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Extrait

Extrait ajouté par Feyre 2017-04-28T16:26:34+02:00

Prologue

— Bouge pas d’ici, River, compris ?

J’allumai la climatisation du camion en acquiesçant et signai :

— « Compris. »

Mon père claqua la portière coulissante côté passager et s’éloigna avec le prospect dans les bois. À eux deux, ils transportaient le sac mortuaire contenant un des quatre macchabées mexicains.

J’attendis qu’ils aient disparu de ma vue pour bondir hors du camion. L’herbe sèche crissa sous mes pieds lorsque j’atterris au sol.

Je renversai la tête en arrière et inspirai profondément. J’adorais être dehors, à l’arrière de la moto de mon père, et surtout loin de tous ces gens qui voulaient que je parle.

En me dirigeant vers le plateau du camion, je cassai une mince branche de cèdre et me mis à fouetter les roseaux alentour, simplement pour m’occuper. Envoyer des macchabées au passeur pouvait prendre des heures (il fallait creuser, verser la chaux, recouvrir la fosse), je me dirigeai donc vers les arbres, avec l’idée de chercher des serpents dans les herbes hautes.

Je ne sais pas combien de temps je marchai, mais soudain en levant les yeux je vis que je me trouvais en pleine forêt. Tout était calme et j’étais totalement perdu.

Merde. Les ordres de mon paternel étaient on ne peut plus clairs. « Bouge pas d’ici, River, compris ? » Bordel, il allait me tuer s’il devait venir me chercher. Les règles pour se débarrasser des macchabées étaient simples : creuser, benner, se tirer.

En regardant autour de moi, je repérai un endroit où le sol s’élevait, et je me dirigeai dans cette direction pour avoir un meilleur point de vue. Je tenais à retrouver mon chemin jusqu’au camion avant que mon père revienne et se mette en rogne.

Je m’accrochai au tronc des arbres pour gravir la forte pente. En arrivant au sommet, je frottai la boue séchée et les débris d’écorce qui avaient sali mon jean. Quand il fut à peu près propre, je levai la tête, et ce que je découvris me fit froncer les sourcils. À environ trois cents mètres s’élevait une clôture monstrueuse. J’étais estomaqué : elle était plus haute et plus longue que toutes les clôtures que j’avais vues jusque-là. Avec ses boucles de barbelés enroulées au sommet, elle me faisait penser à une prison. Aucun signe de vie autour de moi. Et au-delà de la clôture, on ne voyait que de la forêt. Je me demandai de quoi il s’agissait. Nous étions au beau milieu de nulle part, à des kilomètres de la périphérie d’Austin, au Texas. À des kilomètres de tout. Les gens ne s’aventurent pas si loin de la ville… et ils ont raison. Mon paternel dit que le coin est plutôt malfamé, c’est le milieu naturel de la mort, des disparitions, de la violence et d’autres malheurs inexpliqués. Ça fait des années que c’est comme ça. Et c’est pour ça qu’il l’a choisi comme décharge.

Ayant complètement oublié mon intention de retrouver mon chemin, je m’avançai à travers les hautes herbes en direction de la clôture, habité d’une excitation étrange : j’adorais aller à la rencontre de l’inconnu. Mais je sursautai soudain quand un détail de l’autre côté de la clôture attira mon attention.

Il y avait quelqu’un.

Je m’immobilisai et me concentrai sur la mince silhouette : c’était une fille pas très grande vêtue d’une longue robe grise, les cheveux bizarrement tirés vers l’arrière de la tête.

Elle semblait avoir à peu près mon âge. Peut-être un peu moins.

Le cœur battant, je m’avançai à pas prudents. Elle était recroquevillée entre les racines d’un grand arbre et son corps frêle semblait noyé dans le tissu sombre de sa robe. Ses épaules tressautaient au rythme de ses pleurs et tout son corps était secoué par des sanglots silencieux.

Je me mis à genoux et passai les doigts à travers le grillage. Je l’observai. J’aurais voulu lui dire quelque chose, mais je ne parlais qu’à Kyler et à mon paternel – c’était comme ça, je n’y pouvais rien. Et même à eux, je ne disais pas grand-chose.

Fermant les yeux, je me concentrai pour essayer de desserrer ma gorge, luttant pour libérer ma parole qui ne voulait jamais sortir. Bataille éternellement recommencée, et que je remportais rarement.

