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Liste des extraits

Quand ses doigts se serrèrent autour du pommeau de l'épée, elle ferma les yeux, pour mieux se représenter ce qu'elle devait faire. Il fallait soulever l'arme et la repousser ensuite violemment vers le bas pour la planter dans la gorge de l'ennemi. Elle n'aurait pas une deuxième chance.

Les mains moites, elle pria le Ciel de lui donner la force de ne pas hésiter et ouvrit les yeux d'un seul coup. Ce qu'elle vit alors lui glaça le sang.

On aurait cru qu'un chat sauvage la regardait dans le noir.

L'instant d'après, elle se sentit happée par une force irrésistible et jetée sans ménagement sur le sol, écrasée sous le poids du Highlander.

— Maudite folle ! souffla-t-il entre ses dents serrées. Vous est-il vraiment impossible de m'accorder une seule heure de repos ?

Merritt griffa et cracha comme un félin prisonnier, en pure perte : elle ne pouvait lutter contre la force incroyable du géant.

— Si j'avais pu accomplir ce que je projetais, croyez qu'il aurait été éternel, répliqua-t-elle.

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** Extrait offert par Ruth Langan **

Chapitre 1

— Pardonnez-moi, mon laird, s’excusa Mme MacCallum, la gouvernante accorte de Kinloch, la forteresse des Campbell, en entrant dans la grande salle. Un messager vient d’arriver d’Edimbourg.

L’homme qui la suivait portait sur lui les marques d’un long et pénible voyage. Sa cape trempée et crottée de boue attestait du mauvais temps qu’il devait avoir rencontré en traversant les forêts des Highlands.

Arrivé devant la table du maître des lieux, il présenta à ce dernier la missive qu’il portait.

— Veillez à ce que ce garçon soit nourri et changé, madame MacCallum, repartit Dillon Campbell en s’emparant du pli, et aussi qu’on lui donne un lit où dormir un peu.

— Oui, mon laird.

Quand le messager fut parti, le Highlander parcourut le parchemin d’un œil curieux avant de lancer à sa femme :

— Robert me demande à Edimbourg.

— Oh, Dillon ! s’exclama Leonora, abasourdie par cette nouvelle. N’as-tu pas déjà assez donné à ton roi ? N’as-tu point versé ton sang pour lui à Bannockburn ? La guerre est finie. Robert a tout ce qu’il désire désormais et tu as gagné le droit de vivre en paix, ce me semble.

Campbell regarda son épouse d’un œil amusé puis, se tournant vers son cousin, Clive, qui se tenait assis au bout de la longue table :

— Elle me défend toujours, non ?

— Auriez-vous le courage de répéter ce discours devant votre roi, milady ? demanda l’intéressé, sarcastique.

— Certes, je le ferais, s’il se trouvait parmi nous, répliqua Leonora. Mais il est si loin !

— Vous en aurez le loisir lorsque vous le verrez à Edimbourg, ma mie, s’esclaffa Dillon. Robert ordonne que vous vous joigniez à moi.

— Il ordonne… ? fit la jeune femme, interloquée, en battant des paupières.

— Il s’agit d’une requête, rassurez-vous, tempéra Dillon en lui prenant la main. Mais les désirs d’un roi ne sont-ils pas des ordres ? Du reste, il est normal qu’il veuille nous voir assister aux festivités qui célébreront l’indépendance de notre pays.

Lenora se détendit un peu. Ayant grandi à la cour d’Angleterre, elle ne trouvait rien d’effrayant à l’idée de se trouver en présence des gens les plus influents du royaume d’Ecosse ; mais, depuis son mariage avec Dillon, elle avait pris goût au rythme serein de la vie à Kinloch et renâclait un peu à l’idée de quitter ce havre de quiétude dans lequel elle se sentait aussi à l’aise que si elle y eût vu le jour.

La jeune sœur du laird des Campbell, Flame, en revanche, qui ne connaissait que ses Highlands, brûlait d’admirer les merveilles de la grande ville.

— Et moi ? s’insurgea-t-elle. Est-il prévu que je me joigne à vous ?

— Je ne pense pas que…

Dillon n’eut pas le temps de terminer sa phrase.

— Je crois, intervint Leonora, qu’il serait bon que Flame découvre enfin une autre vie que celle-ci.

