Astrée
205 ans ǀ Ange ǀ Aventurière ǀ Niveau 5 ǀ Familia d'Hestia ǀ Anos
Time after time
Je ne sais pas comment les choses en sont arrivées là. Je ne comprends pas ce qu’il se passe. J’étais en train de soigner Anos quand son comportement s’est mis à changer. Je ne sais pas ce qui a pu déclencher tout cela. Douceur, colère, tristesse. Je reconnais ces émotions. Je connais bien la première et la dernière. Mais j’expérimente rarement la seconde. Mes émotions ne sont jamais aussi prononcées, aussi intenses. Je suis incapable de passer d’un sentiment à un autre en quelques secondes.
Anos me plonge quelques instants dans les souvenirs. Des souvenirs lointains d’une autre époque. Des souvenirs de jeunesse. Je n’avais pas pensé à lui depuis longtemps. Il est devenu un fantôme de mon passé. Je n’ai jamais su ce qu’il est devenu. Je ne sais pas s’il a survécu depuis lors, s’il est toujours vivant. Et s’il l’est, sans doute, ne se souvient-il pas de cette jeune ange candide qui a soigné ses blessures, il y a si longtemps. Quant à lui, il a laissé son empreinte dans mes souvenirs, la faisant perdurer encore aujourd’hui.
Sa colère me fait peur parce que je la sens dirigée contre moi sans comprendre pourquoi. Je n’ai rien fait pour cela. Je n’ai jamais cherché à le provoquer alors pourquoi vouloir attenter à ma vie ? Je ne comprends pas. J’essayais simplement de l’aider, rien de plus. Cette colère me fait peur surtout quand sa main se retrouve à quelques millimètres de ma gorge D’angoisse, je me fige, ma respiration bloquée et mon cœur martelant dans ma poitrine. Cela dure seulement quelques instants. Puis tout s’arrête. Je n’ai pas le temps de réagir, ni de me remettre de mes émotions. Il s’éloigne prêt à quitter la pièce avant de faire demi-tour pour me prendre dans ses bras. La chaleur de son corps se diffuse, la sentant à travers mes vêtements. Ses doigts caressent mes cheveux avec douceur. J’ai l’impression d’avoir un tout autre Anos. Je sais qu’il me confond avec quelqu’un d’autre en prononçant le nom de la Princesse de Babylone. Pourtant, je ne peux m’empêcher de prononcer ces mots.
Je te pardonne. Douceur, chaleur, tristesse, regret se confondent. Mes mots le font réagir et il se détache de moi, non sans garder ses mains sur mes épaules. Mes yeux se relèvent et s’ancrent aux siens.
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Pourquoi dis-tu cela Anos ? je demande d’une voix douce.
Qu’as-tu fait de si impardonnable ?
Il finit par s’éloigner et se rassoir, reprenant sa position initiale d’une voix égale comme si rien ne s’était passé. Seul le récipient brisé est une preuve de son accès de colère. Je ramasserai les morceaux brisés plus tard pour les jeter. C’est dommage, j’aimais bien ce bol. Je lâche un petit soupir avant de me reprendre. Puisqu’il décide de rester, je vais continuer à le soigner.
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Très bien, je réponds simplement.
Je tourne le dos à Anos et j’essaye de me concentrer sur ma tâche. Je cherche plusieurs bocaux contenant les ingrédients dont j’ai besoin. Des odeurs familières s’en échappent. Dans un bol, je broie un mélange de racines, d’écorces et de plantes auquel j’ajoute une larme d’ange prélevée par mes soins, il y a quelques semaines. Je mélange le tout pour en faire une pâte épaisse. Je prends un tissu propre dans une fibre issue d’une fleur duveteuse et bleue très utile pour ce genre de blessures. Elle a des propriétés nettoyantes incroyables. Avec une spatule, je badigeonne le tissu généreusement. Je retourne vers mon patient silencieux et avec délicatesse, je pose le pansement sur la blessure.
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Cela va permettre de résorber la blessure en évitant une potentielle infection. Peux-tu tenir le pansement quelques instants ?
J’attends de le voir poser ses doigts sur le tissu pour le maintenir, le temps d’aller chercher une longue bande de tissu. Je reviens vers lui, afin de terminer les soins sur cette première blessure. J’enroule le tissu partant de sa blessure pour l’entourer, passant de son abdomen à son dos pour faire plusieurs tours et maintenir correctement le pansement en place. Mes doigts frôlent sa peau dans ma tâche tout en me concentrant sur mes gestes. Je termine en coinçant le tissu pour ne pas voir le bandage se défaire. Mon regard revient vers le sien.
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Il faudra garder ce pansement trois jours et ne pas le mouiller. C’est important. A présent, je vais m’occuper de tes autres blessures.
Je retourne vers le plan de travail, à la recherche de coton et d’une solution désinfectante pour les coupures. Je reviens à nouveau vers lui et je le préviens.
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Ça va piquer.
J’imagine que ça ne doit pas être grand-chose pour lui mais j’ai l’habitude de prévenir mes patients pour éviter les surprises. Même si cela ne les empêche pas de réagir quand même à la sensation du produit sur leur blessure. Je scrute sa peau et commence ma tâche, concentrée sur chaque blessure. Je remarque des cicatrices, signe de nombreux combats. Chacune doit raconter une histoire.