrième tour. Juste un peu, pour le réalisme de la scène. En réalité, je ne ressentais rien, à part la brûlure dans ma gorge qui avait amené une douce rougeur sur mes joues, tandis qu’à côté de moi, les synapses soudain noyées dans l’éthanol qui était soudain monté, Levi semblait être à un petit verre du coma éthylique, et il considérait chacun de ses shooters longuement avant de les boire. Quant à l’autre Loki, dont je ne connaissais pas le nom, il avalait les siens tranquillement, un à un, avec un gentil rythme de grand-père. Mais il les vidait, sans répandre le contenu de son estomac sur le plancher en même temps, ce que je pouvais lui concéder comme honorable.
— Lilith… je… laisse… tomber…
Littéralement. Levi s’affala sur le comptoir, au bord de l’inconscience. Il avait encore les yeux ouverts, mais si on continuait comme ça… Ça risquait de me retomber dessus. Et ce n’était pas ce que je voulais. Mon filtre solidement collé à mon palais, je terminai les trois verres qu’il n’avait pas pu achever, souris, tapai dans la main du Loki inconnu, et attrapai Levi à bras-le-corps. Le pauvre. Je lui avais fait avaler trente-deux shots en moins de trente minutes, il y avait clairement de quoi être à l’ouest.
Pauvre petit, ricanai-je in petto.
— CHARGEMENT FRAGILE, LAISSEZ PASSER !
Mon cri déclencha un immense éclat de rire général, et la foule s’écarta. Je soulevai Levi, renforçant mes muscles comme à l’entraînement pour le porter sans faire trop d’efforts, le traînai vers la sortie. Avisant Sam dans un coin, je lui fis signe d’approcher. Il s’exécuta, à peine surpris que je sois encore lucide, voulut attraper l’autre bras de son nouvel Élu. Je secouai la tête.
— Cinq bouteilles, dans ma chambre, plus une spé. Merci, tu es un ange.
Il roula des yeux, marmottant quelque chose à propos du nettoyage le lendemain. Je me contentai de rire, me penchai vers Levi, et lui susurrai à l’oreille :
— On va aller prendre l’air, d’accord ? Tu vas respirer un peu, ça va te faire du bien.
Il était trop dans les vapes pour acquiescer ou protester. Je le traînai loin de la salle commune bruyante, vers une fenêtre de l’aile des dortoirs, où, je le laissai s’appuyer contre le mur le temps d’ouvrir les battants en grand. Lorsque l’air glacial s’engouffra à l’intérieur, je fus parcourue d’un frisson. Suivant l’appel du froid, Levi esquissa quelques pas vacillants vers la fenêtre. Je le laissai reprendre un peu ses esprits, m’accoudai à côté de lui. La musique n’était plus qu’un écho, assez faible pour que je puisse parler dans un souffle.
— Est-ce que tu savais ?
— Pour ?
— Ta nomination.
— Non.
Bourré comme il était, il devait être quasiment incapable de mentir. Je poussai un soupir, prise d’un bref doute. Puis, soudain, je lui agrippai la nuque, le poussai vers l’avant, et le maintins penché, la tête dans le vide. Trois petits étages. Assez pour le tuer s’il ne se transformait pas. Et il était encore trop saoul pour maîtriser une métamorphose correcte.
— Lâche-moi !
— Tsss. Silence, sinon tu fais une descente rapide.
Il se tut. Je souris, approchai mes lèvres de son oreille. La rage, qui ne m’avait jamais vraiment quittée durant le concours de beuverie, qui avait juste été noyée sous la brûlure de la vodka, refit violemment surface, assurant ma poigne et la haine qui se déversait dans ma voix.
— Écoute-moi, abruti. Je me fous de ton titre. Je me fous de ce que tu es censé représenter. Je te préviens maintenant, je ne le referai pas une seconde fois. Si tu me fais chier, tu vas regretter de ne pas être déjà à Niflhel. Capito ?
Il acquiesça de mauvaise grâce. Je le relâchai, lui donnai un coup de coude dans le dos au passage. Il grogna, faillit basculer. Si c’était arrivé, je n’aurais rien fait pour le retenir. Mais, après quelques secondes de panique confuse, il retrouva son équilibre et je dus réprimer un soupir dépité.
— Bordel, t’es cinglée…
— On m’aime comme ça, répliquai-je avec un rire moqueur. Ou pas. Viens.
Sans vraiment lui demander son avis, je le traînai vers les escaliers, les grimpai deux à deux jusqu’à mon étage, et ne m’attardai pas devant la chambre de Selvie, qui, d’après les bruits qui filtraient sous la porte, était occupée.
— Qu’est-ce que tu fous ? grogna Levi en voyant qu’on approchait de ma chambre.
— Tu ne vas quand même pas dormir dans le dortoir commun ? Toi, l’Élu ?
Il me rendit une grimace, mais ne contesta pas. Entendre ce silence, qui disait qu’il avait déjà accepté sa place et les privilèges qui allaient avec, me donna envie de vomir. Je réfrénai de mon mieux cette pulsion, lui adressai un sourire faussement bienveillant, et ouvris ma porte. Les bouteilles, par un quelconque miracle de Sam, m’attendaient déjà sur le seuil. Je les attrapai par le goulot, trois dans chaque main, fronçai un sourcil. Levi piétinait devant l’entrée, indécis et perdu, gêné par mes sautes d’humeur.
— Eh, c’est une offre d’une nuit ! Demain, je serai sobre, tu pourras crever avant que je ne te laisse entrer ici.
— Ça ne changera pas de d’habitude… marmotta-t-il d’une voix pâteuse.
Mais il entra malgré tout. J’esquissai un sourire à sa remarque, me glissai à l’intérieur, refermai la porte d’un coup de pied, et m’assis sur mon lit. Négligeant la chaise de bureau qui lui avait été d’office attribuée, Levi vint s’affaler à côté de moi, dos au mur. Je fis courir mes doigts sur les bouchons de bouteilles pour repérer la spé que j’avais commandée, qui avait déjà été ouverte une fois, et je la lui tendis. Il en avala une lampée au goulot, tandis que j’ouvrais une autre bouteille.
— Tu vas souffrir, ici. Tu n’es pas prêt.
Il fut assez intelligent pour comprendre que « ici » ne référait pas au lieu actuel, mais à sa nouvelle position au sommet. Au lieu de me répondre, il prit une autre gorgée. J’attendis quelques secondes, pianotai discrètement sur mon téléphone pour le déverrouiller et lancer le Dictaphone, puis me jetai la tête la première en terrain dangereux.
— Qui t’a déjà prêté allégeance ?
Il me cita des noms, sans se rendre compte que j’enregistrais chaque mot. Pendant un bref instant, je fus réellement prise de pitié. Il n’avait vraiment aucune idée de ce qui l’attendait. Adam était encore pire que moi lorsqu’il s’agissait de manipuler les autres. J’avais été formée à la bonne école, certes, mais lui avait plus d’expérience.
Cela dit, connaissant le brun, il risquait de prendre le parti de l’Élu, tant pour assurer ses arrières qu’aller à l’encontre de mes intérêts. À cette idée, je refoulai la commisération en bloc. Levi et Adam, c’était un duo très dangereux, qui avait déjà fait ses preuves par le passé.
— Qui m’espionne pour ton compte ?
Le spé dans sa bouteille à lui, une drogue délicate qui stimulait les centres nerveux liés à la suggestivité, mêlée à un léger amnésique, faisait son effet. Il me répondit sans broncher. Durant les quelques quarante minutes qui s’enchaînèrent ainsi, je lui posai des questions précises dont il ne se souviendrait pas le lendemain. Il me donna tout ce que je voulais savoir. Ses alliés, ses positions déjà établies, les potentielles horreurs que je pouvais déterrer sur lui, mentionna même quelques missions ratées dont les rapports avaient été modifiés à son avantage. Il me parla de sa famille, de son père, maintenant mort, mais d’un petit frère humain qui, à l’heure actuelle, devait avoir la cinquantaine. Je le gardai dans un coin. Il mentionna aussi d’autres concurrents qui lui avaient fait de l’ombre, ou alors qui complotaient dans mon dos. Tout ça fut évidemment enregistré sur mon téléphone, peu avant qu’il ne sombre dans un sommeil de plomb.
Après qu’il se soit endormi, j’allai m’asseoir sur mon bureau, mon cœur cognant étrangement fort dans ma cage thoracique. J’avais refoulé toutes mes émotions pendant cette dernière demi-heure, pour ne pas me laisser distraire, et je le faisais toujours. Mais il me restait cette pointe d’appréhension nerveuse, que je reconnus comme l’inquiétude qui précédait une mission. Qui annonçait les derniers instants de calme avant la tempête.

| † | † |


— Seeeelv…?
Il était un peu plus de cinq heures du matin, et les derniers fêtards venaient d’aller se coucher. Je le savais parce que, enfin, les lumières du troisième étage s’étaient éteintes, et les bruits de pas allant et venant entre les dortoirs et les toilettes s’étaient tus.
Lorsque je toquai trois coups légers à sa porte, qui s’était ouverte avec mes empreintes digitales, Selvigia, tranquillement endormie, leva le nez avec une grimace que je ne pus que deviner, dans l’obscurité.
— Hmmm ?
— Tu me files un coup de main s’il te plaît ?
— Qu’est-ce que tu as encore fichu, toi ? grommela-t-elle, échappant difficilement à l’emprise d’Adam, qui devait dormir avec son bras autour de sa taille, vu le peu que je distinguais dans la pénombre.
Malgré l’heure indécente et ses bâillements grincheux, elle m’accompagna dans le couloir, vêtue seulement d’un peignoir. Là, à la lumière des veilleuses néon tamisées, elle vit le sourire que je n’arrivais pas à réprimer, et roula des yeux. Et, quand elle parvint dans ma chambre, elle dut étouffer un hoquet de stupeur. Et pour cause, la scène avait de quoi choquer. Le nouvel Élu, qui serait bientôt l’homme le plus respecté de la Confrérie, était saucissonné comme une larve dans un sac de couchage fin, bâillon sur la bouche et chiffon noir devant les yeux. Précaution inutile, puisqu’il dormait toujours. Selvigia cilla.
— Qu’est-ce que tu lui as fait avaler, hier ?
— Tu ne veux pas savoir… soufflai-je avec un rire discret.
Elle poussa un soupir retentissant. Mais elle avait déjà ce sourire en coin aux lèvres, et cette étincelle malicieuse dans les yeux. C’était gagné.
Nous nous habillâmes en quatrième vitesse de combinaisons thermiques, celles que nous utilisions pour courir dehors, et Selvigia alla ouvrir la fenêtre. De mon côté, je fis apparaître deux seringues : un somnifère, et une drogue qui empêchait temporairement l’utilisation de pouvoirs magiques.
— Tu es sûre qu’il va survivre, avec tout ce que tu lui fais ingérer ?
Je m’arrêtai un bref instant. Dans l’absolu, avec tout ce qu’il avait encore dans le sang, ça pouvait encore être potentiellement dangereux de lui inoculer ça…
Puis, je haussai les épaules.
— Bah… je pense. Il est solide. Ou pas, d’ailleurs, mais tant pis pour lui.
Et, ni une ni deux, je lui injectai les deux produits dans la carotide. Il ne bougea pas d’un cil. Je souris. Il ne se réveillerait pas avant les quatre ou cinq prochaines heures, normalement. S’il se réveillait tout court. Le contraire ne m’aurait pas vraiment dérangée, mais malheureusement, mon père risquait de vouloir ma peau ensuite. Et, aussi furieuse que je puisse être, je n’étais pas exactement assez puissante pour survivre à une véritable confrontation avec Loki.
— Tiens, mets-le là-dedans.
Un souffle d’air glacé s’engouffra dans la pièce. Malgré la combinaison que je portais, je frissonnai, tournai la tête. Selvigia avait disparu, laissant derrière elle une civière aux couleurs un peu trop éclatantes à mon goût, dotée de cordes qui permettaient de l’accrocher pour un transport aérien. Je fronçai un sourcil, allai me pencher par-dessus le parapet, à la recherche de ma sœur. Mais elle n’était nulle part en vue. Je poussai un soupir, comprenant ce qu’elle attendait de moi, et attrapai le sac de couchage dans lequel était emballé Levi, pour le tirer sur le brancard. Ahanant et pestant sous l’effort – je ne m’étais pas transformée cette fois-ci – je l’installai au jugé dans la bonne position, serrai les sangles au mieux.
Quand je me retournai à nouveau, Selvigia était perchée sur mon parapet, un sourire narquois aux lèvres.
— Pas de commentaire… grognai-je, boudeuse.
— C’était drôle, glissa-t-elle malgré tout, un sourire taquin aux lèvres. Accroche les mousquetons, tu veux ?
Elle me tendit un filin de cinq millimètres de diamètre, soudé autour d’un anneau. À ce moment seulement, je remarquai qu’elle était en fait en harnais de rappel. Tout en faisant ce qu’elle me demandait, je demandai :
— Pourquoi tu as du matos d’escalade, toi ?
— Tu ne sais jamais quand ça peut te servir. J’en ai eu besoin deux ou trois fois.
Elle avait une voix distante, concentrée. Je levai les yeux, juste à temps pour voir des étincelles turquoise s’échapper de ses doigts. Je ne la questionnai pas là-dessus, bien que je sois curieuse de savoir ce qu’elle faisait, préférai accrocher le dernier des quatre mousquetons sur l’anneau.
— C’est bon ? Maintenant, aide-moi.
Elle se propulsa vers l’extérieur d’un coup de pied tout en appuyant sur sa ceinture. Une seconde plus tard, elle était un mètre plus haut. Puis deux. Puis trois. Et le bout de corde qu’elle m’avait laissé commençait à se tendre. J’attrapai la civière à la hâte, la fis glisser vers la fenêtre en même temps qu’elle se soulevait. Elle cogna doucement contre le parapet, mais je parvins à la mettre dans le bon axe. Et, bientôt, Levi fut suspendu cinq étages au-dessus du sol, sans rien pour arrêter sa chute si le fil se rompait. Je souris.
— Va m’attendre en bas !
Pas à pas, Selvigia entama une descente prudente le long du mur. De mon côté, je me métamorphosai, me coulant avec un plaisir indescriptible dans la forme d’un faucon, et descendis en lents cercles vers le sol, où je redevins humaine. Une vingtaine de secondes plus tard, la civière se posait en douceur sur le sol de graviers. Je jetai un coup d’œil prudent à la fenêtre la plus proche, guettant des éventuels signes de vie, mais la seule chose que je vis fut un voile turquoise brouillé qui couvrait toutes les vitres, du rez-de-chaussée jusqu’au cinquième étage. Une illusion, l’œuvre de Selvie. Un sourire éclaira mon visage.
La nacelle se posa en douceur sur le sol, je la décrochai en un instant. Selvigia remonta en quatrième vitesse détacher son matériel et le faire disparaître, et me rejoignit très vite. Nous échangeâmes un sourire complice, nous transformâmes en hommes, chargeâmes Levi sur nos épaules, et nous engageâmes d’un pas rythmé dans le Labyrinthe.
J’avais pris l’arrière, laissant à ma sœur le soin de nous guider, comme souvent. Elle adorait ce lieu, y passait le plus clair de son temps, souvent seule, pour des raisons qui m’échappaient. Quand je la cherchais, je pouvais la trouver soit dans sa chambre, avec un livre ouvert, soit ici. Je ne lui avais d’ailleurs jamais demandé pourquoi elle aimait tant être dans un endroit aussi étrange, gorgé de magie sombre. Chacune ses secrets.
Étrangement, le Labyrinthe semblait souvent lui rendre cette drôle d’affection. Quand je marchais avec elle, je tombais rarement sur des obstacles, comme si le dédale s’arrangeait pour lui faciliter le passage, où qu’elle aille. Aujourd’hui encore, nous n’eûmes qu’une crevasse à sauter – avec un brancard, ce fut un peu plus compliqué que d’habitude – et un gros rocher à escalader, soit trois fois rien, à l’échelle du Labyrinthe.
Nous nous arrêtâmes finalement dans une petite clairière, où Selvigia fit disparaître sa civière, et nous tournâmes les talons, laissant Levi là, ligoté par terre, inconscient.
— Tu penses qu’il va s’en sortir ?
— Ça te préoccupe vraiment ? relevai-je, sceptique, alors que nous replongions dans la pénombre des hauts murs de verdure.
— Je ne… Non…
Je cillai face à sa dérobade.
— Selv. Qu’est-ce qu’il y a ?
— Non, rien… c’est juste que…
Elle s’immobilisa brièvement, tourna la tête sur le côté, me fit signe d’aller à gauche. Or, j’étais certaine que nous étions venues par la droite. Mais je l’écoutai, m’avançai de quelques pas dans l’autre chemin, juste assez loin pour me rendre compte qu’elle ne me suivait pas. Et quand je me retournai, ma sœur faisait face à un scorpion noir de deux mètres de long.
Les deux pinces gigantesques semblaient former une barrière protectrice autour d’elle, vouloir la protéger de n’importe quelle menace. L’épaisse carapace, luisante malgré l’obscurité, aurait donné du fil à retordre à n’importe quel fantassin, qu’il soit armé d’un pistolet ou d’une lance. L’immense dard, de la taille de mon buste, plafonnait à près de trois mètres au-dessus du sol, défiant quiconque de s’approcher. Je m’immobilisai, n’osant pas faire un geste, retins mon souffle. Même si ces créatures étaient là pour défendre le Manoir, en croiser une n’était jamais particulièrement agréable. La peur instinctive qui pulsait dans mes veines m’enjoignait de courir le plus loin possible.
Mais Selvigia ne semblait pas avoir peur. Debout face aux yeux médians, elle étendit lentement la main, le regard dans le vague. Le scorpion ne broncha pas, même quand les doigts blancs se posèrent sur sa tête noire, créant un saisissant contraste de couleurs dans cette semi pénombre. Fascinée et effrayée, j’observai ma meilleure amie qui baissait la tête, encadrée par un rideau de cheveux sombres, concentrée comme je ne l’avais encore jamais vue.
Le temps semblait suspendu. Ce bref instant, arraché au cours de la vie, s’étirait, s’éternisait. Je ne bougeais pas, et le scorpion non plus. Seule Selvigia tournait lentement la tête de gauche à droite. Dans le silence qui était tombé, je percevais un étrange murmure qui s’échappait de ses lèvres presque hermétiquement closes, quelque chose entre les mots, le bruit de gorge et le claquement de langue discret. Quelque chose que je ne comprenais pas, que mon intuition me hurlait de fuir.
Et puis, une patte après l’autre, la bête recula d’où elle était venue, dans le chemin de droite, qui était juste assez large pour la laisser passer. Quand, enfin, elle se fut totalement fondue dans l’obscurité, je me permis une inspiration nerveuse, le cœur battant, m’approchai de ma sœur. Sans se retourner, le regard dans le vague, elle murmura :
— Je m’inquiète pour toi…
— Dit celle qui vient de bavasser avec un scorpion géant… relevai-je, sceptique.
Elle pivota en roulant roula des yeux, me retourna un coup de coude dans les côtes, pas aussi joueuse que d’habitude.
— Je ne risquais rien.
— Ah bon ?
Elle ne répondit pas au « pourquoi ? » implicite. Au contraire, elle se détourna, s’engagea à droite, derrière la bestiole, et dévia sur un autre sujet.
— Kaiser va savoir que c’est toi.
Je notai, dans un coin de mon esprit, qu’elle avait dit toi et pas nous, alors que d’habitude, cela aurait été le contraire.
— Elle n’a aucune preuve, rétorquai-je.
— C’est vrai, mais… elle va te rendre la vie impossible. Tu ne sais pas de quoi elle est capable…
Je cillai, sceptique. Dans la voix de Selvigia, une délicate nuance de rancœur prédominait, une nuance que je n’avais que rarement entendue de sa part.
— Je suis sa meilleure agente, elle ne va quand même pas me dégrader pour une farce, non ?
Ma sœur ne répondit rien. En soi, cela ne voulait pas dire oui. Elle ne le pensait d’ailleurs pas, à mon avis ; j’étais bien trop efficace sur le terrain pour être mutée aux bureaux. Mais il y avait un non-dit dans son langage corporel, une tension qui témoignait d’un secret. J’attendis, marchant en silence à ses côtés, consciente que si elle ne voulait pas se livrer, elle ne le ferait pas.
— Elle n’a pas de terrain sur lequel t’attaquer… Tes états de service sont irréprochables, tous tes proches sont morts…
C’était violent rappel, et il n’en fallait pas plus pour précipiter le flot de souvenirs qui se leva comme un tsunami destructeur, menaçant de me noyer. En premier venait le plus violent de tous, l’image de ma mère. Prise au dépourvu par la remarque de Selvigia, je n’eus pas le temps de lutter pour la repousser.
Il me fallut moins d’une seconde pour revivre en accéléré sa mort. Le jour de mon quatrième anniversaire. Une apparition brumeuse de Loki venant la prévenir, elle qui doutait de ce qu’il disait et refusait de s’en aller. Odeur d’ozone, brusque variation de la température dans la maison. Le corps presque immatériel du dieu qui se jetait sur moi, le bouclier magique qu’il formait pour me protéger. Flash blanc, aveuglant. Les murs qui explosaient sur le coup. Moi, silencieuse gamine de quatre ans, prostrée sous le dôme turquoise, contemplant les cendres qui voletaient. Ne réalisant pas encore que la vie que je connaissais jusqu’alors venait de partir en fumée.
Je cillai, et la vision disparut, laissant derrière elle une sourde douleur dans la poitrine et un goût d’acide dans la gorge. J’avalai difficilement ma salive.
— Bref, elle n’a aucun moyen de pression, acheva ma sœur.
— C’est parfait, non ?
— Non. C’est loin d’être parfait.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
Elle hésita. Puis, finalement, m’adressa une grimace peinée.
— Qu’est-ce que te dirait Ekrest ?
— De réfléchir à ce que tu viens de dire, répondis-je sur-le-champ, sans une hésitation.
— Voilà. Écoute-le.
Et elle se mura dans le silence.

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Dernière modification par vampiredelivres le ven. 06 mars, 2020 8:29 pm, modifié 5 fois.
louji

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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit :C'est toujours drôle, surtout pour l'auteur-e qui voit les réactions de ses lecteurs.
Ouais, en fait, en réalisant que RR allait écrire sur un truc qui me tenait pas mal à cœur, j'ai un peu – beaucoup – déprimé. Mais à l'époque, on sentait encore que mon histoire était vraiment tirée de PJ, du coup, au bout d'un moment, j'ai changé d'avis, j'ai gardé mes trois personnages principaux et j'ai mis l'univers à la poubelle. Quelques semaines de brainstorming et les Maisons étaient nées. :mrgreen:
Elle est surtout très sympa à écrire, elle fait un peu les montagnes russes émotionnelles de temps en temps, mais globalement, je n'ai pas à me prendre la tête pour elle. Et puis, tu l'auras remarqué, j'aime pas trop les héroïnes geignantes qui changent d'avis toutes les deux secondes. :lol:

Tu m'étonnes… j'ai envie de te dire, laisse-le respirer, prends du recul, avance sur la suite. Tu reviendras dessus plus tard, ce n'est pas urgent. Il paraît même qu'il y a pas mal d'auteurs qui écrivent leur prologue en dernier… :roll:
J'ai l'impression qu'elle aime bien insister là-dessus, oui. Pourtant, j'adore comment tu retranscris les émotions d'Al et d'Alice (avec un peu de préférence pour le premier :mrgreen: ), je ne vois pas vraiment ce qui la dérangeait vraiment… Merci ^-^
Ouais, je sais déjà comment la Faction va débarquer (faut quand même que je vérifie deux trois trucs, scientifiquement parlant), mais globalement, ouais, les Maisons connaissent déjà l'existence de la Faction depuis longtemps, et l'inverse est quasiment vrai aussi, même si la Faction a moins de renseignements parce que les Maisons ont l'avantage de la magie. Et je te parle même pas des assassins métamorphes comme Lilith, avec quinze mille fausses identités et visages différents, la pauvre Lana, elle galère à les retrouver et à établir le contact. :lol:
Tu as déprimé qu'il écrive sur quelque chose qui te tenait à cœur ? :lol: Tu avais peur qu'il traire le sujet d'une façon qui ne t'aurait pas plu ?
Oui, les montagnes russes, j'ai vu ça :lol:

Oui, je verrai bien... Pour l'instant, je m'en préoccupe pas :)
Yep, ça doit être ça... (Je me demande qui tu préfères des deux... :roll: :lol: )
La vache, tu as bien pensé à tout ça ! :shock: Bravo :) Je n'aurais pas cru possible de mêler ces univers, mais, puisque leur créatrice le peut, alors... ;) Mais c'est une bonne idée, ça ne peut que les enrichir mutuellement =) Et j'ai hâte de voir un cross-over :D
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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki

Message par louji »

vampiredelivres a écrit :Tiens, petite question de réflexion, elle a quel âge, à votre avis, Lilith, dans le flash-back au début de ce chapitre ? :mrgreen:
:arrow: Hum... Je dirais une dizaine d'années, peut-être entre 10 et 12... No idea :roll:

