Il regardait le chaos se déchaîner sur terre depuis sa salle de trône. Depuis quelque temps, il était pensif. Ses conseillers n'arrivaient plus à lui faire entendre raison. Car Il avait fait son choix. Car Il savait que tous ses enfants avaient besoin de lui, à présent.
Quelle horrible erreur avait-il fait en laissant Mélinda continuer son carnage sur Terre. Il savait qu'il aurait dû agir plus tôt, avant qu'elle ne tue la plupart des siens. Mais ses conseillers lui avaient dit d'attendre, que quelqu'un arriverait à la stopper.
Il s'était alors dit que si quelqu'un y arrivait, c'était bien eux, les Gardiens. Malheureusement, ses enfants n'étaient plus aussi forts qu'avant. Les nombreuses batailles et pertes qu'ils avaient menées les avaient achevés. Ils étaient fatigués de se battre et d'enterrer leurs amis.
Maintenant, il était temps. Temps pour Lui de rectifier ses torts.
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Quelques mois auparavant *Skye*...
Nous creusions depuis des heures dans le jardin du Manoir. Les tombes s’étalaient sur des centaines de mètres et nous avions encore beaucoup trop de corps à enterrer. Les nôtres et ceux aussi de nos ennemis. Car bien entendu, Mélinda ne nettoyait jamais derrière elle. Elle laissait les corps de ses guerriers pourrir et être mangés par des corbeaux sans remords. Nous, nous ne pouvions fermer les yeux sur cela.
J'essuyai d'un revers de la main ma sueur tout en jetant un coup d’œil à mon compagnon, Jason. Il devenait las et chaque jour à rester ici, je le perdais un peu plus.
J'avais mal. Mal de le voir ainsi depuis le "Songe". Comment une seule personne pouvait détruire autant de vies ?
Je soupirai et me remis au travail.
Je me souvenais encore de notre arrivée ici, ainsi que de la petite sortie shopping que nous avions fait. Quel bonheur ! Nous pensions réellement qu'une fois ici, près des trois sorcières de Salem, nous avions dépassé les morts et les batailles. Le Conseil aussi pensait la même chose. Sauf que tout l'inverse de nos espérances se produisit.
Quelques semaines après notre arrivée, Mélinda était venue toquer à la porte du Manoir, seule et sale. Elle a réclamé le droit d'asile auprès de ses "sœurs", invoquant une ancienne loi datant d'une époque lointaine pour que personne ne puisse toucher un seul de ses cheveux. Les trois femmes n'ont pas eu d'autre choix que d'accueillir (bras ouverts ? certainement pas) Mélinda chez elles, avec nous. Elle s'est faite discrète au début. Malgré les nombreuses tentatives de notre part pour la tuer, les trois sorcières nous repoussaient toujours. Je leur en avais longtemps voulu de ne pas nous laisser faire. Car après tout, nous avions été tant blessés par sa faute. Mais ma haine fut vite oubliée quand une masse de corps avaient fondu sur le manoir, criant à l'appel du sang.
Nous nous étions tous demandés qui ils étaient et la réponse de Mélinda arriva très vite.
Son ancienne armée, qu'elle avait rassemblée dans sa quête de s'emparer du monde, s'était à présent retournée contre elle. Pourquoi ? Parce qu'elle leur avait promis le pouvoir absolu, la richesse, le monde... Et qu'ont-ils réellement eu ? Des morts, des représailles mais aucun pouvoir divin.
Notre guerre contre eux fut longue et terrible. Ils étaient tellement nombreux que nous avons perdu bien trop des nôtres. Cette bataille fut la plus terrible de toutes.
- Allons-nous un jour pouvoir voir la lumière un jour ? avais-je soufflé à mon compagnon alors que nous nous reposions quelques heures.
Il ne m'avait rien répondu. Je crois que d'une certaine façon, il m'en voulait. Que tout notre malheur était de ma faute, selon lui. Du moins, c'était ce que je ressentais.
Nous avons combattu des semaines entières avant d'en finir. Nous n'étions plus beaucoup, quelques survivants et rien de plus. Car oui, nous étions à présent plus que des survivants.
Évidemment, Mélinda était toujours vivante. Elle réussissait toujours à survivre. Je l'enviais car beaucoup de mes amis avaient péri dans cette bataille par sa faute.
- Partons, enfuyons-nous quelque part, rien que tous les deux.
Je l'avais pratiquement supplié ce jour-là. J'avais fait ma part du marché, comme nous tous d'ailleurs. J'avais repoussé les assaillants, pris le risque de mourir pour le Conseil. J'avais à présent le droit de sauver mon couple.
Il n'avait rien répondu. Je ne devais plus être surprise maintenant mais ça faisait toujours aussi mal. Une larme avait roulé sur ma joue et je l'avais vite essuyée. Mon homme était parti. Et j'avais peu d'espoirs pour le retrouver.
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Mélinda lui faisait face. Comme tous, elle ignorait qui se tenait devant elle mais son sourire suffisant s'était vite terni quand Il avait pris la parole.
- Je t'ai observé, Mélinda. J'ai vu en toi tellement de pouvoirs que j'en aie été ébloui. Tu étais l'une de mes plus belles réussites. Malheureusement, il a fallu que tu en veilles plus.
Il soupira et haussa les épaules, résigné. Quel gâchis, pensa-t-il.
- Tu aurais pu faire tellement de choses.
Elle le regarda, fascinée par tant de beauté à l'état brut et tant de pouvoir. Il émanait de Lui quelque chose d'ancien. Et de terrifiant.
- Qui êtes-vous ? souffla-t-elle.
- Qui je suis ?! répéta-t-Il en riant.
Il s'approcha d'elle, le regard dur et impitoyable.
- Je suis le Premier. Celui qui a conquis le monde avant même qu'on ne découvre le feu. Et je vous ai tout donné, tout !
Il semblait agacé, dégoûté et résigné à cet instant. Car malgré les fautes de Mélinda, elle restait Son enfant.
- Je vous ai rendu plus forts, plus Grands. Vous aviez la magie ou l'animal ou l'éternité. Vous étiez tellement plus parfaits que les humains. Mais vous êtes aussi faibles qu'eux.
<< Vous commentez toujours les mêmes erreurs. Vous vous auto-détruisez au lieu de vous allier. Vous auriez tellement pu faire de grandes choses. Au lieu de ça...
Il secoua la tête sans achever sa phrase.
- Tu as fait beaucoup de mal ici, Mélinda. Pour une simple amourette, pour une simple revanche. Je suis tellement déçu.
Il posa sa main droite sur la joue droite de Sa fille. Il lui sourit, comme un sourire d'adieu.
- N'aie crainte, mon enfant. Là où tu iras, ta haine et tristesse ne seront plus.
Et là, il se pencha et baisa son front. Mélinda eut un mouvement de recul mais Il la tenait fermement contre lui tandis qu'il aspirait doucement la vie de son corps.
Un hurlement résonna longuement dans la ruelle. Une femme venait de trouver le corps sans vie de Mélinda et tenta, de toutes ses forces, de la réanimer. En vain.
Mais Lui, Il avait disparu. Il était reparti dans son Royaume. Après tout, Il avait fait ce qu'il fallait.
À présent, c'était à Ses enfants de faire le rester.
À savoir, se reconstruire.
