Gengis Khan

Résumé

Ils sont légion, les auteurs qui ont tenté d'approcher la figure du « conquérant du monde » : Temujin, plus connu sous le nom de Gengis Khan. Un nom qui fit trembler des myriades de peuples et nations, depuis les prairies enneigées de Pologne jusqu'aux jungles de la Chine méridionale. Loin des récits sanglants propres au roman historique, le Norvégien Tor Aage Bringsvaerd livre ici un objet littéraire inclassable, empruntant à la chanson de geste comme au conte initiatique. L'écrivain s'affranchit de toute entrave pour narrer le parcours de « l'empereur universel » par la bouche d'un bouffon proscrit, réfugié dans le giron d'une putain hospitalière, à l'ombre de la Grande Muraille.

Il se nomme Wolfgang, et tout comme le héros dont il entend conter le prodigieux destin, il est né sous le signe du loup. A l'instar des Mongols, le grand prédateur de la steppe est son animal totémique. Là s'arrête cependant la comparaison, car Wolfgang n'a rien d'un guerrier. Sage et fou, saltimbanque et poète, il a fait le chemin inverse des cavaliers nomades - d'Ouest en Est - ballotté de son Allemagne natale aux coupoles dorées de Kiev, en passant par les gynécées de Damiette en Egypte. Après avoir rejoint la horde en Mongolie, Wolfgang tombe en disgrâce par suite de quelque obscure cabale. Traqué, le fugitif est recueilli par Tiao Ch'an, une fille de joie chinoise. Wolfgang trouve refuge auprès d'elle, et entame la rédaction d'un rouleau de soie, peignant un portrait mystique et savoureux de Gengis Khan, au cours de ses années de vaches maigres, avant l'apothéose. Ce rouleau, il le destine au gardien de la ménagerie impériale de Jérusalem, en revêtant celui-ci des atours d'un chamane d'Occident, capable de mieux embrasser le monde au contact des bêtes et de la nature primitive. Wolfgang entrecoupe ainsi son récit d'anecdotes se rapportant à son propre périple. Plus d'une fois, il interpelle directement son lointain interlocuteur, à propos de Dieu ou des termites, de l'immortalité ou des moyens de connaître l'extase du corps…

Tor Aage Bringsvaerd est l'un des auteurs majeurs de la jeune littérature scandinave. Son Gengis Khan s'inscrit dans la perspective plus large du cycle des Gobi, sa grande œuvre. À travers ce roman iconoclaste et déroutant, l'écrivain norvégien invite à un étonnant voyage, où l'espace et le temps se brouillent, s'entremêlent, où le rêve le dispute à la réalité. Bringsvaerd fait le choix d'éluder les batailles, les réduisant à quelques évocations, pour laisser la part belle aux lois et aux croyances, à cet envers du décor rarement dépeint. Il s'attache aux causes plutôt qu'aux conséquences, en essayant de comprendre les aspirations profondes d'un homme qui devait marquer l'Histoire à jamais. Ce Gengis Khan n'est pas sans rappeler le célèbre Loup bleu du Japonais Inoue. Huit siècles ont passé depuis les grandes heures de l'aventure mongole. « L'empereur universel » a rejoint Tengri, sa divinité céleste, depuis bien longtemps. Pourtant, tel était son charisme qu'il continue de fasciner, d'un bout à l'autre du monde…