— Ah bon ? Et qu’a-t-elle donc de si désagréable, cette vie-ci, qu’il faille en découvrir une autre ? s’étonna Dillon en désignant d’un grand geste les tapisseries qui couvraient les murs, les chandelles innombrables qui éclairaient la pièce comme en plein jour et toutes les petites touches de raffinement semées dans sa demeure par son épouse anglaise.

Du regard, il embrassa également les tables disposées autour de la sienne, et devant lesquelles se trouvaient de fiers Highlanders à qui d’accortes servantes servaient un repas aussi roboratif que rustique. Depuis la défaite des Anglais à Bannockburn, la vie dans les Highlands se faisait chaque jour plus plaisante et plus paisible. Dans la mesure où cela voulait dire quelque chose dans cette contrée où les clans ennemis se faisaient la guerre dès que l’occasion s’en présentait…

— Rien du tout, mon laird, répondit Leonora en plantant son regard dans celui de son époux, vraiment rien si monter à cheval et se battre à l’épée comme un homme constituent ce qui se fait de mieux pour l’éducation d’une jeune femme.

— C’est à vous, et non à moi, qu’il incombe de lui enseigner les choses dévolues à votre sexe, observa Dillon.

Croyant avoir clos la discussion, il jeta un regard à sa sœur, dont la prière muette le fit fondre instantanément, d’autant que sa femme lui caressait le dos de la main du bout du pouce, comme pour l’amadouer.

— Allons, fit-il en soupirant, tu nous accompagneras, puisque tu y tiens tant.

— Et Clive ? s’enquit Flame en désignant du menton son cousin aux cheveux de jais, qui venait d’arriver à Kinloch après la mort de son père, Thurman, et que son cœur toujours prompt à défendre l’orphelin poussait à inclure dans tous ses plans. N’est-il point invité lui aussi ? Après tout, Dillon, n’avez-vous pas loué vous-même sa vaillance à vos côtés ?

— C’est vrai, admit le Highlander. Veux-tu te joindre à nous, Clive ?

— Comme mon père, répondit le jeune homme en secouant la tête, je préfère la vie tranquille des Highlands aux festivités royales.

— Es-tu devenu fou pour refuser cette invitation ? se récria Flame. Ou bien aurais-tu été ensorcelé par une donzelle d’ici ?

Le jeune homme rougit jusqu’à la pointe des oreilles à ce trait. Dillon vint à son secours :

— Assez, Flame. Un peu de respect, que diable !

Il se tourna vers ses frères.

— Sutton, Shaw ! Suivez-moi. Nous avons beaucoup à nous dire avant mon départ.

Sutton donna un coup de coude dans les côtes de son frère jumeau, puis, d’une voix que la confiance acquise à l’entraînement faisait résonner de fiers accents :

— Ne crains rien, Dillon. Grâce aux prières de Shaw et à mon épée, ta demeure sera bien gardée en ton absence.

* * *

— Ah ! on peut dire que vous avez choisi le bon moment pour vous absenter, mon laird ! bougonna Walcott MacLennan, dont les sourcils broussailleux cachaient presque les yeux pétillants.

— Que t’arrive-t-il, mon ami ? s’enquit Dillon, intrigué, en montant en selle. Tu sais pourtant depuis des jours que nous devons nous rendre auprès du roi.

— Oui, comme la moitié du pays, semble-t-il, maugréa le vieux guerrier. A peine la nouvelle de votre départ s’est-elle répandue que les attaques ont repris.

— Des attaques ? répéta Dillon, soudain inquiet.

Devant eux, Leonora donnait ses dernières instructions à ses femmes de chambre embarquées dans les voitures qui formeraient le convoi, tandis que Flame, tout près de là, piaffait d’impatience, follement excitée à l’idée de connaître enfin de nouvelles aventures.

— Oui, mon laird, dit le vieil homme. Trois cavaliers sont arrivés ce matin, porteurs de mauvaises nouvelles. Il semble que des troupeaux aient été volés et quelques huttes réduites en cendres. Dieu merci, personne n’a été tué, mais d’après votre cousin Clive, les raids ont eu lieu sur le territoire des Campbell, et la nuit de surcroît, menés par des gueux qui n’ont pas même le courage de frapper à visage découvert. Certains clans ont promis une récompense de cent souverains d’or à quiconque permettra de les capturer.

