S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult / Contemporain / Action]

Postez ici tous vos écrits qui se découpent en plusieurs parties !

Vous lisez cette histoire ? Donnez-moi votre retour ! ♥

J'adore
2
100%
J'aime beaucoup
0
Aucun vote
J'aime bien
0
Aucun vote
J'ai bien aimé mais pas continué
0
Aucun vote
Je n'ai pas accroché
0
Aucun vote
 
Nombre total de votes : 2
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
http://tworzymyatmosfere.pl/poszewki-jedwabne-na-poduszki/
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

- Chapitre 13 -



Mercredi 5 octobre 2022, Dourney, Modros, Californie, États-Unis d’Amérique.


Ethan observait ses élèves courir sur le stade d’athlétisme quand une ombre se glissa derrière lui. M. Cross le dépassait d’un ou deux centimètres seulement, mais il en imposait surtout grâce à ses épaules larges et son aura menaçante. Même si Ethan était aujourd’hui son collègue, il avait parfois l’impression de redevenir l’adolescent insolent que M. Cross avait plus d’une fois corrigé.
— Alors ? lança le prof d’un ton bourru sans même le saluer. Tu t’en sors ?
Les mercredi, la classe de 5ème année d’Ethan et celle de 6ème année de Manuel Cross s’entraînaient en même temps au stade d’athlétisme. Le professeurs en profitaient pour échanger sur les progrès de leurs classes respectives et croisaient leurs élèves pour leur permettre de faire face à de nouveaux adversaires.
— Eh bien, souffla Ethan en observant sa vingtaine d’étudiants en action, pas trop mal je crois. Les Réguliers et les Boursiers se sont pas encore étripés, ils commencent enfin à s’entraîner en autonomie et ils ont hâte de passer à du plus concret.
Une esquisse de sourire étira les lèvres minces de M. Cross.
— Si tu es meilleur prof qu’élève, c’est le principal.
Ethan accepta la pique de bonne grâce et ricana tout bas. Son collègue l’observa brièvement avant de lâcher :
— J’aurais jamais parié sur toi, honnêtement. Peut-être sur ton frère. Il était méthodique, patient et il faisait du tutorat. Mais les surprises arrivent et c’est pas plus mal.
M. Cross ne manqua pas la façon dont les épaules de son cadet se raidirent à la mention d’Edward. Pourtant, il enchaîna de la même voix inflexible :
— Tu as des nouvelles, d’ailleurs ? Je sais qu’il a rejoint la Ghost Society après son diplôme, mais je me suis toujours demandé ce qu’il faisait là-bas.
— Je ne suis plus en contact avec lui, Manuel.
L’intéressé plissa les yeux et se laissa tomber sur une chaise en plastique qu’il trimballait toujours avec lui. Ses bras costauds croisés sur la poitrine, il gronda tout bas :
— Ethan, j’ai discuté avec M. Scott. Le directeur m’a expliqué ce qui s’est passé avec Jeremy. (Face au regard irrité que lui jeta Ethan en retour, le professeur durcit son ton : ) Tu l’as peut-être oublié, mais il a été mon élève pendant deux mois. Et un de mes élèves qui disparaît du jour au lendemain, ça me fait tiquer. Évidemment que j’allais me renseigner. Encore plus si les Sybaris étaient impliqués.
— Ne dites pas leur nom, siffla Ethan en zieutant nerveusement autour de lui. Si j’ai changé de nom et si je m’interdis d’être proche de Thalia ou de Jeremy au sein de l’École, ce n’est pas pour rien. Je ne veux pas qu’on connaisse mon lien avec Alexia. Et je veux que mes enfants soient tranquilles.
Agacé, M. Cross secoua doucement la tête avant de planter le regard sur un groupe d’adolescents qui couraient ensemble sur la piste.
— Ethan, tu ne peux pas être naïf à ce point. Des gens finiront par faire le rapprochement. Et si tu veux protéger tes enfants des Sybaris, tu ferais mieux de savoir quels prochains coups ils prévoient. Ignorer volontairement ton frère revient à te tirer une balle dans le pied.
Les trapèzes contractés d’Ethan lui endolorissaient les cervicales. Il n’avait sûrement pas prévu de discuter de sa famille maternelle aujourd’hui. Encore moins avec M. Cross. Il s’efforça pourtant de repousser sa première réaction instinctive – nier tout en bloc, refuser d’y penser – et marmonna :
— Je ne vois pas comment je pourrais m’entendre avec Edward. Il y a deux ans de ça, j’avais déjà de gros différends avec lui. Aujourd’hui ? je ne lui pardonnerai jamais pour ce qu’il a fait à Maria et à nos enfants.
— J’en conviens, Ethan. Je te suggère simplement d’assurer tes arrières pour t’éviter le même genre de drame qu’il y a deux ans. Sincèrement, reprends contact avec Edward. Essaie de comprendre ce qui l’a motivé. Tu pourras sûrement mieux prévoir ses prochaines décisions.
Ethan se tourna vers son collègue, crispé. Il aurait aimé rejeter sa proposition comme on ignore un mégot écrasé au bas du caniveau. Une vision gênante sur l’instant, mais oubliée dans la seconde qui suit. Malgré tout, les minutes s’égrenaient et Ethan ne pouvait plus que penser à son frère. Penser à leurs séparations, leur rancœur, leurs espoirs déchirés.
Il n’avait plus jamais appelé Edward depuis ce coup de fil amer qu’ils avaient échangé après que Jim avait rejoint son oncle. Pourquoi l’aurait-il fait ? Ce n’était pas un échange téléphonique qui aurait réglé la situation. Et, aujourd’hui, Ethan n’avait plus aucune envie d’entendre parler d’Ed. Leur histoire commune n’avait pas l’air de pouvoir se dérouler sans se teinter de drame.

— Ho-oh.
La remarque de M. Cross, mélange d’amusement et d’agacement, extirpa Ethan de ses songes. Il dévisagea son collègue d’un air interrogateur avant de comprendre que ce n’était pas vraiment à lui qu’il s’adressait. Après avoir suivi son regard, Ethan fronça les sourcils et jura entre ses dents.
Sur la piste, deux groupes de sa classe s’étaient approchés et se bousculaient. Ce n’étaient pour l’instant que des provocations ponctuées d’insultes et des corps qu’on repousse dédaigneusement. Ethan craignait que la situation dégénère rapidement.
— Ça suffit ! lança-t-il en accourant près de la dizaine d’élèves. Qu’est-ce qui se passe ?
L’adrénaline qui fusait dans les veines d’Ethan s’épaissit de crainte en constatant que son fils faisait partie des élèves directement impliqués. À ses côtés, Ryusuke et Valentina faisaient face à Emily et Hugo. Ce dernier se frottait le genou en grimaçant.
— Cet espèce de sauvage m’a foncé dessus, expliqua Hugo en indiquant Jim d’un coup de menton. J’ai glissé et je me suis blessé.
— Je t’ai pas vu arriver, répliqua fermement Jeremy. T’as dévié de ta ligne sans prévenir. Je pouvais pas me téléporter pour t’éviter, abruti.
Ethan poussa gentiment une élève de côté pour s’interposer entre les deux groupes. Il craignait qu’ils en viennent rapidement aux mains.
— Ça suffit, lâcha-t-il d’un ton ferme. Vous retournez tous à votre entraînement.
— Vous dites rien à propos des insultes ? sourcilla Hugo avec un rire incrédule.
— Tu viens de le traiter de sauvage, intervint Tess, la dernière arrivée dans leur classe.
Ethan éprouva un vague sentiment d’absurdité alors qu’il proférait des banalités dans l’espoir de calmer les deux groupes d’élèves opposés. Son propre fils était en train de se faire insulter, provoquer et…
— Cowell, lança M. Cross dans son dos. Je t’ai vu te déporter sur la ligne de Wayne sans prévenir. Il t’a foncé dedans, mais c’était involontaire. Fin du problème.
Son intonation péremptoire fit taire l’ensemble des élèves ainsi que la petite voix dans l’esprit d’Ethan.
— Vous prenez son parti, m’sieur, lança Hugo en toisant M. Cross.
— Je prends le parti de personne. Je traite mes élèves équitablement. Ça doit te faire bizarre, Cowell, mais c’est comme ça. Reprenez l’entraînement, bande de dindes.
Les élèves grommelèrent, se jetèrent des regards noirs, mais finirent par rejoindre la piste. Ethan retint Hugo par l’épaule puis lui indiqua son survêtement poussiéreux.
— Tu veux que je regarde ton genou ?
— Non, c’est bon, j’ai pas mal. Mais merci.
Sans s’attarder plus longtemps, Hugo chassa ses mèches noires en arrière et suivit Emily sur la piste d’athlétisme. Ethan le considéra d’un air perplexe. S’il n’avait pas vraiment mal, pourquoi en avait-il fait tout un plat ?
— Tu géreras mieux la prochaine fois, souffla M. Cross en s’approchant de lui.
— Ils me respectent pas encore complètement, soupira Ethan avec un sourire gêné. Est-ce que je joue trop au prof sympa avec eux ?
— Sûrement. Ils sont pas habitués aux profs détente comme toi. La plupart des enseignants recrutés ici la jouent à la dure, même si on veut tous la réussite de nos élèves au fond.
— J’arrive pas à être sévère, avoua Ethan d’une voix légère. Ce sont des gamins, ils ont besoin d’être encadrés et écoutés, mais je suis pas d’accord avec la sévérité ou la rudesse. Ça a jamais marché avec moi, en tout cas.
Pensif, M. Cross considéra son collègue sans manifester d’émotion. Après quelques secondes, il lâcha :
— Fais comme tu le sens, Ethan. C’est ta première année en tant que prof à temps complet. Tu peux bien tester différentes méthodes. (Tout en se rasseyant, il indiqua la classe de 5ème année.) Garde quand même à l’œil tes Réguliers et tes Boursiers. C’est encore bien tendu.
— Je sais bien, grommela Ethan en se renfrognant. Mais ce serait moins compliqué si Jeremy était pas impliqué. Je veux surtout pas qu’on m’accuse de favoritisme.
— Je comprends, mais fais gaffe à pas tendre à l’inverse et à être trop clément avec les Réguliers.
Morose, Ethan préféra garder le silence. Il observa son fils qui courait au loin, le cœur lourd. Ce n’était pas facile de recoller les pots cassés après dix ans de séparation. Ça l’était encore moins quand il devait imposer une distance alors qu’ils se côtoyaient plusieurs heures par jour.

Tess avait pris l’habitude de manger avec le groupe d’amis de sa binôme. Les premiers jours, elle s’était assise à la table de sa cousine, Trice, mais cette dernière l’avait incitée à faire connaissance avec les amis de Valentina. En un mois de cours, elle s’était facilement incluse dans leur groupe.
Valentina lui plaisait pour sa simplicité et son caractère spontané. Tess partageait avec Kaya le goût des piques acérées et avec Jim le dédain pour les élèves comme Hugo. Ryusuke était suffisamment ouvert et curieux pour échanger avec elle sur des dizaines de sujets différents. Quant à Jason, il jouait dans le même groupe que sa cousine Trice.
Comme ils venaient d’aborder le sujet des Intouchables entre deux bouchées de pâtes, ils se turent à l’approche des professeurs. Ces derniers profitaient d’un espace dédié au fond de la cantine, mais devaient passer entre quelques rangées de table pour y accéder. Comme Jeremy lorgnait vers le groupe de profs, Tess fit teinter sa fourchette contre son verre.
— Quoi ?
— Y’a un truc que je voulais te demander. (Face à sa moue curieuse, elle s’éclaircit la gorge et enchaîna d’une voix incertaine : ) Tu le connais, notre prof ?
— Lequel ? On en a plein, ricana-t-il avant d’enfourner une dose de pâtes bien trop importante.
— M. Hunt.
Comme Jim était encore en train de mâcher, il se contenta de froncer les sourcils. À la gauche de Tess, Valentina retint un rire. Sous l’air méfiant de Tess, ses camarades échangèrent des regards vaguement amusés.
— Pourquoi tu demandes ça ? marmonna Jim une fois sa bouchée de pâtes avalée.
— Ben… me prends pas pour une folle, hein, mais je trouve que vous vous ressemblez.
Alors que Jeremy roulait des yeux, Ryu ne put s’empêcher de rire franchement. Vexée, Tess croisa les bras et gronda tout bas :
— Bon, vous crachez le morceau ?
— Tess, t’es pas hyper physionomiste, fit remarquer Tina avec un sourire.
— Quoi ? Tu trouves pas qu’il lui ressemble ?
Comme ses camarades esquissaient des rictus narquois, Tess donna un petit coup de pied à Jim sous la table. Après avoir couiné de douleur, il balança un regard noir à son amie.
— Eh, ça va pas ?! J’ai rien dit, moi.
— C’est bien le problème, troufion.
— Ben j’en sais rien si je lui ressemble. Je suppose que oui, tout le monde me le dit.
— Tu réponds toujours pas à ma question, soupira Tess en reposant ses couverts.
— Mais oui, on se connaît, grommela Jeremy d’un ton agacé. C’est mon père.
Face à l’air hébété de Tess, Ryusuke rit de plus belle. Comprenant que tout leur groupe était au courant sauf elle, Tess fit la moue. Une fois que ses camarades eurent fini de rire, elle grogna :
— Tu comptais me le dire, un jour ?
— Désolé, souffla Jim d’une voix contrite. C’est juste que je veux pas que les gens savent. Tu peux éviter de le dire à tout le monde, s’te plaît ?
— Bah pourquoi ? Vous vous entendez pas ? (Avant que Jim puisse répondre, elle enchaîna d’un ton étonné : ) Oh, c’est pour ça qu’il prend même pas ta défense face à Hugo et compagnie ?
Les traits de son interlocuteur se froissèrent. Tess grimaça et se tortilla sur sa chaise.
— Désolée, c’est sorti tout seul. Je m’entends tellement bien avec mon père que ça me semble inconcevable de rester de marbre dans une situation pareille.
— C’est plus compliqué, marmotta Jeremy en touillant ses pâtes, l’appétit coupé. Mais pour faire simple, je veux pas qu’on pense que je suis favorisé.
Un silence embarrassé s’était installé sur le groupe. Consciente qu’elle en était à l’origine, Tess se redressa et souffla :
— Merde, je voulais pas plomber l’ambiance. C’est juste que je sentais qu’il y avait un truc et je voulais être sûre avant de dire n’importe quoi. Mais je dirai rien, promis, Jim.
Celui-ci esquissa un faible sourire en reposant sa fourchette, incapable de finir son assiette.
— J’aurais dû te le dire avant. Ça fait un mois qu’on traîne ensemble. Je savais juste pas comment aborder le sujet. C’est un peu bizarre d’avoir un parent comme prof. J’arrive pas à lui dire « monsieur », ça me donne envie de crever.
Comme ses amis riaient, il ajouta plus sombrement :
— Mais, ouais, c’est pas drôle quand il prend pas ma défense alors que les Intouchables me provoquent exprès. Mais c’est comme ça. On est d’accord tous les deux pour dire que c’est le mieux.
— Je comprends. C’est dommage, ton père a l’air sympa, au fond.
Comme Jeremy ne disait rien, les yeux dans le vague, Ryu répondit à sa place avec un sourire tranquille :
— Il l’est. Franchement, Tess, sois pas étonnée s’il devient un peu le père de toute la classe d’ici la fin de l’année.
— Clairement, acquiesça Tina. C’est notre meilleur prof.
Comme Kaya et Jason approuvaient volontiers, Jeremy finit par se rembrunir. Il aurait aimé que son affection pour son père ne se teinte pas de souvenirs cendrés et de regrets acides. Leur relation avait bien évolué depuis leurs premières retrouvailles, deux ans plus tôt. Mais dix ans de séparation, de secrets et de menaces familiales ne s’effaçaient pas en quelques mois de cohabitation. Il en venait presque à regretter la facilité avec laquelle ses camarades appréciaient Ethan. Par certains côtés, Jim aurait définitivement préféré qu’il ne soit rien de plus que son prof.



Suite
Dernière modification par louji le ven. 08 sept., 2023 6:53 pm, modifié 1 fois.
TcmA

Profil sur Booknode

Messages : 407
Inscription : dim. 02 sept., 2018 10:44 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par TcmA »

J'veux caner, le message s'est pas envoyé 🙃

Je disais :

Mes p'tits chats, je suis contente de les retrouver.

J'apprécie beaucoup Mr Cross, tout ours bourru qu'il soit. Il est vachement pointu dans ses remarques et je suis bien d'accord avec lui : faire l'autruche ne permet pas de résoudre quoi que ce soit. Ca risque d'être difficile et de faire ressortir (encore plus) du trauma mais vaut mieux trouer une partie de l'abcès pour pouvoir commencer à le traiter. (= moi qui veut voir les jumeaux réunis et heureux)
J'ai bien hâte de voir comment Eth va gérer ça et ce qu'il va oser ou non faire...

Ethan ? Qui s'est mangé du "sévère" dans la tronche depuis son enfance ? Qui n'arrive pas à être sévère ? Etonnant :') Il est passé par là, il sait ce qui marche et ce qui ne marche pas, et manifestement ce qu'il fait marche bien (la conversation à la fin 💖) Maintenant faut juste qu'il ait confiance en lui.
Franchement j'aimerais pas être à sa place pour gérer le fait d'avoir le cul entre deux chaises comme ça. (Surtout que je me dis, si Eth = papa de Jim sort, le club des troudballes va s'en donner à cœur joie)

Tess💖 elle est direct dans le club des p'tits chats, j'adore sa spontanéité.

Hâte de lire la suite,

La bise~
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

TcmA a écrit : dim. 27 août, 2023 4:33 pm J'veux caner, le message s'est pas envoyé 🙃

Je disais :

Mes p'tits chats, je suis contente de les retrouver.

J'apprécie beaucoup Mr Cross, tout ours bourru qu'il soit. Il est vachement pointu dans ses remarques et je suis bien d'accord avec lui : faire l'autruche ne permet pas de résoudre quoi que ce soit. Ca risque d'être difficile et de faire ressortir (encore plus) du trauma mais vaut mieux trouer une partie de l'abcès pour pouvoir commencer à le traiter. (= moi qui veut voir les jumeaux réunis et heureux)
J'ai bien hâte de voir comment Eth va gérer ça et ce qu'il va oser ou non faire...

Ethan ? Qui s'est mangé du "sévère" dans la tronche depuis son enfance ? Qui n'arrive pas à être sévère ? Etonnant :') Il est passé par là, il sait ce qui marche et ce qui ne marche pas, et manifestement ce qu'il fait marche bien (la conversation à la fin 💖) Maintenant faut juste qu'il ait confiance en lui.
Franchement j'aimerais pas être à sa place pour gérer le fait d'avoir le cul entre deux chaises comme ça. (Surtout que je me dis, si Eth = papa de Jim sort, le club des troudballes va s'en donner à cœur joie)

Tess💖 elle est direct dans le club des p'tits chats, j'adore sa spontanéité.

Hâte de lire la suite,

La bise~
Oh non désolée pour toi 😭 Ça t'arrive souvent en plus j'ai l'impression !

M. Cross, c'est la base hehe. T'as le nounours, c'est Mike, t'as le grizzly, c'est lui. Et les deux toujours pertinents dans leurs remarques !
Mais oui, Ethan prend la fuiiiite. Bichette, c'est tellement délicat comme situation. Et ouais, c'est pas en détournant le regard que sa famille va arrêter d'exister et l'oublier.

Il est clairement team éducation douce (même avec ses enfants hehe). Et le fait que ce soit apprécié par ses élèves vient aussi du fait qu'à côté ils se mangent de la rudesse h24 avec les autres profs. Donc il se démarque, même s'il manque d'expérience et d'autorité (mais c'est un bébé-prof, ça va venir).
A l'heure actuelle, si ça se sait pour leur filiation, ça mettrait clairement Jim dans l'embarras. Son retour à l'École a quelque chose d'inopiné (vu ses résultats et son comportement la 1e fois qu'il y a mis les pieds) et même si son dossier est excellent maintenant, y'a toujours des traces. Donc ils ont intérêt à être discreeets

Tess est trop cool ♥

Merci pour ton retour 🥺
La bise
TcmA

Profil sur Booknode

Messages : 407
Inscription : dim. 02 sept., 2018 10:44 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par TcmA »

louji a écrit : dim. 27 août, 2023 6:39 pm Oh non désolée pour toi 😭 Ça t'arrive souvent en plus j'ai l'impression !

M. Cross, c'est la base hehe. T'as le nounours, c'est Mike, t'as le grizzly, c'est lui. Et les deux toujours pertinents dans leurs remarques !
Mais oui, Ethan prend la fuiiiite. Bichette, c'est tellement délicat comme situation. Et ouais, c'est pas en détournant le regard que sa famille va arrêter d'exister et l'oublier.

Il est clairement team éducation douce (même avec ses enfants hehe). Et le fait que ce soit apprécié par ses élèves vient aussi du fait qu'à côté ils se mangent de la rudesse h24 avec les autres profs. Donc il se démarque, même s'il manque d'expérience et d'autorité (mais c'est un bébé-prof, ça va venir).
A l'heure actuelle, si ça se sait pour leur filiation, ça mettrait clairement Jim dans l'embarras. Son retour à l'École a quelque chose d'inopiné (vu ses résultats et son comportement la 1e fois qu'il y a mis les pieds) et même si son dossier est excellent maintenant, y'a toujours des traces. Donc ils ont intérêt à être discreeets

Tess est trop cool ♥

Merci pour ton retour 🥺
La bise

Ouais, je sais pas, j'ai pas tout le temps les pages qui chargent correctement... C'est relou mais bon.

MDRRR le grizzly et le nounours, c'est adorable (et si vrai).

Mais voui, c'est un bébé-prof, ça va venir au fur et à mesure et sûrement par essai-erreur.
On est d'accord, mais je sens que la discrétion va être difficile dans les chapitres à venir si un ras de marée de merde se déclare :')

La bise~
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

- Fiches personnages -


Helloooo 👋

Je sais qu'il y a beaucoup (trop ?) de personnages dans S.U.I et que ce n'est pas toujours simple de s'y retrouver, de savoir qui est qui, sa personnalité, son apparence, etc.
J'ai déjà partagé des organigrammes pour vous aider à vous y retrouver sur les relations entre personnages (à retrouver dans le sommaire des tomes correspondants), mais je voulais également vous proposer des fiches personnages ✨

Vous y retrouverez l'identité du personnage, son rôle, des éléments de sa personnalité, des indications de son physique ainsi qu'une petite photo.
J'ai volontairement mis sous spoilers les images pour que ce soit visuellement moins lourd et qu'il n'y ait pas de risques de spoilers ou je ne sais quoi 🙂

Comme je ne peux charger que 30 pièces jointes par message, il y aura sûrement une partie 2 à ces fiches personnages (surtout lorsque le T3 débutera, mais on y est pas encore).

PS : le terme "MBTI" utilisé sur les fiches personnages fait référence à un test de personnalité/système de fonctions cognitives dont vous pouvez retrouver les personnalités ici.


Système de classement : les personnages principaux sont en haut, les personnages secondaires et tertiaires sont classés par ordre alphabétique de prénom.

Mise à jour : ce message sera mis à jour au fur et à mesure en fonction de l'intervention de nouveaux personnages. Dernière mise à jour : T2 - chapitre 34


- Personnages principaux -

Jeremy
Spoiler
Jeremy.jpg
Jeremy.jpg (39.42 Kio) Consulté 1048 fois
Ryusuke
Spoiler
Ryusuke.jpg
Ryusuke.jpg (35.53 Kio) Consulté 1048 fois
Thalia
Spoiler
Thalia.jpg
Thalia.jpg (37.54 Kio) Consulté 1048 fois
Ethan
Spoiler
Ethan.jpg
Ethan.jpg (36.34 Kio) Consulté 1048 fois
Maria
Spoiler
Maria.jpg
Maria.jpg (35.56 Kio) Consulté 1048 fois

- Personnages secondaires et tertiaires -

Aiden
Spoiler
Aiden.jpg
Aiden.jpg (33.32 Kio) Consulté 449 fois
Alexander
Spoiler
Alexander.jpg
Alexander.jpg (33.48 Kio) Consulté 1048 fois
Alexia
Spoiler
Alexia.jpg
Alexia.jpg (36.44 Kio) Consulté 1048 fois
Beatrice
Spoiler
Beatrice.jpg
Beatrice.jpg (34.47 Kio) Consulté 449 fois
Caterina
Spoiler
Caterina.jpg
Caterina.jpg (34.06 Kio) Consulté 1048 fois
Dimitri
Spoiler
Dimitri.jpg
Dimitri.jpg (33.06 Kio) Consulté 1048 fois
Edward
Spoiler
Edward.jpg
Edward.jpg (36.36 Kio) Consulté 1048 fois
Ellis
Spoiler
Ellis.jpg
Ellis.jpg (33.42 Kio) Consulté 1048 fois
Emily
Spoiler
Emily.jpg
Emily.jpg (33.42 Kio) Consulté 1048 fois
Grace
Spoiler
Grace.jpg
Grace.jpg (34.11 Kio) Consulté 1048 fois
Hugo
Spoiler
Hugo.jpg
Hugo.jpg (32.68 Kio) Consulté 1048 fois
Ivana
Spoiler
Ivana.jpg
Ivana.jpg (35.15 Kio) Consulté 370 fois
Janice
Spoiler
Janice.jpg
Janice.jpg (33.99 Kio) Consulté 449 fois
Jason
Spoiler
Jason.jpg
Jason.jpg (32.73 Kio) Consulté 1048 fois
Jihane
Spoiler
Jihane.jpg
Jihane.jpg (32.04 Kio) Consulté 370 fois
Kaya
Spoiler
Kaya.jpg
Kaya.jpg (35.63 Kio) Consulté 1048 fois
Lazos
Spoiler
Lazos.jpg
Lazos.jpg (33.86 Kio) Consulté 449 fois
Manuel
Spoiler
Manuel.jpg
Manuel.jpg (30.77 Kio) Consulté 1048 fois
Michael
Spoiler
Michael.jpg
Michael.jpg (34.94 Kio) Consulté 1048 fois
Myrina
Spoiler
Myrina.jpg
Myrina.jpg (37.46 Kio) Consulté 1048 fois
Rebecca
Spoiler
Rebecca.jpg
Rebecca.jpg (36.78 Kio) Consulté 1048 fois
Ryan
Spoiler
Ryan.jpg
Ryan.jpg (31.57 Kio) Consulté 1048 fois
Tess
Spoiler
Tess.jpg
Tess.jpg (34.97 Kio) Consulté 1048 fois
Valentina
Spoiler
Valentina.jpg
Valentina.jpg (35.29 Kio) Consulté 1048 fois
William
Spoiler
William.jpg
William.jpg (32.98 Kio) Consulté 1048 fois
Dernière modification par louji le mer. 07 févr., 2024 9:59 pm, modifié 2 fois.
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

- Chapitre 14 -



Jeudi 13 octobre 2022, Dourney, Modros, Californie, États-Unis d’Amérique.


Thalia fut étonnée de ne pas trouver son frère en compagnie de son groupe d’amis. Quand il pleuvait, ils se réfugiaient dans l’un des espaces détente du Centre pour discuter ou jouer aux jeux-vidéo. Sinon, ils profitaient des journées encore douces d’octobre pour s’installer sur une table de pique-nique dans la cour.
Le soleil brillait, Ryu et les autres jouaient aux cartes autour de la table, mais Jim était aux abonnés absents. Perplexe, mais résolue à trouver son frère, Thalia traversa la cour depuis la cantine pour les rejoindre. Il y avait dans l’École, que l’on soit dans le parcours général ou celui de S.U.I, un accord tacite à propos des différents niveaux de classes. Les 1ère année comme Thalia n’étaient pas censés discuter avec des 5ème année. Certains camarades de classe lui avaient déjà demandé pourquoi elle traînait avec des élèves de 5ème année S.U.I. C’était à la fois admirable et étrange ; Thalia risquait de se faire rejeter par ses aînés au moindre faux pas.
Mais ni Jeremy ni ses amis ne l’avaient jamais repoussée. Bien au contraire, ils lui faisaient volontiers une place à leur table pour partager leur repas ou leur partie de cartes. Comme Thalia avait eu du mal à créer des liens en ce début d’année, ça lui avait évité plus d’une fois de passer sa pause déjeuner seule.

— Thallie !
Ryusuke l’aperçut en premier, comme souvent. Il posa ses cartes et lui fit signe de s’installer à côté de lui. Sans que Thalia ait besoin de demander, Kaya s’écarta pour lui faire de la place. Chacune de ces petites attentions lui barbouillait le cœur de gratitude. Quand on vivait avec de fortes têtes comme sa mère ou son frère, ce n’était pas toujours évident de se faire remarquer et d’être écoutée.
— Salut, attaqua-t-elle en s’efforçant de dresser le menton face aux cinq adolescents plus âgés. Vous savez où est Jim ?
— Ah oui, il est pas là, nota Tess en lorgnant la tablée par-dessus ses cartes.
Valentina pouffa, mais Thalia se figea de malaise. Elle ne voyait pas ce qu’il y avait de drôle à constater l’absence de son frère aussi tardivement. N’étaient-ils pas ses plus proches amis ?
— Oh, je plaisante, précisa Tess en remarquant ses traits pincés. Il est parti depuis cinq minutes.
Le froid qui avait envahi la poitrine de Thalia à l’idée qu’on se moque de son frère en son absence reflua. L’humour pince-sans-rire de certains amis de Jim lui échappait encore. Ce n’était pas forcément en adéquation avec les attitudes nonchalantes et les sourires narquois qu’ils affichaient.
— Il est allé derrière le Centre, lui apprit Ryu avec un sourire rassurant. Je crois que votre cousine l’a appelé.
Votre cousine.
Thalia se rattrapa une demi-seconde avant de lui affirmer qu’ils n’avaient pas de cousins. C’était encore loin d’être évident pour elle d’accepter l’existence d’Edward et sa fille. Elle n’avait découvert son père que deux ans plus tôt ; alors son oncle et sa cousine…
Devant son expression fermée, Ryu plissa les lèvres.
— Il va sûrement bientôt finir, rejoins-le.
Thalia n’y réfléchit pas deux fois. Elle remercia Ryu avant de se diriger vers le bâtiment en face. Elle contourna le Centre avec une petite boule d’appréhension dans le ventre. Les élèves évitaient de se rendre dans cette partie de l’École. Les bureaux de l’administration donnaient sur cette zone de la cour et le personnel n’aimait pas voir les élèves traîner.
Des bancs ponctués de jardinières en fleurs habillaient la cour à cet endroit. Thalia ralentit le pas pour effleurer les pétales bombés multicolores. Sa mère aurait sûrement pu nommer les espèces en un clin d’œil. Si Thalia ne partageait pas sa passion, elle appréciait cette bouffée de couleurs et de verdure. Malgré ses nombreuses qualités, elle devait bien reprocher à l’École son béton à perte de vue, ses bâtiments impersonnels et ses arêtes sévères.
Elle perçut la voix de Jeremy avant de le voir. Il s’était installé sur un banc, son sac de cours jeté à ses pieds. Bien que Thalia se soit habituée à sa voix nouvellement grave, elle s’étonna de l’entendre moins traînante ou boudeuse que d’habitude.
— Ça me rassure, t’as pas idée, lâcha Jim à son interlocutrice avant d’apercevoir sa sœur. Thalia ? Viens !
L’intéressée s’exécuta et, après un instant d’hésitation, se glissa sur le banc à côté de son frère. Jim plaça son téléphone entre eux avant d’activer les haut-parleurs. Avec un sourire en coin pour sa sœur, il déclara :
— Becca, Thalia est avec moi.
La jeune fille se crispa sur le banc, en attente de la réponse de sa cousine. Elle n’avait encore jamais discuté avec elle. Son frère lui avait déjà proposé, la dernière fois qu’il avait appelé Rebecca, mais elle avait refusé. Elle ne s’était pas sentie prête.
Thalia n’était pas encore vraiment prête, mais elle arrondit le dos dans l’attente du poids des mots.
— Thalia ? Salut, c’est Rebecca.
Elle avait une voix grave et plus rauque que Thalia ne l’aurait cru. Elle en paraissait plus mûre.
— B-Bonjour.
Sa voix étouffée par la timidité lui fit aussitôt honte. Avant que le silence puisse s’installer, Jim précisa :
— On parlait d’Edward.
— Oh. (Devant le regard préoccupé de son frère, Thalia s’enquit : ) Il veut te récupérer ?
— Eh bien… apparemment non. D’après Rebecca, les Sybaris se sont pas du tout mis d’accord. Mais l’idée, c’est qu’Edward aurait trop à perdre en essayant de me retrouver.
— Tu es bien plus protégé maintenant, embraya Rebecca. Surtout que mon père peut plus jouer sa comédie sur son enfant disparu puis retrouvé. Notre famille et son réseau savent très bien qui tu es vraiment. Et comme tu es officiellement élève à l’École de S.U.I, ce serait aussi plus embêtant vis-à-vis de la A.A. Bref, mon père s’est fait taper sur les doigts.
— Et il doit s’en mordre les doigts, s’amusa Jeremy avec un sourire crispé.
Comme leur interlocutrice ricanait à la blague, Thalia zieuta vers son frère. Elle l’avait toujours connu si réservé… elle se sentait à la fois soulagée et amère qu’il soit si proche de Rebecca. Elle savait qu’ils avaient feint d’être une fratrie tandis que Jim était à la Ghost Society. Mais peut-être les liens s’étaient-ils réellement tissés ?
Thalia n’écouta que d’une oreille le reste de la conversation. Le charabia autour de la Ghost Society, de la A.A et de leur famille ne l’aidait pas à se concentrer. Son cerveau éteint s’alignait avec son cœur engourdi.

