Extraits

Dix ans que Louis attend cela. À force de bouillonner, il piaffe et grince d’impatience à chaque mot, à chaque geste. Mes caresses font tout pour l’adoucir et tempérer son impatience. Je préfère exacerber ses sens qu’irriter ses nerfs.

Peu importent la posture, l’éclairage ou l’angle. Peu importent mes formes, auxquelles les siestes et l’oisiveté ont rendu leur rondeur. Je n’ouvre pas les yeux. Puisqu’il me veut maintenant, arrachée au sommeil, il me prendra indolente, sans plus d’entrain que ce mol abandon. Ses mains se posent où le soleil a déjà chauffé ma peau en la parant d’un éclat soyeux.

J’aime qu’il fasse des tentatives, qu’il réécrive nos règles, qu’il les transgresse, qu’il m’aime imprévisible. Le bonbon de chair enfle et frémit. Il est gourmand. Il en veut plus.

Ainsi, j’avais découvert le plaisir de faire l’amour devant d’autres yeux, à proximité d’autres corps, à l’unisson d’autres sexes, qui venaient puiser eux aussi dans ce grand creuset le carburant nécessaire à leur propre félicité. D’amants insatiables, nous étions devenus des libertins friands d’un voyeurisme sans tabous mais sans perversion.

Une union reposant sur des sentiments infiniment plus profonds, que le temps et la proximité avaient fait éclore et qui ne se bornaient plus à l’accomplissement de mes rêves d’enfant. En dépit de son aisance matérielle, de son pouvoir de séduction, des mille qualités nouvelles que je lui avais trouvées au cours de nos longues après-midi alanguies, Louis n’avait rien d’un homme idéal.

C’était une chose d’appliquer ces préceptes dans notre chambre, bonbonnière pleine à ras bord de nos menus plaisirs, mais c’en était une autre quand il s’agissait d’engager nos vies. Et de le clamer à la face du monde.

La bonne graine, sur la bonne terre, avec le bon arrosage et l’ensoleillement idéal, produisait la plus belle fleur de plaisir.

La bonne graine, sur la bonne terre, avec le bon arrosage et l’ensoleillement idéal, produisait la plus belle fleur de plaisir.

Pour lutter contre l’apathie et les effluves de sommeil qui flottaient dans l’air, j’avais imaginé quelques innovations au programme : toutes les positions que nous adoptions portaient des noms de fleur ou en revêtaient l’apparence. Ainsi, nous enchaînâmes sans transition ou presque des postures aussi évocatrices que le lotus, le bouton de rose, l’orchidée ou encore la liane, cette dernière nous voulant étendus de tout notre long, l’un contre l’autre, nos jambes et nos bras emmêlés inextricablement.

Certaines plantes ne donnent pas que des fleurs. Mais aussi des pousses stériles, voire des épines.