— Est-ce vrai, Clive ? fit Dillon.

Le jeune homme hocha la tête.

— Où cela a-t-il eu lieu ?

— A Breadalbane, Cawdor et Loudon, répondit Walcott.

— Autrement dit, à moins d’une nuit de cheval d’Argyll, marmonna Dillon, qui connaissait la région mieux que personne.

— Exact. Et qui, dans ce comté, voue une rancune tenace aux Campbell ? demanda Clive.

Les deux hommes se regardèrent en silence, puis :

— Upton Lamont, laissa tomber Dillon.

— Encore exact, dit Clive. Qui mieux que lui pourrait mener de telles attaques ?

— Il doit être bien vieux, aujourd’hui, objecta le chef du clan Campbell.

A ces mots, Walcott redressa son dos courbé par les ans, ne fût-ce que pour prouver à son jeune laird qu’il pouvait encore tenir tête aux meilleurs.

— Pas tant que ça, corrigea-t-il. Upton doit avoir à peu près l’âge qu’aurait votre père, que Dieu le garde. Comme vous le savez, ces deux-là se haïssaient. On a fini par appeler Upton Lamont le hors-la-loi et je ne serais pas étonné d’apprendre qu’il compte sur votre absence pour se venger une fois pour toutes. Sans vous Kinloch sera vulnérable…

— Vulnérable ? s’indigna Sutton en s’avançant avec toute l’arrogance de sa jeunesse. Qu’il soit proclamé partout que Dillon a laissé entre mes mains la défense de notre clan jusqu’à son retour d’Edimbourg. Je mets au défi de venir m’affronter tous ceux qui pensent pouvoir me battre à l’épée, à l’arc ou à la lance.

— Toujours aussi modeste, Sutton, à ce que je vois, lui fit écho la voix de son jumeau.

Sutton se retourna vers son frère et le prit par le cou.

— C’est la vérité, Shaw. Mes prouesses sont fameuses.

— Je n’en doute pas, répondit l’autre en s’esclaffant. Mais desquelles parles-tu ? De celles qu’on te prête à l’épée ou bien auprès des filles ?

— Comme tu t’es voué à l’Eglise et que tu refuses obstinément de t’intéresser aussi bien à la première qu’aux secondes, il faut bien que je m’en occupe pour deux !

— Ainsi c’est là ce qui te pousse à briller, mon cher frère ? Tu penses être comptable des filles que je n’aurai pas et des lances que je ne briserai point ? Dois-je te rappeler que j’ai déjà passé la moitié de ma vie à prier pour essayer d’obtenir le salut de ton âme ?

— Ce qui explique que je dorme comme un bienheureux. Je puis me permettre de pécher autant que je veux, puisque tu seras toujours là pour gagner ma rédemption.

Ce dialogue amusait Dillon. Ses frères, si étonnamment semblables physiquement et si différents quant au reste, ne manquaient jamais de le distraire des soucis de sa charge. Sutton, émotif et plein d’impatience, avait la réputation à travers toute l’Ecosse d’être un guerrier impétueux et un coureur de jupons non moins fougueux, tandis que son frère, le doux et studieux Shaw, qui se destinait à la prêtrise depuis longtemps déjà, devait quitter dans l’année la vie facile de Kinloch pour retourner vivre au monastère de Saint Collum en compagnie des moines qui l’avaient recueilli, en même temps que Dillon, Sutton et Flame, après l’assassinat de leurs parents. Là, il prononcerait ses vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, avant d’entamer les études qui feraient de lui un théologien.

Dillon ne doutait pas un instant que ces deux géants, qui dépassaient d’une bonne tête les plus grands des Highlanders, sauraient résoudre tous les problèmes qu’ils rencontreraient en son absence.

— Je laisse mon peuple entre vos mains, mes frères, lança-t-il. Sutton, tu iras rendre visite à Upton Lamont et demanderas à ce vieux brigand s’il retient dans ses étables quelques moutons volés aux nôtres. Si c’est le cas, je compte sur toi pour que justice soit faite et que ces bêtes soient rendues à leurs propriétaires.

— Voilà une tâche dont je m’acquitterai avec plaisir, répondit le colosse.