L’adolescente ne remarqua que l’appel était terminé seulement lorsque son frère glissa un bras autour de ses épaules. Elle se redressa, observa l’écran noir du téléphone puis souffla :
— Tu aurais dû me dire avant de raccrocher, je lui aurais dit au revoir.
Jeremy se contenta d’un sourire tranquille.
— J’ai bien vu que tu étais pas contente. Je voulais pas te forcer.
— Non, c’est pas ça…
Comme Thalia laissait sa phrase en suspens, Jim se pencha vers elle.
— Thallie, je te demande pas de l’apprécier. Je sais bien que ça se fait pas comme ça.
— Je veux juste pas te perdre.
Thalia sentit son frère tressaillir contre elle. Il se servit de son bras autour de ses épaules pour l’attirer à lui. Entre ses pensées enfin libérées et le gel douche de son frère qui lui chatouillait les narines, Thalia ne tarda pas à avoir les yeux humides.
Pourquoi avait-elle dit ça ? C’était complètement idiot. Non, c’était elle l’idiote. La possessivité et la jalousie qui l’envahissaient à la mention de Rebecca lui brûlaient le visage de honte. Et, pourtant, impossible de repousser ces sentiments.
— Désolée, bredouilla-t-elle en retenant vainement ses larmes.
— T’excuse pas, p’tit clown, murmura-t-il à son oreille.
Il la laissa sangloter contre son épaule jusqu’à ce qu’elle se calme d’elle-même. Si Jeremy se sentait dépassé par l’ampleur des ressentiments qui agitaient sa sœur, il ne lui en voulait pas. Lui-même éprouvait des choses contradictoires à la mention de sa famille. Impossible de complètement détester Edward. Impossible de ne pas en vouloir à ses parents pour ce qui s’était passé ces dernières années. Impossible d’être complètement blanc ou complètement noir.
— C’est parce que tu t’entends bien avec elle, expliqua sa sœur après un moment de silence. J’ai l’impression que… qu’elle a…
— Elle a pas pris ta place, précisa Jim avant que sa sœur puisse trouver la bonne formulation. Si c’est ce qui te fait peur. Thallie, tu resteras toujours… mon p’tit clown. Personne peut te remplacer.
Alors que Thalia plissait les paupières pour empêcher les larmes de monter à nouveau, son frère cassa l’étreinte. Étonnée, elle lui jeta un coup d’œil, mais il regardait vers la gauche. À une dizaine de mètres, leur père approchait d’un pas prudent.
— Je te cherchais, Jeremy, lança-t-il avant d’ajouter d’un ton plus sombre : mais ça peut attendre la reprise des cours.
Thalia comprit que c’était elle, l’obstacle immédiat entre Ethan et son frère. Elle se leva, esquiva la main que Jim tendait vers elle et marcha tête basse en direction de la cour. Son père la rattrapa par l’épaule au bout de quelques mètres.
— Ma puce, qu’est-ce qu’il y a ?
L’adolescente ne chercha pas à masquer sa peine ; Ethan n’était pas aveugle à ce point. Dépitée, elle observa les environs pour s’assurer que Jim était leur seul spectateur et enlaça son père. Il lui rendit son étreinte sans attendre.
— Thalia, chuchota-t-il d’un ton inquiet, qu’est-ce qui se passe ? Tu t’es disputée avec Jem ?
— Non, au contraire. (Comme il attendait visiblement la suite, elle se força à extirper la vérité de sa gorge : ) Il a appelé Rebecca et… j’ai l’impression que c’était plus mon frère. Que c’était son frère à elle.
Ethan se crispa à la mention de Rebecca et lâcha sa fille pour la considérer avec attention. Après avoir assombri le visage de son frère, Thalia s’en voulut de faire de même à son père. Décidément, elle ne voyait plus en quoi elle était le clown ou le rayon de soleil de sa famille.
— Ils ont passé beaucoup de temps ensemble, finit par répondre Ethan. C’est normal qu’ils se soient rapprochés.
Ethan bascula les yeux vers Jeremy, qui les considérait avec appréhension depuis le banc.
— Mais je suis certain que rien n’a changé entre lui et toi.
Thalia sentit l’amertume lui plisser les lèvres. Son père la prenait-il pour une idiote ou pensait-il réellement qu’un an et demi de séparation n’avait pas affecté sa relation avec Jim ?
— Tout a changé, grinça-t-elle, incapable de retenir les pensées qui se solidifiaient dans sa bouche. Tu peux pas dire ça, papa.
Ethan recula comme si elle l’avait frappé. C’était un peu vrai, au fond. Ils se disputaient si rarement, tous les deux. Trop effrayés d’éloigner les derniers proches qui leur restaient. Incapables de risquer de briser ce qu’ils avaient maigrement construit.
— Ce que je voulais dire, ajouta Ethan plus doucement, c’est que son amour pour toi n’a pas changé, Thalia.
La jeune fille renifla, s’essuya le nez avec sa manche puis hocha la tête. Ça, elle pouvait l’accepter. Un raclement de chaussures dans son dos lui apprit que Jeremy les avait rejoints. Il serra doucement l’épaule de sa sœur avant de lui souffler sur la tête.
— Ça va mieux, Thallie ?
— Hm.
Elle adressa un hochement de tête à l’adresse de son frère. L’étreinte et les paroles d’Ethan l’avaient rassurée. Ça ne réglait pas le problème de fond, mais au moins pouvait-elle garder la face.
— Je vous laisse, déclara-t-elle d’un ton sans appel.
— S’il y a besoin de quoi que ce soit, intervint Ethan avant qu’elle s’éloigne, tu viens me voir en salle des profs. Ou tu m’appelles. Tu hésites pas, hein, Thallie ?
Comme elle hochait tranquillement la tête, Ethan lui rendit un sourire rassuré. En se tournant vers son fils, il ajouta d’un ton amusé :
— Et ça vaut pour toi aussi.
Jim roula des yeux, mais s’efforça à garder son ironie au fond de sa gorge. Malgré la proximité qu’il partageait quotidiennement avec Ethan, il n’était pas la première personne vers qui il se tournerait en cas de pépin. Après tout, ils n’étaient censés n’être qu’un prof et son élève.
— Tu voulais me dire quoi ? répondit-il à la place.
— Tu as ton bilan de mi-trimestre, ce soir, avec Alex.
Comme son fils le considérait d’un œil vide, Ethan soupira.
— Tu vois, j’en étais sûr. J’ai bien fait de venir te voir.
— J’avais oublié, marmonna Jeremy en faisant la moue. Ryu en a un aussi, non ? Avec Dimitri.
— Oui, tous les élèves ne sont pas concernés. Que les Recrues.
— Chouette. Les profs sont là aussi ?
— Pas tous. Le prof principal, oui. Et le recruteur peut demander la présence d’un autre prof s’il estime que sa Recrue a des lacunes dans sa matière.
Jim sentit poindre un soupçon d’inquiétude.
— Quoi ? J’ai foiré dans une matière ?
— Non, non, le rassura Ethan avec un demi-sourire. Au contraire. Je… tu es premier de ta classe dans trois matières, Jem. Ta plus basse moyenne est à 14,5.
Comme les traits de l’adolescent se détendaient, Ethan leva spontanément la main pour lui serrer l’épaule. Malgré l’onde de surprise qui traversa le corps de Jeremy à ce geste, il ne se déroba pas. Ethan nota cette nouvelle petite victoire dans un coin de sa tête.
— Je suis très fier de toi et je pense qu’Alex le sera aussi.
Un sourire fugace perça la moue renfrognée de son fils. Avant d’être remplacé par un rictus.
— Ouais, j’espère. Il va quand même finir par faire la gueule, quand mes notes vont baisser.
— Jem, ne pars pas défaitiste. Même si tes très bonnes notes sont en partie expliquées par ton avance sur le programme scolaire, tu travailles bien. Tu resteras à niveau quand vous attaquerez les cours que tu ne connais pas encore.
Comme les yeux de son fils restaient dans le vague, assombris d’incertitude et de culpabilité, Ethan remonta sa main vers sa nuque. La tension qu’il y sentit lui serra le cœur.
— Allez, mon grand, on n’y est pas encore. Et si tu as besoin d’être accompagné ou aidé pour les leçons, on trouvera une solution. (Jim daigna lever les yeux vers le visage de son père, se sentit brièvement honteux de sa sollicitude.) On ne te lâchera pas, d’accord ?
Comme il avait de nouveau envie de rire amèrement au nez de son père, il se contenta d’acquiescer en pinçant les lèvres. À plusieurs reprises, ses proches auraient dû être là pour lui. Ça n’avait pas toujours été le cas.
Alors, quelque part au fond de lui, Jeremy se préparait toujours à chuter.



Suite
Dernière modification par louji le ven. 22 sept., 2023 6:09 pm, modifié 2 fois.
TcmA

Profil sur Booknode

Messages : 407
Inscription : dim. 02 sept., 2018 10:44 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par TcmA »

Hiello~

Le nombre de fois où j'ai dit "MHOOOO" dans ce chapitre est absolument ridicule.
Mais y a beaucoup de raisons de lâcher des "mho" : Ryu, Becca, Thalia... Et bordel, Thalia me brise le cœur et j'ai envie de la prendre dans mes bras et de lui faire plein de câlins comme elle a fait à Ethan (évidemment, je me suis pas encore remise de ça).

Il est globalement assez ouchie ce chapitre :c et je sais que ça va pas aller en s'arrangeant (je toise le chapitre 16 qui arrive dans quelques semaines). J'ai hâte.

MDRRRR salut Alex, ça fait longtemps qu'on t'avait pas vu !
Par contre, on en parle de Jim ?? 1er de sa classe dans 3 matières avec pas moins de 14 de partout ?? Bien joué, p'tit chat. Et faut pas qu'il lâche ou qu'il se sabote :c Il est plus que capable de réussir.

J'ai vu une petite coquille "je veux juste pas de perdre" au début

La bise~
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

TcmA a écrit : dim. 10 sept., 2023 3:37 pm Hiello~

Le nombre de fois où j'ai dit "MHOOOO" dans ce chapitre est absolument ridicule.
Mais y a beaucoup de raisons de lâcher des "mho" : Ryu, Becca, Thalia... Et bordel, Thalia me brise le cœur et j'ai envie de la prendre dans mes bras et de lui faire plein de câlins comme elle a fait à Ethan (évidemment, je me suis pas encore remise de ça).

Il est globalement assez ouchie ce chapitre :c et je sais que ça va pas aller en s'arrangeant (je toise le chapitre 16 qui arrive dans quelques semaines). J'ai hâte.

MDRRRR salut Alex, ça fait longtemps qu'on t'avait pas vu !
Par contre, on en parle de Jim ?? 1er de sa classe dans 3 matières avec pas moins de 14 de partout ?? Bien joué, p'tit chat. Et faut pas qu'il lâche ou qu'il se sabote :c Il est plus que capable de réussir.

J'ai vu une petite coquille "je veux juste pas de perdre" au début

La bise~
Holaaa

Je suis très contente que tu aies dit MHOOOO ça me va très bien 😌✨

Thalia, kikinette de service hein 🥹 P'tite choupinette (les câlins je m'en remets pas moi-même)

Ça va aller à la fois en s'arrangeant et en s'arrangeant pas :lol: Ça va dépendre des sujets hehe

Uiiii du Alex au prochain chapitre (et je pense qu'il te plaira dans ce chapitre).
Jim tête de classe, on aura tout vu 🤨 (en vrai il garde les pieds sur terre et il se prépare à manger une claque d'un l'instant à l'autre alors ça devrait le faire)

Merci pour la coquille, c'est corrigé !

Bizouze, merciiii
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

Pour info, à partir de maintenant, je passe au rythme d'un chapitre par semaine :) J'approche de la fin du T2 de mon côté donc je peux accélérer le rythme de publication par ici pour éviter de passer 2 ans à poster ce T2 haha


- Chapitre 15 -



Jeudi 13 octobre 2022, Dourney, Modros, Californie, États-Unis d’Amérique.


Ryusuke et Jeremy avaient rendez-vous après les cours. À la fin de leur dernière heure, ils rangèrent leurs affaires, mais restèrent assis à leur place. Dimitri et Alex avaient prévu de les retrouver ici.
En notant les mains nerveuses qui s’agitaient par-dessus le bureau de son ami, Ryu se pencha vers lui.
— Jim, ça va aller. T’as super bien assuré depuis la rentrée.
— Ouais, je sais. Justement.
Face à la moue perplexe de Ryu, Jeremy se passa une main sur le visage.
— Ça va pas durer éternellement. Et Alex va faire la gueule quand mes notes vont baisser.
— Te stresse pas avec ça, Jimmy.
L’intéressé adressa un sourire dépité à son ami avant de se laisser aller en arrière, le cœur lourd. Une partie de lui était sincèrement ravie de présenter ses résultats scolaires à son recruteur. Ses notes en-dessous de la moyenne n’étaient plus qu’un mauvais souvenir. Mais une autre part, plus amère et prudente, préférait faire le dos rond et s’attendre au retour du coup de bâton.
Les deux adolescents échangèrent quelques mots avant que les voix de leurs recruteurs ne trahissent leur présence dans les couloirs. Comme ils arrivaient directement du travail, Dimitri et Alexander étaient encore vêtus de leurs costumes sobres et formels. Le logo de la A.A, un papillon sphinx tête de mort, était discrètement imprimé en blanc sur le noir de leur cravate.
Jim se demandait encore, deux après avoir aperçu ce symbole sur son recruteur pour la première fois, pourquoi la société devait en faire autant.
— Salut les morveux, lança Alex en s’avançant en premier dans la pièce.
Ryusuke se leva pour les saluer et étreignit brièvement son recruteur. Jeremy ne put retenir un sourire fugace en constatant que son ami dépassait d’une bonne tête son père adoptif. Pendant que Dimitri échangeait quelques mots avec sa Recrue, Alexander s’approcha.
— Salut, souffla Jim une fois que l’agent se fut installé sur une chaise à proximité.
Comme son recruteur zieutait les environs d’un air pensif, Jeremy fronça les sourcils.
— Ça va ? Mauvaise journée ?
— Non, non, le rassura Alex en revenant à lui. Désolé, c’est juste que ça me rappelle des souvenirs. Ça me fait bizarre à chaque fois que je remets les pieds à l’École.
Avec un soupir, Alexander se passa une main dans les cheveux avant de tâtonner sa veste. Face à la moue agacée de sa Recrue, il grimaça un sourire contrit.
— Oups, interdit de fumer je suppose.
— Sans blague, Alex.
Celui-ci croisa les bras d’un air frustré.
— Bon, entama Jeremy en déposant son sac sur son bureau. On attaque ?
Alexander pencha la tête de côté avant d’adresser un rictus moqueur à sa Recrue. Jim lui rendit son regard, toujours un peu irrité par les manières nonchalantes de l’homme. Contrairement à lui, Alex n’avait pas tant changé en deux ans. Il se mouvait avec cette souplesse féline qui, d’une seconde à l’autre, pouvait se muer en mouvement sec et mortel. Derrière la négligence apparente de ses cheveux mal coiffés, de sa chemise froissée et de sa position avachie, son regard était aussi vif qu’acéré.
Jim se frotta le nez avec nervosité avant de plonger la main dans son sac. Il n’était plus le gamin de treize ans qui venait de perdre sa mère et sa sœur. Il n’y avait pas de quoi se sentir intimidé par Alex. Et pourtant, son cœur frappait douloureusement ses côtes, résonnait dans ses tempes. Ses doigts manquèrent de fermeté quand il dégagea son bulletin scolaire de son cartable. Alex rattrapa la feuille volante avant qu’elle puisse toucher le sol.
Les yeux noisette de son recruteur basculèrent aussitôt sur les lignes qui y étaient inscrites. Les trapèzes de Jeremy se contractèrent. Sans s’en rendre compte, il serra les dents. Anticipa la réaction d’Alex. Les sourcils de ce dernier finirent par se hausser d’un air moqueur.
— Sérieusement, Jeremy ?
L’intéressé enroula les doigts autour de ses avant-bras pour les empêcher de trembler. Pourquoi n’avait-il pas prix d’anxiolytique à la fin des cours ? Ça n’aurait sûrement pas été de trop.
— Quoi ? grinça-t-il d’une voix rendue rauque par l’appréhension.
— Pourquoi tu me fais une tête de cent pieds de long ? soupira Alex en agitant la feuille sous son nez. Y’a littéralement marqué deux sur vingt en haut. Deux sur vingt.
Comme sa Recrue ne réagissait pas, Alexander émit un rire de fond de gorge.
— Deuxième de ta foutue classe et tu gesticules comme si t’avais ramené que des F. Réveille-toi, bordel. Pourquoi t’es pas content ?
Jim ouvrit la bouche, mais ne trouva rien à répondre. Il ne savait même pas comment se réjouir de ses résultats. Trop habitué à la médiocrité et aux difficultés scolaires qui s’accrochaient à lui depuis toujours. Et l’idée de se rengorger de ses notes le mettait mal à l’aise. Il n’avait jamais apprécié les vantards et les grandes gueules.
— Je suis content, marmonna-t-il en décroisant les bras. C’est juste que…
— Deuxième ? l’interrompit Dimitri en approchant. J’ai bien entendu ?
Recrue et recruteur se tournèrent de concert vers l’homme. Les yeux sombres de Dimitri étaient écarquillés. Avec un sourire narquois, Alex tendit la feuille à son coéquipier.
— Et ouais, le p’tit punk s’est enfin décidé à se bouger le cul. Comme quoi, j’ai eu bon flair. Il est pas si bête.
Alors que Jeremy le fusillait du regard, Dimitri considéra son ami d’un air blasé.
— Alex, tu voulais même pas le recruter. C’est par charité que tu l’as choisi.
— Bah, il me faisait de la peine.
Les épaules de Jim se raidirent sous son t-shirt. Il savait que les deux hommes plaisantaient à moitié, mais l’époque où Ryu et son ami avaient été recrutés n’avait rien de comique. Ryusuke venait de perdre son oncle d’une tumeur cérébrale et la famille de Jim avait disparu. Ils étaient aux abois quand les deux hommes leur avaient proposé d’intégrer le programme de recrutement de S.U.I.
— Comment tu as fait ?
La question rude de Dimitri le sortit de ses souvenirs.
— Fait quoi ?
— Pour être deuxième. (Dimitri parcourut rapidement la feuille des yeux.) Pour majorer dans autant de matières.
— Ben… en vrai, le programme scolaire du centre de formation de la Ghost Society a de l’avance par rapport à celui de l’École. Donc je connaissais déjà une partie des cours.
Circonspect, Dimitri considéra l’adolescent en silence. Puis il demanda d’un ton neutre :
— C’est tout ?
Jeremy chercha le regard de son ami, décontenancé. Il ne comprenait pas où Dimitri voulait en venir. Ayant saisi l’appel à l’aide silencieux, Ryu se tourna vers son père adoptif.
— Dimi, c’est pas étonnant. En plus, Jimmy était déjà super bon en maths la première fois qu’on est arrivés à l’École. Il a appris à travailler à la Ghost. Alors, c’est logique.
— Logique qu’il arrive devant toi alors qu’il a toujours eu de mauvais résultats ?
Tandis qu’Alexander et Ryusuke fronçaient les sourcils, Jim ne put s’empêcher de rire amèrement. Il aurait dû s’en douter. En fin de compte, le coup de cravache ne provenait pas d’Alex.
— C’est ça le problème, Dimitri ? Que j’ai eu de meilleures notes que Ryu depuis la rentrée ?
— C’est pas un problème, Jeremy, rétorqua l’homme en déposant la feuille sur le bureau de l’intéressé. Mais j’imagine que tu comprends ma surprise quand on regarde ton parcours scolaire jusqu’ici.
— Écoute, je t’ai donné l’explication : la Ghost a de l’avance. C’est tout. Dans quelques mois, mes notes vont baisser par logique.
Dimitri marmonna dans sa barbe, le visage fermé. Ça lui semblait trop gros. Trop facile.
— Et le fait que tu sois le petit héritier des Sybaris n’a rien à voir avec ça ? Sans compter que ton propre père fait partie de tes profs ?
— Dimitri, gronda Alexander d’un ton réprobateur.
Jeremy se retrouva debout, nez à nez avec Dimitri. Le sang qui pulsait nerveusement dans son corps lui brûlait les joues.
— T’es sérieux ? siffla-t-il en agrippant son jeans pour éviter de planter ses poings dans le visage accusateur de l’homme. Tu trouves que j’ai été privilégié depuis mon arrivée dans cette putain d’école ? Tu crois que mon prof d’EPSA est sympa avec moi parce qu’on partage des gènes ?
— Ne sois pas aveugle, mon garçon, soupira Dimitri sans avoir l’air impressionné par l’adolescent qui se dressait face à lui. Évidemment que tu es privilégié. L’École a accepté de te reprendre malgré les conneries que tu as faites lors de ton recrutement. Quant à ton prof… tu es à côté de la plaque. Tu sous-estimes ce qu’Ethan Sybaris pourrait faire pour ta sœur et toi.
— Hunt, cracha Jeremy sans pouvoir s’en empêcher. Il a changé de nom de famille. Justement parce qu’on veut pas être affiliés à ces tarés. Et mon père m’a jamais traité différemment quand on est en cours. C’est mon prof et c’est tout.
Comme Dimitri ouvrait de nouveau la bouche, Ryu lui empoigna le bras.
— Dimi, arrête. Jim a raison. Ses notes, c’est le résultats de ses efforts. Et Ethan le traite comme nous quand on a EPSA.
— Évidemment que tu le défends, murmura Dimitri avec un sourire tranquille pour son fils. Toi aussi, tu es aveuglé par tes sentiments.
Les joues de Ryu se teintèrent de rouge. Cette phrase qui pouvait prendre un sens bien plus profond le mettait dans l’embarras. Il s’était pourtant confié auprès de Dimitri à propos de ses sentiments. Du fait qu’ils avaient évolué en même temps que lui au fil des mois.
— Bon, ça suffit ces conneries.
Alexander venait de se lever, les mains dans les poches. Disparu, son rictus moqueur. Ses lèvres s’étaient plissées. Jim se tassa, prêt à une avalanche de reproches, mais son recruteur ne le regardait pas.
— Dimitri, continua Alex d’une voix affirmée, tu te trompes. Quand je dis que j’ai eu bon flair, je sais que je rigole qu’à moitié. J’ai vu Jim traverser Seludage de droite à gauche et tout mettre en œuvre pour retrouver sa famille. Je sais à quel point c’est un gamin plein de ressource et qui en a dans les tripes. Il n’a pas profité d’un système injuste ou je sais pas quoi. Il a fait des efforts.
Jeremy considéra son recruteur avec stupéfaction. Ses parents l’avaient déjà félicité pour ses résultats scolaires et il en avait été reconnaissant. Mais ça n’avait rien à voir avec ce qui le submergeait en ce moment-même. Il en avait les yeux qui piquaient.
— Comme l’a rappelé Ryu, il est loin d’être incapable en matière de travail scolaire. Et, même si connaître les programmes l’a beaucoup aidé, j’ai pas de doute sur le fait qu’il va garder la tête hors de l’eau après.
Alex inclina le menton vers sa Recrue, lui confia un clin d’œil complice puis retourna à son partenaire. Les traits de Dimitri s’étaient relâchés sous le coup de la surprise.
— Je sais ce que tu penses, Dimi. Indéniablement, ce gosse est un aimant à problèmes. Mais tu sais qu’il fera jamais volontairement du mal à ses proches. Alors t’as pas à t’inquiéter pour Ryu.
Celui-ci observa les deux hommes avec confusion. Il ne voyait pas bien ce qu’il venait faire dans cette histoire. On parlait du parcours scolaire de son ami, après tout.
— J’ai envie de croire en tes mots, Alex, finit par soupirer Dimitri en lorgnant son coéquipier avec gravité. Mais tu comprendras que je reste prudent.
— C’est ça qui te fait flipper ? intervint Jim d’un air déconfit. Que je blesse Ryu ?
— Tu l’as déjà fait, répondit aussitôt l’homme avec sécheresse. Et tu pourrais le refaire. Parce que tu es inconscient. Tellement tourné vers tes objectifs de l’instant que tu en oublies le reste.
— Non, je… Je…
Une flèche brûlante de honte traversa la gorge de l’adolescent. Il savait que c’était vrai. Il avait blessé Ryusuke, mais aussi son père, Mike et ses proches lorsqu’il avait rejoint Edward deux ans plus tôt. Quand il avait décidé pour tout le monde de faire son propre choix. De plonger yeux fermés dans le plan d’Edward.
Il avait aussi blessé Ryusuke en le repoussant brutalement quand celui-ci lui avait confié ses sentiments.
— Écoute, Jeremy, embraya Dimitri en se frottant le front. Je vais te faire confiance. Je vais essayer de croire en toi. Parce que j’ai confiance en Alex et que lui-même a misé sur toi. Parce que Ryusuke t’admire et t’estime plus que tu ne pourras jamais l’imaginer.
Dimitri plongea un regard inflexible dans celui hésitant de l’adolescent.
— Tout ce que je vous souhaite, à Ryu et toi, c’est de suivre votre scolarité sans soucis. Alors imaginons, qu’effectivement, tu peux être sérieux et assidu. Je te demande simplement d’être prudent, Jeremy. De ne pas entraîner Ryusuke dans tes histoires.
Ryusuke s’avança entre son père et son ami, mâchoires crispées.
— Dimitri, s’il te plaît, je ne suis pas un gamin. Tu peux me parler directement. (Ryu jeta un œil à son ami, lui adressa un sourire.) Et tu auras beau dire que Jim ne doit pas m’entraîner, c’est moi qui choisis si je le suis ou pas. Et, jusqu’ici, il ne m’a jamais donné de raison de pas le faire.
Ryu tendit le bras pour serrer l’épaule de l’homme. Se pencha pour serrer son front contre le sien. Espéra transmettre un peu de l’admiration et de la loyauté qu’il éprouvait pour son ami.
— S’il te plaît Dimi, tu dois aussi avoir confiance en moi. Je suis pas aussi aveuglé que tu le crois.
Dimitri referma les bras autour de l’adolescent pour le serrer contre lui. Au bout de quelques secondes, il le relâcha et murmura d’une voix éraillée, émue :
— Je sais, Ryu. Excuse-moi.
L’intéressé attendit que l’homme ait repris contenance pour souffler :
— C’est gentil de penser à moi en priorité, mais c’est mal de t’en prendre à Jim pour ça. Il est pas responsable de tout ce qui m’est arrivé ou m’arrivera. Tout ce qui nous concerne tous les deux est techniquement à moitié ma faute.
Alex hocha vivement la tête à ces mots, un sourire au coin planté sur le visage. Il avait toujours apprécié Ryu pour son bon sens simple et bienveillant.
— Et, tu sais, acheva Ryu en se tournant vers son ami, Jimmy est bien trop gentil et honnête pour utiliser un quelconque privilège, tricher ou je sais pas quoi.
Jeremy fit la moue pour masquer la gêne que lui inspiraient ces mots.
— On vous demande juste de nous croire, marmonna-t-il quand Ryu eut terminé sa phrase. De nous faire confiance. Comme vous l’avez fait en nous recrutant.
Le regard sombre de Dimitri les considéra tour à tour. Il se voilait encore de prudence quand il glissait sur Jeremy, mais le mépris qui avait pu l’habiter plus tôt avait disparu.
Quant à Alex, il tapota l’épaule des deux adolescents avant de se diriger vers la sortie.
— Désolé, faut vraiment que j’aille fumer.



Suite
Dernière modification par louji le ven. 29 sept., 2023 5:59 pm, modifié 1 fois.
TcmA

Profil sur Booknode

Messages : 407
Inscription : dim. 02 sept., 2018 10:44 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par TcmA »

Bon.
Tu connais déjà le fond de ma pensée (merci discord).

Je suis colère >:c

Je suis profondément outrée par le comportement de Dimitry.
Ok il veut protéger Ryu. Mais c'est pas en se conduisant comme un connard envers Jim que ça va changer les choses. Bon sang j'avais l'impression d'entendre Trash Man quoi. TRASH MAN. CA VA PAS.
Puis il me fait bien marrer à dire "gneu gneu gneu tu lui as déjà fait du mal, je veux pas que ça recommence" mais mange tes morts en fait. C'est pas en lui balançant ces saloperies à la tronche que ça va changer quoi que ce soit >:c Pétard mais c'est la rupture de stock de cerveaux ou quoi.

Merci Alex. Jtm bb.

A plus dans l'bus pour la suite~

La bise~
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

TcmA a écrit : dim. 24 sept., 2023 6:51 pm Bon.
Tu connais déjà le fond de ma pensée (merci discord).

Je suis colère >:c

Je suis profondément outrée par le comportement de Dimitry.
Ok il veut protéger Ryu. Mais c'est pas en se conduisant comme un connard envers Jim que ça va changer les choses. Bon sang j'avais l'impression d'entendre Trash Man quoi. TRASH MAN. CA VA PAS.
Puis il me fait bien marrer à dire "gneu gneu gneu tu lui as déjà fait du mal, je veux pas que ça recommence" mais mange tes morts en fait. C'est pas en lui balançant ces saloperies à la tronche que ça va changer quoi que ce soit >:c Pétard mais c'est la rupture de stock de cerveaux ou quoi.

Merci Alex. Jtm bb.

A plus dans l'bus pour la suite~

La bise~
Je saiiiis 😭

Bon, Dimi en avait gros sur la patate, donc il fallait crever l'abcès. Mais c'est dégueulasse pour Jim et Ryu parce qu'il les infantilise et son mépris à l'égard de Jim, on pouvait s'en passer, on est d'accord. Mais bon, c'est une sous-trame qui court depuis le T1, fallait bien que j'en reparle à un moment donné 😬

Alex, par contre, il se sort tellement les doigts du fion (avec un an et demi de délai, mais bon).

Merci pour ton retour, comme toujours ♥

La bise
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

C'est l'un de mes chapitres préférés du T2, j'espère qu'il vous plaira également 🥹


- Chapitre 16 -



Dimanche 30 octobre 2022, Parc national du Grand Bassin, Nevada, États-Unis d’Amérique.