J’ouvris la bouche en m’efforçant de détendre les muscles de mon visage. C’est alors que la fille s’immobilisa, le regard braqué sur moi. Je reculai précipitamment et mes doigts glissèrent hors de la clôture. Ses immenses yeux bleus étaient ourlés de marques rouges. Elle leva une main minuscule pour essuyer ses joues mouillées. Sa lèvre inférieure tremblait et sa poitrine se soulevait rapidement.

De là où je me tenais maintenant, je pouvais voir qu’elle avait des cheveux noir de jais et un teint très pâle. Je n’avais jamais vu une fille comme elle. Bon, c’est vrai que je ne connaissais pas beaucoup d’enfants de mon âge – nous n’étions pas nombreux au club. Il y avait Kyler, bien sûr, mais c’était mon meilleur ami, mon frère du club.

Tout à coup, la fille se mit à paniquer, elle blêmit, se leva et tourna la tête en direction de la forêt. Son mouvement me fit revenir contre la clôture et le métal grinça à mon contact. Elle s’immobilisa et m’observa en agrippant une branche.

— « Qui es-tu ? » signai-je très vite.

Elle déglutit, visiblement nerveuse, et inclina la tête. Prudemment, elle s’avança en silence. La curiosité se lisait sur son visage. Elle regardait mes mains qui signaient en fronçant ses sourcils noirs.

Plus elle approchait, plus mon souffle se faisait court et une troublante chaleur gagnait tout mon corps. Ses cheveux étaient ramassés en un chignon serré à l’arrière de la tête, et couverts d’un étrange tissu blanc. Jamais je n’avais vu quelqu’un accoutré de la sorte. Elle avait une allure vraiment étrange.

Lorsqu’elle s’arrêta à environ deux mètres de moi, je pris une inspiration rapide, les muscles du ventre contractés, et signai de nouveau :

— « Qui es-tu ? »

Sans répondre, elle me regarda d’un air vide. Et merde ! Elle ne comprenait pas la langue des signes. Comme beaucoup de monde. J’entendais parfaitement bien, mais j’étais incapable de parler. Kyler et P’pa étaient les seules personnes qui pouvaient me servir d’interprètes, mais là, j’étais tout seul.

Je pris une grande inspiration, déglutis et tentai de détendre mon larynx. Les yeux fermés, je préparai mentalement ce que je voulais dire, puis, sur une lente expiration contrôlée, fis de mon mieux pour parler.

— Q-q-qui es-es-t-t-tu ?

Les yeux écarquillés, je retombai sur mes fesses, sous le choc : je n’avais encore jamais pu faire ça, parler à une inconnue ! Mes mains en tremblaient d’excitation. Je pouvais parler à cette fille ! Je pouvais lui parler… C’était la troisième personne avec qui c’était possible.

Gagnée par la curiosité, la fille s’approcha encore plus près. Elle n’était qu’à quelques pas, et elle s’accroupit lentement sur le sol, la tête sur le côté, m’observant avec une expression étrange.

Ses grands yeux bleus ne me quittaient plus. Elle m’examina lentement des pieds à la tête, plusieurs fois. Je me représentai ce qu’elle devait voir : mes cheveux sombres et ébouriffés, mon tee-shirt et mon jean noirs, mes lourdes bottes noires, et les manchettes en cuir à mes poignets arborant l’écusson des Hangmen.

Lorsqu’elle croisa à nouveau mon regard, il me sembla que ses lèvres dessinaient une sorte de léger sourire. Du doigt, je lui fis signe de venir plus près. Aussitôt elle se mit à jeter des coups d’œil inquiets autour d’elle. Constatant que nous étions seuls, elle se leva lentement et approcha tout doucement. Le bas de sa longue robe traînait sur le sol boueux.

Maintenant qu’elle était devant moi, j’étais frappé par sa petite stature. Moi j’étais grand, et elle devait pencher la tête en arrière pour me regarder. Je me plaquai contre la clôture, l’estomac noué. Elle semblait épuisée et plissait un peu le coin des yeux, comme si elle avait mal.

Voyant qu’elle n’était pas bien, je désignai le sol, suggérant de nous asseoir. Elle hocha la tête en baissant les yeux et se mit péniblement à genoux.