— Tu veilleras cependant, ajouta Dillon, inquiet de voir dans l’œil de son frère une lueur mauvaise, à faire preuve d’équité. Lamont a l’âge que notre père aurait aujourd’hui et il ne saurait bien évidemment tenir tête à un gaillard comme toi. Quant à toi, Shaw, je t’enjoins de prier sans relâche pour que le Ciel nous octroie un retour sans encombre.

— C’est promis, dit Shaw. Et je prierai aussi pour le salut des filles qui vivent entre ici et les terres de Lamont, car je parie que mon frère ne manquera pas d’essayer d’en séduire autant qu’il pourra.

— Et moi ? fit Clive. Dois-je accompagner Sutton jusque chez Upton ou bien ne fais-tu confiance qu’à tes frères pour te remplacer ?

— Mon cousin, répondit Dillon, si Flame dit vrai, il est certaine donzelle qui te dérange l’esprit ces derniers temps. En te libérant de tes obligations, je te permets de la poursuivre aussi assidûment qu’il te semblera bon.

— Et de prier pour qu’elle ne croise pas la route de Sutton, renchérit Shaw en prenant Clive par le cou en un geste amical.

Pendant un instant très bref, les yeux de Clive lancèrent des éclairs, mais il se calma bientôt et le futur religieux le serra contre lui.

— Je plaisantais, mon cousin. Sutton a bien des défauts, mais c’est un homme d’honneur et jamais il ne toucherait à la femme d’un autre. N’est-il pas vrai, mon cher frère ?

— Assurément. J’ai bien assez de travail avec les miennes pour me risquer à prendre celle de mes semblables.

Dans un grand éclat de rire, Dillon donna le signal du départ et, soulevant un nuage de poussière, les deux colonnes s’ébranlèrent, à la suite d’un porte-étendard chargé d’annoncer à quiconque croiserait le convoi que celui-ci se trouvait placé sous la protection du clan Campbell. Les femmes des soldats et les cantinières suivaient à pied, comme de juste, précédant les chariots chargés de provisions de toute sorte. Dillon fermait la marche, flanqué d’une demi-douzaine de ses meilleurs hommes, et de Walcott MacLennan.

Lorsque le convoi disparut à leur vue, Sutton se tourna vers Shaw, un sourire extatique sur les lèvres :

— Nous voici maîtres de Kinloch, petit frère !

Un écuyer qui approchait, tenant la bride du cheval de Clive, lui fit lever les yeux.

— Comment, tu pars si tôt, mon cousin ? s’étonna-t-il, puis, se tournant vers Shaw : C’est bien ce que je disais, il ne peut se retenir un instant de courir retrouver les bras de cette femme.

Clive ne fit aucun commentaire. A peine en selle, il fit faire volte-face à sa monture et fila sans un mot en saluant les deux jeunes gens.

— Allons, viens, dit Sutton à son frère en le prenant par l’épaule. Je vais demander à Mme MacCallum de cuire quelques tartes, et quand je me serai restauré, je me mettrai en chemin pour aller faire rendre gorge à ce bandit de Lamont et à sa bande de coupe-jarrets.

— Seul ?

Sutton opina gravement.

— Oui. Ce serait manquer à l’honneur que de dégarnir la forteresse en l’absence de Dillon ; et puis mon épée suffira pour leur apprendre le respect dû aux Campbell !

* * *

Il pleuvait depuis l’aube, la bruine du matin s’étant au fil des heures transformée en une pluie battante. Tremblant de froid sous sa cape détrempée, Sutton mit pied à terre et attacha son cheval à un arbre, puis grimpa jusqu’au sommet d’une colline surplombant le repaire des Lamont. Inverene, un manoir imposant à l’architecture rustique flanqué d’une chapelle de granit gris, émergeait à peine de la brume épaisse, mais on distinguait clairement les défenses naturelles qui en gardaient l’accès, rendant toute attaque surprise impossible : l’arrière des bâtiments se dressait au bord de hautes falaises à la couverture de sapins si dense qu’on ne pouvait songer à la franchir, tandis qu’un lac aux eaux noires en défendait l’avant.

Depuis son poste d’observation, Sutton voyait à peine ce qui se passait au-delà de la muraille de bois, mais il imaginait que, comme à Kinloch à pareille heure, le laird et les siens devaient dîner dans la grande salle, entourés de leurs domestiques. La similitude s’arrêtait là cependant, car les étables devaient regorger du bétail volé aux pauvres paysans des autres clans. Si Upton Lamont en chapardait à moitié autant qu’on le disait, il devait être à la tête d’un troupeau important.