Sous la lumière crue des néons, enveloppée d’un nuage de sueur et de respiration nerveuse, Rebecca glissa sous la garde de son cousin et plaqua son poignard contre sa gorge. Lazos déglutit avec peine, ses yeux sombres écarquillés d’un mélange de surprise et de colère.
De sobres applaudissements mirent fin à l’affrontement. Rebecca se redressa, rangea son poignard dans le petit fourreau accroché à sa ceinture. Un cadeau de son père quand elle avait eu quatorze ans. L’un des rares qu’elle estimait vraiment utiles.
— Toujours aussi rapide, lança Myrina dans son dos. Bravo, Becky.
À ces mots, Lazos se renfrogna et marmonna entre des lèvres maussades. Rebecca était de plus en plus agacée par son mauvais sens de la compétition. Comment pouvait-il encore espérer gagner alors qu’il avait trois ans de moins – et donc d’entraînement ?
— C’est parce qu’elle est plus grande que moi, grogna Lazos en reposant la lame de bois qu’il avait choisie pour le combat. Je suis désavantagé.
Blasée, l’adolescente préféra ignorer son cousin et rejoignit le bord des tatamis, où Myrina avait assisté à l’affrontement. La femme lui adressa un clin d’œil avant de répondre :
— Lazos, si tu es si confiant en tes capacités, tu n’as qu’à remettre ce combat quand tu seras aussi grand qu’elle.
— J’y compte bien, cracha-t-il, ses yeux plus sombres que jamais.
Dans un geste passablement irrité, il repoussa ses cheveux poisseux sur son crâne et quitta la pièce sans même un adieu. Une fois seules dans la salle d’entraînement, Myrina soupira.
— Quel mauvais caractère. Il a hérité des gènes disgracieux de notre famille.
— Il y a de bons gènes ?
Un sourire amusé éclaira le visage harmonieux de Myrina.
— Mais oui : notre ruse, notre charme, notre loyauté…
Rebecca roula des yeux à ces mots en s’emparant d’une serviette. Elle adorait Myrina, mais ne savait pas toujours sur quel pied danser avec elle. Ses lèvres soyeuses pouvaient souffler autant de mensonges doucereux que de vérités mortelles. Ce n’était pas pour rien qu’elle était l’une des meilleures négociatrices de la Ghost Society.
Parmi les esprits manipulateurs qu’abritait sa famille, Myrina était peut-être celui que craignait le plus Rebecca. Derrière son air avenant et son apparence soignée se cachaient des motivations et des objectifs mystérieux. Rebecca lui en serait toujours reconnaissante pour ce qu’elle avait fait pour Jeremy. En trahissant Edward, Myrina avait mis sa propre position en danger. Pourtant, elle se tenait encore à leurs côtés lors des réunions de famille. N’avait jamais ouvertement remis en question sa loyauté envers les Sybaris.
— Alors, tu as discuté avec ton père ?
Rebecca avala de travers la gorgée d’eau qu’elle venait de tirer de sa gourde, toussota en grimaçant. Myrina lui tapota le dos sans se départir de son expression curieuse.
— Oui. Non. Ça dépend de quoi tu parles.
— De ton avenir, Becky.
L’intéressée balança un regard sec à la femme, qui élargit son sourire en réponse. Rebecca regretta qu’elle ne soit pas aussi facilement intimidable que Lazos.
— Rebecca, reprit Myrina d’une voix plus sérieuse, il faut vraiment que tu discutes avec Ed. Il se trompe complètement sur ton compte. J’ai essayé d’aborder le sujet avec lui, mais le mieux reste que tu lui en parles directement.
— Je sais bien, soupira l’adolescente en épongeant sa nuque humide à l’aide de sa serviette. Je vais le faire.
— Bientôt ?
Maintenant.
Rebecca ponctua sa phrase d’un regard mortel. Myrina esquissa un rictus satisfait qui ne détendit en rien les muscles de la jeune femme.
— Si tu as besoin de moi, Rebecca, je suis là. Que ce soit maintenant ou plus tard. Tu peux compter sur moi.
Elle le savait bien, même si le rappel n’était pas désagréable. Une fiabilité et une confiance qui se faisaient rares dans la toile de la Ghost Society.
— Merci, Myrina.
Rebecca donna un coup de menton vers la porte.
— Je te laisse ici. Je dois parler avec mon père.

Rebecca prit le temps de faire un saut dans sa chambre pour se débarbouiller. Son père avait toujours été à cheval sur l’hygiène et la façon dont on se présentait aux autres. Comme l’adolescente comptait bien aborder quelques sujets fâcheux, elle préférait mettre toutes les chances de son côté.
Le siège de la Ghost était pourvu de divers bâtiments et l’un d’eux, légèrement excentré du centre principal, accueillait une vingtaine de petits appartements pour les collaborateurs qui vivaient sur place. Quand Rebecca avait intégré le centre de formation, Edward avait récupéré un certain nombre d’affaires dans leur ancienne maison pour emménager dans l’un de ces appartements. Sans Brooke ni sa fille, l’homme n’avait trouvé aucune raison valable de continuer à vivre dans leur plain-pied poussiéreux.
Rebecca s’abrita les yeux le temps de traverser le terrain dégagé entre le centre de formation et le complexe d’habitation. Le soleil inondait les alentours verdoyants de la Ghost Society. Malgré son cadre de vie atypique, Rebecca s’était toujours sentie chanceuse d’être entourée de nature au cœur du Nevada. Quand elle sortait avec Queenie, sa jument, ou même en randonnée, l’atmosphère pesante de la Ghost s’émoussait sous les branches des arbres.
Elle glissa son badge personnel dans le lecteur avant de pénétrer dans le bâtiment. Dans le hall d’accueil, quelques sofas en similicuir secondés de distributeurs automatiques meublaient les lieux. Rebecca s’y était installée plus d’une fois pour discuter avec son père, un soda frais à la main. Mais les souvenirs remontaient à si loin qu’elle venait à douter de leur véracité.
La jeune femme se retrouva devant la porte de l’appartement sans en avoir pris conscience. Alors qu’elle se sentait sereine jusqu’ici – sainement épuisée par sa séance de sport – une vague de froid lui descendit la colonne vertébrale.
Rebecca ne s’était même pas préparée. Oui, elle savait quels sujets elle voulait aborder avec son père. Mais la façon de les amener, ce qu’il fallait à tout prix éviter… Son poing frappa contre la porte avant que son cerveau lui intime de se défiler.
Edward lui ouvrit sans attendre. La surprise de la voir plantée sur le seuil de son petit appartement lui fit écarquiller les yeux. Que brièvement. Ed redevint tout aussi vite l’homme posé au regard jaugeur.
— Becky. Entre.
Elle obéit sans rechigner en prenant soin de refermer derrière elle. Leur conversation était d’ordre absolument privé. En s’installant sur l’une des deux chaises qui meublaient la kitchenette, elle nota les cheveux humides qui tombaient sur la nuque de son père et l’odeur de gel douche qu’il dégageait à plusieurs mètres autour de lui.
— Désolé, lança-t-il en ouvrant son petit frigo pour en sortir une bouteille de jus de fruits. Je sors à peine de la douche.
— T’inquiète.
Sans lui demander si elle en voulait, il servit deux verres et s’assit sur la deuxième chaise disponible. Aussitôt, ses doigts entamèrent une danse lente et calculée autour de son gobelet.
— Tu veux parler de quelque chose ?
Un sourire mi-figue mi-raisin souleva les lèvres de Rebecca. La perspicacité de son père était parfois d’une franchise désarmante. Il n’y avait pas beaucoup de place pour l’hésitation et un florilège de sentiments avec son père. Simplement la concision, l’honnêteté et l’efficacité.
— Oui. En fait, Myrina m’a un peu… motivée. Faut que je te parle depuis un bail, papa.
Ed arrêta d’agiter les doigts pour les croiser devant lui. Il arbora une expression neutre et concentrée qui titilla les nerfs de la jeune femme. Elle ne voulait pas d’Edward Sybaris en face d’elle, mais juste son père.
— Je t’écoute.
— Écoute bien alors, grogna-t-elle d’un ton volontairement provocateur.
Son père haussa un sourcil, cette fois amusé par le comportement peu subtil de sa fille. Ça avait tendance à le faire rire, quand Rebecca cassait son apparente froideur pour laisser paraître une jeune femme plus mordante.
— Tu sais, tout ce que te dit Myrina depuis des mois… c’est pas complètement faux.
— Myrina me dit beaucoup de choses. Dont beaucoup de bêtises ou de provocations pour me tirer un sourire ou un soupir.
Un pli frustré pinça la bouche de l’adolescente, qui serra les poings sur ses bras.
— Papa, je te parle de trucs plus sérieux. De… moi. Ce que je veux. Ce que je veux pas. La famille, la Ghost, tout ça.
— Eh bien, fit Edward en calant son menton impeccablement rasé sur sa paume. T’as l’air d’en avoir gros sur le cœur.
— C’est le cas.
Pour soulager sa gorge brûlante et l’appréhension qui menaçait de la museler, Rebecca s’empara de la boisson qu’Ed lui avait servie. Une fois la moitié engloutie, elle la reposa dans un tintement.
— Papa, je vais être honnête. Je suis vraiment reconnaissante de tout ce que tu fais pour moi depuis que je suis petite. Et de ce que la famille et toi m’avez donné. Je sais que j’ai beaucoup de chance d’avoir intégré le centre de formation et qu’être une Sybaris y est pas pour rien. (Rebecca agita la main devant elle.) Mais… mais, tu sais, je crois pas que ce soit mon truc.
— C’est-à-dire ? Tu as presque terminé ta formation, Becky.
— Je sais bien. C’est pour ça que je veux t’en parler. Que tu sois pas étonné si je deviens pas Fantôme.
La peau dorée de son père prit une teinte cendreuse. Avec lenteur, il se dégagea de sa main pour se redresser. L’ambre de ses yeux avait adopté cette teinte glacée de pierre précieuse.
— Tu seras Fantôme dans quelques mois, Rebecca.
— Je sais, je compte bien terminer ma formation. Peut-être travailler un peu pour mettre de l’argent de côté. Et puis…
— Et puis quoi ? tonna son père d’une voix féroce. Rebecca, tout ce que j’ai fait… Ta grand-mère et moi ; même toute la famille. Tout ça, nos carrières, nos sacrifices, c’est pour te faire une place de choix que…
— Papa, le coupa Rebecca en fronçant les sourcils, tu m’as déjà demandé ce que je voulais faire ? Si apprendre à me battre, à espionner et à négocier me plaît vraiment ? Je veux pas devenir Fantôme !
— Ça a toujours été ton rêve, murmura Ed d’un ton sincèrement confus.
— Mon rêve d’enfant, peut-être. Je suis adulte, maintenant. Ça me fait pas rêver de partir en expédition je sais-pas-où pour défendre le pays ou que sais-je. J’ai pas ça dans le sang.
— Tu as exactement ça dans le sang, soupira Edward en se passant une main dans les cheveux. Notre famille travaille pour les services de renseignements et de défense civile depuis des générations. Même ta mère était une…
— Maman est morte à cause du boulot, l’interrompit sèchement sa fille. Et tu voudrais que je devienne comme elle ?
Il y eut un éclat de pure fureur dans les iris de son père. La chaise en métal racla le sol quand il se leva abruptement. Un instant s’envola avant que son verre, bousculé par le geste, se fracasse au sol. Pantelant, Ed dévisagea sa fille sans oser ouvrir la bouche au risque d’exploser.
Même s’il n’avait fait que se lever, Rebecca se tassa sur sa chaise. La colère n’avait pas toujours besoin d’être hurlée pour être palpable.
— Papa, tu me fais peur.
Cet aveu arracha un grognement sourd à Edward, qui enjamba les morceaux de verre brisé pour rejoindre l’évier. Toujours silencieux, il ouvrit le robinet et s’aspergea le visage. Tant de souvenirs affluaient. Des murmures, des sourires, des caresses.
Il n’avait jamais été un grand romantique ni un passionné. Mais il avait aimé, sincèrement, avec ce que son cœur rapiécé pouvait donner. Et, à deux reprises, il avait tout perdu.
— Pardon, dit-il en guise de première parole. Tu as raison, Becky, maman est morte parce qu’elle faisait son job de Fantôme.
Edward s’empara d’un torchon, s’accroupit et entreprit de ramasser les fragments éparpillés de sa colère. Après l’avoir observé quelques secondes, Rebecca se joignit à lui. Il agrippa son poignet avant qu’elle puisse attraper un bout de verre.
— Mon chat, tu vas te couper.
Rebecca retira sa main sans discuter, plus émue qu’elle ne l’aurait cru par le surnom et la voix inquiète de son père. Elle oubliait parfois qu’elle était son unique enfant, sa petite fille.
— Tu sais, j’ai tout fait pour te rendre heureuse, à ma manière. Je suis vraiment désolé si ça n’a pas marché, Becky. Je voulais que tu sois forte et fière comme maman. Que tu hérites des succès de notre famille. J’ai toujours été entouré de femmes qui réussissaient si bien que je ne me suis jamais dit que tu ne suivrais pas leurs traces.
Une fois les bouts de verre rassemblés dans son torchon de cuisine, Edward le replia délicatement. Rebecca ne quittait pas ses mains des yeux, fascinée par la mesure qui guidait chacun de ses gestes.
— Je n’ai jamais oublié ce qui est arrivé à Brooke. L’injustice de sa mort, car des hommes la pensaient incapable de diriger des opérations d’un point de vue stratégique. Obligée de rester sur le terrain alors qu’elle désirait prendre des décisions. (La voix de son père baissa d’une octave, trouva son origine dans la profondeur de sa poitrine.) Quand tu as grandi, montré à quel point tu étais intelligente et motivée… J’ai eu tellement peur. Qu’il t’arrive la même chose. Qu’on ne te prenne pas au sérieux parce que tu es née fille.
— Tu voulais un fils ?
La question qui jaillit à brûle-pourpoint de ses lèvres la couvrit aussitôt de honte. Mais Ed se contenta d’un rire amer.
— Mon chat, je m’en fichais complètement. Quand j’ai su que Brooke était enceinte, j’étais juste terrifié. Mais, sincèrement, je me projetais pas plus dans l’éducation d’une fille ou d’un garçon. Je te le promets.
— Alors pourquoi tu as voulu adopter Jeremy ? Pourquoi tu l’as fait venir ici contre son gré ?
Une ombre altéra les traits de son père, éteignit une lumière au fond de ses yeux.
— Elias…
— Jeremy. S’il te plaît, papa.
Edward soupira, abdiqua.
— J’ai fait venir Jeremy justement parce que je voulais te protéger du système de la Ghost. Je voulais qu’il prenne ta place en tant qu’héritier de notre famille et prenne lui-même les risques sur le terrain. Je voulais que tu obtiennes le rôle qu’on a toujours refusé à maman. Que tu sois aux opérations.
L’adolescente déglutit péniblement quand sa gorge rétrécit d’un coup.
— Tu as ruiné la vie de Jeremy et sa famille parce que…
— Je voulais te protéger.
— Menteur !
Edward encaissa l’accusation avec un sourire blessé.
— Je te le jure.
— Mais… pourquoi lui ? Tu pouvais adopter n’importe qui ! Trouver d’autres solutions !
— Jeremy est mon neveu et plus proche de moi que quiconque. Quant à d’autres solutions, ce sont toutes celles que j’ai essayé de mettre en place pendant des années. Avant d’être mis devant l’évidence : je n’aurais jamais d’autre enfant de mon sang et les projecteurs allaient être braqués sur toi. C’est ce que je voulais. Mais pas avec la finalité que je cherchais.
Rebecca secouait la tête, assaillie par l’agacement, les doutes et la peine. Mâchoires crispées, elle se releva et traversa l’appartement pour se dégourdir les jambes.
— Tout ce que tu as gâché, murmura Rebecca en fermant les yeux. Pour quelque chose que je veux même pas. Pour un rôle que tu m’as donné sans demander mon avis. Je croyais que tu avais du respect pour moi, papa.
— J’en ai. Plus que pour quiconque. Tu es la personne que j’aime et respecte le plus au monde, ma fille.
— Plus que toi-même ?
Les mots lui échappèrent. La soulagèrent autant qu’ils la mortifièrent. Au bout de quelques secondes d’un silence douloureux, son père approcha dans son dos. Avec douceur, il l’entoura de ses bras et lui embrassa le sommet du crâne.
— Si je t’ai déjà fait douter de mon amour ou de mon estime, je suis tellement désolé. Parce que je t’aime très fort et que je ne pourrais pas être plus fier.
Rebecca ne tint plus : s’agrippant aux bras que son père avait passés autour d’elle, elle laissa couler des larmes de regrets et de frustration.
— C’est dur, hoqueta l’adolescente entre deux reniflements.
— Je sais, mon chat. Je sais combien c’est dur.
Rebecca inspira profondément à plusieurs reprises dans l’espoir d’amoindrir ses sanglots. La méthode finit par payer au bout d’une longue minute. Elle tapota alors les bras de son père pour qu’il la lâche.
— Pardon, souffla-t-elle en essuyant ses joues humides. C’est juste que… Je me suis posé tellement de questions ces deux dernières années sans vraiment avoir de réponses. Je regrette de ne pas t’avoir parlé avant. J’aurais dû te dire que je me voyais pas devenir Fantôme pour toujours. (Devant l’air intrigué de son père, elle précisa : ) Sur le terrain ou aux opérations, d’ailleurs. Je suis pas toi, papa. Ni maman. Je veux pas suivre vos traces.
La déception, la désillusion, qui affaissèrent le visage de son père étaient tout aussi sincères que son affection quelques secondes auparavant. Rebecca eut l’impression de se prendre un coup de pied de Lazos dans l’estomac.
— Je suis désolée, geignit-elle en sentant monter les larmes. Je suis désolée, papa. Mais c’est pas moi. C’est pas moi.
Trop hébété pour répondre, Edward se contenta de secouer la tête. Lui aussi venait de prendre un coup de poing au plexus. À quel point s’était-il enfoncé dans ses machinations ? Quelle était la profondeur de son utopie intérieure ?
— Non, s’entendit-il répondre d’une voix lointaine, ébréchée. Non, c’est pas toi, Becky. C’est moi. Ça a toujours été moi.
Cette constatation lui comprima les tripes, déchira les sutures de son cœur rapiécé. Il prit son visage entre ses mains, soupira lourdement. Il avait perdu tellement de proches à cause de ça. À cause des projections dont il les entourait. Des idéaux qu’il leur imposait.
— Ce que j’ai fait est impardonnable, chuchota-t-il assez fort pour que Rebecca l’entende. À toi, à Ethan, à Brooke, à Jeremy…
L’adolescente considéra son père sans savoir quoi faire de ses épaules affaissées et de son expression déconfite. Ce n’était plus le Edward imperturbable et calculateur. C’était l’enfant battu qui n’avait pas réussi à créer des liens stables, l’adolescent délaissé rendu amer par les déceptions, l’adulte désabusé qui avait encore trop perdu.
Rebecca finit par se décider : son père lui avait ouvert son cœur, elle pouvait bien lui accorder le pardon qu’il ne demandait pas, mais dont il avait tant besoin. Les paupières brûlantes, elle étreignit la silhouette figée d’Edward et se blottit contre lui.
Il ne tarda pas à lui rendre son étreinte. Sa fille était la dernière personne au monde qu’il osait prendre dans ses bras ainsi. Edward comptait bien en profiter. Soigner quelque peu son cœur émietté et ses regrets acérés.
— J’aurais aimé qu’on fasse tous les deux les choses différemment, lui avoua Rebecca à voix basse. C’est un peu tard, mais on peut toujours apprendre à faire mieux.
Edward sourit et serra plus fort sa fille contre lui. Dix-sept ans après avoir chamboulé sa vie, elle parvenait encore à le surprendre, à lui rappeler combien elle avait la résilience et la bienveillance de sa mère.
— La première chose que je te demande, papa, enchaîna Rebecca sans se laisser démonter, c’est de me promettre d’accepter ce que je veux. Et de m’accepter comme je suis.
— Je te le promets, répondit-il sans une hésitation. En retour, je te demanderai de m’en dire plus. De m’expliquer ce qui te fait vibrer, Becky.
— Promis. (Rebecca lâcha son père pour qu’ils puissent de nouveau se contempler.) La deuxième chose, c’est que j’aimerais qu’on fasse la part des choses sur notre famille. Les Sybaris sont loin d’être parfaits. Je veux que tu arrêtes de nous mettre, les autres, toi et moi, sur un piédestal. (Comme son père acquiesçait, visiblement troublé, elle ajouta plus bas : ) Et j’aimerais que tu me jures de laisser ton frère et sa famille tranquilles.
Un rictus amer lui plissa les lèvres. Mais il finit par hocher la tête.
— Ethan, Maria, Thalia et Jeremy méritent d’être heureux, tu crois pas ? insista Rebecca en fronçant les sourcils. On a déjà mis leur vie en l’air il y a deux ans.
— Si, ils le méritent, soupira Edward en retournant s’asseoir sur une chaise. C’est juste que… les savoir à Modros, loin de nous…
— Papa, c’est toi qui es parti.
Ed poussa une petite exclamation dépitée avant de hausser les épaules.
— Tu as raison. Voilà que je me mets même à regretter ça. (Devant la moue curieuse de sa fille, il sourit faiblement.) M’enfin, tu serais pas née sinon. Alors le regret est déjà passé.
Comme Rebecca continuait de le toiser en silence, Ed souffla d’un air taquin :
— Au fait, tu t’amuses toujours bien avec ton cousin au téléphone ?
— J’aurais dû m’en douter, gronda Rebecca en croisant les bras. Que tu me surveillais.
— Pas bien compliqué de te prendre sur le fait, nuança son père avec un sourire tranquille. Mais je suis sincère : comment il va ?
Rebecca décroisa les bras avec un gros soupir.
— Ça t’intéresse, maintenant ? (Comme Edward affichait une moue penaude, elle marmonna malgré tout : ) Ben ça va, je pense. Il se fait à sa nouvelle vie – encore une fois. L’avantage, maintenant, c’est qu’il a sa sœur, ses parents et ses amis.
— Jeremy a du Sybaris en lui, qu’il le veuille ou non, s’amusa Edward d’un air pensif. Il tiendra le choc.
— Arrête de tout mettre sur le sang et la famille. Jeremy tient le choc parce qu’il en a vu bien d’autres. Pareil pour ses parents. Leur nom de famille a rien à voir là-dedans. Juste leur vécu et leurs victoires.
Le ton mordant de l’adolescente n’impliquait aucune répartie. Vaincu d’avance, Ed inclina la tête puis leva des mains pacificatrices.
— Je ne vais pas te dire de lui passer le bonjour de ma part, mais… si tu arrives à prendre des nouvelles de sa famille par son biais, je…
— Je lui demanderai, accepta Rebecca en roulant des yeux. Même si je vois pas en quoi ça t’intéresse franchement.
L’attaque était douloureuse, mais méritée. Edward se permit un rire jaune.
— J’aime Ethan, quoi que tu en penses, Becky. Et j’ai de l’affection pour Maria et leurs enfants.
— Tu as une drôle de manière de le montrer.
— Parce que je suis encore trop en colère. Et que ta protection passe avant eux.
Frustrée, Rebecca traversa l’espace qui les séparait pour agripper le bras de son père. Elle avait retrouvé ses yeux féroces et son air déterminé.
— Alors tiens ta promesse si tu veux pas me perdre, papa. Tu dois les laisser tranquilles. Car moi aussi je les apprécie et je veux pas que tu leur fasses du mal.
— Je sais, mon chat, tempéra Ed en couvrant sa main de la sienne. Tu sais que je n’ai qu’une parole.
Les traits de Rebecca s’apaisèrent.
— Je sais.
Après un moment, elle serra les doigts de son père dans les siens. Elle avait oublié leur chaleur, la sensation de réconfort qui en découlait. Sans remords, elle s’y plongea entièrement.



Suite
Dernière modification par louji le ven. 06 oct., 2023 2:22 pm, modifié 1 fois.
TcmA

Profil sur Booknode

Messages : 407
Inscription : dim. 02 sept., 2018 10:44 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par TcmA »

BECCA JE T'AIME

Les p'tits chats ;^;
Ed me fait tellement mal au cœur ptn, j'veux lui faire un câlin ;^;
Becca et Ed qui se font un câlin je fonds ;^;

C'est le genre de chapitre qui me rappelle à quel point cette famille sont des tarés. Et à quel point je veux savoir qui a débuté le fuckage de cerveau pour tout le monde chez les Sybaris, parce qu'Alexia ne peut pas porter toute la faute non plus et y a une raison pour laquelle elle est comme ça. Pfouah.

Myrina, je renouvelle ma demande en mariage, comme toujours.

Faudra que je me relise le chap dans la continuité des autres, histoire de me taper tous les feels dans la figure.
Hâte de pouvoir lire le recueil sur Becca, aussi.

La bise~
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

TcmA a écrit : sam. 30 sept., 2023 12:12 pm
BECCA JE T'AIME

Les p'tits chats ;^;
Ed me fait tellement mal au cœur ptn, j'veux lui faire un câlin ;^;
Becca et Ed qui se font un câlin je fonds ;^;

C'est le genre de chapitre qui me rappelle à quel point cette famille sont des tarés. Et à quel point je veux savoir qui a débuté le fuckage de cerveau pour tout le monde chez les Sybaris, parce qu'Alexia ne peut pas porter toute la faute non plus et y a une raison pour laquelle elle est comme ça. Pfouah.

Myrina, je renouvelle ma demande en mariage, comme toujours.

Faudra que je me relise le chap dans la continuité des autres, histoire de me taper tous les feels dans la figure.
Hâte de pouvoir lire le recueil sur Becca, aussi.

La bise~
JE L'AIME AUSSI 💖


Ils font tous les 2 mal au coeur, clairement. Ce chapitre était pas jojo, mais nécessaire.

Toute la famille est ratatinée, plus ou moins :roll: Et la génération d'Alexia/Akos est pétée à cause leurs propres parents.

Myrina, you dropped this 👑

J'ai hâte d'écrire le recueil sur Becca et les autres aussi !

Merci pour ton retour ♥
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

- Chapitre 17-



Mercredi 23 novembre 2022, Dourney, Modros, Californie, États-Unis d’Amérique.


Jeremy rangea son portable dans sa poche quand M. Cross passa à proximité. Même s’ils se trouvaient dans la cour de l’École et que le prof ne regardait pas spécifiquement dans sa direction, il ne tenait pas à être pris sur le fait.
Devant lui, des dizaines d’adolescents de son âge et un peu plus âgés s’étaient rassemblés et formaient des groupes plus ou moins bruyants. Tous les élèves des cursus de S.U.I, de la 5ème à la 7ème année, avaient été réquisitionnés en ce mercredi après-midi nuageux.
Jim ajustait le col de sa veste pour lutter contre la brise fraîche qui s’engouffrait sous le préau quand une main lui pinça le flanc. Après avoir glapi de surprise, il adressa un regard hébété à la femme plantée près de lui.
— Maman, s’étrangla-t-il, qu’est-ce que tu fous là ?
— Ben c’est bien aujourd’hui le tournoi, souffla-t-elle en indiquant les élèves agglutinés dans la cour. Ils ont dit que les parents pouvaient venir voir. Pour que, je cite, « nous puissions nous rendre compte des progrès significatifs de nos enfants ».
Jim esquissa un demi-sourire face au ton pompeux qu’elle avait adopté. Ses vestiges d’accent britannique en étaient d’autant plus notables.
— T’es sûre que tu veux voir ça ? marmonna l’adolescent en enfonçant les mains dans ses poches. On va pas… jouer aux cartes, tu sais.
Le visage tourné vers la cour, Maria ricana puis observa son fils.
— Mon chéri, je sais que ça fait des années que j’y travaille plus, mais j’ai été agent de S.U.I. J’ai fait l’École tout comme toi. Je sais bien qu’on joue pas aux cartes.
Avec une moue pensive, Jeremy haussa les épaules.
— Ouais, je sais. Mais… ça va pas te faire bizarre ? De me voir me battre ? Tu m’as toujours engueulé quand…
— Quand tu te battais au collège à Sludge, oui. Tu en venais aux mains quand tu savais plus quoi dire. Là, le contexte est différent. Tu vas affronter tes camarades dans un cadre scolaire et surveillé. Pas frapper bêtement pour faire du mal ou dominer.
Avec un sourire tranquille, elle serra le bras de son fils. Puis lui confia à clin d’œil mutin.
— Mais si tu peux mettre une raclée à ces grosse-têtes d’Intouchables, je serais pas mécontente…
— Maman, grinça son fils en riant nerveusement, tu m’envoies des signaux contradictoires.
Comme sa mère se contentait de sourire en silence, Jeremy en profita pour poser une question qui le turlupinait depuis un moment :
— Au fait, ton binôme de l’École, celui qui était ton partenaire à S.U.I. Hm, Adrián, c’est ça ?
La mâchoire de sa mère se crispa. Jim s’en rendit compte avant qu’elle essaie de le masquer derrière un sourire pensif.
— Adrián, oui. Eh bien ?
— Eh ben… Il est devenu quoi ? Tu nous parles jamais de lui.
Le front de Maria se plissa. Après avoir soupiré lourdement, elle lâcha le bras de son fils.
— Il est mort. Il y a longtemps.
— Merde, désolé, lâcha Jim en cherchant un point de repère pour se détourner de la moue indéniablement blessée de sa mère.
— T’y es pour rien, mon chéri.
Jeremy haussa un sourcil, ouvrit la bouche.
— Maria !
Ryusuke arrivait en trottinant vers eux. Avec une spontanéité qui surprenait encore Jim, ils s’étreignirent affectueusement avec Maria.
— Ryu, si tu continues de grandir comme ça, tu passeras plus les portes.
L’adolescent s’esclaffa avant de se tapoter le crâne.
— Ça a bien ralenti, là. À ma dernière visite médicale, le médecin m’a dit que je prendrais sûrement quelques centimètres en plus, mais la poussée de croissance est finie.
— J’espère bien ! Tu es à combien là ?
— Un mètre quatre-vingt-cinq je crois.
Jeremy secoua la tête avant de donner un coup inoffensif dans l’épaule de son compagnon.
— Au lieu de crâner, prépare-toi pour le tournoi. C’est en binôme je te rappelle.
Ryusuke prit le temps de nouer correctement ses cheveux sur sa nuque sans quitter des yeux son ami. Ses iris sombres brillaient d’une lueur enthousiaste. Il avait hâte d’entamer les combats. À présent qu’il était formé pour savoir se défendre ou neutraliser un adversaire, la perspective d’utiliser son corps pour attaquer un autre humain ne l’effrayait plus. Avec les mois, la patience et l’exigence, Ryusuke avait su tirer de son corps dégingandé, de ses muscles fins et de sa souplesse une satisfaction inédite.
— Je vous laisse, les garçons, souffla Maria en leur serrant le bras tour à tour. Faites attention à vous. Mais rendez-nous fiers !
Ryu acquiesça en la remerciant tandis que Jeremy la regardait partir d’un air songeur. Il se demandait qui d’autre était venu pour assister au tournoi.

Ils retrouvèrent leurs camarades de classe à proximité du pilier où avait été suspendue une large pancarte « 5ème A ». S’il n’était pas prévu qu’ils affrontent des étudiants plus âgés, Jim, Ryu et leurs camarades pouvaient combattre entre eux ou avec les autres élèves de 5ème année.
Leur professeur d’EPSA tentait tant bien que mal de rassembler leur classe pour leur donner les consignes. Jeremy observa son père avec un élan de compassion. Ce tournoi inédit rendait ses camarades agités. Il n’aurait pas aimé être à sa place et devoir les ramener à l’ordre.
Après quelques minutes de chaos et de chahut, la 5ème A finit par se mettre en route vers le complexe sportif qui jouxtait l’École. Au-delà du stade d’athlétisme s’étendait un gymnase couvert. Quand les élèves se serrèrent le long de ses murs crème, ils aperçurent une trentaine de parents qui avaient fait le déplacement et patientaient dans les gradins.
— Oh, ta mère est à côté de la mienne, remarqua Jason en se penchant vers Jim.
L’intéressé zieuta vers les gradins qui les surplombaient à quelques mètres de hauteur. Maria et Grace s’étaient installées sur un côté et ne manquèrent pas de les saluer quand elles les remarquèrent. Jeremy baissa le nez, gêné, mais Jason rendit son geste de la main à sa mère.
Les professeurs d’EPSA en charge de l’organisation du tournoi ne tardèrent pas à séparer le gymnase en trois zones – une pour chaque niveau de classe. Au sein de chacune furent ensuite délimités trois cercles de trois mètres à l’aide de scotch. Sous les yeux curieux des élèves, chaque professeur finit par rassembler sa classe pour donner les consignes.
— Pas très drôle, tout ça, commenta Kaya en se glissant près de Jim et de Ryu.
— Ils ont même pas donné les consignes, s’étonna ce dernier.
— Pas la peine. On va devoir s’affronter dans le cercle, repousser l’autre en dehors, pas de coups à la tête, blabla…
L’adolescente fronça le nez à cette perspective. Ce n’était pas la première fois qu’on leur imposait cet exercice. À l’occasion d’un tournoi de ce genre, elle aurait aimé quelque chose de plus amusant. Frustrée, elle déroula les bandes de protection autour de ses poings. Elle pratiquait la boxe thaïlandaise en dehors de l’École et était plus qu’habituée aux affrontements à mains nues et en face-à-face.
Son visage ne se dérida guère tandis que leur prof entamait ses explications. Elle avait deviné. Affrontement par binôme ou en solo. Plusieurs façons de gagner : sortir l’adversaire du cercle, lui faire toucher le sol avec les genoux ou les coudes, l’immobiliser complètement… En soi, l’adolescente savait que ce genre d’exercice était idéal pour mettre en œuvre les différents arts martiaux qu’on leur enseignait depuis des mois, mais aussi pour étudier leur esprit d’équipe ou leur capacité d’analyse et de stratégie. Pour autant, c’était toujours trop gentillet.
— Prête ?
La question soufflée à son oreille détourna Kaya de l’observation de la zone de combat. Jason était penché vers elle, un sourire tranquille planté sur son visage anguleux. Elle haussa les épaules.
— Prête, oui. Motivée, non.
Son partenaire rit doucement sans faire de commentaire. Il savait que Kaya s’ennuyait dans la plupart de leurs tournois.
— Premier cercle, finit par lancer leur professeur une fois les consignes données. 5ème A. Premier tirage au sort : Empkin et Moore. (Ethan déplia le deuxième papier coincé entre ses doigts.) Contre Hitori et Wayne.
Kaya sentit ses lèvres se plisser en sourire sardonique. Voilà qui apportait un peu de gaieté à sa journée. Alors que Jason soupirait de mécontentement, elle se tourna vers Jim et Ryusuke. Ils la considéraient avec crainte.
— J’ai hâte de vous en foutre plein la tronche.

