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[…] Hergé est à la fois rebelle et conformiste. De plus, il donne vie à son personnage grâce à un médium nouveau, la bande dessinée, dont il invente les codes et le langage de base. Si Tintin se rit du monde adulte, par ailleurs il s’engage sous sa bannière pour en faire triompher les valeurs. Pour toutes ces raisons, le jeune reporter devient rapidement un mythe. Comme il unifie dans sa personne deux aspects opposés de l’existence, l’enfance et l’âge adulte, c’est un mythe réconciliatoire. À ce mythe, je donne un nom, le surenfant. Sa fonction implicite est de ressouder entre deux générations une confiance brisée en 191813.
Afficher en entier3. À propos d’Hergé
La bibliographie sur Hergé, on la sait abondante mais inégale. La présente étude a tiré profit d’un certain nombre de travaux qu’il est utile, en guise d’hommage et comme pour annoncer la couleur, de rappeler brièvement. Les uns, sous la plume de Michel Serres, de Jean-Michel Adam ou de Pierre Fresnault-Deruelle8, constituent une série d’articles sur l’album le moins vendu mais le plus commenté de la série : Les Bijoux de la Castafiore. On les retrouvera à la fin de ce livre, qui revient à son tour sur cette fameuse histoire. Les autres, Les Métamorphoses de Tintin9 de Jean-Marie Apostolidès (auteur, depuis la première édition de ce livre, de plusieurs autres études qui ont renouvelé fondamentalement les études hergéennes10) et Les Bijoux ravis11 de Benoît Peeters (dont l’importance pour l’auteur et l’œuvre commentés dans ce livre ne sera jamais assez soulignée), sont deux ouvrages sans lesquels celui-ci sans doute n’existerait pas. Comme l’on y fera bien des renvois tout au long de ce livre, en rappeler les arguments respectifs n’est pas un luxe inutile.
Afficher en entier2. L’écrit et le texte
Dans les Aventures de Tintin, l’écrit fonctionne en effet de manière ambivalente. Son action se développe en deux directions antagonistes.
D’un côté, les informations verbales des albums explicitent l’être des personnages et contribuent à l’organisation du récit. Elles renforcent ainsi l’illusion réaliste que les albums d’Hergé sollicitent sans conteste et permettent dès lors d’étayer la lecture traditionnelle, qui voit dans l’univers de Tintin un équivalent imaginaire du monde réel. De l’autre, il se tisse entre les éléments linguistiques de la série des rapports dont la logique est autre que celle de la narration. Loin d’accréditer d’emblée une histoire fictive, ces relations ramènent le lecteur aux différents aspects de la matière, ici verbale, que les volumes travaillent. Ces rapports, on peut les appeler textuels, le texte étant, dans l’acception technique que lui donne Jean Ricardou, l’ensemble des liens qui concourent à rehausser les traits de la matière que la lecture réaliste tend à masquer6.
Afficher en entierIl arrive souvent que les recherches en bande dessinée valorisent, au détriment des unités verbales, la dimension purement visuelle des planches, comme si la présence d’un écrit était une tare du genre ou, pis, un obstacle à son épanouissement1. Longtemps, la critique sérieuse a multiplié les éloges à l’égard de la bande dessinée « purement » (ou presque purement) visuelle, ce qui a permis au moins de redécouvrir la tradition peu visible de la bande dessinée « muette2 » et de transformer certaines bandes dessinées très singulières comme
La Cage de Martin
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