Sutton jura entre ses dents. Il aurait aimé pouvoir se réchauffer devant un bon feu ; il dut se contenter de trouver abri sous un gros rocher pour y dévorer la dernière des tartes préparées par Mme MacCallum, après quoi il se rencogna dans l’anfractuosité de la roche et attendit.

La nuit semblait propice aux voleurs, songea-t-il en levant les yeux vers le ciel. Les nuages cachaient la lune, la pluie étoufferait le pas des mules, et après une journée à trimer sous la pluie, les paysans dormiraient sans doute d’un sommeil de brutes.

Oui, décidément, ce serait une bonne nuit pour les voleurs de bétail. Et une meilleure encore pour les attraper.

* * *

— Bonne nuit, père.

La jeune femme aux cheveux sombres souleva sa bougie et embrassa tendrement la joue, couverte d’une barbe drue, de son père.

— Bonne nuit, Sabina, répondit ce dernier du fond de son lit.

Une silhouette se détacha de la cheminée où ronflait un bon feu et lança :

— J’ai rajouté une grosse bûche, père. Elle devrait tenir jusqu’au matin.

— Merci, Merritt, souffla le vieil homme à sa cadette comme celle-ci venait aussi l’embrasser et lui souhaiter une bonne nuit.

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** Extrait offert par Ruth Langan **

Prologue

Ecosse, 1290

La lande écossaise résonnait du fracas des armes et du cri des hommes tombant face contre terre pour y jeter leur dernier souffle. Les paysans des Highlands se battaient avec l’énergie du désespoir, refusant d’admettre la défaite bien qu’ils aient déjà perdu la moitié des leurs.

Déterminé à obtenir une victoire rapide et totale, le chef des assaillants donna l’ordre à ses troupes d’encercler ce qu’il restait d’ennemis.

Trois des Highlanders dépassaient leurs congénères d’une bonne tête. Leurs mèches blondes rappelaient leurs ancêtres Vikings, de même que leur refus de se rendre contre un adversaire largement supérieur en nombre. Ils préféraient mourir, sans doute, plutôt que de s’avouer vaincus, et s’excitaient mutuellement à chaque coup d’épée :

— Tiens bon, Modric !

— Toi aussi, Upton ! Surveille Thurman.

— Inutile, je prendrai soin de moi-même. Garde-toi sur l’arrière !

Un long moment, le chef de leurs adversaires les observa en plissant les yeux, tâchant de deviner qui des trois hommes pouvait être celui auquel les deux autres obéiraient ; puis, avec une étonnante rapidité, il leva son épée vers le cou de celui que ses compagnons appelaient Modric et cria à ces derniers de jeter leurs armes.

— Non ! hurla le Highlander. Battez-vous, mes amis ! Que je meure si nous nous rendons !

Atterré, Modric constata que ses exhortations demeuraient lettre morte : à contrecœur, ses compagnons obtempéraient, jetant leurs armes aux pieds de leur vainqueur pour épargner sa vie.

Ce dernier se tourna alors vers les bois où se terraient les femmes et les enfants et leur ordonna d’en sortir s’ils ne voulaient pas que leurs époux et pères soient passés au fil de l’épée.

D’un pas hésitant, les malheureux parurent, conscients du sort affreux qui les attendait. Les femmes seraient violées jusqu’à ce que leurs bourreaux se lassent d’elles et les tuent ; quant aux enfants, ils seraient emmenés loin d’ici pour servir d’esclaves à ces barbares.

Une beauté aux cheveux bruns émergea de la forêt, visiblement près d’accoucher, soutenue par un garçon d’à peine six ans qui peinait sous l’effort. Soudain, elle poussa un cri de bête blessée et s’effondra sur l’herbe drue de la lande.

En entendant la plainte de sa femme, Modric comprit la situation en un éclair et serra la main autour du manche de la dague qu’il tenait cachée sous sa ceinture. Cela ne suffirait sans doute pas pour tenir tête aux épées de l’ennemi ; il ferait malgré tout ce qu’il devait faire. Avec un cri furieux, il se rua sur son adversaire, sous le regard médusé et impuissant de ses compagnons.