Ryusuke déglutit péniblement quand il franchit la limite du cercle, Jim sur les talons. Lui qui avait hâte de passer à l’épreuve quelques minutes plus tôt déchantait. Même s’il savait que c’était possible, il ne s’attendait pas à tomber sur ses amis. Le hasard n’avait pas été en leur faveur.
En face d’eux, Jason et Kaya se dressaient. Pas bien haut pour Kaya avec son mètre cinquante-quatre. Même si Ryu la dépassait de deux bonnes têtes, il se méfiait bien plus d’elle que de quiconque. Elle était sûrement la plus douée en combat à mains nues de toute leur classe.
— On fait quoi ? murmura-t-il à l’adresse de Jim.
L’intéressé gardait les yeux rivés à l’adolescente. Après avoir desserré les mâchoires, il proposa :
— On se jette sur Kaya. Jason est assez lent et il va sûrement vouloir laisser Kaya faire le job.
Guère plus inspiré, Ryu acquiesça d’un signe du menton. En face, Kaya terminait de nouer les bandes de protection autour de ses mains. Une fois fait, elle repoussa en arrière les mèches folles qui couronnaient son front et leur adressa un rictus narquois. Elle savait combien ses amis appréhendaient l’affrontement.
Ethan se glissa à la limite du cercle, considéra les quatre adolescents.
— Pas de coup à la tête. Pour gagner, il faut faire sortir l’adversaire de la zone.
— C’est tout ? insista Jason avec étonnement.
Comme leur prof hochait la tête, ils se mirent en position. Une fois le coup de sifflet donné, Jeremy et son ami se lancèrent comme prévu. Jason recula, pris de court par la vitesse de ses adversaires. À l’inverse, Kaya partit en avant. Souple et nerveuse, elle glissa sous l’assaut des garçons pour asséner plusieurs impacts dans le flanc de Jim. Le souffle coupé, ce dernier se décala sur le côté. Resté seul au milieu des deux adolescents, Ryu dressa les coudes dans l’attente des crochets à venir. Kaya ne tarda pas à s’exécuter : sa respiration parfaitement calée, elle enchaîna coups de pied sur les cuisses et uppercuts dans les bras. Ryu était trop grand pour qu’elle se risque à cibler plus haut et exposer son torse.
Sur le côté, Jason s’était approché d’un Jim grimaçant. Il aurait sûrement une jolie collection de bleus dès le lendemain. Avant que Jason ait pu envisager de lui porter un coup, Jeremy partit de l’autre côté. Son ami tendit les bras pour l’agripper, mais Jim l’évita avec souplesse. S’il n’avait pas la détente de Ryu ou la vivacité de Kaya, il était bien plus rapide que Jason.
Jeremy se focalisa sur le dos de Kaya pour ignorer les encouragements qui fusaient de part en part du cercle. L’adolescente avait acculé Ryusuke à l’une des extrémités à force de coups et s’apprêtait à le mettre hors-jeu.
Sans chercher la subtilité, Jim saisit Kaya à bras-le-corps et poussa sur ses talons. Son amie expulsa brutalement son souffle quand ils s’écrasèrent au sol.
— Espèce de… cracha-t-elle en agrippant le bras de Jeremy pour le repousser.
Tant bien que mal, l’adolescent s’accrocha à Kaya et entreprit de la pousser sans se remettre debout. Kaya écarquilla les yeux, les joues rougies par l’effort. En la maintenant au sol, Jim l’empêchait d’asséner ses féroces kicks. Et même ses coups de poing étaient limités quand elle devait se maintenir en équilibre au risque de se faire littéralement écrasé par son adversaire. Jeremy avait beau être plus petit que Ryu, il restait plus lourd qu’elle.
Ryusuke avait profité de cette accalmie pour reprendre son souffle. Ce fut pourtant de courte durée quand Jason asséna un brusque coup de poing dans son épaule. Ryu recouvra son équilibre de justesse et tenta de faucher les jambes de son opposant. Jason bascula en arrière, moulina des bras avant de taper durement le sol de ses fesses. Quelques rires éclatèrent en réponse. L’épaule douloureuse, Ryu entreprit de finir ce qu’il avait commencé. Sans plus de subtilité que son ami, il contourna un Jason désorienté pour attraper son bras. Dents serrées, il contracta les muscles et traîna son adversaire en direction du scotch.
— Allez Ryu ! perça la voix de Valentina dans la foule.
— Kaya, éclate-le !
Tess venait de crier encore plus fort pour encourager son amie. Kaya n’était plus qu’à une dizaine de centimètres de la limite, bras et jambes emmêlés avec ceux de Jeremy.
— Pauvre abruti, siffla Kaya en se tortillant pour libérer une main.
Main qui finit brutalement sa course sur la joue de Jim. La claque sonore tira un torrent de rires à leurs spectateurs. Éberlué, Jim porta les doigts à son visage.
— Eh, mais c’est interdit de…
L’ignorant superbement, Kaya se ramassa, cala ses genoux contre les cuisses de l’adolescent et plaqua les paumes contre ses épaules. Il était peut-être plus grand qu’elle, mais il n’était pas aussi musclé que Jason. Or, l’adolescente s’entraînait depuis des années avec son partenaire. Ce n’était pas un gringalet comme lui qui allait l’arrêter.
Jeremy poussa une exclamation de surprise quand Kaya l’envoya soudainement balader. Poussé sur le côté, il retomba sur le flanc qu’elle avait frappé plus tôt. Une vague de douleur lui crispa le torse. Avant qu’il ait le temps de réaliser, Kaya s’était approchée et le fit simplement rouler.
Un coup de sifflet couvrit la huée qui les entourait.
— Wayne, éliminé !
Jim se redressa en vitesse, désemparé. Il se détourna du sourire arrogant de Kaya pour voir où en était son ami. Ryusuke venait d’esquiver un direct de Jason qui était à moitié affalé par terre. Avant que Kaya ait pu lui venir en aide, Ryu parvint à pousser Jason à la faute. L’adolescent mit un pied dehors en essayant de bloquer une attaque de son adversaire.
Nouveau coup de sifflet.
— Empkin, éliminé !
Kaya et Ryusuke se dressèrent l’un face à l’autre. Tous deux le front luisant de sueur, le souffle court.
Moins de deux minutes plus tard, Ryu roulait en dehors du cercle.
— Hitori, éliminé, lança Ethan de l’autre côté du cercle. Empkin et Moore remportent la manche. Félicitations à tous.
— Merde, grogna Ryusuke en se redressant sur un coude.
Jim lui tapota l’épaule avec compassion. Définitivement, ils n’étaient pas à la hauteur de la maîtrise de Kaya en termes de corps-à-corps à mains nues.



Suite
Dernière modification par louji le ven. 13 oct., 2023 4:53 pm, modifié 1 fois.
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

J'en connais qui vont dire "Traaaash-man", j'en rigole d'avance.


- Chapitre 18 -



Vendredi 25 novembre 2022, Dourney, Modros, Californie, États-Unis d’Amérique.


Le cabinet médical de William était accolé à sa petite maison de banlieue. L’une des portes du hall d’entrée permettait d’y accéder. Jim enclencha l’interrupteur à côté de la poignée avant de se faufiler par l’ouverture.
Il aimait passer les week-ends avec sa mère, mais la maison de Will était généralement plus bruyante que l’appartement de son père. Maria écoutait la radio en taillant ses bouquets de fleurs ou se lamentait devant ses films à l’eau de rose. Thalia tourbillonnait d’une pièce à l’autre, un audiolivre ou un documentaire en mode haut-parleurs sur son portable. Si Will était plutôt discret, Jim n’appréciait pas pour autant sa présence. Quoi qu’il fasse, quoi qu’il dise, il avait le sentiment de déranger le médecin par sa simple existence.
Alors le cabinet était l’un des rares endroits où il se sentait à l’abri du bruit et des regards. Jeremy n’avait évidemment pas le droit d’y aller, mais l’accès n’était pas verrouillé et les adultes habitués à le laisser faire sa vie. D’ailleurs, Maria et Will s’imaginaient sûrement qu’il s’était enfermé dans la chambre de Thalia pour écouter de la musique.
Jim consulta l’horloge en s’installant sur l’une des trois chaises de la salle d’attente. Il avait cinq minutes de retard. Et un appel manqué. Sans attendre, il enclencha l’appel retour en se mordillant le doigt.
— Cinq minutes, gros naze, entama la voix sans même dire bonjour.
— Oh, ça va, tout le monde a pas ton temps libre, princesse.
— Princesse ? ricana sa cousine. Toi, la prochaine fois qu’on se voit…
Comme elle laissait sa phrase en suspens, Jeremy répondit à sa place :
— Quoi ? Tu passes déjà ton temps à te moquer de moi et à me violenter.
— Te violenter, répéta Rebecca d’un ton amusé, je pensais même pas que tu connaissais ce mot. T’as appris à lire entre temps ?
Comme Jim se contentait de rire, sa cousine en profita pour ajouter :
— J’ai plein de trucs à te dire, j’espère que t’as ta soirée.
— Mmh, si ma mère et son copain me tombent pas dessus, oui.
— OK, ben débrouille-toi pour rester caché. Bon, déjà, ça va ?
— Ça va. J’ai encore des bleus de notre tournoi de mercredi, mais ça va.
— Un tournoi ?
Jim se replaça sur la chaise pour soulager les douleurs vagues qui s’éveillaient dans son corps. Le plastique rigide de l’assise n’était pas en harmonie avec ses hématomes.
— Ouais, un délire de nos profs d’EPSA. Ils voulaient qu’on affronte les autres classes dans un tournoi de combat à mains nues.
— Oh et t’as perdu combien de fois ?
Jeremy soupira-grogna dans le micro de son portable.
— Eh, tu pourrais pas me demander si j’ai gagné sérieux ?
— Réponds, imbécile.
— J’ai perdu deux fois, marmonna-t-il d’un air vaincu. Et gagné une fois.
— Tu feras mieux la prochaine fois. T’étais seul ou en binôme ?
— Avec Ryu. Mais mine de rien on est plus trop habitués l’un à l’autre. Faut qu’on s’entraîne.
Rebecca grogna son assentiment avant d’enchaîner abruptement :
— Bon, j’ai parlé avec mon père.
— Quoi ? Quand ?
— Y’a trois semaines déjà. Mais on arrivait pas à s’appeler avant alors je te le dis que maintenant.
Par nervosité, Jim se leva et entreprit de faire le tour de la salle d’attente. Ses doigts s’étaient crispés autour du téléphone. Son cœur résonnait dans le silence de la petite pièce.
— Et ? Vous avez parlé de quoi ?
— Surtout de moi. Je lui ai enfin dit. Que je voulais pas continuer.
— Il a pas pété un câble ?
— Nan. Mais je lui ai dit que j’allais passer mon diplôme quand même. Histoire qu’il se jette pas par la fenêtre. (Jim grommela une réponse vague qui incita sa cousine à continuer : ) J’’ai dit que je bosserai quelques années. Mais que je comptais pas grimper les échelons et devenir directrice comme il se l’imagine. C’est pas du tout ce que je veux.
— Je sais bien, Becca. Tu lui as dit, pour ton projet d’équithérapie ?
— Non, avoua-t-elle après un silence. J’avais peur que ça fasse trop d’un coup. Et puis, je suis pas sûre de moi. Je préfère attendre en ayant un meilleur plan.
Jim sourit vaguement contre le téléphone. Rebecca avait beau dire, elle était bien la fille d’Edward. Elle mesurait, calculait, échafaudait des plans.
— Et… ajouta Jeremy avec hésitation, tu lui as dit pour… euh…
— Pour quoi ? l’interrompit sa cousine d’un air impatient.
— Pour ce que tu m’as dit un peu avant que je parte de la Ghost. (Comme elle ne répondait pas dans l’immédiat, Jeremy ajouta d’un ton incertain : ) Euh… pour ta préférence pour les filles.
Sa cousine grommela des paroles inintelligibles. Laissa passer un silence. Jim ferma les yeux en se maudissant en pensées. Rebecca avait déjà dû prendre sur elle pour aborder ces sujets avec son père. Son orientation sexuelle aurait sûrement été de trop. Du moins pour cette fois.
— J’ai pas osé, finit par avouer sa cousine d’une voix crispée. Je sais pas si j’oserai un jour. Tu sais, ils sont pas vraiment ouverts, les Sybaris. Myrina m’encouragerait. Peut-être que mon père finirait par accepter, mais les autres…
— Ouais, lâcha Jim sans avoir besoin de s’épandre. Désolé pour toi, Becca. Encore quelque chose que tu es obligée de cacher.
— Je cache tellement de choses que je sais même plus qui je suis, parfois, avoua-t-elle d’un ton étranglé. C’est aussi pour ça que je veux partir. J’en peux plus d’effacer qui je suis.
Peiné, Jeremy préféra conserver le silence. Il n’avait jamais eu à confronter ses proches sur ce genre de sujet. Il ne pouvait imaginer le genre de cassure qu’on craignait de provoquer sur la surface bien lustrée des attentes familiales.
— Mais, au moins, reprit Rebecca d’une voix plus assurée, il a compris pour ma carrière. Même si c’était compliqué.
— Tu m’étonnes, grinça Jeremy en roulant des yeux. Il a vraiment pas pété un câble ?
— Si, un peu. Mais ça a fini par passer. J’en ai profité pour parler de toi.
L’adolescent se figea au milieu de la salle d’attente, désemparé.
— Pourquoi ?
— Je lui ai fait promettre de vous laisser tranquilles, ta famille et toi.
— Et il a accepté ? rebondit-il d’un air ahuri.
— Je pense que oui. Je crois pas qu’il ait envie de briser sa promesse envers moi.
Les jambes de Jim finirent par se remettre spontanément en mouvement. Le carrelage était froid sous ses chaussettes et tempérait la chaleur qui lui montait au crâne. Alors, sa cousine avait réussi à les mettre hors de danger, aussi simplement ? Une petite promesse et sa famille pouvait souffler pour de bon ?
— Et notre grand-mère ? marmonna Jeremy plus sombrement. OK, ton père nous laisse tranquilles. Je sais que c’est pas un connard et qu’il tient à toi. Il va sûrement la tenir, sa promesse. Mais elle ? Elle veut nous tuer, Becca.
— Je sais pas, sincèrement. Je sais qu’elle nous traite très différemment, mon père et moi.
— Elle vous tolère, ouais, ricana amèrement son cousin.
— Tu sais, mon père était vraiment déçu et en colère quand tu as retrouvé tes proches. Mais je pense qu’il va continuer à vous protéger d’elle. Il l’a toujours fait.
Cette annonce fit monter un goût de bile dans la gorge de Jeremy.
— Comment ça ?
— Ben, il a gardé le secret de votre survie, à Thalia et toi, pendant des années. Tu le sais déjà.
— Oui, oui, mais… Après, tu crois qu’elle voulait encore…
— Se débarrasser de vous ? Peut-être. J’imagine que oui. Vous êtes la dernière tache au tableau.
— C’est toi, la tache.
La réplique faiblarde tira un soupir à demi-amusé à sa cousine. Elle savait que Jim cachait volontiers son désarroi et son anxiété derrière les attaques inoffensives. Après tout, ça avait été leur moyen de communication favori ces deux dernières années.
Jeremy était planté près du comptoir d’accueil quand la porte grinça dans son dos. Il eut à peine le temps de faire demi-tour que la lumière lui brûlait les rétines. Puis la voix de William s’éleva, glaciale de surprise et de colère :
— Qu’est-ce que tu fais là ?
Le goût de bile afflua dans la bouche de l’adolescent. Après avoir forcé ses lèvres à se desceller, il souffla rapidement à Rebecca :
— Désolé, Becca, je dois te laisser. À plus.
Il raccrocha sans attendre et fit face au médecin. Le regard bleu foncé de Will paraissait noir. Un relent de cigarettes émanait de lui ; il devait revenir du porche de la maison où il avait l’habitude de fumer. Gêné par cette odeur, Jeremy recula de quelques pas.
— J’étais juste au téléphone, expliqua-t-il en levant son portable.
— Tu as rien à faire ici, soupira William en s’approchant. Je te l’ai déjà dit. C’est pas la première fois que tu me fais ce coup. Je peux pas te faire confiance, Jeremy.
L’intéressé se crispa à ces mots. La bile devenait de plus en plus amère dans sa gorge. Rendait ses mots étranglés.
— Comment ça ? Sérieux, j’étais juste en train d’appeler ma cousine. J’ai rien fait d’autre.
— C’est un cabinet médical, ici, gronda Will à voix basse. Pas un café. Tu peux pas te balader comme tu veux. J’ai des dossiers sur mes patients, des analyses, des factures… Il se passe quoi si tu fouilles ou que tu éparpilles mes affaires ?
Le visage de Jim pâlit sous le halo blafard des plafonniers. Même si William le dépassait de quelques centimètres seulement, l’homme au visage assombri lui apparut menaçant.
— C’est bon, Will, je suis resté dans la salle d’attente. Et je sors tout de suite.
Pour mettre les paroles à exécution, Jim fourra son portable dans la poche de son jeans et contourna le médecin. Ses muscles se tendirent à proximité de l’homme, réaction instinctive à sa froide colère.
Avant que Jeremy puisse atteindre l’entrée, William lui saisit fermement le bras.
— Je te revois plus jamais ici, c’est compris ?
Jim se dégagea sans prendre la peine de répondre. Il se contenta de rendre à l’homme son regard furieux et opéra un demi-tour hâtif. Dans le hall, il manqua percuter sa mère qui se baladait avec un pot de crème glacée bien entamé.
— Oups, fit Maria sans la moindre once de culpabilité. Prise sur le fait.
Comme son fils s’éloignait vers l’étage, Maria lui lança :
— Tu en veux ?
Elle fronça les sourcils alors que Jim disparaissait dans l’obscurité du couloir sans répondre. Will finit par sortir du cabinet à son tour. La femme nota aussitôt ses lèvres plissées et ses yeux agacés.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— Ton fils était dans la salle d’attente. (Devant le regard inquisiteur de sa compagne, il ajouta : ) Tu sais que les enfants ont pas le droit d’y aller. Je leur avais déjà dit. Thalia au moins respecte ça.
Maria secoua la main devant elle, lasse.
— Will, il devait juste téléphoner. Il s’isole là-bas comme on fait du bruit.
— La chambre de sa sœur irait très bien aussi, rétorqua l’homme d’un ton implacable. Bordel, Maria, y’a les dossiers de mes patients. Du matériel médical. Il est hors-de-question qu’un gamin bordélique traîne là-bas.
— Il a quinze ans, pas huit, grommela Maria en roulant des yeux. Fais-lui confiance un petit peu.
Will serra les mâchoires, considéra la cuillère de crème glacée que la femme venait de porter à sa bouche. Son ton se durcit.
— C’est justement ce que je peux pas faire avec ton fils, Maria. Il n’est pas digne de confiance. Je suis désolé de te dire ça, mais tout ce qui s’est passé ces dernières années est un exemple. Tu penses sûrement que Jeremy est un gentil garçon, mais il a la fourberie de sa famille paternelle.
Maria s’arrêta de manger pour secouer la tête. Ses yeux s’étaient fait aussi durs que ceux de son compagnon.
— Sérieusement, Will ? Je sais que mon fils n’est pas un petit garçon innocent. J’aurais vraiment aimé le préserver, mais j’ai raté. Je sais. Et tu es médecin, c’est pas à toi que je vais apprendre l’impact limité de l’ADN sur un caractère. Si l’attitude de Jim te déplaît, c’est à moi que tu dois en vouloir. Je l’ai élevé.
— Tu n’as pas été la seule. Tout ce temps à la Ghost Society… ose dire qu’il est revenu comme avant. Ils lui ont appris à mentir et à manipuler. C’est le boulot familial, chez les Sybaris.
— Oh, arrête ton char, siffla Maria en refermant le couvercle du pot de glace, l’appétit coupé. Si ça avait été Thalia, tu en aurais pas fait autant.
Le médecin tressaillit, ouvrit la bouche avant de la refermer tout aussi vite. Son exaspération se mua en dédain à peine dissimulé.
— J’ai confiance en Thalia. C’est une fille sérieuse et fiable.
— Jeremy est l’une des personnes en qui j’ai le plus confiance, soupira Maria en se dirigeant vers la cuisine. Tu n’as même pas idée. Tu sais tout ce qu’il a fait pour sa sœur ? Ou pour moi ? Et tu oses dire qu’il est pas fiable.
— Encore heureux, après tous les malheurs qu’il a provoqués.
Maria, qui venait de ranger le pot de glace, se redressa avec une expression dépitée.
— Will, parfois je me demande qui tu essaies punir à travers Jeremy. Moi ? Son père ? C’est un enfant, tu sais. Un enfant. Il n’a aucune responsabilité.
— Tu plaisantes ? s’offusqua le médecin en haussant la voix. Ouvre les yeux, Maria. Il passe son temps à prendre des décisions pour lui-même sans se soucier de ce qui va se passer ensuite. La preuve quand il est parti rejoindre son oncle.
— Pour nous sauver. Thalia et moi serions pas là sinon.
— C’est vrai que les adultes pouvaient pas s’en occuper. Mais comme il en fait qu’à sa tête, il…
— Cette discussion est stérile, le coupa Maria en se plantant face à lui. Je suis pas aveugle, je vois que tu en veux à Jeremy. Pour des choses que je ne comprends pas.
William baissa le nez, serra les dents. La vérité lui piquait la langue. Lui plombait la poitrine. Comme Maria tendait les doigts pour lui serrer le poignet, il soupira de frustration.
— William, je veux juste comprendre. Jeremy ne t’a jamais rien fait. Il a peut-être agi de façon impulsive. Mais comprends-le, il se sentait au pied du mur.
— C’est pas que ça, gronda l’homme tout bas pour être certain de ne pas être entendu d’oreilles curieuses. Depuis le début, Maria. C’est un enfant de malheur.
La femme le lâcha avec une moue peinée. Qui mua ensuite en fermeté.
— Tu te trompes. Avec Thalia, c’est la personne qui m’apporte le plus de bonheur.
— Ton isolement social, ta carrière suspendue, l’éloignement avec ta mère, tes soucis de santé, la mort d’Adrián, ton hospitalisation, l’incendie de votre maison, ta séparation avec Ethan… Du bonheur, Maria ? Vraiment ?
Comme s’il avait asséné un atemi dans sa poitrine engourdie, Maria recula de quelques pas fébriles. Conscient de la faille qu’il avait entrouverte, William enchaîna :
— Tout le temps et l’argent perdus à le faire soigner, à vouloir l’aider alors qu’il ne s’aidait pas lui-même, puis votre kidnapping à Thalia et toi… Tu as conscience que ton fils a un lien direct avec tout ce que j’ai énoncé ?
Maria resta quelques secondes silencieuse, blême et figée. Une statue de cire. Dépitée, attristée. Ébranlée.
Puis, enfin, les flammes dans ses yeux. Elle se pressa le front, soupira. Déclara simplement :
— Heureusement que t’as jamais eu d’enfants, Will. Tu aurais été un père exécrable.
Désemparé, il cligna des yeux, souffla :
— Je te demande pardon ?
— Tu m’as entendue. Avoir des enfants, c’est pas espérer que rien de grave arrive. C’est savoir qu’on va se tromper, les décevoir, être déçus et peut-être se faire du mal mutuellement. Franchement, c’est de se préparer à ça et d’essayer de trouver les solutions pour amoindrir la casse. (Devant l’air dérouté de son compagnon, elle reprit d’une voix plus assurée : ) Quant à tout ce que tu as énoncé… c’est le résultat de mes décisions. Des décisions qu’Ethan et moi avons prises. De nos erreurs. On en a fait beaucoup, Will. Je vais pas me voiler la face.
Elle avala le mètre qui les séparait d’une grande foulée, se planta sous le nez du médecin.
— Je n’ai jamais oublié Adrián. Parfois, je rêve de revenir en arrière, de signer l’autorisation d’avortement juste pour être certaine d’être envoyée en mission avec lui quelques mois plus tard et pouvoir le protéger. Y’a des jours où je regrette d’avoir voulu construire quelque chose avec Ethan pour voir tout ça s’effondrer. D’autres où je rêve de n’être jamais tombée amoureuse, d’avoir été célibataire toutes ces années pour la seule promesse de plus souffrir.
Maria croisa les bras pour se donner plus de contenance face à l’homme, plus grand, plein de colère, qui lui faisait face.
— J’ai plein de regrets, de tristesse et de colère, moi aussi. Mais j’ai aussi beaucoup, beaucoup, d’amour, de bonheur et de fierté. Essentiellement pour mes enfants. Et ça, Will, c’est ce qui te manque. Tu es pas foutu d’aimer inconditionnellement. C’est la pire tare pour un parent.
William profita d’une longue respiration de Maria pour marmonner :
— Effectivement, on peut pas se comprendre.
— Will, n’en fais pas des tonnes. Dès le début, j’ai été honnête avec toi pour que ça se passe bien. Tu t’occupes pas de mes enfants. Tu te mêles pas de leur éducation. Tu n’essaies pas de devenir un deuxième père. Toi et moi, on…
— On quoi, Maria ? Tu m’as avouée à demi-mot que tu préférerais encore être seule.
— Arrête. On l’a tous voulu un jour, quand c’est trop douloureux de perdre des proches.
— Si tu estimes donc qu’on est pas fait pour être ensemble, embraya-t-il d’une voix rauque, je préfère encore…
— Non, l’interrompit Maria en agrippant son bras. Will, non. Ce n’est pas ce que je voulais dire. Je suis sûre que ça peut bien se passer. Mais je ne suis pas à l’aise avec ce que tu imposes à mes enfants.
Le médecin plissa les paupières, soupira, caressa distraitement la paume de sa compagne.
— Maria, tu m’en demandes trop. Tes enfants sont trop jeunes et trop présents dans notre quotidien pour que je ne puisse pas m’en mêler. Et tu auras beau dire, je reste persuadé que la balance bonheur-malheur que ton fils a apporté dans ta vie est déséquilibrée.
— Tu te trompes. Et j’aimerais que tu laisses à Jeremy la chance de te le prouver. (Elle déposa un baiser sur le dos de sa main.) S’il te plaît.
William la fouilla de son regard d’un bleu d’abysses, ne trouva aucun des failles précédemment ouvertes. Après avoir plissé les lèvres, il soupira :
— Très bien. À condition qu’il fasse lui-même des efforts et qu’il respecte certaines règles.
Après quelques secondes de silence, Maria hocha la tête.
Dans la salle à manger attenante, penchée au-dessus de son cahier d’apprentissage du grec, Thalia s’était figée. Sa mère avait mis en pause son film en allant chercher de la glace. Avait sûrement oublié la présence de sa fille.
Thalia pressa ses paumes contre ses lèvres, plissa les paupières. La honte d’avoir assisté à l’échange, d’en avoir entendu une grosse partie, se disputait à la tristesse. Les deux lui nouaient les entrailles, déchiraient comme du papier de soie ses désillusions enfantines.
À quoi faisait référence William en parlant de malheur ? Pourquoi avait-il accusé Jeremy d’avoir ruiné la vie de leur mère ? Quelle était la part de colère, celle de vérité ?
Avec la discrétion qu’on attendait souvent d’elle, Thalia se recroquevilla sur sa chaise, les jambes tremblantes. Les mots chuchotés de Will et de sa mère résonnaient si fort dans son crâne qu’elle ne trouva même pas la délivrance des larmes.



Suite
Dernière modification par louji le ven. 20 oct., 2023 3:11 pm, modifié 1 fois.
TcmA

Profil sur Booknode

Messages : 407
Inscription : dim. 02 sept., 2018 10:44 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par TcmA »

Et bonjour,

J'ai cru comprendre que quelqu'un m'avait appelée ? c: Toujours partante pour en foutre plein la tronche de Will.

"Si Will était plutôt discret, Jim n’appréciait pas pour autant sa présence." -> Right there with you, buddy. J'ai tellement rigolé.

BECCA ❤️ Mon p'tit chat ❤️
J'adore, y a aucune respect des capacités de Jim en combat, ça me détruit.
C'est cool, son idée d'équithérapie ! (On se demande pourquoi elle s'intéresse à cette voie...)
"tu sais, ils sont vraiment pas ouverts, les Sybaris" ouais, quand on voit qu'ils sont pas ouverts à l'existence de personnes cis-genres hétéros dans leur propre famille...
Ed. Je vois pas pourquoi t'aurais pas un p'tit cœur, donc voilà ❤️. T'en as besoin :')

J'ai déjà dit à quel point j'aime Maria ? PARCE QUE WOW 💞
Will peut aller se faire voir. Il a quand même un sacré culot pour balancer tout ça, pour utiliser tout ce qui s'est passé dans la vie de Maria (dont la mort d'Adrian ?????????????) et en faire porter la responsabilité à Jim. Mec, redescend ? Ca te permettrait de retrouver un bout de ton bon sens ??
Maria lui en a foutu des belles dans la figure, c'était satisfaisant. Par contre, après toutes ces saloperies, elle veut continuer d'essayer ?? Fin je sais pas, on dit ça de mon gosse, y a pas d'appel, c'est ciao et basta. Je suis partagée entre respecter sa décision parce que j'en vois la logique mais d'un autre côté MEUF PLAQUE-LE ET BARRE-TOI ????

Oh Thalia... Mon p'tit cœur...
Je crois que le "Avec la discrétion qu’on attendait souvent d’elle, Thalia se recroquevilla sur sa chaise" m'a achevée. (Donc pour ça aussi, mange tes morts, William. Tu "aimes bien" Thalia parce qu'elle s'efface et que tu as l'impression d'être seulement avec Maria. Je fulmine :') )

Bon.
Sur ce, je vais aller recoller les bouts de mon coeur et faire un câlin avec Thalia.

La bise~
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

TcmA a écrit : dim. 15 oct., 2023 4:16 pm Et bonjour,

J'ai cru comprendre que quelqu'un m'avait appelée ? c: Toujours partante pour en foutre plein la tronche de Will.

"Si Will était plutôt discret, Jim n’appréciait pas pour autant sa présence." -> Right there with you, buddy. J'ai tellement rigolé.

BECCA ❤️ Mon p'tit chat ❤️
J'adore, y a aucune respect des capacités de Jim en combat, ça me détruit.
C'est cool, son idée d'équithérapie ! (On se demande pourquoi elle s'intéresse à cette voie...)
"tu sais, ils sont vraiment pas ouverts, les Sybaris" ouais, quand on voit qu'ils sont pas ouverts à l'existence de personnes cis-genres hétéros dans leur propre famille...
Ed. Je vois pas pourquoi t'aurais pas un p'tit cœur, donc voilà ❤️. T'en as besoin :')

J'ai déjà dit à quel point j'aime Maria ? PARCE QUE WOW 💞
Will peut aller se faire voir. Il a quand même un sacré culot pour balancer tout ça, pour utiliser tout ce qui s'est passé dans la vie de Maria (dont la mort d'Adrian ?????????????) et en faire porter la responsabilité à Jim. Mec, redescend ? Ca te permettrait de retrouver un bout de ton bon sens ??
Maria lui en a foutu des belles dans la figure, c'était satisfaisant. Par contre, après toutes ces saloperies, elle veut continuer d'essayer ?? Fin je sais pas, on dit ça de mon gosse, y a pas d'appel, c'est ciao et basta. Je suis partagée entre respecter sa décision parce que j'en vois la logique mais d'un autre côté MEUF PLAQUE-LE ET BARRE-TOI ????

Oh Thalia... Mon p'tit cœur...
Je crois que le "Avec la discrétion qu’on attendait souvent d’elle, Thalia se recroquevilla sur sa chaise" m'a achevée. (Donc pour ça aussi, mange tes morts, William. Tu "aimes bien" Thalia parce qu'elle s'efface et que tu as l'impression d'être seulement avec Maria. Je fulmine :') )

Bon.
Sur ce, je vais aller recoller les bouts de mon coeur et faire un câlin avec Thalia.