CHAPITRE 7


— Pour le moment, je ne t’ai pas encore laissée participer aux soirées.
Je fixe mon mentor, cherchant à deviner ce qu’il essaye de me dire. Sans y parvenir. Effectivement, il ne m’a pas encore autorisée à aller à ces évènements. J’ai toujours pensé que c’était pour m’éviter de me retrouver en position de faiblesse, dans un cadre que je ne connaissais pas. Même s’il m’a déjà laissée boire plusieurs fois.
— Métamorphose-toi, m’intime-t-il. Âge adulte.
Je souris, me coulant sans difficulté dans la forme imposée, change immédiatement de vêtements au passage. Ce n’est pas la première fois, ni la dernière, que je prends une apparence d’une dizaine d’années plus vieille que mon âge réel. De toute façon, je me comporte toujours comme si j’étais plus âgée. C’est la seule manière de survivre, ici.
— Est-ce que tu sais pourquoi ?
La question est décalée, par rapport à son contexte. Elle ne porte pas sur la transformation, mais sur les soirées qu’il vient de citer. Et je n’ai aucune idée de la réponse véritable. Aussi, je secoue la tête, honnête.
— Tu n’es pas encore familière avec les Jeux.
Je hausse un sourcil.
— Qu’est-ce que c’est ? Pourquoi tu n’en parles que maintenant ? Quel rapport avec les soirées ?
Ekrest esquisse un fin sourire, passe une main dans mes cheveux.
— Je te l’expliquerais bien… mais encore faudrait-il que je puisse parler.
Je me tais aussitôt, hoche la tête dans sa direction.
— Les Jeux sont… une sorte de compétition. Comme une partie d’échecs géante, avec des personnes réelles, et qui dure depuis des siècles. Seuls les meilleurs y participent consciemment. Les autres n’ont qu’une vague idée de ce que c’est, mais ils y jouent tous sans le savoir.
Silence. J’assimile. Il veut que je fasse partie de la première catégorie, clairement. Sinon il ne m’en aurait pas parlé, sinon il n’aurait pas mentionné l’existence de ces catégories devant moi.
— Dans les Jeux, tu as une partie tactique, avec des intermédiaires que tu peux utiliser à ta guise…
— Comme toi qui fais modifier les ordres de mission de certains de tes alliés ou ennemis ?
— Je ne te demanderai pas d’où tu es au courant. Mais oui.
Je me mords les lèvres. J’ai espionné. C’est dans ma nature, après tout. Ce n’est pas forcément juste, ni moral, mais la justice n’existe pas, et la moralité est souvent plus que douteuse, dans ma famille. Ne jamais se fier à personne, une règle apprise au prix du sang. Même si j’ai en Ekrest une confiance aveugle, je vérifie par principe. Et j’apprends aussi de mon côté, quand il me laisse seule. Je mène mes propres enquêtes.
— Et une partie… pratique, on va dire, qui se joue la nuit, par convention, dans une chambre. À deux, et, un peu plus rarement, à trois ou plus.
— Ils couchent ensemble ?
Ekrest hoche la tête. Ce n’est pas un sujet tabou, entre nous deux. Plus depuis quelques mois, en tout cas.
— Mais il y a une condition tacite. Ils doivent avoir bu avant. Tous les deux, et beaucoup.
— C’est débile, je marmotte dans ma barbe, me rappelant des effets qu’avait l’alcool sur moi. (Gueule de bois...)
Là encore, un sourire me tient lieu de réponse.
— Ce n’est intéressant qu’entre deux Joueurs avérés. Parce que ça veut dire qu’il y a des informations à glaner.
— Comme des confidences sur l’oreiller ?
— Exactement. Et là, le but, c’est de pousser l’autre à parler, en essayant de taire le plus possible de son côté.
Je hausse un sourcil.
— Et l’alcool, c’est pour ?
— Égaliser un peu le niveau des Joueurs. Augmenter la difficulté, aussi.
Une bouteille et deux verres apparaissent sur la table. Du rhum. Je fronce le nez. Je n’aime pas le rhum.
— Prête ? fait mon mentor en me servant.
Je lui fais un sourire. Si c’est lui qui me le demande, je suis toujours prête.
— Alors Jouons.
:arrow: Dis donc, c'est vilain de faire boire de l'alcool aux mineurs Ekrest... Sans plaisanter, ce petit flash-back est vraiment le bienvenu, surtout après les événements des chapitres précédents... :D

| † | † |


Deux heures de course libératrice, une douche glacée et des préparations minutieuses plus tard, j’étais au troisième étage, en compagnie des basses puissantes. À côté d’aujourd’hui, la fête de mercredi aurait ressemblé à une petite soirée entre amis. Ma famille devait avoir prévu le coup, puisque le nombre de bouteilles était environ dix fois supérieur à la dernière fois. Cette fois-ci, même les plus résistants à l’alcool mettraient un bon moment avant de se relever de cette soirée. Je n’avais pas envie d’être ici, de voir ces gens qui s’amusaient aux dépens de mon propre malheur. Mais les Jeux m’y obligeaient, en plus de mon rôle de première Élite. Autant en profiter.
On m’acclama dès mon entrée, on me félicita. Personne ne rappela le cuisant échec qu’avait été le reste de la cérémonie. Et, pour cause, la moitié des gens étaient déjà trop ivres pour s’en rappeler. Et ceux qui étaient encore assez lucides pour s’en souvenir n’étaient pas suicidaires. Mon regard assassin adressé à Levi, dès que Loki était parti, avait convaincu tout le monde que je n’étais pas exactement heureuse.
Tout le monde buvait allègrement, discutait par petits groupes. Enfin, gueulait par-dessus la musique aurait été plus juste, mais j’entendais des échos de conversation encore un minimum sensée ça et là. C’était rare, mais ça arrivait.
Je localisai d’abord Sam, puis Selvigia et Adam en même temps. Le premier était au bar, en compagnie de ce qui semblait être un whisky à moitié vide, et la seconde se déhanchait sur la piste… dans les bras du troisième. Je fronçai d’abord les sourcils, étonnée, puis, en les observant un peu, devinai qu’ils se murmuraient des choses en même temps. Ils Jouaient. La possibilité d’assister à une partie entre eux amena une ombre de sourire sur mes lèvres. Mais la rage venimeuse qui bouillonnait toujours dans mes veines me rappela bien vite que j’étais là pour quelque chose d’autre. Quelqu’un, plus précisément. Quelqu’un qui, vu le boucan autour de lui, ne fut pas difficile à repérer.
Entre deux tapes approbatrices sur l’épaule, je m’approchai du comptoir bondé, chipai deux verres sous le nez de Sam qui, en me voyant, émit un « Oh, oh… » de circonstance. Il me connaissait. Il voyait l’éclat meurtrier dans mes yeux, invisible aux autres. Il savait qu’il valait mieux ne pas m’approcher ce soir. Je lui fis un clin d’œil narquois, trinquai avec lui, avalai cul sec le premier verre, le reposai, et me frayai un passage jusqu’au groupe bruyant qui entourait Levi.
— Oooh, mais regardez qui est là !
Clairement, il n’était plus sobre. Ça n’allait que me faciliter la tâche. Je ravalai un grognement de haine, lui rendis un sourire fielleux.
— Félicitations, Levi, clamai-je, provoquant un court silence. Je ne suis absolument pas d’accord avec ta nomination, mais pour ce soir, on va dire que tu la mérites. À notre Élu !
Les autres, même bourrés, ne savaient pas vraiment sur quel pied danser après ma remarque. Ce fut Levi qui, finalement, se drapa dans un semblant de dignité, et hocha la tête.
— Merci.
Il entrechoqua son verre de rhum avec mon shooter de vodka, le vida. Hoqueta, rougit encore un peu plus, sous les acclamations de son public ivre. Je lui adressai un sourire de requin, fis dégager la midinette assise à côté de lui d’un simple geste.
— Je serais curieuse de voir combien tu tiens…
Le barman, qui me connaissait plutôt bien, comprit tout de suite ce que j’avais en tête. Il nous resservit immédiatement, et abandonna brièvement ses autres clients pour commencer à sortir des verres.
— Tu veux tester ? provoqua Levi, oubliant à qui il avait affaire.
— Avec plaisir. Mais attends, ce n’est pas juste, je viens d’arriver. Tu as déjà bu… combien ?
— Offf… trois ou quatre verres ?
— Cinq ! cria quelqu’un.
— Va pour cinq, acquiesçai-je. On ne dira pas que je ne suis pas fair play. Dix pour moi, cinq pour lui.
Aussitôt dit, aussitôt fait, les shooters de vodka s’alignaient devant nous. Levi eut la décence d’attendre que je vide mes cinq premiers – ce que je fis à la chaîne, comme si je buvais de l’eau :arrow: warrior :lol: – avant de s’attaquer aux siens. La gorge déjà en feu à cause de l’enchaînement rapide, je tins vaillamment. Levi aussi, pour sa défense, mais il devint légèrement vermeil sur la fin. Quand nous reposâmes nos verres en même temps, il y eut quelques applaudissements. Un bon tiers de la salle nous observait, ouvertement ou discrètement. Et les deux autres tiers n’allaient pas tarder.
Je laissai échapper un rire. Je trichais et je mentais actuellement comme une arracheuse de dents, et ça me faisait exulter. J’avais un filtre buccal magique :arrow: sympatoche made by Ekrest, et un métabolisme divin de toute façon habitué à mes excès. Levi n’avait pas l’ombre d’une chance.
La tournée suivante, nous eûmes le droit à dix verres chacun. Cette fois-ci, je pris mon temps pour les vider. Ce n’était pas une compétition de vitesse. Et, de toute façon, mes précautions étaient inutiles, puisque je ne ressentais rien. Le filtre, un voile de tissu rigidifié qui épousait parfaitement la forme de mon palais, avait été gorgé d’une potion spécifique qui contrait les effets de l’éthanol, et dont je ne connaissais même pas les ingrédients. Entre deux gorgées, je me fis une note mentale d’aller chercher ça à la bibliothèque un jour ou l’autre, puisque la réserve que m’avait laissée Ekrest n’était malheureusement pas inépuisable.
Les clameurs qui suivirent la troisième ronde furent déjà un peu plus éloquentes. La musique baissa d’un cran, et un de mes demi-frères passablement ivre qui s’improvisait présentateur prit le micro :
— Bonsoir, bonsoir, mesdames et messieurs, votre attention s’il vous plaît, nous avons un dangereux concours de beuverie qui s’organise au bar… J’crois que je vais pas tarder à les rejoindre, moi, mais je ne suis pas sûr de tenir le coup… Qu’est-ce que vous en pensez ?
Il fut acclamé, encouragé. Je souris, lui fis coucou de la main pour qu’il vienne. Pour autant, je ne savais absolument pas de qui il s’agissait. De toute façon, sous cette lumière stroboscopique, reconnaître quelqu’un que j’avais peut-être vu une fois, ou deux au maximum, aurait relevé du miracle, et il n’en prit pas ombrage. Déjà, on ouvrait une quatrième bouteille pour l’accueillir dignement. Il s’installa à côté de moi, me fit un sourire.
— Ça ne te dérange pas si on t’en file cinq par tour ? criai-je à son oreille.
— Hein ?
— Toi. Cinq. Nous, dix. Ok ?
Le pire était qu’avec cette formulation stupide, il parut comprendre. Je secouai la tête, désespérée, fis un signe au barman, qui n’avait évidemment rien entendu de notre échange. Je lui montrai cinq, puis indiquai le nouvel arrivant. Il acquiesça, aligna nos vingt verres à shot – il n’allait pas s’embêter à nous en sortir de nouveaux à chaque coup, non plus – en rajouta cinq. Je souris, amusée. À nous trois, avec des verres standard nous vidions une bouteille d’un litre. Magnifique.
Je fis semblant de peiner au quatrième tour. Juste un peu, pour le réalisme de la scène. En réalité, je ne ressentais rien, à part la brûlure dans ma gorge qui avait amené une douce rougeur sur mes joues. Alors qu’à côté de moi, Levi semblait être à un petit verre du coma éthylique, considérait chacun de ses shooters longuement avant de les boire. Quant à l’autre Loki, dont je ne connaissais pas le nom, il avalait les siens tranquillement, un à un, avec un gentil rythme de grand-père. Mais il les vidait, sans répandre le contenu de son estomac sur le plancher en même temps, ce que je pouvais lui concéder comme honorable.
— Tout le monde applaud… hic… Lilith… je… hic… laisse… tomber…
Littéralement. Levi s’affala sur le comptoir, au bord de l’inconscience. Il avait encore les yeux ouverts, mais si on continuait comme ça… Ça risquait de me retomber dessus. Et ce n’était pas ce que je voulais. Mon filtre solidement accroché dans ma bouche, je terminai les trois verres qu’il n’avait pas pus achever, souris, tapai dans la main du Loki inconnu, et attrapai Levi à bras-le-corps. Le pauvre. Je lui avais fait avaler trente-cinq shots en moins de quinze minutes, il y avait clairement de quoi être à l’ouest. Pauvre petit.
— CHARGEMENT FRAGILE, LAISSEZ PASSER SI VOUS NE VOULEZ PAS DE VOMI SUR VOS CHAUSSURES !
Mon cri déclencha un immense éclat de rire général, et la foule s’écarta. Je soulevai Levi, renforçant mes muscles comme à l’entraînement pour le porter sans mal, le traînai vers la sortie. Avisant Sam dans un coin, je lui fis signe d’approcher. Il s’exécuta, paraissant à peine surpris que je sois parfaitement lucide, voulut attraper l’autre bras de son nouvel Élu. Je secouai la tête.
— Cinq bouteilles, dans ma chambre, plus une spé. Merci, tu es un ange.
Il roula des yeux, marmottant quelque chose à propos du nettoyage le lendemain. Je me contentai de rire, me penchai vers Levi, et lui susurrai à l’oreille :
— On va aller prendre l’air, d’accord ? Tu vas respirer un peu, ça va te faire du bien.
Il était trop dans les vapes pour acquiescer ou protester. Je le traînai vers une fenêtre éloignée du boucan, où, je le laissai s’appuyer contre le mur le temps d’ouvrir les battants en grand. Je frissonnai lorsque l’air glacial s’engouffra à l’intérieur. Suivant l’appel du froid, Levi fit quelques pas vacillants vers la fenêtre. Je le laissai reprendre un peu ses esprits, m’accoudai à côté de lui. La musique n’était plus qu’un écho, assez faible pour que je puisse parler dans un souffle.
— Est-ce que tu savais ?
— Pour ?
— Ta nomination.
— Non.
L’échange avait été bref. Mais, bourré comme il était, il devait être quasiment incapable de mentir. Je poussai un soupir, hésitant sur la méthode à appliquer. Puis, soudain, je lui attrapai la nuque, et le maintins penché vers l’avant, la tête dans le vide. Trois petits étages. Assez pour le tuer s’il ne se transformait pas. Et il était encore trop saoul pour maîtriser une métamorphose correcte.
— Lâche-moi !
— Tsss. Silence, sinon tu fais une descente rapide.
Il se tut. Je souris, approchai mes lèvres de son oreille. La rage, qui ne m’avait jamais vraiment quittée durant le concours de beuverie, qui avait juste été brièvement noyée sous la brûlure de la vodka, refit violemment surface, assurant ma poigne et la haine qui se déversait dans ma voix.
— Écoute-moi, imbécile. Je me fous de ton titre. Je me fous de ce que tu es censé représenter. Je te préviens maintenant, je ne te préviendrai pas une seconde fois. Si tu me fais chier, tu vas regretter de ne pas être déjà à Niflhel. Capito ?
Il acquiesça de mauvaise grâce. Je le relâchai, lui donnai un coup de coude dans le dos au passage. Il grogna, faillit basculer. Si c’était arrivé, je n’aurais rien fait pour le retenir. Mais il retrouva son équilibre après quelques secondes de panique confuse, et je dus retenir un soupir.
— Bordel, t'es cinglée…
— On m’aime comme ça, répliquai-je avec un rire moqueur. Viens.
Sans vraiment lui demander son avis, je le traînai vers les escaliers, les grimpai deux à deux jusqu’à mon étage. Je ne m’attardai pas devant la chambre de Selvie, d’où s’échappaient des grognements… équivoques… qui me firent rire sous cape.
— Qu’est-ce que tu fous ? grogna Levi en voyant qu’on approchait de ma chambre à moi.
— Tu ne vas quand même pas dormir dans le dortoir commun ? Toi, l’Élu ?
Il me rendit une grimace, mais ne contesta pas. Entendre ce silence, qui disait qu’il avait déjà accepté sa place et les privilèges qui allaient avec, me donna envie de vomir. Je réfrénai de mon mieux cette pulsion, lui adressai un sourire faussement bienveillant, et ouvris ma porte. Les bouteilles, par un quelconque miracle de Sam, m’attendaient déjà sur le seuil. Je les attrapai par le goulot, trois dans chaque main, fronçai un sourcil. Levi piétinait devant l’entrée, indécis et perdu, gêné par mes sautes d’humeur.
— Eh, c’est une offre d’une nuit ! Demain, je serai sobre, tu pourras crever avant que je ne te laisse entrer ici.
— Ça ne changera pas de d’habitude… marmotta-t-il d’une voix pâteuse.
Mais il entra malgré tout. J’esquissai un sourire à sa remarque, me glissai à l’intérieur, refermai la porte d’un coup de pied, et m’assis sur mon lit. Négligeant la chaise de bureau qui lui avait été d’office attribuée, Levi vint s’asseoir à côté de moi. Discrètement, dans la pénombre, je repérai la bouteille spé que j’avais commandée, dont le bouchon avait déjà été ouvert une fois, la lui tendis. Il avala une lampée, tandis que j’ouvrais une autre bouteille d’une main, et une application sur mon téléphone de l’autre, un peu plus discrètement.
— Tu vas souffrir, ici. Tu n’es pas prêt.
Il fut assez intelligent pour comprendre que « ici » ne référait pas au lieu actuel, mais à sa nouvelle position au sommet. Au lieu de me répondre, il prit une autre gorgée. J’attendis quelques secondes, puis me jetai la tête la première en terrain dangereux.
— Qui t’a déjà prêté allégeance ?
Il me cita des noms, sans se rendre compte que j’enregistrais chaque mot. Pendant un bref instant, je fus réellement prise de pitié. Il n’avait vraiment aucune idée de ce qui l’attendait. Adam était encore pire que moi, lorsqu’il s’agissait de manipuler les autres. J’avais été formée à la bonne école, certes, mais lui avait plus d’expérience.
Cela dit, connaissant le brun, il risquait de prendre le parti de l’Élu, tant pour assurer ses arrières qu’aller à l’encontre de mes intérêts. À cette idée, je refoulai la commisération en bloc. Avec le combo Levi/Adam, je pourrais avoir quelques – gros – soucis très bientôt. Rien que cette possibilité justifiait tout ce je faisais actuellement.
— Qui m’espionne pour ton compte ?
Le spé dans sa bouteille à lui, une drogue délicate qui stimulait les centres nerveux liés à la suggestivité, mêlée à un léger amnésique, faisait son effet. Il me répondit sans broncher. Durant les quelques quarante minutes qui s’enchaînèrent ainsi, je lui posai des questions précises dont il ne se souviendrait pas demain. Il me donna tout ce que je voulais savoir. Ses alliés, ses positions établies, les potentielles horreurs que je pouvais déterrer sur lui, mentionna même quelques missions ratées dont les rapports avaient été modifiés à son avantage. Il me parla de sa famille, de son père, maintenant mort, mais d’un petit frère humain qui, à l’heure actuelle, devait avoir la cinquantaine. Je le gardai dans un coin. Il mentionna aussi d’autres concurrents qui lui avaient fait de l’ombre, ou alors qui complotaient dans mon dos. Tout ça fut évidemment enregistré sur mon téléphone, peu avant qu’il ne sombre dans un sommeil de plomb.
Après qu’il se soit endormi, j’allai m’asseoir sur mon bureau, le cœur battant étrangement fort. J’avais refoulé toutes mes émotions pendant cette dernière demi-heure, pour ne pas me laisser distraire, et je le faisais toujours. Mais il me restait cette pointe d’appréhension nerveuse, que je reconnus comme l’inquiétude qui précédait une mission. Qui annonçait les derniers instants de calme avant la tempête.
Qu'est-ce que tu mijotes Lily ? :D

| † | † |


— Seeeelv’…?
Il était un peu plus de cinq heures du matin, et les derniers fêtards venaient d’aller se coucher. Je le savais parce que, enfin, les lumières du troisième étage s’étaient éteintes, et les bruits de pas allant et venant entre les dortoirs et les toilettes s’étaient tus.
Lorsque je toquai trois coups légers à sa porte, qui s’était ouverte avec mes empreintes digitales, Selvigia, tranquillement endormie, leva le nez avec une grimace que je ne pus que deviner, dans l’obscurité.
— Hmmm ?
— Tu me files un coup de main, please ?
— Qu’est-ce que tu as encore fichu, toi ? grommela-t-elle, échappant difficilement à l’emprise d’Adam, qui devait dormir avec son bras autour de sa taille, vu le peu que je distinguais dans la pénombre.
Malgré l’heure indécente et ses bâillements grincheux, elle m’accompagna dans le couloir, vêtue seulement d’un peignoir. Là, à la lumière des veilleuses néon tamisées, elle vit le sourire que je n’arrivais pas à réprimer, et roula des yeux. Elle allait probablement me détester sur le coup, mais j’exultais déjà, parce que je savais qu’au fond, elle approuverait totalement mon idée.
Quand elle parvint dans ma chambre, elle dut étouffer un hoquet de stupeur. Et pour cause, la scène avait de quoi choquer. Le nouvel Élu, qui serait bientôt l’homme le plus respecté de la Confrérie, était saucissonné comme une larve dans un sac de couchage fin, bâillon sur la bouche et chiffon noir devant les yeux. Précaution inutile, puisqu’il dormait toujours. Selvigia cilla.
— Qu’est-ce que tu lui as fait avaler, hier ?
— Tu ne veux pas savoir… soufflai-je avec un rire discret.
Elle poussa un soupir retentissant. Mais elle avait déjà ce sourire en coin aux lèvres, et cette étincelle malicieuse dans les yeux. C’était gagné.
Nous nous habillâmes en quatrième vitesse de combinaisons thermiques, celles que nous utilisions pour courir dans ces contrées glaciales et terrifiantes, et Selvigia alla ouvrir la fenêtre. De mon côté, je fis apparaître deux seringues : un somnifère, et une drogue qui empêchait temporairement l’utilisation de pouvoirs magiques.
— Tu es sûre qu’il va survivre, avec tout ce que tu lui fais ingérer ?
Je m’arrêtai un bref instant. Dans l’absolu, avec tout ce qu’il avait encore dans le sang, ça pouvait encore être potentiellement dangereux de lui inoculer ça…
Puis, je haussai les épaules.
— Bah… je pense. Il est solide. Ou pas, d’ailleurs, mais tant pis pour lui.
Et, ni une ni deux, je lui injectai les deux produits dans la jugulaire. Il ne bougea pas d’un cil. Je souris. Il ne se réveillerait pas avant les quatre ou cinq prochaines heures, normalement. S’il se réveillait tout court. Le contraire ne m’aurait pas vraiment dérangée, mais malheureusement, mon père risquait de vouloir ma peau ensuite. Et, aussi furieuse que je puisse être, je n’étais pas exactement assez puissante pour survivre à une véritable confrontation avec Loki.
— Tiens, mets-le là-dedans.
Un souffle d’air glacé s’engouffra dans la pièce. Malgré la combinaison que je portais, je frissonnai, tournai la tête. Selvigia avait disparu, laissant derrière elle une civière aux couleurs un peu trop éclatantes à mon goût, dotée de cordes qui permettaient de l’accrocher pour un transport aérien. Je fronçai un sourcil, allai me pencher par-dessus le parapet, à la recherche de ma sœur. Mais elle n’était nulle part en vue. Je poussai un soupir, comprenant ce qu’elle attendait de moi, et attrapai le sac de couchage dans lequel était emballé Levi, pour le tirer sur le brancard. Ahanant et pestant sous l’effort – je ne m’étais pas transformée cette fois-ci – je l’installai au jugé dans la bonne position, serrai les sangles au mieux.
Quand je me retournai à nouveau, Selvigia était perchée sur mon parapet, un sourire narquois aux lèvres.
— Pas de commentaire… grognai-je, boudeuse.
— C’était drôle, glissa-t-elle malgré tout, un sourire taquin aux lèvres. Accroche les mousquetons, tu veux ?
Elle me tendit un filin de cinq millimètres de diamètre, soudé autour d’un anneau. À ce moment seulement, je remarquai qu’elle était en fait en harnais de rappel. Tout en faisant ce qu’elle me demandait, je demandai :
— Pourquoi tu as du matos d’escalade, toi ?
— Tu ne sais jamais quand ça peut te servir. J’en ai eu besoin deux ou trois fois.
Elle avait une voix distance, concentrée. Je levai les yeux, juste à temps pour voir des étincelles turquoise s’échapper de ses doigts. Je ne la questionnai pas là-dessus, bien que je sois curieuse, préférai accrocher le dernier des quatre mousquetons sur l’anneau.
— C’est bon ? Maintenant, aide-moi.
Elle se propulsa vers l’extérieur d’un coup de pied tout en appuyant sur sa ceinture. Une seconde plus tard, elle était un mètre plus haut. Puis deux. Puis trois. Et le bout de corde qu’elle m’avait laissé commençait à se tendre. J’attrapai la civière à la hâte, la fis glisser vers la fenêtre en même temps qu’elle se soulevait. Elle cogna doucement contre le parapet, mais je parvins à la mettre dans le bon axe. Et, bientôt, Levi fut suspendu cinq étages au-dessus du sol, sans rien pour arrêter sa chute si le fil se rompait. Je souris.
— Va m’attendre en bas !
Pas à pas, Selvigia entama une descente prudente le long du mur. De mon côté, je me métamorphosai, me coulant avec un plaisir indescriptible dans la forme d’un faucon, et descendis en lents cercles vers le sol, où je redevins humaine. Une vingtaine de secondes plus tard, la civière se posait en douceur sur le sol de graviers. Je jetai un coup d’œil prudent à la fenêtre la plus proche, guettant des éventuels signes de vie, mais la seule chose que je vis fut un voile turquoise brouillé qui couvrait toutes les vitres, du rez-de-chaussée jusqu’au cinquième étage. Une illusion, l’œuvre de Selvie. Un sourire éclaira mon visage.
La nacelle se posa en douceur sur le sol, je la décrochai en un instant. Selvigia remonta en quatrième vitesse détacher son matériel et le faire disparaître, et me rejoignit très vite. Nous échangeâmes un sourire complice, nous transformâmes en hommes, chargeâmes Levi sur nos épaules, et nous engageâmes d’un pas rythmé dans le Labyrinthe.
J’avais pris l’arrière, laissant à ma sœur le soin de nous guider, comme souvent. Elle adorait ce lieu, y passait le plus clair de son temps, souvent seule, pour des raisons qui m’échappaient. Quand je la cherchais, je pouvais la trouver soit dans sa chambre, avec un livre ouvert, soit ici. Je ne lui avais d’ailleurs jamais demandé pourquoi elle aimait tant être dans un endroit aussi étrange, gorgé de magie sombre. Chacune ses secrets.
Étrangement, le Labyrinthe semblait souvent lui rendre cette drôle d’affection. Quand je marchais avec elle, je tombais rarement sur des obstacles. Comme si le dédale s’arrangeait pour lui faciliter le passage, où qu’elle aille. Aujourd’hui encore, nous n’eûmes qu’une crevasse à sauter – avec un brancard, c’était un peu plus compliqué que d’habitude – et un rocher à escalader, soit trois fois rien, à l’échelle du Labyrinthe.
Nous nous arrêtâmes finalement dans une petite clairière, où Selvigia fit disparaître sa civière, et nous tournâmes les talons, laissant Levi là, ligoté par terre, inconscient.
— Tu penses qu’il va s’en sortir ?
— Ça te préoccupe vraiment ? relevai-je, sceptique, alors que nous replongions dans la pénombre des hauts murs de verdure.
— Je ne… Non…
Je cillai face à sa dérobade.
— Selv’. Qu’est-ce qu’il y a ?
— Non, rien… c’est juste que…
Elle s’immobilisa brièvement, tourna la tête sur le côté, me fit signe d’aller à gauche. Or, j’étais certaine que nous étions venues par la droite. Mais je l’écoutai, m’avançai de quelques pas dans l’autre chemin, juste assez loin pour me rendre compte qu’elle ne me suivait pas. Et quand je me retournai, ma sœur faisait face à un scorpion noir de deux mètres de long.
Les deux pinces gigantesques semblaient former une barrière protectrice autour d’elle, vouloir la protéger de n’importe quelle menace. L’épaisse carapace, luisante malgré l’obscurité, aurait donné du fil à retordre à n’importe quel fantassin, qu’il soit armé d’un pistolet ou d’une lance. L’immense dard, de la taille de mon buste, plafonnait à près de trois mètres au-dessus du sol, défiant quiconque de s’approcher. Je m’immobilisai, n’osant pas faire un geste, retins mon souffle. Même si ces créatures étaient là pour défendre le Manoir, en croiser une n’était jamais particulièrement agréable. La peur instinctive qui pulsait dans mes veines m’enjoignait de courir le plus loin possible.
Mais Selvigia ne semblait pas avoir peur. Debout face aux yeux médians, elle étendit lentement la main, le regard dans le vague. Le scorpion ne broncha pas, même quand les doigts de :arrow: est-ce que le "de" est nécessaire ? :) blancs se posèrent sur sa tête, créant un saisissant contraste de couleurs dans cette semi pénombre. Fascinée et effrayée, j’observai ma meilleure amie qui baissait la tête, encadrée par un rideau de cheveux sombres, concentrée comme je ne l’avais encore jamais vue.
Le temps semblait suspendu. Ce bref instant, arraché au cours de la vie, s’étirait, s’éternisait. Je ne bougeais pas, et le scorpion non plus. Seule Selvigia tournait lentement la tête de gauche à droite. Dans le silence qui était tombé, je percevais un étrange murmure qui s’échappait de ses lèvres presque hermétiquement closes, quelque chose entre les mots, le bruit de gorge et le claquement de langue discret. Quelque chose que je ne comprenais pas, que mon intuition me hurlait de fuir.
Et puis, une patte après l’autre, la bête recula d’où elle était venue, dans le chemin de droite, qui était juste assez large pour la laisser passer. Quand, enfin, elle se fut totalement fondue dans l’obscurité, je me permis une inspiration nerveuse, le cœur battant, m’approchai de ma sœur.
— Je m’inquiète… murmura-t-elle sans se retourner. Pour toi.
— Dit celle qui vient de bavasser avec un scorpion géant…
Elle roula des yeux, me retourna un coup de coude dans les côtes, pas aussi joueuse que d’habitude.
— Je ne risquais rien.
— Ah bon ?
Elle ne répondit pas au « pourquoi ? » implicite. Au contraire, elle se détourna, s’engagea à droite, derrière la bestiole, et dévia sur un autre sujet.
— Kaiser va savoir que c’est toi.
Je notai, dans un coin de mon esprit, qu’elle avait dit toi et pas nous, alors que d’habitude, cela aurait été le contraire.
— Elle n’a aucune preuve.
— C’est vrai, mais… elle va te rendre la vie impossible. Tu ne sais pas de quoi elle est capable…
Je cillai, sceptique. Dans la voix de Selvigia, une délicate nuance de rancœur prédominait, une nuance que je n’avais que rarement entendue de sa part.
— Je suis sa meilleure agente, elle ne va quand même pas me dégrader pour une farce, non ?
Ma sœur ne répondit rien. En soi, cela ne voulait pas dire oui. Elle ne le pensait d’ailleurs pas, à mon avis, j’étais bien trop efficace sur le terrain pour être mutée aux bureaux. Mais il y avait un non-dit dans son langage corporel, une tension qui témoignait d’un secret. J’attendis, marchant en silence à ses côtés, consciente que si elle ne voulait pas se livrer, elle ne le ferait pas.
— Elle n’a pas de terrain sur lequel t’attaquer… Tes états de service sont irréprochables, tous tes proches sont morts…
C’était violent rappel, et il n’en fallait pas plus pour précipiter le flot de souvenirs qui se leva comme un tsunami destructeur, menaçant de me noyer. En premier venait le plus violent de tous, l’image de ma mère. Prise au dépourvu par la remarque de ma sœur, je luttai difficilement pour la repousser.
Peine perdue. Il me fallut moins d’une seconde pour revivre en accéléré sa mort. Le jour de mon quatrième anniversaire. Une apparition brumeuse de Loki venant la prévenir, elle qui doutait de ce qu’il disait, refusait de s’en aller. Odeur d’ozone, brusque variation de la température dans la maison. Le corps presque immatériel du dieu qui se jetait sur moi, le bouclier magique qu’il formait pour me protéger. Flash blanc, aveuglant. Les murs qui explosaient sur le coup. Moi, silencieuse gamine de cinq ans, prostrée sous le dôme turquoise, contemplant les cendres qui voletaient. Ne réalisant pas encore que la vie que je connaissais venait de partir en fumée.
:arrow: Woh, c'était tense
Je cillai, et la vision disparut, laissant derrière elle une sourde douleur dans la poitrine et un goût d’acide dans la gorge. J’avalai difficilement ma salive.
— Bref, elle n’a aucun moyen de pression.
— C’est parfait, non ?
— Non. C’est loin d’être parfait.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
Elle hésita. Puis, finalement, m’adressa une grimace peinée.
— Qu’est-ce que te dirait Ekrest ?
— De réfléchir à ce que tu viens de dire, répondis-je sur-le-champ, sans une hésitation.
— Voilà. Écoute-le.
Et elle se mura dans le silence.

