Extraits

Tandis qu’il filait vers la mer au ras des galets, Krokmou croisa la trajectoire de Kramedur qui rejoignait son maître, tenant fermement un vingtième poisson dans la gueule.

- Pauvre snob ! lui lança la petit dragon.

Le Cauchemar Monstrueux s’immobilisa en plein vol et plissa les yeux.

- Qu'est-ce que tu viens de dire ? siffla-t-il.

- Oh non, pleurnicha Harold. Non, Krokmou, ne fais pas ça…

- J’ai dit : PAUVRE SNOB ! Alors comme ça, c’est tout ce dont tu es capable ? C’est absolument pathétique. Sans espoir. Minable. Vous, les Cauchemars Monstrueux, vous pensez que vous êtes terrifiants mais vous êtes aussi inoffensifs qu’une colonie de moules à marée basse.

- Tu vas REGRETTER tes paroles, RIDICULE Dragon de Jardin.

- Ah oui ? Et comment vas-tu t’y prendre ? La vie doit être très difficile lorsqu’on possède le quotient intellectuel d’une huître et le cerveau d’une algue, espèce de sale SNOB bouffeur de bulots !

- Raconte-moi une blague, VITE.

- Qu’est-ce qui est noir, blanc et rouge ?

- Je ne sais pas.

- Un pingouin qui a attrapé un coup de soleil.

C’était une très vieille blague qui ne faisait plus rire grand monde. Mais, à l’évidence, elle était encore inconnue des habitants de la falaise des Dragons Sauvages. Krokmou la trouva tout simplement irrésistible. Après s’être tortillé de rire pendant de longues minutes, il s’envola de nouveau, bien décidé à attraper des tonnes de poissons et à apprendre des milliers de blagues aussi poilantes que celles du pingouin.

«  - Comment t’expliquer ? Je vais faire simple, car je sais par expérience que les esprits humains sont extrêmement limités. En fait, tu vois, nous sommes tous des repas. Des repas qui marchent, des repas qui parlent, des repas qui respirent. Voilà ce que nous sommes. Regarde, toi, par exemple, JE vais bientôt TE dévorer, ce qui fait de toi un repas. Tu comprends ? Même moi, qui suis pourtant un grand carnivore meurtrier, je serai dévoré par les vers, un jour. Tôt ou tard, nous disparaîtrons tous entre les terribles mâchoires du Temps. »

Le cri de guerre viking était un hurlement destiné à glacer le sang dans les veines de l'ennemi avant la bataille. Pour le pousser correctement, il fallait, dans l'ordre : imiter le croassement sinistre d'un Cauchemar Monstrueux, puis le hurlement de terreur de sa proie, puis le gargouillement d'agonie de sa victime se noyant dans son propre sang. Généralement, cela produisait un son effrayant, mais là, lancé par quatre cent barbares à huit heures du matin, c'était à faire perdre ses moyens au tout-puissant Thor en personne.

Tronch afficha un petit sourire satisfait.

- Je l'ai volé à la bibliothèque municipale de l'île de Tronchkek, précisa-t-il avec fausse modestie en observant d'un air distrait ses ongles noirs. Juste sous le nez de Hubert, le Bibliothécaire sadique et pervers, qui n'a rien remarqué du tout. Du vol de professionnel, les enfants. PRENEZ-EN DE LA GRAINE.

- SILENCE! grogna Tronch le Burp. Le prochain qui ouvre la bouche, je le mets au régime bulots pendant TROIS SEMAINES.

Les garçons observèrent aussitôt le silence. Ils détestaient ces coquillages qui ressemblaient à la fois à des vers de terre et à des crottes de nez, mais avec beaucoup moins de goût.