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Il devait être environ sept heures et demie. Un ciel clair. Une belle matinée de l'été finissant. Un léger vent de nord-ouest emportait un parfum de bruyère et de montagne, depuis le Montana. Joseph Peterson pouvait apprécier toutes ces choses, il avait appris à donner de l'estime à l'odeur d'un cheval, au goût du pain, au rire de sa petite sœur, aux premières neiges du mois de novembre.
Afficher en entierJoseph ne faiblissait pas dans son projet. Il était en route et continuerait de marcher. Mais il rencontrait des rafales de vent qui en auraient ébranlé de plus solides que lui, qui en auraient fait renoncer plus d'un. Ces rafales, étrangement, ne venaient de nulle part ni de personne, sinon d'un fond noirâtre campé au fond de lui-même.
Afficher en entierNous possédons de la lumière dans l'âme et de la poussière dans les tripes.
Il arrivait à Joseph parfois qu'un vent soulevât la poussière jusqu'à la porter devant le soleil de son âme.
Afficher en entierUn sentiment de confort l'envahit car il avait mangé, car il avait pété, car il possédait assez d'argent pour payer à Pearl Whitehope la quantité considérable de soixante-quatre hot-dogs et trente-deux sodas, en gare de Minneapolis, dans l'hypothèse où la jeune fille aurait un bel appétit.
Afficher en entierElle avait cette façon étrange d'écouter Joseph : avec une distance qui ressemblait à du détachement, mais qui en était le contraire. Elle se tenait légèrement à l'écart, au très juste écart du récit, pour mieux le considérer. Elle paraissait réfléchir à des choses lointaines qui la rapprochaient beaucoup (...).
Afficher en entierIl avait dans le torse une chaleur, cette impression que l’on éprouve quand on est jeune et que l’on avale une gorgée de whisky dans le verre de son père. Il accéléra. Le ciel, devant lui, était limpide et bleu. Le soleil se rapprochait de la cime des montagnes, les forêts s’étalaient, d’un vert puissant. L’univers semblait s’être agrandi. Pour un peu, on aurait pu en entendre les craquements.
Afficher en entierIl filait, il se fabriquait du vent à lui-même. Comme s’il cherchait, sans y penser, à se nettoyer de quelque chose. Mais de quoi ? Son cœur était lourd de brouillard et d’eaux. Des étincelles d’écume lui jaillissaient des yeux et, pareil aux animaux, il obéissait à l’impulsion de la survie en allant vers ce qui lui était sûr, vers ce qui lui était bon. Vers le refuge, la guérison, la propreté.
Afficher en entierHope. Comme si le destin venait de lui dire :
Tout se tient, Joseph, tout est relié. Entends les signes qui te sont envoyés. Marche, garçon, ta route est bonne.
Afficher en entierUn communiste solitaire, c'est un comble, non ? Un collectiviste isolé qui lit la presse capitaliste, tout seul, dans son divan, les pieds dans ses pantoufles...
Il rit de nouveau, apparemment de bon cœur, mais Joseph tout de même sentit un fond de tristesse dans les paroles de ce vieux monsieur, et il ne trouva rien à répondre.
Afficher en entierExiste-t-il des adultes à qui l'on peut dire "Voilà, je sais bien que ça ne ressemble à rien, c'est même pas certain que j'arriverais à le raconter", et qui vous répondent : "Dis toujours, mon garçon" ? Et qui, après, quand on a raconté l'histoire comme on a pu, en reprenant certains mots pour les changer par d'autres, car ils ne convenaient pas, et qu'on a eu le sentiment de trébucher dans chaque phrase et de servir une sombre bouillie, finissent par vous dire "Je te comprends, mon garçon" : de tels adultes existent-ils ?
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