La bise~
Et bijour

Hehehe j'ai fait le rituel d'apparition de Sasa

Y'a aucun respect entre eux tout court :lol: (mais derrière la nonchalance ils ont quand même beaucoup de respect et d'affection mutuels ❤️)
Oui, c'est cool, mais elle est encore très perdue dans ses perspectives ^^ Ca viendra !
"pas ouverts à l'existence de personnes cis-genres hétéros dans leur propre famille..." :arrow: j'ai ri 😭
Et deux p'tits coeurs pour Ed ❤️

Et un coeur pour Maria, je l'aime trop aussi ❤️🥹
Faut partir du principe que Will est un immense manipulateur et que tout ce qui ne tourne pas dans son sens le fait vriller (cc Jim). A côté de ça, il est jaloux d'une vie qu'il a jamais eue (+/- celle de Maria sans les drames quoi) et il se projette sur ce qu'il aurait pu vivre avec Maria si... s'il l'avait rencontrée bien avant. Et il aurait pas élevé Thalia et Jim comme elle l'a fait (ou Ethan). Bon, j'ai cette connaissance du personnage, mais je pouvais juste pas balancer ça comme ça dans le récit :lol: Donc on voit plutôt les conséquences de ça et la colère que ça induit chez Will. En vrai, il en veut à Maria et Ethan, mais c'est plus simple d'en vouloir à un enfant car y'a moins de risques qu'il ouvre sa gueule 👍
Par contre, il le pense vraiment en disant que Jim "vaut pas le coup" (j'ai vraiment aucun respect pour ce pauvre MC) :lol: Et pour Adrian, c'est encore de la manipulation +++ OK Maria était "bloquée" le jour de sa mort (paye ta grossesse) mais anyway elle aurait pas pu le sauver quoi qu'il en soit (Mike et Ethan ont pas réussi). Donc Will joue sur la culpabilité que Maria ressent encore après des années et sur la "faute" de Jim d'avoir eu l'affront de bloquer sa mère ce jour-là. Aucun des deux n'est responsable en fait 🥲
Etttt on en revient à ce qui, je m'en doute, peut tendre. Que Maria reste avec lui. Alors je pourrais passer des heures à expliquer pourquoi elle reste enfoncée dans ce bourbier, mais pour faire simple :
- elle est sous son emprise psychologique, quelque part, même en prenant du recul sur leur situation
- elle est aussi très isolée socialement quand on y pense. Elle a perdu des amis, son boulot, son toit de façon brutale au cours des dernières années et elle cherche désespérément une forme de stabilité, pour elle et ses enfants
- et, mine de rien, je pense qu'elle s'interroge sérieusement sur sa capacité à créer une relation de longue durée avec quelqu'un. En dehors d'Ethan, elle a pas eu de relation sérieuse et stable et elle essaie de faire plein de compromis, parce qu'elle s'imagine que ce sont elle et ses gosses, les problèmes (non, ma kikinette)

Je m'avance, parce que je suis pas là pour romantiser les relations toxiques, mais évidemment leur situation va évoluer. Maria va avoir besoin de temps pour comprendre ce qui s'est passé et s'en relever, mais elle en sera grandie de bien des manières ♥

Thalia c'est le dommage collatéral puissance 1000. Vraiment, elle se retrouve au milieu des tornades familiales à chaque fois. Chaque fois, elle encaisse, elle se plaint pas et va de l'avant mais ça fait tellement de peine. Et avec Will ce sera encore plus difficile pour elle. Et si Will l'aime bien, c'est aussi parce qu'elle est beaucoup plus influençable que Jim, plus jeune, plus ouverte, plus curieuse, donc elle absorbe beaucoup plus. Et Will il kiffe d'avoir son p'tit rôle à jouer là-dedans 🥲

Thalia mérite un gros câlin là, ouais.
Merci beaucoup pour ton com ♥
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

M. Cross et Ethan, c'est un duo secondaire que j'aime trop 🥹


- Chapitre 19 -



Jeudi 15 décembre 2022, Dourney, Modros, Californie, États-Unis d’Amérique.


Manuel Cross examinait les fiches individuelles de ses élèves de 7ème année. Le premier semestre allait bientôt prendre fin et ses étudiants seraient diplômés d’ici quelques mois. C’était chaque année, depuis trente ans, la même chose : la nostalgie, le contentement, les déceptions, les encouragements. La satisfaction rassurante d’avoir accompli quelque chose de concret. La fierté de voir ces adolescents capables d’exploiter leurs têtes et leurs corps à des fins constructives.
La porte de la salle des professeurs s’ouvrit à plusieurs reprises, laissant aller et venir des collègues plus ou moins pressés. M. Cross leva les yeux de ses annotations seulement lorsqu’une tasse de café glissa sous son nez.
— Bien noir comme vous les aimez.
Le prof se redressa avec un sourire en coin. Ethan s’installa à la même table que lui, un mug de thé à la main. La fumée déposait un voile de buée sur l’écran de son portable.
— Geek.
Ethan fit la moue en reposant son téléphone.
— C’était Mike, urgence au boulot. (Devant la moue narquoise de son collègue, il soupira.) Je continue de me justifier avec vous comme si j’étais encore votre élève. Je ne sais pas si ça me passera.
— Oh, j’aime bien. Courbettes et café offert, que demander de plus ?
Comme Ethan souriait par-dessus son thé, Manuel repoussa ses feuillets.
— Michael va bien ?
— Oui, oui, le rassura son collègue en soufflant sur sa boisson brûlante. C’est juste qu’il a changé de poste quand je suis venu bosser ici à temps plein. Il est dans le management maintenant, il chapote plusieurs unités de S.U.I. Et il se plaint souvent par messages.
Manuel ricana, imaginant sans mal son ancien balourd d’élève en train d’houspiller ses cadets. Peut-être comprenait-il enfin ce qu’il avait fait subir à son professeur pendant des années.
— Et toi, ça va ?
Ethan le dévisagea comme s’il venait de parler abruptement de canards sauvages. Quand il réalisa que son collègue attendait vraiment une réponse, il se recomposa.
— Euh, ça va.
— Mmh. (Manuel lui adressa un nouveau sourire en coin.) Ces cheveux blancs, c’est la faute de tes élèves ou de ta famille ?
Ethan leva une main à ses tempes grisonnantes avec un petit rire.
— Les deux, j’imagine.
— C’est l’avantage d’être chauve, plaisanta Manuel en croisant les bras sur sa poitrine imposante.
Comme Ethan portait son thé à ses lèvres, Manuel récupéra son stylo et ses feuilles.
— Tu as commencé tes observations de fin de semestre ?
— Oui, acquiesça son cadet en lorgnant les pages volantes qui s’éparpillaient sur la table. Globalement, ça va. La plupart s’en sort bien sur le plan physique. Ce sont plutôt les exercices complexes et l’entente de groupe qui flanchent. Du moins, pour mes 5ème année.
— J’imagine que c’est la traditionnelle opposition entre Réguliers et Boursiers ? De toi à moi, j’ai l’impression que ça se calme seulement en fin de dernière année, quand ils doivent s’allier pour de bon ou rester sur le bas-côté.
Lèvres pincées, Ethan hocha la tête avant de marmonner :
— À mon époque, il y avait pas ce système et c’était plus simple. J’ai conscience que c’était aussi plus injuste, car la plupart d’entre nous avait un membre de sa famille au sein de S.U.I. Pour accéder à l’École, il fallait soit avoir le contact et l’argent, soit un dossier en béton armé. C’est moins le cas aujourd’hui, mais…
— Les Réguliers de cette époque ont rien à voir avec la tienne, Ethan. Vous étiez moins arrogants. Enfin, toi, t’étais à part. Tu profitais de ta position pour nous en faire voir de toutes les couleurs, quand même.
Gêné par le simple souvenir de ses années adolescentes, Ethan tripota l’anse de son mug. Il ne tirait pas beaucoup de fierté de son parcours à l’École. Il devait au moins la moitié de son diplôme au fait d’avoir été le fils de la fondatrice.
— Au fait, je ne voudrais pas être indiscret, enchaîna Manuel, mais tu as suivi mes conseils concernant Edward ?
Le professeur se sentit vaguement coupable en constatant l’expression amère qui gagna les traits fatigués de son cadet. Il n’avait pas osé aborder de nouveau le sujet avec Ethan.
— Jeremy me donne des nouvelles de lui par le biais de sa cousine. Apparemment, pas grand-chose n’a changé malgré son départ.
— Oh, je savais pas qu’ils étaient restés en contact.
— Si, ils s’entendent très bien, sourit Ethan d’une voix songeuse. Ça me fait plaisir de savoir qu’il est resté en contact avec elle. Parce qu’en dehors de Rebecca, il n’y a pas grand-monde qui soit resté proche de notre famille.
Manuel acquiesça d’un hochement de tête pensif. S’il avait été surpris du départ soudain d’Edward pour la Ghost Society, il y a plus de vingt ans, il l’avait rapidement trouvé logique. Edward avait un caractère protocolaire et ambitieux ; la A.A n’aurait peut-être pas été un lieu d’épanouissement pour lui.
Et puis, il avait fui son frère. Fui cette relation fusionnelle qui s’était dissolue brin par brin. Deux décennies plus tard, Manuel se revoyait encore assister à la fracture entre les jumeaux Sybaris.
— Jeremy est capable de te fournir des infos intéressantes ? enchaîna le professeur avec sérieux. Sa cousine est plutôt de votre côté ? Qu’est-ce qu’elle dit des plans de son père ?
— Qu’Edward a l’air d’avoir laissé tomber. Au moins son plan avec Jeremy. Pour le reste… je ne sais pas. J’imagine qu’il en parle pas à sa fille. Ou que mon fils ne me dit rien car il estime pas ça important.
Manuel soupira avant de hocher la tête. Ethan n’avait pas l’air d’avoir beaucoup d’informations à sa disposition. C’était toujours mieux que de jouer aux aveugles, comme Manuel avait craint qu’il le fasse pendant des mois encore.
— Bon, soupira le professeur en tapotant son stylo sur la table, je retourne au boulot. (Il sourit à son cadet, avec sincérité cette fois.) Merci pour le café, Ethan. Et courage. Tu tiens le bon bout.
— J’essaie, soupira l’intéressé en se levant. Mais gérer une vingtaine d’ados, c’est pas toujours simple.
— Toujours moins compliqué que ses propres enfants, non ?
La pique arracha un rictus à Ethan. Il s’était confié plus d’une fois sur ses déconvenues avec sa fille et son fils. Manuel ne manquait pas de le taquiner à ce sujet.
— On se retrouve plus tard. Je dois justement retrouver ma classe. (Ethan grimaça un sourire contrit.) Dont mon fils fait partie.
— Sacré combo. Essaie de pas péter une durite.
— Pas mon genre, souffla-t-il tranquillement avant de s’éloigner.
Manuel le suivit du regard jusqu’à qu’il disparaisse derrière la porte. Le prof renifla, sourit. Il se sentait un peu fier du gamin insolent qui partageait aujourd’hui ses pauses café.

Il faisait déjà nuit quand Ethan sortit enfin de la réunion avec ses collègues d’EPSA. Il dévala les escaliers en grimaçant à l’idée d’avoir fait attendre ses enfants. Ils avaient sûrement trouvé quelque chose à faire pendant ces deux heures, mais ce n’était pas prévu qu’Ethan s’attarde aussi longtemps.
En s’engouffrant dehors pour traverser la cour, l’homme resserra les pans de sa veste. L’hiver approchait. Malgré la brise fraîche qui sifflait entre les bâtiments silencieux de l’École, Ethan eut la surprise de trouver son fils installé à l’une des tables de pique-nique. Le nez enfoncé dans le col de son sweat, il lorgnait son portable sans grande conviction.
— Jem, lança Ethan en le rejoignant à la table. Tu vas prendre froid.
L’adolescent retira ses écouteurs en haussant les épaules.
— T’inquiète. Ça s’est bien passé ?
— Oui, oui. Juste des contraintes administratives. Désolé pour le retard.
— Pas de soucis.
Son expression morose empêcha d’Ethan de l’inviter à rejoindre Thalia au Centre. Sans un mot, il s’installa sur le banc en bois face à son fils. Jeremy quitta l’écran de son téléphone pour l’observer. La lumière bleutée creusait les cernes sous ses yeux.
— Il y a quelque chose, Jeremy ? Qui te tracasse ?
L’adolescent fit la moue, dévia brièvement le regard.
— Ben, je suis fatigué. C’est bientôt les vacances, heureusement.
— Que ça ? insista Ethan en croisant les mains devant lui. J’ai l’impression que tu es contrarié.
La façon dont ses lèvres se pincèrent apprirent à l’homme qu’il ne se trompait pas. Jeremy était aussi réservé que démonstratif. Difficile de passer à côté de ses humeurs.
— C’est… c’est rien. Juste un truc avec Thalia.
Ethan pencha la tête, décroisa les doigts sans trop savoir qu’en faire. Il tenait le bon bout. Restait à remonter la corde sans se précipiter au risque de se brûler les paumes. À force de rejets et d’accusations, il faisait preuve d’une grande prudence avec l’adolescent. Son fils était comme une flaque d’essence. Glissante quoi qu’il en soit ; hautement inflammable à la moindre étincelle.
— Thalia m’a rien dit de spécial, rebondit Ethan d’un ton prudent. Vous vous êtes disputés ?
— Nan, même pas, répondit abruptement Jim avant de soupirer. Elle est juste pas comme d’hab. J’ai l’impression qu’elle m’évite ou qu’elle me cache un truc. Ça me saoule.
Ethan profita que son fils contemplait la semi-obscurité au loin pour sourire.
— Elle grandit, Jemmy, souffla-t-il après coup avec douceur. Elle a besoin de temps pour elle. Elle a son propre jardin secret, comme toi.
Jeremy fronça le nez en reportant son attention vers son père.
— C’est pas que ça. Y’a… un truc avec moi, je crois. Avec maman et toi, elle est comme d’habitude. Je sais pas ce que je lui ai fait.
— Tu lui as demandé ?
— Ben oui. Elle me dit que y’a rien. Elle ment.
Un élan de peine comprima les poumons d’Ethan. Lui qui s’était habitué à voir ses enfants soudés comme des aimants avait l’impression de se prendre un mur. Il n’était même pas certain de savoir comment les aider. Ethan n’avait pas réussi à s’aider lui-même à l’époque où il s’éloignait de son frère.
— Essaie d’en rediscuter avec elle. Peut-être que c’est juste trop tôt ? Pendant les vacances, vous serez tous les deux moins stressés.
De nervosité, Jim mâchouilla l’embout de lanière de son sweat. Il n’avait pas l’air convaincu par ces paroles.
— C’est la première fois qu’elle me cache quelque chose comme ça. Je le sens pas.
— Ou peut-être que tu te fais juste des idées.
Comme Jim lui glissait une œillade sombre, Ethan grimaça.
— Et, sinon, à la maison ça se passe bien ?
— Tu veux dire, chez Will ? C’est pas ma maison.
Voilà qui en disait déjà long. Avant qu’Ethan l’incite à détailler, son fils ajouta d’une voix rauque :
— Il me le fait bien comprendre.
— C’est-à-dire ?
— Papa, je dors sur un vieux matelas par terre dans la chambre de Thalia.
Ethan serra les dents, croisa de nouveau les mains. En lui se disputaient la colère et l’impuissance. La peine et la résignation.
— Tu sais, la maison de Will n’a que deux chambres…
— Il a un bureau au rez-de-chaussée, marmonna Jim en croisant les bras sur la table. Plus grand que ma chambre chez toi. Il pourrait largement faire de la place et installer un clic-clac. Un truc comme ça, je sais pas. Mais il s’en fout.
— Tu lui as demandé ?
L’adolescent se rembrunit, la colère lui faisant à la fois serrer les mâchoires et les poings. Son sweat s’en retrouva à la fois mâchonné et déformé.
— Nan. (Il se tourna vivement vers Ethan avant qu’il puisse répondre : ) Mais bordel tu trouves ça normal ? C’est à moi de demander ça ? Sérieusement ?
— Normalement, non. Mais Will n’a jamais eu d’enfants et il… a l’air particulier. Peut-être qu’il se rend pas compte.
Son fils le considéra quelques secondes avant de se laisser aller en arrière. Ethan n’était même plus certain des émotions à lire sur son visage. Soit une glaciale résignation, soit une rage prête à exploser.
— T’es comme maman. Tu lui cherches des excuses. Je demande juste un lit, merde. Pas une vraie chambre ou quoi. Je viens qu’un week-end sur deux, de toute manière.
— Je peux en parler à William, suggéra Ethan pour apaiser la tension. Avec Maria, on peut acheter un clic-clac.
L’air déconfit de son fils n’était pas très encourageant, mais au moins avait-il arrêté de triturer son vêtement. Mais ses doigts à présent immobiles permirent à Ethan de remarquer ses ongles rongés.
— Jemmy, murmura-t-il en indiquant les mains du garçon d’un coup de tête, on en a parlé.
— C’est pour la guitare, marmonna l’intéressé en rentrant les poings dans les manches de sa veste. Tu sais que je dois pas les garder trop longs. J’abîme le manche après.
— Ils sont courts des deux côtés, Jeremy. J’ai fait de la guitare moi aussi, tu sais. Ne me prends pas pour un ignorant.
— Et toi, arrête de me prendre pour un foutu gosse, siffla l’adolescent sans se démonter. C’est encore mes mains aux dernières nouvelles.
Ethan soupira, se frotta le front dans un geste inconscient.
— S’il te plaît, tu m’as dit que tu nous en parlerais, à maman ou moi, si l’anxiété revenait. Et, que ça te plaise ou pas, c’est notre job de veiller sur toi.
— Votre job, répéta l’adolescent d’un ton amer. Et je te dis que ça va.
— Visiblement pas, contra Ethan avec un goût de bile dans la gorge. Je suis désolé, mon grand. J’aurais dû… m’en rendre compte avant.
Se rendre compte des ongles rongés, oui, mais aussi des joues creusées. De l’air hagard.
— Jeremy, je sais que l’École te fatigue beaucoup. Qu’il y a sûrement des tensions avec certains camarades de classe, des déconvenues avec tes amis, ta sœur ou Will. Mais s’il y a autre chose… quoi que ce soit, tu peux nous en parler. On a décidé de te faire confiance pour les anxiolytiques et d’arrêter. Mais…
— Papa, arrête.
Ethan ferma la bouche sans quitter des yeux l’adolescent pour autant. À ne pas vouloir l’étouffer d’attention parentale, Ethan avait le sentiment d’être passé à côté de quelque chose.
— Désolé, Jem, si je te semble intrusif. C’est juste que… je ne veux pas manquer quelque chose qui pourrait empirer. Tu sais que ça me tient à cœur.
Jeremy se passa une main dans les cheveux en expulsant un souffle fébrile. Oui, il savait. Il savait pour son père et sa dépression. Il n’aimait juste pas que ce soit une obligation pour lui de devoir s’ouvrir aux autres en n’importe quelles circonstances. Parler de ses failles, de ses doutes, ne se faisait pas d’un claquement de doigts. Pour personne.
— Je veux juste rentrer, souffla-t-il après un moment. S’il te plaît.
Ethan avait atteint le bout de la corde pour aujourd’hui. Il se décida à la lâcher, à quitter la table de pique-nique. En la contournant pour rejoindre l’entrée du Centre, il se pencha vers Jeremy pour lui serrer l’épaule.
— Ce sera quand tu seras prêt, mon grand. Promis.



Suite
Dernière modification par louji le ven. 27 oct., 2023 8:22 pm, modifié 1 fois.
TcmA

Profil sur Booknode

Messages : 407
Inscription : dim. 02 sept., 2018 10:44 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par TcmA »

Hiello ~

Un combo Manuel-Eth-Jim ? Tout ce que je veux.

J'adore le duo de profs, ils sont si choupis. Manuel est tellement bienveillant, sous ses airs d'ours mal léché, c'est adorable. Franchement, je pensais pas que je l'aimerais autant, mais y a tout ce qu'il faut.

Oh boy, ça parle de Will, mon sujet préféré ! Allez, quand est-ce qu'on le trash talk ensemble ? :)
Bichette Eth qui marche toujours sur des œufs avec Jim et Jim qui... est Jim.
Et bordel Thalia... Ca, ça me brise le cœur.

Les p'tits chats, ils sont si attachants ;^; Ils vont s'en sortir. Tu vas leur en faire baver, mais ils vont s'en sortir.

J'allais oublier : MIKE 💖💖💖💖 jtm

J'ai hâte de lire la suite !

La bise~
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

TcmA a écrit : dim. 22 oct., 2023 1:38 pm Hiello ~

Un combo Manuel-Eth-Jim ? Tout ce que je veux.

J'adore le duo de profs, ils sont si choupis. Manuel est tellement bienveillant, sous ses airs d'ours mal léché, c'est adorable. Franchement, je pensais pas que je l'aimerais autant, mais y a tout ce qu'il faut.

Oh boy, ça parle de Will, mon sujet préféré ! Allez, quand est-ce qu'on le trash talk ensemble ? :)
Bichette Eth qui marche toujours sur des œufs avec Jim et Jim qui... est Jim.
Et bordel Thalia... Ca, ça me brise le cœur.

Les p'tits chats, ils sont si attachants ;^; Ils vont s'en sortir. Tu vas leur en faire baver, mais ils vont s'en sortir.

J'allais oublier : MIKE 💖💖💖💖 jtm

J'ai hâte de lire la suite !

La bise~
Holaaa

Ils sont choupis 🥹 Et oui choupis x10 pour Ethan-Manuel. C'est sûr que Manuel est pas aussi gentil qu'Ethan (personne ne l'est :lol: ) mais il est très tourné sur l'observation de son environnement, surtout humain, et sur la façon dont il pourrait améliorer les choses. C'est aussi pour ça que c'est un très bon prof (on aura l'occasion de le revoir + sous cet aspect là dans la suite), même s'il est beaucoup plus directif et tranchant qu'Ethan.

On peut le trash-talk ensemble ;)
"Jim qui... est Jim." c'est très résumé :lol: Mais allez, haut-le-coeurs, ça va se passer.
"Tu vas leur en faire baver, mais ils vont s'en sortir. " :arrow: fingers crossed

MIKE EVIDEMMENT 💖💖💖💖

Merci comme toujours pour ton retour, ça fait chaud au petit kokoro ❤️
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

Petite confession : j'aime bien écrire le personnage d'Emily (Hugo, par contre, c'est une autre histoire).


- Chapitre 20 -



Vendredi 16 décembre 2022, Dourney, Modros, Californie, États-Unis d’Amérique.


Ethan et ses collègues d’EPSA n’avaient pas trouvé meilleure solution pour occuper leurs élèves en cette dernière journée avant les vacances que de leur laisser quartier libre. Réunis dans le gymnase qui jouxtait l’École, les étudiants de 5ème année s’amusaient au milieu du terrain de basket, moitié pour pratiquer ledit sport, moitié pour se défier à des exercices variés.
L’objectif était de faire passer le temps tout en les laissant se défouler. À en croire les rires, les encouragements et les grognements d’effort qui fusaient sous le toit vouté, c’était réussi. Les élèves des trois classes de 5ème S.U.I s’étaient spontanément répartis les diverses zones du gymnase en fonction de leurs préférences. Assis derrière une table d’arbitres, leurs professeurs surveillaient la soixantaine d’adolescents qui se musclaient, couraient, testaient leur souplesse ou grimpaient au mur d’escalade. Quelques malins qui se pensaient discrets étaient partis s’asseoir dans le couloir menant aux vestiaires. Ethan était déjà allé leur signifier qu’ils devaient au moins faire quelque chose, sans grand résultat. En toute sincérité, il n’avait pas très à cœur de les forcer à se bouger en ce dernier jours de cours.
Il pouvait bien assumer son rôle de prof cool de temps à autre.

Jeremy grimaça quand ses doigts pas assez couverts de magnésie glissèrent sur la prise. Avec un juron, il se résigna à retomber deux mètres plus bas sur les épais tapis de réception. Le mur n’étant pas très haut et les profs éloignés d’eux, plusieurs élèves amateurs d’escalade s’étaient mis d’accord pour se passer de baudriers.
Lorgnant la voie qu’il essayait de réussir depuis déjà dix minutes, Jim récupéra un peu de poudre adhésive au creux de ses mains puis entama l’ascension. L’escalade n’était pas l’activité la plus plébiscitée par ses camarades. Ils étaient nombreux à chercher quelque chose de plus intense, de plus compétitif ou de plus collaboratif. Mais Jeremy aimait grimper depuis bien avant l’École. Alors, dès qu’il en avait l’occasion, il s’attaquait au mur du gymnase.
À l’approche du sommet, Jeremy grimaça quand une douleur fourbe lui perça la cuisse. Il y était allé un peu fort quelques jours plus tôt lors d’un entraînement d’athlétisme. Son père lui avait conseillé de viser des exercices simples, mais l’escalade était loin d’être délicate avec ses muscles. Il expira un souffle fébrile en crochetant le sommet du mur. S’appuyant sur une prise proche avec sa jambe valide, il poussa de manière à passer le haut du corps au-dessus du mur. Il compta sur ses bras pour faire le reste.
Le front luisant de sueur, assis au bord du sommet, il contempla ses camarades qui se mouvaient dans le gymnase. Bien qu’il ait formé un groupe soudé avec Ryu, Jason, Kaya, Tina et Tess, le reste des élèves lui paraissait incompréhensible. Jim ne s’était jamais voilé la face sur sa difficulté à cerner les autres. Surtout dans un environnement scolaire, où les amitiés précédaient les trahisons et que la compétition teintait le tout d’un voile perfide. Si l’École était indéniablement le meilleur établissement qu’il ait fréquenté, son ancien collègue public de Seludage lui manquait parfois. Là-bas, il n’y avait pas la place pour les relations calculées ou les coups-bas pour monter au classement. Il y avait les coups, oui, pour dominer ou effrayer. Jeremy en avait pris plus d’un. Ryu aussi. Ils n’en étaient sûrement pas sortis grandis, mais au moins était-ce une violente prévisible et palpable. Rien d’aussi pernicieux que la sélection graduelle de l’École, qui évinçait la moitié de ses élèves entre la 3ème et la 7ème année.
Et, bien sûr, il y avait les Intouchables. Ces Réguliers au statut particulier qui profitaient de l’influence plus ou moins importante de leur famille sur S.U.I et ses filiales. Certains d’entre eux avaient pris Jeremy en grippe à la suite de son altercation avec Emily. L’adolescent était à présent plus tranquille, mais il percevait encore les regards en coin et les murmures.

Jim frottait la magnésie au bord de ses ongles, toujours perché en haut du mur d’escalade, quand une silhouette s’approcha de lui. Il fronça les sourcils, agacé. Un accord tacite voulait qu’avec ses camarades, ils attendent qu’un grimpeur ait fini avant de s’approprier sa voie.
Ce n’est que lorsque l’adolescente releva le nez dans sa direction qu’il la reconnut. Emily Hobs portait rarement ses cheveux auburn attachés et évitait de s’afficher en sa compagnie. Jeremy la considéra d’un air circonspect alors qu’elle tendait les doigts vers une prise proche du pied de l’adolescent.
— Qu’est-ce que tu fous là ? siffla-t-il tandis qu’Emily réalisait les derniers gestes pour le rejoindre au sommet. C’est ma voie. Y’a de la place ailleurs.
La respiration courte, ses joues pâles rougies par l’effort, elle ne prit pas la peine de répondre pendant quelques secondes. Ses membres étaient parcours de discrets tremblements suite à l’effort de la montée. Quand Emily eut récupéré un souffle stable, elle tourna la tête vers lui pour le considérer de ses félins yeux bleu-vert.
— Qu’est-ce que tu es ? Un menteur ou un tricheur ?
Décontenancé, Jim en oublia presque la colère qui l’avait pris à l’envahissement de son espace personnel. Une dizaine de centimètres le séparait de cette jeune fille à qui il avait asséné un coup de boule deux ans auparavant. Le visage en cœur d’Emily était sérieux, quoique traversé par une frustration que Jeremy ne lui connaissait pas.
— Hein ?
Sa réponse laconique tira un froncement des sourcils à sa camarade.
— Tu sais que je suis la déléguée Régulière de la classe. J’ai accès aux dossiers des élèves. On aura nos bulletins du premier semestre à la rentrée, mais j’ai pu les voir avant. (Elle pointa un doigt accusateur vers sa poitrine.) Tu es deuxième de la classe.
Jim, qui s’en doutait déjà plus ou moins, haussa les épaules.
— Oui et ?
— Et c’est impossible. Alors soi tu as triché, soit…
— Je triche pas, Emily, cracha-t-il, de plus en plus irrité.
— Alors tu es un menteur.
Emily n’était pas comme son partenaire, Hugo. Tandis qu’il affichait ouvertement son enthousiasme, sa colère ou son mépris, l’adolescente restait souvent impassible. Pourtant, alors qu’ils étaient tous les deux penchés à plusieurs mètres du sol, Emily laissa paraître sur son visage un trouble.
— Tu veux quoi, à la fin ? insista Jeremy en agrippant les bords du mur avec nervosité. T’es venue ici juste pour me dire ça ?
— Je veux comprendre. Je suis première. Avant, c’était Hitori derrière moi. C’est plus le cas.
— Désolé de te perturber.
L’ironie de Jim ne fit pas ciller l’adolescente, qui plaqua ses genoux contre sa poitrine.
— C’est impossible, murmura-t-elle assez bas pour que Jeremy se demande si elle s’adressait à lui ou pas. Quand t’es arrivé à l’École la première fois…
Elle leva la main pour suivre la courbe de sa lèvre. Elle avait été prise à temps, quand Jim lui avait mis le coup de tête. Ses dents avaient été soignées sans séquelles ; sa bouche recousue avec soin. Quand Emily laissa retomber sa main, elle se tourna de nouveau vers son camarade.
— Je peux pas croire que tu aies réussi à atteindre la deuxième place. Tu viens d’un collège minable. Tes résultats étaient minables. Fais pas cette tête, je les ai vus.
— En quel honneur ? gronda Jeremy, oscillant entre honte et agacement.
— Je t’ai dit, je suis déléguée. J’ai accès à tout ton dossier. Y’a rien qui laisse penser que tu as les capacités pour avoir ton niveau. Alors, si tu triches pas…
Une étincelle de curiosité luisit dans ses yeux turquoise. C’était la première fois que Jeremy lui voyait cet air avide. Compétitif. Presque jaloux.
— Tu mens sur ton cas.
— Pourtant, tu te rappelles bien quand on est arrivés, avec Ryu, contra Jeremy en secouant la tête. On vient vraiment de Sludge, tous les deux.
— Certes. Mais Hitori aussi est très brillant. Alors, j’ai du mal à croire que vous venez tous les deux d’un simple collège de Seludage. Il y a autre chose.
— On a été recrutés, Emily, soupira Jim en agitant les jambes dans le vide, gêné par l’attention de sa camarade. Ta famille a ses petits papiers à la A.A, t’as qu’à fouiller. Tu verras que je dis la vérité.
L’adolescente croisa les bras autour de ses jambes en le quittant des yeux pour observer le long rideau qui séparait le mur d’escalade du terrain de sport. Elle n’avait pas l’air convaincue.
— C’est le principe des Recrues, tu sais, ajouta Jim à sa propre surprise – il n’était pas certain de vouloir rallonger cette discussion avec une fille qui était censée le haïr. Donner une chance à des gamins qui paient pas de mine. Ben, voilà, Ryu et moi on était dans ce cas.
— C’est un bon système, reconnut-elle après quelques secondes de silence. Peut-être que Hitori aurait pu réussir le concours d’entrée et obtenir une bourse, mais…
Elle se tourna vers lui, le zieuta de la tête aux pieds de son habituel air hautain.
— Toi, j’ai des doutes. Tu avais vraiment une cervelle de mollusque quand tu as débarqué. Un abruti de première. Alors t’as eu de la chance de tomber sur un agent de la A.A.
Comme Jeremy ouvrait la bouche pour protester, s’indigner, riposter – n’importe quoi en fait – Emily lâcha ses genoux pour se redresser. Elle le fit taire d’un regard sec avant de réaliser un mouvement vers la foule d’élèves en contrebas.
— Tu devrais descendre, marmonna Jim en oubliant ses répliques. C’est dangereux.
Emily non plus ne portait pas de baudrier. Elle lui adressa un sourire moqueur.
— C’est toi qui me dis ça ? Je sais que tu es une tête-brûlée.
— Pas suicidaire non plus, grommela Jeremy en basculant une jambe sur le côté pour mieux se stabiliser. Sérieux, fais gaffe.
Ayant manifestement décidé que la conversation était terminée, Emily se pencha et entreprit de redescendre la voie. Jeremy l’observa faire avec appréhension, car la position de l’adolescente ne lui semblait pas bonne.
Son instinct lui donna raison quand Emily se trompa dans son estimation pour une prise. Son pied rencontra du vide. Elle se rattrapa de justesse avant de tomber sept mètres plus bas. Jim entendit ses ongles racler la surface granuleuse, se pencha vers elle sans y réfléchir. Une main agrippée au bord opposé du mur, l’autre tendue vers sa camarade.
Emily ne tergiversa pas quand elle réalisa que sa poigne faiblissait. Avec un grognement mêlé de peur, elle agrippa la main de Jim. Ses deux jambes pendaient à présent et ses épaules protestèrent aussitôt. Dans la zone pragmatique de son cerveau, l’adolescente se félicita d’avoir travaillé le haut du corps pendant les exercices de musculation. Elle s’était toujours estimée plus faible de ce côté-là.
Jeremy serra les dents pour étouffer la douleur qui naquit dans l’articulation de son épaule quand Emily s’accrocha à sa main. C’était une fille assez petite et menue, mais n’empêche qu’elle restait une adolescente de quinze ans et qu’elle n’était pas une princesse au poids plume. Même s’il valait toujours mieux que ce soit elle suspendue au bout de son bras que Michael.
Jim s’en voulut de penser à ce genre de chose alors que la tension augmentait au rythme des secondes qui s’écoulaient sans qu’Emily parvienne à atteindre une prise avec ses jambes. La gêne dans son épaule se transforma rapidement en chaleur puis en douleur blanche et aiguë. Il laissa échapper une plainte, ferma les paupières. Cette imbécile allait lui déboîter l’épaule. C’était censé être lui l’inconscient, pas la première de la classe à l’attitude irréprochable.
— Aidez-nous, bordel ! trouva-t-il la force de crier aux élèves en contrebas.
La souffrance ayant comprimé sa gorge, Jim n’était même pas certain qu’ils l’aient entendu. Le front plissé par la concentration et l’angoisse, Emily ne cessait de fouiller le mur du regard pour cibler une prise. À chaque seconde passée, les muscles de ses bras se tétanisaient.
— Aidez-moi, lança-t-elle à la cantonade en prenant conscience que son corps faiblissait.
Avec l’impression d’être étirée, Emily s’efforça de garder sa prise de sa main droite. Si elle lâchait, tout son poids serait transféré à Jeremy et elle n’était pas prête à vérifier s’il tiendrait le choc. De l’agitation et des cris finirent par attirer son regard en bas. Son cœur déjà furieux l’étrangla à moitié quand il remonta dans sa gorge. Ses camarades les pointaient du doigt, criaient qu’on leur apporte les cordes et les baudriers.
Les grimpeurs des voies à proximité cessèrent leur activité pour se diriger vers eux. À présent figée de peur, Emily leva le nez pour voir où en était Jim. Paupières plissées, mâchoires contractées, il avait l’air de tenir le coup. Les muscles de ses bras, autant celui qui la retenait que celui qui agrippait l’autre côté du mur pour l’empêcher de tomber à son tour, roulaient sous sa peau. Comme il portait un débardeur, Emily aperçut sans mal le creux qui se formait à son épaule. L’idée qu’il put se la luxer à cause d’elle lui noua la gorge.
Une voix autoritaire perça l’air, donna des ordres. Emily y prêta à peine attention, focalisée sur celui qui l’empêchait de tomber en ce moment-même. De ses lèvres tremblantes, elle extirpa quelques mots encourageants :
— Tiens bon.
Jeremy rouvrit les yeux pour la considérer avec impatience. Elle vit poindre une moue indignée, qu’il n’eut pas la force de transformer en réplique cinglante. Il se contenta de grogner tandis qu’il affermissait sa prise sur son poignet.
Emily n’osa pas le quitter des yeux tandis qu’on s’agitait autour d’elle. Autant pour s’épargner un vertige en considérant le sol que pour lui donner silencieusement du courage. Elle avait vu ses jointures blanchir puis trembler. Son visage devenir rouge puis exsangue. Il allait craquer, lâcher. Une question de secondes.
Une main agrippa sa cheville, lui tira une exclamation de surprise teintée de peur.
— C’est moi, la rassura Ryusuke. Je veux juste passer ta jambe dans le baudrier.
L’adolescente s’efforça de respirer tandis que Ryusuke et un autre élève la munissaient d’un baudrier pour y passer une corde et un mousqueton. L’autre élève grimpa ensuite au sommet, à côté de Jim, pour y enrouler la corde. Il fit signe à un camarade en contrebas.
— C’est bon, lâche-la, ordonna-t-il en posant une main sur le dos crispé de Jeremy. Elle est assurée.
L’adolescent fut décontenancé par la difficulté à desserrer sa grippe. Ses muscles sous tension protestèrent violemment puis hurlèrent alors qu’il laissait tomber Emily dans le vide. Il se sentit basculer à son tour, échangea une œillade avec Emily. Alors que l’adolescente rebondissait dans son baudrier, Jeremy fut rattrapé par l’élève qui avait grimpé en haut.
— Hep, reste là, s’amusa celui-ci en le rétablissant au bord du mur.
Jeremy resta un moment à haleter, en nage, traversé de piques de douleur de la tête aux pieds. Son épaule gauche n’était qu’un nœud de nerfs à vif. Son autre bras tremblait si fort qu’il le serra contre sa poitrine. Avec ce qui lui restait de souffle et d’adrénaline, il se tourna vers son camarade.
— Tu peux aller me chercher un baudrier aussi ? Je crois pas que je vais pouvoir descendre.