| † | † |
Hello !
Avant d'entamer ma lecture, j'ai une petite question qui a pas vraiment de rapport avec le Cycle, mais bon XD Est-ce que tu as vu le dernier Avengers ? ;)
Aller, je passe à la lecture ^-^

Urgh, la fin du chapitre laisse rien planer de bon :?
Ce chapitre est léger, et super tendu en même temps... L'ambiance de fête, la farce de Lilith, donnent envie de se détendre, mais j'ai l'impression qu'il y a une bombe à retardement au-dessus de la tête de Lily, une ombre menaçante dans son dos... J'ai un peu peur pour elle, surtout avec la réserve qu'a montré Selvi :(
Argh, c'est pas sympa ce que tu nous fais vivre Sarah :lol:

Bref, bon chapitre, qui laisse suggérer quelques emmerdes pour Lilith... Je me demande quelle farce ils ont jouée à Levi, si ce n'est de le laisser bâillonné et attaché dans le Labyrinthe avec la gueule de bois :lol:

A bientôt ;)
vampiredelivres

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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit :Tiens, petite question de réflexion, elle a quel âge, à votre avis, Lilith, dans le flash-back au début de ce chapitre ? :mrgreen:
:arrow: Hum... Je dirais une dizaine d'années, peut-être entre 10 et 12... No idea :roll: T'es dans la bonne tranche d'âge en tout cas, bien joué, tu es la première ! (On me dit toujours 17-20, sur Wattpad XD)

CHAPITRE 7


— Mais il y a une condition tacite. Ils doivent avoir bu avant. Tous les deux, et beaucoup.
— C’est débile, je marmotte dans ma barbe, me rappelant des effets qu’avait l’alcool sur moi. (Gueule de bois...) :lol:
Là encore, un sourire me tient lieu de réponse.
— Ce n’est intéressant qu’entre deux Joueurs avérés. Parce que ça veut dire qu’il y a des informations à glaner.
— Comme des confidences sur l’oreiller ?
— Exactement. Et là, le but, c’est de pousser l’autre à parler, en essayant de taire le plus possible de son côté.
Je hausse un sourcil.
— Et l’alcool, c’est pour ?
— Égaliser un peu le niveau des Joueurs. Augmenter la difficulté, aussi.
Une bouteille et deux verres apparaissent sur la table. Du rhum. Je fronce le nez. Je n’aime pas le rhum.
— Prête ? fait mon mentor en me servant.
Je lui fais un sourire. Si c’est lui qui me le demande, je suis toujours prête.
— Alors Jouons.
:arrow: Dis donc, c'est vilain de faire boire de l'alcool aux mineurs Ekrest... Sans plaisanter, ce petit flash-back est vraiment le bienvenu, surtout après les événements des chapitres précédents... :D J'avais envie de caser une petite vision directe d'Ekrest, c'est toujours sympa de montrer comment il se comporte avec Lily :) Et ouais, ça fait du bien après la tension des derniers chapitres…

| † | † |


— Va pour cinq, acquiesçai-je. On ne dira pas que je ne suis pas fair play. Dix pour moi, cinq pour lui.
Aussitôt dit, aussitôt fait, les shooters de vodka s’alignaient devant nous. Levi eut la décence d’attendre que je vide mes cinq premiers – ce que je fis à la chaîne, comme si je buvais de l’eau :arrow: warrior :lol: – avant de s’attaquer aux siens. La gorge déjà en feu à cause de l’enchaînement rapide, je tins vaillamment. Levi aussi, pour sa défense, mais il devint légèrement vermeil sur la fin. Quand nous reposâmes nos verres en même temps, il y eut quelques applaudissements. Un bon tiers de la salle nous observait, ouvertement ou discrètement. Et les deux autres tiers n’allaient pas tarder.
Je laissai échapper un rire. Je trichais et je mentais actuellement comme une arracheuse de dents, et ça me faisait exulter. J’avais un filtre buccal magique :arrow: sympatoche Hé, la magie a ses avantages ! :mrgreen: made by Ekrest, et un métabolisme divin de toute façon habitué à mes excès. Levi n’avait pas l’ombre d’une chance.

Après qu’il se soit endormi, j’allai m’asseoir sur mon bureau, le cœur battant étrangement fort. J’avais refoulé toutes mes émotions pendant cette dernière demi-heure, pour ne pas me laisser distraire, et je le faisais toujours. Mais il me restait cette pointe d’appréhension nerveuse, que je reconnus comme l’inquiétude qui précédait une mission. Qui annonçait les derniers instants de calme avant la tempête.
Qu'est-ce que tu mijotes Lily ? :D Beaucoup de bêtises :twisted:

| † | † |


Mais Selvigia ne semblait pas avoir peur. Debout face aux yeux médians, elle étendit lentement la main, le regard dans le vague. Le scorpion ne broncha pas, même quand les doigts de :arrow: est-ce que le "de" est nécessaire ? :) Non, merci beaucoup de me l'avoir fait remarquer :) blancs se posèrent sur sa tête, créant un saisissant contraste de couleurs dans cette semi pénombre. Fascinée et effrayée, j’observai ma meilleure amie qui baissait la tête, encadrée par un rideau de cheveux sombres, concentrée comme je ne l’avais encore jamais vue.

Peine perdue. Il me fallut moins d’une seconde pour revivre en accéléré sa mort. Le jour de mon quatrième anniversaire. Une apparition brumeuse de Loki venant la prévenir, elle qui doutait de ce qu’il disait, refusait de s’en aller. Odeur d’ozone, brusque variation de la température dans la maison. Le corps presque immatériel du dieu qui se jetait sur moi, le bouclier magique qu’il formait pour me protéger. Flash blanc, aveuglant. Les murs qui explosaient sur le coup. Moi, silencieuse gamine de cinq ans, prostrée sous le dôme turquoise, contemplant les cendres qui voletaient. Ne réalisant pas encore que la vie que je connaissais venait de partir en fumée.
:arrow: Woh, c'était tense Ce sera vraiment décrit un jour, mais… ouais, disons que la mort de sa mère est assez brutale :?

| † | † |
Coucou !
Oui, je l'ai vu, et toi ? :) Enfin, remarque, si tu poses la question, c'est que tu l'as probablement vu…

Ha, forcément, tout ne peut pas aller bien dans le meilleur des mondes, Lily risque vraiment de prendre cher à un moment donné… Je suis sincèrement contente que tu sentes la bombe à retardement au-dessus d'elle, comme tu le dis, parce que… ahem. No spoil. :mrgreen: Je suis une sadique dans l'âme, désolée. :lol:
Ben, concrètement, elles se sont juste foutues de lui en le laissant tout seul paumé au milieu de nulle part, incapable de se transformer. Mais bon, Lily, elle va forcer un peu le truc, elle va en profiter. Forcément. :lol:

Merci beaucoup pour ton passage :)
louji

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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit :
Coucou !
Oui, je l'ai vu, et toi ? :) Enfin, remarque, si tu poses la question, c'est que tu l'as probablement vu…

Ha, forcément, tout ne peut pas aller bien dans le meilleur des mondes, Lily risque vraiment de prendre cher à un moment donné… Je suis sincèrement contente que tu sentes la bombe à retardement au-dessus d'elle, comme tu le dis, parce que… ahem. No spoil. :mrgreen: Je suis une sadique dans l'âme, désolée. :lol:
Ben, concrètement, elles se sont juste foutues de lui en le laissant tout seul paumé au milieu de nulle part, incapable de se transformer. Mais bon, Lily, elle va forcer un peu le truc, elle va en profiter. Forcément. :lol:

Merci beaucoup pour ton passage :)
Oui, je l'ai vu hier du coup, c'est encore frais... Bon, on va éviter les spoils pour les malheureux qui passeraient ici et liraient par hasard notre commentaire, mais... c'était brutal, un peu, quand même, beaucoup même, non ? :lol: :cry: :roll: J'suis encore un peu dans le déni, je crois :roll:

Puis dans la mesure où elle cherche un peu la p'tite bête... C'est clair que ça va lui retomber dessus ! J'espère surtout que Levi ne va pas abuser de sa position pour se venger... :? M'enfin, faut pas trop rêver, je crois :') Oui, je la sens la bombe, haha. Je crois que j'avais capté pour les relents sadiques de ton âme :lol:
Héhéh, haha, ça le fera redescendre sur "terre" au moins :D

Oui, en effet, la mort de sa mère n'a pas l'air des plus paisibles... :? Je me demande pourquoi elle est morte, comment Loki a su et a pu intervenir pour protéger Lilith (un élan paternel ? :lol: )

De rien ! ;)
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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par vampiredelivres »

On en parle en MP, éventuellement ? :)
Mais ouais, c'était franchement brutal… J'étais en PLS à partir des dix premières minutes du film, et ça ne s'est pas vraiment amélioré derrière… :lol:
Mais elle cherche tout le temps la petite bête, avec Levi, tu l'as remarqué ? :P À partir de là, quand il est désigné comme Élu, ça va être le bordel. Et ouais, ça va la faire redescendre un peu de son petit nuage… J'ai franchement hâte d'en arriver à la partie intéressante où je chamboule tout, j'ai trop envie de lire ta réaction. :mrgreen:

Un élan paternel, on peut dire ça comme ça… (avec avantages potentiels sur le long terme, forcément) :mrgreen: Sa mère, comme souvent, ce sera détaillé biiiien plus tard, mais la raison primaire est plutôt simple : les Ases et les Vanes, ennemis de la Confrérie, cherchent souvent à se débarrasser des enfants de Loki avant qu'ils ne deviennent réellement dangereux. Mais là, avec Lilith… ben ils ont fait quelques dommages collatéraux, mais elle a survécu avec l'aide de papa. Par contre sa mère… :? :(
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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit :On en parle en MP, éventuellement ? :)
Mais ouais, c'était franchement brutal… J'étais en PLS à partir des dix premières minutes du film, et ça ne s'est pas vraiment amélioré derrière… :lol:
Mais elle cherche tout le temps la petite bête, avec Levi, tu l'as remarqué ? :P À partir de là, quand il est désigné comme Élu, ça va être le bordel. Et ouais, ça va la faire redescendre un peu de son petit nuage… J'ai franchement hâte d'en arriver à la partie intéressante où je chamboule tout, j'ai trop envie de lire ta réaction. :mrgreen:

Un élan paternel, on peut dire ça comme ça… (avec avantages potentiels sur le long terme, forcément) :mrgreen: Sa mère, comme souvent, ce sera détaillé biiiien plus tard, mais la raison primaire est plutôt simple : les Ases et les Vanes, ennemis de la Confrérie, cherchent souvent à se débarrasser des enfants de Loki avant qu'ils ne deviennent réellement dangereux. Mais là, avec Lilith… ben ils ont fait quelques dommages collatéraux, mais elle a survécu avec l'aide de papa. Par contre sa mère… :? :(
Yep, on peut faire ça !
Justement, j'ai pensé à toi dès... les 10ères minutes, je me suis dit "Oh merde." :roll:

Oui, haha. Faut dire que l'animosité règne entre eux :lol: Où tu chamboules tout ? Mais t'as déjà pas mal chamboulé les choses :lol: Qu'est-ce que tu prépares...

(On se doute, qu'au fond, c'est pour les avantages à long terme :roll: )
D'acc, ça me laisse déjà présager les choses... ! Est-ce qu'il y a d'autres géants, type Loki, qui sont plus ou moins "alliés" à celui-ci pour les Ases et Vanes ? (dans le Cycle, pas dans la mythologie nordique en général, on s'en sort plus autrement :lol: )
Les mamans prennent souvent :''')
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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par vampiredelivres »

Fait ;)
Tu m'étonnes… On connaît mon amour inconditionnel pour Loki, tu te doutes que j'ai dû être ravie. Mais bizarrement, tous ceux qui me connaissent me disent penser à moi quand ils voient ça, à croire que je marque les esprits… XD

Mais nan, ils s'aimeunt. À la manière de Tom et Jerry, à coups de batte de base-ball dans la gueule pour se prouver leur affection. Mais ils s'aiment. (Mon dieu cette analogie…) :lol:
Tu vois les sacs avec plein de trucs dedans ? Typiquement, quand j'écris un truc, je secoue le plus possible, et je regarde ce que ça donne. :lol: Nan, en vrai, le pire, c'est les idées qui me viennent à onze heures / minuit, dans mon lit… ces moments où je me dis « Ah ce serait cool de faire ça… Nan, mais ça va être le foutoir… Ok, parfait, ça passe ! » :mrgreen:

Loki reste Loki, donc un profiteur/manipulateur de l'extrême. S'il fait un truc… ce ne sera pas pour le simple plaisir d'être gentil, malheureusement. Mais on l'aime comme ça, en général. :roll:
Sincèrement, c'est l'un des trucs que je n'ai pas encore envisagés : l'importance des géants là-dedans. Loki en est un, mais vu qu'on l'assimile plus souvent à un dieu, pour l'instant, je reste sur le conflit Maisons/Confrérie… mais derrière, oui, ils vont pointer le bout de leur nez, et ce ne sera pas en faveur des Ases et des Vanes, normalement.
C'est comme chez Disney, avoir des parents sympas ou vivants, c'est rare… :roll:
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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit :Fait ;)
Tu m'étonnes… On connaît mon amour inconditionnel pour Loki, tu te doutes que j'ai dû être ravie. Mais bizarrement, tous ceux qui me connaissent me disent penser à moi quand ils voient ça, à croire que je marque les esprits… XD

Mais nan, ils s'aimeunt. À la manière de Tom et Jerry, à coups de batte de base-ball dans la gueule pour se prouver leur affection. Mais ils s'aiment. (Mon dieu cette analogie…) :lol:
Tu vois les sacs avec plein de trucs dedans ? Typiquement, quand j'écris un truc, je secoue le plus possible, et je regarde ce que ça donne. :lol: Nan, en vrai, le pire, c'est les idées qui me viennent à onze heures / minuit, dans mon lit… ces moments où je me dis « Ah ce serait cool de faire ça… Nan, mais ça va être le foutoir… Ok, parfait, ça passe ! » :mrgreen:

Loki reste Loki, donc un profiteur/manipulateur de l'extrême. S'il fait un truc… ce ne sera pas pour le simple plaisir d'être gentil, malheureusement. Mais on l'aime comme ça, en général. :roll:
Sincèrement, c'est l'un des trucs que je n'ai pas encore envisagés : l'importance des géants là-dedans. Loki en est un, mais vu qu'on l'assimile plus souvent à un dieu, pour l'instant, je reste sur le conflit Maisons/Confrérie… mais derrière, oui, ils vont pointer le bout de leur nez, et ce ne sera pas en faveur des Ases et des Vanes, normalement.
C'est comme chez Disney, avoir des parents sympas ou vivants, c'est rare… :roll:
Ben, je t'ai connue d'abord par le forum de BN, et j'ai vite compris que tu adorais Loki, notamment par le biais de tes fanfics, donc, oui, j'ai bel et bien retenu cette part de toi ! ;)

Haha, tu es retombée dans l'enfance ? :D Et, c'est de l'amour très très très vache quand même :lol:
J'ai l'impression que ça arrive à beaucoup de monde le coup des idées le soir alors que t'es censé(e) dormir :lol:

Bien sûr, logique ;)
Oh, je vois ! C'est vrai qu'on le voit plus comme un Asgardien qu'un Jotünien (c'est ça ??). Et toutes les autres Maisons divines sont contre la Confrérie de Loki ? :o Ou il y a des alliances ? Parce que c'est violent du coup :lol:
Oui :''')
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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par vampiredelivres »

Ouais, on peut dire que je suis fan, effectivement… ^-^ J'ai envie de te dire, tu m'aurais connue sur Wattpad, ça aurait été encore pire XD

Totalement ! Les Looney Tunes et Tom & Jerry, c'était ma vie, à une époque. :)
Ouais, j'ai l'impression que c'est le syndrome de l'écrivain, ça. À force de réfléchir tout le temps sur un texte, tu le fais à des heures incongrues et porteuses d'idées bizarres. :roll:

Ouais, c'est un géant, notre petit Loki, à la base. Et du coup, oui, je m'étais souvent posée la question en commençant à écrire, est-ce que c'est la Confrérie vs tous les autres (autant dire qu'elle serait très mal barrée :lol: ) ou un truc plus compliqué… et forcément, j'ai fait plus compliqué. En même temps, sinon, la Confrérie serait mal barrée, en un contre trente voire quarante… XD Mais nan, si tu veux, les Maisons font des alliances temporaires (notamment pour se liguer contre la Confrérie, hein :mrgreen: ) mais, sinon, ce sont quasiment des entreprises, elles ont chacune leur intérêt propre… et donc beaucoup de concurrence. :lol:
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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit :Ouais, on peut dire que je suis fan, effectivement… ^-^ J'ai envie de te dire, tu m'aurais connue sur Wattpad, ça aurait été encore pire XD

Totalement ! Les Looney Tunes et Tom & Jerry, c'était ma vie, à une époque. :)
Ouais, j'ai l'impression que c'est le syndrome de l'écrivain, ça. À force de réfléchir tout le temps sur un texte, tu le fais à des heures incongrues et porteuses d'idées bizarres. :roll:

Ouais, c'est un géant, notre petit Loki, à la base. Et du coup, oui, je m'étais souvent posée la question en commençant à écrire, est-ce que c'est la Confrérie vs tous les autres (autant dire qu'elle serait très mal barrée :lol: ) ou un truc plus compliqué… et forcément, j'ai fait plus compliqué. En même temps, sinon, la Confrérie serait mal barrée, en un contre trente voire quarante… XD Mais nan, si tu veux, les Maisons font des alliances temporaires (notamment pour se liguer contre la Confrérie, hein :mrgreen: ) mais, sinon, ce sont quasiment des entreprises, elles ont chacune leur intérêt propre… et donc beaucoup de concurrence. :lol:
XD y'a moyen

Après tout, si tu as de bonnes idées, c'est plutôt positif 8-)

En effet, ça allait être mal parti pour les Loki s'ils étaient seuls :')
D'acc, donc la Confrérie aussi peut compter sur d'autres Maisons... ;) Je vois ! Les Maisons restent alliées dans un but commun, mais elles ont chacun leur intérêt, comme tu dis ^^
vampiredelivres

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Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki

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CHAPITRE 8


Jusqu’au retour, nous n’abordâmes plus de sujets qui fâchaient. Après quelques minutes de silence glacé et désagréable – chose que je n’avais encore jamais connue avec Selvie – nous nous étions mises à courir, avions fait une petite heure de tout terrain, et étions revenues au Manoir, qui émergeait lentement de sa magistrale cuite de la veille. Selvigia me lâcha aux abords du secrétariat, fit un bref crochet par la cafétéria, et revint avec un panier de croissants en main, et Adam sur les talons. Tous les deux, ils s’installèrent face à moi dans la pièce exiguë dont la fenêtre donnait sur l’entrée du Manoir.
— Qu’est-ce que vous fichiez dehors à cette heure-ci ? demanda Adam, décidément trop curieux.
— On courait, répliquai-je du tac au tac. On ne gonfle pas nos muscles par magie, contrairement à toi.
Mouché, il ferma son clapet, et j’étouffai un ricanement narquois. Pour être franche, je ne l’avais jamais vu sur un tapis de course. Par métamorphose, il pouvait prendre n’importe quelle apparence, et même s’il était resté allongé dans son lit durant un mois, il aurait pu parader avec le corps d’un athlète de haut niveau.
Je me calai un peu plus confortablement sur la chaise de bureau derrière l’ordinateur, entrai mes identifiants, puis consultai les registres jusqu’à trouver qui était censé s’occuper du secrétariat aujourd’hui. C’était une certaine Sylvia qui, si mes souvenirs étaient bons, bossait comme indic’ pour Selvie. Je lui envoyai un bref message pour lui dire de rester tranquillement au lit ce matin, puis commençai à parcourir le calendrier de la Confrérie, à la recherche des évènements du jour. Kaiser n’avait pas eu tort en m’assignant ici, c’était un travail long et rébarbatif, une juste punition pour quelqu’un qui détestait la paperasse. Mais, avec les deux autres Élites assis en face de moi, déjà en train de se chamailler, j’avais de bonnes distractions, Loki en soit remercié.
Bien vite cependant, le téléphone sonna, et je dus décrocher de la conversation passionnante qui se déroulait en face de moi, pour me concentrer sur un intermédiaire humain à l’anglais méchamment accentué, qui se plaignait de retards sur les commandes. Écoutant d’une oreille distraite sa litanie de lamentations, je commençai à pianoter sur l’ordinateur, à la recherche de ladite commande.
— Mais tu ne veux pas arrêter, oui ? pestait Selvigia en arrière plan. Il y avait une Frigg, je n’ai rien pu faire ! Elle sentait notre aura à trois kilomètres, et les Heimdall ont rappliqué en deux secondes !
Je haussai un sourcil interrogateur, mais Adam ne m’adressa pas un regard. Son ton bas, virulent et agressif, me donna la chair de poule.
— Et alors ? Tu aurais pu la protéger, non ?
— Tu n’avais qu’à être là aussi, si tu tenais tellement à elle ! cingla ma sœur.
Blême, notre demi-frère se recula sur sa chaise. Ses yeux turquoise brûlaient d’une soudaine rancœur si intense et profonde que je décrochai quelques secondes de la conversation que je tentais d’entretenir avec mon interlocuteur australien. Ce fut seulement lorsqu’il me rappela à l’ordre en me demandant si je l’entendais que je me repris.
— Mmhm, écoutez, marmottai-je à haute voix, je vais appeler à Madrid, voir si on peut raccourcir les délais la prochaine fois, ça les convaincra peut-être d’être à l’heure.
Mon interlocuteur, le gérant d’une filiale humaine quelconque, pesta encore pour la forme, mais accepta que je le rappelle. Je raccrochai après une dernière salutation polie, poussai un soupir ennuyé.
— Dis, tu ne veux pas te reconvertir en secrétaire, par hasard ? Après tout, tu m’as l’air d’être une véritable pro dans ce domaine…
Adam me singeait, se fichait de moi, mais je voyais qu’il n’avait pas totalement digéré ce que Selvigia venait de lui balancer. Je roulai des yeux, lèvres pincées.
— Ça t’arrangerait, pas vrai ?
Il hocha la tête, sourire aux lèvres, sans chercher à démentir. Après tout, pourquoi cacher ses intentions quand tous les connaissaient ? Je voyais presque les rouages dans son cerveau qui tournaient à toute vitesse, cherchant toutes les possibles opportunités que mon départ éventuel pourrait lui offrir. Je lui adressai un sourire faussement compatissant, narquoise.
— Mon pauvre…
Une brusque flambée de haine, visible sur ses traits qui se crispèrent un bref instant, m’avertit de ne pas le pousser trop dans ses retranchements. Selvigia semblait déjà l’avoir fait suffisamment, et Adam était dangereux. Pas autant qu’il le croyait, mais il pouvait me compliquer la vie bien au-delà du nécessaire. Et je n’avais absolument pas besoin de ça en ce moment. Le nouvel Élu était déjà bien assez compliqué à gérer en lui-même, et, pour une fois, mes négoces d’opium étaient stables. Ils avaient pâti de la rage d’Adam à mon arrivée dans l’Élite, je n’avais pas envie de reprendre nos petites guerres territoriales aujourd’hui, quatre ans après. J’espérais sincèrement, pour moi comme pour lui, qu’on avait enfin dépassé ce stade, mais vu son œillade meurtrière, j’avais des doutes à ce sujet.
— M’enfin. Vous parliez de quoi ?
Ils échangèrent un regard tendu, et Selvigia finit par marmonner :
— Une vieille mission foireuse.
Je fronçai le nez, étonnée. Ma meilleure amie n’avait pas eu d’opération « foireuse » depuis au minimum un an et quelques. La seule dont je me souvienne avait eu lieu à Moscou… et effectivement, il me semblait avoir lu quelque chose à propos d’une configuration Thor-Frigg-Heimdall en face, un combo un peu moins classique que le Heimdall-Odin-Thor habituel, mais qui pouvait faire tout autant de dégâts.
— Moscou ? relevai-je, consciente que j’étais en train de remuer le couteau dans la plaie.
Adam détourna le regard, et Selvigia grimaça, pâle, apparemment blessée, elle aussi. Ils discutaient bel et bien de Moscou. Mais qu’est-ce qui les avait liés à ce point-là, dans l’affaire ? Adam n’avait pas participé à la mission, après tout, il n’y avait aucune raison qu’il reproche quoi que ce soit à Selvie… À moins que…
Tu aurais pu la protéger.
Mais qui ?
Mes doigts coururent sur le clavier, à la recherche du rapport, qui traînait quelque part dans les archives. Il me fallut un moment pour le localiser, vu que je ne me souvenais pas de la date, mais je finis par le repérer en filtrant par rapport aux sites, et commençai à lire en diagonale. Surveillance routinière d’une base Frigg, équipe repérée malgré les précautions prises contre les pouvoirs des Frigg, qui pouvaient détecter l’aura magique d’un demi-divin. Les Thor présents par hasard dans la zone avaient rappliqué en quatrième vitesse, avaient fait exploser un pâté de maisons. Une seule victime, qui n’avait pas pu déguerpir à temps, l’élève d’Adam de l’époque.
Un instant, le visage de la gamine, dont je me souvenais vaguement, vint flotter devant mes yeux. Selvigia avait dressé un bouclier au-dessus de la baraque que les Loki avaient utilisé pour se défendre, mais elle n’avait pas pu tenir longtemps contre un Thor classe F1, l’équivalent d’un Élite de la Confrérie. La foudre avait pulvérisé l’immeuble ainsi qu’une poignée de bâtiments aux alentours, et Vanessa, l’élève d’Adam, n’avait jamais été recensée parmi les survivants. Elle avait été perdue de vue au moment de la fuite hâtive, et les chances qu’elle s’en soit sortie étaient plus que minces. En outre, si elle avait survécu, elle connaissait les protocoles de sécurité, et aurait rejoint la Confrérie par un autre moyen. Je me rappelais avoir songé que, à dix ans déjà, elle était débrouillarde.
Le fixe sonna à nouveau, affichant un numéro inconnu au registre. Je cillai. S’il n’y en avait pas, c’était important, on avait pris le temps de rendre l’appel impossible à tracer. C’était donc soit une filiale militaire de la Confrérie, soit… une Maison ennemie. Je pris une courte inspiration, laissai sonner, attendant que les deux gamins en face de moi — à nouveau en train de se disputer — se taisent. Ironie, j’étais la plus jeune de nous trois, avec quatre décennies de moins que Selvie, sans même parler d’Adam, qui avait plus d’un siècle et demi au compteur.
Quand ils remarquèrent – enfin ! – que je ne décrochais toujours pas, ils la fermèrent tous les deux. Je leur lançai un regard assassin, mis un doigt sur mes lèvres, vissai le casque combiné à un micro sur ma tête et m’adossai à ma chaise.
— Jörm Inc. que puis-je faire pour vous ? fis-je avec la voix anglaise la plus pincée et clichée que je puisse prendre.
— Épargnez-moi vos salades, et passez-moi un supérieur. Le plus haut placé que vous pouvez trouver.
La voix cassante, indubitablement féminine et frustrée, hérissa les poils sur mes bras, mais je me fis violence pour rester polie. Kaiser aurait détesté que j’envoie bouler une Maison ennemie. Étaient-ce les Njörd ? Les Thor ? Les Frigg, peut-être ?
— C’est à quel sujet ?
— RMC.
Rançon entre Maison et Confrérie. Je ne pus dissimuler un sourire de louve, qui fit étinceler les yeux de Selvigia, et froncer les sourcils d’Adam. Eux n’entendaient rien, mais ils me connaissaient bien trop pour ne pas se douter que je tramais quelque chose.
— Quel individu ?
— Séraphin Cobb, Maison de Týr.
Sur le coup, je faillis bien éclater de rire, dus me mordre l’intérieur des joues pour me contenir. C’était la meilleure nouvelle qu’on m’ait annoncée depuis la nomination de ce crétin de Levi.
— Patientez une minute…
Je coupai mon micro, fermai le rapport de Moscou pour chercher mon propre kidnapping. J’étais certaine que Sam, qui avait été mon référent de mission, avait ajouté des notes ou des estimations pour la rançon. Il ne me fallut que quelques secondes pour trouver la fiche de mon prisonnier, avec une jolie photo de profil prise par moi-même au coin d’une rue. Une grimace m’échappa quand je vis les nombres que mon homme de main avait notés dans un coin, bien trop bas pour me convenir. On parlait de Séraphin Cobb, fils de Týr de première génération et responsable de la communication entre sa Maison et celle de Thor. Rien que pour ça, soixante millions n’étaient pas assez ; j’étais sûre de pouvoir obtenir le double sans mal, peut-être même plus.
Selvigia leva un sourcil en voyant ma mimique grincheuse. Je lui adressai un sourire éclatant.
— Cobb, rançon, résumai-je avec un léger rire, juste avant de rallumer mon micro. Gabriella, j’écoute.
— Vous êtes la même que précédemment, grinça la négociatrice en face, pas dupe.
Une pointe d’amusement transparaissait dans ma voix lorsque je répondis :
— Exactement. Je suis en charge de Cobb. Vous êtes ?
Un instant de silence succéda à cette réponse. Adam et Selvigia recommencèrent à se taper dessus, mais en mode muet, par signes, toujours à propos de la même mission. Leur gestuelle était calme, posée, et causait un violent contraste avec l’agressivité de leurs regards, qui aurait fait hésiter un combattant émérite.
— Essia Winston, annonça finalement la femme.
Dans les Maisons æsir, chaque responsable haut placé avait un négociateur attitré, chargé de se débrouiller pour le faire sortir d’une éventuelle prison au plus vite, en payant bien sûr le moins possible. Mais malheureusement pour elle, je n’étais pas Sam, et j’allais lui donner du fil à retordre. Outre le fait que c’était une Heimdall — les plus pénibles des Æsir — c’était elle qui venait négocier, pas moi qui la suppliais de me donner l’aumône. Et si elle n’acceptait pas mon offre, je gardais Cobb, et avec tout ce qu’il pouvait encore me dire, j’avais largement de quoi satisfaire Kaiser.
Je comprends ce que tu ressens, gesticulait Selvie, mais je ne pouvais rien faire. Il y avait des Frigg.
Le signe pour Frigg était littéralement « maîtresse de la salle des marécages », un Kenning – une formulation poétique – souvent utilisée dans les récits nordiques. Cela évitait d’avoir à épeler les noms des dieux – à condition de bien sûr connaître les kenningar associés à chacun d’entre eux, et ils en avaient pléthore !
Adam cilla, mais répondit aussi sec : Tu ne sais pas ce que tu dis. J’aurais préféré que…
Il s’interrompit avant de finir sa phrase en langage des signes, et je fronçai les sourcils. Quelque chose, dans son regard, dans sa posture, m’interpellait. Toujours cette même rancœur qui transparaissait dans son expression, mais surtout, j’avais l’impression qu’il s’était arrêté pour ne pas dire quelque chose de compromettant. Mais je n’eus pas le temps de l’interroger sur la fin de sa phrase. Mon interlocutrice avait fini par céder au traitement silencieux que je lui imposais, par trois simples mots.
— Soixante millions, demain.
Les estimations de Sam étaient cohérentes, vu ce que les Týr auraient aimé payer, remarquai-je. Mais il était hors de question que je me fasse arnaquer ainsi. Je sentis une décharge d’adrénaline se déverser dans mon sang alors que la tension familière de la négociation me comprimait le ventre.
— Cent soixante.
— Cent.
— Cent quatre-vingts.
— Vous foutez pas de ma gueule, non plus.
Je me permis un léger rire.
— Je n’oserais pas. Par contre, vous, vous vous fichez clairement de moi. Parce qu’avec les infos qu’il possède, il vaudrait clairement le double. Et, à votre place, je m’inquiéterais un peu plus pour lui. Plus vous le laisserez là, plus il va parler.
— Vous n’êtes pas en mesure de…
— On va faire un marché, l’interrompis-je. Je lance un chrono, et toutes les quinze secondes, on monte de cinq millions et trois jours. Top chrono !
Je jetai un regard à l’horloge numérique sur l’ordinateur. 6:37:28. À côté de moi, Adam fit semblant de s’étouffer en silence, et Selvigia contint difficilement un éclat de rire. C’étaient les méthodes d’Ekrest. Il s’agissait de ne jamais revoir à la baisse, bien au contraire. Plus l’acheteur montait, plus on montait aussi, pour finir sur le seuil qu’on avait fixé au départ. C’était d’autant plus impressionnant que cela marchait très souvent… en tout cas quand les rançons concernaient les prisonniers importants.
Aux légers grésillements que j’avais entendus jusque là en lieu et place de mutisme succéda un grand vide dans mes écouteurs. Je devinai qu’Essia Winston avait coupé son micro. Ils devaient être au moins quatre, à mon avis, une configuration classique. Les Týr étaient de ceux qui jugeaient et jaugeaient chaque décision, soupesaient chaque petit détail. L’important, ici, était de ne pas leur en laisser le temps.
— Cent quatre-vingt-cinq, lâchai-je, quatre jours à partir de maintenant.
Rien. Je me mordillai les lèvres, partagée entre excitation et nervosité, comme toujours. C’était une pulsation familière dans mes veines, similaire à celle que me procurait le terrain, euphorisante. Ils pouvaient refuser, certes, mais je garderais alors Cobb, et ça, c’était hors de question pour eux.
— Cent quatre-vingt-dix, une semaine. Tic, tac.
Grésillements. Je souris, attendis. Même s’ils baissaient de cinquante pour cent et le mettaient à demain, j’accepterais.
Enfin, peut-être.
— Cent trente, demain.
En fait, non.
— Deux cent, dix jours.
La frustration, à l’autre bout, fut perceptible. Elle gronda, coupa à nouveau. 6:38:17. Je trépignais, parée à annoncer la prochaine somme. On aurait dit une vente aux enchères, et Selvie l’avait très bien compris. Une feuille de papier en main, marquée d’un numéro au hasard – cent treize – elle singeait une bourgeoise bien trop aisée. À côté d’elle, Adam faisait semblant de pleurer sur son sort, comme si c’était lui qui allait devoir payer la facture. Tout ça de façon totalement caricaturale et exagérée. J’avais mal aux zygomatiques à force devoir taire mon hilarité.
— Deux cent…
— Cent soixante-dix, et que Nídhögg te bouffe les entrailles.
— Quel plaisir de traiter avec vous, ricanai-je. Adjugé vendu, demain, huit heures. Je vous communiquerai le lieu deux heures avant.
Elle voulut protester, je lui raccrochai au nez. Et, enfin, je me permis d’exploser de rire, tout comme ma meilleure amie. Les joues rouges, la mâchoire douloureuse et les abdominaux contractés, je dus essuyer une larme de joie.
— Combien ? lâcha Selvigia entre deux hoquets.
— Cent soixante-dix, parvins-je à hoqueter.
Adam se laissa retomber dans sa chaise, et je lui adressai un sourire éclatant, ravie. Cent soixante-dix au total, cela signifiait quarante millions droit dans ma poche, et le reste à la Confrérie en mon nom. L’apaisement qui remplaçait doucement l’adrénaline me permit de prendre une profonde inspiration amusée, tandis que le brun soupirait, blasé, refusant d’admettre qu’il était impressionné.
— Tu es cinglée… ça va massacrer nos relations avec eux.
— Révise tes techniques, provoquai-je, on négocie selon nos termes, pas les leurs.

| † | † |


13:21:54. Les cliquetis réguliers de l’aiguille des secondes rythmaient mon attente. Le visage sévère en aurait fait fuir plus d’un, sans même parler des yeux turquoise qui semblaient vouloir me sonder jusqu’au fond de mon âme et découvrir tous mes secrets. Maintenant qu’elle était réellement furieuse, maintenant qu’il y avait ce feu glacé qui dansait au fond de ses pupilles, je ne pouvais pas occulter la ressemblance avec mon père. Ils avaient tous les deux cette même détermination, cette même capacité à discerner la plus ténue inflexion qui me trahirait.
Mais, contrairement à Kaiser, j’avais un avantage certain et tangible. Quand j’avais été convoquée, c’était Sam qui était venu me chercher. Nous n’avions échangé que quelques phrases, à un angle de couloir bondé, au milieu de prunelles turquoise qui allaient et venaient, et j’avais obtenu trois coups d’avance sur ma commandante. Je ne me rappelais pas en avoir eu un jour autant.
À côté de Kaiser, debout, poings serrés, Levi se contenait à peine. Il tremblait de tout son corps, haine suintant par le moindre pore de sa peau, son regard meurtrier braqué sur moi. Son pied battait la mesure, une fois toutes les deux secondes. 13:22:14. 13:22:16.
Cependant, même si j’avais trois coups d’avance théoriques, tout dépendait de ce dont cet imbécile d’Élu se souvenait de la soirée de la veille. J’avais pris le maximum de précautions, mais rien n’empêchait un flash subit qui pourrait m’être fatal. J’allais devoir la jouer fine, et cela provoquait de terrifiants et exaltants frissons le long de ma colonne vertébrale. Je pouvais me faire bannir, voire me faire exécuter, si ça tournait mal.
— Lilith, on ne vais pas y aller par quatre chemins. Ce midi, Levi s’est réveillé, ligoté et bâillonné au milieu du Labyrinthe, incapable d’utiliser ses pouvoirs.
Je levai vers le concerné un regard sceptique. Il me retourna une œillade flambant de rage.
— Qu’est-ce que tu foutais dans le Labyrinthe ?
— C’est la question qu’on te pose.
Je détestai immédiatement ce « on », qui me laissa d’autant plus de sueurs froides que Kaiser ne le contredit pas. Mes émotions faisaient les montagnes russes, et j’adorais et détestais cela en même temps. C’était cette sensation enivrante quand on savait qu’on avait commis un crime, et qu’il ne restait plus qu’à couvrir ses traces pour s’en sortir indemne. Je fis face à ce regard haineux sans sourciller, la respiration sereine mais le cœur battant.
— Je suis au secrétariat depuis ce matin, ne viens pas me faire des reproches quand toi tu te réveilles à midi.
Kaiser eut l’excellente idée de lui intimer le calme d’un geste, avant qu’il ne me saute à la gorge ou qu’il ne m’agonisse d’injures. Ce fut vers elle que je me tournai.
— On est d’accord, la question que vous me posez, c’est qu’est-ce que j’ai à voir là-dedans ? Et on est tout autant d’accord que s’attaquer à l’Élu le soir de sa nomination, pendant une soirée publique, c’est se tirer une balle dans le pied ?
La commandante ne démentit pas. Je m’adossai un peu plus confortablement dans mon siège, pesant chaque mot.
— Levi, est-ce que tu…
— Je veux entendre ta version, Lilith.
Je ne veux pas te laisser aligner ta version à celle de Levi, traduisis-je en silence. Je lui adressai un sourire contrit, hochai la tête, mais terminai ma question malgré tout :
— Est-ce que tu te rappelles combien tu as bu ?
Il secoua lentement la tête, et j’avisai l’air désabusé de Kaiser. J’étouffai un sourire, devinant déjà le terrain qui s’offrait à moi.
— Après la cérémonie, je suis allée courir deux ou trois heures, puis je me suis pointée à la fête. Tu y étais déjà depuis un moment, en compagnie de ton rhum et de tes fidèles adoratrices. Tu étais déjà saoul à ce moment-là. Est-ce que tu te souviens de ce que je t’ai dit ?
— Que tu n’étais pas d’accord, mais que pour ce soir, tu dirais que je la méritais. Et on a trinqué.
— Magnifique, tu t’en souviens ! ricanai-je, fielleuse. Ensuite, on a bu, un autre type s’est ramené en cours de route, et, au bout du quatrième round, tu as abandonné. Jusque là, on est d’accord ?
De mauvaise grâce, il acquiesça. Je coulai un regard à Kaiser, qui suivait mon récit avec attention, pianotant sur sa table du bout de ses ongles de gel, rythmant mes phrases. Elle, je ne l’avais jamais vue boire, et je doutais qu’elle apprécie les bourrages de gueule des mercredis soir, d’autant plus que ça mettait généralement le troisième étage sens dessus dessous.
— On est sortis, parce que tu avais besoin de prendre l’air, et…
— Tu l’as aidé à sortir ? releva la commandante, sceptique.
— Eh, je n’étais pas sobre non plus ! me défendis-je, faussement virulente. Mais ouais, j’ai une centaine de témoins. Puis…
— … tu m’as attrapé par le col et tu m’as menacé de me balancer par la fenêtre.
Il m’avait coupé l’herbe sous le pied. Ou du moins, il avait essayé. Je ne cillai pas, ne bronchai pas. C’était une partie d’échecs géante que je jouais, un poker dangereux qui en valait mille fois la chandelle. La moindre expression de surprise signerait ma mort politique… et éventuellement physique. On parlait quand même d’une tentative d’assassinat sur l’Élu de la Confrérie, au fond. C’était la trahison ultime.
— Oui, admis-je.
Prise au dépourvu, Kaiser ne se contint pas.
— Je te demande pardon ?
— Je l’ai pris par le col, je l’ai maintenu au-dessus du vide, et je lui ai dit que s’il s’avisait de me faire chier, je lui ferais regretter d’être en vie.
Je gardai mon regard planté dans celui de mon interlocutrice durant toute ma tirade, me permis à peine un clignement de paupières. Elle poussa un soupir.
— Et ensuite, elle… m’a tiré vers les escaliers, et…
Il s’était trahi par son ton hésitant. Je souris, me rappelant de ce que je lui avais dit la veille. Qu’il n’était pas prêt pour le monde des Élites. Il risquait de se faire marcher dessus et de se faire utiliser comme un pantin, que ce soit par moi, par Adam, Selvigia…
— Et tu ne te souviens pas, complétai-je avec un rire. Pas étonnant, tu étais quasiment évanoui dans mes bras !
— Je me souviens de ton lit… de ta chambre…
Je hoquetai, comme s’il avait dit quelque chose de particulièrement choquant.
— Ma chambre ?! Je veux bien admettre que tu étais ivre, et que moi aussi, mais tu pousses un peu trop loin, là… Dans quel monde parallèle t’aurais-je laissé entrer dans ma chambre ?
Pour le coup, Kaiser ne pouvait que me soutenir. Je m’étais bien trop souvent plainte de Levi pour qu’elle accepte sans broncher que, même saoule, je l’aurais laissé entrer dans ma chambre. Je l’avais bien trop souvent insulté de tous les noms sur les fréquences générales, en mission, je l’avais bien trop souvent dénigré pour ne serait-ce que le laisser approcher du cinquième étage.
— Par contre, effectivement, je t’ai bien laissé sur un lit… dans les dortoirs communs.
— Quelqu’un pour en témoigner ?
J’étouffai un sourire de loup en jouant ma carte maîtresse, la carte qui me sauverait la vie, tombée dans ma main dix minutes plus tôt.
— Samuel Imvas.
Le visage de Levi, déjà pâle, vira sans transition au blanc linge. Il ne se rappelait de rien, il ne pouvait pas démentir. Et, contrairement à lui, j’avais un témoin. En voyant son regard perdu, le peu d’angoisse qui me nouait encore le ventre disparut, remplacée par la douce chaleur de la victoire. Je me mordis l’intérieur des joues, jouant la nonchalance et l’ennui, sondée par deux paires d’iris turquoise, les premiers perdus, les seconds pensifs.
— Tu peux lui dire de venir, s’il te plaît ? me demanda enfin Kaiser.
J’acquiesçai, fis apparaître mon téléphone, et lui envoyai un texto rapide.
— Et ensuite ?
Il ne me restait plus qu’à clôturer en beauté.
— J’avais demandé à Sam de m’amener quelques bouteilles dans ma chambre. J’ai fini ma nuit en solo, et ce matin, je suis allée courir avec Selv et ensuite, j’ai pris le secrétariat. D’ailleurs, ils ont appelé pour Cobb.
Le temps que Sam arrive, le sujet avait dérivé. Kaiser était satisfaite de mes négociations, quoique légèrement frustrée par le fait que je « demande trop » selon ses propres termes, pour un individu comme Séraphin, et que je « pourrisse » ses relations diplomatiques déjà tendues avec les autres Maisons. J’avalai compliments comme reproches sans mot dire, gardai mes réflexions pour moi, tout en guettant Levi du coin de l’œil, histoire qu’il ne me saute pas à la gorge quand j’aurais le regard ailleurs.
Puis, la porte s’ouvrit, et Sam entra. Il s’installa à côté de moi, sur la deuxième chaise libre, me coula un regard surpris, l’air de me demander pourquoi il était ici. Je lui retournai un signe de tête discret envers Kaiser, sans un regard de plus. Nous avions convenu de la version commune. Enfin, plus exactement, je l’avais décidée, et lui l’avait approuvée.
Kaiser prit la main.
— Hier, qu’as-tu fait pendant la fête ?
— Bu.
La commandante roula des yeux, laissa échapper un soupir exaspéré. Je remarquai immédiatement que mon amant se tendait, nerveux. Et, pour cause, le ton glacial qui suivit annonçait les ennuis.
— Mais encore ?
Son excellent jeu d’acteur dans une situation aussi tendue me surprit agréablement. Il mimait l’étonnement et l’incompréhension à la perfection. Je me tortillai sur ma chaise, appréciant le spectacle, les yeux écarquillés du blond qui n’avait aucune idée de comment cette discussion allait tourner.
— Euh… Síverdín m’avait demandé de lui apporter de la vodka… en haut, je veux dire, dans sa chambre. J’ai fait ça… ensuite je suis passé au dortoir pour récupérer mon pull… Elle y était aussi, avec Östfau…
— Dans quel état était Levi ?
Sam cilla, n’osant pas proférer notre version. C’était potentiellement faire du tort à l’image du nouvel Élu, aucune personne saine d’esprit ne l’aurait fait sans réfléchir. Mais, face au regard insistant, il dut se résoudre à lâcher la soi-disant vérité.
— Pas… À peine conscient, on va dire… Elle l’a allongé sur le lit, m’a demandé si je lui avais apporté ce qu’elle voulait…
— C’est quoi le « spé » dont tu avais parlé, d’ailleurs ? interrompit soudain Levi.
Je cillai, n’ayant pas prévu cette question. C’était l’une des seules choses que j’avais occultées, l’un des quelques petits détails que j’avais dû négliger. Il m’avait entendue lorsque j’avais passé ma commande.
— Une… combinaison spéciale… biaisai-je, l’air hésitant. Je ne sais pas exactement ce qu’il y a dedans, mais j’aime bien. Ça me permet de mieux dormir.
Pendant un moment, la commandante ne dit rien. Son regard voletait entre Imvas et moi, jugeant et jaugeant chacune de nos paroles. Nos versions concordaient. Peut-être un peu trop, même, mais sans preuves, elle ne pouvait rien me dire, et Levi n’était pas à même de nous contredire, Loki en soit remercié. Quant au barman, il avait tout intérêt à me couvrir, songeai-je avec un certain agacement. Je finançais bien ses petits négoces d’opium, après tout ; ce serait la moindre des choses, venant de sa part. Et puis, si Sam était assez intelligent – et il l’était – il irait discrètement voir le barman en mon nom avant que Kaiser ne lance ses propres espions à nos trousses.
À bien y réfléchir, je me rendais lentement compte que Selvigia avait eu raison, j’aurais pu tuer Levi, hier soir. Obnubilée par la haine, j’avais écarté le potentiel danger du mélange que je lui avais faite ingérer. Alcool et amnésiques étaient déjà dangereux ensemble, sans même parler du somnifère et de la potion anti magie que je lui avais injectés ce matin. Un humain serait déjà mort depuis longtemps, seul le métabolisme divin du blond avait dû permettre à son corps de traiter une telle quantité de produits chimiques en une nuit.
Mais je ne regrettais pas. Et le regard de Levi, même troublé, m’assurait malgré tout qu’il était certain que j’étais responsable de sa situation d’aujourd’hui… ce que je ne pouvais franchement pas lui reprocher.
— Très bien, finit par soupirer la commandante. Merci à vous deux, vous pouvez y aller.
Je me levai, sourire aux lèvres face à l’œillade meurtrière que Levi me lançait.
La guerre était déclarée.

