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Extrait ajouté par anonyme 2014-02-23T23:02:30+01:00

- Tu es jalouse, dit F. Jasmine. Tu essaies seulement de m'arracher tout le plaisir que j'ai à quitter cette ville. Tu veux tuer mon bonheur.

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Extrait ajouté par anonyme 2014-02-23T23:02:20+01:00

Frankie regardait ces phalènes fragiles, qui tremblaient en se pressant contre le store. Ils apparaissaient chaque soir, dès que la lampe du bureau était allumée. Ils arrivaient du fond des nuits du mois d’août pour se coller au store.

- Pour moi, dit-elle, cette façon qu’ils ont de venir ici, c’est toute l’ironie du destin. Ils pourraient voler n’importe où. Mais non. Ils viennent toujours rôder autour des fenêtres de cette maison.

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Extrait ajouté par anonyme 2014-02-23T23:02:09+01:00

- Je ne sais pas ce qu’il faut faire. Je n’ai qu’une envie. Mourir.

- Alors meurs, dit Bérénice.

- Meurs, répété John Henry dans un souffle.

La terre s’arrêta de tourner.

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Extrait ajouté par anonyme 2014-02-23T23:01:59+01:00

- Je voudrais que demain ne soit pas vendredi mais dimanche. Je voudrais déjà être partie d’ici.

- Il viendra ce dimanche, avait dit Bérénice.

- J’en doute. Il y a si longtemps que je veux quitter cette ville. Après le mariage, je voudrais ne pas revenir ici. Je voudrais aller quelque part, et que ce soit pour de bon. Je voudrais avoir cent dollars et pouvoir m’en aller vraiment et ne plus jamais revoir cette ville.

- Les choses que tu voudrais, ça fait beaucoup, à mon avis.

- Je voudrais être n’importe qui excepté moi.

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Extrait ajouté par anonyme 2014-02-23T23:01:48+01:00

Tous on est comme des prisonniers. On vient au monde dans un endroit ou dans un autre, et on ne sait pas pourquoi. Mais on est quand même prisonniers. Toi, tu es née Frankie. John Henry, il est né John Henry. Et peut-être qu'on voudrait s'évader et être libre. Mais on a beau faire, toujours on reste prisonnier. Moi je suis moi et toi, tu es toi, et lui il est lui. Chacun de nous est comme prisonnier de lui-même.

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Extrait ajouté par anonyme 2014-02-23T23:01:35+01:00

– Je crois que j’ai compris ce que tu viens de dire, dit F. Jasmine. Mais au lieu du mot prisonnier, tu pourrais te servir du mot déchaîné. Ca a l’air d’être deux mots contraires. Je veux dire par là que tu te promènes, tu vois tous ces gens et tu as l’impression qu’ils sont déchaînés.

– Tu veux dire : sauvages ?

– Pas du tout. Je veux dire que tu ne vois pas ce qui les enchaîne l’un à l’autre. Tu ne sais pas où ils vont, ni d’où ils viennent. Par exemple, qu’est-ce qui a poussé tous ces gens à venir dans cette ville ? D’où arrivaient-ils ? Que sont-ils venus faire ? Pense à tous ces soldats.

– Ils sont nés, dit Berenice. Et ils vont vers la mort.

F. Jasmine parlait d’une voix aiguë et mal assurée.

– Je sais, dit-elle. Mais tout ça veut dire quoi ? Des gens déchaînés et prisonniers en même temps. Prisonniers et déchaînés. Tous ces gens, tu ne sais pas ce qui les enchaîne l’un à l’autre. Il y a une raison quelconque, un contact quelconque qui les unit.

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Extrait ajouté par anonyme 2014-02-23T23:01:24+01:00

John Henry dormait déjà. Elle l’entendait respirer dans l’ombre, et c’était ce qu’elle avait si souvent désiré pendant les nuit de cet été-là : que quelqu’un soit endormi dans le même lit qu’elle. Elle écouta respirer longtemps, allongée dans le noir, puis elle se souleva sur un coude. Il était tout petit dans le clair de lune, avec ses taches de rousseur, son torse nu si blanc, un pied qui pendait hors du lit. Elle lui posa doucement la main sur la poitrine et se rapprocha. C’était comme une petite pendule qui battait en lui, et il avait une odeur de transpiration et de Sweet Serenade. Il avait une odeur de petite rose fanée. Elle s’était penchée et l’avait léché derrière l’oreille. Puis elle avait pris une longue inspiration, et avait appuyé son menton sur la petite épaule moite et pointue, en fermant les yeux. Car, maintenant que quelqu’un dormait près d’elle dans le noir, elle avait un peu moins peur.

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Extrait ajouté par anonyme 2014-02-23T23:01:07+01:00

– Attends et tu verras. Ils m’emmèneront avec eux.

– Et s’ils ne t’emmènent pas ?

[…]

– S’ils ne m’emmènent pas, je me tuerai. Mais il m’emmèneront.

– Tu te tueras toute seule ?

– Je me tirerai une balle de revolver dans la tempe.

– Avec quel revolver ?

– Le revolver que papa cache sous ses mouchoirs avec la photographie de maman, dans le tiroir de droite de son bureau.

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Extrait ajouté par anonyme 2014-02-23T23:00:54+01:00

– Écoute, dit-elle. Je vois un arbre vert. Pour moi il est vert. Et toi aussi tu dis que cet arbre est vert. Et nous sommes d’accord toutes les deux. Mais cette couleur que tu vois verte, est-elle la même que mon vert à moi ? Ou disons que nous avons toutes les deux une couleur que nous appelons noir. Mais comment savoir si le noir que tu vois est la même couleur que mon noir à moi ?

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Extrait ajouté par anonyme 2014-02-23T23:00:44+01:00

Mieux valait une prison où l’on pouvait donner des coups dans les murs qu’une prison invisible

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