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...toujours disposée à imaginer, depuis mes années de pension, que ma présence est tolérée plutôt que souhaitée, toujours prête à fuir avant que l'on ne risque de m'y inviter, difficile, oui difficile à aimer et à retenir comme à aider.
Afficher en entierIl y a deux stades dans la compréhension. Au premier, on se dit: " Bon, j'ai compris", mais on demeure incapable de formuler à son tour ce que l'on vient de lire ou d'entendre. C'est seulement au second stade que l'on y parvient, d'une façon non mécanique. Alors seulement, on a vraiment compris.
Afficher en entierMais un homme, mon mari, m'avait enseigné que l'art de gouverner sa vie se résume en quelques mots: "savoir ce que l'on veut." Rien de plus malaisé. Il y a ce que l'on croit vouloir-en ce qui me concerne à l'époque, préserver ce que j'avais de beauté, vivre femme et rien que femme, goûter aux innocents plaisirs dont j'avais été, jusque-là, frustrée... Et il y a l'inaccessible: être à la fois jeune et sage, vieillissante et désirable, engagée dans l'action et vacante, libre de tous biens matériels et en mesure de dépenser sans trop réfléchir, respectée et non respectable, seule et non isolée, maternelle et créatrice (chacun peut poursuivre la liste pour son compte)-et il faut parvenir à distinguer l'inaccessible du très difficilement accessible, pour y viser tout de même. Il y a les périodes où la volonté de vivre s'éteint, et où l'on ne veut rien, rien.
Contre ce que l'on croit vouloir, tout l'être inconscient lutte sournoisement. On devient alors champ de bataille et, quand les contradictions sont trop fortes, névrosé.
Afficher en entierEt puis, cette façon, qui n'est pas réservée aux femmes mais que la plupart d'entre elles développent, de ne pouvoir soutenir une conversation qu'en dépeçant, fût-ce avec bienveillance et pertinence, les événements de la vie des autres et leur comportement face à ces événements; cette façon que nous avons tous de supporter les malheurs d'autrui, de résoudre avec clairvoyance tous les problèmes, d'élever à merveille tous les enfants, de meubler avec goût tous les appartements, de gérer avec sagesse tous les budgets, de gouverner avec maîtrise toutes les passions, à une seule condition: que ce ne soient pas les nôtres, cette façon, si je ne puis y échapper totalement, je veux du moins essayer.
Afficher en entierJe dois à ce mort la mise à l'épreuve d'un principe: celui au nom duquel la destruction physique d'un être humain ne m'apparaît tolérable de sang-froid qu'au moment suprême où, si je ne tire pas, c'est lui qui tirera.
Afficher en entierSi je traitais mes ennemis d'hier comme ils auraient voulu me traiter, je réduisais notre conflit à une bataille d'animaux sauvages où le plus fort gagne et mange l'autre.
Afficher en entierEn même temps, je savais des choses bizarres. La différence entre un Lafuma et un grand papier, et qu'il ne fallait pas classer Les Oiseaux parmi les ouvrages sur la vie des animaux... Cela dit, je ne savais rien et le peu de connaissances que j'ai acquis - me composant une culture (si j'ose employer ce terme) hétéroclite, baroque et si riche en lacunes que, décidément, je retire le mot culture -, c'est au stock de la librairie Lacroix que je le dois. J'ai lu tous les livres que ses rayons portaient. (pages 74/75)
Afficher en entierJe viens d'être affrontée au Mal ; je n'ai pas encore saisi l'existence de cette chose qui s'appelle la société. Grandir, c'est découvrir que son clan, ses habitudes d'hygiène, d'habitation, ses parents, ses vêtements, son langage, son quartier, sont propres à un groupe d'individus - disons à un milieu - et que personne n'est comme tout le monde.
Le jour où un adolescent s'aperçoit qu'il est marqué, que les autres le voient avec une étiquette au front - sa classe, sa religion, éventuellement sa race, le métier de son père, son vocabulaire - et que tout le monde ne porte pas la même étiquette, il prend acte de l'existence de la société et de la place où il s'inscrit dans cette société.
C'est son premier geste politique, et parfois le dernier. Geste passif.Il ne choisit pas, il apprend qu'il a été choisi, et dans la géographie de la société, il repère sommairement sa position, ses amis, ses adversaires. page 59
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