Extraits

Ses mains se posent sur mes joues et ses yeux au fond des miens.

– Je suis désolé, Lou, mais j’en ai besoin, souffle-t-il en se rapprochant.

– Qu’est-ce …

Il me coupe la parole en posant ses lèvres sur les miennes. Un baiser doux comme tout ce qu’il est. Comme ses doigts sur mes joues. Comme la couleur de ses yeux. Comme la manière dont il m’attire à califourchon sur ses genoux pour pouvoir intensifier notre échange.

Les yeux fermés, entouré de ses bras qu’il passe dans mon dos pour me presser fermement contre lui, je me mets à planer, à sourire en lui rendant son baiser.

Rien n’est plus euphorisant qu’un cœur qui sait pour qui il bat.

Nous échangeons un sourire et je le quitte avant qu’il ajoute quoi que ce soit.

Peut-être que j’aurais aimé plus, c’est même une certitude Mais en réalité, il me donne autre chose que je n’attendais pas. Que peut-être, même, je n’ai jamais connu.

Un petit crépitement sensuel sous ma peau. Un sourire au fond du cœur. Une angoisse douloureusement addictive à l’âme. Le désir de le revoir en tête à tête. La hantise que cela ne soit jamais le cas.

J’ai envie de pleurer et de retourner dans le ventre de ma mère pour recommencer ma vie depuis le départ ! Ce n’est pas possible autrement, il y a dû avoir une erreur, un défaut de fabrication à un moment donné. Je soupçonne même un échange à la naissance. J’ai droit à une seconde chance, merde !

– Et donc, voici la piscine, reprend-elle en ouvrant une nouvelle porte. Vous trouverez un espace Spa derrière la porte au fond, ainsi que les vestiaires.

Waouh ! Alors, franchement, je retire ce que j’ai déclaré précédemment. Une piscine. Remplie de beaux mecs. Et gays, je suppose, vu le nom de l’agence…

Si j’osais, j’irais chercher un maillot direct pour aller barboter avec les autochtones. Des muscles en veux-tu, en voilà. Peaux bronzées, mini mini maillots… J’en durcis déjà, juste devant le tableau et l’idée de plonger entre ces demi-dieux.

Mon air ahuri semble réjouir la tenancière.

– Nous vendons également des tenues de bain, si vous n’en avez pas avec vous…

Euh… Là, maintenant, tout de suite ?

– Non, euh… je pense que ce sera pour la prochaine fois, bafouillé-je ostensiblement. Elle fronce les sourcils sans comprendre.

– Je crois que je risque de tourner en rond si je plonge maintenant, tenté-je de me justifier. Ce serait fâcheux.

Nouveau froncement de sourcils.

– J’ai le gouvernail un peu trop rigide ! déclaré-je en ricanant comme un abruti. Honteux, clairement de ma blague de bac à sable.

Et arrive ce moment, quotidien, durant lequel je ne réponds plus de rien. Et où je ne réponds plus à personne non plus. Même pas à lui. Owen. THE client. Imaginez… Attention ça brûle : corps d’athlète moulé dans un tee-shirt qu’on penserait cousu sur lui. Short épousant son corps, mais pas trop. Un juste milieu entre « je montre » et « je cache ». Regard de braise vert clair. Cheveux constamment en bataille, ébouriffés par le vent, sans doute, une sexytude absolue, sans aucune espèce de doute possible. Barbe de trois jours parfaitement taillée. Des muscles en veux-tu, en voilà. Et surtout, surtout, le détail qui tue tout le monde, enfin moi, en particulier, Owen porte des mitaines… Le top du torride. J’imagine tout un tas de trucs chaque fois que je vois ses mains enveloppées de ces gants, laissant juste apparaître le bout de ses doigts…

Qu’on ne me demande pas pourquoi je scotche sur cet accessoire, mais voilà, c’est le cas, et pas qu’un peu ! Inévitablement, tous les matins, je m’imagine lui retirer ces trucs avec les dents, juché à quatre pattes sur le comptoir…

Parce que, oui, le type passe tous les matins après son petit jogging, et certainement ses tractions, d’où les mitaines, et malgré tout ça, il sent bon. Pas une goutte de sueur écœurante qui dégoulinerait d’on ne sait où. Mais un sourire impeccable, une voix qui fait bander et tout le reste aussi.

Cas désespéré. Je me souviens que le curé du village de ma tante m’avait proposé un super job à l’entretien des espaces verts au sein du monastère. Moine Jardinier. Me marier avec un mec accroché à une croix depuis des siècles, adepte sans aucun doute d’un BDSM d’un autre temps.

Archi tentant… Je garde l’idée.

Juste au cas où.

Je ne suis rien ! j’arrive à lui expliquer, la gorge nouée par cet aveu. Un étudiant qui vient de perdre tout espoir de devenir quelqu’un. Le seul trophée que je ne brandirai jamais sera sans doute celui du champion de l’année du latte noisette ! Ma vie n’est pas parsemée de luxe et de beaux mecs à mes pieds. Je ne suis pas non plus beau moi-même, et je n’ai même pas d’histoire passionnante à raconter. Je n’ai plus de parents et ma tante est une croyante pratiquante qui ne vit plus vraiment dans le même monde que nous. J’ai grandi dans la crainte que le Seigneur pète un jour une durite et décide d’anéantir l’humanité tout entière sur un coup de tête. Je ne peux rien t’offrir, rien t’apprendre et rien te promettre.

Tout aurait été parfait si, dans le lot, j’avais trouvé la cerise sur la pièce montée, j’ai nommé, un mec gay. Sur quatre colocs, l’espoir était permis, non ?

Bon voilà ! Non. Des hétéros. En couple pour la plupart, qui plus est. Des hétéros qui organisent des soirées et m’embarquent avec eux, comme chargés d’une mission divine, à savoir, prendre soin du petit Lou. Lou le timide quand il ne connaît pas les gens, Lou le mec qui rougit dès qu’on lui dit bonjour pour la première fois ou qu’on passe trop près de lui. Lou qui attire toujours la sympathie, certes, mais jamais le sexe.

- Mais ce n'est pas le sujet, reprend-elle plus sérieusement. Pour répondre à ta question, non, tu n'es pas trop vieux. Je dirais même qu'il serait temps que tu mûrisses sur certains points. Peut-être que tu l'effraies un peu ? Il me semble facilement impressionnable et tellement naïf. L'image que tu renvoies, toi, c'est celle d'un homme sûr de lui et parfait. Cet enfant doit se penser tout l'inverse de ça. Tu sais, tu en impose quand on te rencontre. Ce ne doit pas être évident pour lui.