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louji

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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki

Message par louji »

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CHAPITRE 8


Jusqu’au retour, nous n’abordâmes plus de sujets qui fâchaient. Après quelques minutes de silence glacé et désagréable – chose que je n’avais encore jamais connue avec Selvie – nous nous étions mises à courir, avions fait une petite heure de tout terrain, et étions rentrées au Manoir. J’étais allée m’installer directement au secrétariat, envoyant au passage un message à Sylvia pour qu’elle reste tranquillement dans son lit ce matin, et Selvigia avait continué son chemin vers la cafétéria. Elle était très vite revenue, avec des croissants en main, et Adam sur ses talons, qui n’arrêtait pas de s’enquérir de ce que j’avais eu de si important à faire avec elle ce matin. Quand je cinglai que, contrairement à lui, je n’entretenais pas ma forme physique magiquement, il avait fermé son clapet.
Pour être franche, je ne l’avais jamais vu sur un tapis de course. Par métamorphose, il pouvait prendre n’importe quelle apparence, et même s’il était resté allongé dans son lit durant un mois, il aurait pu parader avec le corps d’un athlète de haut niveau.
Ainsi, installée dans le petit secrétariat – bien trop exigu à mon goût, quoique bien éclairé – je pus me focaliser sur ma tâche de la journée. Kaiser n’avait pas eu tort sur un point, quand elle m’avait assignée ici, c’était long et rébarbatif, une juste punition pour quelqu’un qui détestait la paperasse. Mais, avec les deux autres Élites, assis en face de moi, se chamaillant à propos de tout et n’importe quoi, j’avais de bonnes distractions, Loki en soit remercié.
Très vite, cependant, les sujets de conversation redevinrent sérieux. Ce fut Selvigia qui amena le premier dans un murmure, parvenant à me faire grincer des dents alors que j’étais en train de palabrer avec un type à Sydney qui se plaignait de retards sur les commandes.
— Au fait, tu as pu trouver cet imbécile de tireur ?
Adam secoua lentement la tête, dépité, pendant que j’écoutais d’une oreille distraite la litanie de lamentations en anglais :arrow: Ils parlaient dans une langue scandinave jusque-là ? ^^ méchamment accentué à l’autre bout du fil.
— Non, il n’est pas réapparu depuis. Je me demande s’il est encore sur notre territoire, en fait…
On s’en fout, répliquai-je en langage des signes, exécutant mes gestes à une vitesse effrénée. Je veux savoir comment il est entré.
Le brun me retourna un regard sceptique.
— Pas par nos portails.
Merci de l’info !
— Mmhm, écoutez, marmottai-je à haute voix, je vais appeler à Madrid, voir si on peut raccourcir les délais la prochaine fois, ça les convaincra peut-être d’être à l’heure.
Mon interlocuteur, un humain, gérant d’une filiale quelconque, pesta encore pour la forme, mais accepta que je le rappelle. Je raccrochai après une dernière salutation polie, poussai un soupir ennuyé.
I’ll see what I can do. You’re welcome. Goodbye. Dis, tu ne veux pas te reconvertir en secrétaire, par hasard ?
Adam me singeait, se fichait ouvertement de moi. Je roulai des yeux, lèvres pincées.
— Ça t’arrangerait bien, n’est-ce pas ?
Il hocha la tête, sourire aux lèvres, sans chercher à démentir. Après tout, pourquoi cacher ses intentions quand tous les connaissaient ? Je voyais presque les rouages dans son cerveau qui tournaient à toute vitesse, cherchant toutes les possibles opportunités que mon départ éventuel pourrait lui offrir. Je lui adressai un sourire compatissant.
— Mon pauvre… ça doit te ronger de l’intérieur…
Une brusque flambée de haine, visible sur ses traits qui se crispèrent un bref instant, m’avertit de ne pas le pousser trop dans ses retranchements. Adam était dangereux. Pas autant qu’il le croyait, mais il pouvait me compliquer la vie bien au-delà du nécessaire. Et je n’avais absolument pas besoin de ça.
— Tout ça pour dire que, non, je ne l’ai pas retrouvé. À mon avis, il est reparti quand il a compris qu’on était sur nos gardes.
— Ou quand il t’a vu le chercher ! ricana Selvigia, narquoise. Toi et ta discrétion légendaire…
— Eh ! Bon, peut-on passer au problème existentiel suivant ?
— Tu veux dire un crétin d’Élu dans nos rangs ?
Le fixe sonna à nouveau, alors que Selvigia se lançait dans une véhémente tirade sur les défauts de Levi, affichant un numéro inconnu au registre. Je cillai. S’il n’y en avait pas, c’était important, on avait pris le temps de rendre l’appel impossible à tracer. C’était donc soit une filiale militaire de la Confrérie, soit… une Maison ennemie. Je pris une courte inspiration, laissai sonner, attendant que les deux gamins en face de moi se taisent. Ironie, j’étais la plus jeune de nous trois, avec quatre décennies de moins que Selvie, sans même parler d’Adam, qui avait plus d’un siècle et demi au compteur.
Quand ils remarquèrent – enfin ! – que je ne décrochais toujours pas, ils se turent. Je leur lançai un regard assassin, mis un doigt sur mes lèvres, vissai le casque combiné à un micro sur ma tête et m’adossai à ma chaise.
— Jörm Inc. que puis-je faire pour vous ? fis-je avec la voix anglaise la plus pincée et cliché :arrow: clichéE ? que je puisse prendre.
— Épargnez-moi vos salades, et passez-moi un supérieur. Le plus haut placé que vous pouvez trouver.
La voix cassante, indubitablement masculine et frustrée, hérissa immédiatement les poils sur mes bras, mais je me fis violence pour rester polie. Kaiser aurait détesté que j’envoie bouler une Maison ennemie. Étaient-ce les Njörd ? Les Freyr :arrow: Je déteste tellement fort son nom français brrrr :| Oh, frère, tu fé qwô ? :lol: Sans plaisanter, ce coup de fil instaure un climat tendu... ? Les Freyja, peut-être ?
— C’est à quel sujet ?
— RMC. :arrow: Roulotte Meublée Confortable. Riz Mayonnaise Concombre. Réunion Malaisante entre Cousins. Pardon, mais là tu tendais une perche :lol:
Rançon entre Maison et Confrérie. Je ne pus dissimuler un sourire de louve, qui fit étinceler les yeux de Selvigia, et froncer les sourcils d’Adam. Eux n’entendaient rien, mais ma sœur me connaissait bien trop pour savoir que je tramais déjà quelque chose.
— Quel individu ?
— Séraphin Cobb, Maison de Týr.
Sur le coup, je faillis bien éclater de rire, dus me mordre l’intérieur des joues pour me contenir. C’était la meilleure nouvelle qu’on m’ait annoncée depuis la nomination de ce crétin de Levi.
— Patientez deux secondes…
Je coupai mon micro, fis courir mes doigts sur le clavier de l’ordinateur. Sylvia avait été chargée de la négociation, mais j’étais certaine qu’elle avait ajouté des notes ou des estimations.
Il ne me fallut que quelques secondes pour trouver la fiche de mon prisonnier, avec une jolie photo de profil prise par moi-même au coin d’une rue. Une grimace m’échappa quand je vis les nombres que la secrétaire avait notés dans un coin, bien trop bas pour me convenir. On parlait de Séraphin Cobb, fils de Týr de première génération et responsable de la communication entre sa Maison et celle de Thor. Rien que pour ça, soixante millions n’étaient pas assez, j’étais sûre de pouvoir avoir le double sans mal, peut-être plus.
Selvigia leva un sourcil en voyant mon froncement de sourcils. Je lui adressai un sourire éclatant.
— Cobb, rançon, fis-je avec un léger rire, juste avant de rallumer mon micro. Gabriella, j’écoute.
— Vous êtes la même que précédemment, grinça le négociateur en face, pas dupe.
Une pointe d’amusement transparaissait dans ma voix lorsque je répondis :
— Exactement. Je suis en charge de Cobb.
Un instant de silence succéda à cette réponse. Adam et Selvigia recommencèrent à se taper dessus, mais en mode muet, par signes, à propos d’une quelconque mission. Leur gestuelle transpirait l’agressivité, alors que leurs regards étaient tout au plus agacés, un contraste surprenant. Pas de réelle méchanceté ni haine émanait d’eux, ils se contentaient de se provoquer.
À l’autre bout du fil, le Týr ne semblait pas vouloir parler. Mais moi non plus. C’était lui qui venait négocier, pas moi qui le suppliais de me donner l’aumône. De toute façon, s’il n’acceptait pas mon offre, je gardais Cobb, et avec tout ce qu’il pouvait encore me dire, j’avais largement de quoi satisfaire Kaiser.
Ça ne passera jamais ! gesticulait Selvie. Rappelle-toi de Budapest.
Adam cilla, mais répondit aussi sec : C’était différent, il y avait une Frigg.
Le signe pour Frigg était littéralement « maîtresse de la salle des marécages », un kenning – une formulation poétique – souvent utilisée dans les récits nordiques. Cela évitait d’avoir à épeler les noms des dieux – à condition de bien sûr connaître les kennings associés à chacun d’entre eux, et ils en avaient pléthore ! :arrow: Oh, c'est super intéressant ! C'est toi qui as inventé ? :)
Je fronçai les sourcils, ne sachant pas de quelle mission ils parlaient, mais n’eus pas le temps de m’interroger sur la signification de leur discussion. Mon interlocuteur avait fini par céder au traitement silencieux que je lui imposais, par trois simples mots.
— Soixante millions, demain.
Les estimations de Sylvia étaient cohérentes, vu ce que les Týr auraient aimé payer, remarquai-je. Mais il était hors de question que je me fasse avoir comme ça. Je sentis une décharge d’adrénaline se déverser dans mon sang alors que la tension familière de la négociation me comprimait le ventre.
— Cent soixante.
— Cent.
— Cent quatre-vingt.
— Vous foutez pas de ma gueule, non plus.
Je me permis un léger rire.
— Je n’oserais pas. Par contre, vous, vous vous fichez clairement de moi. Parce qu’avec les infos qu’il possède, il vaudrait clairement le double. Et, à votre place, je m’inquiéterais un peu plus, parce qu’il parle chaque jour. Plus vous le laisserez là, plus vous allez souffrir derrière. On va faire un marché : je lance un chrono, et toutes les quinze secondes, on monte de cinq millions et trois jours. Top chrono !
Je jetai un regard à l’horloge numérique sur l’ordinateur. 6:37:28. À côté de moi, Adam fit semblant de s’étouffer en silence, et Selvigia contint difficilement un éclat de rire. C’étaient les méthodes d’Ekrest. Il s’agissait de ne jamais revoir à la baisse, bien au contraire. Plus l’acheteur montait, plus on montait aussi, pour finir sur le seuil qu’on avait fixé au départ. C’était d’autant plus impressionnant que cela marchait très souvent, en tout cas quand les rançons concernaient les prisonniers importants.
Aux légers grésillements que j’avais entendus jusque là en lieu et place de mutisme succéda un grand vide dans mes écouteurs. Je devinai qu’il avait coupé son micro. Ils devaient être autour de quatre, à mon avis, une configuration classique. Les Týr étaient de ceux qui jugeaient et jaugeaient chaque décision, soupesaient chaque petit détail. L’important, ici, était de ne pas leur en laisser le temps.
— Cent quatre-vingt-cinq, lâchai-je, quatre jours à partir de maintenant.
Rien. Je me mordillai les lèvres, partagée entre excitation et nervosité, comme toujours. C’était une pulsation familière dans mes veines, similaire à celle que me procurait le terrain, terriblement euphorisante. Ils pouvaient refuser, certes, mais je garderais alors Cobb, et ça, c’était hors de question pour eux.
— Cent quatre-vingt-dix, une semaine, tic, tac.
Grésillements. Je souris, attendis. Même s’ils baissaient de cinquante et le mettaient à demain, j’accepterais. Enfin, peut-être.
— Cent trente, demain.
Je n’hésitai pas.
— Mince ! Deux cent, dix jours.
La frustration, à l’autre bout, fut perceptible. Il grogna, coupa à nouveau. 6:38:17. Je trépignais, parée à annoncer la prochaine somme. On aurait dit une vente aux enchères, et Selvie l’avait très bien compris. Une feuille de papier en main, marquée d’un numéro au hasard – cent treize – elle singeait une bourgeoise bien trop aisée. À côté d’elle, Adam faisait semblant de pleurer sur son sort, comme si c’était lui qui allait devoir payer la facture. Tout ça de façon totalement caricaturale et exagérée. J’avais mal aux zygomatiques à force devoir taire mon hilarité.
— Deux cent…
— Cent soixante-dix, et allez vous faire foutre.
— Quel gentleman, ricanai-je. Adjugé vendu, demain, huit heures. Je vous communiquerai le lieu deux heures avant. Ça a été un plaisir. :arrow: Haha, bien joué Lily :lol:
Il voulut protester, je lui raccrochai au nez. Et, enfin, je me permis d’exploser de rire, tout comme ma meilleure amie. Les joues rouges, la mâchoire douloureuse et les abdominaux contractés, je dus essuyer une larme de joie.
— Ils ont… cédé… à combien…? lâcha Selvigia entre deux hoquets.
Je haletai :
— Cent soixante-dix.
— MILLIONS ?!
Adam n’en revenait pas. Je lui adressai un sourire éclatant, triomphante, tandis qu’il fronçait les sourcils. Nouvelle victoire pour moi, nouveau choc pour lui. L’apaisement qui remplaçait doucement l’adrénaline me permit de prendre une profonde inspiration amusée.
— J’ai jamais négocié comme ça…
— Révise tes techniques. On est la Confrérie, je te signale, on négocie selon nos termes, pas les leurs.

| † | † |


Tic, tac. Les cliquetis réguliers de l’aiguille des secondes rythmaient mon attente. Le visage sévère en aurait fait fuir plus d’un, sans même parler des yeux turquoise qui semblaient vouloir me sonder jusqu’au fond de mon âme et découvrir tous mes secrets. Maintenant qu’elle était réellement furieuse, maintenant qu’il y avait ce feu glacé qui dansait au fond de ses pupilles, je ne pouvais pas occulter la ressemblance avec mon père. Ils avaient tous les deux cette même détermination, cette même capacité à discerner la plus ténue inflexion qui me trahirait.
Mais, contrairement à Kaiser, j’avais un avantage certain et tangible. Quand j’avais été convoquée, c’était Sam qui était venu me chercher. Nous n’avions échangé que quelques mots, à un angle de couloir bondé, au milieu de prunelles turquoise qui allaient et venaient, et j’avais obtenu trois coups d’avance sur ma commandante. Je ne me rappelais pas en avoir eu un jour autant.
À côté de Kaiser, debout, poings serrés, Levi se contenait à peine. Il tremblait de tout son corps, haine suintant par le moindre pore de sa peau, son regard meurtrier braqué sur moi. Son pied battait la mesure, une fois toutes les deux secondes. :arrow: J'imagine tellement bien la scène :lol: Tic. Tac.
Cependant, même si j’avais trois coups d’avance théoriques, tout dépendait beaucoup :arrow: Je trouve que le "beaucoup" alourdit un peu la phrase ^^ de ce dont cet imbécile d’Élu se souvenait de la soirée de la veille. J’avais pris le maximum de précautions, mais rien n’empêchait un flash subit qui pourrait m’être fatal. J’allais devoir la jouer fine, et cela provoquait de terrifiants et exaltants frissons le long de ma colonne vertébrale.
— Lilith, on je :arrow: Troubles de personnalité ? :lol: ne vais pas y aller par quatre chemins. Ce midi, Levi s’est réveillé, ligoté et bâillonné au milieu du Labyrinthe, incapable d’utiliser ses pouvoirs. Quel drame...
Je levai vers le concerné un regard sceptique. Il me retourna une œillade flambante de rage.
— Qu’est-ce que tu foutais dans le Labyrinthe ?
— C’est la question qu’on te pose.
Je détestai immédiatement ce « on », qui me laissa d’autant plus de sueurs froides que Kaiser ne le contredit pas. Mes émotions faisaient les montagnes russes, et j’adorais et détestais cela en même temps. C’était cette sensation enivrante quand on savait qu’on avait commis un crime, et qu’il ne restait plus qu’à couvrir ses traces pour s’en sortir indemne. Je fis face à ce regard haineux sans sourciller, la respiration sereine, le cœur battant.
— Je suis au secrétariat depuis ce matin, ne viens pas me faire des reproches quand toi tu te réveilles à midi.
Kaiser eut l’excellente idée de lui intimer le silence d’un geste, avant qu’il ne me saute à la gorge ou qu’il ne m’agonisse d’injures. Ce fut vers elle que je me tournai.
— On est d’accord, la question que vous me posez, c’est qu’est-ce que j’ai à voir là-dedans ? Et on est tout autant d’accord que s’attaquer à l’Élu le soir de sa nomination, pendant une soirée publique, c’est se tirer une balle dans le pied ?
La commandante ne démentit pas. Je m’adossai un peu plus confortablement dans mon siège, pesant chaque mot.
— Levi, est-ce que tu…
— Je veux entendre ta version, Lilith.
Je ne veux pas te laisser aligner ta version à celle de Levi, traduisis-je en silence. Je lui adressai un sourire contrit, hochai la tête, mais terminai ma question malgré tout :
— Est-ce que tu te rappelles combien tu as bu ?
Il secoua lentement la tête, et j’avisai l’air désabusé de Kaiser. J’étouffai un sourire, devinant déjà le terrain qui s’offrait à moi.
— Après la cérémonie, je suis allée courir deux ou trois heures, puis je me suis pointée à la fête. Tu y étais déjà depuis un moment, en compagnie de ton rhum et de tes fidèles adoratrices. Tu étais déjà saoul à ce moment-là. Est-ce que tu te souviens de ce que je t’ai dit ?
— Que tu n’étais pas d’accord, mais que pour ce soir, tu dirais que je la méritais. Et on a trinqué.
— Magnifique, tu t’en souviens ! ricanai-je, fielleuse. Ensuite, on a bu, un autre type s’est ramené en cours de route, et, au bout du quatrième round, tu as abandonné. Jusque là, on est d’accord ?
De mauvaise grâce, il acquiesça. Je coulai un regard à Kaiser, qui suivait mon récit avec attention, pianotant sur sa table du bout de ses ongles de gel, rythmant mes phrases.
— On est sortis, parce que tu avais besoin de prendre l’air, et…
Tu l’as aidé à sortir ? releva la commandante, sceptique.
— Eh, je n’étais pas sobre non plus ! me défendis-je, faussement virulente. Mais ouais, j’ai une centaine de témoins. Puis…
— … tu m’as attrapé par le col et tu m’as menacé de me balancer par la fenêtre.
Il m’avait coupé l’herbe sous le pied. Ou du moins, il avait essayé. Je ne cillai pas, ne bronchai pas. C’était une partie d’échecs géante que je jouais, un poker dangereux qui en valait mille fois la chandelle. La moindre expression de surprise signerait ma mort politique.
— Oui.
Prise au dépourvu, Kaiser ne se contint pas.
— Je te demande pardon ?
— Je l’ai pris par le col, je l’ai maintenu au-dessus du vide, et je lui ai dit que s’il s’avisait de me faire chier, je lui ferais regretter d’être en vie.
Je gardai mon regard planté dans celui de mon interlocutrice durant toute ma tirade, me permis à peine un clignement de paupières. Elle poussa un soupir.
— Et ensuite, elle… m’a tiré vers les escaliers, et…
Il s’était trahi par son ton hésitant. Je souris, me rappelant de ce que je lui avais dit la veille. Qu’il n’était pas prêt pour le monde des Élites. Il risquait de se faire marcher dessus et de se faire utiliser comme un pantin, que ce soit par moi, par Adam, Selvigia…
— Et tu ne te souviens pas, complétai-je avec un rire. Pas étonnant, tu étais quasiment évanoui dans mes bras !
— Je me souviens de ton lit… de ta chambre…
Je hoquetai, comme s’il avait dit quelque chose de particulièrement choquant.
Ma chambre ?! Je veux bien admettre que tu étais ivre, et que moi aussi, mais tu pousses un peu trop loin à mon goût… Dans quel monde parallèle t’aurais-je laissé entrer dans ma chambre ?
Pour le coup, j’avais Kaiser à mes côtés pour me soutenir. Je m’étais bien trop souvent plainte de Levi pour qu’elle accepte sans broncher que, même saoule, je l’aurais laissé entrer dans ma chambre. Je l’avais bien trop souvent insulté de tous les noms sur les fréquences générales, en mission, je l’avais bien trop souvent dénigré pour ne serait-ce que le laisser approcher du cinquième étage.
— Par contre, effectivement, je t’ai bien laissé sur un lit… dans les dortoirs communs.
— Quelqu’un pour en témoigner ?
J’étouffai un sourire de loup en jouant ma carte maîtresse, la carte qui me sauverait la vie, tombée dans ma main dix minutes plus tôt.
— Samuel Imvas.
Le visage de Levi, déjà pâle, vira sans transition au blanc linge. Il ne se rappelait de rien, il ne pouvait pas démentir. Et, contrairement à lui, j’avais un témoin. En voyant son regard perdu, le peu d’angoisse qui me nouait encore le ventre disparut, remplacée par la douce chaleur de la victoire. Je me mordis l’intérieur des joues, jouant la nonchalence et l’ennui, sondée par deux paires d’iris turquoise, les premiers perdus, les seconds pensifs.
— Tu peux lui dire de venir, s’il te plaît ? me demanda finalement Kaiser.
J’acquiesçai, fis apparaître mon téléphone, et lui envoyai un texto rapide.
— Et ensuite ?
Il ne me restait plus qu’à clôturer en beauté.
— J’avais demandé à Sam de m’amener quelques bouteilles dans ma chambre. J’ai fini ma nuit en solo, et ce matin, je suis allée courir avec Selv’ et ensuite, j’ai pris le secrétariat. D’ailleurs, ils ont appelé pour Cobb.
Le temps que Sam arrive, le sujet avait dérivé. Kaiser était satisfaite de mes négociations, quoique légèrement frustrée par le fait que je « demande trop » selon ses propres termes, pour un individu comme Séraphin, et que je « pourrisse » ses relations diplomatiques déjà tendues avec les autres Maisons. J’avalai compliments comme reproches sans mot dire, gardant mes réflexions pour moi, guettant Levi du coin de l’œil, histoire qu’il ne me saute pas à la gorge quand j’aurais le regard ailleurs.
Puis, la porte s’ouvrit, et Sam entra. Il s’installa à côté de moi, sur la deuxième chaise libre, me coula un regard surpris, l’air de me demander pourquoi il était ici. Je lui retournai un signe de tête discret envers Kaiser, sans un regard de plus. Nous avions convenu de la version commune. Enfin, plus exactement, je l’avais décidée, et lui l’avait approuvée.
Kaiser prit la main.
— Hier, qu’as-tu fait pendant la fête ?
— Bu.
La commandante roula des yeux, laissa échapper un soupir exaspéré. Je remarquai immédiatement que mon amant se tendait, nerveux. Et, pour cause, le ton glacial qui suivit annonçait les ennuis.
— Mais encore ?
Son excellent jeu d’acteur dans une situation aussi tendue me surprit agréablement. Il mimait l’étonnement et l’incompréhension à la perfection. Je me tortillai sur ma chaise, appréciant le spectacle, les yeux écarquillés du blond qui n’avait aucune idée de comment cette discussion allait tourner.
— Euh… Síverdín m’avait demandé de lui apporter de la vodka… en haut, je veux dire, dans sa chambre. J’ai fait ça… ensuite je suis passé au dortoir pour récupérer mon pull… Elle y était aussi, avec Östfau…
— Dans quel état était Levi ?
Sam cilla, n’osant pas proférer notre version. C’était potentiellement faire du tort à l’image du nouvel Élu, et personne de sain d’esprit ne l’aurait fait sans réfléchir. Mais, face au regard insistant, il dut se résoudre à lâcher la soi-disant vérité.
— Pas… À peine conscient, on va dire… Elle l’a allongé sur le lit, m’a demandé si je lui avais apporté ce qu’elle voulait…
— C’est quoi le « spé » dont tu avais parlé, d’ailleurs ? interrompit soudain Levi.
Je cillai, n’ayant pas prévu cette question. C’était l’une des seules choses que j’avais occultées, l’un des quelques petits détails que j’avais dû négliger. Il m’avait entendue lorsque j’avais passé ma commande.
— Une… combinaison spéciale… biaisai-je, l’air hésitant. Je ne sais pas exactement ce qu’il y a dedans, mais j’aime bien. Ça me permet de mieux dormir.
Le barman avait tout intérêt à me couvrir, songeai-je avec un certain agacement. Je protégeais bien ses petits négoces d’opium, après tout ; ce serait la moindre des choses, venant de sa part. Et puis, si Sam était assez intelligent – et il l’était – il irait discrètement voir le barman en mon nom avant que Kaiser ne lance ses propres espions à nos trousses.
Pendant un moment, la commandante ne dit rien. Son regard voletait entre Imvas et moi, jugeant et jaugeant chacune de nos paroles. Nos versions concordaient. Peut-être un peu trop, même, mais sans preuves, elle ne pouvait rien me dire, et Levi n’était pas à même de nous contredire, Loki en soit remercié.
À bien y réfléchir, je me rendais doucement compte que j’aurais pu le tuer, hier soir, que Selvigia n’avait pas eu tort. Obnubilée par la haine, j’avais écarté le potentiel danger de la combinaison que je lui avais faite ingérer. La combinaison d’alcool et d’amnésiques était déjà dangereuse en soi, sans même parler du somnifère et de la potion anti magie que je lui avais injectés ce matin. Un humain serait déjà mort depuis longtemps, seul le métabolisme divin du blond avait dû permettre à son corps de traiter une telle quantité de produits chimiques en une nuit.
Mais je ne regrettais pas. Et le regard de Levi, même troublé, m’assurait malgré tout qu’il était certain que j’étais responsable de sa situation d’aujourd’hui… ce que je ne pouvais franchement pas lui reprocher.
— Très bien. Merci à vous deux, vous pouvez y aller.
Je me levai, sourire aux lèvres face à l’œillade meurtrière que Levi me lançait.
La guerre était déclarée.

