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J'ai beaucoup vu mourir. Il y a une définition assez célèbre de la vie: "C'est l'ensemble des forces qui résistent à la mort." Ma définition à moi serait plutôt l'inverse: la vie, c'est ce qui meurt. La vie et la mort sont unies si étroitement qu'elles n'ont de sens que l'une par l'autre.
Afficher en entierJe dis que tout meurt et disparaît. Et que quelque chose, pourtant, subsiste, chez ceux qui restent, de ce qui a disparu. Que quelque chose, pourtant, subsiste, chez les vivants, de ce qui a vécu. C'est ce que nous appelons le souvenir. La mort n'est pas la fin de tout puisqu'il y a le souvenir. Les hommes rêvent de fantômes, de revenants, de forces spirituelles et mystérieuses, dont on ne sait presque rien, dont on attend presque tout. Le premier des fantômes, le premier des revenants, la plus formidable de toutes les forces spirituelles, vous le savez bien, c'est le souvenir.
Afficher en entierLes plus ignares d'aujourd'hui en savent plus sur l'univers que les plus savants d'autrefois.
Afficher en entierMoi, je marche sans fin et les yeux dans le vide. Je ne marche jamais vers rien, je m'éloigne plutôt de quelque chose. Et de quoi est-ce que je m'éloigne, toujours en vain, naturellement ?
Je m'éloigne de moi-même et de ce que je n'ai pas fait. Mon domaine est l'espace, un espace sans frontières, mon domaine est le temps, et un temps sans limites. J'ignore tout de l'espoir, je marche et je n'avance pas. J'ai remplacé la politique par la géométrie, les attachements de la tendresse ou de la fidélité par toutes les abstractions de la métaphysique, l'ambition et la crainte par la fatalité. Je crains qu'elles ne soient désincarnées.
Afficher en entierAu-delà de ces changements circulaires et répétés, l'amour, la conversion, la maladie, le chagrin, l'âge parfois, tout simplement, imposent des modifications brutales et souvent radicales. Que reste-t'il en nous de l'enfant que nous étions ? Sommes-nous tout à fait sûrs d'être les mêmes qu'i y a vingt ans ? Bien au-delà de l'alternance de nos faces manifestes et de nos faces cachées, on finit par se demander si ce ne sont pas des existences successives et en vérité différentes qui constituent notre vie.
Afficher en entierPendant quelques millénaires, entre le feu et l'ordinateur, entre la découverte de l'agriculture et le règne de l'informatique, le livre, sous ses différentes formes, a été au coeur de l'histoire: rien de grand ne s'est fait sans lui. Livres sacrés et profanes, épopées et poèmes, voyages, tragédies, comédies, livres de comptes et de piété et, bien plus tard, romans, nouvelles, vaudevilles, journaux _ le monde avance parce qu'il s'écrit.
Afficher en entier"— Quelqu'un disait que le seul problème philosophique sérieux, c'est le suicide. Alors, moi, vous comprenez... J'en vois pourtant deux ou trois autres. Le mal, évidemment. Pourquoi les enfants meurent-ils quand moi, qui le voudrais tant, je n'ai pas le droit de m'en aller ? Pourquoi pleurer ? Pourquoi souffrir ? Et encore la question la plus simple de toutes : que faisons nous donc là ? Pourquoi suis-je ici à parler ? Pourquoi êtes vous là à m'écouter ? Ou, de façon plus générale : pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien ? Rien n'est plus satisfaisant pour l'esprit que le rien. Au lieu de la complication et du désordre des sentiments et des choses, le rien a la grandeur et la simplicité du tout. Une sphère, un cercle, une ligne, un point sont l'image de la perfection parce qu'ils sont ce qu'il y a, dans l'être, de plus proche du néant. Le désordre guette toute chose, toute pensée, tout mouvement de l'âme ou des corps. Il n'y d'ordre que dans le néant.
[...]
Quand, avant le big bang et tous ces trucs à la noix, il n'y avait que le rien, le rien était le tout. Dieu était le tout. Il n'était rien."
P.379
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