Ajouter un extrait
Liste des extraits
Jenkins posa sa tasse vide sur le rebord de l'évier. Non loin, trônant comme une présence silencieuse, le vieux poste de télévision de la cuisine était éteint. Kyle le scrutait avec fixité. Il se figurait son écran sombre comme un oeil noir, affreux, qui paraissait vaguement l'observer depuis les plus profondes ténèbres tapies dans le néant. Sa propre silhouette et toutes les choses qui se reflétaient, lui conféraient de surcroît un éclat lugubre. Le mutisme lourd, presque obséquieux, qui émanait de cet appareil sinistre lui sussurait inlassablement ce même appel tentateur à le mettre en marche. A peine un instant, simplement pour voir. Juste pour te rendre compte de la situation. Après, tu m'éteindras de nouveau...
Afficher en entier– Alors je suppose que nous serions tous condamnés… Si vous dites vrai, si son choix est de tous nous anéantir, nous ne pourrons pas nous y opposer… De toute manière, acheva-t-il, comme nous l’a très justement fait remarquer ce bon révérend Graham, ce choix de la Louisiane, de toute cette expédition, en vaut bien un autre, et en ce qui me concerne, je préfère encore ça au fait de me terrer chez moi comme un rat, volets clos, à attendre d’être gobé comme un œuf !...
Afficher en entier"Kyle Jenkins noyait son regard dans l’interminable ascension d’un soleil livide qui culminait au zénith. Assis sur le banc, seul, en silence, sans un murmure, il avait pleuré la disparition de son enfant, longuement, intensément, comme une gigantesque plaie amère et glacée qui s’ouvrait en lui, le lacérait, le déchiquetait, le brûlait au fer rouge, l’inondait d’une vague insoutenable de douleur qui le transperçait dans toute sa chair mutilée, dans toute son âme meurtrie. Il avait pleuré, puis séché ses larmes. Et encore pleuré, sans même sans rendre compte. C’était comme si tout son être se vrillait, vacillait, se fêlait et se disloquait à la seule pensée de son fils disparu là. C’était inconcevable, ça ne pouvait pas être vrai ! Ca ne pouvait pas s’être produit ! Et ce mal indicible qui le fustigeait en cet instant, jamais il n’aurait imaginé autant souffrir, jamais il n’aurait pu se figurer quelle terrible affliction, quel déchirement sans nom était la perte d’un enfant. Ses larmes devenaient acides, il murmurait pour lui-même des mots de sa voix cassée, comme pour se convaincre lui-même...
Kyle, prostré sur le vieux banc sous le pommier, les bras croisés sur ses genoux, jeta sa tête en arrière, et se mit tout à coup à hurler démesurément sa rage et sa peine, sa douleur et son impuissance à empêcher cette hérésie ! Il hurla jusqu’à ce que son cri lui lacère la poitrine, il hurla jusqu’à sentir un goût métallique lui monter dans la gorge et emplir sa bouche. Et même lorsque ce goût de sang eut imprégné sa bouche, il hurla encore jusqu’à ce que ses poumons crient grâce. Enfin, son cri effroyable s’éteignit peu à peu, et il laissa retomber sa tête en avant, le souffle coupé, et pleura une nouvelle fois.
Et il resta ainsi de longues, très longues heures encore, immobile, silencieux, comme une âme morte égarée parmi les ombres…"
Afficher en entier