Tandis que résonnaient les hurlements des deux combattants, la femme allongée sur la lande sentait l’herbe sous elle se tacher de son sang. Son jeune fils lui serrait la main désespérément, le visage ravagé par l’angoisse et la peur.

N’écoutant que son courage, l’une de ses commères se détacha du groupe des prisonnières terrifiées pour lui venir en aide.

— Ce petit vient trop tôt, gémit la mère en voyant approcher la sage-femme.

— Non, Cerese, répliqua celle-ci. Les dieux savent ce qu’ils font.

Tirant de sous sa robe un petit rouleau de tissu bien serré, elle le tendit au garçonnet avec ces mots :

— Tiens, Dillon. Mets ça entre les dents de ta mère. Cerese, mords-le aussi fort que tu peux.

Le garçon obéit sans protester ni pour autant quitter des yeux le combat fascinant qui opposait son père au chef des envahisseurs.

Le bruit des armes fut soudain noyé sous la plainte rauque que poussa la jeune femme aux cheveux bruns au moment où elle sentit passer entre ses jambes ensanglantées le petit corps gluant et chaud de son nouveau-né.

En arrivant au monde, celui-ci eut un cri vigoureux, dont l’écho incongru surprit tous ceux qui assistaient à la scène. La sage-femme le prit dans ses bras et, le soulevant au-dessus de sa tête :

— C’est un garçon, Cerese ! s’exclama-t-elle. Entends-tu comme il hurle ? En voici un qui n’a peur de rien, malgré sa taille. Il est petit, mais bien formé… mais… qu’as-tu ?

Le visage grimaçant de la parturiente inquiétait l’accoucheuse.

— Je ne sais… c’est… différent de la première fois, pour Dillon… Il se passe quelque chose…

— Quelque chose ? répéta la matrone en se penchant vers la jeune accouchée au moment même où un second enfant sortait du ventre de celle-ci.

— Des jumeaux ! s’écria la sage-femme en se redressant d’un coup pour reculer, horrifiée. Absolument identiques. C’est une malédiction ! Il faut fuir ! Nous sommes maudits !

Les paysans s’égaillèrent dans un désordre indescriptible, hurlant comme s’ils venaient de voir le diable en personne. Tous coyaient que la naissance de jumeaux était l’œuvre des puissances du Mal.

Les envahisseurs eux aussi tremblaient de terreur, de sorte que leur chef fut distrait un instant de les voir en proie à la panique. Il n’en fallut pas plus à Modric pour lui plonger son couteau en plein cœur.

Voyant le plus vaillant d’entre eux s’abattre sur l’herbe tachée de son sang, les assaillants s’enfuirent comme un seul homme, sautant sur leurs chevaux sans regarder derrière eux avant de disparaître dans la forêt profonde.

Un silence sinistre retomba sur la lande. Un long moment, nul n’osa faire un bruit ni dire une parole. Et encore moins s’inquiéter du sort de la jeune mère ou de Modric, car tous les savaient maudits.

Perdant son sang mais encore debout, le Highlander s’approcha de son épouse et lui prit les mains, se penchant sur elle pour l’embrasser tendrement.

— Si je le pouvais, ma mie, souffla-t-il, je prendrais sur moi la douleur qui vous torture.

— Rassurez-vous, Modric, répondit Cerese en lui caressant la joue. Je ne souffre plus et mon cœur se gonfle de joie à l’idée que nous avons deux fils !

Le père jeta un regard attendri aux nouveau-nés qui vagissaient dans l’herbe et appela son aîné :

— Dillon ! Viens saluer tes frères ! Nous les appellerons Sutton et Shaw.

Le gamin considéra avec curiosité les deux petits êtres au corps rouge et fripé que son père venait de prendre contre lui et sourit lorsqu’il les entendit vagir de concert.

— Ne voyez-vous pas, Cerese, dit Modric, que vous m’avez donné bien plus que ces garçons magnifiques ? Leur naissance étrange nous a délivrés de ceux qui s’apprêtaient à nous occire. C’est à eux que nous devons d’être encore en vie.

— C’est vrai ! approuva quelqu’un derrière lui. Avez-vous vu comment ces diables ont pris leurs jambes à leur cou en voyant naître ces deux-là ?

