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— Tu fais la manche ?
Une petite voix me tire de mon voyage familial, et il me faut largement baisser les yeux à travers les grilles pour découvrir qu'elle appartient à un petit black. Ses grandes billes noires reflètent son impatience.
— Quoi ? Non, je ne fais pas la manche, je lui réponds, soulignant ce qui me semble être une évidence en haussant les épaules. Pourquoi veux-tu que je fasse la manche ?
Le gosse attrape alors les grilles et se hisse sur le muret pour se mettre à ma hauteur. J'ai maintenant une vue parfaite sur son nez qui dégouline de morve !
— Parce que t'es dans la rue et que t'es habillée comme une clocharde, me dit-il sans l'ombre d'une quelconque courtoisie, tout en se passant la langue sur sa lèvre pleine de morve.
C'est dégoûtant !
— Et toi ? T'as vu comment t'es habillé, pouilleux ?
Super ! Bravo Charlie ! Merde quoi, il ne doit pas avoir plus de douze ans, et je suis là à jouer à celui qui pissera le plus loin ! Mais apparemment, le petit n'en est pas à son premier concours de jets et il enchaîne sans se laisser démonter.
— Moi, j'ai plus de parents. C'est quoi, toi, ton excuse pour ressembler à rien ? me jette-t-il à la figure avec une hargne presque méchante.
Mais quel petit con ! En même temps, je ne l'ai pas volé.
— Je déconne. Moi c'est Sunny, rit-il finalement en passant rapidement une main sous son nez humide, avant de me la tendre à travers les grilles.
Il doit voir mon air dégoûté face à sa main visqueuse, car il la reprend aussitôt et l'essuie à son pantalon élimé.
— Pardon, Princesse. Un homme ne devrait jamais tendre une main sale à une si belle femme.
— Je croyais que je ressemblais à une clocharde ? je lui dis exagérément outrée alors qu'intérieurement je me bidonne.
— Noooon. En vrai, t'es bonne ! T'es habillée comme une clocharde, mais t'as un visage de princesse, ma belle.
— « T'es bonne » ! Mais où t'as appris à parler comme ça ? T'as quel âge, sérieux ?
— L'âge de te faire aller au septième c...
— Sunny ? Descends de ces grilles. À qui est-ce que tu...
Oh bordel ! Le voilà.
Afficher en entierÇ est comme s 'il parvenait à toucher mon âme,non,il y parvient.Comme si cette voix était la chose qui manquait à mon coeur pour le faire battre sans douleur.Comme si ces mots avaient été écrits pour moi et répondaient aux questions et aux doutes qui m 'habitaient.
Afficher en entierMaman me dit toujours qu'elle m 'aime.Après le bain,avant d 'aller au dodo,quand je me réveille,toujours,et moi aussi, je l 'aime très fort.Je l 'aime jusqu'en haut de la montagne Treskavica!Et même plus.Jusqu'à l 'infini....
Ma maman,elle est belle.
Afficher en entierCe n'est pas le traumatisme en lui-même qui est positif bien sûr, mais ce qui le devient, c'est ce que celui qui l'a subi peut en faire. C'est ce vers quoi la dernière étape du deuil, quel qu’il soit, amène. L'acceptation conduit à de nouveaux attachements et à la recherche de signification. À savoir, l'épreuve finit par trouver un sens et la vie s'investit autour de ce « gain ». Pour conduire les enfants à faire ce travail, nous tentons de leur redonner une confiance en eux. Ils ont ce sentiment bien ancré qu'ils ne sont bons en rien et qu'ils ne méritent rien de bon. Leur histoire de vie les renvoie à ce qu'il y a de plus dépréciatif, et à un sentiment de culpabilité primaire. Alors nous essayons de leur prouver que chacun d'eux est une pépite, capable de faire de belles choses. Et mieux encore, nous voulons leur montrer que c'est leur diversité qui font d'eux des joyaux uniques.
Afficher en entierLorsque la vie ne va pas dans le sens que vous aviez espéré ou envisagé, deux réactions s'offrent à vous. Broyer du noir et ruminer, ce qui ne tardera pas à vous emmener plus loin encore dans les méandres de la déprime, ou faire une pause au milieu de la tempête et chercher un début d'éclaircie au travers des nuages opaques.
De grands malins disent qu'à tout problème existe sa solution, que pour chaque serrure correspond une clé, et je crois que le pire reste pour moi le proverbe qui dit qu'après la pluie vient le beau temps.
