Cher roi Vatenguerre,

J’ai transmis votre requête à la Bonne Fée, qui vous adresse toute sa sympathie face au problème de votre barrage. Elle, le Conseil des fées et moi-même acceptons de vous aider. Nous nous rendrons à Fort Aulongcours à midi le Jour du barrage pour réparer les dégâts.

Veuillez nous informer de tout changement, empêchement, ou toute information complémentaire avant notre visite. Nous vous remercions et vous souhaitons une journée magique.



Cordialement,

Emerelda Roche,
Responsable de la correspondance de la Bonne Fée
P-S : Nous nous excusons de vous rejoindre le jour de votre fête nationale. Le Conseil des fées est actuellement surchargé de requêtes.

Le roi Vatenguerre jubila face à cette bonne nouvelle, qu’il considéra comme une victoire personnelle. Il décida de faire de la visite du Conseil des fées un grand événement et ordonna à son personnel d’annoncer le rendez-vous à venir. On tendit des bannières trempées, on hissa des drapeaux imbibés à travers la capitale humide. Des gradins furent installés au pied du barrage de l’Ouest et une estrade fut construite pour que le roi puisse plus tard offrir au conseil un cadeau en guise remerciement.

La Confrérie escalada des collines vertes, piétina des champs boueux, et traversa des ruisseaux jusqu’à des terres inconnues. Ses membres n’étaient jamais allés à leur destination, ils ne l’avaient jamais vue de leurs propres yeux, pourtant l’itinéraire était si bien gravé en eux qu’ils connaissaient chaque arbre, chaque rocher aussi intimement qu’un souvenir.

Certains parcoururent d’une traite de plus longues distances que les autres, certains marchèrent vite, d’autres, plus lentement, et à deux heures du matin, le premier des trois cent trente-trois voyageurs arriva.

Le lieu correspondait exactement à leurs attentes.

À la pointe extrême du royaume du Sud, au pied d’une montagne rocheuse qui longeait la mer, se dressaient les anciennes ruines d’une forteresse depuis longtemps oubliée. De loin, l’édifice évoquait la carcasse d’une créature immense qui se serait échouée. Ses murs de pierre délabrés étaient terriblement fissurés et effrités. Cinq tours en ruine pointaient vers le ciel tels les doigts d’une main de squelette, et des pierres acérées pendaient au-dessus du pont-levis comme les dents d’une gueule énorme.

Nulle âme n’avait habité la forteresse depuis plus de six cents ans ; même les mouettes l’évitaient lorsqu’elles planaient dans la brise nocturne. Mais en dépit de son apparence dérangeante, la forteresse était un lieu sacré aux yeux de la Juste Confrérie. C’était là qu’était né le clan, c’était le temple de ses croyances, et il lui avait servi de quartier général à l’époque où elle imposait la Juste Philosophie sur tout le royaume.