Extraits

Avec les garçons, il suffisait de dire « trucs de nanas » pour qu’ils ne posent aucune question.

Chapitre 22 :

- Qu'es-ce que tu as dit ? Que tu m'aimais ?

Il a rougi.

- Ce n'est pas vraiment le moment. D'autant qu'il faut que nous redevenions amis,comme avant.

Mon cœur allait exploser dans ma poitrine.

- Kyle ?

- Oui ?

- La ferme.

Et je l'ai embrassé.

Kyle m’a entraînée jusqu’à mon lit. Il a passé son bras sous ma taille et enlacé ses doigts aux miens. J’ai fermé les yeux. Et les ténèbres dans lesquelles j’ai sombré sont restées tranquilles.

— Kyle ? ai-je murmuré.

— Oui ?

— Je t’aime.

— Moi aussi.

Kyle a bondi sur lui et l’a plaqué contre le mur. La flasque a roulé sur le sol en se vidant de son contenu. Les muscles de Kyle tremblaient, tellement il faisait d’efforts pour se contenir.

— Tu ne lui parles pas comme ça ! Pas après tout ce que tu lui as fait subir !

— Arrête, Kyle !

En posant la main sur le bras de Kyle, j’ai senti qu’il transpirait comme… une bête. Une peur réflexe m’a ordonné de reculer sur-le-champ.

— Ce que je lui ai fait subir ? Attends un peu, ce n’est pas ton espèce d’ex hystérique qui l’a attaquée hier ?

— Tais-toi, Jason ! Kyle, je t’en supplie, laisse-le aller !

— Tu savais pour Heather ? a demandé Jason. Parce que si tu le savais et que tu n’as rien dit, alors c’est ta faute si Mac s’est fait agresser.

Kyle a relâché d’un coup son étreinte, si bien que Jason est tombé par terre.

— J’ai essayé de la protéger, moi, mais toi, est-ce que tu t’es demandé comment elle avait eu ses blessures au front et au poignet ?

— Kyle !

S’il disait la vérité à Jason, Derby ne nous lâcherait plus. Jason s’est péniblement relevé.

— De quoi tu parles ?

Je n’ai pas laissé à Kyle le temps de lui répondre.

— Attendez un peu, vous deux ! Vous ne vous dites jamais que la petite Mac n’a pas besoin qu’on la protège ? Qu’elle pense que vous êtes deux gros machos ? Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, elle est capable de se débrouiller toute seule !

— Pourquoi tu parles de toi à la troisième personne ? a demandé Kyle.

— Je ne sais pas… Pour donner plus de poids à ce que je vous dis ! Et pour que vous ne vous battiez pas comme deux abrutis !

— Pourquoi ? Tu aurais pu nous filmer et mettre la vidéo sur YouTube.

Kyle a esquissé un sourire.

Kyle a serré le poing comme s’il voulait frapper.

— Kyle…

— Laisse tomber, c’est pas grave.

— Kyle, pourquoi tu m’évites ?

— Pour t’éviter d’être seule avec un loup-garou.

— Je n’ai pas peur de toi.

Il avait l’air si malheureux que je me suis approchée de lui.

— Kyle ?

— Quoi ?

— Je ne veux pas que tu m’évites.

Et là, je l’ai serré dans mes bras. Je l’ai senti se raidir mais je l’ai serré encore plus fort. Je retrouvais son odeur, celle de la lessive que sa mère utilisait, et le goût de cannelle de ses chewing-gums préférés. Ainsi qu’une senteur nouvelle, plus boisée.

Kyle a fini par poser son menton sur mes cheveux.

— Ça m’a tellement manqué, ai-je murmuré contre sa chemise.

On s’était interdit de se prendre dans les bras l’un de l’autre quand il s’était mis à sortir avec Heather, et cette interdiction avait perduré même après leur rupture.

Il a déposé sur ma tête un baiser qui a diffusé sa chaleur jusque dans mon ventre.

— Pourquoi tu m’embrasses comme ça ?

— Pour ne pas aller plus loin, a-t-il répondu sèchement.

J’ai serré les dents en découvrant les cinq estafilades qui couraient depuis le haut de son dos jusqu’à sa taille. Sans réfléchir, j’ai touché l’une des cicatrices et mes doigts se sont mis à la caresser comme ceux de Jason avaient caressé ma tempe.

— Ça fait mal ? ai-je demandé d’une voix étranglée par la colère que j’avais contre Heather Yoshida.

— Au début, mais plus maintenant.

J’avais envie de pleurer. Personne ne l’avait protégé, même pas moi. Je me suis essuyé les yeux. De nous deux, c’était lui qui avait souffert.

— Elle l’a fait exprès ?

— Je ne sais pas, a-t-il répondu en laissant retomber sa chemise. Pourquoi tu pleures ?

J’ai baissé le regard en serrant les poings. Il s’est approché de moi jusqu’à emprisonner mes jambes entre les siennes.

— Mac ?

Il a saisi mon menton et m’a forcée à le regarder dans les yeux. Il semblait triste et abattu.

— Ne pleure pas pour moi, Mac, je t’en supplie. Je n’en vaux pas la peine.

— Kyle…

Je cherchais mes mots quand j’ai senti ses lèvres sur les miennes. Son baiser n’était ni hésitant ni maladroit. Non, il était doux, chaud et si naturel que mes lèvres se sont entrouvertes. Je l’ai serré contre moi et j’ai senti ses mains sur ma nuque, puis sur mes épaules. Nous nous sommes retrouvés allongés sur le lit.