Afficher en entier« Ce que tu as vécu est inhumain ». Peut-être bien, oui. Peut-être que d'avoir eu à frapper d'autres gosses pour leur piquer un bout de pain qu'eux-mêmes avaient volé, ou un bidon d'eau potable, a fait de moi un animal, parce qu'au final, je n'y ai pas attaché de sentiment de culpabilité. Et aujourd'hui, on me demande de me repentir parce que j'ai voulu vivre !
(...)
...Un nid crasseux et puant, où s'entassaient des gamins, filles et garçons, livrés à eux-mêmes. Nous n'avions pour occupation que le vol et la mendicité. Le seul loisir qui nous permettait de nous échapper était la colle. Un tube dans une poche à sniffer et c'était l'envolée spirituelle vers d'autres contrées...
En dehors de cet échappatoire, pas d'états d'âme, pas de pleurnicheries incessantes. Nous étions en vie et c'était tout ce qui comptait. Quand on est gamin, il n'y a pas de visions ou de projections vers l'avenir, de plans sur la comète, qui se bousculent dans notre tête. On prend la vie comme elle vient, jusqu'à ce que des « sauveurs » viennent vous polluer la cervelle.
Afficher en entier« Le silence qui entoure le drame est plus traumatisant que l'événement » paraît-il. Pourtant, j'aurais préféré rester sourd à ce qui ne cesse de faire écho maintenant.
« Bienheureux sont les pauvres d'esprit » a dit Saint Matthieu dans l'évangile. Finalement, peut-être que j'étais heureux, en étant dans l'ignorance et dans l'humilité de ce que j'avais vécu. Ma notion du Mal était on ne peut plus basique et enfantine, mais au moins elle me permettait de ne pas souffrir. Aujourd'hui, on me fait mettre des mots sur mes ressentis, des pensées obscures et pleines de culpabilité sur mes actions, et utiliser des termes comme « traumatisme », en faisant de ma mémoire une maladie.
On ne me laisse pas le choix. Je dois faire de la « survivance » sur ce que j'ai vécu, et mettre en pratique une thérapie qui m'est étrangère, à moi et à la communauté qui était la mienne.
En voulant me sauver, ils ont fait de moi une victime. Je sais bien que je l'étais déjà, une victime de la guerre. Par sa faute, j'étais orphelin et j'avais assisté à toutes formes de barbarie. Mais dès lors, je suis une victime des angoisses que mes sauveurs m'ont créées. Je me sens comme ces peuples des terres arides, appelés « sauvages » par les intellectuels occidentaux, et qui ne savaient même pas qu'ils l'étaient !
Le voile que mes sauveurs ont levé est plus violent que ce que je croyais avoir perçu de mon histoire. La connaissance est douloureuse et donne à mon vécu une tragédie que j'aurais préféré ne pas voir.
« Ce que tu as vécu est inhumain », insistent-ils. Sauf que pour moi, cela ne veut rien dire. Est-ce que justement ce ne sont pas les humains qui font la guerre ? En toute logique, en quoi est-ce donc si inhumain, hein ?
Voilà sur quoi on m'a ouvert les yeux. Sur la perversion de l'homme. Le Mal dans toute sa splendeur. Et je suis l'un d'entre eux. Un homme. Un être humain.
Afficher en entier...« syndrome de stress post traumatique » (...) est une chose universelle ou n'est que le reflet de ce besoin qu'ont les occidentaux de ressasser et de se créer des maladies mentales supplémentaires. (...) ce sont les sociétés qui créent leurs fous.
Afficher en entierJe ferme les yeux un temps, priant pour qu'en les ouvrant, je n'aperçoive pas un petit ange tout nu assis sur la branche d'un arbre de la cour, un arc à la main, tout fier d'avoir planté comme il se doit sa putain de flèche dans mon cœur.
Afficher en entier- Charlie, je suis désolé. Je...
- Désolé ? lui ris-je en pleine figure. Désolé pour quoi ? Parce qu'un moment vous me regardez comme si j'étais la plus belle chose que Dieu ait pu créer sur cette Terre et que le moment d'après vous me repoussez comme si j'étais la pire des immondices de cette planète ? Désolée parce qu'affronter mon regard et, comment avez-vous dit déjà ? Ah oui, affronter ma vie et ma légèreté, ça, ça vous est facile et même agréable ? Mais que j'ose vous toucher... Ha Ha ! Alors là, c'en est trop pour vous ! Parce que quoi ? Parce que je ne suis que la traînée qui travaille dans un bar et qui se laisse tripoter pour quelques pourboires, et qui se laisse pourrir la vie par le fameux Tony Vasco ? Hein ? C'est pour ça ? Ou c'est parce que je n'ai pas la moindre culture et n'ai pas fait le huitième d'études dont se vante Monsieur ?
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