Extraits

Edaline souleva la chevelure de Sophie pour lui attacher le collier autour du cou. Sophie serra son pendentif. Elle était enfin elle-même. Elle serait toujours un peu différente, mais à sa manière, elle avait enfin trouvé sa place.

- Alors... quoi ? parvient à demander Sophie lorsqu'elle eut enfin recouvré l'usage de la parole. Tu es en train dire que je suis... une alien ?

Elle retint son souffle.

Fitz éclata de rire. Malgré le rouge qui lui montait aux joues, elle se sentit profondément soulagée. Elle n'avait aucune envie d'apprendre qu'elle était en fait une extraterrestre.

- Non, répondit-il après s'être calmé. Je suis en train de dire que tu es une elfe.

Le terme flotta entre eux, comme un corps étranger qui n'aurait pas sa place dans le monde réel.

- Une elfe ? répéta-t-elle.

Des images de petits personnages en collants et aux oreilles pointues dansèrent devant ses yeux. Elle ne put retenir un gloussement.

- Tu ne me crois pas, dit-il.

- Ça t'étonne ?

- Non... pas vraiment !

Soudain, l'inconnu leva la tête et la regarda droit dans les yeux.

Elle n'avait encore jamais vu des iris de cette couleur - d'un bleu-vert pareil à celui des morceaux de verre poli qu'elle ramassant sur la plage -, si clairs qu'ils miroitaient.

Elle se tenait au bord d'une rivière aux eaux limpides, bordée d'arbres immenses qui déployaient leurs larges feuilles vert sombre parmi des nuages blancs cotonneux. Sur l'autre rive, des châteaux de cristal miroitaient dans la lumière - si brillants, que, de dépit, Walt Disney en aurait certainement réduit en miette son "Royaume enchanté". Sur la droite, un sentier doré menait jusqu'à une ville tentaculaire, dont les dômes sophistiqués semblaient faits de joyaux gros comme des briques : chaque bâtiment arborait une couleur différente. Des montagnes enneigées encerclaient cette vallée luxuriante. L'air frais et vif sentait la cannelle, le chocolat, et le soleil.

-Reviens ! cria Fitz derrière elle.

Une fois la cour traversée elle se hâta de longer une large fontaine entourée de gazon et déboula sur le trottoir. Personne ne se mit en travers de son chemin-peu osaient braver les brume épaisses qui s'insinuaient partout dans les rues. Mais elle entendait toujours les pas précipités de Fitz derrière elle: il la rattrapait.

-Attends ! lança-t-il. Tu n'as rien à craindre.

Sourde à ces explications, elle mit toute son énergie à accélérer encore. Elle résista à l'envie de jeter un coup d'œil par-dessus son épaule pour évaluer la distance qui les séparait. Elle se trouvait déjà au milieu de la rue lorsqu'un un crissement de pneus fit bondir son cœur dans sa poitrine : elle n'avait pas regardé des deux côtés avant de traverser.

-Tu as l'air perdue.

La voix profonde du garçon la tira de sa rêverie. Il abordait l'uniforme vert des Niveau 4 et était affalé sur un banc, d'où il l'observait de ses yeux bleu glacier pleins de curiosité.

Elle battit des paupières et remarqua que les murs étaient blancs.

-Comment as-tu deviné?

Il sourit d'un air suffisant.

-On est en plein milieu des cours. Soit tu es perdue, soit tu sèches, ce qui n'est clairement pas le cas.

-Et pourquoi donc? répliqua-t-elle du tac au tac, mais sans véritable raison.

-C'est le cas?

-Non, admit-elle.

Il eut un petit sourire en coin.

-Tu es la nouvelle, n'est-ce pas?

Lassée, elle confirma d'un hochement de tête.

-Moi, c'est Keefe.

-Sophie, mais je parie que tu le sais déjà.

Elle aurait voulu disparaître... Exactement le genre d'attention qu'elle s'efforçait à tout prix d'éviter ! La raison pour laquelle elle portait des couleurs ternes et restait toujours à la traîne ou au fond de la classe, dissimulée par les autres élèves, qui la dépassaient d'au moins une tête. Quel autre moyen avait-on de survivre quand, à douze ans seulement, on se retrouvait en terminale ?

Sophie n'en revenait pas. En une nuit, elle était devenue... populaire.

On dirait une brûlure à l'acide. Comment as-tu fait ton compte ?

-Euh...un léger accident en cours d'alchimie.

Keefe mima une énorme explosion, effets sonores compris.

-Elle a détruit la cape de Galvin.

Elwin lui lâcha la main, pris d'un violent fou rire.

-Si seulement j'avais pu voir ça !

-Qu'est-ce qui t'amène aujourd'hui, Keefe ? demanda Elwin.

-Je ne faisais qu'aider une de mes camarades, monsieur.

Le docteur sourit.

-Je remarque que tu as dû manquer un cours dans ce but.

-Je sais. Quel dommage, soupira-t-il avec exagération. Mais Sophie avait besoin d'aide, alors que pouvais-je faire d'autre ?

-Oh, vraiment ? J'imagine que tu as besoin d'un mot d'excuse.

-Quelle bonne idée.

Tu as toujours su saisir ta chance, dit Elwin en tendant un papier au jeune homme. Les cours finissent dans une demi-heure, alors à ta place je prendrais tout mon temps.