— Ça fait deux ans, a-t-il dit entre les baisers, deux ans que j’ai envie de ça.

— Mais tu ne m’as jamais rien dit…

— J’avais peur que tu n’aies peur et que tu ne me tournes le dos.

Aurais-je eu peur ? Peut-être. Moi qui passais mon temps à crier sur les toits qu’entre Kyle et moi c’était juste de l’amitié, il m’arrivait parfois, au moment de m’endormir, d’imaginer ses baisers. Sauf que les vrais étaient encore meilleurs.

— Eh bien tu vois…

Je m’attendais à ce qu’il m’embrasse encore, mais il s’est brusquement assombri.

— Kyle ?

— C’était une erreur, je n’aurais pas dû…, a-t-il dit en s’écartant, d’une voix à peine audible.

Je me suis redressée en serrant son oreiller contre moi.

— Mais pourquoi ?

— Pourquoi ? Je suis un monstre, Mac !

— Non.

— Quoi ? Tu as oublié ce qui s’est passé là-bas ?

— Tu m’as sauvé la vie.

— Ah oui ! Mais dis-moi ce qui s’est passé après ? Quand Jimmy t’a lâchée ? Juste avant que tu t’évanouisses ? Dis-le-moi ! Rappelle-toi !

— Arrête, Kyle…

Il m’a caressé la joue très doucement.

— Il faut que tu le comprennes, Mac ! Je ne suis plus celui d’avant, je suis un monstre maintenant !

— Tous ceux qui sont infectés ne sont pas…

— Ne sont pas des monstres, oui, je sais ! Seulement j’ai failli déchiqueter un homme, Mac. Et je l’aurais fait si… Ce n’est pas très humain, tout ça. De toute façon, peu importe, parce que je vais me livrer. Je vais aller au BESL.

Il s’est précipité hors de la chambre. Je l’ai entendu monter l’escalier, mais j’étais incapable de bouger, comme paralysée.

Il ronflait sur le canapé. Il était encore en jean, mais il avait posé son T-shirt sur la table basse. Les flashs de CNN passaient en boucle. J’ai pris la télécommande pour éteindre la télé ; au même moment, un reportage sur le sénateur Walsh commençait. Jason a bougé. Je l’ai regardé dormir. Il paraissait plus jeune. Son visage ne portait plus les marques du malaise qui le tenaillait depuis cinq mois. Toutes les filles du lycée Kennedy High auraient fait n’importe quoi pour avoir Jason Sheffield torse nu dans leur salon. J’aurais pu le prendre en photo et me faire de l’argent. Il y avait de quoi, car si Kyle était mince et athlétique comme un footballeur, Jason avait le corps sculpté par des années d’entraînement à domicile avec des coachs. Un corps de riche. Quand les filles s’ennuyaient en cours, elles fantasmaient toutes sur lui. Moi y compris. Mais c’était avec Amy qu’il était sorti.

Amy et moi, nous n’étions pas devenues copines d’emblée. Je savais qui elle était, comme tout le monde, pourtant nous ne nous parlions pas. Jusqu’au fameux jour où j’avais renversé sur sa chemise un mocha latte chez Starbucks. Elle n’avait rien dit ; sachant que sa chemise devait valoir plus que toute ma garde-robe, je lui avais payé une autre boisson, et là on s’était retrouvées à marcher en bavardant pendant des heures. Amy m’enviait parce que j’avais vécu dans tout un tas de villes et qu’elle n’avait qu’une idée : quitter Hemlock.

— Qu’est-ce que tu me veux à la fin ? a crié Jason.

— Oh ! rien ! Tu embrasses ma copine, tu la fais tomber, mais je ne te veux rien !

Je me suis relevée ; ils se fichaient totalement de moi.

— Ta copine ? Comme c’est mignon, a ricané Jason. Et tu vas l’emmener en boîte ? Fais gaffe, parce que les animaux n’y sont pas admis.

Kyle a eu l’air soulagé. Il m’a embrassée de nouveau. Dire qu’il avait failli mourir sans jamais entendre les trois mots que j’avais fini par lâcher, mais avait-il pu seulement les entendre puisqu’il était dans le coma ?

— Mac ? ça va ?

— Oui. J’ai quelque chose à te dire.

Il a pris mon visage entre ses mains, comme si j’étais un vase en porcelaine.

— Vas-y, je suis prêt à tout entendre.

Un nouveau baiser s’est déposé sur mes lèvres, puis un autre. Kyle me regardait comme si c’était moi qui avais failli mourir.

Un bruit s’est fait entendre de l’autre côté de la porte.

— Hum, a fait Serena en entrant. Je suis désolée de vous déranger, mais Henry veut venir examiner Kyle avant d’aller travailler.

Je me suis redressée en tirant sur mes vêtements. Inutile de jouer la comédie à Serena, elle avait compris ce que nous faisions, Kyle et moi.

— J’ai préféré venir vous prévenir, a-t-elle dit en souriant.

— Je ne veux pas que tu partes.

— Moi non plus, je ne veux pas, mais c’est mieux pour tout le monde. Ne me rends pas les choses encore plus difficiles.

— C’est pour ça que tu as dit que c’était une erreur ? Pour me rendre les choses plus difficiles, à moi ?

Il a mis ses mains dans ses poches et a reculé. J’ai avancé d’un pas.

— Kyle David Harper, ce que tu peux être bête, des fois ! Que tu m’aies embrassée ou non, c’est pareil. Si tu pars, quelque chose en moi va mourir.

Je me suis hissée jusqu’à lui et j’ai posé mes lèvres sur les siennes.