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Hello ! ^^ Désolée pour le retard, je croulais sous les dossiers et révisions... Je profite d'un p'tit jour férié pour venir :D
J'aime beaucoup ce chapitre, bien qu'il soit moins mouvementé que le précédent, il est très tendu et tu mets très bien en scène les jeux politiques qui se mettent en place au fur et à mesure... Ton écriture est toujours aussi soignée et fluide, pleine d'images et de tension ;)

Lilth s'en sort plutôt bien, que ce soit pour les négoc ou pour Levi... Mais j'imagine que ça va pas durer haha x') Je flippe un peu pour elle pour la suite, car, si elle représente un atout majeur pour la Confrérie, j'ai l'impression qu'elle est aussi un grand danger :roll:

J'ai hâte de savoir comment l'échange de Cobb avec se dérouler... Et où est passé le Thor qui se balade tranquillement dans le domaine de la Confrérie (c'est bien un Thor hein ?)

Encore bravo pour ton récit et à bientôt !
vampiredelivres

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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki

Message par vampiredelivres »

louji a écrit :
CHAPITRE 8


Adam secoua lentement la tête, dépité, pendant que j’écoutais d’une oreille distraite la litanie de lamentations en anglais :arrow: Ils parlaient dans une langue scandinave jusque-là ? ^^ Oui, la langue "officielle" des maisons, c'est le vieux nordique. ;) méchamment accentué à l’autre bout du fil.

— Jörm Inc. que puis-je faire pour vous ? fis-je avec la voix anglaise la plus pincée et cliché :arrow: clichéE ? :) que je puisse prendre.
— Épargnez-moi vos salades, et passez-moi un supérieur. Le plus haut placé que vous pouvez trouver.
La voix cassante, indubitablement masculine et frustrée, hérissa immédiatement les poils sur mes bras, mais je me fis violence pour rester polie. Kaiser aurait détesté que j’envoie bouler une Maison ennemie. Étaient-ce les Njörd ? Les Freyr :arrow: Je déteste tellement fort son nom français brrrr :| Oh, frère, tu fé qwô ? :lol: Sans plaisanter, ce coup de fil instaure un climat tendu... Tu sais que c'est son nom réel ? Genre, même en version anglaise, c'est Freyr, et la version anglicisée justement, c'est Frey. ? Les Freyja, peut-être ?
— C’est à quel sujet ?
— RMC. :arrow: Roulotte Meublée Confortable. Riz Mayonnaise Concombre. Réunion Malaisante entre Cousins. Pardon, mais là tu tendais une perche :lol: Je sais, c'était volontaire.
Rançon entre Maison et Confrérie. Je ne pus dissimuler un sourire de louve, qui fit étinceler les yeux de Selvigia, et froncer les sourcils d’Adam. Eux n’entendaient rien, mais ma sœur me connaissait bien trop pour savoir que je tramais déjà quelque chose.

Le signe pour Frigg était littéralement « maîtresse de la salle des marécages », un kenning – une formulation poétique – souvent utilisée dans les récits nordiques. Cela évitait d’avoir à épeler les noms des dieux – à condition de bien sûr connaître les kennings associés à chacun d’entre eux, et ils en avaient pléthore ! :arrow: Oh, c'est super intéressant ! C'est toi qui as inventé ? :) Non, les kennings existent réellement en tant que figure littéraire de la poésie scandinave (et d'ailleurs, je me rends compte que le pluriel, c'est "kenningar" et pas "kennings" :lol: ). D'ailleurs, juste pour le fun, je te mets ceux de Loki :
« Fils de Farbauti et de Laufey, de Nál ; le frère de Byleistr, de Helblindi ; le père de Vanargandr, de Jörmungandr, de Hel, et Nari, d'Áli ; le parent, l'oncle paternel, le compagnon de route et de siège d'Óðinn et des Ases, le visiteur et l'ornement du coffre de Geirröđr, le voleur des géants, du bouc, du collier des Brísingar, des Pommes d'Iðunn ; le parent de Sleipnir, Mari de Sigyn ; l'ennemi des dieux ; le dévastateur de la chevelure de Sif ; l'artisan de malheur ; l'Ase malin ; le diffamateur et le trompeur des dieux ; le ráðbani de Baldr ; l'Ase lié ; l'ennemi obstiné de Heimdallr et de Skadi. »


— Cent soixante-dix, et allez vous faire foutre.
— Quel gentleman, ricanai-je. Adjugé vendu, demain, huit heures. Je vous communiquerai le lieu deux heures avant. Ça a été un plaisir. :arrow: Haha, bien joué Lily :lol: ;)

| † | † |


À côté de Kaiser, debout, poings serrés, Levi se contenait à peine. Il tremblait de tout son corps, haine suintant par le moindre pore de sa peau, son regard meurtrier braqué sur moi. Son pied battait la mesure, une fois toutes les deux secondes. :arrow: J'imagine tellement bien la scène :lol: Tic. Tac.
Cependant, même si j’avais trois coups d’avance théoriques, tout dépendait beaucoup :arrow: Je trouve que le "beaucoup" alourdit un peu la phrase ^^ C'est vrai, merci :) de ce dont cet imbécile d’Élu se souvenait de la soirée de la veille. J’avais pris le maximum de précautions, mais rien n’empêchait un flash subit qui pourrait m’être fatal. J’allais devoir la jouer fine, et cela provoquait de terrifiants et exaltants frissons le long de ma colonne vertébrale.
— Lilith, on je :arrow: Troubles de personnalité ? :lol: Un peu, oui. :lol: ne vais pas y aller par quatre chemins. Ce midi, Levi s’est réveillé, ligoté et bâillonné au milieu du Labyrinthe, incapable d’utiliser ses pouvoirs. Quel drame... Le pauvre petit chou… :lol:
Je levai vers le concerné un regard sceptique. Il me retourna une œillade flambante de rage.

| † | † |
Hey hey !
Tout le monde est débordé en ce moment, ne t'en fais pas ^-^ (Sauf moi, parce que mes exams sont encore loiiin… mi juin… :cry: )
Merci, c'est l'un des derniers chapitres de calme avant la grande secousse… Ça me rassure que ça reste tendu, malgré l'absence d'évènements réels… Parce que je crois quand même que c'est le gros point faible de cette première partie, le surplus de temps "morts".
Oui, elle s'en sort bien… pour l'instant. Sinon, ce serait inintéressant, et forcément, ça va lui retomber dessus derrière. Quoique je ne sais pas si on peut se douter d'à quel point… La seule chose que je peux te dire, c'est que tu as raison de flipper. :twisted:
Le Thor n'a plus refait surface, depuis que Lily a failli le choper… ou alors, il se balade encore sur la propriété ? Je ne sais pas, moi ! :mrgreen:
Merci, à bientôt !
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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki

Message par louji »

vampiredelivres a écrit :
Hey hey !
Tout le monde est débordé en ce moment, ne t'en fais pas ^-^ (Sauf moi, parce que mes exams sont encore loiiin… mi juin… :cry: )
Merci, c'est l'un des derniers chapitres de calme avant la grande secousse… Ça me rassure que ça reste tendu, malgré l'absence d'évènements réels… Parce que je crois quand même que c'est le gros point faible de cette première partie, le surplus de temps "morts".
Oui, elle s'en sort bien… pour l'instant. Sinon, ce serait inintéressant, et forcément, ça va lui retomber dessus derrière. Quoique je ne sais pas si on peut se douter d'à quel point… La seule chose que je peux te dire, c'est que tu as raison de flipper. :twisted:
Le Thor n'a plus refait surface, depuis que Lily a failli le choper… ou alors, il se balade encore sur la propriété ? Je ne sais pas, moi ! :mrgreen:
Merci, à bientôt !

- Non ? Oh, je trouve "Frey" tellement plus joli :roll: Tant pis !
- Dis-moi tout... C'est quoi les acronymes que tu t'es inventé du coup ? :lol:
- J'ai pas du tout assez de connaissance en la matière pour te reprocher des fautes d'accords norrois :lol: XD
- OK, clairement, j'ai un coup de cœur pour le "le dévastateur de la chevelure de Sif". Le truc complètement improbable au milieu du reste quoi :lol:

(Hugh... courage ! Tu as encore cours jusqu'à quand ?)
Hola, mais tu me fais peur avec ta grande secousse :lol: Déjà, l'histoire de la nomination de Levi comme Élu m'a bien secouée alors la grande secousse... La Confrérie va être attaquée ? L'échange de Cobb va mal se passer ? Levi va se venger et il va arriver des trucs pas beaux à Lilith ?
Bwarf, c'est assez commun d'avoir une première partie assez relax, pour préparer le lecteur à (au calme avant) la tempête ^^
Beh, Lilith, je flippe pour toi... Je sais que t'es forte et débrouillarde, mais il y a toujours plus fort que soi... Et connaissant le sadisme de ta créatrice, j'ai bien peur pour ton avenir... :cry:
Tu ne sais pas, c'est ça.... :P

De rien... Ta "secousse" risque d'arriver quand je serai plus en partiels, en plus, donc j'aurai toute ma tête pour en pleurer/rire/désespérer/flipper/mets-ici-un-verbe-qui-conviendrait-bien.

A plus ! ;)
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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par vampiredelivres »

— Ah, je sais pas… moi j'ai pris l'original, Freyr, mais c'est vrai que le nombre de jeux de mots pourris qui peuvent se faire, du coup, est assez impressionnant. :lol:
— J'en ai pas nécessairement inventés… mais je me doutais que certains le feraient pour moi, donc j'ai tendu la perche :mrgreen:
— En fait, ça a tellement fait scandale, l'histoire de la chevelure de Sif… :lol: Tu connais l'histoire, ou pas ?

Encore deux semaines… :cry:
Ehehe :twisted: En plus, sur Wattpad, j'ai un peu d'avance, donc on y sera très bientôt… mais je pense que je vais me débrouiller pour que j'en sois au même point sur les deux sites quand je commencerai à poster la partie II, parce que c'est le foutoir pour garder les traces de ce que j'ai déjà posté d'un côté et qui manque de l'autre… :lol:
Indice, l'une de tes suppositions est bonne… Oh, j'ai franchement pas envie de te spoiler, mais tu peux imaginer le rire démoniaque que j'ai à chaque fois que tu me dis que tu as peur pour Lilith… :lol:
Wiii, j'ai trop hâte de voir ta réaction, ça va être marrant :mrgreen:

À plus !
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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit :— Ah, je sais pas… moi j'ai pris l'original, Freyr, mais c'est vrai que le nombre de jeux de mots pourris qui peuvent se faire, du coup, est assez impressionnant. :lol:
— J'en ai pas nécessairement inventés… mais je me doutais que certains le feraient pour moi, donc j'ai tendu la perche :mrgreen:
— En fait, ça a tellement fait scandale, l'histoire de la chevelure de Sif… :lol: Tu connais l'histoire, ou pas ?

Encore deux semaines… :cry:
Ehehe :twisted: En plus, sur Wattpad, j'ai un peu d'avance, donc on y sera très bientôt… mais je pense que je vais me débrouiller pour que j'en sois au même point sur les deux sites quand je commencerai à poster la partie II, parce que c'est le foutoir pour garder les traces de ce que j'ai déjà posté d'un côté et qui manque de l'autre… :lol:
Indice, l'une de tes suppositions est bonne… Oh, j'ai franchement pas envie de te spoiler, mais tu peux imaginer le rire démoniaque que j'ai à chaque fois que tu me dis que tu as peur pour Lilith… :lol:
Wiii, j'ai trop hâte de voir ta réaction, ça va être marrant :mrgreen:

À plus !
Ah non, je ne connais pas l'histoire... Et je doute pas une seconde que tu veux bien me la raconter, n'est-ce pas ? :D

Oh, courage :|
Oui, puis ce sera plus pratique pour toi aussi, pour savoir où tu en es de la publication ^^
Oh merde :lol: Bon, j'attends patiemment le verdict, même si je flippe oui XD
Pour toi, oui, pas pour tes pauvres lecteurs :cry:
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Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki

Message par vampiredelivres »

CHAPITRE 9


Le reste de la journée s’écoula sans incident notable, à part quelques cris dans les couloirs, une douche glacée que j’estimai avoir peut-être méritée, même si je ne l’aurais admis pour rien au monde, et quelques grincements de dents suite à un problème de livraison d’opium, un marché intérieur du Manoir que je dominais depuis maintenant quatre ans. Les petites guérillas intestines étaient monnaie courante, dans l’immense bâtisse de pierre. Comme la famille se scindait en un système vaguement féodal, avec en général les meilleurs du classement à la tête des différentes factions, il y avait toujours un conflit d’intérêt quelque part. Parfois, il se réglait par marchandages, négociations et pactes, mais parfois, lorsque les plus grands étaient impliqués, nous nous affrontions avec des armes.
Évidemment, pour ne pas pénaliser notre famille, et pour donner aux batailles un côté réaliste, nous adaptions dans ces combats nos armes pour ne pas nous blesser réellement. Ça se transformait en parties d’airsoft géantes, à la différence que les billes étaient en général enchantées de manière à provoquer une vive douleur, comparable à celle d’une balle réelle, qui incapacitant temporairement la personne. Une seule bille dans la poitrine donnait l’impression de se vider de son sang, et un coup à la tête plongeait dans l’inconscience pour une bonne demi-heure, parfois plus.
Dans ces conditions, livrer des marchandises nécessitait de bons équipements et des troupes entraînées, et heureusement pour moi, en quatre années, j’avais eu le temps de me monter ma propre petite armée, et de l’armer correctement. De plus, ayant récemment récupéré une bonne partie des effectifs d’Ekrest, je me retrouvais maintenant la plus puissante, tant au niveau magique qu’au niveau social. Ceci dit, ça n’avait pas empêché le nouvel Élu de fourrer son nez dans mes affaires dès qu’il en avait eu l’occasion, et clairement, j’avais intérêt à protéger mes prochaines cargaisons avec le maximum d’effectifs.
La haine tenace logée dans mon cœur, qui motivait chaque calcul, chaque nouvelle alliance, m’obligea, très brièvement, à me poser une question existentielle : qui détestais-je le plus, à l’heure actuelle, Levi, ou ce Kalyan ?
La réponse ne tarda pas. Le second, je ne le connaissais pas, il n’avait rien fait d’autre qu’exécuter une mission. Même si sa mission était la mise à mort de mon mentor. Alors que le premier…
— On y va ?
La voix, mesurée mais narquoise, me tira de mes pensées. Pour garder une confortable avance sur tout le monde, et m’assurer de l’efficacité des troupes que j’envoyais au front, j’avais pris le lendemain de ma journée au secrétariat pour m’entraîner avec le petit groupe qui m’avait accompagnée dans la chasse à la tireuse Thor qui avait bien failli me tuer. Et, comme Selvigia m’avait demandé de se joindre à moi avec son propre groupe pour coordonner d’éventuelles opérations conjointes, nous nous retrouvions ici, à six heures du matin dans l’immense arène à ciel ouvert à l’arrière du Manoir, sous un ciel gris pâle à peine illuminé par le début d’une aurore septentrionale.
Nos hommes étaient tous déjà là, alignés en rangs serrés, armés et équipés comme s’ils partaient en mission. Une trentaine de têtes, que je connaissais vaguement pour les avoir tous déjà vus au moins une fois dans mon existence puisqu’ils avaient bossé pour Ekrest. Ils étaient immobiles, les pieds plantés dans sable, muets et stoïques, et nous fixaient avec attention. Je savais, pour les avoir vus un quart d’heure plus tôt, qu’ils étaient déjà échauffés.
— Divisez-vous, intimai-je.
Mes seize hommes partirent d’un côté, les douze de ma sœur de l’autre. Selvigia me consulta du regard, interrogatrice. J’avais spontanément pris le commandement puisque, dans la hiérarchie, j’étais désormais la plus haute commandante militaire, Kaiser exclue.
Levi aussi, peut-être.
La pensée m’effleura, me fit grincer des dents. Je n’avais toujours aucune idée de ce que ce rôle légendaire d’Élu signifiait, mais je savais que la Confrérie entrait dans une période dangereuse. Nos éternels désaccords avec Levi — dont une dispute la veille dans la cafétéria — n’avaient pas eu d’impact jusqu’à maintenant puisque, ces quatre dernières années, j’avais été hiérarchiquement et socialement supérieure, mais maintenant qu’il avait un rang au moins équivalent au mien… L’ensemble de la cohésion familiale se disloquait lentement, et au fur et à mesure que chaque homme prenait parti d’un côté ou de l’autre, deux camps diamétralement opposés s’établissaient clairement. Et, entre le mien et le sien, il n’y avait aucune pitié.
De par nos bonnes relations et une certaine somme échangée, j’avais réussi à convaincre Selvigia de prendre discrètement mon parti. Elle qui avait toujours prôné la neutralité avait, face au « problème Levi » comme nous l’appelions, enfin décidé de prendre les armes. Nous nous soutenions mutuellement, économiquement et militairement. Et, certes, ce pacte me coûtait cher, mais je pouvais le rentabiliser si nous menions des offensives conjointes.
Mais pour ça, il fallait que nos hommes fonctionnent ensemble comme elle et moi nous complétions en mission.
— Huit de vous là-bas. Six ici.
La moitié de mes soldats fila vers le groupe de Selvigia sans protester, et inversement. Une fois que les groupes furent équilibrés et équitables, je me tournai vers ma sœur.
— Vous jouez def, on est off. Le terrain, c’est le Labyrinthe. Vous défendez la Clairière Oubliée.
Je fis apparaître un vieil étendard à l’effigie de la famille — une flamme, entourée par Jörmungand, le serpent de Midgard — le lançai à ma sœur, qui l’attrapa au vol. Elle considéra quelques secondes la tige de bois clair avec une moue pensive, puis un sourire éclaira ses lèvres, elle y apposa sa marque, le fit disparaître, et fit signe à l’un des groupes de la suivre. Pour ma part, j’entraînai la seconde moitié des hommes vers l’autre bout du Labyrinthe pour donner à l’autre équipe le temps d’organiser une défense.
C’était l’un des plus vieux jeux de guerre que les Neuf Mondes aient jamais connu, et pourtant, son efficacité était indéniable. Comme nous avions tous les mêmes pouvoirs, la coordination et la cohésion du groupe primaient sur la puissance brute. Il ne s’agissait pas de foncer tête baissée dans le camp adverse et de se prendre une balle dans la tête parce qu’on avait un bouclier magique et pas physique. Il fallait se débrouiller pour occuper tous les ennemis, les attirer hors de leur territoire ou de tenter de les contourner. Dans tous les cas, on avait toujours constaté que, à moins d’une importante différence numérique, la force brute ne marchait que peu.
Lorsque Selvie m’avertit par message qu’ils étaient prêts, nous nous élançâmes dans le Labyrinthe à leur recherche par petits groupes. Bientôt, les premiers coups de feu résonnèrent.

Au bout de la sixième partie, les scores étaient à égalité. Selvigia avait gagné la première défense aisément — et m’avait mise K.O. d’un coup à la tête d’une précision mortelle — ensuite, nous avions inversé les rôles et j’avais gagné. Après, nous avions échangé nos équipes, et elle avait gagné les deux parties d’affilée, et j’avais dominé sur les deux plus récentes, quand nous avions remanié les groupes.
Nous étions donc une trentaine, dans une petite clairière au milieu du Labyrinthe, en train d’échanger sur nos stratégies respectives. Nos soldats tapaient la causette, comptaient leurs bleus, pestaient contre untel ou untel qui avait mal ou bien tiré, se charriaient mutuellement comme la digne fratrie qu’ils étaient. L’ambiance était bon enfant, tout le monde était satisfait puisque les scores étaient équilibrés. Ma sœur et moi avions discuté un peu plus tôt de ce que nous avions chacune vu comme failles dans la tactique de l’autre, et maintenant, je tournais entre les soldats sans faire de distinctions d’allégeances. L’un d’entre eux en particulier avait été distrait ces dernières heures ; ce fut près de lui que je m’arrêtai.
— Tout va bien ? m’enquis-je spontanément.
Il s’était assis dans un coin, un peu à l’écart des autres, qui causaient tranquillement. Son visage doux était froissé par la contrariété et obscurci, ses traits harmonieux s’étaient tordus en une grimace attristée.
En me voyant m’asseoir face à lui, il baissa le nez, l’air honteux.
— Désolé pour tout à l’heure.
Je pouffai. Il avait mal couvert le flanc gauche de la formation d’attaque, et je m’étais pris une balle dans la cuisse. En soi, ce n’était rien de dramatique, mais dans des conditions réelles, il pouvait faire de gros dommages avec ce genre d’inattention.
— Qu’est-ce qui se passe ? demandai-je, indiquant le téléphone d’un geste du menton.
Il grimaça.
— Ma mère est décédée hier, expliqua-t-il d’une voix qui se fêlait. Une arrêt cardiaque.
Je voulus hocher la tête, compatissante, mais l’image de ma propre mère s’imprima dans mon esprit, scellant mes lèvres avant que les traditionnelles condoléances ne puissent les franchir. Je fermai brièvement les yeux, tentant de la chasser de ma tête.
Un sourire d’ange, des traits délicats, de longs cheveux noirs et lisses. Des yeux d’une couleur extraordinaire, une délicate nuance entre le rose et le mauve, seule marque du sang divin dans ses veines. Ses clins d’œil taquins, nos courses-poursuites dans la maison, nos rires et notre complicité inébranlable.
Quatre ans. Quatre petites années de bonheur intense, dont je me souvenais à peine, arrachées en une fraction de secondes. Quatre années de tranquillité discrète, réduites à néant en un éclair. Littéralement. Il n’y avait que les Thor pour faire tant de mal en si peu de temps, pour causer des dommages aussi permanents et détruire autant de vies.
Parce que nous n’étions pas seules, ce jour-là. Les cinq autres visages, mes cinq meilleurs amis de l’époque, étaient toujours aussi vivaces, quoi que j’essaie de faire pour les oublier. Je me mordis les lèvres, cillai, barricadant mon esprit contre ces intrus qui voulaient m’obliger à replonger des années en arrière. Je me forçai à les rejeter en bloc, malgré la douleur sourde qui persistait, m’aiguillait le cœur. La vision de cette après-midi-là disparut.
— Ça va ?
L’inquiétude dans le ton de Selvigia et la préoccupation dans ses yeux, me secouèrent ; j’acquiesçai distraitement.
— T’inquiète.
Je desserrai les poings que, prise dans les réminiscences, j’avais crispés jusqu’à m’en faire blanchir les jointures. Si peu de souvenirs persistaient de cette époque joyeuse, seulement des flashs, des échos de voix et des images floues. Je pris une profonde inspiration.
— Désolé ! s’excusa soudain l’autre, voyant mon expression fermée. Je sais que d’Aube-Court comptait beaucoup pour toi, c’était malvenu de ma part de…
Mon cœur se tordit à nouveau dans ma poitrine à la mention d’Ekrest. Et, comme de juste, mon téléphone vibra dans mon espace magique, deux fois d’affilée, à courts intervalles. Je fronçai les sourcils, le fis apparaître dans la paume de ma main. Un message de la part de Kaiser, qui semblait avoir eu une intuition à propos de mon sujet de conversation actuel.
RDV 5h demain, nouvelle mission, et tu diriges la RMC de Cobb.
N’oublie pas, funérailles ce soir.

J’avalai difficilement ma salive, fermai les yeux. « Funérailles ». Il allait falloir que je l’accepte.
— T’occupe, marmonnai-je à l’intention du soldat en me redressant, adoucissant ma voix au fur et à mesure que les mots sortaient. Je suis désolée pour ta mère. Je sais ce que ça fait.
Un semblant de rictus sceptique se peignit sur le visage de l’homme. Je n’y prêtai aucune attention. Je connaissais aussi ce sentiment de vide, que les mots ne pouvaient combler. La solitude, brûlante et douloureuse, qui consumait de l’intérieur, donnait l’impression d’être l’unique personne dans les Neuf Mondes, à souffrir autant. Dans ces périodes-là, on était tous certains que personne ne comprenait ce qu’on ressentait, alors qu’en vérité, tout le monde passait par là un jour.
— Lily, ça va ?
Je pivotai en sentant une main sur mon épaule, fis face au regard inquisiteur et attristé de Selvigia. Le souvenir de son frère me revint, comme un coup de poignard dans le cœur, je détournai le regard.
— Rien… marmottai-je, peu convaincante. Tu as eu une nouvelle mission ?
— Non, pourquoi ?
— Ça te dit de venir avec moi demain ? On va rendre Cobb.
L’enthousiasme que je feignais n’avait rien de naturel, et n’était pas voulu comme tel. La gorge nouée, je fis pivoter mon téléphone face à elle pour qu’elle puisse voir le message. Ses yeux se chargèrent de sollicitude et de peine à la lecture, elle hocha lentement la tête, me tira sur le côté avec douceur. Une fois que nous fûmes suffisamment éloignées des autres pour pouvoir converser tranquillement, elle me souffla :
— Je me charge de la composition des équipes, va t’occuper de Séraphin.
Dans son regard turquoise, je déchiffrai sans mal le message. Lâche-toi sur lui, ça te calmera avant ce soir. J’acquiesçai, me laissai embarquer, m’arrêtai juste le temps de signaler à mes hommes que Selvigia prenait le relais pour le reste de l’entraînement.
En rentrant dans le Manoir, je croisai Adam, qui traversait le couloir principal en direction de la cafétéria. Je lui adressai un sourire faussement courtois, il me rendit un clin d’œil narquois.
— Lilith. Ça va ?
— Ça va, répondis-je, l’esprit ailleurs.
— Tu viens manger avec moi ?
Son sourire affable était celui d’une vipère. J’étrécis les yeux, forçant volontairement sur ma mimique sceptique, jetai un bref coup d’œil à mon téléphone pour voir l’heure, puis finalement secouai la tête.
— Demain peut-être ? offris-je. J’ai du boulot, désolée.
Il avait beau être midi, et j’avais beau ne pas encore avoir mangé depuis que je m’étais levée, j’avais l’estomac noué depuis le message de Kaiser. Il était peu probable que j’avale quelque chose avant ce soir, en fait.
Adam réfléchit quelques instants, puis acquiesça avec une fausse sollicitude qui me donna envie de lui faire bouffer ses tripes.
— Je comprends.
Peut-être. Mais je ne veux pas savoir.
— À ce soir alors ! provoqua-t-il.
L’esprit en vrac, les nerfs en pelote, je me dirigeai vers les prisons du second sous-sol en enrageant silencieusement.

