Extraits

– Et vous, que faites-vous ?

– J’ai une entreprise de torréfaction de café. Avec mes deux associés, nous avons une unité de fabrication à Friday Harbor. Nous disposons d’un grand torréfacteur industriel qui produit environ cinquante kilos à l’heure. Nous proposons une gamme d’une demi-douzaine de mélanges torréfiés que nous vendons sous notre propre marque, mais nous fournissons aussi des distributeurs sur l’île, ainsi qu’à Seattle, Lynnwood… et un restaurant à Bellingham, en fait.

– Vraiment ? Lequel ?

– Un restaurant végétarien appelé Garden Variety.

– J’adore cet endroit ! Mais je n’ai jamais goûté leur café.

– Ah bon ? Pourquoi ?

– J’ai renoncé à en boire il y a quelques années après avoir lu un article qui affirmait que ce n’était pas très bon pour la santé.

– C’est un tonique pour ainsi dire souverain, protesta Mark avec indignation. Bourré d’anti-oxydants et de composés phytochimiques. Il réduit le risque de certains types de cancers. Saviez-vous que « café » provient d’un mot arabe qui se traduit par « vin du grain » ?

– Je l’ignorais, répondit Maggie qui sourit de son enthousiasme. Vous prenez le sujet très au sérieux, on dirait.

– Chaque matin, je me jette sur la machine à café comme un soldat retrouvant un amour perdu après la guerre.

Le sourire de Maggie s’élargit. Quelle voix merveilleuse il avait. Grave et pénétrante.

– Quand avez-vous commencé à en boire ?

– Au lycée. Je révisais pour un examen. J’ai essayé ma première tasse dans l’espoir qu’elle m’aiderait à garder les yeux ouverts.

– Qu’aimez-vous le plus dans le café ? Le goût ? La caféine ?

– J’aime commencer la journée avec les nouvelles et un Blue Mountain de Jamaïque. J’aime boire une tasse l’après-midi en râlant contre les Mariners ou les Seahawks. J’aime l’idée que chaque tasse est un concentré de saveurs d’endroits que la plupart d’entre nous ne connaîtrons jamais. Les contreforts du Kilimandjaro en Tanzanie… les îles d’Indonésie… la Colombie, l’Ethiopie, le Brésil, le Cameroun… J’aime l’idée qu’un chauffeur routier puisse savourer un café de qualité tout autant qu’un millionnaire. Mais par-dessus tout, c’est le rituel qui me plaît. Il rapproche les amis, constitue la conclusion parfaite d’un dîner… et à l’occasion, permet de tenter de convaincre une jolie femme de monter jusqu’à votre appartement.

– Le café n’y est pour rien. Vous tenteriez une femme avec un verre d’eau du robinet.

Les yeux écarquillés, Maggie se plaqua aussitôt la main sur la bouche.

– Je ne vous imagine pas du tout à court de sujets de conversation, fit-il remarquer.

– Oh, ça arrive. Surtout quand mon interlocuteur est trop gentil. Une conversation digne de ce nom implique toujours une certaine dose de critique. Quel plaisir de se découvrir des aversions communes et de sympathiser sur des griefs mineurs.

À l’évidence, toute tentative de refouler l’attirance qu’elle lui inspirait était vouée à l’échec. Il lui semblait que tout ce qu’il avait toujours aimé chez une femme, y compris ce dont il n’avait même pas eu conscience auparavant, était arrangé chez elle en un bouquet parfait.

D’ordinaire, un enfant était le fruit d’une famille. Dans leur cas, à l’inverse, ce serait la famille qui serait le fruit d’un enfant.

Chaque matin, je me jette sur la machine à café comme un soldat retrouvant un amour perdu après la guerre. (p. 74)

– Que vous reste-t-il donc à comprendre ?

– Si je suis capable de surmonter la peur de l'éternité.

– Voulez-vous connaître ma devise ? C'est une citation d'Emily Dickinson.

– Je n'ai pas de devise, fit-il remarquer, pensif.

– Tout le monde devrait en avoir une. Vous pouvez m'emprunter la mienne, si vous voulez.

– Qui est ?

– « Pour toujours est une suite de maintenant », dit Maggie qui se tut, une ombre de mélancolie dans son sourire. Vous ne devriez pas vous inquiéter pour l'éternité...Le temps passe plus vite qu'on ne l'imagine.

Un petit murmure l’interrompit.

– Oncle Mark.

– Juste une minute, Holly chérie, je… Mark se tut brusquement, pétrifié. L’air sidéré, il regarda à deux fois, non sans un certain comique, la fillette près de lui.

– Qu'aimez-vous le plus dans le café ? Le goût ? La caféine ?

– J'aime commencer la journée avec les nouvelles et un Blue Mountain de Jamaïque. J'aime boire une tasse l'après-midi en râlant contre les Mariners ou les Seahawks. J'aime l'idée que chaque tasse est un concentré de saveurs d'endroits que la plupart d'entre nous ne connaîtrons jamais. Les contreforts du Kilimandjaro en Tanzanie… les îles d'Indonésie… la Colombie, l'Éthiopie, le Brésil, le Cameroun… J'aime l'idée qu'un chauffeur-routier puisse savourer un café de qualité tout autant qu'un millionnaire. Mais par-dessus tout, c'est le rituel qui me plaît. Il rapproche les amis, constitue la conclusion parfaite d'un dîner… et à l'occasion, permet de tenter de convaincre une jolie femme de monter jusqu'à votre appartement.