Ethan avait regardé son épaule et fait jouer les ligaments. Pas de luxation. Mais son père lui avait promis de lui fournir une atèle pour reposer son bras pendant quelques temps. Après quoi, Jim avait filé dans les vestiaires et s’était à moitié effondré sous la douche. Puis il s’était à mis à trembler de la tête aux pieds, mortifié par l’idée de ce qui serait arrivé à Emily s’il ne l’avait pas rattrapée. Elle ne se serait pas tuée, avec les tapis de réception en contrebas, mais une mauvaise chute et c’étaient des os cassés assurés. Un mauvais angle et la colonne vertébrale était fichue.
Jeremy ne quitta la cabine de douche que lorsque l’eau chaude eut assoupli ses muscles encore douloureux. L’esprit cotonneux, il se rhabilla avec des gestes lents et prudents. Son corps lui semblait au bord du précipice, comme s’il n’avait pas quitté le sommet du mur d’escalade. Avoir un différend avec Emily était une chose. S’imaginer être responsable malgré lui d’une grave blessure en était une autre.
Quand il sortit finalement des vestiaires, plusieurs Réguliers l’attendaient dans le couloir. Hugo se décolla du mur à sa vue. Jeremy se crispa – si c’était encore possible – et le foudroya du regard.
— Il s’est passé quoi ? siffla l’adolescent en venant se coller sous son nez.
Hugo était légèrement plus petit que lui, mais il le dominait sur bien d’autres plans. Notamment en alliés à l’instant présent. Et en énergie : après le pic d’adrénaline, Jim se sentait éreinté.
— Rien. Emily a commencé à descendre et elle a raté sa prise.
Un mélange de honte, de résignation et de colère s’empara de Jim. Il avait répondu avec tant de docilité et d’empressement. Au fond, il savait ce qui l’attendait s’il ne satisfaisait pas Hugo et sa bande. En toute honnêteté, son corps comme son esprit avaient été trop sollicités pour qu’il en tire la force nécessaire à cet affrontement.
— Menteur.
Jim serra les doigts autour de la bride de son sac-à-dos. Deux fois aujourd’hui. Les fissures qu’avaient déclenché sa discussion avec Emily puis sa chute se craquelèrent un peu plus.
— Lâche-moi la grappe, putain, cracha-t-il en se déportant sur le côté pour rejoindre la sortie.
Hugo le dépassa et le força à s’arrêter. Le toisa de ses iris sombres. L’incendia sans un mot, sans un geste. Simplement avec le pouvoir qu’il détenait sur lui.
— Je te préviens, Wayne, ça se passera pas comme en 3ème année. Cette fois, on va t’avoir.
Un frisson remonta le dos se Jim malgré sa douche chaude encore récente. Des flashs de souvenirs brouillèrent momentanément sa vue. Des souvenirs de peur, de rage, d’injustice brûlante et de douleur sanguinolente. Il ne voulait plus vivre ça.
— T’as été sauvé par la direction, mais on va te…
— Hugo, arrête.
Des pas énergiques remontèrent le couloir, dépassèrent Jim qui n’osait plus regarder en face de lui. Il pensait avoir pris en confiance après son séjour à la Ghost Society. Découvert en partie ce qu’il valait. Mais il baissait le nez de nouveau face à eux.
Jeremy fit l’effort de se redresser, de carrer quelque peu les épaules, quand Emily repoussa sans douceur son partenaire. Hugo la considéra avec un mélange d’agacement et de préoccupation.
— Emily, tu devais aller à l’infirmerie.
— Ben accompagne-moi, rétorqua l’adolescente sans sourciller. T’es mon binôme, je te rappelle.
Comme elle ne faisait mine de vouloir le lâcher ou d’abandonner son projet, Hugo soupira.
— OK, OK. (Il glissa une main réconfortante sur l’épaule de son amie en fusillant du regard Jim au passage.) Je t’oublie pas, sale menteur.
Hugo s’éloigna après lui avoir fait un doigt d’honneur, secondé par ses camarades. Jeremy le regarda partir avec la sensation qu’il allait vomir. Il ne remarqua qu’Emily s’était attardée dans le couloir que lorsqu’elle fit un pas dans sa direction.
— Merci.
Jim cligna des yeux confus, essaya de se souvenir comment faire fonctionner sa gorge pour parler et non pas régurgiter. Y parvint tout juste.
— T’inquiète.
— Tu es pas un menteur, ajouta Emily d’une voix songeuse. Et pas un tricheur non plus, faut croire.
Sur ces paroles, elle fit volte-face et disparut pour de bon.



Suite
Dernière modification par louji le ven. 03 nov., 2023 6:56 pm, modifié 1 fois.
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

Et c'est le dernier chapitre de la partie 1 8-) Dramaaaa is comiiiing


- Chapitre 21 -



Dimanche 18 décembre 2022, Dourney, Modros, Californie, États-Unis d’Amérique.


Thalia était à moitié plongée dans ses pensées quand elle grimpa les escaliers qui menaient à l’étage. De la musique s’échappait de sa chambre. À en croire les notes de guitare qui tintèrent à ses oreilles, son frère avait décidé de se servir de la pièce comme d’une salle de répétition.
Elle poussa la porte avec hésitation. Jim était avachi sur son matelas au sol, le dos calé contre le montant du lit de Thalia. Il lui jeta à peine un œil, replié au-dessus de sa guitare sèche comme s’il s’agissait d’un trésor. L’adolescente dut slalomer entre ses jambes tendues, son sac de cours ouvert et quelques médiators en vrac pour atteindre son bureau. Grommelant contre le bazar de Jim, elle fit un peu d’ordre au milieu de ses cahiers. Seulement deux jours qu’elle était en vacances et déjà les devoirs l’angoissaient. Les professeurs n’avaient pas lésiné sur les leçons et exercices à travailler pour la rentrée. Si Thalia voulait conserver ses bonnes notes, elle avait plutôt intérêt à s’y mettre dès maintenant. Prendre un peu d’avance sur le programme, pour ne pas être perdue quand les cours recommenceraient.
Malgré le niveau exigeant de l’École, Thalia tenait le rythme. Elle avait craint de ne pas être à la hauteur en intégrant l’établissement, mais ses bonnes habitudes de travail acquises tôt dans sa scolarité l’avaient maintenue hors de l’eau. En plus, elle pouvait compter sur son frère ou Will pour l’aider à apprendre ses leçons ou corriger ses exercices. Et, au-delà de tout ça, son rêve plus intime restait sa corde de sécurité. Au moindre dérapage, Thalia s’y accrochait de toutes ses forces pour ne pas lâcher. Si un jour elle cédait sa prise, ce serait toute une part d’elle-même qui disparaîtrait.
Un souffle contre son oreille. D’un geste machinal, elle remit ses cheveux en place et se tourna en grimaçant. Son frère était penché vers elle, l’air amusé.
— Je te parle, p’tit clown.
— Je travaille, grommela Thalia en indiquant son cahier ouvert.
Jeremy soupira en se laissant choir sur le lit de sa sœur.
— Thallie, on est dimanche. On est en vacances depuis deux jours. T’as le droit de t’amuser, tu sais.
— Parle pour toi, marmonna sa sœur en se détournant. T’es deuxième de ta classe. Pas moi.
Ça lui faisait tout drôle de dire ça. Elle qui n’avait jamais eu de difficultés à l’école. Qui avait ramené des A par dizaines à sa mère. Derrière l’étrangeté de la situation, il y avait une braise de jalousie. De honte. Décevoir ses parents sur le plan scolaire lui nouait les entrailles.
— Eh, lança Jim dans son dos en ricanant à moitié, c’est moi l’idiot de la famille je te rappelle.
— Arrête de dire ça. T’es pas bête. Tu travailles bien.
— Je t’ai déjà dit pourquoi. Mes notes vont bientôt baisser. J’en fais pas un drame, moi.
De colère, Thalia laissa échapper son stylo. Elle le regarda glisser sur son cahier jusqu’à rejoindre le milieu pour s’y bloquer. Tant de choses se pressaient contre ses lèvres, contre ses paupières.
Elle se tourna brusquement sur sa chaise, fusilla son frère du regard. Jim se figea en remarquant sa colère, comprit d’avance qu’ils allaient se disputer.
— Moi, j’ai un rêve, contra Thalia en élevant la voix. Et je dois être la meilleure pour y arriver. (Comme il ouvrait la bouche, elle ajouta encore plus fort, encore plus durement : ) Toi t’en fous de tout ça, mais pas moi. C’est la différence !
— Je m’en fous pas, rétorqua sombrement son frère. Et je sais bien que t’as un rêve. Mais t’as pas besoin d’être la meilleure pour ça. C’est complètement con.
Thalia ne put s’empêcher de se sentir blessée. Et ils en furent tous les deux conscients.
— Crois-moi, ajouta promptement Jeremy en agitant les mains. T’as juste à continuer comme ça, Thallie. Tu es super douée.
L’adolescente se rembrunit sans quitter son frère des yeux. Douée. Chanceuse, peut-être. D’être née avec des facilités. D’avoir grandi avec une mère qui lui avait mis des livres dans les mains dès le plus jeune âge. De s’être découvert une véritable passion pour la lecture et de s’être cultivée en conséquence. Mais douée ?
Thalia n’était pas douée. Elle était chanceuse et bosseuse. Deux qualificatifs qu’elle comptait bien entretenir pendant ces vacances. Et ce n’était pas son frère qui allait lui mettre des bâtons dans les roues.
— C’est Will qui t’a dit ça ? reprit Jim en profitant du silence de sa sœur. Que tu dois être la meilleure ? Ben c’est n’importe quoi.
— Je suis pas douée. Je dois travailler.
Jim la dévisagea puis secoua la tête en comprenant qu’elle était sérieuse. Le découragement l’envahit. Sa sœur n’avait que onze ans ; l’idée qu’elle subisse déjà autant de pression l’attristait. Ajoutait à sa colère.
— Papa et maman te diraient jamais ça, ajouta-t-il à voix basse. Je suis sûr que c’est Will. Je sais qu’il est médecin et que c’est un exemple pour toi, mais…
En voyant que sa sœur se repliait sur-même, Jim se tut. Il touchait quelque chose. Appuyait sur une zone sensible. Peut-être les non-dits qui planaient entre Thalia et lui depuis un moment.
— Qu’est-ce qu’il y a, Thallie ? finit-il par demander d’une voix plus douce, plus soucieuse. Qu’est-ce que tu me dis pas ?
Les traits de Thalia s’affaissèrent alors qu’elle s’intéressait soudainement à son cahier annoté. D’un geste nerveux, elle s’empara de son crayon et le fit glisser entre ses doigts. Jeremy soupira, se décala sur le matelas pour être plus proche de sa sœur. Il posa une main sur son épaule.
— J’aimerais juste t’aider, p’tit clown. J’aime pas te voir triste.
— Tu peux pas m’aider, gémit-elle en se prenant la tête. C’est juste que… que j’ai entendu des choses. Entre maman et Will.
La main de son frère se fit plus insistance sur son épaule. Quand il reprit la parole, une note tendue s’y était ajoutée :
— Entendu quoi ? Ils se sont disputés ?
— Oui, un peu.
Thalia inspira, ne sut pas quoi faire de son souffle pendant quelques secondes. Elle expira finalement la vérité :
— Ils ont parlé de toi. Will a dit des choses pas gentilles.
Jeremy soupira avant de retirer sa main.
— Ce serait pas la première fois, Thallie. Oublie ça. C’est ce que tu me disais pas depuis trois semaines ?
Comme sa sœur se tordait les doigts, le visage crispé, Jim l’obligea à rencontrer son regard.
— Y’a autre chose ?
— Ce qu’ils ont dit… souffla sa sœur d’une voix étranglée, je pense pas que tu saches.
Comme Jeremy la dévisageait d’un air circonspect, Thalia hésita. Jusqu’ici, son frère n’avait pas l’air spécialement surpris d’apprendre que leur mère s’était disputée avec Will. Il ne mesurait sûrement pas l’impact des mots qui avaient été échangés. Des paroles qui tournoyaient dans son esprit, empoisonnaient ses nuits depuis presque un mois. Elle les avait gardées pour elle dans le vague espoir de protéger son frère de leur piquant.
Mais l’opportunité de tout dire, de se vider pour mieux respirer, se trouvait juste sous son nez. Bien que la honte lui fasse baisser le cou, elle força ses lèvres à se desceller et commença à raconter.

William était penché sur sa comptabilité, isolé des bruits de la maison par un fond de jazz, quand une exclamation perça la tranquillité de son bureau. Étonné, il leva le nez des chiffres, ajusta ses lunettes et tendit l’oreille. Peut-être Maria avait-elle trop monté le son de la télévision.
Il venait de reprendre son stylo en main quand un nouveau cri, plus aigu, lui parvint. Avec un soupir, il retira ses lunettes et se rendit dans le salon. Pas de télévision allumée, ni de Maria. Un coup d’œil vers la porte-fenêtre de la cuisine lui apprit qu’elle était occupée dans le jardin, dos à lui. William traversa la pièce pour se rendre dans le hall d’entrée. Avant d’avoir pu chercher la source des cris, il aperçut Thalia et Jim en haut des escaliers. Tous deux se tenaient devant la chambre ouverte de l’adolescente.
— Ça va ? lança-t-il en posant la main sur la rambarde de sécurité.
— Jim, geignit Thalia en agrippant la veste de son frère quand il se tourna vers Will.
Celui-ci fronça les sourcils face au regard cinglant que l’adolescent venait de lui adresser. Jeremy fit un pas en direction des escaliers avant de se retrouver bloqué par sa sœur.
— On peut en parler, lâcha-t-elle avec insistance.
— Je parle pas avec ce connard, cracha-t-il en retour.
Un geste brusque dans la direction de William lui assura de qui ils parlaient. Le froid descendit la colonne vertébrale de l’homme. Il grimpa d’une marche. En réponse à ce mouvement, Jeremy écarta sa sœur sans ménagement. Dos au mur, douloureusement impuissante, Thalia laissa éclater les sanglots qui menaçaient depuis quelques minutes. Son frère se figea au milieu des escaliers, remonta d’une marche pour l’observer. Avant d’avoir pu dire quoi que ce soit, Will les rejoignit dans le couloir et éloigna l’adolescent.
— Pourquoi tu l’as poussée ? siffla le médecin en se penchant vers la jeune fille. Tu lui as fait mal.
Thalia secoua la tête, trop empêtrée de larmes et de salive pour expliquer que sa douleur n’était pas physique. De toute façon, Will ne lui prêtait plus attention, s’étant tourné vers Jeremy. Ce dernier enfonça la tête dans les épaules, les joues chaudes. C’était une chose de se prendre des réprimandes de la part de ses parents. Mais quand les attaques venaient de Will, et qu’elles étaient entourées d’événements passés sur lesquels Jim n’avait aucun pouvoir, c’était plus qu’il ne pouvait tolérer. Jeremy avait promis à sa mère de fournir des efforts avec William. D’essayer d’accepter cette nouvelle vie.
L’adolescent se sentait en droit de briser cette promesse maintenant qu’il connaissait l’étendue du mépris de l’homme à son égard.
— Dégage de mon chemin, gronda-t-il d’une voix rauque.
— Eh, je sais pas ce qui t’arrive, rétorqua Will avec férocité, mais tu baisses d’un ton.
William le toisa pendant qu’il se rapprochait de Thalia pour faire écran de son corps. Les sanglots de la jeune fille rebondissaient toujours contre les murs, faisaient écho à la tension gluante entre Jim et Will.
— Va donc faire un tour pour te calmer, intima ce dernier d’une voix glaciale.
— Va te faire foutre.
William écarquilla les yeux, resta décontenancé un instant. Puis l’indignation tapissa de rouge son esprit.
— Tu peux me répéter ce que tu viens de dire ?
— Tu m’as entendu, espèce de connard, fulmina Jeremy en s’avançant dans sa direction. Pour qui tu te prends, bordel ?
— J’y crois pas, susurra Will en rendant à Jim toute sa fureur. Tu n’es qu’un merdeux, Jeremy. Et tu es chez moi. Donc tu vas te dépêcher de présenter tes excuses et de te calmer.
Jim aboya un rire désabusé puis força le chemin jusqu’aux escaliers. Il ne pouvait plus supporter la vision de cet homme. Pas après les confidences de Thalia. Au moins son dédain à son égard était-il expliqué à présent.
Furieux d’être ignoré, Will lui agrippa le bras pour le plaquer contre le mur. Jim banda aussitôt les muscles pour échapper à sa grippe. Peut-être était-il un merdeux, mais il n’était plus un petit garçon. Et il le prouva sans mal à Will en le bousculant pour atteindre la première marche. Thalia dut s’écarter pour éviter de se retrouver coincée entre le médecin et le mur. Son couinement de surprise mêlée de peur arracha William à sa stupéfaction. Il lui jeta un coup d’œil, lui intima de reculer d’un geste de la main.
Elle obéit sans vraiment s’en rendre compte, surtout convaincue par la violence des mots et des mouvements entre William et son frère. Jim s’apprêtait à descendre la deuxième marche quand Will s’empara de sa veste pour le forcer à remonter. L’adolescent trébucha à moitié, jura tout haut.
— Lâche-moi, putain !
— Parle-moi autrement, gronda William en l’attrapant par le col pour l’empêcher de repartir en arrière. Qu’est-ce qui te prend, ma parole ? On peut savoir pourquoi tu es comme ça ?
— À cause de toi, sale ordure, siffla l’adolescent en serrant le bras de Will pour l’inciter à céder son emprise.
Médusé, Will secoua la tête et approcha le visage de l’adolescent près du sien. En équilibre sur une marche, Jim ne pouvait pas se débattre comme il l’avait fait dans le couloir. Voir d’aussi près la révolte dans les yeux bleu marine du médecin lui noua les entrailles. Cet homme le détestait. Pourquoi s’acharnait-il à lui extirper des explications ?
— Lâche-moi, sérieux, gronda Jim alors que son col tiré l’étranglait à moitié.
— Petit con, grogna William en s’exécutant. Dégage d’ici, si tu es pas foutu de te comporter normalement.
Le ventre de Jeremy se contracta un peu plus. La bile qui lui chatouillait la gorge l’empêcha de cracher aux pieds de l’homme, ce qu’il ne se serait pas retenu de faire sinon.
— C’est toi le sale con dans l’histoire, contra Jim en réajustant ses vêtements débraillés. T’inquiète pas, je compte plus voir ta putain de gueule avant longtemps.
La chaleur dans la tête de Will lui descendit dans les tripes. Alors que Jeremy se tournait pour descendre, le médecin lui agrippa l’épaule d’une main et le gifla de l’autre. Thalia glapit dans le couloir. Jim rata la marche. Trop sonné pour se raccrocher à la rambarde, il se sentit basculer en arrière.
Le noir l’engloutit quand son crâne frappa l’une des marches d’escaliers.



Suite
Dernière modification par louji le ven. 10 nov., 2023 6:46 pm, modifié 1 fois.
vampiredelivres

Profil sur Booknode

Messages : 2887
Inscription : dim. 03 févr., 2013 3:54 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par vampiredelivres »

Bonsoiiiiiiir (oui il fait encore jour, chut),

J'ai plein de choses à dire parce que ça faisait longtemps. Déjà, comment ça va ?
De deux, eshhh, comment ça tu finis la partie sur un chapitre comme ça ? :lol:

Pour de vrai, though, j'ai enchaîné les quelques chapitres récemment, et ça m'a fait vraiment du bien de tout lire d'un coup. Ton écriture est toujours aussi agréable et prenante, l'aspect émotionnel des personnages c'est toujours autant un truc que j'admire, et ta finesse dans l'art d'exposer leurs émotions est impressionnante.
But.
J'ai eu un seul problème, ça va revenir un peu comme un cheveu sur la soupe parce que ça fait un moment, mais c'est… pas Will. Will est un c*n et mérite de se manger une enclume, mais ça c'est acté depuis un paquet de temps. Nan, j'ai eu un gros moment de crisage sur Dimitri.

(Je scrolle pour revoir le chapitre, il commence à être loin mais je tenais à revenir dessus rapidement.)
C'est dingue je relis rapidement la discussion et j'ai des triggers qui reviennent si violemment. C'est marrant aussi, ce chapitre est sorti dans la même foulée que le mien sur Cassandra où tu me disais que tu ne comprenais pas d'où le personnage venait et pourquoi il agissait ainsi, et là… ben c'est tout pareil pour moi et Dimitri.
Je ne comprends pas pourquoi. Et au-delà de l'inquiétude que je suppose qu'il pourrait avoir pour Ryu, ce chapitre témoignait pour moi d'un problème plus profond : les Recruteurs sont jamais là. Fin si, trois chapitres par tome à tout casser en général. On les voit rarement évoluer, tant dans leur relation avec leurs Recrues qu'individuellement. Dimitri, qui était des deux le plus calme et le plus sensible à la situation des deux, sort ça de nulle part. Et moi je vois pas d'où ça vient. Parce que, ok, il a adopté Ryu si mes souvenirs sont bons, il l'a vu souffrir quand Jérémy a disparu. Mais c'est ni dit ni montré, et
En fait, j'ai l'impression que ce chapitre était une excuse pour mettre une torpille gratuite à Jérémy sur le fait que ses progrès étaient surprenants mais finalement logiques. Autant dans un chapitre plus récent, du côté d'Emily, qui le fréquentait déjà régulièrement avant, c'est pas surprenant, d'autant qu'elle est directement concernée. Autant Dimitri… ça ne le concerne pas, ou à peine. Clairement, c'est pas les notes en elles-mêmes qui lui posent problème, c'est l'aspect privilège de famille Sybaris. Et ça, pareil, ça n'impacte pas Ryu directement. Limite j'ai l'impression que c'est Dimitri lui-même qui est "jaloux" alors qu'il a passé l'âge de l'école, et que c'est vraiment loin du souvenir que j'ai du personnage.

Je crois que j'ai fini de rant.
Mais en gros, ça sort de nulle part, et ça m'a fait voir rouge.

Sinon, sur des points plus positifs :

Maria se rattrape pas mal à mes yeux en ce moment, tant son côté maman-cool-casquette que la manière dont elle met des freins à Will (qui ne l'écoute pas). Le Heureusement que t’as jamais eu d’enfants, Will. Tu aurais été un père exécrable. m'a fait teeeeellement de bien ! Will par contre on va juste pas en parler, j'attends de voir comment elle va lui sauter à la gorge dans les prochains chapitres, j'ai vraiment hâte :D

J'ai bien aimé le petit moment avec Emily aussi, j'en parlais plus tôt mais j'escompte un petit arc de rédemption pour elle. Rien de tel qu'un petit moment de stress pour leurs vies (ou du moins leur intégrité physique individuelle) pour remettre les compteurs à zéro. Par contre va falloir qu'elle calme Hugo, parce que franchement, il s'excite pour un rien.

Ethan-Cross-Mikey c'est un combo de l'enfer aussi x) Je les adore, ils ramènent une touche de dynamisme plus adulte et plus raisonnable dans les dramas de lycée, ça fait du bien de voir la perspective du côté de la salle des profs.

Thallie… Oof, Thallie. J'attends le fight parental trouduc'-Maria (oui, monsieur ne mérite même plus un prénom actuellement). On m'a promis de l'évolution cool dans le T2 pour mini-miss, donc j'ai hâte de voir le moment où elle va commencer à leur sortir leur quatre vérités. Mais d'ici-là, elle a surtout besoin d'un Hug Squad à la rescousse !

Bon j'ai beaucoup rant sur Dimi parce que ça me pesait, mais j'apprécie toujours autant la lecture de tes chapitres. Donc merci pour cette histoire de qualité et ces personnages aux multiples facettes et nuances ♡

À pluche !
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : dim. 05 nov., 2023 3:49 pm Bonsoiiiiiiir (oui il fait encore jour, chut),

J'ai plein de choses à dire parce que ça faisait longtemps. Déjà, comment ça va ?
De deux, eshhh, comment ça tu finis la partie sur un chapitre comme ça ? :lol:

Pour de vrai, though, j'ai enchaîné les quelques chapitres récemment, et ça m'a fait vraiment du bien de tout lire d'un coup. Ton écriture est toujours aussi agréable et prenante, l'aspect émotionnel des personnages c'est toujours autant un truc que j'admire, et ta finesse dans l'art d'exposer leurs émotions est impressionnante.
But.
J'ai eu un seul problème, ça va revenir un peu comme un cheveu sur la soupe parce que ça fait un moment, mais c'est… pas Will. Will est un c*n et mérite de se manger une enclume, mais ça c'est acté depuis un paquet de temps. Nan, j'ai eu un gros moment de crisage sur Dimitri.

(Je scrolle pour revoir le chapitre, il commence à être loin mais je tenais à revenir dessus rapidement.)
C'est dingue je relis rapidement la discussion et j'ai des triggers qui reviennent si violemment. C'est marrant aussi, ce chapitre est sorti dans la même foulée que le mien sur Cassandra où tu me disais que tu ne comprenais pas d'où le personnage venait et pourquoi il agissait ainsi, et là… ben c'est tout pareil pour moi et Dimitri.
Je ne comprends pas pourquoi. Et au-delà de l'inquiétude que je suppose qu'il pourrait avoir pour Ryu, ce chapitre témoignait pour moi d'un problème plus profond : les Recruteurs sont jamais là. Fin si, trois chapitres par tome à tout casser en général. On les voit rarement évoluer, tant dans leur relation avec leurs Recrues qu'individuellement. Dimitri, qui était des deux le plus calme et le plus sensible à la situation des deux, sort ça de nulle part. Et moi je vois pas d'où ça vient. Parce que, ok, il a adopté Ryu si mes souvenirs sont bons, il l'a vu souffrir quand Jérémy a disparu. Mais c'est ni dit ni montré, et
En fait, j'ai l'impression que ce chapitre était une excuse pour mettre une torpille gratuite à Jérémy sur le fait que ses progrès étaient surprenants mais finalement logiques. Autant dans un chapitre plus récent, du côté d'Emily, qui le fréquentait déjà régulièrement avant, c'est pas surprenant, d'autant qu'elle est directement concernée. Autant Dimitri… ça ne le concerne pas, ou à peine. Clairement, c'est pas les notes en elles-mêmes qui lui posent problème, c'est l'aspect privilège de famille Sybaris. Et ça, pareil, ça n'impacte pas Ryu directement. Limite j'ai l'impression que c'est Dimitri lui-même qui est "jaloux" alors qu'il a passé l'âge de l'école, et que c'est vraiment loin du souvenir que j'ai du personnage.

Je crois que j'ai fini de rant.
Mais en gros, ça sort de nulle part, et ça m'a fait voir rouge.

Sinon, sur des points plus positifs :

Maria se rattrape pas mal à mes yeux en ce moment, tant son côté maman-cool-casquette que la manière dont elle met des freins à Will (qui ne l'écoute pas). Le Heureusement que t’as jamais eu d’enfants, Will. Tu aurais été un père exécrable. m'a fait teeeeellement de bien ! Will par contre on va juste pas en parler, j'attends de voir comment elle va lui sauter à la gorge dans les prochains chapitres, j'ai vraiment hâte :D

J'ai bien aimé le petit moment avec Emily aussi, j'en parlais plus tôt mais j'escompte un petit arc de rédemption pour elle. Rien de tel qu'un petit moment de stress pour leurs vies (ou du moins leur intégrité physique individuelle) pour remettre les compteurs à zéro. Par contre va falloir qu'elle calme Hugo, parce que franchement, il s'excite pour un rien.