— Bonjour mon ange !
Mon salut matinal un peu trop enjoué eut le mérite de faire bondir Séraphin hors de son lit. Je me tenais dans l’encadrement de la porte, grinçant un sourire faussement gentil, alors que lui rattrapait apparemment des heures de sommeil perdues. À voir la lueur de peur s’allumer dans ses yeux dès qu’il me vit, j’eus presque pitié de lui. Presque. Voir cette expression était une forme de baume au cœur, à l’heure actuelle. Un baume cruel et sadique, mais un baume quand même.
Il se redressa péniblement, encore à moitié abruti de sommeil – état auquel je me promis de remédier au plus vite – mais déjà assez sur le qui-vive pour me demander :
— L’autre folle n’est pas là ?
Je secouai la tête, le menottai solidement – pas comme la dernière fois – et le conduisis dans une petite salle rouge, faisant au passage signe à un garde en faction.
Un mousqueton pendait du plafond, accroché à une chaîne. Pendant un instant, j’envisageai de le remplacer par un crochet et de pendre Séraphin dessus, comme un cochon à l’abattoir, mais l’idée s’en alla aussi vite qu’elle était venue, balayée par les conventions que j’étais censée respecter. S’il n’en avait tenu qu’à moi, j’aurais rendu aux Týr un cadavre pourri, enfermé entre six planches, surtout maintenant qu’Ekrest était parti. Mais je ne pouvais pas, parce qu’il fallait malgré tout respecter des normes. C’était ridicule : nous étions des mafieux, les hors-la-loi du monde mythologique, que tous détestaient unanimement, mais nous avions des codes de conduite.
Certes, je n’étais moi-même pas non plus dépourvue de principes, mais j’étais surtout partisane du travail bien fait. Et travail bien fait rimait à exécutions quand il le fallait. Ceci dit, il était nécessaire de faire la part des choses en fonction des situations, et, ici, le bilan stratégique importait évidemment, mais l’aspect financier de la rançon prévalait.
Au lieu donc de pendre mon prisonnier par le col comme j’aurais aimé le faire, je me contentai d’accrocher le mousqueton à ses menottes. Séraphin se contorsionna, essayant probablement de se dégager, mais je le maintins en place le temps que le garde aille soulever un levier afin de faire remonter la chaîne. Les crissements aigus du métal s’enroulant sur une poulie vibrèrent dans l’air, je grimaçai.
Le brun se retrouva rapidement les pieds dans le vide, pieds que le Loki qui m’accompagnait s’empressa d’attacher au sol par une autre chaîne. Ensuite, il me consulta du regard.
— On le rend demain, glissai-je.
Mon demi-frère hocha la tête, puis fila hors de la pièce sans demander son reste. Je soufflai profondément, tenaillée par cette douleur sourde au creux de ma poitrine.
Aujourd’hui, ce n’étaient pas des réponses que je le voulais. Et Séraphin le vit, à l’instant où je me tournai pour lui faire réellement face. Il déglutit sans cacher sa terreur, tandis que j’ouvrais et fermais mes doigts pour les détendre, une boule amère au fond de la gorge.
— Pour ce que ça vaut, murmurai-je, à peine assez haut pour qu’il puisse m’entendre, je suis désolée que ce soit sur toi que ça tombe.
Lui ou un autre, le résultat aurait été le même. Mais, pendant un bref instant, l’épouvante dans ses yeux m’avait secouée, m’avait rappelée qu’un jour, j’avais aussi eu ce regard. Cette peur instinctive quand je ne savais pas ce qui allait arriver, quand, pour la première fois, j’avais été téléportée, juste après la mort de ma mère. Je me mordis les lèvres. Comme souvent, mes poings trouvèrent d’eux-mêmes le chemin, tandis que mon esprit dérivait.
Ekrest. Ce premier visage que j’avais vu, de l’autre côté de l’obscurité. Cette main tendue, qui m’avait permis de me relever, alors que je commençais lentement à réaliser que rien n’allait plus jamais être pareil. La première chose qu’il avait fait avait été de me serrer dans ses bras, fort, comme une naufragée. Puis, il s’était tourné vers Kaiser, dans le bureau de laquelle je venais d’apparaître, et lui avait simplement dit « Je m’occupe d’elle ».
J’avais tout vu de lui. Ses facettes agréables comme les moments les moins sympathiques. Je l’avais vu souffrir en silence, je l’avais vu froid, presque inhumain, à l’approche du meurtre. Je l’avais vu comme mentor, je l’avais vu comme frère, presque comme père. Strict et exigeant, sévère et intraitable, mais pourtant si fier lorsque je réussissais. Cynique et indifférent, attentionné et protecteur. Une contradiction vivante, la plus belle qu’il m’ait été donné de rencontrer.
Les larmes de rage et de peine que je ne retenais plus, Cobb ne les voyait pas. S’il avait pu ouvrir son œil droit, il n’aurait rien distingué dans le flot de sang qui se déversait de son arcade sourcilière. Quant à la moitié gauche de son visage, elle enflait peu à peu, prenait déjà une teinte vaguement bleutée. D’ici quelques heures, elle oscillerait entre le violet et le noir. Ses bras étaient anormalement tordus, formaient des angles étranges, tant à cause de la chaîne que par ma faute, et il devait avoir une rotule éclatée, au moins, en plus de côtes en miettes.
Lorsque je cessai de m’acharner, il émit un gémissement distant, sans que je puisse déterminer si c’était parce que j’entendais tout à travers un étrange brouillard, ou parce qu’il avait à peine la force d’émettre un son avec sa mâchoire défoncée. Je reculai de quelques pas, essuyai la sueur sur mon visage avec mes mains tachées d’écarlate, sortis de la pièce pour aller me laver. Quarante minutes venaient de s’écouler en un battement de paupières, je ne les avais pas vues passer. Il n’y avait plus qu’une chose dans mon esprit : la cérémonie qui approchait.
Je revins quelques minutes plus tard, ayant subtilement modifié mon apparence devant le miroir pour qu’on ne voie pas les sillons que les larmes avaient creusés sur mes joues ni mes yeux rougis et bouffis. J’étais trop anesthésiée pour réfléchir correctement, je ne songeai à rien en injectant un amnésique droit dans la jugulaire du fils de Týr. En soulevant une paupière, j’eus l’occasion de voir sa pupille se dilater, manger lentement son iris gris acier, alors que le produit faisait son effet et que son regard se troublait. D’ici quelques heures, Séraphin ne se souviendrait de rien à propos de son séjour ici. Les gardes s’occuperaient de l’amocher encore un peu plus, juste pour le mettre dans de bonnes dispositions avant son retour. Ce qu’il devenait, à partir de maintenant, ne me concernait plus, ou presque.

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Le Cycle du Serpent : Blabla mytho : Loki et la forge des attributs divins

Message par vampiredelivres »

LOKI ET LA FORGE DES ATTRIBUTS DIVINS


Sif était – contrairement à la version badass de Marvel, d'ailleurs – la déesse associée à la terre, la prospérité et l'abondance… un peu une version féminine de Frey(r :lol: ). Pas vraiment une guerrière, d'ailleurs, et pas du tout brune. En fait, elle avait de beauuux (emphase) cheveux blonds, doux, épais, soyeux, bref, le rêve de toute femme (jusqu'à ce qu'il y ait un nœud dedans et que ce soit la misère), et comme elle en était très fière, elle passait son temps à les entretenir. En plus de s'occuper des champs et d'assurer la croissance des cultures des scandinaves, bien sûr.
Elle était mariée à Thor. Qui, comme tout bourrin alcoolo nordique qui se doit, n'hésitait pas à boire franchement plus que nécessaire. Et, quand il était bien bourré, l'une des choses dont il se vantait tout particulièrement était les cheveux de sa femme. (Hé, bourrin-bourré, certes, mais galant ! :roll: )
Et puis un jour, alors qu'elle était partie laver ses cheveux, elle s'est endormie. C'est rien, dit comme ça, mais le problème, c'est qu'il y avait Loki pas loin. Et Loki adore casser les pieds des Ases et des Vanes. D'ailleurs, la moitié des problèmes qu'il résout, c'est parce qu'il les a créés et qu'on menace de l'étriper/l'éviscérer/le massacrer/rajouter un verbe similaire.
Bref, Loki connaissait la fierté de Thor vis-à-vis des cheveux de sa femme. Du coup, évidemment, le premier truc auquel il a pensé, c'est les couper. (Grosso modo, il l'a tondue à ras.) Et, après coup, quand Thor a menacé « le broyer » (adorable ce dieu de la foudre, nan ?), pour sauver sa peau, Loki a proposé de lui ramener une autre chevelure… en or massif, forgée chez les nains.
Bon. Ils l'ont fait. Ils ont forgé une chevelure à partir d'or, mais elle se comportait littéralement comme si elle était naturelle : elle poussait, elle flottait, elle était légère… bref, Sif s'en est au bout du compte bien tirée. (Elle en a eu pour quelques heures d'angoisse, tout au plus, avant d'avoir la perruque la plus classe des Neuf Mondes.)

Attention, digression supplémentaire. (J'ai trop envie de raconter ce passage XD)
Sauf que, évidemment, ça ne pouvait pas être aussi simple. Loki étant Loki, c'est-à-dire un chieur professionnel (c'est son métier, faut pas trop lui en vouloir), il a fait forger les cheveux – ainsi qu'un bateau magique pour Freyr et une lance pour Odin au passage – chez les fils d'Ivaldi (un quelconque nain du coin). Mais ensuite, il a décidé qu'aller agacer d'autres personnes, c'est cool. Du coup, il s'est ramené chez deux autres nains, Brokk et Eitri, leur a montré les trois objets magiques sublimes qui venaient d'être forgés chez les concurrents… et a parié sa tête que Brokk et Eitri n'arriveraient pas à surpasser ça. (*soupir*)
Du coup, on se retrouve avec Eitri à la forge, et Brokk au soufflet pour maintenir la chaleur. Pour être sûr de gagner, Loki se transforme en mouche, et vient piquer Brokk, qui tient bon. Eitri forge un sanglier pour Freyr (double remarque, pourquoi encore pour Freyr et pourquoi un SANGLIER ! Les sangliers, ça naît, ça ne se forge pas ! Pas vivants en tout cas. Oui, parce que la bestiole est vivante, derrière, of course.)
Le deuxième objet qu'Eitri forge, sans que Brokk ne cède à la douleur des piqûres et n'arrête d'actionner le soufflet – parce que le faire ne serait-ce qu'une seconde causerait évidemment des dommages irréparables – c'est un anneau pour Odin (Mon préééécieux… :twisted: ) (J'allais oublier, ENCORE Odin, évidemment, à croire qu'ils ne sont que quatre dieux dans le panthéon nordique… :roll: )
Pour le troisième objet – pour Thor, quelle surprise ! – Eitri forge un marteau. Sauf que cette fois-ci, Loki, décidé à aller jusqu'au bout, pique Brokk entre les paupières (aie), et celui-ci arrête d'actionner le soufflet un court instant. Du coup, le marteau est forgé, mais son manche est trop court par rapport à la moyenne.
Une fois devant le comité d'Ases censés évaluer l'utilité et la puissance des objets, la décision finale est que c'est le marteau le plus utile contre les géants du givre qui viennent essayer d'envahir Asgard une fois de temps en temps (c'est cool les guerres, ça garde la démographie sous contrôle :roll: ). Et du coup, Brokk a gagné le pari, et il réclame la tête de Loki. Forcément, Loki essaie de s'enfuir, mais Thor le rattrape pour qu'il honore son engagement. Au pied du mur, Loki fait remarquer qu'il a mis en jeu sa tête, et non son cou.
Au bout du compte, Brokk lui coud les lèvres, et se casse. Loki étant un dieu, ça ne l'empêchera pas de raconter beaucoup de merde plus tard (cf. la Lokasenna, dont il faut que je parle un jour).
Voilàà, fin de la digression. :mrgreen:
Dernière modification par vampiredelivres le jeu. 06 déc., 2018 2:44 pm, modifié 2 fois.
DanielPagés

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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par DanielPagés »

Mon dieu que j'aime la mythologie racontée comme ça !!! Tu es géniale, un vrai spectacle ! :D
Je ne fais que passer !
louji

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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par louji »

Hola, j'en connais une qui s'est amusée à écrire un pavé :lol:

J'ai tout lu, t'es très douée pour nous conter les événements, avec ta touche d'humour personnelle :D

Ecoute, cette histoire m'a bien fait rire (m'enfin, pour des veuchs quand même... :roll: ), et je comprends mieux certaines scènes de MC pour le coup ;)
N'hésite pas à nous raconter d'autres anecdotes comme celle-ci !


Je passe en coup de vent, il faut que j'aille réviser mon droit et ma socio (dans quelle filière je me suis embarquée... :roll: ), je passe lire le chapitre très bientôt !
vampiredelivres

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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par vampiredelivres »

#Daniel
Coucou toi ! :lol:
En vrai, j'ai limite couiné au milieu de l'amphi quand j'ai vu ton commentaire (en plein pendant un silence, of course), ça m'a fait vraiment plaisir que tu aimes bien ! J'ai hâte de te revoir dans le coin un jour ou l'autre ^-^

#louji
Totalement XD
Merci, je suis ravie que ça plaise. J'ai presque envie de faire un recueil Wattpad avec ce genre d'histoires, maintenant… :lol: Et du coup, Samirah qui se transforme en… taon (je crois ?) dans MC… Elle fait honneur à son papa :lol:
Ce sera avec plaisir, écoute, n'hésite pas à poser des questions s'il y a quelque chose qui te semble drôle/bizarre. Dans le pire des cas, ça m'obligera à faire des recherches ^-^
Courage !
Dernière modification par vampiredelivres le jeu. 31 mai, 2018 9:37 pm, modifié 1 fois.
louji

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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit :
#louji
Totalement XD
Merci, je suis ravie que ça plaise. J'ai presque envie de faire un recueil Wattpad avec ce genre d'histoires, maintenant… :lol: Et du coup, Samirah qui se transforme en… taon (je crois ?) dans MC… Elle fait honneur à son papa :lol:
Ce sera avec plaisir, écoute, n'hésite pas à poser des questions s'il y a quelque chose qui te semble drôle/bizarre. Dans le pire des cas, ça m'obligera à faire des recherches ^-^
Courage !
Gênant de couiner au milieu de l'amphi quand y'a un blanc... Ah les regards perplexes posés sur toi... :lol:

Bah oui, carrément, ça peut être fun ! Yep, pour faire honneur, elle fait honneur :lol:
Ça marche, j'hésiterais pas à demander :D

Courage à toi !
louji

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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki

Message par louji »

vampiredelivres a écrit :
CHAPITRE 9


Le reste de la journée s’écoula sans incident notable, à part quelques cris dans les couloirs, une douche glacée que j’estimai avoir peut-être méritée, même si je ne l’aurais admis pour rien au monde, et quelques plans de vengeance qui ne tardèrent pas à se concrétiser, tant de mon côté que de celui de mes adversaires. La Confrérie se divisait lentement, prenait parti d’un côté et de l’autre, les camps s’établissaient. Il n’avait fallu qu’une matinée et le passage furieux de Levi par une fenêtre de la cafétéria – raison pour laquelle je ne l’avais pas vu entrer depuis le secrétariat – pour indiquer qu’il n’y avait plus de milieu possible entre nous deux.
La haine tenace logée dans mon cœur, qui motivait chaque calcul, chaque nouvelle alliance, m’obligea, très brièvement, à me poser une question existentielle : qui détestais-je le plus, à l’heure actuelle, Levi, ou ce Kalyan ? Et la réponse ne tarda pas. Le second, je ne le connaissais pas, il n’avait rien fait d’autre qu’exécuter une mission. Même si sa mission était la mise à mort de mon mentor. Alors que le premier…
— On y va ?
La voix, mesurée mais narquoise, me tira bien vite de mes pensées. Je hochai la tête, sourire aux lèvres et, à pas de loup, me glissai dans le couloir en compagnie de Selvigia. Être silencieuses n’était pas vraiment nécessaire, puisqu’il n’y avait que nous à cet étage pour le moment, mais les habitudes de mission ne se perdaient pas. Nous obliquâmes à gauche.
Le manoir dans son ensemble était construit en une forme vaguement rectangulaire, mais le dernier étage formait un large U dont les branches étaient orientées vers le nord. Nos deux chambres étaient situées dans l’aile ouest, le sud était occupé par un grand salon réservé à l’Élite, et il y avait deux autres chambres à l’est. Adam était installé dans la première depuis maintenant seize ans, et la seconde avait été vidée à la mort d’Ekrest. C’était celle-ci qu’allait investir Levi. Outre le fait qu’il soit l’Élu – ce qui était déjà un affront considérable – la simple idée qu’il prenne en plus l’ancienne chambre de mon mentor m’horripilait.
Je laissai le scanner mural prendre mes empreintes digitales. Le voyant vira au vert, je me faufilai à l’intérieur, Selvigia à ma suite, refermai sans bruit.
La pièce, encore inhabitée, était déjà aménagée à l’image de toutes les autres de l’étage. Un lit simple, un bureau, une armoire et une commode en bois roux, des étagères blanches et un miroir. Selvie tendit la main vers la lampe au centre de la pièce, et un jet turquoise en jaillit. Il frappa l’objet, ne laissant aucune trace visible. Elle se dirigea vers l’interrupteur, le changea de position. Rien ne se passa. Elle ricana, mesquine. Je roulai des yeux.
— C’est bas de gamme, la tançai-je.
Elle me lança un simulacre de regard d’excuse. Je l’ignorai, m’avançai vers le lit, en retirai tout : draps, couvertures, oreillers. L’ensemble vola, pêle-même, par la fenêtre ouverte, vite suivi du matelas, qui s’écrasa cinq étages plus bas avec un choc sourd. Puis, j’agitai les doigts, et les lattes de bois disparurent, remplacées par l’illusion d’un matelas bien confortable. Un sourire mauvais éclaira mon visage. :arrow: C'est bas, les filles :lol:
Aidée par Selvie, je sortis ensuite tous les vêtements de l’armoire – pourquoi les garder là quand on avait un espace de stockage magique, la question demeurait entière – les déposai sur le sol en piles bien nettes, filai prendre un verre d’eau. En quelques allers-retours, nous arrosâmes copieusement les habits jusqu’à ce qu’ils soient totalement détrempés, puis les remîmes en place, couvrant au passage le parquet de flaques que je me contentai de contourner.
Ensuite, nous nous occupâmes ensemble de la salle de bains. Je dévissai légèrement le flexible de douche, intervertis par une illusion visuelle les couleurs, tandis que Selvigia se chargeait de démonter le siège de toilettes et d’inverser les tuyaux de la canalisation de façon à ce que l’eau remonte au lieu d’être aspirée. :arrow: Vous avez quel âge sérieux ? :lol: Je me demande si Levi a prévu des tours aussi mesquins à notre héroïne ? :roll:
— Depuis quand est :arrow: es ^^-tu plombière ? l’interrogeai-je entre deux éclats de rire.
— Ma mère réparait ce genre de trucs pour arrondir ses fins de mois. J’ai dû hériter d’elle…
Elle sourit à l’évocation de sa mère. Je faillis en faire autant, mais l’image de la mienne s’imprima dans mon esprit, étouffant la pique moqueuse que j’allais lancer. Je fermai brièvement les yeux, tentant de la chasser de ma tête.
Un sourire d’ange, des traits délicats, de longs cheveux noirs et lisses. Des yeux d’une couleur extraordinaire, une délicate nuance entre le rose et le mauve, seule marque du sang divin dans ses veines. Ses clins d’œil taquins, nos courses-poursuites dans la maison, nos rires et notre complicité inébranlable.
Quatre ans. Quatre petites années de bonheur intense, dont je me souvenais à peine, arrachées en une fraction de secondes. Quatre années de tranquillité discrète, réduites à néant en un éclair. Littéralement. Il n’y avait que les Thor pour faire tant de mal en si peu de temps, pour causer des dommages aussi permanents et détruire autant de vies.
Parce que nous n’étions pas seules, ce jour-là. Les cinq autres visages, mes cinq meilleurs amis de l’époque, étaient toujours aussi vivaces, quoi que j’essaie de faire pour les oublier. Je me mordis les lèvres, cillai, barricadant mon esprit contre ces intrus qui voulaient m’obliger à replonger des années en arrière. Je me forçai à les rejeter en bloc, malgré la douleur sourde qui persistait, m’aiguillait le cœur. La vision de cette après-midi-là disparut. :arrow: Pauvre Lily.... Je m'interroge toujours sur son âge ! Aller, 19 ?
— Ça va ?
L’inquiétude dans le ton de Selvigia et la préoccupation dans ses yeux, me secouèrent ; j’acquiesçai distraitement.
— T’inquiète.
Je lâchai le tuyau que, prise dans les réminiscences :arrow: Nooooon, je sors d'un semestre à étudier Proust, je ne veux plus voir ce mot :cry: ;-;, j’avais serré jusqu’à m’en faire blanchir les jointures. Puis, je pris une profonde inspiration.
— Viens, lui enjoignis-je, l’esprit encore ailleurs. On a presque fini.
Je revins dans la chambre, changeai distraitement les rideaux blancs unis en voiles roses à fleurs, fis de même pour les murs. De son côté, Selvigia était partie farfouiller dans la commode, et vu les bruits de verre s’entrechoquant, je préférai ne pas demander ce qu’elle faisait. Je me contentai de m’adosser au mur, contemplant notre œuvre. Levi allait nous détester. Me détester, plutôt. Mais ça en valait la peine.
Soudain, mon téléphone vibra dans mon espace magique :arrow: J'adore, je veux la même chose à Noël :lol: , deux fois d’affilée, à courts intervalles. Je fronçai les sourcils, le fis apparaître dans la paume de ma main. Deux messages de la part de Kaiser.
RDV 5h tapantes demain, nouvelle mission, et tu diriges la RMC.
Et règle Cobb avant ce soir, tu présides la cérémonie funéraire.

J’avalai difficilement ma salive en voyant « cérémonie funéraire », fermai les yeux. Il allait falloir que je l’accepte. Que je m’occupe de ses funérailles.
— Hé, Lily ?
— Mmhm ?
— Qu’est-ce qu’il y a ?
Je rouvris soudain les paupières, sentant une main sur mon épaule, fis face au regard inquisiteur et attristé de Selvigia. Ses mots de ce matin me revinrent, comme un coup de poignard dans le cœur, je détournai le regard.
— Rien… marmottai-je, peu convaincante. Tu as eu une nouvelle mission ?
— Non, pourquoi ?
— Ça te dit de venir avec moi demain ? On va leur rendre Séraphin.
L’enthousiasme que je feignais n’avait rien de naturel, et n’était pas voulu comme tel. La gorge nouée, je fis pivoter mon téléphone face à elle pour qu’elle puisse voir les messages. Elle hocha lentement la tête, me tira vers la porte avec douceur.
— Je me charge des équipes, fit-elle avec un sourire, va t’occuper de Séraphin.
Dans son regard turquoise, je déchiffrai sans mal le message. Lâche-toi sur lui, ça te calmera avant ce soir. J’acquiesçai, me laissai embarquer, m’arrêtai juste le temps d’effacer les traces de notre passage sur le serveur officiel. Je ne pouvais rien faire sur l’officieux, qui enregistrait tout – je n’étais pas Ekrest – mais cela ralentirait les premières recherches. Pas que Levi ne pense pas à moi directement lorsqu’il verrait l’état de sa chambre.
En descendant les escaliers, nous croisâmes Adam, qui venait en sens inverse. Je lui fis un sourire faussement affable, il me rendit un clin d’œil.
— Lily. Ça va ?
Je jetai un coup d’œil à mon téléphone pour voir l’heure.
— Ça va. C’était bon, ce midi ?
Il était quinze heures, et j’avais beau ne pas encore avoir mangé depuis ce matin, j’avais l’estomac noué depuis le message de Kaiser.
— J’avais plus faim.
Je haussai un sourcil. Adam, bon vivant et goinfre reconnu qu’il était, ne sautait jamais les repas. Jamais. Sauf si quelqu’un en particulier lui coupait l’appétit, et pour une fois, je n’eus pas de mal à deviner qui pouvait l’irriter à ce point, moi exclue.
— Levi est à la cafet’ ?
— Ouais.
— Je ne veux pas savoir ce qu’il s’y passe… soupirai-je.
Il ricana, narquois, mais dégoûté.
— Crois-moi, tu ne veux pas.
Ça, plus que quoi que ce soit d’autre, me prouva que j’avais vraiment besoin d’aller me lâcher sur Cobb.