Elle n’émettait pas le moindre son. Espérant qu’un nouveau miracle se produirait, j’inspirai profondément puis expirai lentement.

— Qu-qu-quel est c-c-cet end-end-endroit ? T-t-tu v-v-vis i-i-ici ? bégayai-je, en faisant quelques pauses pour réfléchir aux mots que j’avais tant de mal à prononcer.

Je fus saisi d’une vague d’excitation : de nouveau, j’avais parlé !

Elle était concentrée sur ma bouche, mais ne disait toujours rien. Ses sourcils noirs étaient froncés et ses lèvres roses dessinaient une moue attentive. Je me doutais qu’elle se demandait pourquoi je parlais bizarrement, comme tout le monde. Elle se demandait pourquoi je bégayais. Je n’en savais rien. Ça avait toujours été comme ça. J’avais renoncé à régler le problème depuis des années. Maintenant je parlais avec les mains. Je n’aimais pas qu’on se foute de moi à cause du bégaiement. Mais elle ne riait pas, pas du tout. Elle paraissait simplement déroutée.

En baissant le regard, gêné, je remarquai que ses doigts étaient tout proches de la clôture, à quelques centimètres des miens. Sans réfléchir, je tendis la main et frôlai ses phalanges. Je voulais juste la toucher, pour m’assurer qu’elle était réelle. Sa peau avait l’air si douce…

Avec une exclamation étouffée, elle retira la main comme si elle s’était brûlée et replia le bras contre sa poitrine.

— J-je n-n-ne te f-ferai au-aucun m-m-mal, m’empressai-je de coasser, alarmé par la terreur que je lisais sur son visage.

Son visage en forme de cœur. Je ne voulais pas qu’elle ait peur de moi. Mon père m’avait dit que les gens devaient avoir peur de moi, se méfier de moi, pour ma propre sécurité. Dans mon univers, je savais que la langue des signes était considérée comme une faiblesse, et c’est pour ça qu’il m’avait conseillé de m’endurcir et d’utiliser mes poings à la place des mots. Maintenant on me considérait simplement comme dangereux. Comme disait Kyler, j’étais né pour inspirer la crainte : j’étais le Muet des Hangmen.

Mais en cet instant, j’aurais volontiers abandonné ma réputation pour savoir parler normalement. Je ne voulais pas qu’elle ait peur de moi. Pas la fille aux yeux bleus.

J’étais dans un état second, hypnotisé par ses yeux de loup. On aurait dit un fantôme – non, une déesse ! Comme sur les peintures murales du QG. Comme Perséphone, la femme de Hadès, le dieu des Enfers que les Hangmen portaient sur leur écusson.

D’un geste vif, la fille approcha sa main tremblante de la clôture. Elle me fixait intensément, de ses yeux aux blancs brillants et aux iris pailletés bleu glacier.

Je me tenais bien immobile. La fille était comme un lapin paniqué et je ne voulais pas l’effaroucher. Je n’avais jamais vu quelqu’un comme elle. J’avais les mains moites et le cœur battant.

Elle promena un doigt nerveux le long de ma main et une teinte rose apparut sur ses joues. J’avais du mal à respirer et les battements désordonnés de mon cœur m’empêchaient de me concentrer.

Je pliai l’index, retenant délicatement son doigt, et appuyai le front contre les mailles en fer glacé.

La fille crispa un peu ses lèvres légèrement écartées et remua le bout de son nez. Je m’arrêtai simplement de respirer. Elle était belle.

— V-viens p-p-plus p-p-près, murmurai-je, presque suppliant.

Son nez bougea de nouveau et je souris.

— T-tu es t-tellement b-belle, laissai-je échapper, avant de me mordre la lèvre inférieure.

Je serrai les poings, de plus en plus agacé par mon défaut d’élocution. Elle secoua la tête. Je réalisai alors qu’elle me comprenait. J’avais tellement envie qu’elle me parle à son tour !

— Pou-pourquoi es-t-tu ici t-t-toute s-seule ?

Elle se mit à trembler et écarquilla les yeux, si bien que le blanc donnait l’impression de vouloir engloutir ses iris bleus. Elle semblait si déroutée. Je me demandais ce qui avait bien pu la rendre ainsi. Je voulais qu’elle se sente mieux, que son expression passe de la tristesse à la joie. Je ne savais comment faire.

