Friponnes de porcelaine
Auteur
- Eric Rohmer (Écrivain)
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extrait
Il faisait froid. Annie mouilla l'extrémité de la serviette et la passa sur son cou, ses épaules et ses bras. Elle s'essuya en frottant violemment. Dans la chambre, la fumée de la cigarette de Gérard formait un mince ruban presque rectiligne. Elle accrocha son peignoir à un portemanteau fixé derrière la porte.
- Je crois que je peux mettre mon tailleur, dit-elle.
- Comme vous voulez, dit Gérard dans la chambre.
- Il ne fera pas très chaud aujourd'hui.
- Non, dit Gérard, je ne crois pas.
Quand elle fut habillée elle enleva le petit peigne qui fixait ses cheveux sur le côté, et le piqua un peu plus en arrière. Dans la glace on apercevait l'extrémité du couvre-lit jaune ; le portefeuille avait glissé contre le mur, à l'endroit où le matelas faisait un creux, et menaçait de tomber. L'odeur de la cigarette commençait à pénétrer dans le cabinet de toilette. Elle ouvrit complètement la fenêtre de verre dépoli et entra dans la chambre. Gérard se leva.
- Attendez, dit-elle, je n'ai pas fini.
Elle alla s'asseoir sur le bord du lit et commença à mettre ses souliers.
- Il faut que je me recoiffe. Je ne sais pas ce qu'ont mes cheveux aujourd'hui, ils ne tiennent pas.
Gérard se rassit sur le lit, assez loin d'elle.
- Il n'est pas tard : six heures et demie.
- Je sais que j'ai le temps, dit-elle. Huit heures et demie c'est l'heure où je me réveille d'habitude.
- Et vous arrivez à neuf heures ? Elle rit.
- Je parie que vous n'avez jamais été en retard.
- En retard ? Oh certainement, si.
- Sûrement pas comme moi.
Elle passa de nouveau dans le cabinet de toilette.
- Ça ira bien comme ça, dit-elle en revenant ; je ne sais pas ce qu'ont mes cheveux : impossible de les tenir. Et je parie qu'il y a du vent.
- Non, je ne crois pas, dit Gérard. Il se leva et s'approcha d'elle.
Elle releva la tête : il sourit et mit sa main sur son épaule.
- Alors nous descendons, dit-il en l'attirant à lui.
Elle ne répondait pas et appuya la tête contre la toile de l'imperméable. Il lui effleura les cheveux de ses lèvres puis la força à relever la tête et l'embrassa.
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Date de sortie
Friponnes de porcelaine
- France : 2014-01-03 - Poche (Français)
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Résumé
Sous le titre Friponnes de porcelaine – qui fut le nom que Rohmer avait donné à l’une de ses pièces de théâtre abandonnée –, se cache un recueil de huit nouvelles écrites entre 1940 et 1950, prémices des films tournés bien plus tard. Rohmer se voulait avant tout auteur (il a publié un roman en 1946 chez Gallimard) et ces nouvelles dépouillées, authentiques, en adéquation totale avec leur époque, sont le reflet d’une oeuvre visuelle originale alternant contes, proverbes et comédies.
En collaboration avec l’IMEC, où sont conservées les archives du cinéaste, et en même temps que la sortie de la biographie d’Éric Rohmer écrite par Antoine de Baecque et Noël Herpe, Friponnes de porcelaine nous place à la source de l’imaginaire si particulier d’un des plus grands cinéastes français.
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