— Bonjour mon ange !
Mon salut matinal un peu trop enjoué eut le mérite de faire bondir Séraphin hors de son lit. Je me tenais dans l’encadrement de la porte, griçant :arrow: Qu'est-ce que ce mot, je le connais point :lol: un sourire faussement gentil, alors que lui rattrappait apparemment des heures de sommeil perdues. À voir la lueur de peur s’allumer dans ses yeux dès qu’il me vit, j’eus presque pitié de lui. Presque. Voir cette expression était une forme de baume au cœur, à l’heure actuelle. Un baume cruel et sadique, mais un baume quand même.
Il se redressa péniblement, encore à moitié abruti de sommeil – état auquel je me promis de remédier au plus vite – mais déjà assez sur le qui-vive pour me demander :
— L’autre folle n’est pas là ?
Je secouai la tête, le menottai solidement – pas comme la dernière fois – et le conduisis dans une petite salle rouge, faisant au passage signe à un garde en faction.
Un mousqueton pendait du plafond, accroché à une chaîne. Pendant un instant, j’envisageai de le remplacer par un crochet et de pendre Séraphin dessus, comme un cochon à l’abattoir, mais l’idée s’en alla aussi vite qu’elle était venue, balayée par les conventions que j’étais censée respecter. S’il n’en avait tenu qu’à moi, j’aurais rendu aux Týr un cadavre pourri, enfermé entre six planches, surtout maintenant qu’Ekrest était parti. Mais je ne pouvais pas, parce qu’il fallait malgré tout respecter des normes. C’était ridicule : nous étions des mafieux, les hors-la-loi du monde mythologique, mais nous avions des codes de conduite.
Certes, je n’étais moi-même pas non plus dépourvue de principes, mais j’étais surtout partisanne du travail bien fait. Et travail bien fait rimait à exécutions quand il le fallait. Ceci dit, ce n’était plus de mon ressort.
Au lieu donc de le pendre par le col comme je l’aurais voulu, je me contentai d’accrocher le mousqueton à ses menottes. Séraphin se contorsionna, essayant probablement de se dégager, mais je le maintins en place le temps que le garde aille soulever un levier afin de faire remonter la chaîne. Les crissements aigus du métal s’enroulant sur une poulie vibrèrent dans l’air, je grimaçai.
Le brun :arrow: J'aurais mis une main à couper qu'il était blond :shock: se retrouva rapidement les pieds dans le vide, pieds que le Loki qui m’accompagnait s’empressa d’attacher au sol par une autre chaîne. Ensuite, il me consulta du regard.
— On le rend demain, glissai-je.
Mon demi-frère hocha la tête, puis fila hors de la pièce sans demander son reste. Je soufflai profondément, tenaillée par cette douleur sourde au creux de ma poitrine.
Aujourd’hui, ce n’étaient pas des réponses que je le voulais. Et Séraphin le vit, à l’instant où je me tournai pour lui faire réellement face. Il déglutit sans cacher sa terreur, tandis que j’ouvrais et fermais mes doigts pour les détendre, une boule amère au fond de la gorge.
— Pour ce que ça vaut, murmurai-je, à peine assez haut pour qu’il puisse m’entendre, je suis désolée que ce soit sur toi que ça tombe.
Lui ou un autre, le résultat aurait été le même. Mais, pendant un bref instant, l’épouvante dans ses yeux m’avait secouée. M’avait rappelée qu’un jour, j’avais aussi eu ce regard. Cette peur instinctive quand je ne savais pas ce qui allait arriver, quand, pour la première fois, j’avais été téléportée, juste après la mort de ma mère. Je me mordis les lèvres. Comme souvent, mes poings trouvèrent d’eux-mêmes le chemin, tandis que mon esprit dérivait.
Ekrest. Ce premier visage que j’avais vu, de l’autre côté de l’obscurité. Cette main tendue, qui m’avait permis de me relever, alors que je commençais lentement à réaliser que rien n’allait plus jamais être pareil. Et la première chose qu’il ait faite avait été de me serrer dans ses bras. Puis, de se tourner vers Kaiser, dans le bureau de laquelle je venais d’apparaître, et de lui dire « Je m’occupe d’elle ».
J’avais tout vu de lui. Ses facettes agréables comme les moments les moins sympathiques. Je l’avais vu souffrir en silence, je l’avais vu froid, presque inhumain, à l’approche du meurtre. Je l’avais vu comme mentor, je l’avais vu comme frère, presque comme père. Strict et exigeant, sévère et intraitable, mais pourtant si fier lorsque je réussissais. Cynique et indifférent, attentionné et protecteur. Une contradiction vivante, la plus belle qu’il m’ait été donné de rencontrer.
Les larmes de rage et de peine que je ne retenais plus, Cobb ne les voyait pas. S’il avait pu ouvrir son œil droit, il n’aurait rien distingué dans le flot de sang qui se déversait de son arcade sourcilière. Quant à la moitié gauche de son visage, elle enflait peu à peu, prenait déjà une teinte vaguement bleutée. D’ici quelques heures, elle oscillerait entre le violet et le noir. Ses bras étaient anormalement tordus, formaient des angles étranges, tant à cause de la chaîne que par ma faute, et il devait avoir une rotule éclatée, au moins, en plus de côtes en miettes. :arrow: Pouah, elle s'est lâchée... !
Lorsque je cessai de m’acharner, il émit un gémissement distant, sans que je puisse déterminer si c’était parce que j’entendais tout à travers un étrange brouillard, ou parce qu’il avait à peine la force d’émettre un son avec sa mâchoire défoncée. Je reculai de quelques pas, essuyai la sueur sur mon visage avec mes mains tachées d’écarlate, sortis de la pièce pour aller me laver. Quarante minutes venaient de s’écouler en un battement de paupières, je ne les avais pas vues passer. Il n’y avait plus qu’une chose dans mon esprit : la cérémonie qui approchait.
Je revins quelques minutes plus tard, ayant subtilement modifié mon apparence devant le miroir pour qu’on ne voie pas les sillons que les larmes avaient creusés sur mes joues ni mes yeux rougis et bouffis. J’étais trop anesthésiée pour réfléchir correctement, je ne songeai à rien en injectant un amnésique droit dans la jugulaire du fils de Týr. En soulevant une paupière, j’eus l’occasion de voir sa pupille se dilater, lentement manger son iris gris acier, alors que le produit faisait son effet et que son regard se troublait. D’ici quelques heures, Séraphin ne se souviendrait de rien à propos de son séjour ici, et les gardes s’occuperaient de l’amocher encore un peu, juste pour le mettre dans de bonnes dispositions avant son retour. Ce qu’il devenait, à partir de maintenant, ne me concernait plus, ou presque.

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Bouah, ce chapitre était... violent :lol:
Au début, j'étais pas fière de Lily, ça faisait vraiment petit, mais... c'est horriblement compréhensible XD La satisfaction de voir/savoir Levi "attaqué" par sa chambre x) En revanche, je flippe sincèrement pour les représailles qu'elle va subir... Je me demande si ça va pas avoir lieu pendant les funérailles ou sa nouvelle mission... On sent venir les choses, mais pas où, quand, comment... c'est frustrant :lol:

Le passage du souvenir d'Ekrest suivi du passage à tabac de Séraphin est intense et très bien écrit, bravo. On perçoit très bien les émotions de Lilith et, malgré la cruauté de ses actions, on compatit sincèrement pour elle.

Continue comme ça ;)
A bientôt :)
vampiredelivres

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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit :
CHAPITRE 9


Elle me lança un simulacre de regard d’excuse. Je l’ignorai, m’avançai vers le lit, en retirai tout : draps, couvertures, oreillers. L’ensemble vola, pêle-même, par la fenêtre ouverte, vite suivi du matelas, qui s’écrasa cinq étages plus bas avec un choc sourd. Puis, j’agitai les doigts, et les lattes de bois disparurent, remplacées par l’illusion d’un matelas bien confortable. Un sourire mauvais éclaira mon visage. :arrow: C'est bas, les filles :lol: :mrgreen:
Aidée par Selvie, je sortis ensuite tous les vêtements de l’armoire – pourquoi les garder là quand on avait un espace de stockage magique, la question demeurait entière – les déposai sur le sol en piles bien nettes, filai prendre un verre d’eau. En quelques allers-retours, nous arrosâmes copieusement les habits jusqu’à ce qu’ils soient totalement détrempés, puis les remîmes en place, couvrant au passage le parquet de flaques que je me contentai de contourner.
Ensuite, nous nous occupâmes ensemble de la salle de bains. Je dévissai légèrement le flexible de douche, intervertis par une illusion visuelle les couleurs, tandis que Selvigia se chargeait de démonter le siège de toilettes et d’inverser les tuyaux de la canalisation de façon à ce que l’eau remonte au lieu d’être aspirée. :arrow: Vous avez quel âge sérieux ? :lol: Je me demande si Levi a prévu des tours aussi mesquins à notre héroïne ? :roll: Je tiens à rappeler que Levi n'est pas mieux, il a envoyé quelqu'un balancer un seau d'eau sur Lily en plein milieu du couloir au début du chapitre XD Et puis, Lilith est une grosse gamine dans l'âme, elle n'a pas totalement grandi sur certains aspects et elle est très rancunière, quand elle veut. :lol:
— Depuis quand est :arrow: es ^^ Merci ;)-tu plombière ? l’interrogeai-je entre deux éclats de rire.

Parce que nous n’étions pas seules, ce jour-là. Les cinq autres visages, mes cinq meilleurs amis de l’époque, étaient toujours aussi vivaces, quoi que j’essaie de faire pour les oublier. Je me mordis les lèvres, cillai, barricadant mon esprit contre ces intrus qui voulaient m’obliger à replonger des années en arrière. Je me forçai à les rejeter en bloc, malgré la douleur sourde qui persistait, m’aiguillait le cœur. La vision de cette après-midi-là disparut. :arrow: Pauvre Lily.... Je m'interroge toujours sur son âge ! Aller, 19 ? Dans le mille ! :) (Remarque, faut pas faire des équas diffs pour le comprendre non plus (auto dérision / humour noir à l'approche des exas))
— Ça va ?
L’inquiétude dans le ton de Selvigia et la préoccupation dans ses yeux, me secouèrent ; j’acquiesçai distraitement.
— T’inquiète.
Je lâchai le tuyau que, prise dans les réminiscences :arrow: Nooooon, je sors d'un semestre à étudier Proust, je ne veux plus voir ce mot :cry: ;-; Aiie, je compatis… Mais je fais comme je peux avec les synonymes. =/, j’avais serré jusqu’à m’en faire blanchir les jointures. Puis, je pris une profonde inspiration.
— Viens, lui enjoignis-je, l’esprit encore ailleurs. On a presque fini.
Je revins dans la chambre, changeai distraitement les rideaux blancs unis en voiles roses à fleurs, fis de même pour les murs. De son côté, Selvigia était partie farfouiller dans la commode, et vu les bruits de verre s’entrechoquant, je préférai ne pas demander ce qu’elle faisait. Je me contentai de m’adosser au mur, contemplant notre œuvre. Levi allait nous détester. Me détester, plutôt. Mais ça en valait la peine.
Soudain, mon téléphone vibra dans mon espace magique :arrow: J'adore, je veux la même chose à Noël :lol: Crois-moi, moi aussi XD, deux fois d’affilée, à courts intervalles. Je fronçai les sourcils, le fis apparaître dans la paume de ma main. Deux messages de la part de Kaiser.

— Bonjour mon ange !
Mon salut matinal un peu trop enjoué eut le mérite de faire bondir Séraphin hors de son lit. Je me tenais dans l’encadrement de la porte, griçant :arrow: Qu'est-ce que ce mot, je le connais point :lol: Moi non plus… :? un sourire faussement gentil, alors que lui rattrappait apparemment des heures de sommeil perdues. À voir la lueur de peur s’allumer dans ses yeux dès qu’il me vit, j’eus presque pitié de lui. Presque. Voir cette expression était une forme de baume au cœur, à l’heure actuelle. Un baume cruel et sadique, mais un baume quand même.

Le brun :arrow: J'aurais mis une main à couper qu'il était blond :shock: Nope, Séraph et Adam sont bruns, Ekrest aussi (même si je ne l'ai pas encore décrit pour l'instant, il me semble), et Levi et un autre futur personnage sont blonds. ;) se retrouva rapidement les pieds dans le vide, pieds que le Loki qui m’accompagnait s’empressa d’attacher au sol par une autre chaîne. Ensuite, il me consulta du regard.

Les larmes de rage et de peine que je ne retenais plus, Cobb ne les voyait pas. S’il avait pu ouvrir son œil droit, il n’aurait rien distingué dans le flot de sang qui se déversait de son arcade sourcilière. Quant à la moitié gauche de son visage, elle enflait peu à peu, prenait déjà une teinte vaguement bleutée. D’ici quelques heures, elle oscillerait entre le violet et le noir. Ses bras étaient anormalement tordus, formaient des angles étranges, tant à cause de la chaîne que par ma faute, et il devait avoir une rotule éclatée, au moins, en plus de côtes en miettes. :arrow: Pouah, elle s'est lâchée... ! Juste un petit peu…
Lorsque je cessai de m’acharner, il émit un gémissement distant, sans que je puisse déterminer si c’était parce que j’entendais tout à travers un étrange brouillard, ou parce qu’il avait à peine la force d’émettre un son avec sa mâchoire défoncée. Je reculai de quelques pas, essuyai la sueur sur mon visage avec mes mains tachées d’écarlate, sortis de la pièce pour aller me laver. Quarante minutes venaient de s’écouler en un battement de paupières, je ne les avais pas vues passer. Il n’y avait plus qu’une chose dans mon esprit : la cérémonie qui approchait.
Je revins quelques minutes plus tard, ayant subtilement modifié mon apparence devant le miroir pour qu’on ne voie pas les sillons que les larmes avaient creusés sur mes joues ni mes yeux rougis et bouffis. J’étais trop anesthésiée pour réfléchir correctement, je ne songeai à rien en injectant un amnésique droit dans la jugulaire du fils de Týr. En soulevant une paupière, j’eus l’occasion de voir sa pupille se dilater, lentement manger son iris gris acier, alors que le produit faisait son effet et que son regard se troublait. D’ici quelques heures, Séraphin ne se souviendrait de rien à propos de son séjour ici, et les gardes s’occuperaient de l’amocher encore un peu, juste pour le mettre dans de bonnes dispositions avant son retour. Ce qu’il devenait, à partir de maintenant, ne me concernait plus, ou presque.

| † | † |
C'est toujours un peu mon angoisse principale, que Lilith paraisse tellement hors de la réalité, avec son univers et ses codes de conduite, qu'on ait du mal à comprendre ce qui la pousse à être aussi violente et à se vider autant sur son prisonnier. Après, voilà, elle n'est pas le genre de personnage à se rouler en boule et verser des torrents de larmes, on lui a donné d'autres exutoires pour évacuer le surplus d'émotions.
Héhé, Levi prend cher… mais je me dis que si tu trouves que ça c'était violent (Levi + Séraphin, quoique Levi, ça relève plus de la mauvaise blague), j'ai peur pour ton âme dans la seconde partie, parce que c'est franchement pas beau à voir… :twisted:
Breef. Il te reste trois chapitres avant que ça parte en cacahuètes, donc je vais me taire. :mrgreen:
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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit :
C'est toujours un peu mon angoisse principale, que Lilith paraisse tellement hors de la réalité, avec son univers et ses codes de conduite, qu'on ait du mal à comprendre ce qui la pousse à être aussi violente et à se vider autant sur son prisonnier. Après, voilà, elle n'est pas le genre de personnage à se rouler en boule et verser des torrents de larmes, on lui a donné d'autres exutoires pour évacuer le surplus d'émotions.
Héhé, Levi prend cher… mais je me dis que si tu trouves que ça c'était violent (Levi + Séraphin, quoique Levi, ça relève plus de la mauvaise blague), j'ai peur pour ton âme dans la seconde partie, parce que c'est franchement pas beau à voir… :twisted:
Breef. Il te reste trois chapitres avant que ça parte en cacahuètes, donc je vais me taire. :mrgreen:
- Brrr, les équations différentielles... C'est à ce moment-là que j'ai définitivement perdu la foi l'année dernière en bio :lol:
- Ah, yes ! :lol: (Ouais, bon, après tu as disséminé pas mal d'indices :roll: )
- Je te pardonne 8-) XD
- Bon bah j'ai rêvé XD Est-ce que ce serait pas le collègue de Séraphin que Lilith avait vu à Paris qui était blond (je remonte loin) ? XD

Bwa, on comprend, puis tu prends le temps d'installer l'ambiance du récit et du manoir, donc ce n'est pas comme si on n'avait pas été prévenus ^^
Oui, comme bastonner des hommes attachés :lol: :P
Mais qu'est-ce t'as prévu sérieux..? :lol:
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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par vampiredelivres »

— Elles sont mignonnes, les équas diffs… Sauf quand tu les résous sous forme de matrice, là ça devient l'horreur. (Merci mon prof d'algèbre qui s'est amusé à nous parler de ça pendant deux heures aujourd'hui… *soupir*)
— Quatre années de bonheur + quinze années de service (entraînement inclus) en tant qu'assassin, le ratio est déjà pourri de base. Et en sachant qu'elle est immortelle… :lol:
— Merci ! :)
— Yep, c'est lui ! Et, si tu fais gaffe, tu peux aussi le recroiser à un autre endroit ^-^

Bon, tu me rassures un peu…
Oui, elle est juste un touuut petit peu sadique sur les bords… :lol:
De la merde. Réponse simple et évidente. ;)
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Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki

Message par vampiredelivres »

CHAPITRE 10


Un vent froid, chargé d’iode, vint chatouiller mon visage, soulevant au passage des mèches de cheveux noirs pour les entraîner vers l’arrière. Le rugissement de la mer emplissait mes oreilles, bourdon constant rythmé par le va-et-vient des vagues qui venaient s’écraser sur les rochers, tandis que derrière moi, le portail émettait un doux crépitement. Mes bras nus étaient couverts de chair de poule, et c’était seulement par fierté que je ne claquais pas encore des dents. Je fis apparaître mon manteau en fourrure noire et cuir bouilli, l’enfilai en quatrième vitesse puis rabattis la capuche sur ma tête, avant de fouiller les poches à la recherche de mes gants.
J’étais déjà venue ici plusieurs fois, par principe, lors des cérémonies funéraires d’autres membres de la Confrérie, et la majeure partie du temps, il faisait plutôt beau. Mais pas aujourd’hui. Le ciel était couvert de nuages noirs, orageux et annonciateurs de pluie, et parfois, des grondements se faisaient entendre au loin. La mer semblait être faite d’acier liquide, sombre et agitée. Des gerbes d’écume jaillissaient à chaque fois que les hautes vagues s’écrasaient sur la roche. Je m’approchai encore davantage du bord, et un jet m’éclaboussa en plein visage. Je m’essuyai les yeux, fixai l’horizon encombré. Jusqu’à aujourd’hui, j’avais toujours été spectatrice à ces cérémonies.
Un crissement de pneus se fit entendre dans mon dos. Je me retournai. Une voiture venait de passer le grand portail de téléportation, une trentaine de mètres plus loin, traînant derrière elle un chariot couvert d’une bâche. Elle fit quelques embardées sur les pierres inégales, faillit coincer une roue dans une large fissure, mais réussit finalement à faire demi-tour, et à reculer jusqu’au bord de la rivière. Je m’approchai, aidai à enlever la toile bleue imperméable, et fis tomber la rampe du chariot. Derrière moi, le silence équivoque témoignait à la fois du recueillement et du respect pour celui que nous allions laisser partir aujourd’hui avec les honneurs accordés seulement aux plus grands combattants.
Je fermai les yeux brièvement, avec l’impression qu’on avait planté un couteau dans mon cœur et qu’on s’amusait maintenant à le retourner dans la plaie, tirai la barque mortuaire vers moi. Elle glissa avec légèreté sur le métal recouvert de plastique brillant, plongea dans l’eau glacée en m’aspergeant au passage. La corde qui la rattachait à la voiture se tendit brusquement lorsque le puissant courant attrapa l’esquifs et tenta de l’emmener. Un frisson courut le long de mon échine, je me penchai en avant pour sonder le contenu de l’embarcation.
Une boîte en bois, avec un intérieur de velours, que je n’eus pas besoin – ni envie – d’ouvrir. Les Thor ne nous avaient restitué d’Ekrest que les cendres grisâtres. Je me mordis les lèvres, continuai mon inspection. Une réplique de son épée favorite, ainsi que de son arc et de son carquois. Une armure en maille, quelques vêtements personnels retrouvés dans sa chambre. Un ordinateur portable et un téléphone – qui n’étaient pas les siens, mais laissés là pour la forme – et quelques lettres d’adieu venant d’amis proches. Pas la mienne. Je n’avais pas réussi.
On m’effleura l’épaule. Je pivotai vers Adam, qui me tendait un couteau rituel, à la lourde lame ornée de motifs runiques. Je m’en saisis comme dans un rêve. Il n’y avait plus aucune trace de moquerie ou de provocation dans son regard turquoise. En fait, il n’y avait rien. Pas de respect, pas de tristesse, pas de joie. Il n’était simplement pas là.
Aussi absente que lui, je reportai mes yeux sur la femme derrière lui, une humaine lambda d’une trentaine d’années, debout, à demi nue. Les bourrasques glaciales fouettaient les pans de sa fine robe blanche effilochée, soulevaient ses cheveux, mais ne parvenaient pas à faire monter un peu de couleur à ses joues pâles. Ses pupilles dilatées par la drogue mangeaient les trois quarts de ses iris chocolat et, malgré la lame que je tenais fermement dans le creux de ma paume, elle s’avança spontanément vers moi, un sourire distant aux lèvres.
De ma main libre, je la saisis à la base de la nuque, griffant sa chair de mes ongles, l’obligeai à se pencher au-dessus de la barque. Elle gémit instinctivement, mais ne broncha pas lorsque le fil aiguisé s’approcha de son cou. Son sang gicla à flots bouillants dans la rivière, ses commissures s’étirèrent en un rictus béat qui illumina son visage quand elle tomba à genoux, déversant son hémoglobine dans le lac écarlate au fond de la barque. Debout derrière moi, Kaiser parlait, rendait honneur à nu prodigieux combattant tombé trop tôt. Sa voix, ferme mais distante, ne me parvenait qu’au travers d’un brouillard cotonneux.
Une fois l’humaine vidée de son sang, je l’allongeai avec précaution au fond de l’embarcation. Une pointe d’envie morbide étreignait mon cœur. Elle au moins serait avec Ekrest au Helheim. Elle y serait sa tara, le servirait là-bas jusqu’au Ragnarök, jusqu’à ce que je le retrouve moi aussi sur la plaine d’Idavoll pour l’ultime combat. Mais jusque là, je devais rester ici pour perpétuer son œuvre. Lutter, encore et toujours, pour protéger ma famille, faire en sorte que les Æsir cessent de nous décimer. Mais pour ça, il fallait que je prenne la relève.
Il n’y avait qu’une trentaine de mètres, et la barque portée par courant de la rivière plongerait dans une mer déchaînée. Juste une petite trentaine de mètres, et il partirait définitivement.
Sauf que je n’arrivais pas à trancher la corde. Je n’arrivais pas à lui dire adieu.
Dents serrées, poing crispé sur la dague levée au-dessus du lien, souffrant comme si on m’éventrait, je repoussai furieusement les larmes. Son visage dansait devant mes paupières fermées, ses yeux turquoise me souriaient discrètement, partagés comme souvent entre sérieux et affection. Lâche prise, m’aurait-il dit.
Un bref instant, son odeur fauve sembla m’envelopper, charriée par le vent glacé. Elle disparut aussi vite qu’elle était venue, mais cela avait suffi. Le choc, la douleur, la tristesse, me firent baisser la main d’un seul coup. Les flots tumultueux happèrent la barque, l’emportèrent comme un fétu de paille. Je fis un pas, un seul, pour courir à sa poursuite, me mordis les lèvres, m’immobilisai, alors qu’elle filait vers le large.
Les premières larmes coulèrent sans que je ne puisse plus les réprimer. Raide, immobile, j’observai l’esquif qui, portée par le courant, s’enfonçait dans la mer glacée, s’éloignait vers le large.
Selvigia se glissa derrière moi, me tendit un arc avec une flèche déjà encochée. Je le pris presque automatiquement, sans réfléchir, approchai le pic enduit d’huile de la flamme que ma sœur avait créée entre ses mains. La pointe s’embrasa immédiatement, je bandai mon arc, fermai encore une fois les yeux, doutant soudain d’en être capable. Mes mains tremblotaient au rythme de mes battements de cœur erratiques, j’avais le souffle court. Mais c’était à moi de le faire. C’était lui qui m’avait aidée, c’était de moi qu’il avait été le plus proche. C’était grâce à lui que j’étais devenue celle que j’étais aujourd’hui. Je lui devais tout ; je n’avais pas le droit de le laisser tomber maintenant.
Malgré les larmes qui dévalaient mes joues et la douleur aiguë qui me vrillait la poitrine, je me forçai à stabiliser ma respiration. Que les autres me voient ainsi n’avait plus d’importance. Je me mordis les lèvres, exhalai un souffle haché, tremblant, reculai encore un peu plus mon bras, jusqu’à ce que l’arc sportif paraisse sur le point de se briser.
Lever. Viser.
Lâcher prise.
La flèche dessina une parabole orangée dans le ciel gris, et se planta au centre de la barque. Les flammes prirent presque instantanément, gagnèrent l’ensemble de la structure en une fraction de secondes. Je lâchai l’arc presque sans m’en rendre compte, les yeux fichés sur le feu qui consumait ce qu’il restait de mon mentor. Brièvement, dans la fumée, je crus voir la silhouette familière se dresser sur le pont, me fixer droit dans les yeux. Mais elle disparut aussi vite qu’elle était venue lorsqu’une langue de feu s’éleva à cet endroit, haute et claire.
Instinctivement, sans même songer à la cérémonie, je me métamorphosai en corbeau. La cinquantaine de personnes qui étaient venues assister avec moi au départ d’Ekrest d’Aube-Court suivirent le mouvement, et ce fut un vol d’oiseaux noirs qui vint tournoyer autour de la barque, accompagnant son départ alors qu’elle se calcinait lentement. Durant ces quelques heures où je m’éloignai de la rive, portée par les courants d’air tumultueux, je m’abandonnai à ma forme animale comme jamais auparavant. Les émotions humaines s’estompaient ; être corbeau m’empêchait de ressentir, de souffrir. Je me laissais entraîner par la horde, par mes réflexes d’oiseau, par la peine diffuse qui accompagnait chacun de mes battements d’aile.

La nuit tomba et les autres partirent avant que les dernières flammes ne s’éteignent. Je fus la dernière à rester, la dernière à rejoindre la berge pour observer ce petit point lumineux qui semblait vouloir défier les étoiles. À nouveau, les larmes coulèrent. Silencieuses, sans hoquets, sans tremblements. Il n’y avait plus personne, à part un portail ouvert qui attendait mon retour. J’étais debout sur un rocher en marge du monde, seule.
Ekrest était parti.
Je reniflai, essuyai mon nez dans ma manche sans aucune grâce, m’allongeai sur le sol rocheux et humide. Dans cette région éloignée de tout, aucune pollution n’obscurcissait le ciel. Au travers des nuages troués, les étoiles scintillaient comme des diamants, froides et distantes.
Une faible secousse ébranla brièvement le sol, à peine perceptible. Je cillai, regard tourné vers la voûte céleste, guettant le moindre signe d’une présence fantôme. Est-ce que mon père me voyait, malgré son emprisonnement ? J’aurais voulu qu’il soit là, qu’il me dise ce qu’il pensait réellement de moi. Étais-je juste un pion ? Ekrest l’avait-il été aussi ? N’étions nous que des figurines dans une partie d’échecs géante, sur laquelle nous n’avions aucune prise ?
Je formulai mes questions à voix basse, dans un souffle rauque. Pas en silence, mais presque.
Bien sûr, personne ne me répondit.

| † | † |

<= Un peu plus court que d'habitude, peut-être, assez déprimant (mon état d'esprit à l'approche des exas, peut-être ? :lol: ), transition avant la ligne droite vers la partie II (bordel j'ai hâte XD)
Dernière modification par vampiredelivres le ven. 06 mars, 2020 8:47 pm, modifié 4 fois.
louji

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Re: Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki [Fantasy / Action / Espionnage / Mythologie]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit :— Elles sont mignonnes, les équas diffs… Sauf quand tu les résous sous forme de matrice, là ça devient l'horreur. (Merci mon prof d'algèbre qui s'est amusé à nous parler de ça pendant deux heures aujourd'hui… *soupir*)
— Quatre années de bonheur + quinze années de service (entraînement inclus) en tant qu'assassin, le ratio est déjà pourri de base. Et en sachant qu'elle est immortelle… :lol:
— Merci ! :)
— Yep, c'est lui ! Et, si tu fais gaffe, tu peux aussi le recroiser à un autre endroit ^-^

Bon, tu me rassures un peu…
Oui, elle est juste un touuut petit peu sadique sur les bords… :lol:
De la merde. Réponse simple et évidente. ;)
- J'ai jamais suivi le CM de maths (plus occupée à mater des séries ou à lire :roll: ) donc je reconnais ne pas avoir retenu grand-chose de mon programme de maths de l'année dernière XD Oula, ma pauvre, je veux bien te croire :cry:
- Ah, elle est immortelle ? Je savais pas ! Tous les demi-dieux le sont ? :)

Comment ça de la merde ? x) Rho, bordel x)
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