Commentaire de Judas_Cris

Comment définir Gantz ?

Une sorte de trip entre Fantastique/Horreur et Science-Fiction Trash, le tout mélangé à de l'humour noir et cynique et une dose d'érotisme, sur un fond de combats désespéré et désespérant.

Une série qui captive dès son premier chapitre avec ce que j'adore dans le Fantastique/Horreur : le quotidien qui dérape. Un jour, comme ça, alors que tout allait bien, débarque LE truc qui fait que ça tourne plus bien. Là, le héro se fait tuer (ou du moins croit se faire tuer, on sait pas... c'est fou comme il y a peu de chose dont on soit sûr dans ce début de manga, et c'est ça qui est jouissif !) et débarque dans un appartement japonais avec une dizaine d'autres personnes, un chien et une grosse sphère noire entourant un mec à poil dans une sorte de stase, d'où sortent des combinaisons, des flingues, et... Ok, ça ne semble plus avoir de logique.

Gantz c'est typiquement le type d'ambiance qui t'attrape pour ne plus te lâcher : l'horreur et la tension sont savamment entretenus par le fait qu'on ne sache rien de ce qui se passe, ni comment cela fonctionne ni pourquoi : ça se passe, c'est tout.

Et c'est là aussi ce que je trouve génial avec ce type de Fantastique/Horreur : arriver à faire intuitivement comprendre une logique sous-jacente, sans jamais qu'on puisse vraiment mettre la main dessus ou la comprendre. Avec quelques indications, tu comprends comment ça fonctionne, tu comprends qu'est-ce qui est possible, qu'est-ce qui ne l'est pas, alors que si on devait te demander d'expliquer, tu ne saurais que répondre.

Les personnages quand à eux sont assez caricaturaux, mais ultra-réalistes. Attention, je ne veux pas dire qu'ils sont fondamentalement réalistes (non, il y a un stéréotype de grand-mère, un stéréotype de Yakuza, etc.) mais que leur réactions sont vraiment réalistes : le déni, la dérision, le conflit, etc. Gantz arrive à ne jamais être dans le sous-jeu ou dans le sur-jeux : il tape toujours juste dans les réactions de ses personnages, et ça c'est sacrément difficile.

Par exemple, on a une jeune fille à gros néné (elle est uniquement définie par ça dans le manga, désolé) qui est matérialisé dans l’appart : elle est nue, et a du sang sur les poignets. Elle s'est suicidée dans sa baignoire, et maintenant apparait ici nue et toute mouillée. Première chose qui se passe ? La grosse brute compulsive l’emmène à l’écart pour la violer. Et là ce qui est particulièrement intéressant ce sont les réactions des autres personnages : pas un ne bouge le petit doigt, essayant de se concentrer sur autre chose pour ne pas avoir à se confronter à cet horreur alors que la pauvre gamine est en train de se faire violer dans la pièce d'à-côté ! Il a fallu qu'un personnage se monte la tête, dégoulinant de sueur et stressé comme un pou, pour s'entêter à jouer les héros, pour que la scène se termine. Ce genre de traitement de situation, j'appelle ça du réalisme poussé à l’extrême, à la fin grinçant et lucide sur les phénomènes de groupe.

Reprenons. Le mystère autour de Gantz est total : on ne sait pas qui, pas comment, pas pourquoi... et pourtant on joue le jeu, par ce qu'on a pas le choix, même si on ne comprends pas. C'est dément.

Au milieu de tout ça, l'auteur fait de l'érotisme autour du personnage féminin, mais ce n'est pas du fan-service, puis-ce que c'est là son rôle dans le manga : servir de fantasme sexuel au personnage principal. Ce n'est pas forcé, et ça sert un développement psychologique (un peu dommage que sa personnalité passe au second plan par contre) alors je l'accepte bien que ce n'est pas ce que je recherche le plus dans un manga.

Un autre aspect génial de Gantz, c'est son humour grinçant, cynique et noir. Lorsqu'un personnage commence à raconter pathétiquement sa vie, le personnage principal se fait la réflexion "sérieux, mec ? On s'en fout !" et c'est tellement spontané que c'en est terriblement drôle. Après, il faut aussi précisé que je lis Gantz en Anglais, et ce genre d'humour qui joue sur les bords de l'humour noir et du cynisme sonne beaucoup plus "vrai" et plus rythmé que dans notre langue de Molière. (la traduction est meilleure aussi : la VF est traduite de l'Anglais et non du Japonais, donc certains blagues se perdent dans le tas)

Au final, Gantz c'est une atmosphère putain d’oppressante et indescriptible, des personnages basiques mais aux réactions réalistes, des combats somptueux par leur démence, un peu d'érotisme, un humour bien particulier, et toujours cette putain d'atmosphère qui s'intensifie à chaque tome. Ce putain de nœud dans les tripes qui te lâche plus...

Gantz, c'est une SF qui viole un concept Fantastique/Horreur et lui fait le plus glauque de toutes progénitures : un truc indéfinissablement bon !