Ethan-Cross-Mikey c'est un combo de l'enfer aussi x) Je les adore, ils ramènent une touche de dynamisme plus adulte et plus raisonnable dans les dramas de lycée, ça fait du bien de voir la perspective du côté de la salle des profs.

Thallie… Oof, Thallie. J'attends le fight parental trouduc'-Maria (oui, monsieur ne mérite même plus un prénom actuellement). On m'a promis de l'évolution cool dans le T2 pour mini-miss, donc j'ai hâte de voir le moment où elle va commencer à leur sortir leur quatre vérités. Mais d'ici-là, elle a surtout besoin d'un Hug Squad à la rescousse !

Bon j'ai beaucoup rant sur Dimi parce que ça me pesait, mais j'apprécie toujours autant la lecture de tes chapitres. Donc merci pour cette histoire de qualité et ces personnages aux multiples facettes et nuances ♡

À pluche !
Holaaaa

Eh bien écoute, je suis contente de te revoir par là :lol:
Ensuite, c'est vraiment toi qui me parles de façon de finir une partie là ? :mrgreen:

Merci beaucoup !! Bon là j'en suis arrivé à un point où la fantasy et même l'aspect un peu plus brutal de KYRA me manquent parce que c'est assez sentimental S.U.I et... on aime bien le sang et les voyages aussi par ici 8-)

Pour Dimitri, je reviens en détails dessus après, mais ton retour est hyper intéressant et constructif ! Sasa m'a fait un retour similaire, elle a été déstabilisée par ce chapitre, c'est donc que j'ai raté un truc (parce si encore le personnage de Dimitri évoluait complètement dans ce sens, ça pourrait éventuellement fonctionner, mais il redevient plus soft après donc ça fait des montagnes russes trop violentes niveau réaction de personnage.)
Surtout que contrairement à toi je veux pas jouer le unreliable character/narrator donc vraiment je pense avoir exagéré ses réactions (même si elles ont des bases cohérentes aux personnages pour moi) :roll: Et t'as relevé un truc qui me frustre, c'est la présence très limitée des recruteurs. Bon, dans le T1, ils étaient pas mal là, mais le T2, c'est moins le cas (et je l'annonce qu'effectivement on les voit pas trop dans ce T2). Well, c'est essentiellement parce que j'ai 66464 personnages et que je peux pas caler un arc d'évolution à tout le monde dans le même tome :v Alors c'était prévu qu'Alex et Dimitri reviennent en force dans le T3 (et sous un angle différent, puisqu'ils seront les aînés des bébés-agents Jim et Ryu), mais j'en viens à me demander si leur présence très limitée dans le T2 est pas un souci aussi.
Y'a des bases de méfiance de Dimitri envers Jim dans plusieurs passages du T1, mais ça remonte quoi. Et je comprends que ça fasse trop brutal de tomber sur cette méfiance exacerbée dans ce passage. Dimitri a vu l'impact du départ de Jim sur Ryu, mais on en revient encore à des scènes du T1 🥲
Mon intention derrière c'était bel et bien que Dimitri confronte Jim sur les problèmes qu'il pourrait amener à Ryu et s'il profiterait pas un peu de la situation pour se faciliter la vie (vis-à-vis de Ryu qui galère depuis le début). Mais quoi qu'il en soit, je vais repasser sur ce chapitre, parce que les réactions sont trop violentes. Je pense que le fond restera le même (les soupçons de Dimitri envers Jim, sur divers points) mais la forme sera + soft.
Du coup, tu valides déjà ce que je craignais pour ce chap au vu de la réaction de Sasa, ce sera une prio de la réécriture ^^

Pour Maria, yeeeees ✨ Je sais que tu pouvais pas te la piffrer dans le T1, donc vraiment satisfaite qu'elle remonte dans ton estime :D J'espère que d'autres chapitres-clés continueront d'aller en ce sens

Emily, ça va prendre un petit moment, mais va y avoir déjà de gros progrès sur ce tome. J'ai vraiment envie de montrer qu'elle peut tirer des choses chouettes d'une relation + saine avec Ryu et Jim, même s'ils s'accordent pas sur plein d'autres choses.
Hugo, c'est ma némésis par contre 😒 Avec ce perso, j'assume d'avoir la rage envers les personnes qui veulent pas changer.

Oui, ils sont trop bien ces trois là, même si on voit un peu moins Mike. Et comme tu dis, c'est plaisant aussi de partager le pdv des profs !

Petite Thallie, c'est le dommage collatéral pour l'instant 🥲 Mais elle a des crocs et elle va finir par les montrer hehe

Pas de soucis, les retours c'est aussi pour relever ce qui est moins positif, donc merci !!

Contente que ça te plaise toujours, je sais que c'est pas forcément ton genre de prédilection, donc ça me fait vraiment plaisir :D

A plouuuus
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

Pour info, j'ai fini le T2 🥳 C'est un gros bébé de 198k donc vous aurez encore un peu de lecture :roll: (et je prépare un 2e recueil de nouvelles qui fera office de transition entre le T2 et le T3 =)


~~~


- Partie 2 -
Noir Absolu


~~~






- Chapitre 22 -



Dimanche 18 décembre 2022, Dourney, Modros, Californie, États-Unis d’Amérique.


La lumière se fit de nouveau. Ou, plutôt, le noir s’effaça de son esprit. Jeremy rouvrit les yeux, eut un instant de panique en constatant qu’il n’y voyait rien. La tête lourde, il bougea le cou avec précaution pour chercher une trace de lumière. Le mouvement lui arracha une grimace suivie d’un grognement de douleur. Alors qu’il se demandait pourquoi son cerveau semblait avoir été épinglé d’un côté de sa boîte crânienne pour laisser l’autre partie vide, il repéra une veilleuse dans le noir. Le petit point rouge d’un appareil électronique en veille.
Quelques respirations hachées plus tard, Jim finit par reconnaître le salon de la maison de Will. Le cuir sous ses doigts n’était rien d’autre que le canapé. Le silence était presque total dans la maison. Le tic-tac de l’horloge. Ses bougonnements de douleur. Puis une respiration.
Sur le qui-vive, Jeremy se redressa sur un coude. Il regretta à nouveau, serra les dents alors qu’un trait de souffrance traversait sa cage thoracique d’un flanc à l’autre. Bon sang, qu’avait-il bien pu fabriquer pour finir dans un état pareil ?
Une fois assis au bord du canapé, les mains plaquées sur ses côtes comme pour s’assurer qu’elles ne se feraient pas la malle au milieu de ses organes, Jim tâtonna la table basse à la recherche de son téléphone. Ses doigts frôlèrent plusieurs objets indiscernables dans le noir avant de sentir l’écran froid de son smartphone. La lumière, bien que faible par réglage automatique, lui brûla les rétines. L’adolescent jura, porta une main à son front. Une douleur lui avait vrillé la tempe gauche.
Un pansement couvrait son arcade. Il en suivit le contour du bout des doigts, osant à peine appuyer de peur de réveiller la douleur sous-jacente. Elle suintait sous sa peau, palpitait contre son crâne, vibrait dans sa paupière.
Pleinement réveillé par un pic d’adrénaline, Jim s’empara de son téléphone et le retourna pour éclairer la table basse. Ce qu’il avait senti dans le noir était constitué d’un petit tas de cotons ensanglantés, de papiers de pansements oubliés et d’une trousse médicale laissée ouverte.
— Merde, souffla-t-il en quittant le canapé pour contourner la table.
Il braqua son téléphone vers le fauteuil d’où il avait perçu la respiration. Ce n’était que sa mère, endormie sous un plaid. Plongé dans la confusion, il la dépassa sur la pointe des pieds pour rejoindre les toilettes. Nerveux, Jeremy inspira profondément à plusieurs reprises avant de se préparer à l’assaut de la lumière. Malgré ça, il geignit entre ses dents quand le plafonnier s’activa. Son crâne bourdonna tandis qu’il forçait son œil droit à s’accommoder.
Le petit miroir au-dessus des toilettes lui renvoya une triste image. Du sang tachait le col de son t-shirt. Un examen approfondi lui permit de remarquer des traces sur son cou, dont on avait nettoyé le plus gros.
Le plus inquiétant restait son visage. Une ecchymose avait déjà commencé à rougir sur la partie gauche, de son front à sa mâchoire. Une compresse protégeait son arcade sourcilière. Jeremy prit le temps de se rincer le visage et le cou pour gratter les dernières traces de sang. Après quoi, il tira avec prudence sur le pansement.
Les points étaient précis, nets et propres. Du travail de médecin, pour sûr. Will, sûrement. Une fois cette constatation faite, mille questions demeurèrent. Comment s’était-il ouvert l’arcade ? C’était une zone fragile du visage et Jim s’était déjà blessé ici lors de son séjour à la Ghost Society, mais ça n’expliquait pas le principal.
Sa paupière était gonflée, son œil injecté de sang. Par réflexe, Jim porta une main à sa tempe, tira sur la peau pour éclaircir sa vision. Un flash de douleur l’arrêta en plein geste, le fit à moitié trébucher contre les WC. Vu sa sensibilité à la lumière et au toucher, il avait peut-être une légère commotion cérébrale en prime.
Penché au-dessus de la cuvette, Jeremy fit le tri dans ses souvenirs. La journée était floue. Il se rappelait s’être réveillé puis s’être traîné jusqu’à la cuisine pour se verser un bol de céréales. Pour le reste… tout était mélangé, décousu. Un coup, il jouait de la guitare. Un autre, il se disputait avec Thalia.
La nausée le prit par surprise. Alors que Jim se vidait de son estomac, il se félicita mentalement de s’être rendu aux toilettes dans un premier temps. Après s’être débarbouillé de nouveau, il sortit de la pièce exiguë et retourna s’échouer sur le canapé. L’idée de grimper les escaliers pour rejoindre sa chambre était bien trop épuisante. Son corps perclus de douleur ne supporterait pas l’ascension.
Les escaliers. Le ventre de Jeremy se creusa. Son corps se mit à trembler alors que les souvenirs affluaient les uns sur les autres, embrouillés, emmêlés. Là un cri, ici une insulte. Puis le coup. Celui qui l’avait envoyé valdinguer dans les escaliers.
Après le noir de l’inconscience et le blanc des souvenirs, le rouge de la colère.

Jeremy fut prêt en cinq minutes. Chaussé de ses baskets, emmitouflé dans sa veste aviateur et son portable réglé en mode avion, il sortit sans faire de bruit. L’idée de rester une seconde de plus dans cette maison, où il ne s’était jamais senti chez lui, où un homme qu’il n’appréciait pas l’avait frappé, lui donnait la nausée.
Alors qu’il contournait la maison endormie pour en rejoindre l’arrière, Jeremy eut une pensée pour sa sœur. Plus tard, il viendrait la récupérer. Pour l’heure, Jim ne se sentait même pas capable de grimper les escaliers. Il foulerait les marches sur lesquelles il s’était assommé. Il longerait le couloir dans lequel William et lui s’étaient disputés. Il passerait devant la chambre de l’homme, sentirait tous ses poils se hérisser.
Il en était incapable.
Jeremy réintégra son esprit malmené une fois planté devant les vélos. Il y en avait deux, celui de sa mère et de Will. Le sien était chez son père. Tant pis, Jim ne se sentirait pas coupable pour un sou d’emprunter celui de William. Une fois de retour sur la route, Jim l’enfourcha et s’éloigna dans la rue silencieuse, guidé par les lueurs jaunes des lampadaires.
Son œil gauche rendait sa vision floue et ses membres ne se mouvaient pas en parfaite cohésion. Il aurait sûrement dû rester allongé, le temps de se reposer et de laisser son cerveau récupérer du choc.
Pourtant bien déterminé à prendre de la distance, Jim roula sans but pendant quelques minutes avant de réaliser qu’il lui fallait une destination. Au vu de son état, l’adolescent était incapable de pédaler toute la nuit. Alors qu’il réfléchissait à un potentiel refuge, son parcours inconscient le conduisit plus au sud de Dourney. Malgré quelques escapades à vélo pour tuer le temps quand il était chez Will, Jim ne connaissait pas bien le quartier. Il savait vaguement où se diriger pour retrouver l’École et la boutique de fleurs où travaillait sa mère, mais pas grand-chose d’autre. Certains de ses amis habitaient le quartier, comme Tess ou Jason, mais de là à…
Jeremy cessa de pédaler en passant à proximité d’un pâté de maisons. La côte légère finit par l’obliger à mettre pied à terre. L’éclairage public était faible, le temps brumeux, mais…
Un froid glacial s’empara de ses entrailles. Ses mains devinrent molles sur le guidon, tout son corps s’affaissa et menaça de lui faire perdre l’équilibre. Alors que son regard restait rivé à cette maison, à gauche du bloc d’habitations, Jim se sentit divaguer. Décolla du béton humide pour basculer dix ans en arrière. Le froid qui râclait sa gorge tandis qu’il prenait des inspirations hachées devint âcre, cendreux. Ses narines se bouchèrent, sa gorge se comprima. La fumée l’empêchait des respirer. Sous son épaisse veste, sa peau se couvrit de sueur. Il faisait bien trop chaud dans sa chambre. C’était pourtant le printemps et les soirées étaient encore douces. Pas étouffantes.
Le vélo bascula de côté et Jeremy avec lui. L’impact du béton contre son flanc le ramena à cette soirée de décembre. Prostré au sol, tremblant, Jim dut faire le tri de ses pensées pour se convaincre qu’il n’était plus enfermé dans sa chambre d’enfance, à attendre que les flammes le dévorent. Tandis que l’anxiété fusait dans ses veines, pulsée par un cœur furieux, il eut une pensée pour sa grand-mère. Pour cette femme qu’il avait rencontrée pour la première fois à la Ghost Society et qui était responsable de tout ça.
Davantage mû par la rage que par la peur, Jim se redressa, ignora la maison anonyme qui avait autrefois été la sienne et repartit à toute vitesse sur son vélo. Il s’efforça de faire abstinence des souvenirs brûlants et étouffants qui l’envahissaient, des picotements qui remontaient la partie gauche de son dos, là où il avait été grièvement brûlé.
Le cœur au bord des lèvres, l’épuisement au bord des yeux, Jeremy pédala quelques blocs de maison plus loin. Alors seulement il s’arrêta pour consulter son téléphone. Presque deux heures du matin. Les doigts tremblants de froid et de fatigue, il remonta une conversation de groupe jusqu’à tomber sur l’information qu’il recherchait. L’adresse postale de Rick, le père de Jason.

Si sa mémoire ne lui faisait pas défaut, son ami passait la semaine chez son père. Alors que Jim descendait du vélo pour le caler contre le mur arrière de la maison, il remercia les parents de Jason de s’être un jour séparés. C’était cynique, mais il était à ce moment-là bien content de trouver un refuge à proximité de chez Will.
Jeremy fit le tour de la maison. La nuit était trop avancée pour qu’il se présente à la porte d’entrée. Sans compter qu’il ne connaissait pas le père de Jason. L’adolescent réalisa trois tours complets avant de se décider pour l’une des fenêtres. Les rideaux étaient tirés, alors il ne distinguait rien du tout. Mais sur l’autre rebord de fenêtre était abandonné un verre rempli de mégots. Aux dernières nouvelles, Jason ne fumait pas.
Jim s’y prit à plusieurs fois pour réveiller son ami. Quand les rideaux s’écartèrent enfin, le visage pâle et stupéfait de Jason apparut derrière la vitre. Jeremy ne trouva rien de plus intelligent que de lui faire coucou. Après quoi, il lui fit signe d’ouvrir.
— Jim, souffla Jason d’une voix ahurie, ses yeux bouffis de sommeil hésitant entre s’écarquiller de surprise et se refermer immédiatement.
— Jay, le salua son interlocuteur en retour avec un sourire contrit. Euh, désolé de te déranger. Euh, je peux entrer ?
La demande laissa Jason pantois. Puis il recula d’un pas.
— Par la fenêtre ?
— Ouais, t’inquiète.
Jeremy se hissa sur le rebord de fenêtre avant de faire basculer ses jambes de l’autre côté. Il était temps d’arriver : son crâne s’était remis à bourdonner et à le lancer. Une fois réceptionné à l’intérieur de la chambre, Jason éclaira sa lampe de chevet. Les adolescents se retrouvèrent face à face, l’un en pyjama, l’autre tout habillé, les deux bien décoiffés.
— Ça va ? demanda finalement Jason après un instant. T’as une de ces têtes.
— Ouais. Je sais. (Sans plus de manières, Jeremy se laissa tomber sur la chaise de bureau de son ami.) Je peux squatter chez toi ?
— Ben oui. (Jason s’assit au bord de son lit, les mains entre les jambes.) Il t’est arrivé quoi à la tête ?
— Le copain de ma mère m’a frappé. Je suis tombé dans les escaliers.
Jason tressaillit et se redressa comme si on venait de le piquer. Il dévisagea Jim avant d’oser demander :
— C’est la première fois ? Qu’il te frappe ?
— Ouais. La fois de trop, ajouta Jeremy avec un rire nerveux, exténué.
Comme Jason pinçait les lèvres d’un air désolé, Jim observa son environnement. C’était la première fois qu’il découvrait la chambre de Jason chez son père. Et il la trouva étonnement dépouillée par rapport à celle de chez sa mère. Pas d’affiches de musique, de groupe ou de concert. Tout juste un tableau de famille où l’on voyait Jason plus jeune avec un homme qui devait être Rick. En faisant tourner la chaise à roulettes, Jim se retrouva face au bureau. Ici, il y avait un peu plus de Jason. Des médiators et un capodastre abandonnés. Des partitions, un cahier griffonné de paroles en vrac. Des photos de polaroid.
Piqué par la curiosité, Jeremy se pencha dessus. Il reconnut sans mal son ami et son sourire timide. À ses côtés se tenaient deux adolescents que Jim ne connaissait pas. Une fille noire aux tresses bordeaux et un garçon brun à l’embonpoint.
— Trice et Aiden, lança Jason par-dessus son épaule. Les autres membres du groupe. Tu sais, Trice est la cousine de Tess.
— Wow, lâcha Jim en s’emparant d’un autre cliché où on les voyait tous les trois au milieu d’enceintes, de câbles et d’instruments. Tellement stylé. Je vous ai jamais vus jouer.
— On garde ça pour nous pour l’instant, expliqua Jason d’une petite voix.
— C’est tellement cool, répondit Jim en se tournant vers lui. Tu me feras écouter vos chansons ? Votre groupe, il s’appelle comment ?
— Wyatt. Et, ouais, on te fera écouter.
Ils échangèrent un sourire complice. Jim en avait presque occulté son mal de crâne. Plusieurs mois qu’il était rentré de la Ghost Society, mais il avait encore tant à apprendre sur ses amis.
Une fois l’instant passé, Jason soupira puis tapota sa couette.
— J’ai pas de matelas en rab. Mais, si ça te dérange pas, on peut partager mon lit.
Jim acquiesça en retenant une grimace. La douleur vrillait de plus en plus fort à l’intérieur de sa boîte crânienne. L’idée de dormir ne lui déplaisait pas.
— Carrément.



Suite
Dernière modification par louji le ven. 17 nov., 2023 6:28 pm, modifié 1 fois.
TcmA

Profil sur Booknode

Messages : 407
Inscription : dim. 02 sept., 2018 10:44 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par TcmA »

Hello,

Qu'est-ce que bon sang de quoi.

Parce que c'est tout à fait logique de se réveiller, perclus de douleur et avec des souvenirs qui reviennent au compte-gouttes, d'aller aux toilettes pour se découvrir défiguré, de gerber ses grands morts et d'aller faire un p'tit tour pipou en vélo.
Jim, j'te jure :')
"Ah, j'ai comme qui dirait une légère commotion cérébrale" Nan, pas du tout :')))
J'adore comment il poppe chez Jason après sa crise de panique, Jason qui questionne sans plus ce qui s'est passé et qui est en mode "salut poto, fancy seeing you here, do you want to crèche in my bed ?" BRUH.

J'imagine déjà Maria qui pique une crise (totalement justifiée) quand elle découvre que Jim est plus là.
Trash man qui dit de la merde pour couvrir son cul par tous les moyens (l'idée qu'il l'ai recousu me débecte).
Et Thalia qui panique sans faire de bruit.

Waah.

Bon, l'instant crise de panique était bien géré, j'attendais de voir quand il allait s'effilocher, le p'tit chat...

Super pour le T2, j'ai hâte de voir l'Ordure s'en prendre plein la figure.

La bise~
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

TcmA a écrit : dim. 12 nov., 2023 3:16 pm Hello,

Qu'est-ce que bon sang de quoi.

Parce que c'est tout à fait logique de se réveiller, perclus de douleur et avec des souvenirs qui reviennent au compte-gouttes, d'aller aux toilettes pour se découvrir défiguré, de gerber ses grands morts et d'aller faire un p'tit tour pipou en vélo.
Jim, j'te jure :')
"Ah, j'ai comme qui dirait une légère commotion cérébrale" Nan, pas du tout :')))
J'adore comment il poppe chez Jason après sa crise de panique, Jason qui questionne sans plus ce qui s'est passé et qui est en mode "salut poto, fancy seeing you here, do you want to crèche in my bed ?" BRUH.

J'imagine déjà Maria qui pique une crise (totalement justifiée) quand elle découvre que Jim est plus là.
Trash man qui dit de la merde pour couvrir son cul par tous les moyens (l'idée qu'il l'ai recousu me débecte).
Et Thalia qui panique sans faire de bruit.

Waah.

Bon, l'instant crise de panique était bien géré, j'attendais de voir quand il allait s'effilocher, le p'tit chat...

Super pour le T2, j'ai hâte de voir l'Ordure s'en prendre plein la figure.

La bise~
Hi !

Mdrrr 💀 Jim et l'impulsivité, une grande histoire d'amour tu sais.
Pour de vrai, il pouvait vraiment pas rester là-bas, il allait devenir dingo

MDRRR oh bordel :lol: Bon je pensais avoir mis quelques lignes de dialogue en mode "kessstufouslà" mais même pas :roll: C'est vrai que Jason réagit pas beaucoup du coup (et par ailleurs y'a aussi d'autres éléments qui pourraient expliquer qu'il reste assez passif, rdv au prochain chapitre je dis).

Pour Will qui recoud Jim, je crois qu'il a pas trop eu le choix (Maria devait être là "Tu répares ta connerie ou c'est moi qui te fends le crâne 🙂")

Alors concrètement Jim est en mode survie là. Il est dans l'action et dans la fuite, mais il a clairement pas encore encaissé psychologiquement ce qui s'est passé. Ca arrive, ça arrive ♪

Merci pour ton retour !
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

- Chapitre 23 -



Lundi 19 décembre 2022, Dourney, Modros, Californie, États-Unis d’Amérique.


Jason était déjà réveillé quand la porte s’ouvrit. Alors qu’un rai de lumière venu du couloir coulait sur le parquet de sa chambre, l’adolescent jeta un œil au réveil. À peine huit heures. Pourquoi son père débarquait-il aussi tôt ? C’étaient les vacances.
— Jay, debout, lança Rick. T’as rendez-vous pour ton groupe.
L’adolescent ferma les yeux en se maudissant intérieurement. Bien sûr. Avec Trice et Aiden, ils se retrouvaient habituellement le week-end pour jouer. Mais pendant les vacances, ils profitaient de tout leur temps libre.
Jason se redressa en baillant. Son corps crispé et sa tête lourde lui signifiaient qu’il n’avait pas assez dormi. Alors qu’il tapotait sa table de chevet, il finit par trouver l’interrupteur de la lumière. Il grogna face à la luminosité soudaine et une forme remua dans le lit à côté.
— Jason, y’a quelqu’un ?
Merde.
Jason donna un coup de pied à son ami sans le vouloir alors qu’il se dégageait des draps. Cette fois bien réveillé, Jeremy se tourna sur le ventre pour échapper à ces désagréables assauts matinaux.
— Euh, commença Jason en bondissant hors du lit. Papa, euh…
Voilà qui expliquait son manque de sommeil. Il avait accueilli Jim en pleine nuit. Sans prévenir son père. Et…
— T’as invité une fille ? demanda son père d’une voix blanche depuis le couloir. Bordel, Jay.
— Non, non, bredouilla celui-ci alors qu’un mélange de gêne et d’appréhension le gagnait. C’est juste un ami.
Quand Jason réalisa ce qu’il venait de dire, il sut d’avance quoi trouver sur le visage de son père. L’incrédulité. La méfiance. La colère.
— Un ami ?
Et voilà. Sa voix avait tourné à ce chaud-froid angoissant. Celui qui annonçait la tempête. Rick fit un pas dans sa chambre, dans la bulle d’intimité de l’adolescent. Cet espace normalement sécurisant, rassurant. Quand son père enclencha l’interrupteur du plafonnier, Jason se figea.
— C’est quoi ce putain de bordel ?
Rick avait élevé la voix. Son front dégagé par des cheveux coupés courts commençait à rougir. Jason fit de même pour une autre raison.
— Il est juste venu dormir, s’entendit-il ajouter d’une petite voix. C’est Jeremy. Je t’ai déjà parlé de lui. Le fils de Maria et d’Ethan. Les amis de maman.
Jim ouvrit vaguement un œil en entendant son prénom. Le referma aussitôt face à la lumière.
— Je m’en fous de savoir qui c’est, cracha son père en contemplant la silhouette emmêlée dans la couette. Qu’est-ce qu’il fout dans ton lit, Jason ?
Ce dernier ferma les yeux, prit plusieurs inspirations tremblantes. Il avait merdé. Un pauvre réveil aurait suffi à éviter de se faire prendre. Un anticyclone face à la tempête qui grandissait.
— Je t’ai dit, reprit-il d’un ton étouffé de crainte. Il savait pas où dormir. Je l’ai invité.
— Dans ton pieu ? ricana Rick en pointant du doigt l’adolescent encore ensommeillé. Te fous pas de ma gueule putain.
Jim se tortilla entre les draps pour faire face au père de Jason. La discussion l’avait pleinement réveillé. Une lame blanche de froid brûlant lui traversa la tempe quand il se redressa en ouvrant les yeux. Il porta une main à sa tête en geignant, sous le regard médusé de Rick.
— Putain, mais dégage de là toi !
Un coup de pied dans l’encadrement du lit tira Jim de sa souffrance. Éberlué, il chercha du soutien vers Jason, mais ne trouva qu’un garçon blême et silencieux. Soumis. Honteux.
Jeremy serra les mâchoires, dégagea ses jambes de la couette, prêt à bondir. Ce n’était plus un homme, un père, en face de lui. C’était une tempête rouge et bleue. La rage, la stupeur, la violence.
— C’est quoi votre problème ? marmonna Jim d’une voix pâteuse. Jason m’a juste laissé dormir. C’est bon, je me casse.
Pour y mettre la forme, Jeremy sortit du lit et s’appuya contre le mur pour ne pas s’effondrer. Décidément, sa commotion cérébrale n’avait pas l’air de vouloir le laisser en paix.
— Ça va pas se passer comme ça, gronda Rick en passant d’un adolescent à l’autre. Il est hors de question que mon fils ramène…
Il buta sur le mot, considéra Jim qui bataillait pour enfiler ses baskets.
— Mon fils n’est pas… reprit l’homme en dévisageant Jason qui gardait le nez baissé. Bordel, mais dis quelque chose, toi.
Comme Jason ne faisait que serrer les dents, son père traversa l’espace qui les séparait pour l’attraper par le col. Son fils se crispa, leva les bras avant de les laisser retomber. Son corps passait en mode automatique. En mode survie. Et, pour survivre, il fallait parfois se laisser faire.
— Jason, dis-moi la vérité, siffla Rick en le secouant. C’est pas juste un pote, hein ? Ça fait combien de temps ? Que tu le voies ?
— Eh, lança Jeremy, qui venait d’enfiler sa deuxième chaussure, vous en prenez pas à lui. Il a juste été sympa avec moi. Pourquoi vous l’engueulez ? C’est quoi le problème ?
— Ferme ta gueule, vociféra Rick, faisant reculer Jim d’un pas involontaire. Et dégage immédiatement de chez moi avant que je fracasse ta petite gueule de…
— Papa, l’interrompit Jason d’un air suppliant. Arrête. Je te jure que c’est un pote. On est à l’École ensemble. Dans la même classe.
Le poigne de Rick se resserra sur le vêtement de son fils, s’approcha dangereusement de son cou. Le front et la nuque de Jason s’étaient couverts de sueur malgré la fraîcheur de la pièce. Sous son pyjama, ses membres tremblaient. Il ne connaissait pas plus terrifiant que son propre père quand il devenait tempétueux.
Rick approcha son visage du sien. Si proche qu’il sentit des effluves de dentifrice à la menthe.
— Regarde-moi dans les yeux, fils.
Jason essaya. Une fois, deux fois. Mais ses yeux étaient comme aimantés au sol. Ses joues gagnèrent en chaleur alors qu’il sentait l’embarras de ne pouvoir obéir le gagner. De se montrer sous ce jour à Jeremy. Même Kaya, sa meilleure amie, ne savait rien de ça.
— Pas foutu de me dire la vérité, hein, cingla Rick en poussant son fils contre la fenêtre. Putain, mais qu’est-ce que j’ai raté avec toi pour que tu deviennes comme ça ?
Jim considéra l’homme avec effarement. Il peinait à croire qu’une scène pareille se déroulait sous ses yeux. Il poussa une exclamation ahurie en contournant le lit pour rejoindre Jason et son père.
— On est en deux-mille-vingt-deux, bordel. Ça va pas la tête ?
Comme Jim approchait dans son dos, Rick fit volte-face et le menaça de son poing. Guère désireux de se prendre un coup alors qu’il tanguait déjà à moitié, Jeremy ralentit. Puis fusilla l’homme du regard.
— Vous êtes une putain d’ordure, vous aussi.
Une veine avait gonflé sur la tempe de Rick. Jim se focalisa dessus une demi-seconde avant de se prendre une frappe dans la poitrine qui le fit reculer. C’était plus un geste d’avertissement que d’agression, mais Jim sentit la colère troubler sa vue. En l’espace de quelques heures, c’étaient deux hommes qui s’en prenaient à lui sans d’autres motifs que de mépriser sa présence.
— Lâchez Jason, intima-t-il en s’emparant du bras de Rick. Il a rien fait de mal.
Rick leva le poing comme pour le frapper. Jason retint son geste, le supplia d’arrêter. Le coup partit alors pour lui. Jason hoqueta quand les jointures de son père accrochèrent sa pommette droite. Sa table de chevet lui percuta l’arrière des genoux. Déséquilibré, il chuta sur le côté et se cogna la tête contre le mur.
— Mais vous êtes complètement taré, cracha Jim en se servant de l’attention détournée de l’homme pour le pousser de côté.
Rick se rattrapa au coin du bureau, considéra l’adolescent d’un air désabusé. Son visage parvint encore à gonfler.
— Pour qui tu te prends ? Tu…
Jeremy le poussa de nouveau, afin de mettre plus de distance entre l’homme et son ami. Comme Rick se rétablissait de justesse contre le mur, Jim agrippa le bras de Jason et le força à se lever. Il avait l’air désorienté, mais pas gravement blessé. Juste la pommette éraflée.
Le côté gauche du crâne palpitant, Jeremy entraîna son camarade à travers la chambre puis le couloir. Jason protesta vaguement dans son dos, rapidement secondé par un Rick plus insistant.
— On se tire d’ici, ordonna Jim en courant à moitié dans la maison à la recherche de la sortie. Ton père a vrillé, Jason.
Ce dernier ouvrit la bouche pour réfuter, mais sa joue douloureuse l’en dissuada. Oui, son père avait vrillé. Son père avait vrillé depuis des années. Mais personne ne comprenait vraiment.
— T’as un vélo ? (Comme Jason répondait entre deux coups d’œil par-dessus son épaule, son ami accéléra.) OK, super, on se barre.
Jim perdit quelques précieuses secondes à faire tourner les clés dans la serrure. Tandis qu’il ouvrait le battant, le bruit des pas furieux de Rick résonnèrent dans leur dos. Jason glapit quand la poigne de son père le repoussa brutalement de côté.
Le poing fusa vers le visage de Jeremy. Il esquiva de justesse, se retint au chambranle pour ne pas basculer sur le perron. Jason finit par intervenir. Toujours aussi blême, il ferma les yeux et saisit son père à bras-le-corps.
C’était la première fois qu’il rendait la pareille à son père. Rick en resta frappé de stupeur. Regarda son fils filer par la porte, enfourcher son vélo puis disparaître dans la rue illuminée par le soleil matinal.

