Commentaires de livres faits par Gabriest
Extraits de livres par Gabriest
Commentaires de livres appréciés par Gabriest
Extraits de livres appréciés par Gabriest
- Il n'y a là rien de risible, Guyon. Et votre patron n'était pas bien malin de parler ainsi. La Comté est un pays pacifique. En mai 35, quand Louis le Treizième a déclaré la guerre au roi d'Espagne, personne ici ne s'est ému de ce bruit d'épées. Vous oubliez que si notre Comté dépend de la couronne d'Espagne, elle se sentait protégée par un pacte de neutralité. Je sais bien que ce pacte, Henri IV l'avait déjà violé en 1595, mais tout de même, en 1611, on l'avait renouvelé. Et j'en connais le texte. Il est formel. En cas de conflit entre la Maison de France et celle d'Autriche, il est bien spécifié que jamais les deux Bourgognes ne seront mêlées aux hostilités. Eh bien, vous voyez ce qu'il en est de la parole des rois ! Mais nous ne connaissons pas tous les dessous de la politique. Tant de gens sont peut-être morts tout simplement parce que quelque prince a fait un mariage qui ne plaît pas à un ministre !"
- Et ce rapport différera, continua vivement Edouard, suivant la diversité des êtres. Tantôt ils se rencontreront en amis et vieilles connaissances, qui se rapprochent, s'unissent promptement, sans modifier quoi que ce soit l'un à l'autre, comme le vin se mêle à l'eau. Par contre d'autres s'obstinent à demeurer étrangers côte à côte, et ne peuvent s'unir même par mélange mécanique et friction : ainsi l'huile et l'eau, si on les agite pour les mélanger, se séparent à l'instant."
- Mais pourquoi n'y demeures-tu pas, toi aussi ?
- Parce que je suis mal vêtu !"
Giovanni La Pergola retira sa main de sous l'oreiller pour se toucher le front :
" - Comment ? Que me dis-tu là ? Les morts sont aussi bien et mal vêtus ?
- Les morts qui ont été tués, oui. Pour pénétrer dans la chambre de Dieu, ils doivent être bien vêtus, autrement ils n'y ont pas accès.
- Et comment fait-on pour être bien vêtu ? Tu ne voudrais pas que je t'envoie de l'argent ?"
Le frère eut un sourire :
" - Oh non ! Si tu mettais un sou dans ma main, elle s'ouvrirait comme une toile d'araignée et le laisserait choir dans le ravin du ciel.
- Alors quoi ?
- Nous autres morts, nous sommes, au ciel, vêtus de la même manière que le sont nos frères vivants sur la terre. Si toi tu es vêtu convenablement, je le serai aussi. Si tes vêtements empestent les oignons de l'année dernière, les légumes du mois de janvier, les relents de la rue, le fumier, le bois pourri, le tabac, moi aussi j'empeste là-haut, les morts s'écartent de moi, et la porte de Dieu m'est fermée au nez toutes les fois que je m'en approche !
- Mais Dieu, alors, est un Dieu pour les nantis ?
- Non, tu ne peux pas comprendre ! Il veut de la propreté dans sa chambre, voilà tout !
" Si éveillée qu'elle soit, si pleine de tempérament et presque de passion, ou peut-être même à cause de cela, elle n'est pas de celles qui sont préoccupées par l'amour ou au moins par ce qui mérite ce nom. Elle en parle, et même avec force et une certaine conviction, mais en somme simplement parce qu'elle a lu quelque part que l'amour est ce qu'il y a de plus grand, de plus beau, de plus magnifique. Peut-être ne fait-elle que répéter les paroles d'une sentimentale comme Hulda. Mais en elle cela ne correspond pas à grand-chose. Il est possible que cela vienne un jour, Dieu nous en garde, mais elle n'en est pas encore là."
" [...] Quand on va jusqu'au bout des choses, on exagère et on récolte le ridicule. Pas de doute. Mais où cela commence-t-il ? Où est la limite ? Au bout de dix ans, le duel s'impose encore, c'est ce qu'on appelle l'honneur, mais au bout de onze ans, peut-être dix et demi, cela devient absurde. La limite, la limite ! Y est-elle ? L'avais-je déjà franchie ? Quand je revois son dernier regard, résigné, et souriant dans sa misère, je sais qu'il voulait dire : "Instetten, toujours à cheval sur un principe... Vous pouviez m'épargner cela, et à vous-même aussi." Et il avait peut-être raison. C'est ce que me dit à peu près ma conscience. Oui, si j'avais été animé d'une haine mortelle, si j'avais eu un profond désir de vengeance... La vengeance c'est pas belle, mais c'est quelque chose d'humain, elle a un droit naturel. Mais tout cela n'a été qu'une histoire montée de toutes pièces, une demi-comédie, pour l'amour d'une idée."
"Mais, répliqua Mélanie, ces façons tragiques, voilà précisément CE que nous attendons de vous, nous les femmes.
- Ah, bah ! Des façons tragiques ! dit van der Straaten. De la gaieté, voilà ce que vous demandez et un jeune freluquet qui vous tient l'écheveau lorsque vous faites une pelote de fil et qui est agenouillé à vos pieds sur un coussin, sur lequel, chose bizarre, est toujours brodé un petit chien. Comme symbole de fidélité, je suppose. Et alors, il soupire, lui, l'adorateur, le gamin suppliant, et fait les yeux doux et vous assure de sa très profonde sympathie. Car vous DEVEZ être malheureuses. Et puis de nouveau des soupirs et un silence. Sans doute, sans doute aviez-vous un bon mari, remarquait-il (tous les maris sont bons) mais enfin, il ne suffit pas qu'un homme soit bon, un homme doit également COMPRENDRE sa femme. C'est cela qui importait sinon le mariage était abject, tellement abject, plus qu'abject, disait-il. Et puis il soupirait pour la troisième fois. Et quand enfin le fil était dévidé, ce qui durait bien entendu le plus longtemps possible, vous étiez également convaincues. Car chacune d'entre vous étaient destinées au moins à un prince hindou ou au shah de Perse. Déjà pour les tapis."
Pendant ces élucubrations van der straatiennes, Mélanie avait hoché la tête et répliqué l'air pincé et non sans orgueil : "Je ne sais pas, Ezel, pourquoi tu parles sans cesse de fil. Je n'utilise que de la soie."
" Je demeurai longtemps errant dans Césarée... "