Soudain je songeai aux autres Hangmen et à la façon dont ils s’occupaient des meufs du club. Avant de comprendre ce qui se passait, je me penchai et appuyai mes lèvres contre sa bouche, à travers les maillons exigus de la clôture.

Ses lèvres étaient si douces.

Je ne savais pas comment faire, alors, sans bouger, je laissai mes lèvres collées aux siennes. J’entrouvris les yeux : ses paupières demeuraient fermées. J’abaissai aussitôt mes paupières en souhaitant que ce moment se prolonge indéfiniment.

Je levai la main pour lui caresser le visage, mais elle recula en prenant une brusque inspiration. Elle se mit à se frotter la bouche avec les mains, et des ruisseaux de larmes cascadèrent sur ses joues.

Pétrifié par la peur, je bégayai :

— J-j-j-je s-s-s-suis d-d-dé-dé-s-s…

J’abandonnai et posai ma main sur la clôture, maudissant Dieu de ne pas pouvoir parler normalement. Puis je pris une grande inspiration, fermai les yeux et retentai ma chance.

— J-je s-s-suis d-dé-solé. Dé-désolé. J-je n-ne v-v-voulais p-pas te faire p-p-peur, parvins-je enfin à dire.

Elle retourna se blottir contre l’arbre. Elle flottait dans son ample robe grise. Elle joignit les mains et se mit à articuler quelque chose à voix basse. On aurait dit une prière. Je tendis l’oreille tandis qu’elle se balançait d’avant en arrière, toujours en pleurs.

— « Pardonnez-moi Seigneur, car j’ai péché. Faites de moi ce que bon vous semble. Pardonnez-moi, Seigneur, car j’ai péché. J’ai été faible et je dois expier. »

— P-p-parle-m-m-moi. Ç-ç-ça va ?

Je haussai la voix et agitai la clôture, cherchant un moyen de la rejoindre. Sans savoir pourquoi, je ressentais le besoin de la prendre dans mes bras. Je savais que je devais faire en sorte qu’elle se sente mieux. Elle était si triste, si effrayée… Ça me révoltait.

La fille s’immobilisa et se tut pour me regarder de nouveau.

— River ! Mais où t’es passé, bon sang ? !

La voix rauque de mon père qui m’appelait à travers la forêt me tira de cette transe.

Je me pris la tête entre les mains. Non ! Pas maintenant !

Collé contre la clôture, je lui demandai sans la quitter des yeux :

— D-d-donne-moi t-ton n-n-nom.

J’étais désespéré. En jetant un coup d’œil par-dessus mon épaule, je vis mon père avancer à grands pas à la lisière de la forêt, à ma recherche.

— S-Steu-p-plaît… ton n-n-nom…

La fille se balança de plus belle, ses lèvres pâles récitant une prière.

— River ! Je te donne cinq secondes pour te ramener ! Me fais pas répéter !

— Un n-nom Je t-t’en su-supplie !

Elle s’immobilisa, leva les yeux vers moi – non, elle regardait à travers moi. Ses yeux bleus étaient étrangement dilatés. Elle murmura :

— Mon nom est péché. Nous portons toutes le sceau du péché.

Elle s’étrangla sur la fin de sa phrase, émettant un couinement apeuré en entendant mon père beugler au pied de la colline. Elle se jeta dans un gros buisson et s’éloigna à quatre pattes, laissant échapper un cri qui semblait être de douleur.

— Non ! Ne t’en va pas ! criai-je dans son dos.

Mais trop tard, elle était partie. Je m’éloignai de la clôture avec l’image de sa robe grise disparaissant dans les profondeurs de la forêt. La sensation écrasante de vide qui s’empara alors de moi manqua de me faire tomber, les jambes coupées. Puis j’écarquillai les yeux en me touchant les lèvres : pour la première fois de ma vie, j’avais réussi à prononcer une phrase distinctement et sans bégayer.

— River !!!

Je pris mes jambes à mon cou pour dévaler la colline.

— RIVER !!

Je traversai les herbes hautes en levant les genoux, courant vers ma vie, mon père, notre club de bikers, sans savoir si un jour il me serait donné de revoir Péché…

La fille aux yeux de loup.

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