Ils ne dirent rien pendant de longues minutes. Comme Jeremy avait pris les devants, Jason l’avait suivi sans exiger d’explications. Son ami avait l’air de savoir où aller, même s’il tanguait sur son vélo. Il n’avait pas encore recouvré toute sa motricité.
Alors qu’ils approchaient de Down-Town, ils durent s’arrêter au feu rouge d’un carrefour. Jason n’avait pas eu le temps de récupérer un manteau en sortant de chez lui. En fait, il réalisait à l’instant qu’il était encore en pyjama et en pantoufles.
Un rire incontrôlable le secoua. Il comprenait mieux les regards appuyés que certains passants ou automobilistes lui avaient jetés.
— Ça va ?
Jason leva le nez de son pyjama pour considérer son ami. Lui au moins avait-il pu enfiler ses baskets et sa veste. Seules taches au tableau : son visage tuméfié, son arcade enflée et recousue. En le voyant frissonner dans la brise, Jeremy grimaça.
— Désolé, t’as même pas eu le temps de t’habiller. T’inquiète, on arrive bientôt.
— On va où, au fait ? Tu m’as pas dit.
— Chez mon père. (Devant la moue songeuse de Jason, il ajouta : ) C’est le plus sûr pour l’instant.
L’adolescent finit par acquiescer. L’idée de rentrer chez sa mère dans cet état lui donnait envie de disparaître sous terre. Il devait en être de même pour Jim.
Le feu passa au vert. Ils s’élancèrent sur la route et Jason garda les yeux rivés au dos de son ami. Il ne voulait pas se perdre. Et il essayait de deviner ce que pensait Jim. Jason parlait souvent de Grace, car il vivait la plupart du temps avec elle. De son père, moins. Rick n’avait jamais vraiment eu de constance de ce qu’il se rappelait. Ses parents s’étaient séparés alors qu’il avait à peine sept ans. Pendant un an, Jason n’avait pas côtoyé son père. Des histoires de problèmes médicaux – aujourd’hui encore, Jason ne savait pas si c’était la réalité ou pas.
Quand Rick était revenu dans sa vie, tout avait changé. Bien entendu, il avait deux maisons, à présent. Mais, tandis que Gr ace avait bataillé pour limiter la perte de ses repères, Rick lui avait fait comprendre que Jason était comme un locataire. Ils ne partageaient pas un foyer, ils cohabitaient. Jason avait appris tôt à se débrouiller. Son père avait ses pics d’amour, de fierté, de soutien. Puis il y avait les tempêtes. Soudaines, irascibles, imprévisibles. Qui le terrorisaient à huit ans et le faisaient encore aujourd’hui.
De ce que Jason se souvenait, le premier coup était parti quand il en avait dix. Un âge qui assurait qu’il n’était plus un petit garçon. Qui assurait aussi qu’il était bien trop faible pour se défendre.
Plongé dans ses pensées, Jason manqua rentrer dans le vélo de Jim. Il s’excusa, mais son ami le rassura d’un signe de la main. Ils avaient pénétré dans le cœur de la ville. Les immeubles s’étiraient vers le ciel, les arbres se raréfiaient, la circulation se densifiait. Tandis que les adolescents slalomaient d’une route à l’autre, Jason resserra sa prise sur le guidon. Il n’avait pas l’habitude de faire du vélo en centre-ville. Les voitures qui le dépassaient en vrombissant lui arrachaient des sueurs froides. Devant lui, Jeremy ne ralentissait pas et pédalait avec régularité.
Jason allait lui crier de ralentir quand son ami bifurqua sur la droite pour les entraîner dans une rue à sens unique. Voilà qui était plus calme. La tension entre les omoplates de Jason s’apaisa. Sans regarder par-dessus son épaule, Jim s’enfonça dans le quartier jusqu’à atteindre un square où il ralentit.
— On est arrivés, lança-t-il à Jason en donnant un coup de menton vers la résidence en face.
Le souffle court, la nuque trempée de sueur, Jason considéra les trois immeubles de quatre étages qui formaient un demi-cercle. La cour intérieure était calme.
— Je suis désolé pour ton père, ajouta Jeremy en se tournant vers lui. Tu mérites pas ça.
Comme ses propos l’enfonçaient dans l’embarras, Jason ne trouva rien à répondre. Il s’en voulut alors que Jim fouillait son visage à la recherche d’une approbation.
— Sérieux, Jay, souffla-t-il avec une peine manifeste. Il te frappe souvent ?
Les mains de Jason glissèrent sur le guidon. Déséquilibré, il se rattrapa de justesse et descendit de son vélo pour éviter un accident. À ses côtés, Jeremy fit de même. Ils traversèrent la rue jusqu’au portail en silence. Jason remercia Jim en son for intérieur de ne pas insister.
Une fois le code tapé, ils poussèrent le battant et s’engouffrèrent dans la cour. Jason avisa deux enfants qu’il n’avait pas remarqués avant et les salua d’un sourire. Sourire qui disparut à l’approche de l’immeuble de Jim. Comment allait-il expliquer tout ça ? Il faisait confiance à Ethan pour ne pas le juger, mais il ne manquerait pas de prévenir Grace. Alors tout s’enchaînerait. Une dégringolade en perspective.
Leurs vélos étant bien trop encombrants pour être montés au dernier étage, ils les abandonnèrent sous les escaliers. Jim les passa dans l’antivol de son propre vélo qui était resté ici puis invita Jason à grimper derrière lui.

Jim observa son ami du coin de l’œil alors qu’ils attendaient qu’on leur ouvre. Jason semblait être resté dans sa chambre de Dourney. Ce n’était pas seulement son pyjama, ses pantoufles et ses cheveux ébouriffés. C’était sa pommette éraflée, souvenir d’un geste parental qui n’aurait jamais dû avoir lieu. C’était le vague de ses yeux, les souvenirs de la dispute qui en troublaient l’azur.
La porte s’ouvrit, leur arrachant un sursaut à tous les deux. Leurs nerfs étaient encore bien à vif. Avant que Jason ou son ami aient pu dire quoi que ce soit, Ethan s’exclama :
— Jeremy, bordel ! T’étais où ? On t’a cherché toute la nuit.
L’homme dut s’arrêter pour reprendre un souffle nerveux. Son fils s’était figé face à l’assaut soudain. Il ne s’attendait pas à ce genre d’accueil.
— On a pas dormi de la nuit, ajouta Ethan en le considérant sans vraiment y croire. Quand ta mère m’a dit que tu étais parti sans rien dire… Mais qu’est-ce qui t’est passé par la tête, enfin ?
Jason songea que c’était peut-être le moment de partir. De laisser Jim affronter son père. De saisir l’opportunité de n’avoir rien à expliquer aux adultes autour de lui.
— Tu n’imagines même pas, reprit Ethan en secouant la tête. Bon sang, après tout ce qu’on a vécu, tu n’as pas le droit de nous faire ça. De disparaître sans rien dire. J’ai cru que…
Sa phrase mourut avant qu’il puisse finir. Comprenant que la marée se retirait, Jim ravala sa frustration et marmonna :
— On peut entrer ?
Ethan remarqua enfin Jason. L’adolescent se tassa sous son regard inquiet. L’homme finit pourtant par reculer. Une fois à l’intérieur, Jeremy se déchaussa sans un mot. Jason retira également ses pantoufles, qui s’étaient tachées pendant le trajet.
— Je peux savoir pourquoi vous êtes ensemble ? Tes parents savent que tu es là, Jason ?
— Euh…
— Si tu leur fais le même coup que Jeremy, ajouta Ethan d’un air sombre, je te préviens que je dois leur dire. Je vais pas leur faire vivre la même chose.
Jason s’apprêtait à répondre, mais Jeremy intervint avant qu’il en ait l’occasion. L’une des chaussures de l’adolescent traversa soudainement la pièce pour atterrir au pied du canapé. Ethan avait suivi son parcours des yeux. Il les écarquilla en se tournant vers son fils.
— On peut savoir ce qui te prend ?
— Ce qui me prend, cracha Jeremy en lâchant sa deuxième basket, c’est que j’en ai trop marre. Tu sais pourquoi je me suis barré, au moins ?
Comme Ethan fronçait les sourcils, bras croisés sur la poitrine, Jeremy fronça le nez.
— Tu m’engueules, mais tu sais rien. Pour Jason, pareil. Ça fait chier, sérieux.
— Jeremy, baisse d’un ton s’il te plaît.
— Quoi ? s’indigna-t-il en écartant les bras. Tu vas me faire ton Will ?
Perplexe, Ethan préféra ne rien répondre. Maria l’avait informé vers deux heures et demie du matin que leur fils avait fugué. Qu’il était injoignable sur son téléphone et n’avait pas laissé de message. Ils avaient contacté leurs proches pour leur demander d’ouvrir l’œil, avaient prévenu les amis de Jim au cas où. Ils comptaient appeler la police si Jeremy n’avait toujours pas donné signe en milieu de matinée.
Et le voilà qui débarquait comme une fleur.
— Je veux juste comprendre, soupira Ethan en frottant son visage tiré par le manque de sommeil. Pourquoi tu es parti en pleine nuit et pourquoi tu nous as pas répondu.
Comme son père s’était manifestement calmé, Jim en fit de même. Il laissa retomber ses épaules, considéra le parquet. La colère lui avait donné des forces, avait repoussé l’angoisse de la veille. À présent qu’elle le désertait, le reste resurgissait.
Ce n’était pas très agréable.
— Jem ?
L’adolescent poussa un soupir fébrile, zieuta vers sa chambre. En fin de compte, il n’était pas sûr de vouloir s’expliquer. L’appel de son lit, de ce cocon réconfortant, était beaucoup plus gérable. Machinalement, il s’y dirigea. Oublia Jason qui restait planté près de l’entrée sans savoir quoi faire. Ignora Ethan qui attendait une réponse.
À sa propre surprise, Jim ne sauta pas dans son lit. Il se laissa tomber à son bureau, en ouvrit le tiroir. Un flacon familier. Il propulsa deux comprimés d’anxiolytiques dans sa paume et les avala. Alors qu’il considérait le reste, Ethan finit par le rejoindre dans sa chambre. Sans brusquerie, il récupéra la boîte et la rangea dans le tiroir.
— Deux, ça suffit.
Jeremy pinça les lèvres de contrariété, pressa ses paumes contre ses yeux. Regretta quand les points de suture de son arcade tirèrent douloureusement. Ethan se cala contre l’armoire voisine, lui pressa l’épaule avec sollicitude.
— J’ai besoin que tu m’expliques ce qui s’est passé, Jemmy. Je veux juste t’aider.
L’adolescent ne quittait plus son bureau du regard. Sa vision trouble lui apprit qu’il avait sûrement les yeux gonflés de larmes. Pourtant rassénéré par la présence de son père et par les anxiolytiques qui muselaient l’angoisse acide de ses tripes, il parla.



Suite
Dernière modification par louji le ven. 24 nov., 2023 7:11 pm, modifié 1 fois.
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1726
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: S.U.I - Special Units of Intervention [Young Adult/Contemporain/Action]

Message par louji »

C'est peut-être les 10 ans de S.U.I dans 2 semaines. J'ai peut-être une surprise 👀


- Chapitre 24 -



Lundi 19 décembre 2022, Down-Town, Modros, Californie, États-Unis d’Amérique.


Jason observait. La décoration, le mobilier, les va-et-vient d’Ethan dans l’appartement. Assis sur le canapé, aussi figé que la plante verte en pot près de lui, il attendait que passe la tempête. Aussi bien celle qu’Ethan essayait de gérer – son fils – que celle qui lui balayait l’esprit.
Comme pour se rappeler ce qu’il fabriquait ici, l’adolescent portait de temps à autre une main à sa joue. Sentait la chaleur palpitante sous ses doigts, contournait l’éraflure qui bourdonnait contre l’os de sa pommette. Rick ne manquait pas de force.
Les souvenirs devenaient trop désagréables. Jason s’extirpa du canapé pour rejoindre le meuble TV en face de lui. Au-dessus, des dizaines de clichés de polaroid étaient suspendus à l’aide d’une guirlande lumineuse. Il tourna la tête vers le couloir, aperçut une réplique similaire, bien que plus petite, sur la porte de chambre de Thalia. Jason sourit en imaginant la jeune fille sur la pointe des pieds en train d’accrocher les photos de famille.
Snowball occupait une bonne partie des polaroids, à la surprise de Jason. En figuration dans les bras de sa maîtresse ou en sujet principal de la photographie. Son air suffisant créait un fil rouge à travers les clichés. Jurait avec les yeux pétillants de Thalia, l’expression tranquille d’Ethan ou les rares sourires de Jim.
Le cœur de Jason s’alourdit alors qu’il tendait le cou vers la chambre de son ami. Un mélange de gêne, de compassion et de frustration avait gagné Jason quand il avait réalisé que Jeremy s’y était enfermé sans intention d’en sortir dans l’immédiat. C’était lui qui avait proposé qu’ils se rendent chez Ethan, le temps de faire le point. De fuir leurs démons respectifs. Et quelques mots de son père avaient suffi à faire voler en éclats sa façade.
Une façade bien fragilisée, dont Jason ne s’était pas rendu compte. C’était douloureux de le réaliser, alors que Jim avait pris sa défense face à Rick et l’avait emmené en sécurité. La sensation de ne pas lui avoir rendu la monnaie de sa pièce renforçait son orage mental. En même temps, avec de telles bourrasques qui le faisaient chanceler, comment aurait-il pu servir d’ancre à quelqu’un ?
Jason fit volte-face, retourna s’effondrer sur le canapé. Se contenter de respirer lui semblait une épreuve suffisamment éprouvante.

Ethan s’était assis à même le matelas de son fils. Les coudes posés sur ses genoux, il patientait. Par le passé, Mike et Maria avaient rarement attendu qu’il soit à l’écoute pour parler de leurs problèmes. Ils l’avaient fait spontanément et la profonde affection d’Ethan à leur égard avait suffi pour trouver les bons mots, les bons gestes.
L’homme ne trouvait ni les mots ni les gestes pour Jim. L’adolescent était toujours ratatiné sur sa chaise de bureau, la tête entre les mains. Le refluement de l’angoisse l’avait laissé exténué, étrangement immobile. Il s’était servi de l’acide pré-anxiolytique pour débiter tout ce qui s’était passé la veille. Puis, échoué sur la plage de ses émotions en sourdine, il s’était tu.
— Jem, souffla Ethan sans le quitter des yeux, même si l’adolescent était dos à lui. Comment vous en êtes arrivés là ? Je sais que ce n’était pas le grand amour entre William et toi, mais…
Il vit les épaules de son fils se crisper. Ethan passa une main fébrile sur son visage. Une part de lui s’était enfuie au plus profond de son être, refusait de voir la réalité. Une autre se trouvait mentalement face à Will, prête à lui écorcher le visage pour ce qu’il avait fait. La dernière était recroquevillée dans une chambre d’adolescent, à ne pas savoir comment réagir.
— C’est à cause de ce qu’a dit Thalia.
Ethan cilla face à la voix éraillée de Jeremy. Enfin, la parole lui revenait.
— Thalia ? Qu’est-ce qu’elle a dit ?
— Des trucs qu’elle a entendus. De la bouche de Will, à la base. Et de celle de maman. Ça m’a foutu la rage. Après ça, on s’est engueulés et… tu connais la suite.
— Qu’est-ce qu’ils ont dit ? C’était à propos de toi ?
Après un moment de silence, Jim se tourna légèrement de biais. Même s’il regardait vers les posters muraux au fond de sa chambre, Ethan était plus tranquille en ayant un aperçu de son visage. L’expressivité de son fils facilitait la lecture de ses émotions.
— Ouais. (Jeremy glissa les yeux vers son père, hésita.) J’ai la tête à l’envers, papa. Je sais plus qui croire. Quoi croire.
— Comment ça ?
— Maman… maman et toi, vous avez été heureux à ma naissance ?
L’adolescent s’était positionné face à lui sur sa chaise à roulettes. Il broyait ses doigts pour détourner une partie de la pression qui pesait sur sa conscience. En face de lui, Ethan déplia les jambes, le ventre noué.
— Bien sûr, murmura-t-il d’un air déconfit.
— Mais, insista son fils en fronçant les sourcils, tu es sûr que tout s’est bien passé ?
— C’était compliqué, répondit Ethan après un instant d’hésitation. Je ne vais pas te mentir, Jem. On… on ne t’attendait pas vraiment.
L’intéressé tressaillit sur sa chaise, cligna des yeux confus. Devant son expression atterrée, Ethan enchaîna rapidement :
— Jemmy, si on avait pas voulu de toi dans votre vie, tu ne serais pas là. Tu as été une surprise, c’est vrai, mais une surprise merveilleuse.
— Merveilleuse, répéta Jeremy d’un ton morne. Mais vous avez eu tellement de problèmes après. Sans parler d’Adrián…
À ces mots, la colère froide qui grésillait en Ethan gagna en intensité. Il ne savait pas dans quel contexte Will et Maria avaient mentionné Adrián, mais s’ils y avaient lié Jim...
— Qu’est-ce que tu sais sur lui ?
— C’était le partenaire de maman, expliqua Jeremy du bout des lèvres, mal à l’aise. Et son meilleur ami. Il est mort… quand je suis né, hein ? (Comme Ethan ne niait pas, l’adolescent sentit ses traits se défaire.) Comment tu peux me dire que vous avez été heureux, sérieux ? Maman l’a perdu au moment de ma naissance.
— Nous l’avons pleuré, Jem. Mais nous avons aussi célébré ton arrivée.
— Si maman avait pas été enceinte de moi, elle aurait pu être là avec lui, ce jour-là.
— Arrête, intima Ethan d’un ton sec. J’étais avec Adrián quand il est mort. Mike aussi. Crois-moi, on a tout fait pour le sauver. Même si ta mère avait été là, on aurait pas pu empêcher ce qui s’est passé.
Jeremy préféra se taire. L’expression de son père était devenue orageuse. Il pressentait qu’il déclencherait la tornade en insistant. Il n’avait jamais vu son père en colère. Et il préférait se passer d’une telle scène.
— C’est juste que, reprit-il plus doucement, maman m’a encore menti. Sur tout ça. Sur les problèmes qu’elle a eus quand je suis né.
Ethan se releva avec un soupir. Après avoir serré l’épaule de son fils, il répondit :
— Je sais que tu lui en veux, Jem. Surtout qu’elle t’a menti sur d’autres choses. Mais je la comprends aussi. Elle voulait te protéger.
— Quand j’étais petit, d’accord, chuchota-t-il avec frustration. Mais aujourd’hui ? Elle continue. J’en peux plus.
Face à la porte, Ethan soupira. Lui qui se targuait de communiquer avec ses enfants prenait conscience du trou béant qui bouillonnait encore au sein de leur famille. Un fossé creusé depuis des années qui n’avait jamais été complètement comblé.
— Il faut que vous en parliez, reprit-il en ouvrant la porte. Je vais lui dire que tu es rentré à la maison.
— Dis-lui de pas venir, répondit Jeremy à brûle-pourpoint. Je… je veux pas la voir tout de suite.
Face à son expression troublée, Ethan n’eut pas le cœur de contrer. Il se rangeait à son avis, de toute façon. Connaissant Maria et Jim, il craignait que leur confrontation crée des étincelles plutôt que du progrès.

Jason était toujours enfoncé dans le canapé du salon. Au moins Snowball, le chat de Thalia, était-il venu se blottir sur ses genoux. Adolescent et boule de poils sursautèrent quand la porte de la chambre de Jim s’ouvrit puis se ferma sur Ethan.
— Désolé, lança celui-ci en se dirigeant vers la kitchenette pour se servir un verre d’eau.
Il resta un moment penché au-dessus de l’évier, la tête baissée. Jason se demanda s’il allait vomir, s’il devait lui proposer son aide. Avant qu’il ait pu se décider, l’homme posa son verre dans un tintement sec et rejoignit l’adolescent dans le salon.
— Je peux regarder ta joue ?
La question n’en était pas vraiment une. Docile, Jason repoussa gentiment le chat et se leva. Quand Ethan tendit les doigts pour vérifier l’état de sa pommette, les jambes de Jason le firent reculer. Il se cogna contre le bord du canapé, retomba lourdement.
Ethan le considéra en silence d’un air mortifié avant de lui tendre la main.
— Jay, désolé.
— N-Non, c’est moi, bredouilla l’intéressé, les joues brûlantes.
Une fois debout, il n’osa plus regarder son interlocuteur dans les yeux. Sa manière de réagir en disait plus que tout. Ethan ne chercha d’ailleurs pas à l’approcher plus. D’une voix étonnamment rauque, il s’enquit :
— Tu veux que je te donne de quoi nettoyer ?
Jason hocha la tête en se couvrant la joue d’une main. L’idée qu’on ne lui touche plus le visage n’était pas déplaisante. Sa peau le démangeait comme si des doigts invisibles y glissaient.
Quand Ethan fut de retour avec des compresses, du désinfectant et du coton, Jason serrait Snowball dans ses bras. La bête s’était prêtée au jeu en ronronnant bruyamment.
— Eh ben, lâcha Ethan avec un sourire, tu as de la chance. Il accepte de faire des câlins qu’à Thalia, d’habitude.
— J’aime bien les chats, j’ai l’impression qu’ils le sentent, expliqua Jason d’une petite voix.
Il reposa l’animal pour récupérer ce que lui tendait Ethan.
— Merci. Et encore désolé.
— Jay, ne t’excuse pas, soupira Ethan en se laissant choir dans l’angle du canapé. Jem ne m’a rien dit de ce qui s’est passé chez toi. D’après lui, il y a que toi qui as le droit de le dire… ou pas.
Comme Ethan coulait un regard entendu dans sa direction, l’adolescent se tassa. De nouveau, des sentiments contradictoires à l’égard de Jeremy. La reconnaissance qu’il ait tu ce dont il avait été témoin. La frustration qu’il n’ait pas lui-même avoué ce qui était arrivé.
— C’est compliqué, s’entendit-il répondre à la place.
— Je m’en doute, Jason. (Ethan soupira, enchaîna rapidement : ) Je vais appeler Maria. Tu voudrais que j’appelle ta mère aussi ?
Jason cessa de tapoter sa joue, incertain. Il avait si bien caché toute la vérité à Grace depuis des années… Mais avec une trace pareille sur le visage ? Avec des jambes flageolantes, un cœur au bord de l’apoplexie ?
— Est-ce que… je peux prendre ton portable pour lui faire un message ? Ce sera plus simple pour moi. De lui expliquer.
— Bien sûr. J’appelle Maria rapidement et je te le donne.
Téléphone collé à l’oreille, il s’éloigna dans le couloir puis s’enferma dans sa chambre. Jason retourna à ses cotons imbibés de désinfectant. Dans le silence de l’appartement, Snowball vint se frotter à ses jambes. Jason le caressa distraitement.

Snowball émit un miaulement appréciateur quand sa maîtresse se précipita dans l’appartement pour le prendre dans ses bras. Secondée d’une Maria morose, Thalia se recroquevilla au milieu du séjour. Elle avait déverrouillé la porte avec son propre jeu de clés, trop craintive à l’idée que son père ou son frère ouvrent d’eux-mêmes. Bien sûr, ils finiraient par se montrer, par poser des questions.
Mais, avant ça, Snowball. Sa fourrure douce, qui sentait bon le chat. Son larynx qui vibrait, envoyait des ondes rassurantes dans sa poitrine. Blotti près sa maîtresse, Snowball frotta sa tête contre son menton.
Thalia gardait les paupières obstinément closes. Inspirait, sentait, écoutait. Pour oublier le bruit qu’avait fait le crâne de son frère contre la marche d’escalier. Pour effacer le rouge de son sang sur le parquet du couloir. Pour étouffer le cri de Maria quand elle avait aperçu son corps inanimé.
— Thalia ?
L’intéressée redressa le cou, croisa le regard stupéfait de son père. Un regard qui ne tarda pas à couler vers Maria. Les deux adultes s’affrontèrent silencieusement.
— Maria, entama Ethan d’une voix rauque, je t’avais dit de…
— Pas venir, l’interrompit la concernée d’un ton sec. Sérieusement ?
Ethan pinça les lèvres, s’assombrit. Comment lui en vouloir ? Malgré la demande de Jim de ne pas voir sa mère tout de suite, il aurait été incapable de rester sans rien faire à la place de Maria.
Celle-ci soupira en comprenant qu’Ethan ne dirait rien de plus. Elle zieuta vers la chambre de leur fils, se passa une main nerveuse dans les cheveux.
— Comment il va ? Tu vas l’emmener voir un médecin ?
— Ses points ont bien tenu, expliqua Ethan avec un froncement de sourcils. J’imagine que c’est William qui les a faits.
— Oui. Mais je parle de sa tête, marmonna Maria en faisant un geste inconscient vers son propre crâne. Will a dit qu’il s’est sûrement fait une commotion cérébrale en chutant.
L’annonce fit pâlir Ethan. Il se remémora les gestes saccadés de son fils, sa façon de chanceler, de cligner souvent des yeux ou la discontinuité de son discours. Il avait mis tout ça sur le compte du choc émotionnel et de la fatigue.
— Merde, souffla-t-il d’une voix pincée par la culpabilité. Non, il m’a rien dit de spécial. Mais je vais l’emmener voir quelqu’un quand il se réveillera.
Maria acquiesça, soucieuse, puis lorgna de nouveau la porte close.
— J’ai bien compris que c’est lui qui veut plus me voir. (Son ton flancha, mais elle se força à poursuivre : ) Je voulais au moins t’amener Thalia, pour pas qu’elle reste là-bas. Jeremy me parlera quand il en sera capable.
Son ton sans appel évita à Ethan de la contredire. Elle semblait avoir compris. Quand Ethan lui avait téléphoné plus tôt pour la prévenir que leur fils était rentré, il avait été ferme. Jim avait énoncé son souhait. Maria l’avait accepté.
Si Ethan était soulagé qu’elle ne cherche pas à voir l’adolescent de suite, il en était également mal à l’aise. Ça signifiait, sans l’ombre d’un doute, qu’elle avait conscience de ses torts. Or, Ethan était si habitué à baigner dans sa culpabilité qu’il en oubliait les fautes de ses proches. C’était vrai ; il n’était pas le seul responsable du malheur de sa famille.
Toujours troublé, Ethan se tourna de nouveau vers Thalia. Agenouillée au milieu du salon, les yeux cachés par sa frange brune, elle n’avait pas l’air de vouloir lâcher son chat. Le cœur d’Ethan rata un battement alors qu’il prenait conscience que sa fille, sa petite fille, avait passé des mois dans la maison d’un homme capable de gifler le fils de sa compagne.
— Ça te dérange pas ?
— Quoi ? fit-il en réaccordant son attention à Maria.
Elle s’était approchée pour observer Thalia. Sans changer d’expression, elle réitéra sa question :
— Que je te laisse Thallie. Ça te dérange pas ? Je veux plus qu’elle soit proche de lui.
Lui.
— Bien sûr, Maria. Ils peuvent rester ici aussi longtemps que nécessaire.
Elle esquissa un pâle sourire, le remercia d’un hochement de tête.
— Et toi ?
Maria cilla, détourna le regard. Ethan remarquait seulement la façon dont elle protégeait sa poitrine avec ses bras croisées. Les creux sombres sous ses yeux verts. L’épis dans ses cheveux. La raideur de sa position.
— Tu peux dormir ici, si tu veux, embraya-t-il sans y réfléchir deux fois. Je dormirai sur le canapé. Prends ma chambre.
Notre ancienne chambre, songea distraitement Ethan malgré lui.
— Tu rigoles, grinça Maria d’un air sidéré. Ethan, c’est gentil, mais non. Je suis juste venue avec Thalia et ses affaires. Je repars juste après.
— Maria, tu es sûr de vouloir rester avec…
Bien qu’il ait laissé sa phrase en suspens, la façon dont elle plissa les paupières était limpide.
— Je reste pas avec lui. Je l’ai quitté. (Elle décroisa les bras pour se frotter distraitement la main.) Je veux plus jamais le revoir.
Un glaçon se coinça contre la glotte d’Ethan.
— Mais, Maria, tu vas aller où ? Tu es sans logement.
Elle haussa les épaules, se mordilla la lèvre. Frotta de nouveau sa main. Ethan remarqua alors le rouge sur ses jointures. Spontanément, il traversa les mètres qui les séparaient, lui prit le poignet. Maria tressaillit, mais ne se déroba pas alors qu’il observait les écorchures.
— Qu’est-ce qui t’est arrivé ? (L’homme marqua une pause, blêmit un peu plus.) Ne me dis pas qu’il…
— Non. C’est moi. C’est moi qui l’ai frappé.
Incapable de masquer sa surprise, Ethan réagit à peine quand Maria retira sa main avec un sourire blessé. Thalia s’était tournée vers eux, dévisageait sa mère d’un air interdit.
— Tu peux me juger si tu veux, marmonna-t-elle en reculant. Mais je pouvais pas… j’arrivais pas à… Après ce qu’il a fait à Jem, à mon trésor, je…
Sa voix cassa, à défaut de sa façade. Un élan de peine traversa Ethan. Elle s’imaginait qu’il désapprouvait ses agissements. Qu’il lui en voulait d’avoir donné un tel exemple à leur fille.
— Tu sais, Maria, murmura-t-il pour que Thalia ne l’entende pas, si ça n’avait pas été toi, je l’aurais fait.
Maria écarquilla brièvement les yeux, détailla l’expression de l’homme pour s’assurer qu’il disait vrai. À vrai dire, la vérification était superflue : Ethan ne lui avait jamais menti ouvertement et elle lui faisait confiance pour penser qu’il ne le ferait pas plus aujourd’hui.
La sonnette retentit avant que Maria puisse lui en confier plus. Elle interrogea Ethan du regard, mais il haussa des épaules confuses. Thalia se remit debout tandis que son père ouvrait la porte. Toujours secouée par les événements de cette dernière journée, elle s’approcha de sa mère et lorgna l’entrée de l’appartement.
Maria venait de passer un bras autour de ses épaules quand la nouvelle venue apparut sur le pas-de-porte. Une chappe de soulagement tiède entoura Maria.
— Grace, lança-t-elle d’une voix avenante à son amie.
L’intéressée lui rendit son sourire avant d’étreindre rapidement Ethan. Après avoir fait de même avec Maria et sa fille, Grace s’éclaircit la gorge avec embarras.
— Où est Jay ?
— Dans ma chambre, répondit aussitôt Ethan. Il a dit qu’il se sentait pas très bien et préférait t’attendre au calme.
Comme elle hochait la tête, les yeux gonflés de larmes retenues, Maria lui serra l’épaule. Ethan lui avait expliqué succinctement pour Jason. D’une façon cruelle, leurs destinées s’étaient quelque part rejointes en cette soirée funeste.
— Jason m’a dit ce qui s’était passé avec Will, chuchota Grace alors que les deux femmes s’avançaient dans le couloir. Je suis tellement désolée, Maria. Tu avais enfin une situation plus stable et quelqu’un de sérieux dans ta vie, mais…
— Il faut croire qu’il était pas si sérieux que ça, siffla Maria d’un ton venimeux. Je m’en veux, car y’a eu des signes. Mais je me suis dit qu’on ferait tous des efforts, qu’on allait passer au-dessus de tout ça et réussir à vivre tous ensemble. Tu parles.
— Ne te rejette pas tous les torts, Maria. En fin de compte, c’est William qui a levé la main sur ton fils. C’est lui le problème dans l’histoire. Il vous a tous manipulés.
— Mais je suis responsable d’avoir imposé à Jem un homme pareil. Et j’ai peur qu’il me le pardonne pas.
Grace baissa la tête, déglutit péniblement. En prenant la main de Maria dans la sienne, elle souffla :
— Maria, il faut déjà que tu te pardonnes à toi-même. Ça et tout le reste. Comment veux-tu que tes enfants comprennent et pardonnent tes choix tant que tu te punis pour le moindre de tes actes ?
Plus bousculée par ces mots qu’elle ne voulait le montrer, Maria rit nerveusement avant de secouer la tête.
— On en reparlera plus tard. (Avant que Grace puisse pousser la porte d’Ethan et que Maria se laisse museler par la honte, elle enchaîna doucement : ) Je peux te demander un service ?
Face au regard curieux, ouvert, de son amie, Maria trouva quelques filaments de courage en plus.
— Si ça te dérange pas trop… je peux rester dormir chez toi ce soir ? Et… sûrement demain soir aussi ?
— Et toute la semaine et aussi longtemps que nécessaire, acquiesça Grace du tac-au-tac.
Elle passa un bras autour du cou de Maria, l’attira contre son épaule.
— Je te laisserai pas affronter ça seule, Maria.
Malgré la honte qui lui brûlait les entrailles – c’était Grace qui aurait dû être dans ses bras, en train de pleurer ce qu’elle avait manqué avec Jason – elle se laissa aller. Et laissa aller les larmes.



Suite
Dernière modification par louji le ven. 01 déc., 2023 7:23 pm, modifié 1 fois.
Répondre

Revenir à « Essais et créations en plusieurs parties »