Un frisson parcourut la petite foule rassemblée autour du chef et de sa femme et bientôt une clameur s’éleva, comme si tous, soudain, réalisaient qu’ils venaient d’échapper à une mort certaine.

— C’est un vrai miracle ! cria un homme. Les dieux sont clairement intervenus en notre faveur, et t’ont désigné, toi, Modric, comme notre nouveau chef !

Les deux compagnons de ce dernier, qui se remettaient à peine de leur furieuse lutte contre les envahisseurs, semblèrent comme frappés par la foudre. Comment les dieux pouvaient-ils avoir permis que le laird du clan Campbell soit ainsi désigné par le sort ? N’avaient-ils pas combattu vaillamment eux aussi, et risqué leur vie pour défendre tous ces gens ? Etait-ce là le salaire de leur loyauté et de leur courage ? Allaient-ils devoir désormais faire allégeance à Modric et se soumettre à sa volonté ?

Malgré les liens d’amitié qui les liaient depuis longtemps au père des jumeaux, le poison de la jalousie infectait déjà le cœur d’Upton et Thurman.

Inconscient du drame qui se jouait, Modric prit un enfant sur chaque bras et se tourna vers la petite foule des paysans qui s’avançaient vers lui, oubliant déjà leur peur.

— Jusqu’à aujourd’hui, je n’aspirais qu’à cultiver paisiblement ma terre, déclara-t-il, mais pour mes fils, j’accepte le rôle de chef dont vous m’honorez et mettrai désormais mes armes au service du bien commun. Je prie le Ciel de m’aider à devenir un bon laird, mais entendez-moi bien : un jour viendra où les fils de Modric, Dillon, Shaw et Sutton, seront acclamés par tout notre peuple comme des chefs respectés.

A ces mots, le sang d’Upton ne fit qu’un tour.

— Je ne puis jurer de t’être loyal, Modric, car si je n’ai encore ni épouse ni descendance, mes fils seront un jour aussi forts que les tiens, et également capables de conduire notre peuple. Je ne veux pas qu’ils aient à courber l’échine devant quiconque.

— Courber l’échine ? Je ne demande en rien une telle indignité. Je désire seulement que tu te tiennes à mes côtés, en ami fidèle. Les dieux m’ont choisi…

— Non ! Ce sont ces gens qui l’ont fait, et non les dieux, répliqua l’autre.

— Et toi, Thurman, qu’en dis-tu ? s’enquit Modric. Vas-tu toi aussi te retourner contre moi ?

L’intéressé semblait n’avoir pas encore fait son choix. Il savait, comme chacun ici, que n’avoir point d’amis constituait un désavantage notoire dans ces Highlands infestés de maraudeurs sans pitié, et qu’on avait peu de chances de leur échapper sans l’appui d’alliés fidèles. Du coin de l’œil, il regarda une jeune femme aux cheveux noirs qui se tenait non loin de là. Ce qu’il lut dans ses yeux l’incita à ravaler sa fierté et à prendre une décision rapide. La fille n’était pas sienne encore, et l’on disait même que son cœur penchait pour un autre que lui ; or, les paroles qu’il allait prononcer pourraient la faire changer d’avis en sa faveur.

— Je resterai à tes côtés, mon cousin, proclama-t-il en venant prendre place près de Modric, sous les applaudissements de la foule, ce qui sembla produire l’effet escompté car la belle s’approcha de lui aussitôt.

Le Highlander frappa l’épaule de Thurman avec vigueur, mais une tristesse infinie voilait son regard. Upton, son ami de toujours, tremblait de colère.

— Modric Campbell, dit ce dernier en reculant vers son cheval, moi Upton Lamont, je jure que tes fils maudiront un jour la décision que tu viens de prendre, car ils affronteront les miens les armes à la main et, par le ciel, ce sont ceux-là qui sortiront victorieux de ce combat.

Là-dessus, après avoir jeté un dernier regard à la femme aux cheveux noirs qui se tenait à la droite de Thurman, les yeux baissés, il donna du talon contre le flanc de son destrier qui bondit en avant pour s’engouffrer dans la forêt.

* * *

Modric, du clan Campbell, devint un chef respecté et aimé de son peuple, et lorsqu’il donna sa vie pour celui-ci, ses fils jurèrent de suivre son exemple.

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